Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1591-04

2005 CF 1397

Dominion Investments (Nassau) Ltd. et Martin Tremblay (Président de Dominion Investments (Nassau) Ltd.) (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine, chef du Canada (défenderesse)

Répertorié : Dominion Investments (Nassau) Ltd. c. Canada (C.F.)

Cour fédérale, juge Gauthier--Montréal, 19 mai; Ottawa, 13 octobre 2005.

Pratique -- Suspension d'instance -- Appel de la décision d'un protonotaire de suspendre l'action des demandeurs contre la défenderesse jusqu'à la conclusion d'une enquête policière -- La défenderesse a invoqué l'art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada (opposition à la divulgation pour des raisons d'intérêt public) pour empêcher la divulgation d'un affidavit déposé à l'appui de la requête en suspension -- Le protonotaire s'est trompé lorsqu'il a étudié la question sérieuse proposée par la défenderesse (à savoir si la défenderesse était en mesure de faire valoir une défense pleine et entière sans divulguer les renseignements dont faisait état l'affidavit), puisqu'elle impliquait une analyse de l'application possible de l'art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada mais au niveau de l'action, et non pas de la requête en suspension -- La défenderesse n'a pas établi qu'elle subirait un préjudice irréparable si l'action n'était pas suspendue -- Il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à la Cour de balancer les divers intérêts en jeu -- Appel accueilli.

Preuve -- Le dossier de requête de la défenderesse visant à obtenir la suspension de l'action des demandeurs comprenait un certificat en vertu de l'art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada qui mentionnait que la divulgation de l'information contenue dans l'affidavit déposé à l'appui de la requête causerait un préjudice à l'intérêt public -- Une telle utilisation de l'art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada est proactive plutôt que réactive -- Il n'était pas de l'intention du législateur que l'art. 37 soit utilisé d'une manière proactive pour empêcher la divulgation d'une preuve produite volontairement -- L'art. 37 ne permet une opposition que dans un contexte réactif seulement -- Une ordonnance de non-divulgation quant à l'affidavit n'était pas disponible en l'espèce -- Quoi qu'il en soit, le protonotaire n'avait pas pris en compte les bons principes d'intérêt public militant en faveur de la divulgation et il avait confondu les éléments pertinents à l'analyse de la requête en suspension et ceux pertinents à une ordonnance en vertu de l'art. 37.

Interprétation des lois -- Art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada -- Si le législateur avait l'intention de permettre que soit utilisé l'art. 37 pour empêcher la divulgation d'une preuve produite volontairement, il aurait référé au pouvoir de contraindre à la divulgation plutôt qu'à la production -- L'interprétation téléologique de l'art. 37 respecte le plus les principes fondamentaux de notre droit en permettant une opposition dans un contexte réactif seulement, à savoir dans le cadre d'une opposition à la production des renseignements auprès d'un tribunal, d'un organisme ou d'une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production.

Il s'agissait d'un appel de la décision d'un protonotaire qui avait accueilli la requête de la défenderesse en suspension de l'action des demandeurs visant à obtenir une injonction contre la GRC et des dommages-intérêts contre la Couronne jusqu'à la conclusion d'une enquête policière. Dans son dossier de requête, la défenderesse avait inclus un certificat en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada qui mentionnait, entre autres, que la divulgation de l'information contenue dans tous les paragraphes caviardés de l'affidavit déposé à l'appui de la requête causerait un préjudice sérieux à l'intérêt public, à savoir au fonctionnement de la GRC et des corps de police du Canada, de même qu'à la conduite d'enquêtes criminelles en cours. L'article 37 précise qu'un ministre fédéral ou toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation de renseignements devant un tribunal ou un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant que ces renseignements ne devraient pas être divulgués pour des raisons d'intérêt public déterminées.

Les questions en litige dans le présent appel étaient de savoir si la défenderesse pouvait utiliser le mécanisme prévu à l'article 37 de la Loi sur la preuve pour empêcher la divulgation de l'affidavit et si, le cas échéant, la suspension d'instance était le remède approprié. Dans l'affirmative, il s'agissait de savoir si les trois critères développés dans l'arrêt RJR -- MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) étaient applicables.

Jugement : l'appel doit être accueilli.

La défenderesse cherchait à utiliser l'article 37 de la Loi sur la preuve dans un contexte proactif (à savoir pour empêcher la divulgation de renseignements qu'elle avait préparés et produits de son propre gré afin d'obtenir un avantage procédural) plutôt que dans un contexte réactif (à savoir dans le cadre d'une opposition à la production de ces informations auprès d'un tribunal, d'un organisme ou d'une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements). Si le législateur avait eu l'intention de permettre à une personne autorisée d'utiliser l'article 37 pour empêcher la divulgation d'une preuve qu'elle produit volontairement devant un tel tribunal ou personne, il aurait référé, dans cet article, au pouvoir de contraindre à la divulgation plutôt qu'à la production. La Cour a adopté l'interprétation qui respectait le plus les principes fondamentaux de notre droit, lequel exige que les débats soient publics, que l'administration de la justice soit transparente, que la Cour ait le bénéfice de débats contradictoires avant de prendre une décision et que chaque partie ait accès à toute la preuve pertinente. En interprétant l'article 37 comme permettant une opposition dans un contexte réactif seulement, cette disposition apporte une solution et est parfaitement compatible avec la réalisation de son objet. Selon cette interprétation téléologique de l'art. 37, ni le protonotaire ni la Cour n'avaient le pouvoir, en vertu de cet article, de rendre une ordonnance de non-divulgation quant à l'affidavit.

Même si l'article 37 s'appliquait dans un contexte proactif, le protonotaire n'avait pas pris en compte les bons principes d'intérêt public militant en faveur de la divulgation dans son analyse et il avait confondu les éléments pertinents à l'analyse de la requête en vertu de l'alinéa 50(1)b) (suspension d'instance) de la Loi sur les Cours fédérales et ceux pertinents à une ordonnance en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve, lorsqu'il avait dit que la raison centrale d'intérêt public qui militait en faveur de la divulgation était le droit à la célérité. Cette question est pertinente pour déterminer si l'on doit accorder une suspension, mais elle n'est sûrement pas la raison centrale qui milite en faveur de la divulgation. Le droit d'une partie d'avoir accès à toute la preuve pertinente à la procédure devant la Cour est un intérêt public qui milite pour la divulgation. Ici, la procédure pertinente n'était pas l'action en dommages mais bien la requête en suspension. Et le fait que l'action incluait une demande d'injonction n'était pas non plus pertinent à l'exercice prévu à l'article 37 de la Loi sur la preuve, mais il était pertinent à l'analyse du bien-fondé de la requête en suspension. En appliquant l'arrêt RJR -- MacDonald, le protonotaire s'est trompé lorsqu'il a étudié la question sérieuse proposée par la défenderesse (à savoir si la défenderesse était en mesure de faire valoir une défense pleine et entière sans divulguer les renseignements dont faisait état l'affidavit), puisqu'elle impliquait une analyse de l'application possible de l'article 37 mais au niveau de l'action, et non pas de la requête en suspension.

Exerçant son pouvoir discrétionnaire de novo (et assumant que l'article 37 s'appliquait dans un contexte proactif), la Cour a décidé que la défenderesse n'avait pas établi qu'elle subirait un préjudice irréparable si l'action n'était pas suspendue et elle a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour balancer les divers intérêts en jeu.

Enfin, quoique l'article 37 de la Loi sur la preuve ne puisse être appliqué que dans un contexte réactif, cela ne veut pas dire qu'une requête en vertu de l'alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales ne peut jamais être accordée pour permettre aux corps policiers de conclure une enquête alors qu'une action civile a été intentée. Une telle requête peut être accueillie lorsque cela est justifié par les circonstances et les intérêts publics en jeu.

lois et règlements cités

Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, art. 43.

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 12.

Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, art. 41 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, art. 3).

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 37 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43; 2002, ch. 8, art. 183), 37.21 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43; abrogé par L.C. 2004, ch. 12, art. 18), 37.3 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), 38 (mod., idem, art. 43, 141), 38.01 (édicté, idem, art. 43), 38.02 (édicté., idem, art. 43, 141), 38.04 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.06 (édicté, idem, art. 43), 38.08 (édicté, idem), 38.11 (édicté, idem), 38.14 (édicté, idem), 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144(F)).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 50 (mod., idem, art. 46).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459; 2003 CAF 488; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559; 2002 CSC 42.

décisions examinées :

RJR -- MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; Mulroney c. Canada (Procureur général), [1996] A.Q. no 3868 (C.S.) (QL); Gold c. R., [1986] 2 C.F. 129 (C.A.).

décisions citées :

Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.); Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., [2003] 1 R.C.S. 450; 2003 CSC 27; Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458; 671905 Alberta Inc. c. Q'Max Solutions Inc., [2003] 4 C.F. 713; 2003 CAF 241; Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3; 2002 CSC 75; Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332; 2004 CSC 43; Jose Pereira E Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 470; Canada (Procureur général) c. Ribic, [2005] 1 R.C.F. 33; 2003 CAF 246.

doctrine citée

Cooper, T. G. Crown Privilege, Aurora, Ont. : Canada Law Book, 1990.

Sopinka, J. et al. The Law of Evidence in Canada, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1999.

APPEL de la décision d'un protonotaire (2005 CF 254) qui avait accueilli la requête de la défenderesse en suspension de l'action des demandeurs contre elle et lui permettant d'invoquer l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada pour empêcher la divulgation de renseignements contenus dans un affidavit déposé à l'appui de la requête. Appel accueilli.

ont comparu :

R. Michel Décary, Louise Touchette et Charles C. Gagnon pour les demandeurs.

Jacques Savary et Nathalie Drouin pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier :

Stikeman Elliott s.r.l., Montréal, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

Voici les motifs de l'ordonnance et de l'ordonnance rendus en français par

[1]La juge Gauthier : Dominion Investments Nassau Ltd. (Dominion) en appelle de la décision du protonotaire [2005 CF 254] de suspendre leur action visant à obtenir une injonction permanente contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des dommages et intérêts y inclus des dommages punitifs et exemplaires (6 350 000 $US), contre Sa Majesté pour une période de 12 mois afin de permettre à la défenderesse de poursuivre et conclure une enquête policière présente-ment en cours. Cette suspension est accompagnée d'une obligation pour la défenderesse de faire rapport à la Cour, dans les six mois, de tout changement significatif qui pourrait permettre de poursuivre les procédures et de lever la suspension.

