DES-4-02
2004 CF 1717
EN L'AFFAIRE d'un certificat signé conformément au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (la «Loi»);
ET EN L'AFFAIRE du dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada, conformément au paragraphe 77(1) et aux articles 78 et 80 de la Loi;
ET EN L'AFFAIRE de Mohamed HARKAT
Répertorié: Harkat (Re) (C.F.)
Cour fédérale, juge Dawson--Hull (Québec), 7 juin; Ottawa, 10 décembre 2004.
Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Personnes interdites de territoire -- Audience portant sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité délivré en vertu de l'art. 77(1) de la Loi -- Requête en nomination d'un intervenant bénévole («amicus curiae») -- Argument du demandeur: les circonstances de la présente affaire étaient plus complexes que celles de l'affaire Ahani c. Canada, où la Cour avait estimé que les dispositions antérieures correspondantes respectaient les principes de justice naturelle -- Le résumé remis conformément à l'art. 78h) de la Loi n'était pas une communication suffisante -- Explication du régime établi par les art. 77, 78 et 80 de la Loi et du rôle du juge désigné -- La nomination d'un intervenant bénévole était inutile pour l'exercice de la compétence conférée à la Cour par la Loi -- Tous les renseignements demandés par l'avocat du demandeur avaient été communiqués à la Cour -- Le juge désigné examine «avec minutie» les faits invoqués par les ministres -- Un intervenant bénévole n'est pas nécessaire pour assurer la justice fondamentale -- Le législateur voulait que la preuve soit vue uniquement par le juge désigné -- Faire droit à la requête entraînerait un retard alors que l'affaire, qui censément doit être traitée avec célérité, s'éternise sans qu'on en voie la fin.
Juges et tribunaux -- Requête en nomination d'un intervenant bénévole pour qu'il aide le juge désigné durant l'audience portant sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité délivré en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés -- Rôle du juge désigné selon le régime législatif -- Il doit équilibrer des intérêts rivaux: protéger les renseignements relatifs à la sécurité nationale tout en offrant à l'intéressé une communication raisonnable des motifs à l'origine du certificat -- Il a accès à tous les renseignements sur lesquels repose la décision des ministres -- La Cour fédérale est une «cour supérieure d'archives», mais elle n'est pas une cour supérieure au sens de l'expression telle qu'elle est appliquée aux cours supérieures provinciales -- Elle n'a que les pouvoirs qui lui sont conférés par le Parlement -- Le Parlement voulait que seul le juge désigné constate les faits -- Il n'y a pas d'appel contre la décision du juge désigné -- Examen d'un discours prononcé par le juge Hugessen lors d'une conférence -- Discussion de l'origine de la notion de juge désigné.
Compétence de la Cour fédérale -- Requête en nomination d'un intervenant bénévole pour qu'il aide la Cour dans une affaire relative à un certificat de sécurité en matière d'immigration -- La Cour a présumé, sans se prononcer, qu'elle avait compétence pour nommer un intervenant bénévole -- La Cour fédérale n'est pas une juridiction investie d'une compétence générale ou implicite, mais, selon l'art. 3 de la Loi sur les Cours fédérales, elle est une cour supérieure d'archives -- La désignation de «cour supérieure» ne conférait par elle-même aucune compétence -- Elle n'est pas une cour supérieure au sens de l'expression telle qu'elle est appliquée aux cours supérieures des provinces -- Un pouvoir peut être conféré implicitement uniquement s'il est nécessaire pour l'exercice d'une compétence expressément conférée -- Un intervenant bénévole n'est pas nécessaire pour l'accomplissement de fonctions prévues par les dispositions applicables de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Recours -- Requête en nomination d'un intervenant bénévole pour qu'il aide le juge désigné durant l'audience portant sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité -- Argument: un intervenant bénévole est nécessaire pour assurer la justice fondamentale garantie par l'art. 7 de la Charte -- On a fait valoir que la Cour avait compétence en common law et selon l'art. 24(1) de la Charte -- L'argument des ministres selon lequel le demandeur mettait en doute certains articles de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés alors qu'il avait négligé de signifier aux procureurs généraux un avis de question constitutionnelle a été rejeté, car la position du demandeur était que la Loi, interprétée objectivement, autorisait le recours demandé -- Eu égard aux circonstances, il est inutile de décider si la Cour a le pouvoir de nommer un intervenant bénévole -- La Cour a rejeté l'argument selon lequel la présente affaire était beaucoup plus complexe que l'affaire Ahani c. Canada, où la Cour avait jugé que le texte législatif antérieur respectait les principes de justice fondamentale.
Dans le contexte d'une audience portant sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité, une requête a été présentée pour que soit rendue une ordonnance: 1) nommant un intervenant bénévole pour qu'il aide la Cour durant les parties de l'audition auxquelles l'avocat du demandeur ne serait pas autorisé à assister; 2) prévoyant que les frais raisonnables de l'intervenant bénévole seraient payés par le gouvernement du Canada; 3) déclarant que, sans l'assistance d'un intervenant bénévole, il y aurait contravention à l'article 7 de la Charte, en ce sens que la justice fondamentale serait déniée au demandeur; 4) pour le cas où il n'y aurait pas violation de l'article 7 de la Charte, alors une ordonnance rendue par la Cour dans l'exercice de sa compétence de common law et nommant un intervenant bénévole; 5) les dépens de la requête, sur une base avocat-client, quelle que soit l'issue de l'affaire.
Au soutien du pouvoir que détiendrait la Cour selon la common law, le demandeur s'est fondé sur des remarques incidentes faites par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. v. Samra: [traduction] «On n'a pas prétendu, et on ne pouvait pas prétendre, qu'une cour supérieure n'a pas le pouvoir de nommer un intervenant bénévole au procès d'un accusé non représenté». S'opposant à cette requête, les ministres ont fait valoir ce qui suit: 1) l'argument du demandeur fondé sur la Charte mettait en question la validité constitutionnelle des articles 77 et 78 de la Loi, mais le demandeur avait négligé de signifier un avis de question constitutionnelle au procureur général du Canada et au procureur général de chacune des provinces; 2) la procédure exposée dans les articles 77 et 78 à propos du dépôt du certificat de sécurité auprès d'un juge désigné de la Cour fédérale a été jugée conforme aux principes de justice fondamentale dont il est question dans l'article 7 de la Charte; 3) la Charte ne donne pas à la Cour fédérale le pouvoir de nommer un intervenant bénévole; 4) aucune loi ne confère expressément à la Cour fédérale le pouvoir de nommer un intervenant bénévole; 5) la Cour fédérale n'a pas le pouvoir implicite de nommer un intervenant bénévole en vue d'une procédure conduite conformément à l'article 78; et 6) si la Cour juge qu'elle a effectivement un tel pouvoir, alors elle ne devrait pas ici exercer ce pouvoir.
Jugement: la requête doit être rejetée.
L'argument des ministres relatif à la nécessité de la signification d'un avis de question constitutionnelle au procureur général du Canada et aux procureurs généraux provinciaux a été rejeté, car le demandeur ne mettait pas en doute la validité, l'applicabilité ou l'effet de l'article 78 de la Loi.
Il n'était pas nécessaire pour la Cour de dire si elle avait le pouvoir de nommer un intervenant bénévole, mais elle était disposée à présumer qu'elle avait un tel pouvoir.
Les points suivants ont été soulevés à l'appui de la nécessité de nommer un intervenant bénévole dans la présente affaire: 1) il s'agissait là d'une situation plus complexe que celle de l'affaire Ahani c. Canada, où la Cour avait jugé que les dispositions antérieures correspondant aux articles 77, 78 et 80 respectaient les principes de justice fondamentale; 2) vu le peu d'empressement du gouvernement à répondre tant soit peu à des questions aussi fondamentales que celle de savoir s'il se fondait sur des renseignements obtenus de Maher Arar, un intervenant bénévole était nécessaire pour que la Cour fût en mesure d'examiner pleinement et objectivement les accusations portées contre M. Harkat; 3) un intervenant bénévole donnerait à la Cour l'avantage d'entendre les observations des avocats, qui autrement ne seraient pas mises en avant, tout en préservant les intérêts de la sécurité nationale, établissant de ce fait un juste équilibre entre les intérêts rivaux en présence; et 4) le résumé remis à M. Harkat n'atteignait pas la norme imposée aux ministres, à savoir la communication intégrale, objective et sincère des faits. Plus précisément, il n'y avait pas eu divulgation intégrale de la situation politique ayant cours en Algérie.
Avant de commencer une analyse des motifs invoqués au soutien de cette requête, il convenait d'examiner le régime législatif et le rôle assigné dans ce régime au juge désigné, aspects qui avaient été étudiés par le juge Noël dans la décision Charkaoui (Re). On peut lire dans ce précédent que «le juge désigné constitue la pierre angulaire de la procédure de révision [. . .] le juge désigné a accès à tous les renseignements utilisés par les ministres pour en arriver à leurs décisions [. . .] les représentants des ministres ont même l'obligation d'informer le juge désigné de faits pouvant nuire à la thèse des ministres [. . .] l'obligation d'informer est beaucoup plus grande lorsque le législateur permet la tenue d'audiences en l'absence de l'une des parties».
La première étape de l'analyse consistait à se demander si la nomination d'un intervenant bénévole était nécessaire ou requise pour que la Cour soit en mesure d'exercer le pouvoir qui lui est conféré par la Loi. La Cour fédérale n'est pas une juridiction investie d'une compétence générale ou implicite encore que, selon l'article 3 de la Loi sur les Cours fédérales, elle soit «une cour supérieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale». D'ailleurs, sa désignation en tant que cour supérieure est réputée ne conférer par elle-même aucune compétence: Commonwealth of Puerto Rico c. Hernandez. Dans cette affaire, les juges de la majorité avaient estimé que la Cour fédérale n'était pas une cour supérieure au sens de l'expression telle qu'elle est appliquée aux cours supérieures des provinces, c'est-à-dire à des cours qui connaissent de toutes les matières qui ne sont pas exclues de leur compétence. Ce précédent enlevait toute pertinence aux observations incidentes faites dans l'arrêt Samra.
L'attribution d'un pouvoir ne sera présumée que lorsque ce pouvoir est nécessaire ou requis pour permettre à la Cour d'exercer la compétence dont elle est investie expressément: Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net. Il était donc nécessaire de se demander si la preuve établissait que la nomination d'un intervenant bénévole était requise pour que la Cour puisse exercer le pouvoir que lui conféraient les articles 78 et 80. En quoi la présente affaire se distinguait-elle des autres affaires portant sur la délivrance de certificats de sécurité, affaires où la Cour avait pu s'acquitter de sa tâche sans l'aide d'un intervenant bénévole? Les accusations dont le demandeur était l'objet ne semblaient pas complexes au point de requérir une procédure que ne prévoyait pas la Loi. La capacité de la Cour d'apprécier pleinement et objectivement les affirmations dont M. Harkat était l'objet, ainsi que la nature et la crédibilité des preuves avancées au soutien de telles affirmations, était illustrée par son engagement à ne tirer aucune conclusion défavorable à M. Harkat sur la foi d'un renseignement le concernant qui avait pu être fourni par Maher Arar. Les précisions demandées par l'avocat de M. Harkat sous la forme de 231 questions ont depuis été communiquées à la Cour en l'absence de M. Harkat. Le demandeur a fait valoir que les services de renseignement ne sont pas infaillibles et peuvent même commettre des abus, mais la Cour, ainsi que le faisait observer le juge Blais dans la décision Zündel (Re), considère «avec minutie» les faits invoqués. L'argument de M. Harkat portant sur l'absence de divulgation de la situation politique ayant cours en Algérie ne pouvait être accepté, puisque le résumé faisait pleinement et clairement état des allégations relatives au rôle du demandeur au sein du Front islamique du salut et du Groupe islamique armé, cette dernière organisation cherchant à établir un État islamique en Algérie par le recours à la violence terroriste.
M. Harkat n'a pas établi qu'il était impossible pour la Cour d'exercer validement son pouvoir si un intervenant bénévole n'était pas nommé.
L'étape suivante de l'analyse consistait à se demander s'il serait impossible pour la Cour d'assurer une justice fondamentale à M. Harkat. Le récent arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), permettait d'affirmer que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié peut, lorsqu'elle rend une décision sur l'admissibilité d'un demandeur d'asile, prendre en compte tout renseignement de sécurité sans divulguer ce renseignement à l'intéressé et qu'elle ne contrevient pas de ce fait à l'article 7 de la Charte. Aucun aspect des circonstances de la présente affaire ne rendait la Cour incapable d'apprécier et de protéger adéquatement les droits du demandeur et donc de tenir une audience s'accordant avec les principes de justice fondamentale. Il n'était pas nécessaire de recourir aux dispositions réparatrices du paragraphe 24(1) de la Charte pour nommer un intervenant bénévole.
