IMM-201-05
2005 CF 902
Ahmad Hassanzadeh (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)
Répertorié: Hassanzadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F.)
Cour fédérale, juge Mosley--Vancouver, 14 juin; Ottawa, 24 juin 2005.
Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Personnes interdites de territoire -- Contrôle judiciaire du refus de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'ajourner l'enquête sur l'interdiction de territoire en attendant l'issue de la demande de dispense dont le demandeur avait saisi le ministre en vertu de l'art. 34(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) -- Le demandeur, dont la demande d'asile avait été rejetée, avait présenté en 1997 une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui avait été approuvée en principe -- Il fait maintenant l'objet d'un rapport selon lequel il devrait être interdit de territoire pour raison de sécurité nationale en vertu de l'art. 34(1)f) de la LIPR -- Le demandeur a saisi le ministre d'une demande de dispense et a réclamé l'ajournement de l'enquête portant sur son interdiction de territoire en attendant l'issue de sa demande de dispense -- Contrairement à l'ancienne Loi sur l'immigration, on ne trouve pas dans la LIPR de restriction quant au moment où le ministre peut exercer son pouvoir discrétionnaire -- Dans la plupart des cas, il est préférable que la preuve soit présentée et que la Commission constate les faits avant que le ministre ne se penche sur la demande de dispense discrétionnaire -- Demande rejetée.
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire du refus de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'ajourner l'enquête portant sur l'interdiction de territoire du demandeur en attendant l'issue de la demande de dispense dont il avait saisi le ministre.
En 1997, le demandeur, un citoyen iranien dont la demande d'asile avait été rejetée en 1993, a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui a été approuvée en principe mais qui n'est pas encore réglée. En 2004, le défendeur a établi un rapport estimant que le demandeur était interdit de territoire pour raison de sécurité nationale prévue à l'alinéa 34(1)f) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Une enquête portant sur l'interdiction de territoire a été fixée et le demandeur a présenté la demande de dispense susmentionnée en vertu du paragraphe 34(2). La question en litige est celle de savoir si la Commission était compétente pour refuser d'ajourner l'enquête portant sur l'interdiction de territoire.
Jugement: la demande doit être rejetée.
Contrairement à l'ancienne Loi sur l'immigration, on ne trouve pas à l'article 34 de la LIPR une formulation indiquant que le législateur fédéral voulait que la décision du ministre sur la dispense soit prise avant que la Commission ne se prononce sur l'interdiction de territoire. Cette conclusion trouve appui dans l'arrêt Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), dans lequel la C.A.F. a statué qu'il n'y a plus de restriction dans le libellé de la loi quant au moment où le ministre peut exercer son pouvoir discrétionnaire. Bien qu'il puisse y avoir, dans des cas exceptionnels, des raisons de réclamer une dispense avant qu'une décision ne soit prise au sujet de l'interdiction de territoire, dans la plupart des cas, il est préférable que la preuve soit présentée et que la Commission constate les faits avant que le ministre ne se penche sur la demande de dispense discrétionnaire.
lois et règlements cités
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)l) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), 27(2.1) (édicté, idem, art. 16), (4) (mod., idem).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, ch. 52, art. 27(3), 37(1)b). |
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34, 44, 48. |
Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 209. |
Règlement sur l'immigration, Partie I, DORS/62-36, art. 3D (édicté par DORS/73-20, art. 2), 3G (édicté, idem). |
jurisprudence citée
décision appliquée:
Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 332 N.R. 374; 2005 CAF 121.
décisions examinées:
Ramawad c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375; (1997), 81 D.L.R. (3d) 687; 18 N.R. 69; Qi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 57 (C.F.1re inst.); Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; (1989), 57 D.L.R. (4th) 663; [1989] 3 W.W.R. 289; 36 Admin. L.R. 72; 7 Imm. L.R. (2d) 253; 93 N.R. 81; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Adam, [2001] 2 C.F. 337; (2001), 196 D.L.R. (4th) 495; 11 Imm. L.R. (3d) 296; 266 N.R. 92 (C.A.); Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 1 R.C.F. 485; (2004), 42 Imm. L.R. (3d) 237; 2004 CF 1174.
décisions citées:
Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 14 Admin. L.R. (3d) 173; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22;, Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 331 N.R. 129; 2005 CAF 85; Davies c. Canada (Procureur général) (2005), 330 N.R. 283; 2005 CAF 41.
doctrine citée
Guide de l'immigration: Traitement des demandes au Canada (IP). Chapitre IP 10: Refus des cas de sécurité nationale/Traitement des demandes en vertu de l'intérêt national. Ottawa: Citoyenneté et Immigration Canada.