[2]Dans cette même ordonnance, le protonotaire ordonne que l'affidavit de Serge Therriault, déposé au soutien de la requête en sursis par la défenderesse, lui soit remis en mains propres et que toute copie de la Cour soit détruite après une période raisonnable.

[3]Cet appel soulève deux questions nouvelles soit :

i) La défenderesse peut-elle utiliser le mécanisme prévu à l'article 37 [mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43; 2002, ch. 8, art. 183] de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 (Loi sur la preuve) pour empêcher la divulgation d'information (ici, l'affidavit de M. Therriault préparé spécifiquement pour appuyer sa requête pour suspendre l'action en vertu de l'alinéa 50(1)b) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 46] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)]) (la Loi) qu'elle a elle-même choisi de produire pour obtenir une ordonnance autre que celle qui porte sur la divulgation de cette information?

ii) Si oui, la suspension d'instance est-elle le remède approprié pour permettre à la GRC de conclure une enquête en cours alors que la tenue même d'une enquête est au coeur de l'action en dommages? Dans l'affirmative, l'analyse du mérite de la requête doit-elle être faite en utilisant les trois critères développés dans RJR -- MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 et qui sont généralement applicables lors de l'analyse de requêtes en suspension d'instance présentées en vertu de l'article 50?

CONTEXTE

[4]Il n'est pas opportun de réviser en détail les faits allégués dans l'action. Il est suffisant pour les fins du présent appel de mentionner que dans leur action, les demandeurs allèguent que la GRC, dans le cadre d'une enquête, aurait divulgué en 2002 et en 2003, à certaines des institutions financières avec lesquelles ils faisaient affaire ainsi qu'à des autorités policières américaines, des renseignements faux, trompeurs et hautement préjudiciables à leurs réputations et à leurs affaires.

[5]Ces renseignements auraient aussi été dévoilés dans le cadre d'une demande faite par les autorités américaines afin d'extrader un certain Daniel Pelchat dans un document déposé en septembre 2002 dans le dossier public de la Cour supérieure du Québec qui indique :

[traduction] Dans le cadre de notre enquête financière, nous avons appris, ainsi que la GRC, que les deniers de Pelchat étaient déposés dans un compte de placement sous le nom de Dominion Investments à la Banque Royale du Canada. Bien que cette enquête soit toujours en cours, la GRC signale que Dominion Investments est une entreprise bahamienne de blanchiment d'argent ayant des liens avec les Hell's Angels. [Non souligné dans l'original.]

[6]Comme je l'ai dit, en plus des dommages et intérêts qu'ils réclament, les demandeurs cherchent à obtenir une ordonnance enjoignant à la GRC de cesser de communiquer à qui que ce soit quelque information au sujet des demandeurs y compris toutes informations se rapportant aux faits ayant donné lieu à la présente action. Compte tenu des allégations de la déclaration amendée, je comprends aussi qu'ils tentent ainsi de mettre fin ou de prévenir toute enquête future où ils pourraient être impliqués directement ou indirectement.

[7]Dans son dossier de requête, la défenderesse a inclus un certificat en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve qui réfère, sans les dévoiler, aux informations qui se trouvent dans l'affidavit caviardé déposé au soutien de la requête en suspension. M. Covey, surintendant de la GRC, y indique que la divulgation de l'information contenue dans tous les paragraphes caviardés de cet affidavit causerait un préjudice sérieux à l'intérêt public plus particulièrement au fonctionne-ment de la GRC et des corps de police du Canada de même qu'à la conduite d'enquêtes criminelles en cours. Il certifie aussi qu'elle mettrait en danger la vie d'individus qui ont collaboré avec les corps policiers dans le cadre de ces enquêtes, qu'elle identifierait ou tendrait à identifier des informateurs et des individus qui font l'objet d'enquêtes de même que des techniques d'enquêtes utilisées par la GRC et, plus généralement, des renseignements policiers.

[8]De ce fait, les demandeurs connaissent générale-ment les principes invoqués par la défenderesse pour protéger l'essentiel de l'affidavit de M. Therriault en vertu de l'article 37, et ce, conformément au mécanisme prévu dans cet article. Ils ne connaissent toutefois pas la preuve déposée par la défenderesse pour établir qu'elle rencontre les critères établis dans RJR -- MacDonald Inc., et qu'elle a droit à une suspension de l'instance.

[9]De plus, dans le cadre de l'audience devant le protonotaire, la défenderesse a eu l'opportunité de présenter ex parte (soit en l'absence des demandeurs et de leurs procureurs) des représentations additionnelles et de donner des explications sur la preuve déposée au soutien de sa requête pour une suspension.

[10]Dans sa décision, le protonotaire se penche d'abord sur l'application de l'article 37 de la Loi sur la preuve et il indique, sur la base des informations contenues dans le certificat et l'affidavit caviardé, que la défenderesse est justifiée de s'opposer à la divulgation de renseignements contenus dans l'affidavit parce qu'il existe des raisons d'intérêt public militant en faveur d'une telle non-divulgation. Il conclut que le certificat de M. Covey respecte les exigences de l'article 37 et qu'il ne voit pas de raisons d'intérêt public qui l'emporte sur celles identifiées au certificat. À cet égard, il note au paragraphe 22 de sa décision que « [l]a raison centrale d'intérêt public qui pourrait militer en faveur de la divulgation » est que l'intérêt de la justice commande que les justiciables voient leurs droits reconnus dans les meilleurs délais lorsqu'ils s'adressent au tribunaux pour obtenir réparation.

[11]À cet égard, il dit ensuite au paragraphe 23 :

Ce droit à la célérité est certes présent ici également mais il ne saurait l'emporter face aux raisons d'intérêt public valablement soulevées dans le cadre du Certificat. Le fait que les demandeurs réclament l'émission d'une injonction ne saurait à mon avis donner plus d'importance au présent dossier puisqu'il est incertain qu'un tel recours puisse être octroyé en l'espèce.

[12]Dans une deuxième étape, le protonotaire se penche sur la demande principale de la défenderesse soit la suspension d'instance. Après avoir établi les distinctions qui s'imposent selon lui avec l'arrêt Mulroney c. Canada (Procureur général), [1996] A.Q. no 3868 (C.S.) (QL), il conclut que compte tenu des allégations dans la déclaration, la défenderesse ne pourrait, sans dévoiler les renseignements contenus à l'affidavit de Serge Therriault, développer une défense qui protègerait son droit à une défense pleine et entière ainsi que les autres intérêts publics auxquels fait référence l'affidavit.

[13]Selon lui, ceci indique clairement qu'une suspension serait dans l'intérêt public au sens de l'alinéa 50(1)b) [au paragraphe 35] mais «[P]our plus de sûreté et comme c'est la pratique en cette Cour » il applique ensuite le test énoncé dans RJR -- MacDonald Inc., et conclut que compte tenu des faits particuliers en l'espèce, la suspension de l'instance est le seul remède pouvant concilier le droit de la défenderesse de protéger les renseignements d'intérêt public apparaissant à l'affidavit de Serge Therriault et son droit à une défense pleine et entière.

QUESTIONS EN LITIGE

[14]Les demandeurs soumettent que le protonotaire a commis plusieurs erreurs de droit dans son analyse et dans son application de l'article 37 de la Loi sur la preuve soit :

i) Il a refusé d'appliquer les principes de droit développés dans une abondante jurisprudence dans des matières criminelles en disant simplement que ces principes concernent uniquement le droit criminel et n'a pas considéré tous les éléments pertinents dans l'évaluation mandaté par l'article 37;

ii) Il n'a pas considéré que la défenderesse ne pouvait invoquer l'article 37 puisque les renseignements qu'elle veut protéger ont déjà été rendus publics;

iii) Il a erré en fait et en droit en refusant, malgré le paragraphe 37(5) de la Loi sur la preuve, de fixer des conditions quant à la divulgation des renseignements contenus dans l'affidavit déposé par la défenderesse comme par exemple la communication aux procureurs des demandeurs seulement.

[15]Le protonotaire aurait aussi erré en acceptant d'appliquer le processus décrit à l'article 37 pour protéger des renseignements préparés et produits par la défenderesse de son propre gré afin d'obtenir un avantage procédural, soit une suspension d'instance (contexte proactif) plutôt que dans le cadre d'une opposition à la production de ces informations (contexte réactif) alors qu'elle est ou pourrait être tenue de le faire par un tribunal ou autre organisme ayant le pouvoir de l'y contraindre suite à une demande à cet effet. Selon les demandeurs, dans ce contexte, le protonotaire a aussi erré en entendant des représentations ex parte.

[16]Les demandeurs arguent de plus que le protonotaire a erré en concluant que la suspension d'instance était un remède approprié dans l'espèce et en appliquant les critères de RJR -- MacDonald Inc., qui selon eux ne constituent pas une grille d'analyse applicable et ce comme l'a déjà décidé le juge André Rochon dans Mulroney.

[17]Finalement, ils soumettent que si le protonotaire était bien fondé à utiliser ces critères, il a erré dans leur application particulièrement en mettant en doute le droit des demandeurs à obtenir une injonction et en ne considérant pas entre autres qu'ils subiraient un préjudice irréparable à leur réputation suite à une telle suspension.

ANALYSE

[18]La norme de contrôle applicable à cette décision du protonotaire est bien établie (Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.); Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., [2003] 1 R.C.S. 450, au paragraphe 18). Elle a été récemment reformulée par la Cour d'appel fédérale dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459 (C.A.F.) où le juge Décary la décrit comme suit [au paragraphe 19] :

Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.

[19]Les demandeurs soutiennent que la décision du protonotaire porte sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du litige. Toutefois, ils n'ont pas expliqué en quoi la suspension d'instance, une mesure neutre et essentiellement temporaire, aurait une telle influence.

[20]Il est vrai que la décision du protonotaire d'appliquer le processus de l'article 37 à l'information contenue dans l'affidavit caviardé a une influence déterminante sur l'issue de la requête mais certes pas sur le litige. Comme je l'indiquerai plus loin, cette décision n'en est pas une qui porte sur la divulgation future d'information ou de documents en cours d'instance une fois la suspension terminée.