Trois autres raisons justifiaient le rejet de la requête: 1) l'intention du législateur; 2) la tardiveté de la demande, ce qui allait entraîner un délai additionnel; et 3) les pouvoirs d'un juge désigné. L'article 78 montre que le législateur voulait que seul le juge désigné soit chargé de décider du caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité. La Loi prévoit qu'il ne peut être fait appel de la décision du juge désigné sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat. La Cour d'appel fédérale ne peut avoir accès à la preuve communiquée au juge désigné. Il s'ensuit que le législateur ne voulait pas qu'un intervenant bénévole ait accès à ces renseignements confidentiels. Le demandeur s'en est rapporté à un discours prononcé par le juge Hugessen lors d'une conférence organisée par l'Institut canadien d'administration de la justice, au cours de laquelle le juge Hugessen avait fait observer que les juges désignés ne prisent guère l'idée de devoir siéger seuls pour n'entendre qu'une seule des parties et pour examiner les documents produits par une seule d'entre elles. Mais, s'agissant des certificats de sécurité, le législateur a choisi de ne pas suivre le modèle du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (le CSARS), dans lequel un conseiller juridique indépendant représente les intérêts du plaignant en ce qui a trait aux renseignements qui ne pouvaient pas être communiqués au plaignant. Il faut se rappeler que les membres du CSARS ne sont pas des magistrats et qu'ils ne sont nullement tenus de justifier d'une formation juridique, et c'est dans ce contexte qu'il fallait voir le recours du CSARS à des conseillers juridiques indépendants. Ainsi que l'indique la décision Charkaoui, la genèse de la notion de juge désigné confirme la volonté du législateur de soumettre les certificats de sécurité au seul examen d'un juge désigné, et cela pour limiter l'accès aux renseignements protégés et préserver ainsi à la fois la sécurité nationale et les moyens par lesquels est obtenue l'information touchant la sécurité nationale.
Faire droit à cette demande ne pourrait qu'entraîner un nouveau délai parce que l'intervenant bénévole serait alors tenu d'obtenir une habilitation de sécurité, parce qu'il lui faudrait se familiariser avec un volume considérable de documents et parce qu'il faudrait fixer les modalités de son mandat. La procédure qui permet de dire si un certificat de sécurité est raisonnable ou non est censée se dérouler avec célérité. Cette affaire a débuté en décembre 2002 et elle devrait être menée à terme sans plus attendre.
Le texte législatif donne au juge désigné un pouvoir suffisant et une liberté d'action suffisante pour lui permettre de s'acquitter adéquatement des tâches qui lui incombent, et les droits de la personne nommée dans un certificat de sécurité peuvent être protégés sans qu'il soit nécessaire de nommer un intervenant bénévole.
lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 24(1).
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 83.05 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 4, 143), 83.06 (édicté, idem, art. 4). |
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 101. |
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 52 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 112). |
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, art. 3. |
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141), 38.01 (édicté, idem, art. 43), 38.02 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.03 (édicté, idem, art. 43), 38.031 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.04 (édicté, idem), 38.05 à 38.13 (édicté, idem, art. 43), 38.131 (édicté, idem; 2004, ch. 12, art. 19), 38.14 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), 38.15 (édicté, idem). |
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 51 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 159). |
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 42. |
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 3 (mod., idem, art. 16), 57 (mod., idem, art. 54). |
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 77 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 78, 79 (mod., idem), 80, 81, 82, 83, 84, 85. |
jurisprudence citée
décisions appliquées:
Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669; (1995), 32 C.R.R. (2d) 95; 100 F.T.R. 261 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181; 201 N.R. 233 (C.A.F.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1997] 2 R.C.S. v; Charkaoui (Re), [2004] 3 R.C.F. 32; (2003), 253 F.T.R. 22; 2004 CF 1419; Commonwealth de Puerto Rico c. Hernandez, [1975] 1 R.C.S. 228; (1973), 41 D.L.R. (3d) 549; 14 C.C.C. (2d) 209; Commission d'énergie électrique du Nouveau-Brunswick c. Maritime Electric Company Limited, [1985] 2 C.F. 13; (1985), 60 N.R. 203 (C.A.); Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626; (1998), 157 D.L.R. (4th) 385; 6 Admin. L.R. (3d) 1; 22 C.P.C. (4th) 1; 224 N.R. 241; Zündel (Re) (2004), 245 F.T.R. 61; 39 Imm. L.R. (3d) 271; 2004 FC 86; Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 1 R.C.F. 171; (2004), 36 Imm. L.R. (3d) 1; 322 N.R. 2; 2004 CAF 212; autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [2004] C.S.C.R. no 354 (QL); Charkaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 1 R.C.F. 451; (2003), 236 D.L.R. (4th) 91; 315 N.R. 1; 2003 CAF 407.
décision distincte:
R. c. Samra (1998), 41 O.R. (3d) 434; 129 C.C.C. (3d) 144 (C.A.).
décisions citées:
Harkat (Re) (2003), 231 F.T.R. 19; 27 Imm. L.R. (3d) 47; 2003 CFPI 285; Harkat (Re) (2003), 238 F.T.R. 201; 2003 CFPI 520; Harkat (Re), [2003] 4 C.F. 1020; (2003), 236 F.T.R. 18; 2003 CFPI 759; Harkat (Re) (2003), 243 F.T.R. 161; 29 Imm. L.R. (3d) 238; 2003 CF 918.
doctrine citée
Terrorisme, droit et démocratie: comment le Canada a-t-il changé après le 11 septembre? Institut canadien d'administration de la justice. Thémis, 2002.
REQUÊTE pour que soit rendue une ordonnance nommant un intervenant bénévole afin qu'il aide la Cour dans la conduite d'une audience portant sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité délivré conformément au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Requête rejetée.
ont comparu:
Bruce Engel et Paul D. Copeland pour Mohamed Harkat.
James H. Mathieson et Michael W. Dale pour le solliciteur général du Canada.
avocats inscrits au dossier:
Bruce Engel, Ottawa et Paul D. Copeland, Toronto, pour Mohamed Harkat.
Le sous-procureur général du Canada pour le solliciteur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
[1]La juge Dawson: Au cours d'une audience portant sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité délivré à l'égard de Mohamed Harkat conformément au paragraphe 77(1) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), M. Harkat a sollicité une ordonnance:
a) nommant John B. Laskin pour qu'il assiste la Cour à titre d'intervenant bénévole (amicus curiae) durant les parties de l'audition de la présente affaire auxquelles l'avocat de M. Harkat n'est pas autorisé à assister;
b) prévoyant que les frais raisonnables de l'intervenant bénévole ainsi occasionnés devront être payés par le gouvernement du Canada;
c) déclarant que, sans l'assistance de l'intervenant bénévole, et compte tenu des circonstances particulièrement complexes de la présente affaire, qui sont exposées dans le résumé de l'information et de la preuve prévu par l'alinéa 78h) de la Loi, un résumé en date du 2 décembre 2002 (le résumé), il sera impossible pour la Cour d'assurer au demandeur la justice fondamentale dont il est question dans l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] (la Charte), lorsqu'elle se demandera si le certificat signé par les deux ministres est raisonnable;
d) subsidiairement, si la Cour juge que la procédure qui sera suivie dans la présente affaire ne contrevient pas à l'article 7 de la Charte, alors une ordonnance rendue par la Cour dans l'exercice de sa compétence de common law et nommant un intervenant bénévole qui assistera la Cour dans la présente affaire;
e) les dépens de cette requête, sur une base avocat-client, quelle que soit l'issue de l'affaire; et
f) tout autre redressement que son avocat pourra recommander et que la Cour jugera à propos.
[2]S'agissant du pouvoir de la Cour d'accorder tel redressement, M. Harkat fait valoir que la Cour a ce pouvoir selon la common law, et aussi à titre de réparation pouvant être accordée par elle en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, afin d'empêcher la violation des droits garantis à M. Harkat par l'article 7 de la Charte.
[3]Au soutien du pouvoir que détiendrait la Cour selon la common law, M. Harkat se fonde sur des remarques incidentes faites par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. v. Samra (1998), 41 O.R. (3d) 434. Il s'agissait d'un appel interjeté à l'encontre d'une déclaration de culpabilité. L'accusé faisait valoir que l'avocat qui avait été nommé à titre d'intervenant bénévole se trouvait dans une situation de conflit d'intérêts, avait présenté des conclusions juridiques contraires aux intérêts de l'accusé et avait révélé des renseignements confidentiels obtenus de l'accusé. À la page 443 des motifs de la Cour, le juge Rosenberg, s'exprimant pour la Cour, avait fait observer ce qui suit:
[traduction] On n'a pas prétendu, et on ne pouvait pas prétendre, qu'une cour supérieure n'a pas le pouvoir de nommer un intervenant bénévole au procès d'un accusé non représenté. L'argument de l'appelant doit donc être que le tribunal a commis une erreur en nommant M. Black intervenant bénévole, en raison d'un conflit d'intérêts réel ou potentiel.
[4]Les deux ministres qui ont déposé le certificat de sécurité à la Cour pour qu'elle dise s'il est raisonnable ou non s'opposent à la requête de M. Harkat. Les avocats des ministres font valoir ce qui suit:
i) En affirmant que la Charte donne à la Cour le pouvoir de nommer un intervenant bénévole, M. Harkat met en doute la validité constitutionnelle et l'applicabilité des articles 77 et 78 de la Loi, qui ne prévoient pas une telle nomination. En conséquence, les ministres disent que M. Harkat devait signifier un avis de question constitutionnelle au procureur général du Canada et au procureur général de chacune des provinces.
ii) Quoi qu'il en soit, les ministres font valoir que la procédure exposée dans les articles 77 et 78 de la Loi, qui prévoient qu'un certificat de sécurité est déposé à la Cour fédérale et qu'un juge désigné par le juge en chef de la Cour examine et décide alors si le certificat de sécurité est raisonnable, a été jugée conforme aux principes de justice fondamentale dont il est question dans l'article 7 de la Charte.
iii) La Charte ne donne pas à la Cour fédérale le pouvoir de nommer un intervenant bénévole.
iv) Aucune loi ne confère expressément à la Cour fédérale le pouvoir de nommer un intervenant bénévole.
v) La Cour fédérale n'a pas le pouvoir implicite de nommer un intervenant bénévole dans une procédure conduite conformément à l'article 78 de la Loi.
vi) Subsidiairement, si la Cour juge qu'elle a effectivement le pouvoir de nommer un intervenant bénévole qui l'assistera dans la procédure conduite conformément à l'article 78 de la Loi, la Cour ne devrait pas ici exercer ce pouvoir.
[5]Pour plus de commodité, les articles 77, 78 et 80 de la Loi sont reproduits dans l'appendice A des présents motifs.
[6]Le point soulevé par M. Harkat est un point important. Les conclusions écrites déposées au soutien et à l'encontre de sa requête ne sont pas très longues. Comme il peut être utile de savoir quels arguments ont été avancés devant la Cour sur cette requête, les conclusions écrites et conclusions écrites supplémentaires de M. Harkat sont annexées aux présents motifs, dans l'appendice B, tandis que les conclusions écrites des ministres sont annexées comme appendice C.
[7]L'argumentation orale n'a pas ajouté outre mesure auxdites conclusions.
[8]La requête a été plaidée oralement le 24 septembre 2004. Puisque la Cour devait siéger à compter du 25 octobre 2004 afin de donner à M. Harkat une autre occasion de s'exprimer sur l'interdiction de territoire dont il est l'objet, il importait que la décision de la Cour concernant sa requête lui soit communiquée promptement. Par conséquent, après avoir réfléchi et délibéré sur les conclusions écrites et orales des parties, la Cour a rendu le 6 octobre 2004 une ordonnance qui rejetait la requête, pour les motifs qui seraient plus tard exposés par écrit. Les motifs sont exposés ci-après.
LES DOCUMENTS DÉPOSÉS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE
[9]La requête est appuyée par des affidavits produits sous serment par John B. Laskin, William George Horton et Diana Muñoz. M. Harkat s'en rapporte également au résumé.
[10]M. Laskin est un membre éminent et respecté du Barreau du Haut-Canada. Son affidavit, auquel est annexée sa notice biographique, mentionne que, de 1985 à 1986, il a été conseiller juridique du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (le CSARS) à propos de plaintes déposées en vertu de l'article 42 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23 (la Loi sur le SCRS). Les règles de procédure du CSARS qui régissaient sa fonction selon la Loi sur le SCRS (règles adoptées le 9 mars 1985) accompagnent également l'affidavit de M. Laskin. M. Laskin a aussi indiqué qu'il a représenté le gouvernement du Canada à plusieurs reprises, notamment dans des instances découlant d'oppositions à la communication de renseignements au motif que la communication serait préjudiciable à la sécurité nationale. Pour son travail auprès du CSARS et pour certaines autres missions, M. Laskin détenait l'habilitation de sécurité du niveau «très secret». M. Laskin a juré, selon ce qu'il croyait, que, s'il était nommé intervenant bénévole, il serait de nouveau en mesure d'obtenir cette habilitation de sécurité. Finalement, M. Laskin a indiqué qu'il serait disposé à exercer la charge d'intervenant bénévole si la Cour estimait avoir besoin de cette assistance.
