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IMM-1578-16

2017 CF 91

Jose Adolfo Camey Santiago (demandeur)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeur)

Répertorié : Santiago c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale, juge en chef Crampton—Vancouver, 5 décembre 2016; Ottawa, 25 janvier 2017.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Renvoi de résidents permanents — Contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada de revoir sa décision initiale d’accorder un sursis d’une mesure de renvoi pour des motifs d’ordre humanitaire — Le demandeur, un résident permanent, a été reconnu coupable de contacts sexuels et d’agression sexuelle — Une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur — En prenant la décision de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, la SAI a accordé une grande importance à la demande présentée par le demandeur, qui voulait avoir l’occasion de démontrer qu’il poursuivait son cheminement vers la réadaptation — Dans sa décision de réexamen, la SAI a accordé beaucoup d’importance à la gravité des infractions et au manque d’établissement au Canada — Il s’agissait de savoir si la décision de la SAI appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit — La SAI devrait pouvoir raisonnablement écarter une décision antérieure pour surseoir au renvoi d’une personne du Canada, à condition qu’elle donne une explication convaincante pour ce faire et que la décision rendue est généralement raisonnable — Cette approche est conforme à la jurisprudence — La SAI n’était pas tenue de fournir de motifs clairs et convaincants pour déroger à sa décision initiale — Cependant, la SAI a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas examiné à fond sa décision initiale — Son défaut de fournir une explication convaincante de la dérogation à sa décision initiale de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi constituait une erreur fatale — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada de revoir sa décision initiale d’accorder un sursis d’une mesure de renvoi pour des motifs d’ordre humanitaire.

Le demandeur, un ressortissant du Guatémala, a obtenu la résidence permanente par voie de parrainage entre époux. La relation avec son épouse s’est dissoute lorsque celle-ci a découvert qu’il avait agressé sexuellement sa fille d’une relation antérieure. Le demandeur a été reconnu coupable de contacts sexuels et d’agression sexuelle. Une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur après qu’il a été interdit de territoire au Canada pour grande criminalité. En prenant la décision de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, la SAI a accordé une grande importance à la demande présentée par le demandeur, qui voulait avoir l’occasion de démontrer qu’il poursuivait son cheminement vers la réadaptation. Dans sa décision de réexamen, la SAI a accordé beaucoup d’importance à la gravité des infractions pour lesquelles le demandeur a été reconnu coupable, et elle a estimé que son manque d’établissement au Canada constituait un « facteur très défavorable ». La SAI a conclu que « la balance penchait légèrement du côté des facteurs défavorables ».

Il s’agissait de savoir si la décision de la SAI « appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

Jugement : la demande doit être accueillie.

Dans les situations où les décisions de réexamen peuvent être rendues de nombreux mois ou années après la décision initiale, la SAI doit disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour apprécier à nouveau le bien-fondé de l’affaire. Autrement dit, elle ne doit pas être aussi limitée par le « modèle de fonctionnement » établi dans la décision à réexaminer, comme dans le cas des contrôles des motifs de détention, qui ont lieu après une très courte période. La SAI devrait pouvoir raisonnablement écarter une décision antérieure pour surseoir au renvoi d’une personne du Canada, à condition qu’elle donne une explication convaincante pour ce faire et que la décision rendue est généralement raisonnable. Ces mesures sont conformes à la démarche adoptée dans les décisions antérieures de la Cour. La SAI n’était pas tenue de fournir de motifs clairs et convaincants pour déroger à sa décision initiale. Cependant, la SAI a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas examiné à fond sa décision initiale. Son défaut de fournir une explication convaincante de la dérogation à sa décision initiale de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi constituait une erreur fatale et un fondement suffisant pour écarter la décision et renvoyer l’affaire à la SAI à des fins de réexamen par un différent tribunal. De plus, la conclusion à laquelle est parvenue la SAI au sujet de l’établissement du demandeur au Canada était déraisonnable, car elle était fondée sur une erreur factuelle et accordait un poids démesuré au fait qu’il ne possédait pas d’investissements ni de biens. Enfin, la SAI aurait raisonnablement pu décider de révoquer le sursis en raison du manquement à une ou à plusieurs conditions du sursis initial. Toutefois, la conclusion de la SAI était déraisonnable. Elle ne s’inscrivait pas dans un processus décisionnel qui était justifié, transparent ou intelligible. Cela est d’autant plus vrai compte tenu du fait que la SAI a ensuite formulé sa conclusion générale, mais sans mentionner cette question dans le résumé de son analyse.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 36(1)a), 57(2), 63(3), 67, 68, 69, 74d).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Bailey c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 733; Osagie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 852; Siddiqui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 6; Rusznyak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 255.

