Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

IMM-9071-04

2004 CF 1649

Vivekananthan Nalliah (demandeur)

c.

Le solliciteur général du Canada et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeurs)

Répertorié: Nalliah c. Canada (Solliciteur général) (C.F.)

Cour fédérale, juge Snider--Toronto, 16 novembre, Ottawa, 24 novembre 2004.

Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Renvoi de réfugiés -- Revendication du statut de réfugié rejetée pour le motif que le demandeur était membre d'un groupe terroriste présumé -- Autorisation d'interjeter appel refusée -- L'examen des risques avant renvoi (ERAR) était défavorable -- Contrôle judiciaire visant à interdire le renvoi -- La validité des ERAR était contestée à cause de la situation des agents chargés des ERAR dans la structure ministérielle -- Il s'agissait de savoir si les agents étaient indépendants et impartiaux -- Examen de décisions dans lesquelles des arguments similaires avaient été rejetés -- Problèmes posés par les arguments du demandeur -- La Cour a conclu à l'existence d'une question sérieuse à trancher, mais le préjudice irréparable n'a pas été démontré -- L'octroi d'une injonction aurait un effet défavorable sérieux sur les ministres car la reprise des 3 700 ERAR, comprometterait gravement le système des renvois -- L'évaluation comparative des inconvénients militait en faveur de l'intérêt public -- La Cour a demandé aux avocats d'élaborer un protocole en vue d'aviser les membres de la catégorie présumée.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Injonctions -- Demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de l'examen des risques avant renvoi (ERAR) présentée par un demandeur dont la revendication avait été rejetée -- Le demandeur cherchait à faire interdire le renvoi des personnes qui avaient fait l'objet d'ERAR défavorables sur une période donnée -- La validité des ERAR a été contestée en raison tenu du manque perçu d'indépendance des agents, et la situation qui existait dans la structure ministérielle -- Le demandeur espérait que la demande donnerait lieu à l'exercice d'un recours collectif -- Examen de la jurisprudence relative au critère applicable à l'octroi d'une injonction interlocutoire ou d'une suspension -- Examen de l'historique de la structure organisationnelle -- Les décisions portant sur les demandes de suspension ont une valeur restreinte étant donné qu'elles sont fondées sur des observations préparées à la hâte -- Nombreux problèmes posés par les arguments du demandeur -- Il existait une question sérieuse à trancher, mais le demandeur n'a pas satisfait aux deuxième et troisième volets du critère tripartite: le préjudice irréparable et l'évaluation comparative des inconvénients -- L'octroi d'une injonction porterait atteinte à l'objet de la loi, qui vise à protéger les Canadiens et à garantir leur sécurité -- Le système des renvois serait gravement compromis s'il fallait reprendre les 3 700 ERAR.

Il s'agissait d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision défavorable rendue par un agent chargé de l'examen des risques avant renvoi (ERAR). La revendication du statut de réfugié du demandeur avait été rejetée à cause de son appartenance à une présumée organisation terroriste. Sa demande d'autorisation d'appel de la décision rendue par la SSR avait également été rejetée. Le demandeur espérait que l'instance donne lieu à un recours collectif intenté par toutes les personnes qui avaient fait l'objet de pareilles décisions entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004. Le demandeur a demandé à la Cour d'interdire le renvoi de toutes les personnes se trouvant dans la même situation que lui qui n'avaient pas encore été renvoyées en attendant une décision judiciaire au sujet de la validité des ERAR ou tant que de nouvelles décisions ne seraient pas rendues par un tribunal indépendant à l'aide de renseignements à jour. Il y avait apparemment environ 3 700 personnes qui étaient touchées par cette requête.

Le critère à appliquer pour décider s'il convient d'accorder une injonction interlocutoire ou une suspension a été énoncé dans l'arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd. Dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), la Cour d'appel fédérale a statué que ce critère conjonctif en trois étapes s'appliquait aux sursis à l'exécution d'une mesure d'expulsion. Selon ce critère, le demandeur doit établir 1) une question sérieuse à trancher; 2) un préjudice irréparable; et 3) que l'évaluation comparative des inconvénients milite en sa faveur. Il s'agissait également de savoir si la Cour avait compétence pour appliquer la réparation aux membres de la catégorie proposée et, dans l'affirmative, s'il fallait étendre la portée de la réparation à la catégorie présumée. Il s'agissait enfin de savoir si un avis devait être envoyé aux membres de la catégorie présumée.

Jugement: la demande doit être rejetée.