[11]M. Horton est un autre membre éminent du Barreau du Haut-Canada. Son affidavit était lui aussi accompagné d'un bref sommaire de ses antécédents professionnels et précisait que, entre 1986 et 1991, il avait été l'un des conseillers juridiques du CSARS. Au cours de cette période, il avait travaillé sur quatre ou cinq affaires, dont deux l'avaient obligé à examiner les dossiers du SCRS. Il devait donc obtenir, et il a effectivement obtenu, une classification de sécurité du niveau «très secret». M. Horton a décrit de la manière suivante sa fonction de conseiller juridique autonome du CSARS:
[traduction]
4. L'une de mes fonctions principales en tant que conseiller juridique indépendant consistait à représenter les intérêts du plaignant au regard des renseignements qui ne pouvaient pas être communiqués au plaignant et à son avocat en raison de la classification de sécurité qui avait été attribuée à tels renseignements. Dans l'exercice de mes attributions, j'exécutais les tâches suivantes: |
a) discuter d'abord du dossier avec les membres du CSARS et examiner les documents du dossier du CSARS relatifs à la plainte; |
b) examiner le dossier du SCRS; |
c) discuter de l'affaire avec l'avocat du plaignant et, sans révéler les renseignements classifiés, obtenir des indications sur les points et les sujets d'inquiétude au sujet desquels le plaignant souhaitait une décision; |
d) procéder, à huis clos, aux contre-interrogatoires d'employés du SCRS et de dénonciateurs, qui témoignaient, en totalité ou en partie, à huis clos; |
e) présenter des conclusions aux membres du CSARS à propos des procédures conduites à huis clos; |
f) apporter un soutien rédactionnel dans l'exposé des motifs des membres du CSARS après qu'ils s'étaient concertés sur une décision. |
5. Dans l'accomplissement de ces tâches, je m'efforçais de faire ressortir, d'une manière équilibrée et responsable, les circonstances et considérations qui favorisaient le plaignant, eu égard au fait que j'avais des obligations à la fois envers le plaignant et envers le CSARS. Toutefois, lorsque j'estimais, en mon âme et conscience, qu'il le fallait, je n'hésitais pas à procéder au contre-interrogatoire d'un témoin, dans une optique contradictoire. |
6. Le rôle que je jouais en tant que conseiller juridique autonome du CSARS était un rôle hybride au regard des normes juridiques canadiennes, mais je crois que c'était un compromis nécessaire et efficace de nature à garantir un minimum d'examen et de responsabilité à propos de décisions publiques qui faisaient intervenir des renseignements classifiés. |
[12]Diana Muñoz est une secrétaire juridique qui travaille pour l'avocat de M. Harkat. Son affidavit faisait état d'un volume relié intitulé «Documents invoqués au soutien de la requête en nomination d'un intervenant bénévole». Le contenu de ce volume renferme généralement la correspondance et un mémoire se rapportant à diverses demandes de communication présentées au nom de M. Harkat.
LA QUESTION DU POUVOIR DE NOMINATION
[13]Je rejette tout de suite l'argument avancé au nom des ministres selon lequel M. Harkat était tenu de signifier un avis de question constitutionnelle au procureur général du Canada et au procureur général de chacune des provinces. L'article 57 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 54] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)], impose la signification d'un tel avis lorsque «la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel» d'une loi fédérale est mis en doute. Je ne crois pas que M. Harkat, dans cette requête, mette en doute la validité, l'applicabilité ou l'effet de l'article 78 de la Loi. Il dit plutôt, dans son avis de requête, que «sans l'assistance de l'intervenant bénévole, et compte tenu des circonstances particulièrement complexes de la présente affaire [. . .], il sera impossible pour la Cour de lui assurer la justice fondamentale» dont il est question dans l'article 7 de la Charte, lorsqu'elle se demandera si le certificat de sécurité est raisonnable. Autrement dit, M. Harkat dit que ses droits selon l'article 7 de la Charte sont compromis par la procédure actuelle et que la Loi, interprétée objectivement, permet à la Cour de corriger cette situation. Dans ces conditions, M. Harkat n'était pas, à mon avis, tenu de signifier un avis de question constitutionnelle.
[14]Eu égard aux circonstances de la présente affaire, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de décider si la Cour a le pouvoir de nommer un intervenant bénévole. En l'absence de conclusions pleinement développées sur la question, ainsi qu'il appert des conclusions écrites annexées, je crois qu'il est préférable pour moi de ne pas décider ce point. Vu mon évaluation du fond de la requête dont je suis saisie, qu'il me suffise de présumer, sans devoir me prononcer, que la Cour est investie de ce pouvoir.
[15]J'examinerai maintenant les faits et incidents portés à la connaissance de la Cour pour justifier la nomination d'un intervenant bénévole, le postulat étant que le pouvoir de nommer un intervenant bénévole existe dans certaines conditions, soit implicitement, soit en raison du pouvoir de la Cour d'accorder réparation en cas de violation d'un droit prévu par la Charte.
LE FONDEMENT DE L'ARGUMENT SELON LEQUEL UN INTERVENANT BÉNÉVOLE EST NÉCESSAIRE
[16]Les faits et incidents qui empêcheraient la Cour d'assurer à M. Harkat une justice fondamentale ou qui justifieraient l'exercice du pouvoir de common law de nommer un intervenant bénévole sont les suivants:
i) Les faits qui concernent M. Harkat sont nettement plus complexes que ceux qui concernaient M. Ahani, et qui ont été étudiés par la juge McGillis dans la décision Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181 (C.A.F.); autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée, [1997] 2 R.C.S. v. Les affirmations plus simples dirigées contre M. Ahani étaient celles que la Cour avait devant elle lorsqu'elle avait estimé que les dispositions antérieures correspondant aux articles 77, 78 et 80 de la Loi répondaient aux principes de justice fondamentale.
ii) Vu les antécédents et circonstances particulièrement complexes de la présente affaire, et «le peu d'empressement du gouvernement à répondre tant soit peu à des questions aussi fondamentales que celle de savoir s'il se fonde sur des renseignements obtenus de Maher Arar ou de Ahmed Ressam, un intervenant bénévole est nécessaire pour que la Cour soit en mesure d'examiner pleinement et objectivement le contexte et la substance des accusations portées contre» M. Harkat.
iii) La nomination d'un intervenant bénévole aiderait énormément la Cour à évaluer le caractère raisonnable ou non du certificat de sécurité. «Un intervenant bénévole donnerait à la Cour l'avantage d'entendre les observations des avocats, qui autrement ne seraient pas mises en avant, tout en préservant la volonté du gouvernement de faire prévaloir les intérêts de la sécurité nationale». Eu égard au genre de questions que la Cour sera appelée à trancher, «l'assistance ou la contribution d'un intervenant bénévole pourrait se révéler précieuse» et les intérêts de M. Harkat seront de la sorte mieux protégés. La nomination d'un intervenant bénévole établirait semble-t-il un juste équilibre entre les intérêts rivaux en présence ici.
iv) Le résumé remis à M. Harkat conformément à l'alinéa 78h) de la Loi n'atteint pas la norme imposée aux ministres, cette norme étant la communication intégrale, objective et sincère des faits. Plus précisément, il n'y a pas eu divulgation intégrale de la situation politique ayant cours en Algérie, et les ministres ont indiqué que les faux passeports saoudiens étaient des passeports de prédilection uniquement pour des extrémistes islamiques désireux d'entrer au Canada.
ANALYSE DE LA PERTINENCE DES MOTIFS AVANCÉS POUR JUSTIFIER LA NOMINATION D'UN INTERVENANT BÉNÉVOLE
[17]J'analyserai à l'intérieur du cadre suivant les faits et incidents invoqués par M. Harkat:
1. Ces incidents établissent-ils que la nomination d'un intervenant bénévole est nécessaire ou requise pour que la Cour puisse exercer le pouvoir que lui confère la Loi, de telle sorte que serait établi le pouvoir implicite allégué?
2. Ces incidents établissent-ils que, si un intervenant n'est pas nommé, il sera impossible pour la Cour d'assurer à M. Harkat une justice fondamentale?
3. D'autres facteurs intéressent-ils l'exercice du pouvoir de nommer un intervenant bénévole dans la présente affaire?
[18]Avant de commencer cette analyse, il convient d'examiner le régime établi par les articles 77, 78 et 80 de la Loi et le rôle assigné dans ce régime au juge désigné. Ces aspects ont été étudiés récemment par mon collègue, le juge Noël, dans la décision Charkaoui (Re), [2004] 3 R.C.F. 32 (C.F.). Je fais mienne l'explication qu'il en donne aux paragraphes 100 à 102 de ses motifs:
À mon avis, le juge désigné constitue la pierre angulaire de la procédure de révision en ce qu'il a la double obligation de protéger les renseignements liés à la sécurité nationale ou à la criminalité et de remettre à la personne concernée un résumé de la preuve suffisamment révélateur des circonstances qui ont donné lieu au certificat et au mandat ayant mené à la détention. C'est ainsi qu'est établi l'équilibre entre les intérêts opposés.
Pour qu'il puisse effectuer cette difficile tâche, le juge désigné a accès à tous les renseignements, sans exception, utilisés par les ministres pour en arriver à leurs décisions. Il peut même recevoir des renseignements additionnels si les avocats des ministres en déposent (alinéa 78j) de la LIPR). Les représentants des ministres ont même l'obligation d'informer le juge désigné de faits pouvant nuire à la thèse des ministres. Dans l'arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, la juge Arbour précise que l'obligation d'informer est beaucoup plus grande lorsque le législateur permet la tenue d'audiences en l'absence de l'une des parties [au paragraphe 47]:
Comme je l'ai mentionné précédemment, l'institution fédérale qui présente des arguments en l'absence de l'autre partie devant le tribunal de révision est tenue d'agir avec la bonne foi la plus absolue et d'exposer les faits de manière complète, franche et impartiale, y compris ceux qui pourraient lui être défavorables. |
Le juge désigné préside les audiences et entend les témoins présentés par les ministres. Au besoin, il interroge lui-même ces témoins. Il examine soigneusement la documentation pour déterminer quels renseignements sont liés à la sécurité et lesquels ne le sont pas. Pour ce faire, il examine entre autres les sources des renseignements, la façon dont ces renseignements ont été obtenus, la fiabilité des sources et la méthode utilisée, ainsi que la possibilité de corroborer ces renseignements par d'autres moyens lorsque cela est possible. Il tient compte du fait que les renseignements ont été obtenus sous le sceau du secret, soit d'une source canadienne ou d'une source étrangère, ou que ces renseignements font déjà partie du domaine public. Il s'enquiert auprès des représentants des ministres de la qualité de l'enquête et s'interroge quant à la possibilité que des événements puissent être interprétés différemment. Il décide quels renseignements peuvent être dévoilés à la personne concernée et fournit un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. Ce résumé doit suffisamment informer la personne concernée des circonstances qui ont donné lieu à la signature du certificat et au lancement du mandat d'arrestation et de la détention.
Après que la personne concernée a reçu le résumé en question et les autres documents pertinents, le juge désigné préside une ou des audiences où il donne la possibilité à la personne concernée d'être entendue. L'audience peut porter sur le caractère raisonnable du certificat, sur le maintien de la détention ou sur les deux. Lors de l'audience, les ministres et la personne concernée ont l'occasion de présenter des témoins, de déposer de la preuve documentaire et de plaider oralement et par écrit.
i) La nomination d'un intervenant bénévole est-elle nécessaire ou requise pour que la Cour soit en mesure d'exercer le pouvoir qui lui est conféré par la Loi?
[19]La Cour fédérale n'est pas une juridiction investie d'une compétence générale ou implicite. C'est une juridiction d'origine législative constituée en vertu du pouvoir conféré au Parlement par l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]], le pouvoir d'établir «des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada». L'article 3 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 16] de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que la Cour est «un tribunal [. . .] de droit, d'equity et d'amirauté» et «une cour supérieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale». La désignation de la Cour fédérale en tant que cour supérieure est réputée ne conférer par elle-même aucune compétence. Voir l'arrêt Commonwealth de Puerto Rico c. Hernandez, [1975] 1 R.C.S. 228, à la page 232, dans lequel les juges de la majorité avaient estimé que les derniers mots de l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10], son appellation d'alors, ainsi que la mention selon laquelle la Cour fédérale continue d'être une «cour supérieure d'archives», ne faisaient pas de la Cour fédérale une "cour supérieure" au sens que possède cette expression lorsqu'elle est appliquée aux cours supérieures des provinces, c'est-à-dire à des cours qui ont compétence dans toutes les matières qui ne sont pas exclues de leur juridiction». À mon avis, ce précédent enlève toute pertinence aux observations incidentes faites par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Samra. La Cour fédérale ne peut exercer que les pouvoirs qui lui sont conférés par le législateur.
[20]Cela dit, un pouvoir peut être conféré implicitement dans la mesure où l'existence et l'exercice d'un tel pouvoir sont nécessaires pour permettre à la Cour d'exercer validement et pleinement la compétence qui lui est expressément conférée par une disposition législative. Voir l'arrêt Commission d'énergie électrique du Nouveau-Brunswick c. Maritime Electric Company Limited, [1985] 2 C.F. 13 (C.A.), où la Cour d'appel fédérale avait jugé qu'elle avait le pouvoir implicite de suspendre l'application d'une décision contestée, dès lors que la non-suspension aurait pour effet de rendre l'appel illusoire. Toutefois, l'attribution d'un pouvoir ne sera présumée que lorsque ce pouvoir est nécessaire ou requis pour permettre à la Cour d'exercer la compétence dont elle est investie expressément. Voir l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, aux pages 639 à 644, où les juges de la majorité écrivaient que, s'agissant du pouvoir de prononcer une injonction, «[l]'existence du pouvoir d'accorder une injonction n'a été inférée que dans les cas où ce pouvoir était vraiment nécessaire à l'application du texte de loi concerné; la cohérence, ainsi que le caractère logique et souhaitable, ne suffisent pas».
[21]D'où la nécessité de se demander si la preuve établit que la nomination d'un intervenant bénévole est requise pour que la Cour puisse exercer le pouvoir que lui confèrent les articles 78 et 80 de la Loi.
[22]Les avocats n'ont fait état, et je n'ai connaissance, d'aucune demande antérieure de nomination d'un intervenant bénévole dans des cas où la Cour est appelée à s'interroger sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité délivré en vertu de la Loi ou du texte antérieur correspondant. Dans ces précédents, la Cour avait statué sur la validité du certificat sans l'assistance d'un intervenant bénévole. En quoi la présente affaire s'en distingue-t-elle donc au point que la Cour sera dans l'impossibilité d'exercer son pouvoir si un intervenant bénévole n'est pas nommé?