DÉCISION DIFFÉRENCIÉE :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 R.C.F. 572.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Santiago c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CanLII 91249 (C.I.S.R.); Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4 (QL) (C.I.S.R.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Stephenson, 2008 CF 82, [2008] 4 R.C.F. 351.

DÉCISIONS CITÉES :

Santiago c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CanLII 86533 (C.I.S.R.); Abdallah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 6; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 R.C.S. 84; Iamkhong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 355; Pervaiz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 680; Gonzalo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 526; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; Karshe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 530.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision (2016 CanLII 97315) de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada de revoir sa décision initiale d’accorder un sursis d’une mesure de renvoi pour des motifs d’ordre humanitaire. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Erin C. Roth pour le demandeur.

Marjan Double pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Edelmann & Co. Law Offices, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge en chef Crampton : Une importante question soulevée dans le présent contrôle judiciaire concerne la justesse de la décision de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi, initialement rendue par la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] du Canada, dont elle doit tenir compte dans le réexamen de cette décision [Santiago c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CanLII 91249].

[2]        J’estime que lorsque la SAI décide d’accorder un sursis d’une mesure de renvoi du Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, puis qu’elle décide de réexaminer ce sursis, elle peut révoquer sa décision initiale, sous réserve qu’elle présente une explication convaincante à ce sujet et que sa décision est généralement raisonnable. À l’encontre de certaines autres décisions de réexamen prises par la Commission, une décision antérieure de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi ne constitue pas un « modèle de fonctionnement » à suivre, à moins qu’il existe des motifs clairs et convaincants de tirer une différente conclusion.

[3]        Dans sa décision initiale concernant M. Santiago, la SAI a accueilli sa requête de sursis de la mesure de renvoi, afin de lui donner une « deuxième chance » pour qu’il puisse démontrer [au paragraphe 36] « qu’il deviendra un membre productif et respectueux des lois de la société canadienne », après avoir reçu du counselling et suivi des programmes pour délinquants sexuels. Après avoir pris cette décision, la SAI devait, dans son réexamen, fournir une explication convaincante de la révocation de sa décision initiale et du sursis de la mesure de renvoi. Elle ne pouvait pas entreprendre ce qui constituait une appréciation de novo et révoquer le sursis en se fondant sur l’analyse des faits pertinents effectuée par un différent commissaire du tribunal et sans tenir compte de sa décision antérieure.

[4]        S’il en était autrement, la SAI pourrait annuler ses décisions pour des motifs qui peuvent sembler arbitraires et déraisonnables quant à ses décisions initiales. Cela aurait pour effet d’ébranler la primauté du droit et de miner la confiance publique à l’égard de la SAI et de l’ensemble de la Commission. Cela dissuaderait également des personnes, comme M. Santiago, qui ont eu une deuxième chance, de faire tout effort concevable pour tirer parti de cette opportunité.

[5]        En réexaminant le sursis de la mesure de renvoi qu’elle avait accordé à M. Santiago pour des motifs d’ordre humanitaires, la SAI a omis de fournir une explication convaincante de la révocation de sa décision antérieure. Cette omission en soi constitue un fondement suffisant pour annuler la décision. La SAI a ensuite aggravé cette erreur de deux façons. Tout d’abord, elle a été déraisonnable dans son appréciation de l’établissement de M. Santiago au Canada. En second lieu, après avoir évalué les facteurs requis, elle a carrément affirmé, sans autre discussion quelconque, que le sursis de la mesure de renvoi ne serait pas prorogé, au motif de l’incapacité de M. Santiago de remplir les conditions du sursis. Par conséquent, et pour les motifs exposés ci-après, la présente demande est accueillie.

I.          Contexte

[6]        M. Santiago est un ressortissant du Guatémala de 41 ans. Il est arrivé au Canada en 2001 et a présenté une demande d’asile. Sa demande a été rejetée en 2002, après qu’il avait été démontré qu’elle était fondée sur des déclarations qui n’étaient pas crédibles ni fiables.

[7]        Entre 2001 et 2007, M. Santiago était dans une relation avec une femme, avec laquelle il s’est marié et a eu un fils. Il a obtenu la résidence permanente par voie de parrainage entre époux en 2006.