[21]Quoi qu'il en soit, pour les motifs que j'expliquerai ci-après, je suis satisfaite que le protonotaire a erré en droit en acceptant d'appliquer l'article 37 de la Loi sur la preuve dans le cadre de la requête en suspension. De plus, si je ne me trompe sur cette question, le protonotaire a, selon moi, aussi commis une erreur flagrante dans l'évaluation des intérêts en jeu au niveau de l'application de l'article 37 et de l'alinéa 50(1)b) de la Loi. Cette erreur justifie que j'examine la requête de novo. Je reviendrai là-dessus.

A.     Application de l'article 37 de la Loi sur la preuve

[22]Disons d'abord que lors de l'audience devant le protonotaire, les demandeurs n'avaient pas mis en doute l'application de l'article 37. C'est suite à des questions de la Cour que les demandeurs ont soumis que la défenderesse ne pouvait invoquer l'article 37 pour empêcher la divulgation de la preuve qu'elle produisait elle-même au support de sa demande de suspension car ceci résulterait en une injustice flagrante qui ne saurait être sanctionnée par la Cour compte tenu du libellé de cet article.

[23]Comme il n'y a aucune indication qu'il manque de la preuve pertinente pour trancher cette question de droit, la Cour doit la considérer dans le cadre de l'appel (Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458, au paragraphe 51 et 671905 Alberta Inc. c. Q'Max Solutions Inc., [2003] 4 C.F. 713 (C.A.), au paragraphe 35).

[24]J'examinerai donc cet argument. Et pour les fins de cette analyse, j'adopterai les principes d'interprétations résumés par le juge Iacobucci dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 26 et 27 :

Voici comment, à la p. 87 de son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), Elmer Driedger a énoncé le principe applicable, de la manière qui fait maintenant autorité :

[traduction] Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Notre Cour a à maintes reprises privilégié la méthode moderne d'interprétation législative proposée par Driedger, et ce dans divers contextes : voir, par exemple, [. . .]. Je tiens également à souligner que, pour ce qui est de la législation fédérale, le bien-fondé de la méthode privilégiée par notre Cour est renforcé par l'art. 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui dispose que tout texte « est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

Cette méthode reconnaît le rôle important que joue inévitablement le contexte dans l'interprétation par les tribunaux du texte d'une loi. Comme l'a fait remarquer avec perspicacité le professeur John Willis dans son influent article intitulé « Statute Interpretation in a Nutshell » (1938), 16 R. du B. can. 1, p. 6, [traduction] « les mots, comme les gens, prennent la couleur de leur environnement ». Cela étant, lorsque la disposition litigieuse fait partie d'une loi qui est elle-même un élément d'un cadre législatif plus large, l'environnement qui colore les mots employés dans la loi et le cadre dans lequel celle-ci s'inscrit sont plus vastes. En pareil cas, l'application du principe énoncé par Driedger fait naître ce que notre Cour a qualifié, dans [. . .] de « principe d'interprétation qui présume l'harmonie, la cohérence et l'uniformité entre les lois traitant du même sujet ».

[25]Il est opportun de reproduire ici les dispositions les plus pertinentes de l'article 37 de même que celles des articles 38 [mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141] et 39 de la Loi sur la preuve puisque ces dispositions constituent un code ou un ensemble de règles visant à encadrer l'exercice de l'immunité relative aux rensei-gnements d'intérêt public y inclus les renseignements sensibles et les renseignements confidentiels du Conseil privé.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, telle qu'amendée [art. 37.3 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), 38.01 (édicté, idem), 38.02 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.04 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.06 (édicté, idem, art. 43), 38.08 (édicté, idem), 38.11 (édicté, idem), 38.14 (édicté, idem), 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144(F))] :

37. (1) Sous réserve des articles 38 à 38.16, tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s'opposer à la divulgation de renseignements auprès d'un tribunal, d'un organisme ou d'une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d'intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

(1.1) En cas d'opposition, le tribunal, l'organisme ou la personne veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(2) Si l'opposition est portée devant une cour supérieure, celle-ci peut décider la question.

(3) Si l'opposition est portée devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ne constituent pas une cour supérieure, la question peut être décidée, sur demande, par :

a) la Cour fédérale, dans les cas où l'organisme ou la personne investis du pouvoir de contraindre à la production de renseignements sous le régime d'une loi fédérale ne constituent pas un tribunal régi par le droit d'une province;

b) la division ou le tribunal de première instance de la cour supérieure de la province dans le ressort de laquelle le tribunal, l'organisme ou la personne ont compétence, dans les autres cas.

(4) Le délai dans lequel la demande visée au paragraphe (3) peut être faite est de dix jours suivant l'opposition, mais le tribunal saisi peut modifier ce délai s'il l'estime indiqué dans les circonstances.

(4.1) Le tribunal saisi peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements qui ont fait l'objet d'une opposition au titre du paragraphe (1), sauf s'il conclut que leur divulgation est préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées.

(5) Si le tribunal saisi conclut que la divulgation des renseignements qui ont fait l'objet d'une opposition au titre du paragraphe (1) est préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public déterminées, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice au regard des raisons d'intérêt public déterminées, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(6) Dans les cas où le tribunal n'autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (4.1) ou (5), il rend une ordonnance interdisant la divulgation.

(6.1) Le tribunal peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime digne de foi et approprié--même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité--et peut fonder sa décision sur cet élément.

[. . .]

37.3 (1) Le juge qui préside un procès criminel ou une autre instance criminelle peut rendre l'ordonnance qu'elle estime indiquée dans les circonstances en vue de protéger le droit de l'accusé à un procès équitable, pourvu que telle ordonnance soit conforme à une ordonnance rendue au titre de l'un des paragraphes 37(4.1) à (6) relativement à ce procès ou à cette instance ou à la décision en appel portant sur une ordonnance rendue au titre de l'un ou l'autre de ces paragraphes.

(2) L'ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) peut notamment :

a) annuler un chef d'accusation d'un acte d'accusation ou d'une dénonciation, ou autoriser l'instruction d'un chef d'accusation ou d'une dénonciation pour une infraction moins grave ou une infraction incluse;

b) ordonner l'arrêt des procédures;

c) être rendue à l'encontre de toute partie sur toute question liée aux renseignements dont la divulgation est interdite.

[. . .]

38.01 (1) Tout participant qui, dans le cadre d'une instance, est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont il croit qu'il s'agit de renseignements sensibles ou de renseignements potentielle-ment préjudiciables est tenu d'aviser par écrit, dès que possible, le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation et de préciser dans l'avis la nature, la date et le lieu de l'instance.

(2) Tout participant qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudicia-bles sont sur le point d'être divulgués par lui ou par une autre personne au cours d'une instance est tenu de soulever la question devant la personne qui préside l'instance et d'aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l'objet de l'avis prévu au paragraphe (1). Le cas échéant, la personne qui préside l'instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

[. . .]

38.02 [. . .]

(1.1) Dans le cas où une entité mentionnée à l'annexe rend, dans le cadre d'une application qui y est mentionnée en regard de celle-ci, une décision ou une ordonnance qui entraînerait la divulgation de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables, elle ne peut les divulguer ou les faire divulguer avant que le procureur général du Canada ait été avisé de ce fait et qu'il se soit écoulé un délai de dix jours postérieur à l'avis.

[. . .]

38.04 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment et en toutes circonstances, demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements à l'égard desquels il a reçu un avis au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4).

[. . .]

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements, sauf s'il conclut qu'elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations interna-tionales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

[. . .]

38.08 Si le juge conclut qu'une partie à l'instance dont les intérêts sont lésés par une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) n'a pas eu la possibilité de présenter ses observations au titre de l'alinéa 38.04(5)d), il renvoie l'ordonnance à la Cour d'appel fédérale pour examen.

[. . .]

38.11 (1) Les audiences prévues au paragraphe 38.04(5) et l'audition de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) sont tenues à huis clos et, à la demande soit du procureur général du Canada, soit du ministre de la Défense nationale dans le cas des instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, elles ont lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la capitale nationale.

(2) Le juge saisi d'une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) donne au procureur général du Canada--et au ministre de la Défense nationale dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale--la possibilité de présenter ses observations en l'absence d'autres parties. Il peut en faire de même pour les personnes qu'il entend en application de l'alinéa 38.04(5)d).

[. . .]

38.14 (1) La personne qui préside une instance criminelle peut rendre l'ordonnance qu'elle estime indiquée en l'espèce en vue de protéger le droit de l'accusé à un procès équitable, pourvu que telle ordonnance soit conforme à une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette instance, a une décision en appel ou découlant de l'examen ou au certificat délivré au titre de l'article 38.13.

(2) L'ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) peut notamment :

a) annuler un chef d'accusation d'un acte d'accusation ou d'une dénonciation, ou autoriser l'instruction d'un chef d'accusation ou d'une dénonciation pour une infraction moins grave ou une infraction incluse;

b) ordonner l'arrêt des procédures;

c) être rendue à l'encontre de toute partie sur toute question liée aux renseignements dont la divulgation est interdite.

[. . .]

39. (1) Le tribunal, l'organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s'opposent à la divulgation d'un renseignement, tenus d'en refuser la divulgation, sans l'examiner ni tenir d'audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), un « renseigne-ment confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s'entend notamment d'un renseignement contenu dans :

a) une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;

b) un document de travail destiné à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil;

c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;

d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;

e) un document d'information à l'usage des ministres sur des questions portées ou qu'il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l'objet des communications ou discussions visées à l'alinéa d);

f) un avant-projet de loi ou projet de règlement.

(3) Pour l'application du paragraphe (2), « Conseil » s'entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.

(4) Le paragraphe (1) ne s'applique pas :

a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l'existence remonte à plus de vingt ans;

b) à un document de travail visé à l'alinéa (2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant. [Non souligné dans l'original.]

[26]À l'origine, le législateur avait inclus les règles sur ce sujet dans la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, à l'article 41 (voir annexe A) et ce, même s'il était clair que son intention était qu'elles s'appliquent non seulement devant cette Cour mais devant tous les tribunaux ayant le pouvoir de contraindre la production et la divulgation d'information protégée par une immunité relative à des renseignements d'intérêt du public.

