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[2018] 2 R.C.F. 524

T-856-15

2017 CF 763

Ministre du Revenu national (demandeur)

c.

Cameco Corporation (intimée)

Répertorié : Canada (Revenu national) c. Cameco Corporation

Cour fédérale, juge McVeigh—Saskatoon, 18 avril; Ottawa, 10 août 2017.

Impôt sur le revenu — Application et exécution — Demande sommaire pour obtenir une ordonnance exécutoire en vertu de l’art. 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu — Au sujet de la vérification concernant des paiements de transfert, le demandeur a demandé à la Cour d’ordonner à environ 25 employés de l’intimée et à sa filiale à cent pour cent d’être disponibles pour une entrevue portant sur les années d’imposition 2010, 2011 et 2012 de l’intimée — L’intimée est l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde et son siège social se trouve en Saskatchewan — L’un des objectifs énoncés des vérifications du demandeur portait sur la question de savoir si l’intimée avait respecté ses obligations prévues à la Loi; si l’intimée avait respecté les règles relatives au prix de transfert pour les organisations avec lien de dépendance — Le demandeur effectuait une vérification de l’intimée pour les années d’imposition en litige selon les mêmes faits que les affaires en instance devant la Cour canadienne de l’impôt — Il s’agissait de savoir si l’intimée devrait être contrainte d’obliger environ 25 employés à assister à des entrevues en ce qui concerne la vérification des années d’imposition 2010, 2011 et 2012 de l’intimée — Les pouvoirs de vérification du demandeur sont vastes, mais non illimités — La capacité du demandeur d’exiger « tout renseignement » ainsi que le prévoit l’art. 231.2(1) de la Loi n’est pas limitée aux documents actuels du contribuable, mais le libellé de cette disposition peut exiger que le contribuable réponde à un questionnaire — Les questions écrites fourniraient au demandeur les renseignements demandés et seraient conformes à la conclusion formulée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tower c. M.R.N — Une ordonnance exécutoire (art. 231.7(1) de la Loi) ne peut être délivrée que si le demandeur prouve que l’intimée ne s’est pas conformée à l’art. 231.1 de la Loi — L’intimée a donné au demandeur toute possibilité d’inspecter, de vérifier et d’examiner ses livres, registres et documents et d’inspecter ses biens — L’intimée n’a pas permis les entrevues orales étant donné le nombre demandé et le fait que l’objet de la vérification était semblable, si ce n’est identique, à un contentieux dont la Cour canadienne de l’impôt était saisie — L’art. 231.1(1)d) de la Loi ne donne pas au demandeur un droit illimité de procéder à des entrevues orales avec les employés de l’intimée — L’interprétation du demandeur imposait une forme beaucoup plus élargie d’interrogatoire préalable que celui permis devant la Cour canadienne de l’impôt — L’ordonnance que le demandeur souhaitait obtenir ne respectait pas le principe de la proportionnalité — Le contentieux connexe dont la Cour canadienne de l’impôt a été saisie réglerait probablement la plupart des questions qui constitueraient le fondement des entrevues demandées — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande sommaire pour obtenir une ordonnance exécutoire en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Au sujet de la vérification concernant des paiements de transfert, le demandeur a demandé à la Cour d’ordonner à environ 25 employés de l’intimée et à sa filiale à cent pour cent d’être disponibles pour une entrevue portant sur les années d’imposition 2010, 2011 et 2012 de l’intimée. L’intimée a donné suite à toutes les demandes de vérification liée aux années pertinentes et a accepté de répondre aux questions écrites du demandeur, mais non de participer à des entrevues orales.

L’intimée est l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde, et son siège social se trouve à Saskatoon, en Saskatchewan. Elle a plusieurs filiales à cent pour cent indirectes qui se trouvent à l’étranger. L’un des objectifs énoncés des vérifications du demandeur portait sur la question de savoir si l’intimée avait respecté ses obligations prévues à la Loi. Plus précisément, le demandeur se préoccupait du fait que l’intimée pourrait ne pas avoir respecté les règles relatives au prix de transfert pour les organisations avec lien de dépendance. Un examen des prix de transfert effectué par le demandeur porte sur la question de savoir si les prix ou les mesures de rentabilité réellement obtenue par les parties liées sont comparables aux prix ou aux mesures de rentabilité obtenus par des parties non liées par le cadre de transactions semblables. Plusieurs rapports sur les prix de transfert et analyses fonctionnelles ont été préparés pour certaines des années d’imposition de l’intimée qui étaient en litige. En outre, certains des employés de l’intimée ont été interrogés par le demandeur dans le cadre de la vérification de certaines années d’imposition de l’intimée. Le demandeur a demandé à réaliser des entrevues orales auprès des employés de l’intimée afin de vérifier des renseignements figurant dans les rapports sur les prix de transfert de l’intimée, mais celle-ci a refusé cette demande, en indiquant que le fait de consentir aux entrevues lui porterait préjudice. Le demandeur effectuait une vérification de l’intimée pour les années d’imposition en litige selon les mêmes faits que les affaires en instance devant la Cour canadienne de l’impôt.