[8]        La relation entre M. Santiago et son épouse s’est dissoute en 2007, lorsque celle-ci a découvert qu’il avait agressé sexuellement sa fille d’une relation antérieure pendant plusieurs années, commençant lorsque cette dernière avait environ cinq ans.

[9]        En 2008, M. Santiago a été reconnu coupable de deux infractions : contacts sexuels avec une personne de moins de 16 ans et agression sexuelle. Il a ensuite été condamné à une peine d’emprisonnement d’environ huit mois et d’une probation de trois ans. Il était indiqué dans son rapport présentenciel qu’il avait également usé de violence à l’endroit de son épouse et des autres enfants de cette dernière. Bien qu’ils ne semblent pas avoir divorcé officiellement, depuis cette date, M. Santiago ne vit pas avec son épouse, qui a trois enfants de relations antérieures.

[10]      Par ailleurs, aux termes de l’ordonnance de probation prononcée contre lui, M. Santiago devait recevoir du counselling pour délinquants sexuels et participer à des programmes de traitement psychiatrique et psychologique.

[11]      En 2009, la Section de l’immigration a émis une mesure d’expulsion contre M. Santiago, après qu’il a été interdit de territoire au Canada pour grande criminalité, en application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR).

[12]      L’année suivante, M. Santiago a interjeté appel de la mesure d’expulsion pour des motifs d’ordre humanitaire, en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR.

[13]      Après avoir examiné les facteurs requis, un premier tribunal de la SAI a décidé, en 2010, de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada pour une période de trois ans. Cette décision comportait un nombre de conditions, notamment M. Santiago devait suivre ou poursuivre une psychothérapie ou obtenir du counselling après avoir terminé sa période de probation, selon les directives de son agent de libération conditionnelle.

[14]      En prenant cette décision, la SAI a accordé une grande importance à la demande présentée par M. Santiago, qui voulait avoir l’occasion de démontrer qu’il poursuivait son cheminement vers la réadaptation. À cet égard, la SAI a observé que M. Santiago démontrerait sa capacité de réadaptation s’il continuait à stabiliser son existence en travaillant et en poursuivant les séances de counselling ou les autres programmes pour délinquants sexuels.

[15]      Lors d’un premier réexamen de cette décision au début de 2014, la SAI a rejeté la requête en appel de M. Santiago [2014 CanLII 86533] et a révoqué le sursis du renvoi du Canada. Près d’un an plus tard, la Cour a annulé cette décision, sur accord des parties, et a renvoyé l’affaire à la SAI aux fins de réexamen par un différent tribunal.

II.          Décision visée par le contrôle

[16]      Dans sa deuxième décision de réexamen [2016 CanLII 97315] (la décision), la SAI a accordé beaucoup d’importance à la gravité des infractions pour lesquelles M. Santiago avait été reconnu coupable, et elle estimait que son manque d’établissement au Canada constituait [au paragraphe 20] un « facteur très défavorable ».

[17]      Toutefois, la SAI a accordé un poids favorable à sa réadaptation potentielle; « un poids légèrement favorable » [au paragraphe 21] aux lettres d’appui rédigées par les membres de sa collectivité; « un poids légèrement favorable » [au paragraphe 24] aux difficultés qui pourraient découler de son renvoi au Guatémala; un poids neutre [au paragraphe 22] aux difficultés qu’éprouverait sa famille s’il était expulsé du Canada; et un poids neutre [au paragraphe 25] concernant l’intérêt supérieur de son fils biologique.

[18]      En définitive, la SAI a décidé de rejeter son appel et de révoquer le sursis de la mesure de renvoi, après avoir conclu [au paragraphe 29] que : « la balance penche légèrement du côté des facteurs défavorables ».

[19]      En parvenant à cette conclusion, la SAI a souligné, en passant, que M. Santiago n’avait pas respecté la condition relative au counselling définie dans la décision initiale de la SAI.

III.         Dispositions législatives pertinentes

[20]      En application du paragraphe 63(3) de la LIPR, un résident permanent visé par une mesure de renvoi peut interjeter appel de cette mesure auprès de la SAI. Après avoir entendu l’appel, la SAI peut y faire droit conformément à l’article 67, surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi conformément à l’article 68 ou rejeter l’appel en application de l’article 69.

[21]      En vertu de l’alinéa 67(1)c), la SAI peut faire droit à un appel interjeté par un résident permanent sur preuve qu’au moment où il en est disposé, il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales, compte tenu de l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché par la décision.