DEMANDE de contrôle judiciaire du refus de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'ajourner l'enquête portant sur l'interdiction de territoire du demandeur pour raison de sécurité nationale prévue à l'alinéa 34(1)f) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en attendant l'issue de la demande de dispense dont il avait saisi le ministre en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi. Demande rejetée.
ont comparu:
Adrian D. Huzel pour le demandeur.
Helen C. H. Park pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Embarkation Law Group, Vancouver, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et de l'ordonnance rendus par
[1]Le juge Mosley: La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si une enquête portant sur l'interdiction de territoire doit être ajournée lorsque le ministre est saisi d'une demande de dispense.
[2]Le demandeur, M. Hassanzadeh, est un citoyen iranien qui est arrivé au Canada en septembre 1993 et qui a soumis une demande d'asile. Sa demande a été rejetée au motif qu'il avait, en Autriche, un statut qui équivalait à la nationalité et qui lui permettait de vivre dans ce pays. En décembre 1996, il a épousé une ressortissante sud-coréenne, avec qui il a présenté en avril 1997 une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Ils ont été avisés en septembre de la même année de l'approbation en principe de leur demande. Huit ans plus tard, cette demande n'est toujours pas réglée.
[3]Le 2 juin 2004, le ministre a établi en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) un rapport estimant que le demandeur était interdit de territoire pour raison de sécurité nationale prévue à l'alinéa 34(1)f). Une enquête portant sur l'interdiction de territoire a ensuite été fixée au 7 février 2005 par la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission).
[4]Les alinéas 34(1)a), b), c) et f) sont ainsi libellés:
34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants:
a) être l'auteur d'actes d'espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s'entend au Canada;
b) être l'instigateur ou l'auteur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force;
c) se livrer au terrorisme;
[. . .]
f) être membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'un acte visé aux alinéas a), b) ou c).
[5]M. Hassanzadeh a soumis au ministre une demande de dispense fondée sur le paragraphe 34(2) de la LIPR. Sa demande a par la suite été transmise à la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, de qui relève maintenant ce type de demande.
[6]Le paragraphe 34(2) dispose:
34. (1) [. . .]
(2) Ces faits n'emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l'étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.
[7]Le 9 décembre 2004, le demandeur a réclamé le report à une date indéterminée de l'enquête sur l'interdiction de territoire en raison de la demande fondée sur le paragraphe 34(2) qui était toujours en instance. Des observations ont été formulées en faveur et à l'encontre de l'ajournement. La demande a été refusée le 29 décembre 2004. L'enquête sur l'interdiction de territoire n'a pas eu lieu comme prévu le 7 février 2005 parce que l'avocat du ministre n'était pas disponible et une nouvelle date a par conséquent été fixée.
Prétentions et moyens des parties
[8]Selon le demandeur, la Commission n'a pas compétence pour prononcer l'interdiction de territoire prévue au paragraphe 34(1) lorsqu'une demande fondée sur le paragraphe 34(2) a été déposée auprès du ministre. La Commission a donc commis une erreur en refusant de reporter l'enquête à une date indéterminée en attendant la décision du ministre.
[9]Dans ses observations écrites, le demandeur contestait par ailleurs les motifs invoqués par la Commission pour justifier sa décision et lui reprochait de ne pas avoir tenu compte du long retard qu'accusait le traitement de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Il a toutefois laissé tomber ces questions à l'enquête. Il n'est pas nécessaire que je me demande si la décision de refuser l'ajournement respecte la norme du caractère raisonnable que la teneur d'une décision procédurale commanderait autrement (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1992] 2 R.C.S. 817). La seule question qui m'est soumise est donc celle de savoir si la Commission était compétente pour refuser d'ajourner l'enquête.