[27]Il était alors clair que le législateur avait simplement codifié les principes de common law sans pour autant les abroger1. Il confirme que la Cour pourra examiner les renseignements qui ne touchent pas aux relations internationales ou fédérales-provinciales, à la défense ou la sécurité nationale ou aux communications du Conseil privé. Après avoir considéré si la bonne administration de la justice l'emporte sur l'intérêt public spécifié, la Cour pourra ordonner la divulgation. Il spécifie toutefois que ce pouvoir d'examiner et d'ordonner la divulgation ne s'applique pas aux renseignements relatifs aux intérêts spécifiés dans le paragraphe 41(2).

[28]Le 7 juillet 1982, l'article 41 de la Loi sur la Cour fédérale est abrogé (S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, article 3). De nouvelles dispositions sont incluses dans la Loi sur la preuve (voir l'annexe A)2. Le nouvel article 37 spécifie maintenant que ce n'est pas seulement un ministre de la Couronne qui peut s'opposer à la divulgation de renseignement et que cette objection peut être faite non seulement devant un tribunal mais devant toute personne ayant le pouvoir de les contraindre à produire ces renseignements. En cela, les amendements ne semblent pas diverger des principes de common law alors applicables.

[29]L'article 38 introduit le nouveau concept de juge désigné et permet maintenant l'examen des documents par le juge en chef de la Cour fédérale ou un juge qu'il désigne, même lorsque l'opposition est fondée sur des questions portant sur les relations internationales, la défense et la sécurité nationale.

[30]Dans Gold c. R., [1986] 2 C.F. 129 (C.A.), sa première décision mettant en jeu ces dispositions dans une affaire civile, la Cour d'appel fédérale dit [à la page 138] :

Les tribunaux devraient se rappeler les circonstances qui ont amené le Parlement, sur les instances du gouvernement, à modifier de manière radicale les lois régissant l'accès aux renseignements contenus dans les dossiers gouvernementaux, le service de sécurité du Canada et, plus précisément, à abroger le paragraphe 41(2) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 3)]. Pour ce qui est de l'abrogation de ce paragraphe, le législateur a manifestement jugé opportun de substituer un pouvoir discrétionnaire accordé aux tribunaux à ce qui était jusque-là un droit absolu de l'exécutif de refuser la divulgation. Il ne faut pas croire que l'un ou l'autre de ces changements s'est produit parce que le gouvernement d'alors a été soudainement pris du désir désintéressé de partager ses secrets. Le pouvoir exécutif était incapable de maintenir la crédibilité du système de privilège absolu codifié au paragraphe 41(2). Le nouveau système constituait, d'un point de vue politique, une réponse nécessaire à de sérieuses inquiétudes du public. L'une des pierres d'assise du nouveau système est le contrôle efficace exercé par le pouvoir judiciaire. L'une des caractéristiques du nouveau système est que sa crédibilité repose sur la confiance du public que les tribunaux soupèsent en fait les intérêts publics qui s'affrontent. Sa crédibilité en souffrirait s'il semblait que les tribunaux renoncent automatiquement à l'exercice de leur discrétion parce que la sécurité nationale est considérée si vitale que les motifs invoqués à l'appui d'une saine administration de la justice ne sauraient prévaloir. Chaque demande fondée sur l'article 36.2 doit être jugée sur le fond.

[31]Suite aux événements du 11 septembre et à l'adoption de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, en décembre 2001, ces règles, particulièrement l'article 38, subissent des changements importants (voir l'annexe A). On ajoute plusieurs nouvelles précisions dans l'article 37, par exemple, on y précise le droit de la Cour de tenir des audiences à huis clos de même que son pouvoir d'entendre une partie en l'absence des autres (paragraphes 37.21(1) [édicté par L.C. 2001, ch.41, art. 43] et (2) [édicté, idem]).

[32]Bien qu'il remanie considérablement le texte de l'article 38 qui ne réfère plus nulle part au concept d'opposition ou « objection  » en anglais, le législateur n'a pas changé la formulation des articles 37 et 39 qui traitent toujours d'opposition à la divulgation de renseignements devant un tribunal ou une personne ayant le pouvoir de contraindre la production de ces renseignements.

[33]À l'article 38, il est clair que le procureur général peut maintenant demander à un juge désigné de rendre une ordonnance de non-divulgation dans le cadre d'une instance où un participant est tenu de divulguer ou prévoit divulguer ou faire divulguer des renseignements sensibles tels que défini dans cet article.

[34]Pour compléter cette revue de l'évolution législative de ces dispositions, il convient de noter qu'en avril 2004, le législateur a abrogé le paragraphe 37.21 de la Loi sur la preuve soit la disposition qui référait expressément au pouvoir de tenir des audiences à huis clos et d'entendre les parties ex parte (L.C. 2004, ch. 12, art. 18). Il semble que le législateur, après la décision de la Cour suprême du Canada dans Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, ait voulu redresser certains excès. Comme on le sait, la Loi antiterroriste fait encore aujourd'hui l'objet de débats.

[35]Les parties ont confirmé que malgré leur recherche exhaustive, elle n'ont pu trouver un seul précédent où l'immunité conférée par la common law ou celle prévue à l'article 37 de la Loi sur la preuve dans sa version actuelle ou dans ses versions antérieures, a été utilisée par un ministre ou toute autre personne autorisée dans un contexte proactif, soit pour protéger des informations ou des documents que la partie qui s'oppose à la divulgation avait elle-même produite ou mise en jeu3.

[36]Si comme je l'ai indiqué, l'article 37 se voulait à l'origine une codification de la jurisprudence relative à l'immunité relative aux renseignements d'intérêt public, il est difficile d'imaginer que l'intention du législateur était d'aller au-delà du contexte réactif dans lequel cette immunité avait traditionnellement été invoquée et accordée.

[37]La défenderesse admet qu'à première vue, le libellé de l'article 37 semble viser la protection de renseignement dans un contexte réactif associé à une demande de production et de divulgation.

[38]À cet égard, il convient de noter que l'article 39 qui consacre l'immunité pratiquement absolue relativement aux renseignements confidentiels du Conseil privé, réfère aussi au concept d'opposition devant un tribunal ou une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de tels renseignements. Il est évident que comme la Cour ne peut examiner ou même voir les documents ou l'information en question, le législateur ne pouvait avoir l'intention par ce langage de référer à un contexte proactif où par exemple un ministre voudrait produire de tels renseignements comme preuve au support d'une requête en suspension.

[39]Comme je l'ai indiqué, il est tout à fait clair que ces trois articles (37 à 39 de la Loi sur la preuve) doivent être interprétés comme un ensemble et que le législateur est présumé avoir utilisé le même mot dans le même sens dans chacun de ces articles, particulièrement aux articles 37 et 39.

[40]Il est aussi difficile de concevoir pourquoi le législateur a limité l'application de l'article 37 en référant à un tribunal ou à une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production s'il avait l'intention de permettre à une personne autorisée de l'utiliser pour empêcher la divulgation de preuve qu'elle produit volontairement devant un tel tribunal ou personne. Logiquement, si telle était l'intention du législateur, il aurait référé au pouvoir de contraindre à la divulgation plutôt qu'à la production.

[41]La défenderesse soumet que la Cour doit malgré tout donner une interprétation pratique à l'article 37. Selon elle, restreindre son application à un contexte purement réactif dans les circonstances de l'espèce créerait une injustice flagrante.

[42]Elle invoque l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui énonce que tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable, la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Pour la défenderesse, comme il n'y a pas de précédent qui interdit de le faire, la Cour doit inclure son droit de s'opposer à la divulgation d'une preuve produite par elle afin de protéger ses droits, particulièrement son droit de se défendre.

[43]La Cour est consciente du dilemme auquel la défenderesse fait face. Toutefois, il est important de se rappeler qu'en fait elle demande à la Cour d'interpréter l'article 37 comme s'il avait la même étendue et se lisait comme l'article 38 qui permet de demander une ordonnance de non-divulgation dans le cadre de toute instance devant une personne ayant le pouvoir de l'y contraindre qu'elle soit alors tenue de divulguer suite à une demande par un tiers ou désire simplement le faire pour appuyer ses propres prétentions dans une procédure4.

[44]Même si la défenderesse ne traite nulle part de procédure autre qu'une demande de suspension, elle n'a pas indiqué comment la Cour pourrait limiter l'interprétation proactive de l'article 37 à cette seule procédure. Aujourd'hui, le dilemme se pose dans ce cadre seulement mais rien n'indique qu'il ne pourrait se poser dans le cadre par exemple d'une requête en radiation ou d'une requête pour jugement sommaire.

[45]Si l'on admet le principe que l'article 37 doit s'interpréter de façon à permettre à la défenderesse d'utiliser les renseignements pour préserver son droit à se défendre, pourquoi lui refuserait-on le droit de déposer une défense caviardée par exemple et d'obtenir une ordonnance de non-divulgation lui permettant de présenter cette preuve à la Cour sans que l'autre partie puisse y avoir accès.

[46]Certes, la Cour aurait alors le pouvoir de balancer les intérêts publics en jeu et d'ordonner une divulgation sous conditions mais un tel mécanisme constitue déjà une exception à plusieurs principes fondamentaux de notre droit qui exige que les débats soient publics, que l'administration de la justice soit transparente, que la Cour ait le bénéfice de débats contradictoires avant de prendre une décision et que chaque partie ait accès à toute la preuve pertinente et surtout celle présentée à la Cour par la partie adverse (voir entre autres Ruby; et Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332).

[47]Dans de telles circonstances, la Cour doit adopter une approche rigoureuse.

[48]Elle doit aussi tenir compte du principe qui veut que si comme le prétend la défenderesse (ce qui n'est pas accepté), l'article 37 se prête à deux interprétations qui sont également en accord avec l'objet de la loi ou l'intention du législateur, la Cour doit privilégier celle qui respecte le plus les principes fondamentaux de notre droit que j'ai énoncés ci-dessus.

[49]Je suis aussi satisfaite qu'en interprétant l'article 37 comme permettant une opposition dans un contexte réactif seulement, cette disposition apporte une solution et est parfaitement compatible avec la réalisation de son objet.

[50]Je conclus de mon examen de tous les éléments pertinents à l'interprétation téléologique de cette disposition que ni le protonotaire ni la Cour n'ont le pouvoir en vertu de l'article 37 de rendre une ordonnance de non-divulgation quant à l'affidavit de M. Therriault qui fut déposé par la défenderesse à l'appui de sa demande de suspension et qui inclus sa preuve quant au préjudice irréparable qu'elle prétend subir. Cette disposition ne permet pas à la Cour de décider d'une requête autre qu'une simple opposition à la divulgation en tenant compte d'une preuve « secrète » soit des renseignements qui ne peuvent être divulgués à l'autre partie.