[22]      En outre, le paragraphe 68(1) porte que, pour surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi, la SAI doit être convaincue, compte tenu de l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché par la décision, qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales, vu les autres circonstances de l’affaire.

[23]      En application du paragraphe 68(3), si la SAI a sursis à une mesure de renvoi, elle peut en tout temps, sur demande ou d’office, reprendre l’appel conformément à la section 7 [articles 62 à 71] de la LIPR.

[24]      Les dispositions de la LIPR qui précèdent ainsi que le libellé de l’alinéa 36(1)a) sont reproduits à l’annexe 1 des présents motifs du jugement.

IV.        Question en litige et norme de contrôle

[25]      M. Santiago a soulevé plusieurs questions concernant la décision, notamment l’appréciation de la preuve par la SAI, le poids qu’elle a accordé à différents facteurs, ainsi que la transparence, la justification et l’intelligibilité de la décision. À mon avis, ces lacunes alléguées concernent toutes des questions de fait, ou des questions mixtes de fait et de droit, et peuvent être ramenées à une question unique, à savoir si la décision était raisonnable. Cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), au paragraphe 53; Abdallah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 6, au paragraphe 23).

[26]      Lorsqu’elle procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit évaluer « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). En effectuant cette évaluation, la Cour doit considérer si le processus décisionnel et l’issue cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (Khosa), au paragraphe 59).

V.        Analyse

A.        Principes juridiques applicables

[27]      L’alinéa 67(1)c) prévoit un mécanisme permettant aux personnes d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles, fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, pour lesquelles elles devraient être autorisées à demeurer au Canada (Khosa, précité, au paragraphe 57; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 R.C.S. 84, au paragraphe 90; Iamkhong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 355, au paragraphe 47; Pervaiz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 680, au paragraphe 40). Pour établir l’existence de circonstances « exceptionnelles » pour lesquelles elles devraient être autorisées à demeurer au Canada, les personnes doivent de fait démontrer que leur situation est exceptionnelle comparativement à celle d’autres ressortissants étrangers qui cherchent à demeurer au pays après le rejet de leur demande en ce sens, en application d’autres dispositions de la LIPR (Gonzalo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 526, aux paragraphes 16 à 19).

[28]      La capacité de la SAI de faire droit à un appel, qui est fondée sur la question de savoir s’il existe « des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales », repose sur l’exercice d’un pouvoir hautement discrétionnaire qui milite en faveur de la retenue (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 61; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 36; Karshe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 530, au paragraphe 22).

[29]      Lorsqu’elle réexamine une décision en application du paragraphe 68(3), la SAI doit analyser le même ensemble de facteurs que celui qu’elle devait évaluer, aux termes du paragraphe 68(1), pour rendre sa décision initiale, à savoir si elle accorde le sursis d’une mesure de renvoi. À l’instar de l’alinéa 67(1)c), la disposition subséquente prévoit que la décision doit être fondée sur des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales, vu les autres circonstances de l’affaire.

[30]      Dans ce cadre, la SAI doit spécifiquement tenir compte des facteurs exposés dans l’arrêt Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4 (QL) (Ribic). Ces facteurs sont énoncés comme suit :

i.          la gravité de l’infraction ayant donné lieu à la mesure d’expulsion;

ii.         la possibilité de réadaptation;

iii.        le temps passé au Canada par l’appelant et son degré d’établissement au pays;

iv.        la présence de la famille de l’appelant au pays et les bouleversements que son expulsion occasionnerait à sa famille;

v.         le soutien que l’appelant peut obtenir de sa famille et de la collectivité;

vi.        l’importance des difficultés que causerait à l’appelant le retour dans son pays de nationalité.

(Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Stephenson, 2008 CF 82, [2008] 4 R.C.F. 351, aux paragraphes 21 à 27).

[31]      M. Santiago soutient que dans le réexamen de la décision de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi du Canada, conformément au paragraphe 68(3), la SAI peut seulement révoquer sa décision initiale si elle fournit des motifs « clairs et convaincants » pour ce faire. À l’appui de cet argument, M. Santiago invoque l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 R.C.F. 572, aux paragraphes 9 à 13. Toutefois, cette affaire portait sur une décision relative à un contrôle des motifs de détention en vertu de la LIPR. En application du paragraphe 57(2) de la LIPR, les décisions relatives au contrôle de la détention doivent faire l’objet d’un contrôle dans un délai de sept jours de la décision initiale et, par la suite, au moins une fois au cours de chaque période de 30 jours qui suit le contrôle précédent. Dans ce contexte, lorsque des décisions subséquentes sont prises dans un très court délai suivant une décision précédente, une raison très convaincante doit justifier l’imposition d’un seuil d’intervention rigoureux à un décideur qui peut infirmer la décision précédente. J’estime que cette raison s’affaiblit considérablement lorsque la période entre le réexamen et la décision réexaminée s’étend sur de nombreux mois ou années. En l’espèce, la période écoulée est de six ans.

