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IMM-1831-04

2005 CF 310

Peter Rebmann (demandeur)

c.

Le solliciteur général du Canada (défendeur)

Répertorié: Rebmann c. Canada (Solliciteur général) (C.F.)

Cour fédérale, juge Martineau--Toronto, 3 février; Montréal, 1er mars 2005.

Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Renvoi de visiteurs -- Contrôle judiciaire d'une mesure d'exclusion prise contre le demandeur au motif qu'il était interdit de territoire en vertu des art. 20(1)a) et 41 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés -- Le demandeur, dont le statut de résident temporaire était valide jusqu'en juillet 2004, a été arrêté en février 2004 et jugé interdit de territoire, parce qu'il avait l'intention de s'établir en permanence au Canada sans détenir de permis de résident permanent ou autre document valide exigé en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés; une mesure d'exclusion a donc été prise contre lui -- Les rapports fondés sur l'art. 44 qui ont été remis au demandeur constituaient des motifs suffisants à l'appui de la mesure et l'obligation d'équité a été respectée -- Cependant, l'agent d'immigration a omis de tenir compte de la double intention que le demandeur avait (soit immigrer et respecter les règles de droit applicables au sujet du séjour temporaire) -- Tant et aussi longtemps qu'il avait l'intention de quitter le Canada à l'expiration de son statut temporaire, le demandeur n'a pas contrevenu à la Loi en entrant au Canada avec une double intention -- Il n'y avait aucune raison justifiant l'agent de conclure que le demandeur n'avait pas respecté les exigences de l'art. 20(1)a) de la Loi et de l'art. 6 du Règlement -- Le demandeur était un résident temporaire admis de façon légale -- Demande accueillie.

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Vie, liberté et sécurité -- Le demandeur était un citoyen de l'Allemagne qui avait obtenu le statut de résident temporaire au Canada et qui faisait face à des accusations en matière criminelle en Allemagne -- Une mesure d'exclusion a été prise contre lui conformément à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés au motif qu'il avait l'intention de s'établir en permanence au Canada sans détenir de permis de résident permanent ou un autre document valide exigé en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés -- Le demandeur a soutenu que la mesure d'exclusion constituait en réalité une extradition déguisée et, de ce fait, une utilisation abusive de la procédure -- Il incombait au demandeur de démontrer que le gouvernement visait un objectif inapproprié ou avait agi de mauvaise foi -- Dans la présente affaire, la mesure d'exclusion était fondée sur une raison valable (contravention à la Loi et au Règlement) et la mauvaise foi n'a pas été établie -- En conséquence, il n'y a pas eu d'utilisation abusive de la procédure.

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Arrestation, détention, emprisonnement -- Le demandeur a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat à maintes reprises avant qu'une mesure soit prise en vue de sa détention et il a effectivement exercé ce droit -- Le demandeur ne s'est pas vu nier le droit à l'assistance d'un avocat.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une mesure d'exclusion datée du 13 février 2004 qu'un agent d'immigration a prise à l'encontre du demandeur, citoyen de l'Allemagne dont le statut de résident temporaire était valide jusqu'au 22 juillet 2004.

Le demandeur, qui faisait face à des accusations en matière criminelle en Allemagne, a été arrêté le 12 février 2004 par la Police de la communauté urbaine de Toronto et interrogé par deux investigateurs en immigration, qui ont ensuite préparé plusieurs rapports, y compris des rapports fondés sur l'article 44 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Le 13 février, ces rapports ont été remis à l'agent d'immigration qui, après avoir interrogé le demandeur, était convaincu que celui-ci était interdit de territoire conformément à l'article 41 de la Loi, parce qu'il avait l'intention de s'établir en permanence au Canada sans détenir de permis de résident permanent ou autre document valide exigé en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Une mesure d'exclusion fondée sur l'alinéa 20(1)a) de la Loi a été prise.

Arrêt: la demande doit être accueillie.

Le demandeur a allégué que les droits que lui reconnaît l'article 7 de la Charte étaient touchés, parce que la mesure d'exclusion prise était une extradition déguisée et que, de ce fait, la conduite de l'agent d'immigration équivalait à une utilisation abusive de la procédure. Pour prouver cette allégation, le demandeur devait démontrer que le gouvernement visait un objectif inapproprié ou avait agi de mauvaise foi, ce qui représente un fardeau très élevé dont il n'a pas réussi à se décharger. La mesure d'exclusion ne visait pas à remettre le demandeur aux autorités qui le réclament à titre de fugitif ou au motif que des accusations en matière criminelle étaient en cours contre lui en Allemagne. Elle a été prise pour une raison valable, soit parce que le demandeur avait l'intention de s'établir en permanence au Canada, alors qu'il ne détenait pas de permis de résident permanent. Le fait qu'une personne ne respecte pas la Loi ou le Règlement la rend interdite de territoire en vertu de l'article 41 de la Loi et est une raison valable qui justifie une mesure d'exclusion. Ce renvoi constituait un exercice légitime du pouvoir d'expulsion.