[10]Le demandeur cite quatre décisions rendues sous le régime des anciennes Lois sur l'immigration: Ramawad c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375; Qi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 57 (C.F. 1re inst.); Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Adam, [2001] 2 C.F. 337 (C.A.).
[11]Dans l'arrêt Ramawad, le juge Pratte a conclu que le pouvoir de l'enquêteur spécial de retirer le visa de travail du demandeur et de l'expulser en vertu de l'alinéa 3D(2)b) du Règlement sur l'immigration, Partie I [DORS/62-36 (édicté par DORS/73-20, art. 2)] était suspendu par l'alinéa 3Gd) [édicté, idem], qui permettait au ministre de rendre une décision discrétionnaire au sujet de la dispense de l'alinéa 3D(2)b) en cas de circonstances exceptionnelles. L'enquête devait être ajournée jusqu'à ce que cette décision soit prise.
[12]La juge Reed, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a, dans le jugement Qi, appliqué l'arrêt Ramawad à une disposition analogue de l'ancienne Loi [Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2], le paragraphe 27(4) [mod. par LC. 1992, ch. 49, art. 16]. La juge Reed a conclu que l'enquêteur était tenu d'ajourner l'enquête ainsi que l'éventuelle expulsion du demandeur, qui était demeuré au Canada après l'expiration de son visa de visiteur, jusqu'à ce que le sous-ministre ait exercé son pouvoir discrétionnaire d'accorder une dispense en vertu du paragraphe 27(2.1) [édicté, idem].
[13]Dans l'affaire Prassad, l'appelante, qui avait été expulsée du Canada et qui y était revenue sans avoir d'abord obtenu le consentement du ministre, demandait au ministre de lui délivrer un permis l'autorisant à demeurer au Canada en vertu de l'alinéa 37(1)b) de l'ancienne Loi [Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, ch. 52]. Une mesure d'expulsion avait été prise avant que le ministre ne rende sa décision. La Cour suprême a établi une distinction entre cette espèce et l'affaire Ramawad, en expliquant que le permis ministériel prévu à l'alinéa 37(1)b) constituait une réparation distincte et subsidiaire plutôt qu'une réparation liée expressément à la procédure d'expulsion prévue au paragraphe 27(3). Il n'y avait donc rien dans l'économie de la Loi qui obligeait l'arbitre à ajourner l'enquête.
[14]Le demandeur soutient que les dispositions en litige en l'espèce sont analogues à celles qu'ont analysées la Cour suprême dans l'affaire Ramawad et la Cour fédérale dans l'affaire Qi et il ajoute qu'il y a lieu d'établir une distinction entre ces dispositions et la réparation distincte et subsidiaire examinée dans l'affaire Prassad.
[15]Dans l'arrêt Adam, la Cour d'appel fédérale a estimé que, dès lors qu'une interdiction de territoire est prononcée en vertu de l'alinéa 19(1)l) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11] de l'ancienne Loi [L.R.C. (1985), ch. I-2], le demandeur ne peut plus bénéficier de la dispense ministérielle prévue au même article. M. Hassanzadeh affirme que l'arrêt Adam permet d'affirmer qu'une demande de dispense constitue une condition préalable au prononcé d'une interdiction de territoire.
[16]Suivant le demandeur, plusieurs facteurs appuient sa thèse. Premièrement, on assisterait en principe à un gaspillage des ressources de la Commission si l'on procédait à une enquête sur la question de l'interdiction de territoire si le ministre pouvait par la suite infirmer la décision prise à l'issue de cette enquête. En second lieu, une interdiction de territoire serait préjudiciable au demandeur lorsqu'il existe peut-être d'autres facteurs qui militent en faveur d'une dispense. L'interdiction serait maintenue malgré la décision favorable du ministre (Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 1 R.C.F. 485 (C.F.).