Devant la Cour, le demandeur a soutenu que la seule interprétation possible de l’article 231.1 de la Loi était qu’il peut tenir des entrevues orales avec des contribuables; que cette disposition confère d’importants pouvoirs de vérification; et que la possibilité d’effectuer des entrevues orales est inhérente au pouvoir d’inspection, de vérification ou d’examen du demandeur et en fait partie intégrante. L’intimée a notamment reconnu que bien que les pouvoirs du demandeur sont vastes, ils ne sont pas illimités; que l’interprétation par le demandeur du paragraphe 231.1(1) de la Loi n’était pas conforme au contexte de la disposition en ce qui concerne les dispositions relatives à l’autocotisation, à l’opposition et à l’appel; et que la demande elle-même n’était pas proportionnelle.

Il s’agissait principalement de savoir si l’intimée devait être contrainte d’obliger environ 25 employés à assister à des entrevues en ce qui concerne la vérification des années d’imposition 2010, 2011 et 2012.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Les pouvoirs de vérification du demandeur sont vastes, mais non illimités. Les tribunaux ont conclu que la capacité du demandeur d’exiger « tout renseignement » n’est pas limitée aux documents actuels du contribuable (paragraphe 231.2(1) de la Loi). Le libellé de cette disposition peut plutôt exiger que le contribuable réponde à un questionnaire. Par conséquent, l’interprétation par l’intimée du paragraphe 231.1(1) ne limite pas les renseignements à la disposition du demandeur. Les questions écrites fourniraient au demandeur les renseignements demandés et seraient conformes à la conclusion formulée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tower c. M.R.N. Une ordonnance exécutoire (paragraphe 231.7(1)) ne peut être délivrée que si le demandeur prouve que l’intimée ne s’est pas conformée à l’article 231.1 de la Loi. L’intimée a donné au demandeur toute possibilité d’inspecter, de vérifier et d’examiner ses livres, registres et documents et d’inspecter ses biens. L’intimée n’a pas permis les entrevues orales qui avaient été effectuées au cours des années précédentes étant donné le nombre demandé et le fait que l’objet de la vérification était semblable, si ce n’est identique, à un contentieux dont la Cour canadienne de l’impôt était saisie. En l’espèce, le paragraphe 231.1(1) de la Loi n’accorde pas un pouvoir étendu au point de contraindre un nombre indéterminé de personnes à être interrogées.

L’alinéa 231.1(1)d) de la Loi ne donne pas au demandeur un droit illimité de procéder à des entrevues orales avec les employés de l’intimée. Cela aurait pour effet de ne pas tenir compte du passage intercalaire de l’article qui limite expressément une aide pour permettre au demandeur d’« inspecter, vérifier ou examiner » les livres, registres, documents et biens de l’intimée. Pour éviter la redondance, il fallait attribuer un sens et une fonction aux mots « à ces fins » au-delà de ce qui est exprimé dans le reste de la disposition. Ces fins sont l’inspection, la vérification ou l’examen des livres, registres, documents ou biens. Le législateur ne peut avoir voulu ne pas limiter la façon dont le demandeur interroge les employés d’une société. L’interprétation du demandeur imposait une forme beaucoup plus élargie d’interrogatoire préalable que celui permis devant la Cour canadienne de l’impôt sans aucune des garanties procédurales. Le demandeur est arrivé à une réponse différente de celle de l’intimée en ce qui concerne les prix de transferts et c’était le rôle de la Cour canadienne de l’impôt de décider qui avait raison.

L’ordonnance que le demandeur souhaitait obtenir ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Le contentieux connexe dont la Cour canadienne de l’impôt a été saisie réglerait probablement la plupart des questions qui constitueraient le fondement des entrevues demandées. Le temps et le coût nécessaires pour permettre au demandeur d’interroger plus de 25 employés de l’intimée dispersés aux quatre coins du monde n’étaient pas proportionnels aux renseignements demandés puisque la Cour canadienne de l’impôt établirait les questions qui étaient visées par les entrevues demandées.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 231.1, 231.2(1), 231.7.

Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, art. 92 à 100, 93(2), 95, 96, 100.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, tarif B, colonne IV.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Tower c. M.R.N., 2003 CAF 307, [2004] 1 R.C.F. 183; BP Canada Energy Company c. Canada (Revenu national), 2017 CAF 61, [2017] 4 R.C.F. 355.

DÉCISIONS CITÉES :

Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627; eBay Canada Limited c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 141; AGT Ltd. c. Canada (Procureur général), [1996] 3 C.F. 505 (1re inst.); Western Minerals Ltd. v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 592, (1962), 34 D.L.R. (2d) 163; Grunwald c. Canada, 2005 CAF 421; Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715.

DEMANDE SOMMAIRE pour obtenir une ordonnance exécutoire en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu demandant à la Cour d’ordonner à environ 25 employés de l’intimée et à sa filiale à cent pour cent d’être disponibles pour une entrevue portant sur les années d’imposition 2010, 2011 et 2012 de l’intimée. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Margaret McCabe et Anne Jinnouchi pour le demandeur.