[32]      Dans les situations où les décisions de réexamen peuvent être rendues de nombreux mois ou années après la décision initiale, la SAI doit disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour apprécier à nouveau le bien-fondé de l’affaire. Autrement dit, elle ne doit pas être aussi limitée par le « modèle de fonctionnement » établi dans la décision à réexaminer, comme dans le cas des contrôles des motifs de détention, qui ont lieu après une très courte période. J’estime que la SAI devrait pouvoir raisonnablement écarter une décision antérieure pour surseoir au renvoi d’une personne du Canada, à condition qu’elle donne une explication convaincante pour ce faire et que la décision rendue est généralement raisonnable.

[33]      Ces mesures sont conformes à la démarche dans la décision Bailey c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 733, au paragraphe 21, dans laquelle la Cour a conclu que la SAI devait fournir des « motifs » pour écarter sa décision antérieure de surseoir au renvoi du demandeur du Canada.

[34]      Cette démarche est également conforme à celle suivie pour rendre d’autres décisions en vertu de la LIPR, où les décideurs sont parvenus à une conclusion contraire à celle d’un décideur précédent relativement à une question particulière. Dans chacune des affaires mentionnées ci-après, la Cour a conclu que, bien que le décideur subséquent ne soit pas lié par la décision initiale, il doit tout de même expliquer les motifs de la différente conclusion à laquelle il est parvenu au sujet de la question.

[35]      Plus précisément, dans la décision Osagie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 852 (Osagie), au paragraphe 32, la Cour a soutenu que la Section de la protection des réfugiés devait expliquer pourquoi elle s’écartait de la conclusion de la Section de l’immigration au sujet de l’authenticité de la carte d’identité nationale du demandeur.

[36]      Pareillement, dans la décision Siddiqui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 6 (Siddiqui), aux paragraphes 17 à 19, la Cour a conclu qu’il était déraisonnable que la Commission n’ait pas fourni d’explication du rejet d’une conclusion contradictoire à laquelle était parvenu un autre commissaire, après avoir analysé « les mêmes documents », à savoir s’il existait des motifs raisonnables de croire qu’une organisation particulière se livrait au terrorisme.

[37]      Les jugements en Osagie et Siddiqui ont été repris par la suite dans la décision Rusznyak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 255, aux paragraphes 55 à 57, où la Cour a conclu que la Commission devait examiner la question et expliquer pourquoi elle était parvenue à sa décision au sujet de la protection offerte en Hongrie, qui était contraire à une autre décision qu’elle avait prise en se fondant sur une trousse d’information identique.

[38]      Bref, dans l’examen d’une décision antérieure visant le sursis d’une mesure de renvoi d’une personne du Canada, la SAI peut raisonnablement réfuter une décision antérieure et révoquer le sursis, sous réserve qu’elle donne une explication convaincante pour ce faire et que sa décision soit généralement raisonnable.

B.        Appréciation de la décision

1)         Omission de prendre en compte sa décision initiale

[39]      Selon M. Santiago, la SAI a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas tenu compte de sa décision initiale, c’est-à-dire lui accorder un sursis temporaire de l’exécution de la mesure de renvoi, et qu’elle a ensuite omis de fournir des motifs clairs et convaincants de la dérogation à cette décision. Dans ses observations, le conseil du ministre avait reconnu que la SAI devait tenir compte de la décision du tribunal précédent dans son réexamen du sursis de la mesure de renvoi. Le conseil du ministre estimait cependant qu’une procédure de réexamen constituait une audience de novo, dans laquelle la SAI devait tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire, et qu’elle n’était pas tenue de présenter des motifs clairs et convaincants avant de déroger à sa décision antérieure.

[40]      Pour les raisons exposées à la partie V.A. des présents motifs, je suis d’accord que la SAI n’était pas tenue de fournir de motifs clairs et convaincants pour déroger à sa décision initiale. Je partage cependant l’avis de M. Santiago que la SAI a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas examiné à fond sa décision initiale. Pour les motifs que j’ai exposés, la SAI devait fournir une explication convaincante de la dérogation à sa décision initiale de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi visant M. Santiago. Cette omission constitue une erreur fatale et un fondement suffisant pour écarter la décision et renvoyer l’affaire à la SAI à des fins de réexamen par un différent tribunal.