[23]D'abord, M. Harkat fait valoir que son cas est nettement plus complexe que celui de M. Ahani. Aucune preuve n'a été avancée à l'appui de cet argument, mais on a fait valoir oralement que l'affaire Ahani était plus simple parce que l'allégation portée contre M. Ahani était simplement que ce dernier était un assassin étranger.
[24]Les affirmations dont est l'objet M. Harkat, qui figurent dans le résumé et dans les autres documents divulgués, sont les suivantes:
i) Avant d'arriver au Canada, M. Harkat s'est livré au terrorisme en soutenant des activités terroristes, et il appartient au réseau de Ben Laden, qui comprend Al-Qaïda.
ii) Il est un extrémiste islamique et un partisan des extrémistes afghans, pakistanais et tchétchènes.
iii) Le moyen et l'itinéraire employés par M. Harkat pour se rendre au Canada, les fausses déclarations qu'il a faites aux fonctionnaires canadiens, son soutien à des individus et groupes impliqués dans des violences politiques ou des activités terroristes, ses alliances avec des extrémistes islamiques et son recours à des techniques de sécurité, tout cela conduit le SCRS à croire que M. Harkat est associé à des organisations qui soutiennent le recours à la violence politique et au terrorisme.
iv) S'agissant des déclarations fausses, on affirme que M. Harkat a menti:
a) lorsqu'il a nié avoir aidé des extrémistes islamiques au Pakistan alors qu'il travaillait pour un organisme d'aide; |
b) lorsqu'il a nié qu'il soutenait des extrémistes islamiques; |
c) lorsqu'il a négligé de révéler qu'il s'était rendu en Afghanistan; |
d) lorsqu'il a dissimulé les relations qu'il entretenait avec certaines personnes au Canada; et |
e) lorsqu'il a nié avoir eu recours à des noms d'emprunt pour notamment éviter d'être suspecté d'association avec des individus ou groupes ayant pu participer au réseau de Ben Laden. |
v) M. Harkat est venu en aide à certains extrémistes islamiques qui se sont rendus au Canada.
vi) M. Harkat a été en relation avec Abu Zubaida, l'un des premiers lieutenants d'Oussama ben Laden, qui a identifié M. Harkat d'après son signalement physique et ses activités, notamment le fait qu'il avait géré un petit hôtel à Peshawar (Pakistan), au milieu des années 1990, pour les moudjahidin qui se rendaient en Tchétchénie.
vii) M. Harkat a nié être connu sous le nom de Abu Muslim ou Abu Muslima.
[25]M. Harkat est, à mon avis, en mesure de se prévaloir de l'occasion qui lui est donnée de s'exprimer, selon l'alinéa 78i) de la Loi, sur le résumé et les autres documents divulgués, et cela sans que soit nommé un intervenant bénévole. Les accusations dont il est l'objet reposent uniquement sur les faits allégués et, à mon avis, elles ne sont pas complexes au point de requérir une procédure que ne prévoit pas la Loi.
[26]M. Harkat fait observer qu'il n'a pu obtenir de réponses aux 231 questions qu'il a posées aux ministres, et il dit par conséquent qu'un intervenant bénévole est nécessaire. Je reconnais tout à fait que, s'il n'a pas connaissance de la teneur des renseignements classifiés qui ont conduit à la délivrance du certificat de sécurité, il lui est impossible de connaître la preuve précise qui justifie le certificat et dont, à mon avis, la divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. Cela ne veut pas dire cependant que, sans un intervenant bénévole, la Cour est dans l'impossibilité d'apprécier pleinement et objectivement le contexte et le fond des affirmations dont M. Harkat est l'objet, ainsi que la nature et la crédibilité des preuves avancées au soutien de telles affirmations. C'est là précisément la responsabilité qui incombe à la Cour, et c'est l'exercice dont la Cour a et aura la conduite. À titre d'exemple, la Cour a déjà, par une directive, informé les parties de ce qui suit:
[traduction] J'ai attentivement examiné l'intégralité de la preuve produite par les ministres. Après réflexion, je puis affirmer que je ne tirerai aucune conclusion défavorable à M. Harkat sur la foi d'un renseignement le concernant qui a pu être fourni par Ahmed Ressam ou Maher Arar.
[27]Dans la mesure où des précisions étaient demandées par M. Harkat dans les 231 questions (et davantage) de son avocat, toute indication dont ne disposait pas déjà la Cour dans les renseignements classifiés a depuis été communiquée à la Cour en l'absence de M. Harkat lorsque la divulgation de la réponse risquait d'être préjudiciable à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. Bref, la Cour s'est assurée que tous les renseignements dont M. Harkat voulait que la Cour ait connaissance ont été portés à la connaissance de la Cour.
[28]L'avocat de M. Harkat a fait valoir que les services de renseignement se sont déjà rendus coupables d'abus et ne sont pas infaillibles. C'est cependant la raison pour laquelle la Cour est tenue d'isoler les faits invoqués au soutien du certificat de sécurité, puis, selon les mots employés par le juge Blais dans la décision Zündel (Re) (2004), 245 F.T.R. 61 (C.F.), au paragraphe 12 [2004 CF 86], de les examiner «avec minutie» et de les évaluer «en tenant compte de la qualité et du nombre des sources d'information». La Cour devra donc nécessairement tenir compte des erreurs pouvant résulter de plusieurs facteurs, notamment mauvaise identifica-tion, méprise, erreur d'acheminement, incompétence ou malveillance.
[29]M. Harkat fait aussi valoir que la nomination d'un intervenant bénévole serait d'une grande assistance pour la Cour et que son intérêt serait mieux protégé avec la présence d'un tel intervenant. Cependant, ainsi que le faisaient observer les juges majoritaires de la Cour suprême dans l'arrêt Canadian Liberty Net, la norme permettant de conclure à l'existence d'un pouvoir implicite est une norme rigoureuse; un pouvoir qui n'est que logique ou souhaitable ne sera pas un pouvoir implicite.
[30]Selon M. Harkat, un intervenant bénévole est nécessaire parce que les ministres n'ont pas, sous deux aspects importants, divulgué les faits d'une manière intégrale, objective et sincère. D'abord, M. Harkat dit qu'il n'y a pas eu divulgation intégrale de la situation politique ayant cours en Algérie. Plus précisément, il dit que:
[traduction] Le gouvernement n'a pas informé la Cour que le FIS avait remporté le premier tour des élections en 1992, que l'armée était intervenue pour prendre le pouvoir et qu'elle avait annulé les élections. Le gouvernement n'a pas informé la Cour que l'armée s'était livrée sans discerne-ment à des massacres et disparitions en vue d'éliminer ses opposants politiques. Le gouvernement n'a pas informé la Cour que 200 000 personnes ont été tuées en Algérie par suite des mesures prises par l'armée et par suite de la réaction aux mesures prises par l'armée pour annuler les élections et prendre le pouvoir.
[31]Je crois que cela se rapporte aux paragraphes 10 et 11 du résumé, qui sont ainsi rédigés:
[traduction]
10. Dans sa demande d'asile, M. HARKAT reconnaissait son soutien au Front islamique du salut (FIS) en Algérie, et son appartenance à cette organisation. À l'époque où il était un partisan du FIS, le FIS était une organisation politique légitime. En 1992, le FIS était déclaré hors la loi par le gouvernement algérien et, en 1993, il établissait une aile militaire, l'Armée islamique du salut (AIS), qui défendait une doctrine fondée sur la violence politique. M. HARKAT affirme s'être joint au FIS en 1989, après avoir perdu confiance dans la capacité du gouvernement algérien de résoudre les problèmes sociaux et économiques que connaissait l'Algérie. Peu après s'être joint au FIS, il a donné au groupe l'accès à une résidence familiale située dans le village de Zmalet Elamir Abdulkadir, en Algérie. Cet endroit est devenu le bureau de district du FIS et servait, gratuitement, à l'enrôlement de ses membres. Il dit que, durant cette période, il résidait à l'Université d'Oran, où il assistait à des cours. En mars 1990, les agents de sécurité du gouvernement algérien fermaient la résidence située à Zmalet Elamir Abdulkadir et arrêtaient tous les travailleurs du FIS. M. HARKAT fut informé que les autorités le recherchaient et il est allé se cacher jusqu'à son départ pour l'Arabie saoudite à la faveur d'un visa de visiteur en avril 1990. Il s'est rendu au Pakistan, où il est resté jusqu'en septembre 1995.
11. L'affirmation de M. HARKAT selon laquelle il est membre du FIS s'accorde avec l'enquête du Service. Toutefois, l'enquête du Service a révélé que, lorsque le FIS a rompu ses liens avec le Groupe islamique armé (GIA), M. HARKAT a indiqué que sa loyauté allait au GIA. Le GIA cherche à établir un État islamique en Algérie par le recours à la violence terroriste, et à éliminer du pays les influences occidentales. Le FIS était naguère politiquement et idéologiquement associé au GIA, mais, en 1997, il se distanciait des massacres de civils commis par le GIA et démentait publiquement que les deux organisations joindraient leurs forces. Depuis les actes terroristes commis aux États-Unis le 11 septembre 2001, les attaques et les massacres du GIA en Algérie se poursuivent (voir l'annexe IV). [Notes omises.]
[32]Je ne puis accepter l'argument de M. Harkat selon lequel les ministres ont manqué à leur obligation de divulguer les faits avec sincérité, au point de rendre nécessaire la nomination d'un intervenant bénévole. À mon avis, le résumé fait pleinement et clairement état des allégations relatives au rôle de M. Harkat au sein du FIS et du GIA. Si M. Harkat est d'avis que d'autres renseignements sont nécessaires pour situer historiquement le FIS, il est libre de produire toute preuve qu'il jugera utile.
[33]La seconde révélation contestable serait le fait que «les faux passeports saoudiens étaient des passeports de prédilection uniquement pour les extrémistes islamiques désireux d'entrer au Canada». Il s'agit là, je crois, d'une référence au paragraphe 14 du résumé, ainsi formulé:
[traduction]
14. Lors d'un entretien avec le Service en mai 1997, M. HARKAT avait expliqué qu'il utilisait un faux passeport saoudien, de manière à être dispensé d'obtenir un visa pour se rendre au Canada. Le Service croit que les passeports saoudiens étaient les documents de prédilection pour les extrémistes islamiques qui souhaitaient se rendre au Canada, étant donné que, avant 2002, les titulaires de passeports saoudiens n'avaient pas besoin de visa pour se rendre au Canada.
[34]Après lecture impartiale du résumé, je ne crois pas que ce qu'il dit est que seuls les extrémistes islamiques utilisaient des passeports saoudiens. Le résumé ne dit pas non plus que les extrémistes islamiques n'utilisaient que des passeports saoudiens. Il n'y a pas eu manquement à l'obligation de divulguer les faits d'une manière intégrale, objective et sincère.
[35]Finalement, je suis arrivée à la conclusion que M. Harkat n'a pas établi qu'il est impossible pour la Cour d'exercer validement son pouvoir sans la nomination d'un intervenant bénévole.
ii) Sans la nomination d'un intervenant bénévole, sera-t-il impossible pour la Cour d'assurer à M. Harkat une justice fondamentale?
[36]Le paragraphe 24(1) de la Charte est ainsi formulé:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
[37]Cette disposition permet donc à un «tribunal compétent» de veiller à ce que toute négation de droits garantis par la Charte soit réparée d'une manière adéquate.
[38]Au paragraphe 107 de la décision Charkaoui, le juge Noël concluait que la procédure établie par les articles 76 à 85 [art. 79 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194)] de la Loi s'accorde avec les principes de justice fondamentale garantis par l'article 7 de la Charte. Plus récemment, dans l'arrêt Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 1 R.C.F. 171 (C.A.F.); autorisation de pourvoi refusée, [2004] C.S.C.R. no 354, la Cour d'appel fédérale a jugé que la procédure qui habilite un membre de la section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, lorsqu'il rend une décision sur l'admissibilité d'un demandeur d'asile, à prendre en compte tout renseignement de sécurité sans divulguer ce renseignement à l'intéressé, est conforme aux principes de justice fondamentale et ne contrevient pas à l'article 7 de la Charte.
[39]Dans les espèces Charkaoui et Sogi, les juges s'en sont rapportés largement à la décision rendue par la juge McGillis dans l'affaire Ahani. Dans cette affaire, la validité constitutionnelle du texte législatif antérieur avait été confirmée.
[40]Il ressort de cette jurisprudence, du moins pour ce qui concerne cette requête, que toute prétendue négation des droits conférés à M. Harkat par l'article 7 découle non pas du régime législatif, mais des circonstances particulières de la présente affaire.
[41]Pour les motifs susmentionnés, je n'ai pas été persuadée qu'un aspect quelconque des circonstances de la présente affaire rende la Cour incapable d'apprécier et de protéger adéquatement les droits de M. Harkat et donc de tenir une audience qui s'accorde avec les principes de justice fondamentale. Il s'ensuit, à mon avis, qu'il n'est pas nécessaire de recourir aux dispositions réparatrices du paragraphe 24(1) de la Charte pour nommer un intervenant bénévole.
iii) Autres points à considérer
[42]À mon avis, les facteurs suivants militent également, ici et maintenant, contre l'exercice du pouvoir discrétionnaire de nommer un intervenant bénévole:
i) Cela ne serait pas conforme à l'intention du législateur, telle qu'elle apparaît dans le texte législatif.
ii) La demande est présentée tardivement durant l'instance et conduirait à un délai additionnel.
iii) La procédure exposée dans l'article 78 de la Loi donne au juge désigné le pouvoir et la faculté de s'interroger sur le caractère raisonnable ou non d'un certificat de sécurité, tout en appréciant et en protégeant les droits de la personne nommée dans le certificat.