Al Meghji et Peter Macdonald pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l, Ottawa, pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

La juge McVeigh :

I.          Introduction

[1]        La Cour est saisie d’une demande sommaire du ministre du Revenu national (le ministre) pour obtenir une ordonnance exécutoire en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (LIR). Au sujet de la vérification concernant des paiements de transfert, le ministre demande à notre Cour d’ordonner à environ 25 employés de Cameco Corporation et à sa filiale à cent pour cent (Cameco) d’être disponibles pour une entrevue portant sur les années d’imposition 2010, 2011 et 2012 de Cameco. Il a été confirmé à la Cour que Cameco avait donné suite à toutes les demandes de vérification liée aux années pertinentes, mais qu’elle a refusé la demande d’entrevue orale. Cameco a accepté de répondre aux questions écrites du ministre, mais non de participer à des entrevues orales.

[2]        La demande comportait une requête pour obtenir une ordonnance de production des notes d’entrevue, qui a été réglée par les parties avant la présente audience, elle ne sera donc pas abordée dans les présents motifs.

[3]        Je rejette la présente demande, pour les motifs qui suivent.

II.          Faits

[4]        Cameco est l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde, et son siège social se trouve à Saskatoon, en Saskatchewan. Cameco a plusieurs filiales à cent pour cent indirectes qui se trouvent à l’étranger. Le 22 mai 2013, le 11 juillet 2013 et le 30 mai 2014, dans le cadre d’une vérification, le ministre a demandé des entrevues en personne avec les employés de Cameco au sujet de leurs années d’imposition 2010, 2011 et 2012 (les années pertinentes). Dans des réponses en date du 4 juillet 2013, du 8 août 2013 et du 13 juin 2014, Cameco a refusé les demandes du ministre.

[5]        L’un des objectifs énoncés des vérifications du ministre portait sur la question de savoir si Cameco avait respecté ses obligations prévues à la LIR. Plus précisément, le ministre se préoccupait du fait que Cameco peut ne pas avoir respecté les règles relatives au prix de transfert pour les organisations avec lien de dépendance. Des vérifications ont lieu chaque année au sujet des mêmes questions et probablement des mêmes contrats.

[6]        Le déposant de l’Agence du revenu du Canada (ARC) a décrit les prix de transfert comme des prix auxquels les produits, les services ou les biens sont échangés au-delà des frontières internationales entre des parties liées. Les prix de transfert adoptés par un groupe ou des parties liées sont importants puisqu’ils peuvent avoir un effet direct sur les profits déclarés par chacune des parties dans leur pays respectif. Selon le principe de pleine concurrence, aux fins de l’impôt, les modalités convenues par des parties liées dans le cadre de leurs relations commerciales ou financières (transactions contrôlées) doivent être les mêmes que celles qu’elles auraient conclues si elles n’avaient pas entre elles un lien de dépendance (transactions non contrôlées).

[7]        Un examen des prix de transfert effectué par le ministre porte sur la question de savoir si les prix ou les mesures de rentabilité réellement obtenue par les parties sont comparables aux prix ou aux mesures de rentabilité obtenus par des parties non-liées par le cadre de transactions semblables.

[8]        Une analyse fonctionnelle nécessite un examen approfondi des renseignements qui sont énumérés dans le mémoire des faits et du droit du demandeur au paragraphe 12. L’analyse fonctionnelle est utilisée afin de comprendre le groupe de sociétés, de vérifier les renseignements, d’établir qui devrait être la partie vérifiée et de savoir comment elle devrait être qualifiée et enfin d’aider à chercher des transactions comparables.

[9]        En mars 2001, KPMG a préparé un rapport sur les prix de transfert pour l’année d’imposition 1999 de Cameco. Cameco l’a invoqué à l’occasion de la production de ses déclarations de revenus 1999 à 2005. Dans le cadre de la vérification des années d’imposition 2003 et précédentes de Cameco, le ministre a interrogé, sur consentement, les principaux employés de Cameco en 2006, en 2007 et en 2008. Les renseignements obtenus de ces entrevues orales font partie de l’analyse économique et fonctionnelle de Cameco réalisée par le ministre et ils ont mené à l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2003 de Cameco.

[10]      Cameco a engagé KPMG pour préparer un rapport sur les prix de transfert en mars 2001 et elle l’a invoqué pour ses années d’imposition 1999 à 2001. Un rapport sur les prix de transfert a été fourni au ministre le 7 juillet 2001, et Cameco l’a invoqué pour ses années d’imposition 2006 et 2007. KPMG a également préparé des rapports sur les prix de transfert et des analyses fonctionnelles pour les années d’imposition 2008 et 2009 de Cameco, tout comme ceux qui ont porté sur les années d’imposition 2010, 2011 et 2012.