[41]      Malgré ce qui précède, je m’arrête à deux autres erreurs alléguées par M. Santiago, afin d’aider la SAI dans son réexamen de l’affaire et, il est à souhaiter, d’éviter que des erreurs similaires fassent l’objet de nouveaux litiges entre les parties devant la Cour.

2)         Appréciation déraisonnable de l’établissement au Canada

[42]      M. Santiago estime que la conclusion à laquelle est parvenue la SAI au sujet de son établissement au Canada était déraisonnable, car elle était fondée sur une erreur factuelle et accordait un poids démesuré au fait qu’il ne possédait pas d’investissements ni de biens. Je souscris à cette thèse.

[43]      Lorsqu’elle a initialement considéré ce facteur, la SAI a cité le passage suivant de la décision initiale datant de 2010 [2010 CanLII 91249, au paragraphe 32] :

Quant à la durée de la période passée au Canada et au degré d’établissement de l’appelant ici, l’ensemble des éléments de preuve produits à l’audience m’amènent à conclure que l’appelant a toujours travaillé depuis son arrivée au Canada. Il dirigeait l’entreprise en finition de ciment avec son beau-frère et travaillait comme entrepreneur indépendant. L’appelant a noué une relation avec son épouse en 2001 et a assumé ses responsabilités d’époux et de père jusqu’à ce que le couple se sépare en juillet 2007. Il ne possède ni investissements, ni propriété, ni actifs au Canada. J’ai tenu compte de l’âge de l’appelant et du fait qu’il se trouve au Canada depuis neuf ans. Je note que durant la plus grande partie de cette période, il occupait un emploi rémunéré et avait une relation à long terme avec la mère de son fils. Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve dont je dispose, j’estime que l’appelant a des attaches au Canada, même si elles ne sont pas exceptionnelles, et que son établissement est significatif. Bien que son établissement financier ne soit pas considérable, j’estime que son âge, la durée de la période qu’il a passée au Canada, ses antécédents professionnels, son fils issu de son mariage, sont des facteurs positifs dans cet appel.

[44]      La SAI a ensuite affirmé [2016 CanLII 97315, au paragraphe 20] : « En me rapportant cinq ans et demi plus tard, je constate que les facteurs de l’établissement de l’appelant ont changé ». Toutefois, le seul facteur qui a changé, par rapport à la situation qui prévalait au moment où la décision initiale a été prise, est le fait que M. Santiago « n’est plus en relation avec la mère de son fils ». Pourtant, comme indiqué dans la citation qui précède, c’était aussi le cas lorsque la SAI a rendu sa décision initiale. Rien n’avait changé à ce chapitre.

[45]      Le défendeur maintient que ce qui avait changé depuis la période de la décision initiale, où M. Santiago était dans une relation stable pendant presque toute la période qu’il a vécu au Canada, c’est qu’il n’était plus dans une relation stable depuis sa séparation de son épouse, période qui a précédé la décision initiale. Il se peut que ce fait ait préoccupé la SAI, mais si tel était le cas, elle ne l’a pas exprimé ou laissé entendre dans sa décision.

[46]      La SAI signale ensuite que M. Santiago [au paragraphe 20] « a démontré qu’il avait occupé un certain emploi permanent et a une lettre de recommandation positive d’un employeur ». J’arrive difficilement à voir comment cette information aurait raisonnablement pu étayer la conclusion de la SAI, ou y avoir contribué, à savoir que le manque d’établissement constituait un facteur très défavorable. J’ajouterais simplement qu’il n’est pas apparent, à la lumière de l’appréciation par la SAI du facteur d’établissement, que la situation d’emploi de M. Santiago se soit aggravée depuis la décision initiale prise en 2010.

[47]      Les seuls autres aspects dont discute la SAI dans son appréciation de l’établissement de M. Santiago sont l’absence d’investissements et de biens au Canada. Le conseil du ministre a affirmé que la SAI avait implicitement reconnu qu’il s’agissait d’un facteur plus important que ce qui aurait dû être au moment de la décision initiale, lorsqu’elle a sursis à la mesure du renvoi du Canada.