Le demandeur a également allégué qu'il s'était vu refuser le droit à l'assistance d'un avocat. Le droit du demandeur à l'assistance d'un avocat naît au moment où une mesure est prise pour qu'il soit retenu au centre correctionnel régional. Le demandeur a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat à maintes reprises avant qu'une mesure soit prise en vue de sa détention. Il a également reçu l'avis des droits conférés par la Convention de Vienne, y compris le droit d'être représenté par un avocat à une enquête, et il a signé cet avis. Il appert de la preuve que le demandeur a non seulement été informé de son droit à l'assistance d'un avocat, mais qu'il a effectivement exercé ce droit.

L'allégation du demandeur selon laquelle l'agent d'immigration a commis une erreur de droit en omettant de lui indiquer les motifs à l'appui de la mesure d'exclusion était également sans fondement. Lorsqu'une décision est fondée sur des notes ou sur un rapport, ceux-ci constituent les motifs de la décision. Les rapports fondés sur l'article 44, sur lesquels la décision était basée, étaient suffisants pour assurer le respect de l'obligation d'équité.

Le dernier motif de contrôle soulevé par le demandeur était l'absence de fondement juridique au soutien de la mesure d'exclusion. L'agent d'immigration était convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n'avait pas respecté les exigences de l'alinéa 20(1)a) de la Loi et de l'article 6 du Règlement. Il existait au dossier une preuve abondante permettant de conclure à la possibilité que le demandeur soit venu au Canada dans l'intention d'y vivre comme résident permanent. Il avait lancé une entreprise et acheté une maison; il avait également épousé une citoyenne canadienne, en plus d'avoir un fils né au Canada. Cependant, les activités du demandeur dans le domaine de l'investissement financier l'obligeaient également à passer plusieurs mois à l'étranger, comme la preuve l'a indiqué. L'agent d'immigration a omis de tenir compte de la double intention que le demandeur avait en entrant au Canada comme résident temporaire, soit immigrer et respecter les règles de droit applicables au sujet du séjour temporaire. Tant et aussi longtemps que le demandeur avait l'intention de quitter le Canada à l'expiration de son statut temporaire, même s'il envisageait la possibilité d'obtenir le statut de résident permanent, il n'a pas contrevenu à la Loi en entrant au Canada avec une double intention. À la date à laquelle la mesure d'exclusion a été prise, il n'y avait aucune raison justifiant l'agent de conclure que le demandeur n'avait pas respecté les exigences de l'alinéa 20(1)a) de la Loi et de l'article 6 du Règlement. Le demandeur était un résident temporaire admis de façon légale. La mesure d'exclusion ne reposait sur aucune analyse de la preuve pertinente quant à l'intention du demandeur de s'établir en permanence au Canada et quant au risque qu'il prolonge son séjour au Canada après l'expiration de la période visée par son autorisation de séjour temporaire. Elle était donc fondée sur une erreur de droit qui en justifiait l'annulation.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 10.

Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, [1980] R.T. Can. no 37.

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 20(1), 21, 22, 36, 40, 41, 44, 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194).

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 6, 7(1),(2), 11 (mod. par DORS/2004-167, art. 6), 72(1) (mod., idem, art. 26), (2) (mod., idem), 181, 228(1)c) (mod., idem, art. 63)

jurisprudence citée

décisions appliquées:

Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053; (1993), 101 D.L.R. (4th) 654; 10 Admin. L.R. (2d) 1; 20 C.R. (4th) 34; 14 C.R.R. (2d) 1; 18 Imm. L.R. (2d) 245; 150 N.R. 241; Halm c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] 1 C.F. 547; (1995), 104 F.T.R. 81; 32 Imm. L.R. (2d) 220 (1re inst.); Dragosin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 106 C.R.R. (2d) 92; 227 F.T.R. 16; 26 Imm. L.R. (3d) 119; 2003 CFPI 81; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 14 Admin. L.R. (3d) 173; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22.

décisions distinctes:

États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283; (2001), 196 D.L.R. (4th) 1; [2001] 3 W.W.R. 193; 85 B.C.L.R. (3d) 1; 148 B.C.A.C. 1; 151 C.C.C. (3d) 97; 39 C.R. (5th) 205; 81 C.R.R. (2d) 1; 265 N.R. 212; 2001 CSC 7; Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779; (1991), 84 D.L.R. (4th) 438; 67 C.C.C. (3d) 1; 8 C.R. (4th) 1; 6 C.R.R. (2d) 193; 129 N.R. 81.

décision examinée:

Martin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 42 Imm. L.R. (3d) 104; 2005 CF 60.

décisions citées:

Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307; (2000), 190 D.L.R. (4th) 513; [2000] 10 W.W.R. 567; 23 Admin. L.R. (3d) 175; 81 B.C.L.R. (3d) 1; 3 C.C.E.L. (3d) 165; 77 C.R.R. (2d) 189; 260 N.R. 1; 2000 CSC 44; Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; (1992), 90 D.L.R. (4th) 289; 2 Admin. L.R. (2d) 125; 72 C.C.C. (3d) 214; 8 C.R.R. (2d) 234; 16 Imm. L.R. (2d) 1; 135 N.R. 161; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646; (1997), 147 D.L.R. (4th) 93; 4 Admin. L.R. (3d) 200; 212 N.R. 63 (C.A.); Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3; (2002), 208 D.L.R. (4th) 1; 37 Admin. L.R. (3d) 152; 90 C.R.R. (2d) 1; 18 Imm. L.R. (3d) 1; 281 N.R. 1; 2002 CSC 1; Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 72; (2002), 208 D.L.R. (4th) 57; 90 C.R.R. (2d) 47; 18 Imm. L.R. (3d) 175; 280 N.R. 201; 2002 CSC 2; Moore v. Minister of Manpower and Immigration, [1968] R.C.S. 839; (1968), 69 D.L.R. (2d) 273.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant la décision datée du 13 février 2004 par laquelle un agent d'immigration a pris une mesure d'exclusion à l'encontre du demandeur en application de alinéa 20(1)a) et l'article 41 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés au motif que le demandeur avait l'intention de s'établir en permanence au Canada sans détenir de permis de résident permanent ou autre document valide. Demande accueillie.

ont comparu:

Lorne Waldman pour le demandeur.

Marcel R. Larouche pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Lorne Waldman, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par

[1]Le juge Martineau: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 72 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l'égard d'une mesure d'exclusion datée du 13 février 2004 que M. Hughes Simard, agent d'immigration (l'agent), a prise à l'encontre du demandeur en application de l'alinéa 20(1)a) et de l'article 41 de la Loi.

[2]Le demandeur est un citoyen de la République fédérale d'Allemagne et a obtenu le statut temporaire, qui était valide jusqu'au 22 juillet 2004. Il est venu plusieurs fois au Canada au cours des quatre dernières années comme résident temporaire et est entré ici pour la dernière fois le 23 janvier 2004.

[3]Le demandeur a créé une société dont il est le président dans le centre-ville de Toronto. De plus, il a acheté une maison et épousé une citoyenne canadienne; il est également le père d'un fils né au Canada. Ce n'est que le 12 février 2004 que le demandeur a présenté une demande de résidence permanente afin de s'établir et de rester au Canada. Le demandeur n'a pas informé l'examinateur à son arrivée au Canada qu'il faisait face à des accusations en matière criminelle dans un autre pays.

[4]Le 12 février 2004, l'escouade des fugitifs de la Police de la communauté urbaine de Toronto a arrêté le demandeur sans mandat en vertu de la Loi et l'a détenu à la Division 22. Le même jour, la police de Toronto a informé le demandeur de son droit à l'assistance d'un avocat et il a subséquemment parlé à un avocat de service. Par la suite, le demandeur a été interrogé par deux investigateurs en immigration, Gary Campbell et Laura Dobson. L'entrevue visait à recueillir des données. En se servant des réponses du demandeur, l'investigateur Campbell a rempli un formulaire intitulé «Rapport d'enquête». Au cours de l'entrevue, le demandeur a mentionné aux investigateurs qu'il avait été informé de l'existence d'un mandat d'arrestation deux semaines plus tôt par son avocat et qu'il n'avait nullement l'intention de retourner en Allemagne. L'investigateur Campbell a avisé le demandeur qu'il avait le droit d'obtenir l'assistance d'un avocat et de communiquer avec le consulat de la République fédérale d'Allemagne en vertu de la Convention de Vienne [Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, [1980] R.T. Can. no 37]. Le demandeur a confirmé qu'il comprenait ses droits et qu'il avait communiqué avec son avocat et exercé son droit de parler à un avocat de service. Après l'entrevue, l'investigatrice Dobson a préparé un formulaire intitulé «ordonnance de détention» tandis que l'investigateur Campbell a préparé un «avis d'arresta-tion» et deux rapports intitulés [traduction] «rapport fondé sur l'article 44, immigrant sans visa et interdiction de territoire--criminalité». Plus tard, le demandeur a été formellement arrêté par les investigateurs en immigration et transféré au Centre de détention de l'Ouest de Toronto.