[17]Le demandeur subirait par ailleurs un préjudice en raison du fait que, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au sujet de sa demande de dispense, son permis de travail deviendrait invalide en cas d'interdiction de séjour prononcée par la Commission (article 48 de la LIPR et article 209 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés [DORS/2002-227]). La LIPR est muette sur les mesures à prendre au sujet de la personne qui attend que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire. Finalement, le demandeur craint de perdre l'approbation de principe de la demande que lui et sa femme ont présentée sur le fondement de raisons d'ordre humanitaire. Le retard de la procédure ne cause aucun préjudice au défendeur. Le défendeur a toute latitude en ce qui concerne le moment de la décision du ministre sur la demande de dispense.
[18]Le défendeur affirme que la décision d'ajourner ou non l'enquête est une question interlocutoire qui relève entièrement du pouvoir discrétionnaire de la Commission (arrêt Prassad). La Commission est tenue de par la loi de tenir une enquête lorsque le rapport prévu à l'article 44 a été déposé. Le pouvoir d'accorder une dispense que le paragraphe 34(2) confère au ministre ne fait pas partie intégrante de la décision que la Commission prend en vertu du paragraphe 34(1). Le demandeur dispose d'un recours subsidiaire suffisant si l'enquête a lieu et se solde par une décision négative. Le demandeur peut alors demander le contrôle judiciaire de cette décision (jugement Ali).
[19]Le défendeur affirme qu'il est logique que le ministre attende de connaître l'issue de l'enquête sur l'interdiction de territoire tenue en vertu du paragraphe 34(1). Cette enquête permet de juger les faits d'une façon indépendante sur le fondement de la preuve dans le cadre d'un débat contradictoire. Il n'y a rien dans cet article qui exige explicitement d'accorder un ajournement lorsqu'une demande de dispense ministérielle a été présentée.
[20]Pour ce qui est des conséquences d'une décision défavorable en attendant la décision du ministre, le défendeur invoque le chapitre IP-10 [Refus des cas de sécurité nationale/Traitement des demandes en vertu de l'intérêt national] de son Guide de l'immigration: Traitement des demandes au Canada (IP) dans lequel il est précisé que toute décision définitive sur une demande de résidence permanente et toute mesure d'exécution d'une ordonnance de renvoi sont suspendues tant que la demande de dispense n'a pas été tranchée.
Analyse
[21]Aucune des parties n'a formulé d'observations au sujet de la norme de contrôle à appliquer dans la présente instance. Suivant l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la compétence est habituellement considérée comme une question de droit régie par la norme de la décision correcte (Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 331 N.R. 129 (C.A.F.); Davies c. Canada (Procureur général) (2005), 330 N.R. 283 (C.A.F.)).
[22]La thèse du demandeur repose essentiellement sur la prémisse que la décision prise par le ministre en vertu du paragraphe 34(2) fait partie intégrante de la décision sur l'interdiction de territoire prévue au paragraphe 34(1). Il est loisible au ministre de conclure que les faits énumérés au paragraphe 34(1) «n'emportent pas interdiction de territoire» s'il estime que la présence du demandeur au Canada ne serait pas préjudiciable à l'intérêt national. Sous le régime de l'ancienne Loi, les mots «sauf si elles convainquent» dans le libellé de la dispense contenue à l'alinéa 19(1)l) laissaient supposer que la dispense ministérielle devait précéder la décision de l'agent des visas, ainsi que la Cour d'appel fédérale l'a expliqué dans l'arrêt Adam.
[23]On ne trouve pas à l'article 34 de la Loi de tels mots ou une autre formulation indiquant que le législateur fédéral voulait que la décision du ministre sur la dispense soit prise avant que la Commission ne se prononce sur l'interdiction de territoire.
[24]La Cour d'appel fédérale a, dans l'affaire Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 332 N.R. 374, récemment eu l'occasion de se demander si l'arrêt Adam régissait l'interprétation du paragraphe 34(2). Le ministre sollicitait le réexamen d'une décision antérieure de la Cour ((2005), 331 N.R. 129) au motif qu'une déclaration faite par la Cour dans cette décision était incompatible avec l'arrêt Adam, puisque la Cour avait dit que le demandeur pouvait tenter de convaincre le ministre que sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l'intérêt national à la suite d'une enquête sur l'interdiction de territoire.