[11]      Le ministre a demandé à réaliser des entrevues orales auprès des employés de Cameco afin de vérifier des renseignements figurant dans les rapports de KPMG sur les prix de transfert de 2008 et 2009. Cameco a refusé cette demande, en indiquant qu’elle porterait sur des questions qui font actuellement l’objet d’un contentieux ou qui le feront au sujet de ses années d’imposition 2003 à 2007 et que le fait de consentir aux entrevues lui portera préjudice.

[12]      Par nécessité, l’ARC s’en est remis aux entrevues qui avaient porté sur les cotisations de 2003 pour établir les nouvelles cotisations relativement aux années d’imposition 2006, 2007, 2008 et 2009.

[13]      Dans une lettre du 22 mai 2013, l’ARC a demandé des entrevues auprès des personnes ou des titulaires des postes suivants :

[traduction]

Cameco Corporation

Personnes ou titulaires de poste qui ont été interrogés au cours du dernier cycle de vérification :

Président-directeur général – Gerry Grandey (à la retraite depuis)

Premier vice-président et directeur financier – Kim Goheen (à la retraite depuis)

Premier vice-président, Commercialisation et développement des entreprises – George Assie (à la retraite depuis?)

Directeur, Planification et l’administration des marchés – David Doerksen

Gestionnaire, Administration des marchés – Loretta McGowan

Gestionnaire, Commerce, Transport et approvisionnement de carburant – Doug Zabotney (ne travaille plus pour la société)

Gestionnaire, Analyse des marchés – Penny Buye

Cameco Corporation – suite

Personnes ou titulaires de poste d’intérêt pour ce cycle :

Premier vice-président et directeur de l’exploitation – Tim Gitzel, qui est actuellement le PDG. Il a été remplacé par Robert Steane.

Directeur, Relations gouvernementales – James Miley

Vice-président, Sécurité, santé, environnement et qualité et Relations réglementaires – Alice Wong

Spécialiste principal, Administration de la commercialisation

Cameco Inc.

Personnes ou titulaires de poste qui ont été interrogés au cours du dernier cycle de vérification :

Premier vice-président, Commercialisation, président CCI – George Assie

Personnes ou titulaires de poste d’intérêt pour ce cycle :

Vice-président, Commercialisation

Gestionnaire, Commercialisation

Directeur, Administration de la commercialisation

Cameco Europe Ltd.

Personnes ou titulaires de poste qui ont été interrogés au cours du dernier cycle de vérification :

Président – Gerhard Glattes

Personnes ou titulaires de poste d’intérêt pour ce cycle :

Toutes les personnes relevant de Cameco Europe Ltd.

[14]   Le 30 mai 2014, l’ARC a demandé des entrevues avec les personnes ou titulaires de poste suivants :

[traduction]

Cameco Europe – Suisse (CEL)

Président du conseil d’administration et conseiller principal, Cameco Europe – Gerhard Glattes

Président, Cameco Europe – Markus Bopp

Gestionnaire, Administration, Cameco Europe – Ernst Kempf

Toutes les autres personnes relevant de Cameco Europe

Cameco Inc USA (CCI)

Président, Cameco Inc – James Dobchuk

Cameco Services Inc Barbados (CSI)

Les personnes relevant de Cameco Services Inc (Barbados) (Note 1)

Les personnes qui ont signé le contrat de service du 1er janvier 2001 entre Cameco Europe et Cameco Services Inc (Barbados) (Note 2)

Cameco Corporation – Canada (CCO)

Président

Président-directeur général – Tim Gitzel

Premiers vice-présidents

Premier vice-président des opérations – Robert Steane

Premier vice-président des finances – Grant Isaac

Première vice-présidente des services aux entreprises – Alice Wong

Premier vice-président de la commercialisation, de l’exploration et du développement des entreprises – Kenneth Seitz

Premier vice-président de la gouvernance et de la vérification juridique et interne – Sean Quinn (Note 3)

Vice-présidents

Vice-président, Stratégie commerciale – David Doerksen

Vice-président, Service de la commercialisation – Timothy Gabruch

Vice-présidente, Développement des entreprises – Caroline Gorsalitz

Directeurs

Directrice, Commercialisation et administration – Karen Lloyd

Gestionnaires

Gestionnaire, Inventaire et gestion du transport – Ryan Chute

Gestionnaire, Administration de la commercialisation – Sharon Kuemper

Autres

Stratégie commerciale, Recherche des industries – Penny Buye

Trésorerie, trésorière adjointe – Bev Godson

[…] Les personnes énumérées représentent les titulaires des postes principaux que l’ARC souhaite interroger. Cette liste ne devrait pas être considérée comme étant exhaustive, et l’ARC se réserve le droit de la modifier et d’ajouter ou de supprimer des noms à mesure que le processus d’entrevue progresse. [Non souligné dans l’original.]

[15]      L’ARC a indiqué qu’elle était prête à répondre aux besoins de Cameco et de tenir les entrevues aux bureaux de son choix à Saskatoon, aux États-Unis et en Suisse ou par vidéoconférence.