[5]Le 13 février 2004, le dossier du demandeur a été transféré à l'unité de l'examen du représentant du ministre et confié à l'agent, qui a interrogé le demandeur le même jour et a passé en revue avec lui le rapport fondé sur l'article 44 en ce qui concerne l'alinéa 20(1)a) et l'article 41 de la Loi (immigrant sans visa). Le demandeur a confirmé les renseignements contenus dans le rapport. Vers la fin de l'entrevue, l'agent a demandé au demandeur s'il craignait de retourner en Allemagne pour quelque raison que ce soit et le demandeur a répondu qu'il avait des problèmes là-bas, parce qu'il avait conclu des opérations boursières par suite desquelles [traduction] «des gens ont perdu de l'argent et lui en voulaient». Il a également souligné que des poursuites en justice étaient en cours contre lui en raison de cette situation.

[6]À la fin de l'entrevue, sur la foi des renseignements obtenus, l'agent était convaincu que le demandeur était interdit de territoire conformément à l'article 41 de la Loi, parce qu'il avait l'intention de s'établir en permanence au Canada sans détenir de permis de résident permanent ou autre document valide exigé en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). En conséquence, l'agent a pris une mesure d'exclusion fondée sur l'alinéa 20(1)a) de la Loi.

[7]Le demandeur allègue d'abord que les droits que lui reconnaît l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] (la Charte), sont touchés par la décision des autorités de l'immigration de le renvoyer du Canada en Allemagne, où il sera probablement arrêté et accusé de fraude. À cet égard, le demandeur soutient que la conduite de l'agent d'immigration équivaut à une utilisation abusive de la procédure, puisqu'il s'agit en l'espèce d'un exemple évident d'extradition déguisée. Le demandeur ajoute qu'il s'est vu refuser le droit à l'assistance d'un avocat. Il reproche à l'agent d'avoir commis une erreur de droit en omettant de lui indiquer les motifs à l'appui de la mesure d'exclusion. Enfin, le demandeur fait valoir que la mesure d'exclusion ne reposait sur aucun fondement juridique et que l'agent a commis une erreur de droit en omettant de respecter les dispositions de la Loi et du Règlement.

[8]Pour pouvoir invoquer la Charte, le demandeur doit d'abord démontrer que les droits que lui reconnaît l'article 7 de celle-ci sont en cause (Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307). Je débuterai en rappelant d'abord que, selon le principe de droit le plus fondamental qui s'applique en matière d'immigration, les non-citoyens n'ont pas le droit absolu d'entrer ou de rester au pays (Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711). Bien que la jurisprudence ne soit peut-être pas unanime, je souligne que la Cour d'appel fédérale a déjà décidé que le renvoi légitime d'un demandeur vers son pays d'origine n'équivaut pas à une privation de sa liberté (Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.)). En conséquence, la délivrance d'une mesure d'exclusion ne met pas automatiquement en cause l'article 7 de la Charte. Cela étant dit, la Cour suprême du Canada a également déclaré que la procédure de renvoi peut toucher les droits que l'article 7 reconnaît à une personne lorsque celle-ci établit à première vue qu'elle risque d'être torturée si elle est renvoyée (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3; Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 72). Sur ce point, j'aimerais citer la décision Martin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2005), 42 Imm. L.R. (3d) 104 (C.F.), où la Cour fédérale a longuement commenté la jurisprudence pertinente et examiné les étapes d'une analyse menée conformément à l'article 7 de la Charte ainsi que les répercussions d'une expulsion en ce qui a trait à l'application de cette disposition.