B.     La requête en suspension

[51]Ceci étant dit, et comme conclusion alternative, si contrairement à ce que j'ai indiqué l'article 37 s'applique dans un contexte proactif comme le suggère la défenderesse, je crois que le protonotaire n'a pas pris en compte les bons principes d'intérêt public militant en faveur de la divulgation dans son analyse et qu'il a confondu les éléments pertinents à l'analyse de la requête en vertu de l'alinéa 50(1)b) de la Loi et ceux pertinents à une ordonnance en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve.

[52]Par exemple, comme je l'ai indiqué au paragraphe 10 ci-dessus, en examinant s'il y avait lieu de procéder à l'analyse du paragraphe 37(5), le protonotaire dit que la raison centrale d'intérêt public qui milite en faveur de la divulgation est celle identifiée dans Mulroney, soit le droit à la célérité. Il est évident que cette question est pertinente pour déterminer si l'on doit accorder une suspension en vertu de l'alinéa 50(1)b) mais elle n'est sûrement pas la raison centrale qui milite en faveur de la divulgation.

[53]L'intérêt public qui milite pour la divulgation, c'est par exemple le droit d'une partie d'avoir accès à toute la preuve pertinente à la procédure devant la Cour. Ici, cette procédure n'était pas comme semble l'avoir présumé les demandeurs, l'action en dommages mais bien la requête en suspension. C'est d'ailleurs là, comme je l'ai déjà indiqué, l'élément nouveau de ce dossier. Le fait que l'action inclut une demande d'injonction (voir paragraphe 11 ci-dessus) n'est pas non plus pertinent à l'exercice prévu à l'article 37 de la Loi sur la preuve. Il est par contre pertinent à l'analyse des mérites de la requête en suspension.

[54]Comme le protonotaire ne réfère nulle part aux principes de la publicité des débats et au droit de toute partie d'avoir une chance honnête de faire valoir son point de vue et de combattre tous les arguments et la preuve soulevés par la partie adverse, on peut s'interroger si ces concepts ont bien été pris en compte et s'ils ont été évalués à leur juste poids. Déjà dans Gold, la Cour d'appel fédérale rappelait que le Parlement a reconnu que l'intérêt public dans l'administration de la justice qui milite pour la divulgation peut l'emporter sur l'intérêt public même de la sécurité nationale et que l'économie de la loi ne révèle pas de déséquilibre évident entre ces intérêts.

[55]Aux paragraphes 35 à 38, le protonotaire procède à l'analyse du test tripartite énoncé dans RJR -- MacDonald Inc., comme suit :

Pour plus de sûreté et comme c'est la pratique en cette Cour, j'entends néanmoins appliquer ce test à trois volets. À cet égard je pense que les motifs qui précèdent indiquent que la requête de la défenderesse soulève une question sérieuse et qu'elle subirait un préjudice irréparable si la suspension des procédures n'était pas décrétée. Enfin, il est également clair de l'étude qui précède que dans le cadre de la balance des inconvénients, la défenderesse l'emporte si la suspension est refusée.

Somme toute, la défenderesse est en droit d'exiger que ne soient pas mis en péril les renseignements privilégiés apparaissant à l'affidavit de Serge Therriault.

De la même façon, la défenderesse est en droit de bénéficier d'une défense pleine et entière.

Compte tenu des faits particuliers de l'espèce, seule la suspension de la présente instance permet de concilier ces deux droits.

[56]L'usage des mots « [p]our plus de sûreté » laisse entendre que le protonotaire considérait que son analyse en vertu de l'article 37 où il conclut que les intérêts publics auxquels réfèrent l'affidavit de Serge Therriault l'emportent sur les intérêts publics militant en faveur de la divulgation jumelée à sa conclusion que la défenderesse ne pourrait développer une défense valable sans les divulguer5, constituait un motif suffisant pour suspendre l'action.

[57]Il est vrai que la question sérieuse mise de l'avant par la défenderesse était la suivante :

Est-ce que la défenderesse est en mesure de faire valoir une défense pleine et entière sans divulguer les renseignements dont fait état l'affidavit de l'inspecteur Serge Therriault?

[58]Si cette question était celle qui s'imposait au sens de RJR -- MacDonald, elle impliquait une analyse de l'application possible de l'article 37 mais au niveau de l'action cette fois. À ce stade-là, la Cour allait devoir s'interroger à savoir si l'information à être divulguée constituait un élément de preuve essentiel et crucial au succès de l'action ou de la défense. Ceci est différent de l'application de l'article 37 au niveau de la requête en suspension. Je conclus que soit le protonotaire s'est trompé dans son analyse sous l'article 37 au niveau de la requête ou il a confondu les deux niveaux d'analyse lorsqu'il a étudié la question sérieuse proposée.

[59]De plus, la Cour ne peut suivre le raisonnement de la défenderesse adopté par le protonotaire. À quel moment le juge du fond aura-t-il à décider de cette question? Il semble vraiment qu'elle ne se soulève qu'au niveau de la requête en suspension ou au niveau d'une éventuelle opposition en vertu de l'article 37. Pourtant, à l'audience, la défenderesse a argué que le but de la suspension est de lui permettre de pouvoir utiliser ses renseignements pour se défendre dès que les enquêtes criminelles en cours seront complétées.

[60]De plus, le but de ce critère (question sérieuse) est de s'assurer que la position de la partie qui demande une suspension n'est pas frivole au niveau du mérite de l'action ou de la défense. La question proposée par la défenderesse ne répond pas selon moi, à cette préoccupation.

[61]Pour ces motifs, je conclus que je dois exercer ma discrétion de novo et qu'il n'est pas utile d'analyser les autres arguments soulevés par les demandeurs à cet égard.

[62]Comme je l'ai déjà dit, à ce stade-ci, j'assume que l'article 37 s'applique dans la présente situation et dans un contexte proactif.

[63]Dans ce cadre, même si j'acceptais que l'affidavit de M. Therriault ne doit pas être divulgué, après avoir fait l'exercice prévu à l'article 37 de la Loi sur la preuve, je ne suis pas satisfaite que la défenderesse a établi qu'elle subira un préjudice irréparable si l'action n'est pas suspendue.

[64]À cet égard, je crois que la requête est prématurée.

[65]En effet, rien n'indique que la défenderesse ne pourrait par exemple déposer une défense caviardée et qu'au besoin, le juge ayant à rendre une ordonnance en vertu de l'article 37 à ce moment là, ne pourrait fixer s'il le juge opportun au sens du paragraphe 37(5), un délai raisonnable dans lequel la défenderesse devrait divulguer les informations caviardées, et ce, comme condition de la divulgation.

[66]De plus, comme la Cour doit normalement balancer les divers intérêts en jeu ce qui inclut l'évaluation de la pertinence des renseignements au sens strict (Jose Pereira E Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 470, aux paragraphes 17 et 18; Canada (Procureur général) c. Ribic, [2005] 1 R.C.F. 33 (C.A.F.), au paragraphe 22), la Cour doit avoir en main le plus de détails possible sur la défense que la défenderesse entend faire valoir. À ce stade-ci, je ne suis pas satisfaite que j'ai suffisamment d'éléments à cet égard.

[67]De plus, je ne suis pas non plus satisfaite qu'une suspension règlerait le dilemme auquel fait face la défenderesse aujourd'hui. En effet, comme l'indique M. Covey, son opposition s'appuie sur plusieurs intérêts publics pas seulement celui relatif à des enquêtes policières en cours. Comment la suspension règlerait-elle le dilemme quant aux renseignements que le surintendant Covey inclut dans les catégories B, D, E, pour ne nommer que celles-là?

[68]Il n'est pas utile et opportun d'aller plus loin puisque ces motifs justifient déjà le rejet de la requête en suspension si l'article 37 doit s'interpréter comme applicable dans un contexte proactif.

[69]Avant de conclure, j'aimerais toutefois souligner que si comme je le crois l'article 37 de la Loi sur la preuve ne peut être appliqué que dans un contexte réactif, cela ne veut pas dire qu'une requête en vertu de l'alinéa 50(1)b) ne peut jamais être accordée pour permettre aux corps policiers de conclure une enquête alors qu'une action civile a été intentée. Avec égard, je ne considère pas que la décision dans Mulroney, a réglé cette question définitivement.

[70]L'alinéa 50(1)b) prévoit spécifiquement que même lorsqu'il n'y pas de litispendance, une suspension peut être accordée lorsque l'intérêt de la justice l'exige.

[71]Le législateur a déjà prévu qu'un arrêt des procédures peut être accordée dans le contexte d'une procédure criminelle si la Couronne s'oppose à la divulgation d'informations essentielles pour l'accusé (article 37.3). Ceci était d'ailleurs la règle avant l'adoption de ces dispositions en 1985.

[72]Faire de même dans des procédures civiles lorsque cela est justifié par les circonstances et les intérêts publics en jeu permettrait de tenir compte des préoccupations de la défenderesse.

[73]Je suis confiante que dans des circonstances appropriées données avec une présentation soignée, une telle requête peut réussir.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1. L'appel est accueilli.

2. L'ordonnance du 16 février 2005 est annulée et la requête en suspension est rejetée, le tout frais à suivre.

3. L'affidavit de Serge Therriault sera remis en mains propres à la défenderesse. Cette dernière devra prendre contact avec le greffe à cet effet. La Cour conservera pour un certain temps dans sa voûte verrouillée une copie de cet affidavit de même que d'autres notes de Cour pertinentes. Ces documents seront détruits d'une manière sécuritaire après une période raisonnable étant entendu que ces documents devront être conservés au moins jusqu'à l'expiration du délai d'appel et en cas d'appel, seulement après un jugement final.

ANNEXE A

Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10 :

41. (1) Sous réserve des dispositions de toute autre loi et du paragraphe (2), lorsqu'un ministre de la Couronne certifie par affidavit à un tribunal qu'un document fait partie d'une catégorie ou contient des renseignements dont on devrait, à cause d'un intérêt public spécifié dans l'affidavit, ne pas exiger la production et la communication, ce tribunal peut examiner le document et ordonner de le produire ou d'en communiquer la teneur aux parties, sous réserve des restrictions ou conditions qu'il juge appropriées, s'il conclut, dans les circonstances de l'espèce, que l'intérêt public dans la bonne administration de la justice l'emporte sur l'intérêt public spécifié dans l'affidavit.