L'intention du législateur
[43]Les articles 77, 78 et 80 de la Loi ne prévoient pas expressément la nomination d'un intervenant bénévole, et l'article 78 montre que le législateur voulait que seul le juge désigné soit chargé de décider du caractère raisonnable ou non du certificat de sécurité. C'est le juge désigné qui doit: i) entendre l'affaire; ii) garantir la confidentialité de tous les renseignements; iii) examiner tous les aspects sans formalisme et avec célérité, dans la mesure où les circonstances et les considérations de justice naturelle le permettent; iv) remettre à la personne nommée dans le certificat un résumé des renseignements ou des éléments de preuve afin qu'elle puisse raisonnablement s'informer des circonstances ayant donné lieu au certificat; et v) donner à l'intéressé la possibilité d'être entendu.
[44]Dans l'arrêt Charkaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 1 R.C.F. 451, au paragraphe 18, la Cour d'appel fédérale examinait l'obligation faite au juge désigné de préserver le caractère confidentiel des renseignements, de même que la disposition de la Loi selon laquelle il ne peut être fait appel de la décision du juge désigné sur le caractère raisonnable ou non du certificat. La Cour d'appel a conclu de ces dispositions que le législateur voulait que la preuve permettant de dire si le certificat est ou non raisonnable soit recueillie et appréciée par le juge désigné et que les choses en restent là. De l'avis de la Cour d'appel, reconnaître un droit d'appel sur la question de la détention équivaudrait à permettre que cette preuve dépasse le cadre établi et soit soumise à l'appréciation de la Cour d'appel. Cela posait plusieurs problèmes pratiques et soulevait des questions auxquelles le législateur n'avait pas répondu, ce qui, d'après la Cour d'appel, montrait que le législateur n'entendait pas que l'on puisse faire appel d'une décision de détention.
[45]Il découlerait de ce raisonnement que l'attribution à un intervenant bénévole de l'accès aux renseignements confidentiels serait également contraire à l'intention du législateur.
[46]À mon avis, il faudrait qu'il existe des circonstances singulières pour que soit justifier une dérogation au régime exposé dans l'article 78 de la Loi.
[47]M. Harkat s'en est rapporté à un discours prononcé par mon collègue le juge Hugessen lors d'une conférence organisée par l'Institut canadien d'administration de la justice et intitulée Terrorisme, droit et démocratie: comment le Canada a-t-il changé après le 11 septembre? Le juge Hugessen faisait observer, dans ses propos, que les juges désignés «ne prisent guère l'idée de devoir siéger seuls pour n'entendre qu'une seule des parties et pour examiner les documents produits par une seule d'entre elles». Cependant, les juges ne sont pas des parlementaires. Lorsqu'il s'est penché sur la question des certificats de sécurité, le Parlement a choisi de ne pas suivre le modèle du CSARS (dans lequel un conseiller juridique indépendant exerçait les fonctions décrites par M. Horton). Les observations du juge Hugessen rendent compte, je crois, de la difficulté de la tâche confiée aux juges désignés et la conscience aiguë avec laquelle ils s'appliquent à mettre en équilibre les droits d'une personne nommée dans un certificat de sécurité et la nécessité pour le Canada de préserver la confidentialité de renseignements protégés pour des raisons de sécurité nationale.
[48]Avant de passer au point suivant, il convient d'examiner l'argument de M. Harkat selon lequel le législateur a éliminé les protections prévues pour les résidents permanents dans le contexte de la sécurité nationale, lorsqu'il a confié l'audition de leurs cas à un juge unique de la Cour fédérale et non au CSARS. Cette prétendue réduction des protections découle, si je comprends bien son argument, de l'absence d'un avocat indépendant durant la procédure tenue devant la Cour fédérale. Il y a à cela deux réponses. D'abord, et aspect le moins important, M. Harkat n'est pas un résident permanent, de telle sorte que son cas n'aurait jamais été renvoyé au CSARS. Deuxièmement, il faut se rappeler que les membres du CSARS étaient nommés à temps partiel et qu'ils étaient nommés parmi les membres du Conseil privé. Cependant, ils n'étaient nullement tenus de justifier d'une formation juridique. Les membres du CSARS ne sont pas des magistrats. C'est dans ce contexte qu'il faut voir le recours du CSARS à des conseillers juridiques indépendants.
[49]Dans la décision Charkaoui, le juge Noël examinait l'origine de la désignation de juges de la Cour fédérale dans les affaires de sécurité nationale. Aux paragraphes 35 et 36 de son jugement, il s'exprimait ainsi:
Il est intéressant de noter que ce concept a été formulé dans le rapport de la Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada: Deuxième rapport: La liberté et la sécurité devant la loi (ci-après la Commission). Au paragraphe 101 de la Partie V de son 2e rapport (vol. 1, page 585), la Commission fait référence à la notion de «juge désigné». La Commission y étudie la question des demandes de mandat dans le cadre de la Loi sur les secrets officiels, L.R.C. (1985), ch. O-5 et déclare ce qui suit:
Dans un système de gouvernement responsable comportant un cabinet, les ministres ont le devoir d'exercer comme il convient les pouvoirs légalement conférés au gouvernement, mais ils n'ont pas la responsabilité de décider, en fin de compte, comment la loi est appliquée. Dans notre système de gouvernement, ce rôle incombe normalement aux juges. |
Aux paragraphes 104 et 106 de la Partie V (vol. 1, page 586), la Commission fait la recommandation suivante:
Afin d'assurer la présence de juges suffisamment avertis pour entendre les demandes de mandat, nous proposons que cinq juges de la division de première instance de la Cour fédérale du Canada soient désignés à cette fin par le juge en chef de ce tribunal. |
[. . .]
Dans notre système, l'audition devant le juge serait une procédure unilatérale. [. . .] On a prétendu qu'il faudrait conférer à la procédure un caractère plus accusatoire en prévoyant la nomination d'un officier qui aurait qualité d'intervenant bénévole. Cet officier signalerait au juge, au besoin, les faiblesses ou les lacunes des demandes. Cette proposition a beaucoup de mérite et nous l'avons examinée avec soin, mais nous avons conclu que, somme toute, un tel mécanisme ne convient pas. L'antagonisme que cette procédure engendrerait pourrait être plutôt artificiel et risquerait de compliquer outre mesure le processus d'approbation des demandes. De plus, nous estimons qu'un juge d'expérience n'a pas besoin d'une procédure accusatoire pour peser tous les aspects d'une demande. |
Au paragraphe 6 du chapitre 2, (vol. 2, page 931), la Commission traite des contrôles externes et affirme ce qui suit:
Ces diverses recommandations font manifestement jouer à la Cour fédérale du Canada un rôle important dans les décisions relatives à la sécurité nationale. Comme nous l'avons recommandé à la Partie V, ce rôle serait mieux rempli s'il était assumé par un groupe de juges des divisions d'appel et de première instance, spécialement désignés à cette fin par le juge en chef de la Cour fédérale.
Voir aussi l'arrêt Sogi, au paragraphe 45, où la Cour d'appel faisait observer que les juges désignés de la Cour fédérale ont la spécialisation requise pour évaluer l'opportunité de divulguer des informations relevant du renseignement de sécurité. La Cour d'appel s'est référée non seulement au pouvoir conféré par la Loi, mais également aux dispositions des articles 38 à 38.15 [art. 38 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141), 38.01 (édicté, idem, art. 43), 38.02 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.03 (édicté, idem, art. 43), 38.031 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.04 (édicté, idem). 38.05 à 38.13 (édictés, idem, art. 43), 38.131 (édicté, idem; 2004, ch. 12, art. 19), 38.14 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), 38.15 (édicté, idem)] de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, des articles 83.05 [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 4, 143), 83.06 (édicté, idem, art. 4)] du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, de l'article 52 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 112] de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 et de l'article 51 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 159] de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21.
[50]Ainsi que le notait le juge Noël dans la décision Charkaoui, la genèse de la notion de juge désigné confirme la volonté du législateur de soumettre les certificats de sécurité au seul examen d'un juge désigné, et cela pour limiter l'accès aux renseignements protégés et préserver ainsi à la fois la sécurité nationale et les moyens par lesquels est obtenue l'information touchant la sécurité nationale.
La tardiveté de la demande et le délai qui en a résulté
[51]La nomination d'un intervenant bénévole ne peut qu'entraîner un nouveau délai parce que M. Laskin serait alors tenu d'obtenir l'habilitation de sécurité nécessaire, parce qu'il faudrait fixer les modalités de son mandat et parce qu'il lui faudrait alors se familiariser avec un volume considérable de documents.
[52]La procédure qui permet de dire si un certificat de sécurité est raisonnable ou non doit être conduite avec autant de célérité que le permettent les considérations d'équité et de justice naturelle. Voici une chronologie des mesures prises à ce jour dans cette procédure:
10 décembre 2002:
Certificat déposé à la Cour, celle-ci étant priée d'examiner, à huis clos et en l'absence de la partie concernée, la preuve justifiant le certificat. |
13 décembre 2002:
Une ordonnance est rendue, qui résume l'information et la preuve à communiquer à M. Harkat. |
10 janvier 2003:
Conférence téléphonique avec les avocats, au cours de laquelle est discutée la tenue d'une audience où M. Harkat aura l'occasion d'être entendu (audience prévue par l'alinéa 78i)). Une audience est fixée au 4 mars 2003, au cours de laquelle sera instruite une requête déposée au nom de M. Harkat pour la communication d'autres éléments de preuve. |
4 mars 2003:
La requête en communication est instruite. |
7 mars 2003:
Une ordonnance est rendue, qui rejette la requête en communication d'autres éléments de preuve [Harkat (Re) (2003), 231 F.T.R. 19 (C.F. 1re inst.)]. |
14 avril 2003:
Une ordonnance est rendue, qui réserve cinq jours pour l'audience prévue par l'alinéa 78i), audience qui débutera le 28 avril 2003. |
22 avril 2003:
Des preuves additionnelles sont communiquées à M. Harkat. |
28 avril 2003:
Une ordonnance est rendue, qui fait droit à la demande déposée par M. Harkat pour que l'audience prévue par l'alinéa 78i) soit ajournée parce que son témoin n'est pas disponible [Harkat (Re) (2003), 238 F.T.R. 201 (C.F. 1re inst.)]. |
2 mai 2003:
L'audience prévue par l'alinéa 78i) est programmée sur cinq jours et débutera le 21 juillet 2003. |
23 mai 2003:
Requête déposée par M. Harkat pour que soit suspendue cette procédure; la requête sera instruite le 12 juin 2003. |
19 juin 2003:
Une ordonnance est rendue, qui rejette la requête de M. Harkat en suspension de cette procédure [Harkat (Re), [2003] 4 C.F. 1020 (1re inst.)]. |
17 juillet 2003:
Appel interjeté par M. Harkat à l'encontre de l'ordonnance du 19 juin 2003. |
21 juillet 2003:
D'autres preuves sont communiquées à M. Harkat et l'audience prévue par l'alinéa 78i) débute. Au cours de la semaine, M. Harkat présente deux requêtes, la première pour faire comparaître un employé bien informé du SCRS, la seconde pour obtenir une ordonnance cassant le certificat de sécurité. La Cour entend également le témoignage de Mme Harkat. C'est le seul témoignage produit par M. Harkat durant la semaine. À la fin de la semaine, le 25 juillet, la Cour fait droit en partie à la première requête, afin de permettre à M. Harkat d'obtenir d'autres détails, et elle rejette la requête en annulation du certificat [Harkat (Re) (2003), 243 F.T.R. 161 (C.F.)]. |
29 juillet 2003:
Une ordonnance est rendue, qui fixe le calendrier à observer, selon lequel M. Harkat doit signifier et déposer les questions visant à éclaircir certains faits et incidents indiqués dans l'exposé qui lui a été remis. Ses questions doivent être signifiées et déposées au plus tard le 8 août 2003. |
8 août 2003:
M. Harkat dépose un avis d'appel à l'encontre des ordonnances du 25 juillet 2003. |
28 octobre 2003:
N'ayant pas de nouvelles des avocats, la Cour émet une directive concernant une conférence téléphonique durant laquelle sera fixée l'audience prévue par l'alinéa 78i). |
3 novembre 2003:
Les avocats n'ayant pas répondu à la directive de la Cour du 28 octobre 2003, une directive est émise en vue d'une conférence téléphonique de gestion de l'instance. |
14 novembre 2003:
La conférence de gestion de l'instance a lieu et Me Galati, qui occupe alors pour M. Harkat, indique qu'aucune mesure n'a été prise en application de l'ordonnance du 29 juillet fixant le calendrier, et cela en raison des appels pendants interjetés contre les ordonnances du 25 juillet 2003. Me Galati dit qu'il accélérera les deux appels pendants. |
16 novembre 2003:
La directive suivante est émise: «En conséquence de l'information reçue de l'avocat de M. Harkat aujourd'hui, selon laquelle aucune mesure n'a été prise à la suite de l'ordonnance de la Cour du 29 juillet 2003, et en conséquence de l'information selon laquelle M. Harkat ne souhaite pas aller de l'avant dans cette affaire jusqu'à l'issue des appels interjetés contre les ordonnances de la Cour, il est ordonné à l'avocat de M. Harkat: |
(1) de confirmer immédiatement par écrit cette demande, et notamment de confirmer que M. Harkat comprend l'effet de cette demande sur sa détention; |
(2) de prendre immédiatement des mesures pour expédier les appels interjetés au nom de M. Harkat; |
(3) d'informer immédiatement la Cour du résultat des mesures prises en ce sens». |
24 novembre 2003:
Me Engel, autre avocat de M. Harkat, écrit ce qui suit: «Suite à l'ordonnance de madame la juge Dawson en date du 18 novembre 2003, je vous informe que j'ai obtenu des directives précises de mon client, qui est disposé à rester en détention jusqu'à l'issue des appels interlocutoires avant que ne reprenne l'audience le concernant relative au caractère raisonnable ou non du certificat de sécurité. J'espère que cela conviendra». |
20 janvier 2004:
N'obtenant aucune autre nouvelle, la Cour émet une directive fixant une nouvelle conférence de gestion de l'instance. |
10 février 2004:
Durant cette conférence de gestion de l'instance, Me Engel indique que Me Galati n'occupe plus pour M. Harkat, qu'aucune requête n'a été déposée pour accélérer les deux appels en instance et que la Cour d'appel a rendu une ordonnance d'examen de l'état de l'instance qui enjoint à M. Harkat d'exposer les raisons pour lesquelles les appels ne devraient pas être rejetés pour cause de retard. |
11 février 2004:
Une ordonnance est rendue, qui fixe les dates de la poursuite de l'audience prévue par l'alinéa 78i): du 21 au 25 juin et les 29 et 30 juin, ainsi que le 2 juillet 2004. Peu après, par consentement, les dates fixées sont remplacées par les suivantes: du 3 au 6 août et du 9 au 13 août 2004. |
7 juin 2004:
Me Engel cesse d'occuper pour M. Harkat. |
22 juin 2004:
Les deux appels en instance sont jugés, puis rejetés par la Cour d'appel fédérale. |
30 juin 2004:
Le nouvel avocat de M. Harkat, Me Copeland, informe la Cour que «il lui est impossible d'aller de l'avant dans cette affaire le 3 août 2004» et il demande que l'audience soit reportée afin de pouvoir se familiariser avec le dossier. |
La Cour fait droit à cette demande et, après avoir donné à Me Copeland une occasion de se familiariser avec le dossier et de communiquer les questions envisagées par les ordonnances de la Cour du 25 juillet et du 29 juillet, la Cour fixe de nouvelles dates pour l'audience, qui débutera le 25 octobre 2004. |
[53]Cette chronologie montre que M. Harkat a eu toutes les occasions possibles de faire en sorte que son avocat le représente adéquatement. Cependant, jusqu'à la nomination de Me Copeland, M. Harkat ne s'est pas même prévalu des droits que lui conféraient les ordonnances de la Cour en date du 25 et 29 juillet 2003.