[9]La question de savoir si le demandeur a satisfait au critère minimal pour obtenir la protection garantie par l'article 7 de la Charte est une question purement théorique, parce que je suis d'avis qu'il n'y a eu aucun manquement à un principe de justice fondamentale en l'espèce. Cependant, je souligne que la présente affaire est bien différente de la situation que la Cour suprême du Canada a examinée dans les arrêts États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, et Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, où elle a statué que la mesure d'extradition portait atteinte aux droits que l'article 7 reconnaissait aux demandeurs, étant donné que ceux-ci risquaient de se voir infliger la peine de mort à leur retour aux États-Unis, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

[10]Le demandeur ne m'a pas convaincu que la mesure d'exclusion constitue, en réalité, une extradition déguisée. Il incombe à la partie qui formule cette allégation de prouver qu'une mesure d'expulsion n'est pas valide a priori, qu'elle constitue une imposture ou qu'elle n'est pas authentique (Moore v. Minister of Manpower and Immigration, [1968] R.C.S. 839). En d'autres termes, pour que son argument concernant l'extradition déguisée puisse être retenu, le demandeur doit démontrer que le gouvernement visait un objectif inapproprié ou a agi de mauvaise foi. De plus, le fardeau de la preuve est très élevé en ce qui concerne cette allégation.

[11]Dans Halm c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] 1 C.F. 547 (1re inst.), la Cour fédérale a confirmé ce qui suit [aux pages 562 et 563]:

1.     Il y a exercice légitime du pouvoir d'expulsion lorsque l'objectif visé est d'expulser l'intéressé parce que sa présence va à l'encontre du bien public.

2.     L'exercice du pouvoir d'expulsion n'est pas légitime lorsque l'objectif visé est de remettre le fugitif à l'État qui le réclame.

3.     Il est loisible aux tribunaux de vérifier si l'objectif visé par l'État était légitime ou non.

4.     C'est à la partie qui allègue qu'il y a eu exercice illégitime du pouvoir d'expulsion qu'il incombe d'en faire la preuve. C'est une lourde charge.

5.     Pour donner gain de cause à l'intéressé, il faudrait statuer que le ministre n'a pas véritablement estimé qu'il était dans l'intérêt du public d'expulser l'intéressé.

6.     L'adoption de la Charte n'a pas allégé la charge de la preuve.

[12]Dans la présente affaire, je ne suis pas convaincu que l'agent a pris la mesure d'exclusion afin de remettre le demandeur aux autorités qui le réclament à titre de criminel fugitif ou au motif que des accusations criminelles étaient en cours contre lui en Allemagne. D'après la preuve au dossier, la mesure en question a été prise parce que le demandeur avait l'intention de s'établir en permanence au Canada alors qu'il ne détenait pas de permis de résident permanent ou autre document valide exigé en vertu du Règlement. Le fait qu'une personne ne respecte pas la Loi ou le Règlement la rend interdite de territoire en vertu de l'article 41 de la Loi et est une raison valable qui justifie une mesure d'exclusion (paragraphe 44(2) de la Loi et alinéa 228(1)c) [mod. par DORS/2004-167, art. 63] du Règlement) et ce renvoi constitue un exercice légitime du pouvoir d'expulsion. De plus, le demandeur ne m'a pas convaincu que la mesure d'exclusion a été prise de mauvaise foi. En conséquence, étant donné que la bonne foi doit être présumée et que le demandeur n'a pas prouvé que le processus d'immigration s'est déroulé de manière irrégulière, j'estime qu'il n'y a pas eu d'utilisation abusive de la procédure en l'espèce.

[13]En ce qui concerne l'allégation du demandeur selon laquelle il s'est vu refuser le droit à l'assistance d'un avocat, la Cour suprême du Canada a décidé clairement, dans Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053, qu'une première entrevue par l'agent d'immigration ne déclenche pas le droit à l'assistance d'un avocat prévu par l'article 10 de la Charte. Cependant, dans Dragosin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 106 C.R.R. (2d) 92 (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a statué que le droit du demandeur à l'assistance d'un avocat naît au moment où une mesure a été prise pour qu'il soit retenu au centre correctionnel régional. En conséquence, l'agent d'immigration doit informer le demandeur de son droit à l'assistance d'un avocat avant de prendre une mesure en vue de sa détention. Dans la présente affaire, je suis convaincu que le demandeur a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat à maintes reprises. Ainsi, il a d'abord été avisé de son droit après avoir été arrêté par l'escouade des fugitifs de la Police de la communauté urbaine de Toronto. Le demandeur a parlé à un avocat de service peu après avoir été arrêté et a également été informé de son droit à l'assistance d'un avocat par les agents d'immigration avant qu'une mesure soit prise en vue de sa détention. De plus, le demandeur a reçu l'avis des droits conférés par la Convention de Vienne, y compris le droit d'être représenté par un avocat à une enquête, et il a signé cet avis. Son droit à l'assistance d'un avocat lui a été reconnu et il l'a effectivement exercé. Le demandeur a confirmé aux agents d'immigration qu'il comprenait ses droits et qu'il avait déjà communiqué avec son avocat et exercé son droit de parler à un avocat de service. Par conséquent, le demandeur ne s'est pas vu nier le droit à l'assistance d'un avocat lorsque ce droit est né et, en fait, il ne peut même pas invoquer la décision Dragosin, puisqu'il a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat avant d'être détenu.