(2) Lorsqu'un ministre de la Couronne certifie par affidavit à un tribunal que la production ou communication d'un document serait préjudiciable aux relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationale ou aux relations fédérales- provinciales, ou dévoilerait une communication confidentielle du Conseil privé de la Reine pour le Canada, le tribunal doit, sans examiner le document, refuser sa production et sa communication. [Non souligné dans l'original.]

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 [telle qu'elle se lisait avant les modifications de 2001] :

37. (1) Un ministre fédéral ou toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation de renseignements devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que ces renseignements ne devraient pas être divulgués pour des raisons d'intérêt public déterminées.

(2) Sous réserve des articles 38 et 39, dans les cas où l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant une cour supérieure, celle-ci peut prendre connaissance des renseignements et ordonner leur divulgation, sous réserve des restrictions ou conditions qu'elle estime indiquées, si elle conclut qu'en l'espèce, les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public invoquées lors de l'attestation.

(3) Sous réserve des articles 38 et 39, dans les cas où l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant le tribunal, un organisme ou une personne qui ne constituent pas une cour supérieure, la question peut être décidée conformément au paragraphe (2), sur demande, par :

a) la Section de première instance de la Cour fédérale, dans les cas où l'organisme ou la personne investis du pouvoir de contraindre à la production de renseignements en vertu d'une loi fédérale ne constituent pas un tribunal régi par le droit d'une province;

b) La division ou cour de première instance de la cour supérieure de la province dans le ressort de laquelle le tribunal, l'organisme ou la personne ont compétence, dans les autres cas.

(4) Le délai dans lequel la demande visée au paragraphe (3) peut être faite est de dix jours suivant l'opposition, mais le tribunal saisi peut modifier ce délai s'il l'estime indiqué dans les circonstances.

(5) L'appel des décisions rendues en vertu des paragraphes (2) ou (3) se fait :

a) devant la Cour d'appel fédérale, pour ce qui est de celles de la Section de première instance de la Cour fédérale;

b) devant la cour d'appel d'une province, pour ce qui est de celles de la division ou cour de première instance d'une cour supérieure d'une province.

(6) Le délai dans lequel l'appel prévu au paragraphe (5) peut être interjeté est de dix jours suivant la date de la décision frappée d'appel, mais la cour d'appel peut le proroger si elle l'estime indiqué dans les circonstances.

(7) Nonobstant toute autre loi fédérale :

a) le délai de demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada est de dix jours suivant le jugement frappé d'appel, visé au paragraphe (5), mais le tribunal compétent pour autoriser l'appel peut proroger ce délai s'il l'estime indiqué dans les circonstances;

b) dans les cas où l'autorisation est accordée, l'appel est interjeté conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur la Cour suprême, mais le délai qui s'applique est celui qu'a fixé le tribunal qui a autorisé l'appel.

38. (1) Dans les cas où l'opposition visée au paragraphe 37(1) se fonde sur le motif que la divulgation porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, la question peut être décidée conformément au paragraphe 37(2), sur demande, mais uniquement par le juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de ce tribunal qu'il charge de l'audition de ce genre de demande.

(2) La délai dans lequel la demande visée au paragraphe (1) peut être faite est de dix jours suivant l'opposition, mais le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de ce tribunal qu'il charge de l'audition de ce genre de demande peut modifier ce délai s'il l'estime indiqué.

(3) Il y a appel de la décision visée au paragraphe (1) devant la Cour d'appel fédérale.

(4) Le paragraphe 37(6) s'applique aux appels prévus au paragraphe (3) et le paragraphe 37(7) s'applique aux appels des jugements rendus en vertu du paragraphe (3), compte tenu des adaptations de circonstance.

(5) Les demandes visées au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la capitale nationale si la personne qui s'oppose à la divulgation le demande.

(6) La personne qui a porté l'opposition qui fait l'objet d'une demande ou d'un appel a, au cours des auditions, en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie.

39. (1) Le tribunal, l'organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s'opposent à la divulgation d'un renseignement, tenus d'en refuser la divulgation, sans l'examiner ni tenir d'audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), un « renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s'entend notamment d'un renseignement contenu dans :

a) une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;

b) un document de travail destiné à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil;

c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;

d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;

e) un document d'information à l'usage des ministres sur des questions portées ou qu'il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l'objet des communications ou discussions visées à l'alinéa d);

f) un avant-projet de loi.

(3) Pour l'application du paragraphe (2), « Conseil » s'entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.

(4) Le paragraphe (1) ne s'applique pas :

a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l'existence remonte à plus de vingt ans;

b) à un document de travail visé à l'alinéa (2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.

Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41 [article 43] :

37. (1) Sous réserve des articles 38 à 38.16, tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s'opposer à la divulgation de renseignements auprès d'un tribunal, d'un organisme ou d'une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d'intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

(1.1) En cas d'opposition, le tribunal, l'organisme ou la personne veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(2) Si l'opposition est portée devant une cour supérieure, celle-ci peut décider la question.

(3) Si l'opposition est portée devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ne constituent pas une cour supérieure, la question peut être décidée, sur demande, par :

a) la Section de première instance de la Cour fédérale, dans le cas où l'organisme ou la personne investis du pouvoir de contraindre à la production de renseignements sous le régime d'une loi fédérale ne constituent pas un tribunal régi par le droit d'une province;

b) la division ou le tribunal de première instance de la cour supérieure de la province dans le ressort de laquelle le tribunal, l'organisme ou la personne ont compétence, dans les autres cas.

(4) Le délai dans lequel la demande visée au paragraphe (3) peut être faite est de dix jours suivant l'opposition, mais le tribunal saisi peut modifier ce délai s'il l'estime indiqué dans les circonstances.

(4.1) Le tribunal saisi peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements qui ont fait l'objet d'une opposition au titre du paragraphe (1), sauf s'il conclut que leur divulgation est préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées.

(5) Si le tribunal saisi conclut que la divulgation des renseignements qui ont fait l'objet d'une opposition au titre du paragraphe (1) est préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public déterminées, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice au regard des raisons d'intérêt public déterminées, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(6) Dans les cas où le tribunal n'autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (4.1) ou (5), il rend une ordonnance interdisant la divulgation.

(6.1) Le tribunal peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime digne de foi et approprié--même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité--et peut fonder sa décision sur cet élément.

(7) L'ordonnance de divulgation prend effet après l'expiration du délai prévu ou accordé pour en appeler ou, en cas d'appel, après sa confirmation et l'épuisement des recours en appel.

(8) La personne qui veut faire admettre en preuve ce qui a fait l'objet d'une autorisation de divulgation prévue au paragraphe (5), mais qui ne pourrait peut-être pas le faire à cause des règles d'admissibilité applicables devant le tribunal, l'organisme ou la personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, peut demander au tribunal saisi au titre des paragraphes (2) ou (3) de rendre une ordonnance autorisant la production en preuve des renseignements, du résumé ou de l'aveu dans la forme ou aux conditions que celui-ci détermine, pourvu que telle forme ou telles conditions soient conformes à l'ordonnance rendue au titre du paragraphe (5).

(9) Pour l'application du paragraphe (8), le tribunal saisi au titre des paragraphes (2) ou (3) prend en compte tous les facteurs qui seraient pertinents pour statuer sur l'admissibilité en preuve devant le tribunal, l'organisme ou la personne.

37.1 (1) L'appel d'une décision rendue en vertu des paragraphes 37(4.1) à (6) se fait :

a) devant la Cour d'appel fédérale, s'agissant d'une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale;

b) devant la cour d'appel d'une province, s'agissant d'une décision de la division ou du tribunal de première instance d'une cour supérieure d'une province.

(2) Le délai dans lequel l'appel prévu au paragraphe (1) peut être interjeté est de dix jours suivant la date de la décision frappée d'appel, mais le tribunal d'appel peut le proroger s'il l'estime indiqué dans les circonstances.

37.2 Nonobstant toute autre loi fédérale :

a) le délai de demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada du jugement rendu au titre du paragraphe 37.1(1) est de dix jours suivant ce jugement, mais le tribunal compétent pour autoriser l'appel peut proroger ce délai s'il l'estime indiqué dans les circonstances;

b) dans le cas où l'autorisation est accordée, l'appel est interjeté conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur la Cour suprême, mais le délai qui s'applique est celui que fixe le tribunal ayant autorisé l'appel.

37.21 (1) Les audiences tenues dans le cadre des paragraphes 37(2) ou (3) et l'audition de l'appel d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 37(4.1) à (6) sont tenues à huis clos.

(2) Le tribunal qui tient une audience au titre des paragraphes 37(2) ou (3) ou le tribunal saisi de l'appel d'une ordonnance rendue au titre de l'un des paragraphes 37(4.1) à (6) peut :

a) donner à quiconque la possibilité de présenter des observations;

b) donner à quiconque présente des observations au titre de l'alinéa a) la possibilité de les présenter en l'absence d'autres parties.

37.3 (1) Le juge qui préside un procès criminel ou une autre instance criminelle peut rendre l'ordonnance qu'elle estime indiquée dans les circonstances en vue de protéger le droit de l'accusé à un procès équitable, pourvu que telle ordonnance soit conforme à une ordonnance rendue au titre de l'un des paragraphes 37(4.1) à (6) relativement à ce procès ou à cette instance ou à la décision en appel portant sur une ordonnance rendue au titre de l'un ou l'autre de ces paragraphes.

(2) L'ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) peut notamment :

a) annuler un chef d'accusation d'un acte d'accusation ou d'une dénonciation, ou autoriser l'instruction d'un chef d'accusation ou d'une dénonciation pour une infraction moins grave ou une infraction incluse;

b) ordonner l'arrêt des procédures;

c) être rendue à l'encontre de toute partie sur toute question liée aux renseignements dont la divulgation est interdite.

[. . .]

38. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 38.01 à 38.15.

« instance » Procédure devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre la production de renseignements.

« juge » Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de la Section de première instance de ce tribunal désigné par le juge en chef pour statuer sur les questions dont est saisi le tribunal en application de l'article 38.04.

« participant » Personne qui, dans le cadre d'une instance, est tenue de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements.