[54]Les délais qui ont été autorisés pour des raisons d'équité constituent aujourd'hui une raison d'obliger M. Harkat à se prévaloir sans plus attendre du droit que lui confère l'alinéa 78i), la Cour ayant conclu que l'absence d'un intervenant bénévole ne nuira en rien à l'objectivité de l'audience.
La liberté d'action du juge désigné
[55]Comme je le disais précédemment, la procédure exposée dans l'article 78 de la Loi permet au juge désigné d'examiner toute l'information à l'origine de la délivrance du certificat de sécurité. Chacun des faits appuyant censément le caractère raisonnable du certificat est examiné, et le juge désigné vérifie et évalue la véracité globale de la preuve censée confirmer chacun des faits. La présence ou l'absence d'informations corroborantes est prise en compte. La possibilité d'erreur et de mauvaise interprétation est évaluée. Le juge désigné peut recevoir comme preuve tout élément qui, à son avis, mérite d'être retenu.
[56]À mon avis, le texte législatif donne au juge désigné une liberté d'action suffisante pour lui permettre de s'acquitter adéquatement des tâches qui lui incombent. Avec cette liberté d'action, les droits de la personne nommée dans un certificat de sécurité peuvent être protégés sans qu'il soit nécessaire de nommer un intervenant bénévole.
[57]Pour tous ces motifs, la requête a été rejetée.
APPENDICE A
Articles 77, 78 et 80 de la Loi:
77. (1) Le ministre et le solliciteur général du Canada déposent à la Cour fédérale le certificat attestant qu'un résident permanent ou qu'un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu'il en soit disposé au titre de l'article 80.
(2) Il ne peut être procédé à aucune instance visant le résident permanent ou l'étranger au titre de la présente loi tant qu'il n'a pas été statué sur le certificat; n'est pas visée la demande de protection prévue au paragraphe 112(1).
78. Les règles suivantes s'appliquent à l'affaire:
a) le juge entend l'affaire;
b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;
c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;
d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;
e) à chaque demande d'un ministre, il examine, en l'absence du résident permanent ou de l'étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;
f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l'affaire soit si le juge décide qu'ils ne sont pas pertinents ou, l'étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande;
g) si le juge décide qu'ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l'affaire;
h) le juge fournit au résident permanent ou à l'étranger, afin de lui permettre d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;
i) il donne au résident permanent ou à l'étranger la possibilité d'être entendu sur l'interdiction de territoire le visant;
j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime utile--même inadmissible en justice--et peut fonder sa décision sur celui-ci.
[. . .]
80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose.
(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu'il est raisonnable; si l'annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l'affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle-ci.
(3) La décision du juge est définitive et n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire.
[traduction]
APPENDICE B
No du greffe: DES-04-02
COUR FÉDÉRALE--SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
EN L'AFFAIRE d'un certificat signé conformément
au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration
et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET EN L'AFFAIRE du dépôt de ce certificat à
la Cour fédérale du Canada conformément
au paragraphe 77(1) et aux articles 78 et 80
de la Loi.
AFFAIRE CONCERNANT Mohammed HARKAT |
GRANDES LIGNES DE L'ARGUMENTATION
APPUYANT LA REQUÊTE EN NOMINATION D'UN INTERVENANT BÉNÉVOLE
1. L'impératif de confidentialité des affaires intéressant la sécurité nationale a été examiné dans l'arrêt Hosenball. Ce précédent a été cité et approuvé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chiarelli. |
R. v. Secretary of State for the Home Department, ex parte Hosenball, [1977] 3 All ER 452 (CA), à la page 60 |
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711. |
2. Lorsqu'il a promulgué les articles 38.1 et 40.1 de la Loi sur l'immigration, le gouvernement du Canada avait décidé de ne pas suivre le modèle Hosenball, mais de prévoir un genre d'examen de la décision ministérielle, soit devant le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, soit devant un juge unique de la Cour fédérale. |
3. M. Harkat, qui s'est vu accorder le droit d'asile au Canada, n'a qu'un droit limité de rester au Canada. |
4. S'agissant de la nature de la décision rendue par lord Denning dans l'affaire Hosenball, il est fait mention de l'onglet 2, pages 67 à 74, des documents invoqués au soutien de la requête en nomination d'un intervenant bénévole. |
5. Dans l'arrêt Chiarelli, la Cour suprême écrivait, au paragraphe 42, que l'absence d'un appel sur des moyens plus étendus que ceux sur lesquels reposait la décision initiale ne contrevient pas à l'article 7. Le juge Sopinka poursuivait en disant que «le Parlement aurait pu prévoir simplement la délivrance d'une attestation [c'est-à-dire d'un certificat] sans la tenue d'une audience». |
6. Le juge Sopinka examinait ensuite la procédure devant être suivie par le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, et il concluait «que la procédure suivie par le Comité de surveillance en l'espèce ne violait pas les principes de justice fondamentale». |
7. Le cas Chiarelli et le cas Moumdjian ont tous deux été tranchés par le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, étant donné que Moumdjian et Chiarelli étaient des résidents permanents du Canada. |
R. c. Moumdjian, [1999] 4 C.F. 624 |
8. L'article 40.1 de la Loi sur l'immigration (remplacée depuis par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés) prévoyait une procédure distincte pour les personnes qui n'étaient pas des résidents permanents du Canada. Les cas de ces personnes étaient tranchés par un juge de la Cour fédérale. |
9. Dans l'arrêt Ahani, la juge McGillis avait estimé, au paragraphe 38, que la procédure prévue par l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration respectait les principes de justice fondamentale. Au paragraphe 44, elle écrivait que le sommaire de la preuve et de l'information, auquel s'ajoute tout autre document communiqué soit par l'État soit par le juge désigné, fait connaître à l'intéressé la substance des allégations et lui permet donc de répondre aux arguments dont il est l'objet. |
R. c. Ahani, [1995] 3 C.F. 669 |
10. La Cour d'appel fédérale a confirmé le raisonnement adopté par la juge McGillis dans l'affaire Ahani. |
Ahani c. Canada, [1996] A.C.F. no 937 |
11. En adoptant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le Parlement décidait d'éliminer les quelques protections conférées, dans le contexte de la sécurité nationale, aux résidents permanents, en confiant l'instruction de leurs cas au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Selon la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, toutes les questions de sécurité nationale sont maintenant soumises à un juge unique de la Cour fédérale. |
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, articles 77 à 80 |
12. Il est respectueusement avancé que les questions qui concernent M. Harkat sont nettement plus complexes que les questions qui concernaient M. Ahani, selon ce qui ressort de la décision de madame la juge McGillis. |
Ahani c. Canada (1re inst.), supra |
13. Il est respectueusement avancé que, pour assurer au demandeur la justice fondamentale et l'équité procédurale auxquelles il a droit en vertu de l'article 7 de la Charte, la Cour doit nommer un intervenant bénévole qui l'aidera à décider si le certificat signé par les deux ministres est ou non raisonnable. Vu le caractère particulièrement complexe des antécédents et des circonstances de la présente affaire, et vu le peu d'empressement du gouvernement à répondre même à des questions fondamentales telles que celle de savoir s'il se repose sur des renseignements obtenus de Maher Arar ou de Ahmed Ressam, un intervenant bénévole est nécessaire pour que la Cour soit en mesure d'examiner intégralement et objectivement le contexte et la substance des accusations dont le demandeur est l'objet. |
14. Il est respectueusement avancé que, abstraction faite du pouvoir de nommer un intervenant bénévole en application de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour a également ce pouvoir selon la common law. L'article 4 de la Loi sur les Cours fédérales définit en partie la Cour fédérale comme «une cour supérieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale». Dans l'arrêt R. v. Samra, le juge Rosenberg, de la Cour d'appel de l'Ontario, écrivait, au paragraphe 18: |
[traduction] «On n'a pas prétendu, et on ne pouvait pas prétendre, qu'une cour supérieure n'a pas le pouvoir de nommer un intervenant bénévole au procès d'un accusé non représenté». |
Il est respectueusement avancé qu'une telle nomination aiderait considérablement la Cour à évaluer le caractère raisonnable ou non du certificat signé par les deux ministres. Un intervenant bénévole donnerait à la Cour l'avantage d'entendre les observations d'un avocat qui autrement ne seraient pas mises en avant, et cela tout en donnant effet à la volonté du gouvernement de préserver la sécurité nationale, par la non-communication de l'information au demandeur et à son avocat. |
R. v. Samra, [1998] O.J. No 3755, à la page 8, 41 O.R. (3d) 434 |
15. Dans l'arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), la Cour suprême du Canada a confirmé la validité de la procédure qui avait dénié à M. Ruby le droit d'intervenir dans une instance tenue à huis clos et en son absence (paragraphe 46). Dans ce contexte, la Cour suprême du Canada écrivait, au paragraphe 47, que «l'institution fédérale qui présente des arguments en l'absence de l'autre partie devant le tribunal de révision est tenue d'agir avec la bonne foi la plus absolue et d'exposer les faits de manière complète, franche et impartiale, y compris ceux qui pourraient lui être défavorables». |
Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3 |
16. Il est respectueusement avancé que l'information générale concernant le FIS en Algérie, information donnée dans le paragraphe 10 du résumé de l'information et de la preuve, ne répond pas à la norme d'une divulgation complète, franche et impartiale des faits. Le gouvernement n'a pas informé la Cour que le FIS avait remporté le premier tour des élections en 1992, que l'armée était intervenue pour prendre le pouvoir et qu'elle avait annulé les élections. Le gouvernement n'a pas dit à la Cour que l'armée s'était livrée sans discernement à des massacres et disparitions en vue d'éliminer ses opposants politiques. Le gouvernement n'a pas informé la Cour que 200 000 personnes ont été tuées en Algérie en conséquence des agissements de l'armée et en réaction contre les mesures prises par l'armée pour annuler les élections et prendre le pouvoir. |
17. Il est respectueusement avancé que le gouvernement n'a pas observé la norme d'une divulgation complète, franche et impartiale des faits, dans le paragraphe 14 du résumé de l'information et de la preuve, et cela parce qu'il a donné à entendre que les faux passeports saoudiens étaient des passeports de prédilection uniquement pour les extrémistes islamiques désireux d'entrer au Canada. |
18. Outre les doutes spécifiques susmentionnés, il est respectueusement avancé que la Cour devra tout probablement tirer d'innombrables conclusions tout au long de ce litige. Si l'on considère les genres de points que la Cour est appelée à décider, en application de l'article 78 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, il est avancé que l'assistance ou la présence d'un intervenant bénévole pourrait se révéler précieuse. |
19. M. le juge Hugessen, lors d'une allocution prononcée à la Conférence de l'Institut canadien d'administration de la justice intitulée «Terrorisme, droit et démocratie», tenue à Montréal les 25 et 26 mars 2002, s'était exprimé ainsi: |
[traduction] Ce n'est pas là une position confortable pour un juge, et je dirais même que vous avez devant vous quelqu'un qui n'est pas du tout ravi à l'idée d'exercer cette fonction. Souvent, lorsque je m'exprime en public, je fais la mise en garde habituelle, en disant que je ne m'exprime pas au nom de la Cour ni au nom de mes collègues, mais uniquement en mon propre nom. Cet après-midi, c'est une mise en garde que je ne ferai pas. Je puis vous le dire, puisque nous en avons parlé, c'est une tâche que nous détestons [. . .] Nous ne prisons guère cette idée de devoir siéger seuls pour n'entendre qu'une seule des parties et pour examiner les documents produits par une seule d'entre elles [. . .] S'il est une chose que j'ai apprise durant mes années d'exercice de la profession d'avocat, et une chose que j'ai gardée à l'esprit tout au long de ces années, c'est le fait qu'un contre- interrogatoire de qualité requiert une préparation minutieuse et une connaissance approfondie de votre dossier. Et, par définition, ce n'est pas ce que font les juges [. . .] Nous n'avons pas de connaissances, si ce n'est celles qui nous sont communiquées, et, quand elles ne nous sont données que par une seule des parties, nous ne sommes pas bien préparés pour évaluer les documents qui nous sont soumis. |