[14]Quant à l'allégation du demandeur selon laquelle l'agent a commis une erreur de droit en omettant de lui indiquer les motifs à l'appui de la mesure d'exclusion, j'estime également que cette allégation est sans fondement. Dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a déjà établi que, lorsqu'une décision est fondée sur des notes ou sur un rapport, ceux-ci constituent les motifs de la décision. Dans la présente affaire, le demandeur a reçu des copies des rapports fondés sur l'article 44. En conséquence, étant donné que le demandeur a obtenu copie du rapport sur lequel la décision était fondée, aucun manquement à l'obligation d'équité n'a été commis en l'espèce.

[15]Quant au dernier motif de contrôle que le demandeur a soulevé, soit l'absence de fondement juridique au soutien de la mesure d'exclusion, il semble que l'agent était convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n'avait pas respecté les exigences de l'alinéa 20(1)a) de la Loi et de l'article 6 du Règlement.

[16]Dans le cas sous étude, il existe au dossier une preuve abondante permettant de conclure à la possibilité que le demandeur soit venu au Canada dans l'intention d'y vivre comme résident permanent. Il avait lancé une entreprise et acheté une maison dans la ville de Toronto; il avait également épousé une citoyenne canadienne, en plus d'avoir un fils né au Canada. Qui plus est, ce n'est que le 12 février 2004 que le demandeur a présenté une demande de résidence permanente afin de s'établir et de rester au Canada. Cependant, cette situation permet-elle automatiquement à l'agent de conclure que le demandeur a effectivement contrevenu à l'alinéa 20(1)a) de la Loi et à l'article 6 du Règlement lorsqu'il est arrivé et qu'il est resté au Canada?

[17]Voici les extraits pertinents du paragraphe 20(1) et des articles 21, 22 et 41 de la Loi:

20. (1) L'étranger non visé à l'article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver:

a) pour devenir un résident permanent, qu'il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s'y établir en permanence;

b) pour devenir un résident temporaire, qu'il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[. . .]

21. (1) Devient résident permanent l'étranger dont l'agent constate qu'il a demandé ce statut, s'est déchargé des obligations prévues à l'alinéa 20(1)a) et au paragraphe 20(2) et n'est pas interdit de territoire.

(2) Sous réserve d'un accord fédéro-provincial visé au paragraphe 9(1), devient résident permanent la personne à laquelle la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger a été reconnue en dernier ressort par la Commission ou celle dont la demande de protection a été acceptée par le ministre--sauf dans le cas d'une personne visée au paragraphe 112(3) ou qui fait partie d'une catégorie réglementaire--dont l'agent constate qu'elle a présenté sa demande en conformité avec les règlements et qu'elle n'est pas interdite de territoire pour l'un des motifs visés aux articles 34 ou 35, au paragraphe 36(1) ou aux articles 37 ou 38.

22. (1) Devient résident temporaire l'étranger dont l'agent constate qu'il a demandé ce statut, s'est déchargé des obligations prévues à l'alinéa 20(1)b) et n'est pas interdit de territoire.

(2) L'intention qu'il a de s'établir au Canada n'empêche pas l'étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu'il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[. . .]

41. S'agissant de l'étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait--acte ou omission--commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s'agissant du résident permanent, le manquement à l'obligation de résidence et aux conditions imposées.

[18]Il convient également de reproduire certaines dispositions du Règlement qui sont pertinentes; soit l'article 6, les paragraphes 7(1) et (2), l'article 11 [mod. par DORS/2004-167, art. 6], les paragraphes 72(1) [mod., idem, art. 26] et (2) [mod., idem] et l'article 181:

6. L'étranger ne peut entrer au Canada pour s'y établir en permanence que s'il a préalablement obtenu un visa de résident permanent.

7. (1) L'étranger ne peut entrer au Canada pour y séjourner temporairement que s'il a préalablement obtenu un visa de résident temporaire.

(2) Cette obligation ne s'applique pas:

a) à l'étranger dispensé, au titre de la section 5 de la partie 9, de l'obligation d'obtenir un visa de résident temporaire;

b) au titulaire d'un permis de séjour temporaire délivré au titre du paragraphe 24(1) de la Loi;

c) à tout étranger autorisé, en vertu de la Loi ou du présent règlement, à rentrer au Canada pour y séjourner.

[. . .]