« poursuivant » Représentant du procureur général du Canada ou du procureur général d'une province, particulier qui agit à titre de poursuivant dans le cadre d'une instance ou le directeur des poursuites militaires, au sens de la Loi sur la défense nationale.

« renseignements potentiellement préjudiciables » Les renseignements qui, s'ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

« renseignements sensibles » Les renseignements, en provenance du Canada ou de l'étranger, qui concernent les affaires internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement du Canada et qui sont du type des renseignements à l'égard desquels celui-ci prend des mesures de protection.

38.01 (1) Tout participant qui, dans le cadre d'une instance, est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont il croit qu'il s'agit de renseignements sensibles ou de renseignements potentielle-ment préjudiciables est tenu d'aviser par écrit, dès que possible, le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation et de préciser dans l'avis la nature, la date et le lieu de l'instance.

(2) Tout participant qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d'être divulgués par lui ou par une autre personne au cours d'une instance est tenu de soulever la question devant la personne qui préside l'instance et d'aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l'objet de l'avis prévu au paragraphe (1). Le cas échéant, la personne qui préside l'instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(3) Le fonctionnaire--à l'exclusion d'un participant--qui croit que peuvent être divulgués dans le cadre d'une instance des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peut aviser par écrit le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation; le cas échéant, l'avis précise la nature, la date et le lieu de l'instance.

(4) Le fonctionnaire--à l'exclusion d'un participant--qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d'être divulgués au cours d'une instance peut soulever la question devant la personne qui préside l'instance; le cas échéant, il est tenu d'aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l'objet de l'avis prévu au paragraphe (3) et la personne qui préside l'instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(5) Dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, les avis prévus à l'un des paragraphes (1) à (4) sont donnés à la fois au procureur général du Canada et au ministre de la Défense nationale.

(6) Le présent article ne s'applique pas :

a) à la communication de renseignements par une personne à son avocat dans le cadre d'une instance, si ceux-ci concernent l'instance;

b) aux renseignements communiqués dans le cadre de l'exercice des attributions du procureur général du Canada, du ministre de la Défense nationale, du juge ou d'un tribunal d'appel ou d'examen au titre de l'article 38, du présent article, des articles 38.02 à 38.13 ou des articles 38.15 ou 38.16;

c) aux renseignements dont la divulgation est autorisée par l'institution fédérale qui les a produits ou pour laquelle ils ont été produits ou, dans le cas où ils n'ont pas été produits par ou pour une institution fédérale, par la première institution fédérale à les avoir reçus;

d) aux renseignements divulgués auprès de toute entité mentionnée à l'annexe et, le cas échéant, à une application figurant en regard d'une telle entité.

(7) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas au participant si une institution gouvernementale visée à l'alinéa (6)c) l'informe qu'il n'est pas nécessaire, afin d'éviter la divulgation des renseignements visés à cet alinéa, de donner un avis au procureur général du Canada au titre du paragraphe (1) ou de soulever la question devant la personne présidant une instance au titre du paragraphe (2).

(8) Le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter, modifier ou supprimer la mention, à l'annexe, d'une entité ou d'une application figurant en regard d'une telle entité.

38.02 (1) Sous réserve du paragraphe 38.01(6), nul ne peut divulguer, dans le cadre d'une instance :

a) les renseignements qui font l'objet d'un avis donné au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4);

b) le fait qu'un avis est donné au procureur général du Canada au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4), ou à ce dernier et au ministre de la Défense nationale au titre du paragraphe 38.01(5);

c) le fait qu'une demande a été présentée à la Section de première instance de la Cour fédérale au titre de l'article 38.04, qu'il a été interjeté appel d'une ordonnance rendue au titre de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à une telle demande ou qu'une telle ordonnance a été renvoyée pour examen;

d) le fait qu'un accord a été conclu au titre de l'article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6).

(1.1) Dans le cas où une entité mentionnée à l'annexe rend, dans le cadre d'une application qui y est mentionnée en regard de celle-ci, une décision ou une ordonnance qui entraînerait la divulgation de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables, elle ne peut les divulguer ou les faire divulguer avant que le procureur général du Canada ait été avisé de ce fait et qu'il se soit écoulé un délai de dix jours postérieur à l'avis.

(2) La divulgation des renseignements ou des faits visés au paragraphe (1) n'est pas interdite :

a) si le procureur général du Canada l'autorise par écrit au titre de l'article 38.03 ou par un accord conclu en application de l'article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6);

b) si le juge l'autorise au titre de l'un des paragraphes 38.06(1) ou (2) et que le délai prévu ou accordé pour en appeler a expiré ou, en cas d'appel ou de renvoi pour examen, sa décision est confirmée et les recours en appel sont épuisés.

38.03 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment, autoriser la divulgation de tout ou partie des renseignements ou des faits dont la divulgation est interdite par le paragraphe 38.02(1) et assortir son autorisation des conditions qu'il estime indiquées.

(2) Dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, le procureur général du Canada ne peut autoriser la divulgation qu'avec l'assentiment du ministre de la Défense nationale.

(3) Dans les dix jours suivant la réception du premier avis donné au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4) relativement à des renseignements donnés, le procureur général du Canada notifie par écrit sa décision relative à la divulgation de ces renseignements à toutes les personnes qui ont donné un tel avis.

38.031 (1) Le procureur général du Canada et la personne ayant donné l'avis prévu aux paragraphes 38.01(1) ou (2) qui n'a pas l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance, mais veut divulguer ou faire divulguer les renseignements qui ont fait l'objet de l'avis ou les faits visés aux alinéas 38.02(1)b) à d), peuvent, avant que cette personne présente une demande à la Section de première instance de la Cour fédérale au titre de l'alinéa 38.04(2)c), conclure un accord prévoyant la divulgation d'une partie des renseignements ou des faits ou leur divulgation assortie de conditions.

(2) Si un accord est conclu, la personne ne peut présenter de demande à la Section de première instance de la Cour fédérale au titre de l'alinéa 38.04(2)c) relativement aux renseignements ayant fait l'objet de l'avis qu'elle a donné au procureur général du Canada au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2).

38.04 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment et en toutes circonstances, demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements à l'égard desquels il a reçu un avis au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4).

(2) Si, en ce qui concerne des renseignements à l'égard desquels il a reçu un avis au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4), le procureur général du Canada n'a pas notifié sa décision à l'auteur de l'avis en conformité avec le paragraphe 38.03(3) ou, sauf par un accord conclu au titre de l'article 38.031, il a autorisé la divulgation d'une partie des renseignements ou a assorti de conditions son autorisation de divulgation :

a) il est tenu de demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements si la personne qui l'a avisé au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2) est un témoin;

b) la personne--à l'exclusion d'un témoin--qui a l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance est tenue de demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements;

c) la personne qui n'a pas l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance, mais qui veut en divulguer ou en faire divulguer, peut demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements.

(3) La personne qui présente une demande à la Section de première instance au titre des alinéas (2)b) ou c) en notifie le procureur général du Canada.

(4) Toute demande présentée en application du présent article est confidentielle. Sous réserve de l'article 38.12, l'administrateur de la Cour fédérale peut prendre les mesures qu'il estime indiquées en vue d'assurer la confidentialité de la demande et des renseignements sur lesquels elle porte.

(5) Dès que la Section de première instance de la Cour fédérale est saisie d'une demande présentée au titre du présent article, le juge :

a) entend les observations du procureur général du Canada--et du ministre de la Défense nationale dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale--sur l'identité des parties ou des témoins dont les intérêts sont touchés par l'interdiction de divulgation ou les conditions dont l'autorisation de divulgation est assortie et sur les personnes qui devraient être avisées de la tenue d'une audience;

b) décide s'il est nécessaire de tenir une audience;

c) s'il estime qu'une audience est nécessaire :

(i) spécifie les personnes qui devraient en être avisées,

(ii) ordonne au procureur général du Canada de les aviser,

(iii) détermine le contenu et les modalités de l'avis;

d) s'il l'estime indiqué en l'espèce, peut donner à quiconque la possibilité de présenter des observations.

(6) Après la saisine de la Section de première instance de la Cour fédérale d'une demande présentée au titre de l'alinéa (2)c) ou l'institution d'un appel ou le renvoi pour examen d'une ordonnance du juge rendue en vertu de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette demande, et avant qu'il soit disposé de l'appel ou de l'examen :

a) le procureur général du Canada peut conclure avec l'auteur de la demande un accord prévoyant la divulgation d'une partie des renseignements ou des faits visés aux alinéas 38.02(1)b) à d) ou leur divulgation assortie de conditions;

b) si un accord est conclu, le tribunal n'est plus saisi de la demande et il est mis fin à l'audience, à l'appel ou à l'examen.

(7) Sous réserve du paragraphe (6), si le procureur général du Canada autorise la divulgation de tout ou partie des renseignements ou supprime les conditions dont la divulgation est assortie après la saisine de la Section de première instance de la Cour fédérale aux termes du présent article et, en cas d'appel ou d'examen d'une ordonnance du juge rendue en vertu de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3), avant qu'il en soit disposé, le tribunal n'est plus saisi de la demande et il est mis fin à l'audience, à l'appel ou à l'examen à l'égard de tels des renseignements dont la divulgation est autorisée ou n'est plus assortie de conditions.

38.05 Si la personne qui préside ou est désignée pour présider l'instance à laquelle est liée l'affaire ou, à défaut de désignation, la personne qui est habilitée à effectuer la désignation reçoit l'avis visé à l'alinéa 38.04(5)c), elle peut, dans les dix jours, fournir au juge un rapport sur toute question relative à l'instance qu'elle estime utile à celui-ci.

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements, sauf s'il conclut qu'elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationa-les ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(3) Dans le cas où le juge n'autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (1) ou (2), il rend une ordonnance confirmant l'interdiction de divulgation.

(3.1) Le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime digne de foi et approprié--même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité--et peut fonder sa décision sur cet élément.

(4) La personne qui veut faire admettre en preuve ce qui a fait l'objet d'une autorisation de divulgation prévue au paragraphe (2), mais qui ne pourra peut-être pas le faire à cause des règles d'admissibilité applicables à l'instance, peut demander à un juge de rendre une ordonnance autorisant la production en preuve des renseignements, du résumé ou de l'aveu dans la forme ou aux conditions que celui-ci détermine, dans la mesure où telle forme ou telles conditions sont conformes à l'ordonnance rendue au titre du paragraphe (2).