[16]      Le ministre effectue une vérification de Cameco pour ces années pertinentes selon les mêmes faits que les affaires actuellement en instance devant la Cour canadienne de l’impôt.

III.         Questions

[17]      Le ministre soulève la question suivante :

Cameco devrait-elle être contrainte d’obliger environ 25 employés à assister à des entrevues en ce qui concerne la vérification des années d’imposition 2010, 2011 et 2012?

IV.        Le droit

[18]      L’article 231.1 de la LIR est ainsi rédigé :

Enquêtes    

231.1 (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

b) examiner les biens à porter à l’inventaire d’un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d’une autre personne ou toute matière concernant l’un ou l’autre dont l’examen peut aider la personne autorisée à établir l’exactitude de l’inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

à ces fins, la personne autorisée peut :

c) sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou sont tenus ou devraient l’être des livres ou registres;

d) requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, du bien ou de l’entreprise ainsi que toute autre personne présente sur les lieux de lui fournir toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application et l’exécution de la présente loi et, à cette fin, requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, de l’accompagner sur les lieux.

[…]

Production de documents ou fourniture de renseignements

231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenus ou une déclaration supplémentaire;

b) qu’elle produise des documents.

[…]

Ordonnance

231.7 (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

a) la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

A.        La position du ministre

[19]      Le ministre soutient que la seule interprétation possible de l’article 231.1 de la LIR est qu’il peut tenir des entrevues orales avec des contribuables. La possibilité d’effectuer des entrevues orales est inhérente au pouvoir d’inspection, de vérification ou d’examen du ministre et en fait partie intégrante. Le ministre a fait valoir que le législateur avait implicitement et explicitement conféré le pouvoir de poser des questions aux contribuables dans le cadre d’une vérification.

[20]      Selon le ministre, l’article 231.1 confère d’importants pouvoirs de vérification. Le ministre a déclaré que si les questions écrites ne suffisent pas, on doit alors lui permettre d’obliger des personnes à assister à une rencontre. Tout cela est demandé pour exercer le pouvoir d’inspecter, de vérifier ou d’examiner les documents fournis par les employés compétents de Cameco. Ce n’est pas à la personne qui fait l’objet d’une vérification de dicter la façon dont cette dernière se déroulera.

[21]      Le ministre indique qu’il est de pratique courante tout au long d’une vérification d’inspection de poser des questions orales et de recevoir une réponse; il ne faut donc y voir rien de plus. Il a soutenu qu’il s’ensuit qu’une personne qui fait l’objet d’une vérification doit répondre à toute question appropriée, et cela n’est pas limité aux questions écrites. Selon le ministre, ce qu’il demande n’est pas différent d’une vérification dans le cadre de laquelle un vérificateur prend le téléphone et pose une question à un contribuable et c’est exactement ce qui arrive chaque fois que la plupart des vérificateurs ont des soupçons. Les vérificateurs souhaitent simplement comprendre l’entreprise et le font en posant des questions lorsqu’ils effectuent une vérification générale.

[22]      Si l’on tient compte de la proportionnalité, le ministre fait valoir que la demande visant seuls 25 des nombreux employés de Cameco n’est pas déraisonnable. Le ministre soutient que son offre de répondre aux besoins du personnel de Cameco est raisonnable.

[23]      Invoquant Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, le ministre soutient que l’interprétation de l’article 231.1 doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.

[24]      Le ministre fait remarquer que le régime canadien d’impôt sur le revenu est fondé sur l’autocotisation. Le ministre est alors tenu d’établir une cotisation à l’égard de la déclaration de revenus d’un contribuable et de décider si l’autocotisation du contribuable est précise ou si elle doit être modifiée. Cette modification doit être faite dans une période limitée.

[25]      Le ministre a soutenu que pour qu’il puisse accomplir son obligation prévue par la loi, le législateur lui accorde les vastes pouvoirs prévus au paragraphe 231.1(1) d’inspecter, de vérifier ou d’examiner les renseignements et les documents de contribuable qui fait l’objet d’une vérification. En outre, les contribuables et toute autre personne sur les lieux doivent répondre à toute question appropriée du ministre (R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, aux pages 636 et 648).

[26]      Le ministre a déclaré que l’exercice de ce pouvoir permet de s’assurer que les contribuables paient le montant d’impôt approprié (eBay Canada Limited c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 141, au paragraphe 39; AGT Ltd. c. Canada (Procureur général), [1996] 3 C.F. 505 (1re inst.), au paragraphe 54).

[27]      Le ministre fait valoir que les alinéas 231.1a) et b) de la LIR devraient être interprétés dans le contexte des alinéas c) et d). Dans ce contexte, le ministre ne se limite pas à effectuer une vérification [traduction] « sur place » d’un contribuable, mais il peut décider de la forme, de l’emplacement et de l’ampleur de la vérification (Western Minerals Ltd. v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 592, à la page 597). Les questions durant une vérification ne surviendront pas uniquement sur les lieux d’un contribuable. La capacité du ministre d’exiger des réponses à toute question appropriée en vertu de l’alinéa 231.1(1)d) est appuyée par son pouvoir général de vérification prévu à l’alinéa 231.1(1)a). Selon le ministre, un rétrécissement de ce pouvoir limiterait de façon déraisonnable sa capacité à vérifier, à inspecter ou à examiner les livres, les registres et tout document aux fins de l’application et de l’exécution de la LIR.