En bref, nous regrettons énormément la couverture sécurisante qu'est pour nous le système accusatoire, dans lequel nous avons tous baigné et qui, comme je le disais au début, est pour la plupart d'entre nous la véritable garantie que le résultat de ce que nous faisons sera un résultat objectif et juste [. . .] Il serait sans doute utile d'instituer un genre de système plus ou moins semblable au système du défenseur public, dans lequel certains avocats étaient mandatés pour un accès intégral aux dossiers du SCRS, aux dossiers sous-jacents, ainsi que pour la présentation de tous les arguments possibles qui militaient contre l'octroi du redressement sollicité [. . .] Je m'interroge sur ce que les juges de la Cour fédérale font dans ce tableau, et, vous me pardonnerez d'utiliser l'expression, mais parfois j'ai un peu le sentiment d'être une feuille de vigne. |
Documents invoqués au soutien de la requête en nomination d'un intervenant bénévole, onglet 1, page 4 |
20. Certes, il est des cas qui sont de nature suffisamment délicate pour que les alinéas 78e) et h), par exemple, soient invoqués. Cela n'enlève toutefois rien au fait que la présence d'un intervenant bénévole, muni des mêmes habilitations de sécurité qu'un substitut du procureur général, ne peut que favoriser l'équité en veillant à ce que tous les aspects d'une question soient explorés. La nomination d'un intervenant bénévole contribuera incontestablement à corriger le défaut pointé du doigt par le juge Hugessen, c'est-à-dire le fait que, pour l'instant, la Cour n'entend qu'une partie. Les intérêts du demandeur seront également mieux protégés. Finalement, ces impératifs essentiels seront tous deux favorisés et, simultanément, les impératifs de sécurité défendus par l'État seront préservés. La nomination d'un intervenant bénévole, selon le cadre de référence proposé dans cette demande, offrira un juste équilibre entre les intérêts rivaux propres à la présente affaire. |
21. Dans l'enquête Maher Arar, Ron Atkey a été nommé intervenant bénévole pour les demandes du gouvernement portant sur la tenue d'audiences à huis clos. |
En cette qualité, Me Atkey agira à titre de conseiller indépendant à l'égard du gouvernement et son mandat consistera à examiner les cas où le gouvernement invoquera la confidentialité liée à la sécurité nationale. |
www.ararcommission.ca/eng/13.htm |
22. Dans l'affaire Ribic, un conseiller a été nommé pour la conduite du contre-interrogatoire de deux témoins, alors que les réponses données par ces témoins intéressaient des questions relevant de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. |
Canada (Procureur général) c. Ribic, [2003] A.C.F. no 1964, au par. 6 |
23. Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada avait nommé un amicus curiae «eu égard à la complexité des points soulevés et au fait que certains aspects des points en question n'allaient pas autrement être plaidés par les parties qui étaient intervenues dans le Renvoi. Afin d'éclaircir ce qui est souvent mal compris, ce conseiller, traditionnellement appelé "Ami de la Cour", ne représente pas une partie, mais a pour mandat d'assister la Cour dans l'examen des aspects pour lesquels la Cour souhaite entendre des observations qu'autrement les parties au Renvoi ne mettraient pas en avant.» |
Renvoi relatif à la sécession du Québec [1996] CSCR 421, au par. 23 |
24. Si la Cour juge qu'il est opportun d'ordonner la nomination d'un intervenant bénévole, que ce soit en vertu de l'article 7 de la Charte ou autrement, il est respectueusement avancé que la Cour a le pouvoir intrinsèque d'ordonner le paiement de dépens pour les services du conseiller qui sera nommé intervenant bénévole. |
25. S'agissant des dépens de cette requête, il est respectueusement avancé que cette demande traite d'une matière d'importance publique fondamentale qui intéresse l'administration de la justice dans ce pays. |
LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.
FAIT le septembre 2004 |
_____________________ |
Paul D. Copeland, avocat du demandeur |
COPELAND, DUNCAN |
Avocats |
31, avenue Prince Arthur |
Toronto (Ontario) M5R 1B2 |
Téléphone (416) 964-8126 |
Télécopieur (416) 960-5456 |
[traduction]
No du greffe DES-04-02
COUR FÉDÉRALE--SECTION DE
PREMIÈRE INSTANCE
EN L'AFFAIRE d'un certificat signé conformément
au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration
et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET EN L'AFFAIRE du dépôt de ce certificat à
la Cour fédérale du Canada conformément
au paragraphe 77(1) et aux articles 78 et 80
de la Loi.
AFFAIRE CONCERNANT Mohammed HARKAT |
GRANDES LIGNES SUPPLÉMENTAIRES
DE L'ARGUMENTATION APPUYANT LA
REQUÊTE EN NOMINATION D'UN
INTERVENANT BÉNÉVOLE
1. Je m'excuse auprès de la Cour et de l'avocat du SCRS pour la tardiveté du présent mémoire. Le 7 septembre 2004, j'ai reçu un courrier électronique de Rayner Thwaites, courrier auquel était annexée sa thèse de maîtrise présentée à l'École de droit de l'Université de Toronto. |
L'expulsion fondée sur des motifs de sécurité nationale dans une culture de justification juridique, par Rayner Thwaites. Thèse de maitrise présentée à la faculté de droit de l'Université de Toronto, 2004 (un exemplaire figurera dans le Recueil des précédents concernant cette question) |
2. J'ai eu l'occasion d'examiner cette thèse le 13 septembre 2004. J'en ai transmis un exemplaire à M. Mathieson tard le 14 septembre 2004. Les paragraphes qui suivent renferment mes conclusions additionnelles qui reposent sur l'information que j'ai recueillie dans cette thèse: |
3. Comme il est indiqué ci-après, une commission spéciale des appels en matière d'immigration (la SIAC) a été instituée au Royaume-Uni. Cette commission a pour mandat d'examiner les questions de sécurité nationale. Il est respectueusement soumis que le Royaume-Uni a bénéficié de son recours à un «avocat spécial» dans l'examen des renseignements qui ne peuvent pas être divulgués pour des raisons de sécurité nationale. |
4. Dans l'arrêt Chahal c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé à l'unanimité que le Royaume-Uni avait contrevenu à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, parce qu'il n'avait pas institué une autorité nationale compétente chargée d'examiner le fond de la plainte selon la Convention. |
Chahal c. Royaume-Uni, [1996] 23 E.H.R.R. 413. |
5. La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été signée à Rome le 4 novembre 1950. |
6. La Cour européenne des droits de l'homme a en partie fondé sa décision rendue dans l'affaire Chahal, aux paragraphes 131 et 144, sur l'existence de ce qu'il est convenu d'appeler le «modèle canadien», dans lequel un conseiller muni d'une habilitation de sécurité se voit conférer l'accès à des preuves confidentielles et peut contre-interroger des témoins et de manière générale assister le tribunal dans le travail consistant à vérifier la solidité des arguments du gouvernement. La Cour européenne n'a manifestement pas compris le système canadien d'expulsion en matière de sécurité nationale, mais elle a dit que «cela illustre bien l'existence de techniques permettant de concilier, d'une part, les soucis légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements et, de l'autre, la nécessité d'accorder en suffisance au justiciable le bénéfice des règles de procédure». |
7. Réagissant à l'arrêt Chahal c. Royaume-Uni, le Royaume-Uni a institué la commission spéciale des appels en matière d'immigration (la «SIAC») et lui a conféré, dans l'article 2 du Special Immigration Appeals Commission Act, le pouvoir de juger les appels interjetés contre les décisions du Home Secretary en matière d'expulsions. |
The Special Immigration Appeals Commission Act (R.-U.) 1997, ch. 68 [la SIAC Act]. |
8. Selon l'article 6 de la SIAC Act, un «avocat spécial» doit être nommé pour représenter les intérêts de l'appelant dans une audience à huis clos, d'où sont exclus l'appelant et son représentant. Cet avocat spécial est choisi sur une liste d'avocats spécialisés en droits de la personne et en immigration qui ont obtenu une habilitation de sécurité. |
9. L'avantage pour le tribunal d'un tel «avocat spécial» a été noté par la Cour d'appel au cours d'un appel interjeté contre une décision de la SIAC, dans l'affaire Secretary of State for the Home Department v. "M". La SIAC avait fait droit à l'appel interjeté contre la délivrance du certificat et elle avait annulé le certificat. Le Secrétaire d'État pour le Home Department a fait appel de la décision de la SIAC. La Cour d'appel a cité la décision de la SIAC, aux paragraphes 27 et 28, où la SIAC disait que «grâce aux contre-interrogatoires rigoureux menés par l'avocat spécial durant la séance à huis clos, il a été constaté que les affirmations figurant dans les exposés remis par le défendeur [le Home Secretary] ne sont pas appuyées par la preuve. Trop souvent, les évaluations sont fondées sur des documents dont on constate, après analyse, qu'ils ne les confirment pas.» La Cour disait aussi, au paragraphe 27, que «les affirmations [faites par le Home Secretary ont été] jugées trompeuses après examen des documents de base. Dans d'autres cas, on ne s'était pas suffisamment soucié de leur exactitude». |
Secretary of State for the Home Department v. "M", [2004] EWCA Civ 324. |
10. Il est respectueusement soumis que la procédure maintenant observée au Royaume-Uni devrait guider la Cour lorsqu'elle disposera de notre demande pour que soit nommé un intervenant bénévole. |
LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.
FAIT le 16 septembre 2004
Paul D. Copeland |
COPELAND, DUNCAN |
Avocats |
31, avenue Prince Arthur |
Toronto (Ontario) M5R 1B2 |
Téléphone (416) 964-8126 |
Télécopieur (416) 960-5456 |
Avocat du demandeur |
[traduction]
APPENDICE C
N o du greffe: DES-04-02
COUR FÉDÉRALE
EN L'AFFAIRE d'un certificat signé conformément
au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration
et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET EN L'AFFAIRE du dépôt de ce certificat
à la Cour fédérale du Canada conformément
au paragraphe 77(1) et aux articles 78 et 80
de la Loi
ET EN L'AFFAIRE de Mohammed HARKAT
DOSSIER DU MINISTRE
(RÉPONSE À LA REQUÊTE EN NOMINATION D'UN INTERVENANT BÉNÉVOLE)
Avocats de Mohammed Harkat:
Paul Copeland
Avocats
31, avenue Prince Arthur
Toronto (Ontario)
M5R 1B2
Téléphone: (416) 964-8126
Télécopieur: (416) 960-5456
Matthew Webber
Avocat
2e étage, 220, rue Elgin
Ottawa (Ontario)
K2P 1L7
Téléphone: (613) 860-1449
Télécopieur: (613) 860-1549
Avocat du défendeur:
Morris Rosenberg
Ministère de la Justice
Service canadien du renseignement de sécurité
1941, chemin Ogilvie
Ottawa (Ontario)
K1J 1B7
Par: James Mathieson |
Michael W. Dale |
Téléphone: (613) 231-0985/(613) 842-1604
Télécopieur: (613) 842-1345
N o du greffe: DES-04-02
COUR FÉDÉRALE
EN L'AFFAIRE d'un certificat signé
conformément au paragraphe 77(1) de la
Loi sur l'immigration et la protection des
réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET EN L'AFFAIRE du dépôt de ce certificat
à la Cour fédérale du Canada conformément
au paragraphe 77(1) et aux articles 78 et 80
de la Loi
ET EN L'AFFAIRE de Mohammed HARKAT
INDEX
DOCUMENT ONGLET |
Grandes lignes des arguments en réponse à la requête en nomination d'un intervenant bénévole 1 |
Attorney General of Canada et al. v. Aluminum Co. of Canada et al B.C. Wildlife
Federation, intervener, (1987) 35 D.L.R. (4th) 495 (C.A.C.-B.) 2 |
Grice v. The Queen Ex Rel. Press (1957), 11 D.L.R. (2d) 699 (H.C. Ont.) 3 |
Article 40.1 de la Loi sur l'immigration; articles 77 à 81 de la Loi
sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et modifications 4 |
Re: Harkat (2003), 231 F.T.R. 19, à la page 24 5 |
Re: Charkaoui, décision non publiée, 2003 C.F. 1419, à la page 29, par. 185 6 |
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et modifications, article 57 7 |
Règles de les Cours fédérales (1998), règle 69 8 |
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass,
[1997] 3 R.C.S. 391 9 |
Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général) (2000), 179 D.L.R. (4th) 531 (C.A.F.) 10 |
Chavali c. Canada et autres (2001), 202 F.t.R. 166 11 |
Règles de la Cour fédérale (1998), règles 26 et 29 12 |
Mandat de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens
relativement à Maher Arar 13 |
Re: Ribic (2003 CAF 246) 14 |
Almrei c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (2004 CF 420), aux paragraphes
56 à 62 15 |
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la «LIPR»), articles 19, 20, 21 et 115 16 |
Ahani [1996] A.C.F. no 937, à la page 939; conf. par (1996) 201 NR 233 (C.A.F.) À la
page 235 17 |
Re: Harkat (2003), 243 F.T.R. 161, à la page 18
N o du greffe: DES-04-02
COUR FÉDÉRALE
EN L'AFFAIRE d'un certificat signé conformément
au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration
et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET EN L'AFFAIRE du dépôt de ce certificat à la
Cour fédérale du Canada conformément
au paragraphe 77(1) et aux articles 78 et 80
de la Loi
ET EN L'AFFAIRE de Mohammed HARKAT
GRANDES LIGNES DES ARGUMENTS EN
RÉPONSE À LA REQUÊTE EN NOMINATION
D'UN INTERVENANT BÉNÉVOLE
Qu'est-ce qu'un intervenant bénévole?