[48]      Dans la mesure où il s’agit de la principale considération pour laquelle la SAI a conclu [au paragraphe 20] au « manque d’établissement » de M. Santiago au Canada et qu’il s’agissait d’un « facteur très défavorable dans le présent appel », il était déraisonnable qu’elle le fasse. Une telle approche imposerait à M. Santiago une norme d’établissement plus stricte que celle que doivent satisfaire de nombreux citoyens canadiens, qui n’ont ni investissement ni bien au pays. Il serait aussi difficile pour beaucoup de personnes d’obtenir une appréciation favorable relativement au facteur d’établissement, même si leur dossier d’emploi est raisonnablement favorable et qu’elles ont des attaches solides avec leur collectivité.

[49]      Si le manque d’investissements et de biens de M. Santiago au Canada n’était pas la principale considération dans l’appréciation du facteur d’établissement par la SAI, alors la décision n’était pas justifiée, transparente ou intelligible.

[50]      D’une façon ou d’une autre, la décision de la SAI doit être écartée et l’affaire renvoyée à un autre tribunal en raison des erreurs qu’elle a commises dans l’appréciation du facteur d’établissement. Bref, étant donné le poids très défavorable que la SAI a accordé au facteur d’établissement et sa pondération générale des facteurs Ribic qui l’a amenée à conclure [au paragraphe 29] que « la balance penche légèrement du côté des facteurs défavorables », il est tout à fait possible que les erreurs commises dans l’appréciation du facteur d’établissement aient eu une incidence sur la conclusion générale qu’elle a tirée.

3)         Manquement aux conditions du sursis

[51]      À la fin de son analyse [au paragraphe 28], la SAI a précisé qu’un autre sursis n’était pas justifié parce que M. Santiago n’avait pas « respecté les conditions de son sursis précédent ». La Cour a été obligée de lire le dossier certifié du tribunal et les plaidoiries des conseils pour comprendre que les « conditions » en question étaient que M. Santiago entreprenne ou poursuive une psychothérapie ou du counselling après avoir terminé sa période de probation.

[52]      En soi, la SAI aurait raisonnablement pu décider de révoquer le sursis en raison du manquement à une ou à plusieurs conditions du sursis initial. Les conditions associées à un sursis sont à proprement parler des conditions à remplir. Le manquement à l’une d’elles peut justifier la révocation d’un sursis. En plus de constituer une violation du fondement même d’un sursis, un manquement représente également une importante « circonstance de l’affaire », comme énoncé au paragraphe 68(1) et à l’alinéa 67(1)c).

[53]      Toutefois, la conclusion imprécise formulée par la SAI, dans une longue décision qui discute de questions tout à fait différentes, était déraisonnable. Bref, elle ne s’inscrivait pas dans un processus décisionnel qui était justifié, transparent ou intelligible. Cela est d’autant plus vrai compte tenu du fait que la SAI a ensuite formulé sa conclusion générale, mais sans mentionner cette question dans le résumé de son analyse.

[54]      Je reconnais que M. Santiago a déployé de grands efforts pour obtenir le counselling et le traitement nécessaire après qu’on lui a rappelé la condition en question. Toutefois, il est particulièrement troublant qu’il ne semble pas avoir été au fait de cette condition. Il revient maintenant à la SAI de décider, dans l’exercice de son large pouvoir discrétionnaire, si elle accepte l’explication de M. Santiago et ses gestes dans les circonstances.

[55]      M. Santiago remet en question l’importance de la condition qu’il a violée, faisant valoir qu’elle avait pour objet de l’aider à démontrer qu’il pouvait vivre au Canada sans commettre de nouvelles infractions. Je reconnais que M. Santiago semble de fait ne pas avoir commis d’autres infractions et semble donc avoir profité de la « deuxième chance » qui lui a été donnée lorsque le sursis initial a été accordé. Il importe cependant de répéter que lorsqu’un sursis est accordé avec conditions, tout manquement à l’une d’elles est grave. Il ne faut pas laisser le soin aux personnes dont le renvoi du Canada a été suspendu, à la suite de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en leur faveur, de décider laquelle des conditions du sursis elles remplissent ou non. Dans le cas de M. Santiago, la condition en question visait l’essentiel, c’est-à-dire le risque qu’il posât à l’une des populations les plus vulnérables de la société et la question de sa réadaptation, qui constituait le fondement de la décision initiale de la SAI de surseoir à son renvoi du Canada. Voilà l’autre question que la SAI doit considérer dans le réexamen.

VI.        Conclusion

[56]      Pour les motifs exposés ci-haut, la présente demande est accueillie. Il n’est pas nécessaire de traiter les autres questions soulevées par M. Santiago dans sa demande.