[28]      Le ministre cite l’arrêt Tower c. M.R.N., 2003 CAF 307, [2004] 1 R.C.F. 183 (Tower), au paragraphe 20, pour appuyer sa position selon laquelle il peut contraindre un contribuable à répondre à toutes les questions appropriées. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a décidé que le ministre est en droit d’exiger la production de documents et de registres en application de l’alinéa 231.2(1)b) et de poser des questions pour s’informer et connaître les faits en vertu de l’alinéa 231.2(1)a). Comme ces alinéas contiennent un libellé beaucoup plus étroit que celui des alinéas 231.1(1)a) et b), le ministre doit être en mesure de déterminer la forme de sa vérification.

[29]      En outre, d’après le ministre, le fait d’exclure les questions orales entraînerait une interprétation absurde de la LIR. La prétention selon laquelle l’alinéa 231.1(1)a) ne fait qu’accorder au ministre le pouvoir de poser des questions à une contribuable lorsque le vérificateur se rend à son entreprise contreviendrait à la règle qui interdit l’absurdité (Grunwald c. Canada, 2005 CAF 421, au paragraphe 18).

[30]      Le ministre fait valoir que dans le cadre d’entrevues précédentes, les personnes interrogées n’ont pas obtenu les questions au préalable. Il n’est donc pas disposé à fournir des questions par écrit et à obtenir les réponses par écrit puisque cela est moins efficace.

B.        Position de Cameco

[31]      Cameco, lorsqu’elle a refusé d’accorder des entrevues, même si elle a souscrit aux paragraphes 41, 42, 44, 45, 46, 54 et 56 du mémoire des faits et du droit du ministre et reconnu que ses pouvoirs sont en général vastes, n’est pas d’accord pour dire que les pouvoirs sont illimités.

[32]      Selon Cameco, l’interprétation par le ministre du paragraphe 231.1(1) de la LIR n’est pas conforme au contexte de la disposition en ce qui concerne les dispositions relatives à l’autocotisation, à l’opposition et à l’appel et elle contrevient au principe d’interprétation législative.

[33]      Selon les observations de Cameco, la demande n’est pas proportionnelle, elle est vague, exagérée et elle nuit aux autres questions dont est actuellement saisie la Cour canadienne de l’impôt.

V.        Discussion

[34]      Bien que je souscrive à l’interprétation générale de la loi présentée par le ministre, lorsqu’elle est appliquée aux faits uniques dont je suis saisie, ces arguments ne sont pas recevables. Je suis d’accord avec Cameco pour dire que les pouvoirs de vérification du ministre sont vastes, mais non illimités.

[35]      Je reconnais que les tribunaux ont conclu que la capacité du ministre d’exiger « tout renseignement » n’est pas limitée aux documents actuels du contribuable (LIR, paragraphe 231.2(1)). Le libellé de cette disposition peut plutôt exiger que le contribuable réponde à un questionnaire (Tower). Par conséquent, l’interprétation par Cameco du paragraphe 231.1(1) ne limite pas les renseignements à la disposition du ministre.

[36]      L’arrêt Tower concernait la vérification de deux Canadiens non résidents. Le ministre a envoyé deux « demandes de production de renseignements » (les demandes de production) en vertu du paragraphe 231.2(1) de la LIR qui exigeaient que les experts-comptables des contribuables fournissent des réponses écrites aux questions et produisent des documents. Le contribuable a demandé le contrôle judiciaire de la validité des demandes de production. La Cour d’appel fédérale, aux paragraphes 19 et 20, a affirmé que le paragraphe 231.2(1) permettait au ministre d’exiger la production de documents et de registres et d’obtenir les éléments d’information des experts-comptables.

[37]      Comme c’était le cas dans l’arrêt Tower, alors que l’expert-comptable était tenu de répondre à des questions écrites, en l’espèce, Cameco a accepté d’y répondre. Toutefois, contrairement à l’arrêt Tower, alors que les demandes de production visaient uniquement une entité, le cabinet d’experts-comptables et en particulier un expert-comptable de la succursale de Calgary et un autre de la succursale de Kelowna, en l’espèce la demande dont je suis saisie vise 25 personnes qui doivent être disponibles pour des entrevues orales. En outre, une demande de production en vertu du paragraphe 231.2(1) de la LIR n’a pas été envoyée à Cameco.

[38]      À mon avis, les questions écrites fourniraient au ministre les renseignements demandés et seraient conformes à la conclusion formulée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tower.