[25]Saisie de la requête en réexamen, la Cour d'appel a conclu qu'il n'y avait plus de restriction dans le libellé de la loi quant au moment où le ministre pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire. Au paragraphe 10, la Cour dit ce qui suit:
Le paragraphe 34(2) ne comporte pas d'aspect temporel. Rien dans cette disposition n'entrave l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre quant au moment où il peut accorder une exemption ministérielle. L'arrêt Adam s'appuyant sur un temps de verbe différent dans une disposition différente, il ne constitue par un précédent pour l'interprétation que le ministre fait du paragraphe 34(2).
[26]Aux dires du demandeur, la Cour d'appel n'a pas tranché la question de procédure. Il soutient qu'il a droit à une réponse du ministre avant de connaître la décision de la Commission. La Cour ne peut tenir pour acquis que le ministre en arrivera à une décision défavorable.
[27]Dans le jugement Ali, la juge Mactavish a estimé que la décision visée au paragraphe 34(1) est distincte de celle relative à l'interdiction de territoire et qu'elle doit être dissociée de l'exercice que le ministre fait du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 34(2). Voici les conclusions auxquelles la juge en arrive aux paragraphes 42 et 43:
Une enquête relative au paragraphe 34(2) vise une question différente de celle envisagée au paragraphe 34(1). La question que doit trancher le ministre en vertu du paragraphe 34(2) n'est pas celle de la justesse de la décision de l'agent selon laquelle il y a des motifs raisonnables de croire qu'un demandeur est membre d'une organisation terroriste--cette décision aura déjà été rendue. Le ministre est plutôt chargé d'examiner la question de savoir si, en dépit de l'appartenance du demandeur à une organisation terroriste, il serait préjudiciable à l'intérêt national de permettre au demandeur de demeurer au Canada.
En d'autres mots, le paragraphe 34(2) habilite le ministre à accorder un redressement exceptionnel, malgré la conclusion ayant déjà été tirée par l'agent d'immigration.
[28]Je suis d'accord avec la juge Mactavish pour dire que la décision d'accorder une dispense en vertu du paragraphe 34(2) sera normalement rendue après la décision relative à l'interdiction de territoire visée au paragraphe 34(1). La loi n'impose toutefois pas cette séquence. Il peut en effet y avoir, dans des cas exceptionnels, des raisons de réclamer une dispense avant qu'une décision ne soit prise au sujet de l'interdiction de territoire. Dans la plupart des cas, il serait préférable que la preuve soit présentée et que la Commission constate les faits avant que le ministre ne se penche sur la demande de dispense discrétionnaire.
[29]Tout en reconnaissant qu'une décision ministé-rielle favorable permettrait d'éviter les conséquences négatives d'une interdiction de territoire, j'estime qu'il n'y a rien d'injuste sur le plan procédural à permettre que la Commission rende sa décision avant que le ministre n'examine la demande de dispense.
[30]La demande est par conséquent rejetée. M. Hassanzadeh n'a pas le droit d'exiger une décision du ministre avant que la Section de l'immigration ne procède à une enquête ou ne rende une décision dans le cadre de celle-ci.
[31]Le demandeur a proposé la certification de la question suivante:
La Section de l'immigration a-t-elle compétence pour prononcer l'interdiction de territoire d'un résident permanent ou d'un ressortissant étranger pour l'une des raisons de sécurité énumérées à l'article 34 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés lorsqu'une demande de dispense ministérielle présentée en vertu du paragraphe 34(2) est en instance?
[32]Le défendeur s'oppose à la certification d'une question se rapportant à l'interprétation de l'article 34 et il soumet à l'examen de la Cour une version modifiée de la question du demandeur.
La Section de l'immigration a-t-elle l'obligation d'ajourner indéfiniment chaque enquête portant sur une interdiction de territoire tant que la demande de dispense ministérielle qui a été soumise n'a pas été tranchée?
[33]L'arrêt que la Cour d'appel a rendu en réponse à la requête en réexamen dont elle était saisie dans l'affaire Poshteh, tranche à mon avis la question dont le demandeur souhaite la certification. Je refuse donc de certifier cette question.
ORDONNANCE
LA COUR rejette la présente demande et ne certifie aucune question.