11. (1) L'étranger fait sa demande de visa de résident permanent--autre que celle faite au titre de la partie 8--au bureau d'immigration qui dessert:

a) soit le pays dans lequel il réside, s'il y a été légalement admis pour une période d'au moins un an;

b) soit le pays dont il a la nationalité ou, s'il est apatride, le pays dans lequel il a sa résidence habituelle--autre que celui où il n'a pas été légalement admis.

(2) L'étranger qui fait une demande de visa de résident temporaire--ou une demande de permis de travail ou d'études qui, selon le présent règlement, doit être faite hors du Canada--doit la faire au bureau d'immigration qui traite son type de demande et qui, pour les besoins de la demande, dessert:

a) soit le pays dans lequel il est présent et dans lequel il a été légalement admis;

b) soit le pays dont il a la nationalité ou, s'il est apatride, le pays dans lequel il a sa résidence habituelle--autre que celui où il n'a pas été légalement admis.

(3) Le demandeur de séjour au Canada au titre d'une des catégories prévues à l'article 65 ou au paragraphe 72(2) ou au titre du paragraphe 175(1) envoie sa demande au Centre de traitement des demandes du ministère au Canada qui dessert son lieu de résidence habituelle.

(4) Le demandeur d'une carte de résident permanent envoie sa demande au Centre de traitement des demandes du ministère au Canada qui dessert son lieu de résidence habituelle.

(5) Le répondant qui demande à parrainer un étranger envoie sa demande de parrainage au Centre de traitement des demandes du ministère au Canada qui dessert son lieu de résidence habituelle.

[. . .]

72. (1) L'étranger au Canada devient résident permanent si, à l'issue d'un contrôle, les éléments suivants sont établis:

a) il en a fait la demande au titre d'une des catégories prévues au paragraphe (2);

b) il est au Canada pour s'y établir en permanence;

c) il fait partie de la catégorie au titre de laquelle il a fait la demande;

d) il satisfait aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie;

e) sauf dans le cas de l'étranger ayant fourni un document qui a été accepté aux termes du paragraphe 178(2) ou de l'étranger qui fait partie de la catégorie des résidents temporaires protégés:

(i) ni lui ni les membres de sa famille--qu'ils l'accompagnent ou non--ne sont interdits de territoire,

(ii) il est titulaire de l'un des documents visés aux alinéas 50(1)a) à h),

(iii) il est titulaire d'un certificat médical attestant, sur le fondement de la plus récente visite médicale à laquelle il a été requis de se soumettre aux termes du présent règlement dans les douze mois qui précèdent, que son état de santé ne constitue vraisemblablement pas un danger pour la santé ou la sécurité publiques et, sauf si le paragraphe 38(2) de la Loi s'applique, ne risque pas d'entraîner un fardeau excessif;

f) dans le cas de l'étranger qui fait partie de la catégorie des résidents temporaires protégés, il n'est pas interdit de territoire.

(2) Les catégories sont les suivantes:

a) la catégorie des aides familiaux;

b) la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada;

c) la catégorie des résidents temporaires protégés.

[. . .]

181. (1) L'étranger peut demander la prolongation de son autorisation de séjourner à titre de résident temporaire si, à la fois:

a) il en fait la demande à l'intérieur de sa période de séjour autorisée;

b) il s'est conformé aux conditions qui lui ont été imposées à son entrée au Canada.

(2) L'agent prolonge l'autorisation de séjourner à titre de résident temporaire de l'étranger si, à l'issue d'un contrôle, celui-ci satisfait toujours aux exigences prévues à l'article 179.