[39]      Une ordonnance exécutoire (paragraphe 231.7(1)) ne peut être délivrée que si le ministre prouve que Cameco ne s’est pas conformé à l’article 231.1 de la LIR. Cameco a donné au ministre toute possibilité d’inspecter, de vérifier et d’examiner ses livres, registres et documents et d’inspecter ses biens. Le ministre a confirmé que Cameco avait donné cet accès, à l’exception des entrevues orales demandées. Cameco n’a pas permis les entrevues orales qui avaient été effectuées au cours des années précédentes étant donné le nombre demandé et le fait que l’objet de la vérification est semblable, si ce n’est identique, à un contentieux dont la Cour canadienne de l’impôt a été saisie.

[40]      Le juge en chef Noël, s’exprimant pour la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt BP Canada Energy Company c. Canada (Revenu national), 2017 CAF 61, [2017] 4 R.C.F. 355 (BP), a reconnu que le ministre ne s’était pas vu conférer des pouvoirs de vérification illimités. La question dans l’arrêt BP visait une demande du ministre pour la production de documents de travail sur l’impôt couru (DTIC). Le juge en chef Noël a conclu au paragraphe 80 que lorsque le paragraphe 231.1(1) de la LIR est interprété, il ne permet pas la communication sans restriction puisque « le législateur entendait manifestement que les vastes pouvoirs [que la disposition] confère soient exercés avec retenue lorsqu’il s’agit de DTIC ». Il a continué en expliquant que le contexte du paragraphe 231.1(1) est « [l]a notion d’auto-cotisation, qui est à la base du système mis en place pour assurer le respect de la Loi […]. Ce système est fondé sur le principe de l’auto-cotisation, car la personne qui génère le revenu est la mieux placée pour consigner, calculer et déclarer les sommes assujetties à l’impôt conformément à la Loi ». Toutefois, il a ensuite conclu que cette auto-cotisation « n’exige pas du contribuable qu’il assujettisse à l’impôt des sommes qu’il estime non imposables » (BP, aux paragraphes 81 et 82). Selon lui, dans la tenue de vérification, le ministre a droit à « toute l’aide raisonnable » pour lui permettre de procéder à la vérification (Loi, alinéa 231.1(1)d)), il ne peut contraindre les contribuables à révéler leurs « points faibles » (BP, au paragraphe 82). Dans le contexte des obligations imposées aux sociétés cotées en bourse par la législation provinciale en matière de valeurs mobilières « [l]e législateur ne peut avoir eu l’intention [...] de conférer au ministre un pouvoir si étendu qu’il compromettrait le respect de ces obligations» (BP, au paragraphe 86). Le juge en chef Noël a conclu que le ministre ne peut recourir au paragraphe « 231.1(1) pour obtenir un accès général et illimité aux parties des DPDF de BP Canada qui énoncent les positions fiscales incertaines de cette dernière » (BP, au paragraphe 99).

[41]      Je reconnais la différence entre l’accès à des DTIC et un droit d’interroger un grand nombre d’employés. Toutefois, le ministre invoque en l’espèce une vaste interprétation d’un outil déjà puissant semblable à celui suggéré dans l’arrêt BP. Le juge en chef Noël n’a pas conclu dans l’arrêt BP que l’article était étendu au point de contraindre le contribuable à démontrer ses « points faibles » lorsqu’il faisait l’objet d’une vérification. En l’espèce, je conclus que le paragraphe 231.1(1) de la LIR n’accorde pas un pouvoir étendu au point de contraindre un nombre indéterminé de personnes à être interrogées.

[42]      À mon avis, l’alinéa 231.1(1)d) de la LIR ne donne pas au ministre un droit illimité de procéder à des entrevues orales avec les employés de Cameco. Cela aurait pour effet de ne pas tenir compte du passage intercalaire de l’article qui limite expressément une aide pour permettre au ministre d’« inspecter, vérifier ou examiner » les livres, registres, documents et biens de Cameco. Pour éviter la redondance, la Cour doit attribuer un sens et une fonction aux mots « à ces fins » au-delà de ce qui est exprimé dans le reste de la disposition. Ces fins sont l’inspection, la vérification ou l’examen des livres, registres, documents ou biens. L’argument du ministre selon lequel les mots « inspecter, vérifier ou examiner » de l’alinéa 231.1(1)a) comprennent nécessairement le pouvoir de poser des questions à un contribuable rendrait l’alinéa 231.1(1)d) redondant. Si le ministre avait raison, il ne serait pas nécessaire d’avoir une disposition comme l’alinéa 231.1(1)d). La présomption d’absence de tautologie milite contre cette interprétation (Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715, aux paragraphes 45 et 46).

[43]      Le législateur ne peut avoir voulu ne pas limiter la façon dont le ministre interroge les employés d’une société. Les faits uniques et contraignants de l’espèce comprennent : a) la même question (prix de transfert) s’étendant sur de nombreuses années; b) Cameco se présentant en cour avec une attitude irréprochable puisqu’elle a respecté toutes les demandes, y compris un certain nombre d’entrevues orales au cours des années précédentes; c) le nombre d’entrevues proposées et le compromis que Cameco a présenté; d) le fait que la Cour canadienne de l’impôt entend en ce moment une affaire de prix de transfert d’autres années (qui sera examinée ci-dessous).