(5) Pour l'application du paragraphe (4), le juge prend en compte tous les facteurs qui seraient pertinents pour statuer sur l'admissibilité en preuve au cours de l'instance.

38.07 Le juge peut ordonner au procureur général du Canada d'aviser de l'ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) toute personne qui, de l'avis du juge, devrait être avisée.

38.08 Si le juge conclut qu'une partie à l'instance dont les intérêts sont lésés par une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) n'a pas eu la possibilité de présenter ses observations au titre de l'alinéa 38.04(5)d), il renvoie l'ordonnance à la Cour d'appel fédérale pour examen.

38.09 (1) Il peut être interjeté appel d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) devant la Cour d'appel fédérale.

(2) Le délai dans lequel l'appel peut être interjeté est de dix jours suivant la date de l'ordonnance frappée d'appel, mais la Cour d'appel fédérale peut le proroger si elle l'estime indiqué en l'espèce.

38.1 Malgré toute autre loi fédérale :

a) le délai de demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada est de dix jours suivant le jugement frappé d'appel, mais ce tribunal peut proroger le délai s'il l'estime indiqué en l'espèce;

b) dans les cas où l'autorisation est accordée, l'appel est interjeté conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur la Cour suprême, mais le délai qui s'applique est celui qu'a fixé la Cour suprême du Canada.

38.11 (1) Les audiences prévues au paragraphe 38.04(5) et l'audition de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) sont tenues à huis clos et, à la demande soit du procureur général du Canada, soit du ministre de la Défense nationale dans le cas des instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, elles ont lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la capitale nationale.

(2) Le juge saisi d'une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) donne au procureur général du Canada--et au ministre de la Défense nationale dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale--la possibilité de présenter ses observations en l'absence d'autres parties. Il peut en faire de même pour les personnes qu'il entend en application de l'alinéa 38.04(5)d).

38.12 (1) Le juge saisi d'une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) peut rendre toute ordonnance qu'il estime indiquée en l'espèce en vue de protéger la confidentialité des renseignements sur lesquels porte l'audience, l'appel ou l'examen.

(2) Le dossier ayant trait à l'audience, à l'appel ou à l'examen est confidentiel. Le juge ou le tribunal saisi peut ordonner qu'il soit placé sous scellé et gardé dans un lieu interdit au public.

38.13 (1) Le procureur général du Canada peut délivrer personnellement un certificat interdisant la divulgation de renseignements dans le cadre d'une instance dans le but de protéger soit des renseignements obtenus à titre confidentiel d'une entité étrangère--au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l'information--ou qui concernent une telle entité, soit la défense ou la sécurité nationales. La délivrance ne peut être effectuée qu'après la prise, au titre de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, d'une ordonnance ou d'une décision qui entraînerait la divulgation des renseignements devant faire l'objet du certificat.

(2) Dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, le procureur général du Canada ne peut délivrer de certificat qu'avec l'assentiment du ministre de la Défense nationale donné personnellement par celui-ci.

(3) Le procureur général du Canada fait signifier une copie du certificat :

a) à la personne qui préside ou est désignée pour présider l'instance à laquelle sont liés les renseignements ou, à défaut de désignation, à la personne qui est habilitée à effectuer la désignation;

b) à toute partie à l'instance;

c) à toute personne qui donne l'avis prévu à l'article 38.01 dans le cadre de l'instance;

d) à toute personne qui, dans le cadre de l'instance, a l'obligation de divulguer ou pourrait divulguer ou faire divulguer les renseignements à l'égard desquels le procureur général du Canada a été avisé en application de l'article 38.01;

e) à toute partie aux procédures engagées en application du paragraphe 38.04(5) ou à l'appel d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) en ce qui concerne les renseignements;

f) au juge qui tient une audience en application du paragraphe 38.04(5) et à tout tribunal saisi de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) en ce qui concerne les renseignements;

g) à toute autre personne à laquelle, de l'avis du procureur général du Canada, une copie du certificat devrait être signifiée.

(4) Le procureur général du Canada fait déposer une copie du certificat :

a) auprès de la personne responsable des dossiers relatifs à l'instance;

b) au greffe de la Cour fédérale et à celui de tout tribunal saisi de l'appel ou de l'examen d'une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3).

(5) Une fois délivré, le certificat a pour effet, malgré toute autre disposition de la présente loi, d'interdire, selon ses termes, la divulgation des renseignements.

(6) La Loi sur les textes réglementaires ne s'applique pas aux certificats délivrés au titre du paragraphe (1).

(7) Dès que le certificat est délivré, le procureur général du Canada le fait publier dans la Gazette du Canada.

(8) Le certificat ou toute question qui en découle n'est susceptible de révision, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que sous le régime de l'article 38.131.

(9) Le certificat expire à la fin d'une période de quinze ans à compter de la date de sa délivrance et peut être délivré de nouveau.

38.131 (1) Toute partie à l'instance visée à l'article 38.13 peut demander à la Cour d'appel fédérale de rendre une ordonnance modifiant ou annulant un certificat délivré au titre de cet article pour les motifs mentionnés aux paragraphes (8) ou (9), selon le cas.

(2) Le demandeur en avise le procureur général du Canada.

(3) Dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, l'avis prévu au paragraphe (2) est donné à la fois au procureur général du Canada et au ministre de la Défense nationale.

(4) Par dérogation à l'article 16 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale est constituée d'un seul juge de ce tribunal pour l'étude de la demande.

(5) Pour l'étude de la demande, le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime digne de foi et approprié--même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité--et peut se fonder sur cet élément pour rendre sa décision au titre de l'un des paragraphes (8) à (10).

(6) Les articles 38.11 et 38.12 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la demande présentée au titre du paragraphe (1).

(7) Le juge étudie la demande le plus tôt possible, mais au plus tard dans les dix jours suivant la présentation de la demande au titre du paragraphe (1).

(8) Si le juge estime qu'une partie des renseignements visés par le certificat ne porte pas sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d'une entité étrangère--au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l'information--ou qui concernent une telle entité ni sur la défense ou la sécurité nationales, il modifie celui-ci en conséquence par ordonnance.

(9) Si le juge estime qu'aucun renseignement visé par le certificat ne porte sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d'une entité étrangère--au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l'information--ou qui concernent une telle entité, ni sur la défense ou la sécurité nationales, il révoque celui-ci par ordonnance.

(10) Si le juge estime que tous les renseignements visés par le certificat portent sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d'une entité étrangère--au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l'information--ou qui concernent une telle entité, ou sur la défense ou la sécurité nationales, il confirme celui-ci par ordonnance.

(11) La décision du juge rendue au titre de l'un des paragraphes (8) à (10) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel ni de révision judiciaire.

(12) Dès que possible après la décision du juge, le procureur général du Canada fait publier dans la Gazette du Canada, avec mention du certificat publié antérieurement :

a) le certificat modifié au titre du paragraphe (8);

b) un avis de la révocation d'un certificat au titre du paragraphe (9).

38.14 (1) La personne qui préside une instance criminelle peut rendre l'ordonnance qu'elle estime indiquée en l'espèce en vue de protéger le droit de l'accusé à un procès équitable, pourvu que telle ordonnance soit conforme à une ordonnance rendue en application de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette instance, a une décision en appel ou découlant de l'examen ou au certificat délivré au titre de l'article 38.13.

(2) L'ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) peut notamment :

a) annuler un chef d'accusation d'un acte d'accusation ou d'une dénonciation, ou autoriser l'instruction d'un chef d'accusation ou d'une dénonciation pour une infraction moins grave ou une infraction incluse;

b) ordonner l'arrêt des procédures;

c) être rendue à l'encontre de toute partie sur toute question liée aux renseignements dont la divulgation est interdite.

38.15 (1) Dans le cas où des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peuvent être divulgués dans le cadre d'une poursuite qui n'est pas engagée par le procureur général du Canada ou pour son compte, il peut délivrer un fiat et le faire signifier au poursuivant.

(2) Le fiat établit la compétence exclusive du procureur général du Canada à l'égard de la poursuite qui y est mentionnée et des procédures qui y sont liées.

(3) L'original ou un double du fiat est déposé devant le tribunal saisi de la poursuite--ou d'une autre procédure liée à celle-ci--engagée par le procureur général du Canada ou pour son compte.

(4) Le fiat ou le double de celui-ci :

a) est une preuve concluante que le procureur général du Canada ou son délégué a compétence pour mener la poursuite qui y est mentionnée ou les procédures qui y sont liées;

b) est admissible en preuve sans qu'il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du procureur général du Canada.

(5) Le présent article ne s'applique pas aux instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale.

38.16 Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre les mesures qu'il estime nécessaires à l'application des articles 38 à 38.15, notamment régir les avis, certificats et fiat.

1 T. G. Cooper, Crown Privilege, Aurora (Ont.) : Canada Law Book, 1990, p. 17, note 2. John Sopinka, Sidney N. Lederman et Alan W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Toronto : Butterworths, 1999, par. 15.5 à 15.8.

2 Les dispositions de 1982, soient les articles 36.1, 36.2 et 36.3, ont été renumérotées lors de la refonte de 1985 pour devenir les articles 37, 38 et 39. J'utiliserai dans mes motifs cette nouvelle numérotation.

3 Les parties ont confirmé qu'elles ont aussi examiné la jurisprudence britannique, australienne ou néo-zélandaise sur la question.

4 Ce langage élargit les circonstances dans lesquelles une demande de non-divulgation en vertu de l'art. 38 peut être présentée. Toutefois, même dans ce contexte, il n'est pas clair qu'une partie puisse, après avoir obtenu une ordonnance de non-divulgation, présenter cette preuve « secrète » au tribunal qui préside l'instance (autre que le juge désigné au sens de l'art. 38) pour appuyer ses propres prétentions. Je n'entends pas me prononcer sur cette question ici.

5 Le protonotaire en arrive à cette conclusion simplement parce que la défenderesse doit répondre à tous les allégués de la déclaration. Il ne semble pas avoir considéré que la mise en équilibre des intérêts en jeu requiert l'application d'un critère plus rigoureux que celui de la simple pertinence eu égard aux allégués de la déclaration. En effet, tant dans le cadre de l'art. 37 que de l'art. 38, la Cour doit évaluer si ces renseignements constituent une preuve cruciale ou très importante pour le succès de l'action ou de la défense (voir à cet égard les décisions citées au par. 66 ci-après).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.