[19]À mon avis, l'agent a omis de tenir compte de la double intention que le demandeur avait lorsqu'il est arrivé au Canada comme résident temporaire. En fait, une personne peut avoir la double intention d'immigrer et de respecter les règles de droit applicables au sujet du séjour temporaire. Il est évident qu'à la date à laquelle la mesure d'exclusion a été prise, le demandeur avait un statut de résident temporaire valide qui l'autorisait à rester au Canada jusqu'au 22 juillet 2004. Même si le demandeur a épousé une citoyenne canadienne, qu'il est père d'un fils né au Canada, qu'il possédait une maison et qu'il a lancé une entreprise à Toronto, il semble également qu'il voyageait beaucoup tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Canada. À cet égard, le demandeur travaille apparemment dans le secteur de l'investissement financier depuis 1984 et s'occupe activement d'obtenir des capitaux pour les sociétés minières canadiennes depuis 1987. À cette fin, il doit passer plusieurs mois à l'étranger. Effectivement, au cours des deux dernières années précédant la mesure d'exclusion, il est venu au Canada et a quitté le pays à environ 25 occasions différentes. Cela étant dit, l'épouse du demandeur avait le droit, en vertu du paragraphe 72(1) du Règlement, de présenter en tout temps une demande visant à parrainer le demandeur dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Le demandeur avait également le droit, en vertu du paragraphe 181(1) du Règlement, de demander la prolongation de son autorisation de séjourner au Canada à titre de résident temporaire. En pareil cas, le délai relatif à la présentation de cette demande n'avait pas expiré, puisque celle-ci aurait pu être faite jusqu'au 22 juillet 2004. Dans la présente affaire, le demandeur et son épouse n'avaient apparemment pas encore décidé de demander la résidence permanente, parce que le demandeur voyage beaucoup à l'étranger et voulait être certain que son entreprise était bien établie avant de décider de rester définitivement au Canada. Tant et aussi longtemps que le demandeur avait l'intention de quitter le Canada à l'expiration de son statut temporaire, même s'il envisageait la possibilité d'obtenir le statut de résident permanent, il n'a pas contrevenu à la Loi en entrant au Canada avec une double intention. C'est ce qu'indique clairement le paragraphe 22(2) de la Loi et, par conséquent, la mesure d'exclusion que l'agent a prise est fondée sur une erreur de droit.

[20]De plus, étant donné que la Loi prévoit que les personnes dont l'époux vit au Canada peuvent demander la résidence permanente depuis l'intérieur du Canada, il est incongru de dire qu'une personne qui a épousé un Canadien ou une Canadienne et qui désire être admise au Canada comme résident temporaire peut être interdite de territoire à titre de résident permanent sans visa. Cette allégation va à l'encontre des dispositions de la Loi qui permettent, expressément ou explicitement, aux époux des citoyens canadiens au Canada de demander la résidence permanente depuis l'intérieur du Canada. Comment une personne qui avait légalement le droit de demander la résidence permanente au Canada peut-elle être interdite de territoire parce qu'elle est un résident permanent sans statut? Cette conclusion est absurde et illogique et incompatible avec les dispositions de la Loi et du Règlement.

[21]En conclusion, il semble que la mesure d'exclusion a été prise à la hâte et de façon prématurée, parce que l'agent a manifestement omis de tenir compte de tous les facteurs et circonstances pertinents. Je suis d'avis qu'à la date à laquelle la mesure d'exclusion a été prise, il n'y avait aucune raison justifiant l'agent de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n'avait pas respecté les exigences de l'alinéa 20(1)a) de la Loi et de l'article 6 du Règlement. En termes simples, à la date de cette mesure, le demandeur n'était pas un résident permanent, mais plutôt un résident temporaire admis de façon légale. Dans la présente affaire, la mesure d'exclusion ne repose sur aucune analyse de la preuve pertinente quant à l'intention du demandeur de s'établir en permanence au Canada et quant au risque qu'il prolonge son séjour au Canada après l'expiration de la période visée par son autorisation de séjour temporaire. Cette conclusion justifie l'annulation de la mesure d'exclusion.

[22]Toutefois, je souligne que l'agent a pris la mesure d'exclusion strictement au motif qu'il a conclu que le demandeur était interdit de territoire en vertu de l'article 41 de la Loi. La question de savoir si l'agent aurait pu prendre la même mesure de renvoi ou une autre en raison de la possibilité que le demandeur soit jugé interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l'article 36 de la Loi ou pour fausses déclarations en vertu de l'article 40 de la Loi est purement hypothétique et il n'est pas nécessaire que la Cour l'examine à ce stade-ci. Il en va de même en ce qui concerne le refus subséquent par l'agent de prolonger l'autorisation du demandeur de séjourner au Canada à titre de résident temporaire, laquelle question fait l'objet d'une autre demande de contrôle judiciaire (IMM-8679-04). Le demandeur sollicite également, dans sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, l'annulation de la mesure d'exclusion et le renvoi de l'affaire en vue d'un réexamen par un autre agent pour le cas où la présente demande de contrôle judiciaire serait accueillie. Compte tenu de ces différents facteurs, j'ordonnerai donc que l'affaire soit renvoyée en vue d'une nouvelle décision par un autre agent en conformité avec la loi.

[23]Aucune question de portée générale ne sera certifiée.

ORDONNANCE

La Cour ordonne que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision datée du 13 février 2004 par laquelle M. Hughes Simard, agent d'immigration, a pris une mesure d'exclusion contre le demandeur est annulée et l'affaire est renvoyée au défendeur en vue d'une nouvelle décision par un autre agent en conformité avec la loi.

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