[44]      L’interprétation du ministre impose une forme beaucoup plus élargie d’interrogatoire préalable que celui permis devant la Cour canadienne de l’impôt sans aucune des garanties procédurales. Le ministre est arrivé à une réponse différente de celle de Cameco en ce qui concerne les prix de transferts et c’est le rôle de la Cour canadienne de l’impôt de décider qui a raison.

[45]      Lorsque les premières vérifications ont été effectuées, Cameco a accepté que ses employés soient interrogés oralement par un fonctionnaire de l’ARC. Ces entrevues n’ont pas été enregistrées, et les avocats de Cameco pouvaient y assister. Les employés de l’ARC et ceux de Cameco ont pris des notes. Lorsque les questions pour ces années ont été présentées à la Cour canadienne de l’impôt et que des avis de demande d’admission ont été signifiés, il s’est avéré que les deux parties avaient des souvenirs très différents de ce qui avait été dit pendant les entrevues orales.

[46]      Les avocates du ministre ont indiqué qu’elles étaient disposées à avoir un sténographe judiciaire présent ou à officialiser les entrevues d’une façon qui conviendrait à Cameco pour que le même problème que celui visant les années d’imposition dont est actuellement saisie la Cour canadienne de l’impôt ne se reproduise pas.

[47]      Si j’ordonne que les entrevues se déroulent en présence d’un sténographe judiciaire et d’un avocat et que l’équité procédurale soit respectée, je reproduirai alors ce qui arrive dans le cadre d’un interrogatoire préalable pendant une instance devant la Cour canadienne de l’impôt. Toutefois, plutôt que de permettre à Cameco de choisir ses propres dirigeants qui participeront à l’interrogatoire, si j’accordais la demande, je permettrais au ministre de choisir 25 employés ou plus pour parler au nom de Cameco. Je ne peux le faire puisque je passerais outre aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt et que je pourrais porter atteinte aux instances dont est actuellement saisie la Cour canadienne de l’impôt, les années d’imposition subséquentes étant sur le point d’être entendues, en permettant au ministre de renforcer sa preuve (au besoin) pour les procès à venir qui porteront sur les autres années faisant l’objet d’une vérification.

[48]      La Cour canadienne de l’impôt a des règles de procédure qui portent sur l’interrogatoire préalable (par exemple, les articles 92 à 100 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les Règles)). Certaines des garanties prévues par les Règles comprennent le fait que le contribuable peut choisir le représentant qui sera interrogé (paragraphe 93(2)), les règles sur la portée de l’interrogatoire (article 95), les conséquences du refus de répondre à une question (article 96) et l’utilisation précise qui peut être faite de l’interrogatoire (article 100).

[49]      Si la position du ministre est acceptée, l’ARC peut contraindre autant de personnes qu’elle le souhaite à assister à des entrevues orales sans aucune limite procédurale. Les entrevues orales demandées sur ces faits à l’étape de la vérification mineraient les garanties procédurales offertes à l’étape de l’appel. En outre, le ministre pourrait utiliser la déclaration isolée d’un employé que le contribuable serait forcé de réfuter au procès.

[50]      L’ordonnance que le ministre souhaite obtenir ne respecte pas le principe de la proportionnalité. Le contentieux connexe dont la Cour canadienne de l’impôt a été saisie réglera probablement la plupart des questions qui constitueront le fondement des entrevues demandées. Le temps et le coût nécessaires pour permettre au ministre d’interroger plus de 25 employés de Cameco dispersés aux quatre coins du monde ne sont pas proportionnels aux renseignements demandés puisque la Cour canadienne de l’impôt établira les questions qui sont visées par les entrevues demandées.

[51]      Cameco a fait valoir que l’ordonnance demandée par le ministre est exagérée et vague, qu’il s’agit d’une façon de contourner les dispositions de la LIR portant sur les renseignements étrangers et enfin que la demande est partiellement théorique. Comme j’ai déjà conclu que la demande ne sera pas accordée, je ne me prononcerai pas sur ces arguments.

VI.        Dépens

[52]      Le demandeur demande des dépens sous forme d’un montant forfaitaire de 9 000 $, qui comprennent les honoraires des avocats de 7 000 $ et des débours de 2 000 $ (Tarif B, colonne IV [Règles des Cours fédérales, DORS/98-106]). La défenderesse demande un montant forfaitaire de 20 000 $ (TVH incluse), plus des débours raisonnables à convenir par les parties.

[53]      Des dépens seront adjugés à la défenderesse sous forme de montant forfaitaire de 10 000 $, ainsi que des débours d’au plus 5 000 $. Les débours peuvent être établis par les parties, mais ils ne peuvent dépasser 5 000 $ et ils sont payables immédiatement.

JUGEMENT dans T-856-15

LA COUR STATUE que :

1.    La demande est rejetée;

2.    Des dépens sont adjugés à la défenderesse, payables sans délai par le demandeur, au montant de 10 000 $, ainsi que des débours d’au plus 5 000 $.

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