[57]      Somme toute, la décision était déraisonnable pour trois raisons. Tout d’abord, elle ne renfermait pas d’explication convaincante de la révocation de la décision antérieure rendue par la SAI de surseoir au renvoi de M. Santiago du Canada. En second lieu, l’appréciation par la SAI de son établissement au Canada était entachée par une grave erreur factuelle et la SAI semble avoir accordé une importance indue au fait qu’il ne possédait pas d’investissements ou de biens au Canada. Si, de fait ce n’était pas la principale raison pour laquelle la SAI a conclu que son établissement au Canada constituait un « facteur très défavorable dans le présent appel », alors un aspect important de la décision n’était pas justifié, transparent ou intelligible. Enfin, la SAI a commis une erreur lorsqu’elle a soutenu, après avoir évalué les facteurs requis et sans autre discussion, que le sursis ne serait pas prolongé en raison de l’incapacité de M. Santiago de remplir les conditions imposées.

[58]      À la fin de l’audience sur cette demande, le conseil de M. Santiago a posé les questions suivantes, qui constituent essentiellement les questions devant être certifiées :

[traduction] En procédant au réexamen du sursis de la mesure de renvoi, en application du paragraphe 68(3) de la LIPR, est-ce que la SAI a tenu une audience de novo ou était-elle tenue de fournir des motifs clairs et convaincants avant d’écarter sa décision initiale d’accorder un sursis?

[59]      Conformément à l’alinéa 74d) de la LIPR, un appel peut seulement être interjeté à la Cour d’appel fédérale si, en rendant son jugement, la présente Cour certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce cette question.

[60]      À mon avis, la question soulevée par le conseil de M. Santiago n’est pas une question grave de portée générale parce que, comme les conseils des deux parties l’ont reconnu, la question ne semble pas avoir été soulevée auparavant, ou à l’occasion seulement dans les instances devant cette Cour. En outre, les deux conseils n’ont pas laissé entendre qu’un grand nombre d’instances portant sur cette question seraient introduites à l’avenir. J’estime que la question touchant la nature de l’audience de la SAI à des fins de réexamen, en application du paragraphe 68(3), bénéficierait d’une évaluation ultérieure par notre Cour avant qu’elle puisse être qualifiée de question grave de portée générale.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.         La décision de la SAI, datée du 22 mars 2016, de ne pas prolonger le sursis du renvoi de M. Santiago du Canada, est annulée et renvoyée à un différent tribunal de la SAI aux fins d’examen, conformément aux motifs du jugement exposés précédemment.

3.         Il n’y a aucune question à certifier.

ANNEXE I

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Grande criminalité

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

[…]

Droit d’appel : visa

63 (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

Droit d’appel : mesure de renvoi

(2) Le titulaire d’un visa de résident permanent peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise en vertu du paragraphe 44(2) ou prise à l’enquête.

Droit d’appel : mesure de renvoi

(3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise en vertu du paragraphe 44(2) ou prise à l’enquête.

Droit d’appel : obligation de résidence

(4) Le résident permanent peut interjeter appel de la décision rendue hors du Canada sur l’obligation de résidence.

Droit d’appel du ministre

(5) Le ministre peut interjeter appel de la décision de la Section de l’immigration rendue dans le cadre de l’enquête.

[…]

Fondement de l’appel

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

Effet

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

Sursis

68 (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

Effet

(2) La section impose les conditions prévues par règlement et celles qu’elle estime indiquées, celles imposées par la Section de l’immigration étant alors annulées; les conditions non réglementaires peuvent être modifiées ou levées; le sursis est révocable d’office ou sur demande.

Suivi

(3) Par la suite, l’appel peut, sur demande ou d’office, être repris et il en est disposé au titre de la présente section.

Classement et annulation

(4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l’étranger est reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l’appel étant dès lors classé.

Rejet de l’appel

69 (1) L’appel est rejeté s’il n’y est pas fait droit ou si le sursis n’est pas prononcé.

Appel du ministre

(2) L’appel du ministre contre un résident permanent ou une personne protégée non visée par le paragraphe 64(1) peut être rejeté ou la mesure de renvoi applicable, assortie d’un sursis, peut être prise, même si les motifs visés aux alinéas 67(1)a) ou b) sont établis, sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

Mesure de renvoi

(3) Si elle rejette l’appel formé au titre du paragraphe 63(4), la section prend une mesure de renvoi contre le résident permanent en cause qui se trouve au Canada.

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