1. En règle générale, un intervenant bénévole (amicus curiae) ou «ami de la cour» est une personne désintéressée ou neutre qui est nommée pour assister le tribunal, au gré de celui-ci. Il y a trois cas dans lesquels un intervenant bénévole est nommé: a) lorsqu'est jugée une affaire d'intérêt public dans laquelle le tribunal invite le procureur général ou autre personne compétente à intervenir; b) lorsqu'il convient d'alerter la Cour afin de prévenir une injustice, par exemple lorsqu'il convient de lui présenter des conclusions sur des points de droit qui ont pu être négligés; et c) lorsqu'il convient de représenter un justiciable qui n'est pas représenté. Il est avancé qu'un intervenant bénévole ne sera pas nommé du seul fait que l'affaire est complexe ou présente des points de droit complexes.
Attorney General of Canada et. al. v. Aluminum Co. of Canada et. al; B.C. Wildlife Federation, Intervener, (1987) 35 D.L.R. (4th) 495 (C.A. C.-B.) |
Grice v. The Queen Ex Rel. Press (1957), 11 D.L.R. (2d) 699 (H.C. Ont.) |
Quel est le pouvoir de la Cour fédérale de nommer un intervenant bénévole?
2. Avec la prise d'effet de la procédure établie par l'article 78 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la «LIPR»), procédure qui consiste en l'examen d'un certificat de sécurité par un juge unique de la Cour fédérale, désigné par le juge en chef, il n'y a pas eu réduction des droits d'un réfugié à une audience équitable. La procédure n'a pas modifié d'une manière appréciable les aménagements qui existaient en 1996 en application de l'ancien article 40.1 de la Loi sur l'immigration, à l'époque où madame la juge McGillis avait disposé du dossier Ahani. Consciente des points communs que présentent les dispositions d'alors et celles d'aujourd'hui, la Cour a rejeté, en application de la LIPR, la requête du demandeur Mohammed Harkat, qui souhaitait obtenir communication d'autres éléments de preuve.
De plus, la procédure exposée dans les articles 77 et 78 de la LIPR a été jugée conforme aux principes de justice fondamentale dont parle l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Article 40.1 de la Loi sur l'immigration; articles 78 à 80 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et modifications |
Re: Harkat (2003), 231 F.T.R. 19, à la page 24 |
Re: Charkaoui, décision non publiée, 2003 CF 1419, à la page 29, par. 185 |
3. En affirmant que la Charte canadienne des droits et libertés donne à la Cour le pouvoir de nommer un intervenant bénévole, l'avocat du demandeur met en doute la validité constitutionnelle et l'applicabilité des dispositions des articles 77 et 78 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et modifications, dispositions qui ne prévoient pas une telle nomination. En conséquence, il devrait être tenu de signifier un avis de question constitutionnelle au procureur général du Canada et au procureur général de chacune des provinces. L'avocat du demandeur n'a pas signifié l'avis requis de question constitutionnelle au procureur général du Canada ni à aucun des procureurs généraux des provinces du Canada. En n'observant pas la procédure indiquée dans la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et modifications, pour la signification d'un tel avis de question constitutionnelle, l'avocat du demandeur a empêché les procureurs généraux des provinces du Canada de présenter des conclusions sur cette question.
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et modifications, article 57 |
Règles de la Cour fédérale (1998), règle 69 |
4. La Charte canadienne des droits et libertés ne confère pas à la Cour fédérale le pouvoir de nommer un intervenant bénévole. La Cour fédérale n'est pas non plus investie d'une «compétence intrinsèque» en la matière, comme le serait une cour supérieure provinciale. Cependant, en tant que création du législateur, la Cour fédérale a la maîtrise de sa propre procédure et elle est investie du pouvoir discrétionnaire d'appliquer, par nécessité, la méthode la plus apte à donner effet à la compétence qui lui a été conférée expressément par le législateur.
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391 |
Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général) (2000), 179 D.L.R. (4th) 531 (C.A.F.) |
Chavali c. Canada et autres (2001), 202 F.T.R. 166 |
Le pouvoir de nommer un intervenant bénévole est-il conféré expressément à la Cour fédérale par le législateur?
5. La Cour fédérale a le pouvoir d'établir des règles régissant et limitant l'accès à ses dossiers (règle 26) et, en l'absence d'une loi particulière, par exemple les alinéas 78b), d) ou e) de la LIPR, elle a le pouvoir, selon la règle 29 des Règles de la Cour fédérale, d'exclure le public de ses audiences. Toutefois, le pouvoir de la Cour de s'acquitter de ses responsabilités selon la LIPR doit être examiné dans le contexte de cette loi particulière. Les alinéas 78b) et h) de la LIPR prévoient que le juge désigné doit préserver, par ordonnance de non-divulgation, la sécurité nationale et la sécurité des dénonciateurs, tandis que l'alinéa 78j) confère au juge désigné un large pouvoir au regard de la preuve qui peut être reçue et prise en compte. Toutefois, il n'existe, dans la Loi sur les Cours fédérales ou dans les règles de procédure de la Cour, ni dans les articles 77 à 80 de la LIPR ou dans les règlements d'application de cette Loi, aucun pouvoir explicite de nommer un intervenant bénévole qui aiderait la Cour à dire si le certificat de sécurité est ou non raisonnable. Il est avancé que le législateur a estimé qu'il devait revenir à un juge de la Cour fédérale siégeant seul de vérifier la validité des arguments avancés par les ministres.
Règles de la Cour fédérale (1998), règles 26 et 29; articles 78 à 80 de la LIPR |
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et modifications. |
Existe-t-il un pouvoir implicite de nommer un intervenant bénévole dans les procédures prévues par l'article 78 de laLIPR?
6. Il est également avancé qu'il n'existe aucune nécessité procédurale de nommer un intervenant bénévole dans des audiences conduites selon l'article 78 de la LIPR. Un juge désigné est amplement qualifié pour examiner et vérifier les documents présentés à huis clos, quand bien même la tâche semblerait-elle complexe et délicate. L'alinéa 78c) impose au juge l'obligation formelle d'examiner tous les aspects de l'affaire, sans formalisme et avec célérité, dans la mesure où les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, mais il est allégué que la nomination d'un intervenant bénévole dans des procédures conduites selon l'article 78 ne favoriserait ni la célérité ni l'équité. Par ailleurs, une telle nomination introduirait dans les procédures un degré d'incertitude, en cas de désaccord entre l'intervenant bénévole ainsi nommé et le juge sur la nature et la portée de la vérification des renseignements produits à huis clos ou, finalement, sur la décision concluant au caractère raisonnable ou non du certificat, décision dont il ne peut être fait appel. Il est également avancé que la prolongation des procédures prévues par l'article 78, et de la détention avant renvoi (sans examen, dans le cas d'un réfugié), prolongation entraînée par la nomination d'un intervenant bénévole, ne serait pas, elle non plus, un gage de célérité ou d'équité. Finalement, le délai fixé par l'alinéa 78d) de la LIPR pour l'examen à huis clos des renseignements et des éléments de preuve produits par les ministres après le dépôt du certificat ne s'accorde pas avec la nomination d'un intervenant bénévole.
7. Les exemples, cités par l'avocat du demandeur, de l'aide apportée par la nomination d'un conseiller à la Commission d'enquête Arar, au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, à la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, à la Cour de l'Ontario (Division générale) pour un accusé non représenté, dans l'affaire Samra, et à la Cour fédérale, à la faveur de la procédure prévue par la Loi sur la preuve au Canada et adoptée par consentement des parties dans les circonstances urgentes et particulières de l'affaire Ribic, se distinguent de la situation présentée par une audience de confirmation d'un certificat de sécurité tenue en vertu de l'article 78 de la LIPR.
Mandat de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar |
Re: Ribic (2003 CAF 246) |
8. Contrairement à monsieur le juge Hugessen, qui avait dit le malaise que lui causait son rôle dans les audiences tenues en l'absence de la partie intéressée, monsieur le juge Blanchard, statuant dans l'affaire Almrei à la suite d'un examen des motifs d'une détention, a accepté sans réserve l'obligation qu'il avait de contester et mettre en doute les preuves produites à huis clos «dans le contexte du régime législatif», un régime dont il a reconnu qu'il devait s'accommoder.
Almrei c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (2004 CF 420), aux paragraphes 56 à 62 |
Un intervenant bénévole ne devrait pas être nommé dans l'examen judiciaire concernant le demandeur et prévu par l'article 78 de la LIPR
9. Subsidiairement, si la Cour arrive à la conclusion qu'elle a effectivement le pouvoir de nommer un intervenant bénévole dans l'examen judiciaire prévu par l'article 78 de la LIPR, alors elle ne devrait pas user de ce pouvoir pour nommer un intervenant bénévole dans l'examen judiciaire concernant le demandeur. Le demandeur est actuellement un réfugié qui n'a aucun droit de demeurer au Canada et qui n'a qu'un droit restreint au non-refoulement. Il n'est ni un résident permanent ni un citoyen canadien. Il n'est pas non plus un accusé exposé à une peine d'emprisonnement en cas de condamnation pour une infraction criminelle grave.
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés («LIPR»), articles 19, 20, 21 et 115 |
Ahani[1996] A.C.F. no 937, page 939; conf. par (1996), 201 N.R. 233 (C.A.F.), page 235 |
10. Il est avancé qu'aucune des trois situations évoquées au paragraphe 1 ci-dessus n'existe dans le cas du demandeur, un cas qui, en dépit de la constitution de nouveau procureur décidée par le demandeur et en dépit de longues demandes de communication d'éléments de preuve, n'est pas plus complexe que le cas de M. Ahani ou de tout autre réfugié soumis aux procédures de l'article 78 de la LIPR. Le demandeur a toujours été représenté par au moins un avocat et, bien qu'il puisse avoir un intérêt personnel dans l'issue de ces procédures, son cas ne présente aucun intérêt public dont il faille assurer la représentation et la protection par un intervenant bénévole.
11. La Cour est parfaitement capable d'examiner et d'explorer tous les points soulevés par l'avocat du demandeur. Le demandeur n'est nullement rendu incapable par le fait qu'il n'était pas représenté durant les audiences tenues à huis clos et en son absence, et cela parce que la Cour a énergiquement contesté l'exactitude des renseignements qui soutiennent les arguments des ministres à son encontre et les moyens invoqués pour leur non-divulgation. Il est possible, avec un exposé conjoint des faits, de dissiper les doutes concernant l'exactitude de l'information relative au FIS et à l'utilisation de passeports saoudiens qui a été communiquée à l'avocat du demandeur. Il est possible de vérifier le contenu de tout document non classifié sans avoir recours à un intervenant bénévole.
Re: Harkat (2003), 243 F.TR. 161, page 164 |
12. Si la Cour décide de nommer un intervenant bénévole pour le demandeur, alors les défendeurs voudraient se réserver le droit de présenter d'autres conclusions sur les points suivants: celui de savoir si M. Laskin a les qualités voulues pour être nommé intervenant bénévole, celui de savoir quelles devraient être les modalités du mandat d'un intervenant bénévole, enfin celui de savoir quelle sera la source de financement de l'intervenant bénévole.
ORDONNANCE DEMANDÉE
13. Pour les motifs susmentionnés, il est respectueusement avancé que la requête du demandeur Mohammed Harkat devrait être rejetée, avec dépens.
LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS
FAIT à Ottawa, le 22 septembre 2004
James H. Mathieson, |
avocat des ministres |
Michael W. Dale, |
avocat des ministres |
DESTINATAIRE: Le greffier |
Cour fédérale |
AUTRE DESTINATAIRE: Paul Copeland |
Avocat
31, avenue Prince Arthur |
Toronto (Ontario) |
M5R 1B2 |
Téléphone: (416) 964-8126
Télécopieur: (416) 960-5456
Avocat de M. Harkat |
AUTRE DESTINATAIRE: Matthew Webber |
Avocat |
2e étage, 220, rue Elgin |
Ottawa (Ontario) |
K2P 1L7 |
Téléphone: (613) 860-1449
Télécopieur: (613) 860-1549