En ce qui concerne la question sérieuse à trancher, le demandeur a affirmé que pendant la période où ils avaient travaillé au sein de l'ASFC, les agents d'ERAR n'étaient pas indépendants et impartiaux. L'exigence préliminaire à laquelle il faut satisfaire en ce qui concerne le volet «question sérieuse» du critère n'est pas rigoureuse; il suffit d'établir que la question n'est pas futile ou vexatoire. Des arguments similaires à ceux avancés en l'espèce ont toujours été rejetés en ce qui concerne la période pendant laquelle le programme relevait du CIC. Dans un cas de ce genre, la juge Dawson, en rejetant une demande de suspension, avait conclu que le bureau responsable de l'ERAR était organisé de façon à protéger l'indépendance du décideur qui procédait à un ERAR. Des arguments similaires portant sur la partialité institutionnelle à un moment où le programme relevait de l'ASFC ont également été rejetés. Il n'y avait qu'une décision où la Cour avait reconnu l'existence d'une question sérieuse. Il n'existait aucune affaire identique, quant aux faits et points litigieux, à celle dont la Cour était ici saisie. Par leur nature même, les demandes de suspension sont habituellement présentées à la dernière minute et sont débattues sur la base d'observations préparées à la hâte, de sorte que les motifs de l'ordonnance n'étaient pas très utiles.

Les arguments du demandeur soulevaient, selon la Cour, de nombreux problèmes. 1) l'ASFC n'est pas uniquement un organisme d'exécution; elle a également des fonctions administratives; 2) depuis le 28 juin 2002, les agents d'ERAR formaient un groupe distinct n'ayant pas de contact avec les agents chargés du renvoi. Le coordinateur de l'unité de l'ERAR acheminait le travail, mais il ne dictait pas le résultat des décisions; 3) le législateur fédéral a inclus dans la loi les fonctions d'exécution et de protection, le ministre responsable étant désigné par le gouverneur en conseil; 4) le législateur fédéral a décidé de ne pas assigner la fonction d'ERAR à un tribunal indépendant; 5) la preuve tendait à démontrer que la structure élaborée respectait les exigences relatives à l'équité procédurale établies dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration); 6) dans l'affaire Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), la Cour suprême a statué que la Cour devait hésiter à intervenir dans la structure des fonctions décisionnelles établies par l'organe exécutif du gouvernement; et 7) on pouvait soutenir qu'en ne soulevant la question que dix mois après que les changements eurent été effectués au sein de l'ASFC, les membres de la catégorie présumée avaient renoncé au droit d'aborder cette question. D'autre part, on pourrait se demander si l'arrêt Ocean Port s'applique dans le contexte de la Charte. Compte tenu de l'exigence préliminaire peu rigoureuse, la Cour était prête à conclure à l'existence d'une question sérieuse à trancher.

En ce qui concerne le préjudice irréparable, le demandeur a soutenu que si l'injonction n'était pas accordée et s'il était conclu à l'instruction qu'il y avait eu déni de justice naturelle, les membres de la catégorie présumée auront perdu leur droit à la seule procédure destinée à assurer en temps opportun qu'ils ne sont pas renvoyés pour être exposés au risque de persécution ou de torture, et ce, parce qu'ils auront subi le préjudice qu'ils craignent ou qu'ils auront perdu contact avec le gouvernement. Cependant, le préjudice irréparable est un critère strict exigeant des éléments de preuve clairs et convaincants. Le fait d'alléguer simplement que les personnes en cause subiront le préjudice allégué dans leur demande d'ERAR ne suffit pas. La grande majorité des personnes touchées ont bénéficié d'un examen des risques. Le demandeur a bénéficié d'un examen de la part de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans une procédure non contestée, les décideurs ont conclu que la plupart des personnes en cause n'étaient pas en danger et il n'y avait aucun élément de preuve tendant à montrer que les risques avaient augmenté, au point où la vie des personnes en cause était maintenant en danger. Il était important de noter que l'ERAR est favorable dans seulement 3 p. 100 des cas.

La prétention du demandeur selon laquelle, si l'injonction est refusée, le droit à un recours efficace deviendrait illusoire, est erronée. Le demandeur d'un ERAR qui a été renvoyé du Canada, et dont la demande de contrôle judiciaire a été accueillie, a le droit d'obtenir un nouvel examen de sa demande. Une distinction a été faite d'avec les décisions invoquées par le demandeur, dans lesquelles bon nombre d'éléments de preuve étayaient l'existence d'un risque personnel. La jurisprudence établit que le préjudice irréparable ne peut pas uniquement être fondé sur le fait qu'il est difficile pour l'intéressé qui a été renvoyé du Canada de faire valoir ses droits.

La conclusion relative à l'absence de préjudice irréparable était suffisante pour régler l'affaire, mais la question de l'évaluation comparative des inconvénients a également été examinée. Toute décision de renvoyer le demandeur fondée sur un ERAR contestable peut avoir un effet défavorable sur les engagements pris par le Canada et sur sa réputation à l'échelle internationale, mais si les défendeurs n'ont pas gain de cause dans la présente requête, les conséquences, en ce qui concerne la capacité de renvoyer des personnes dont le statut n'est pas reconnu au Canada, seraient énormes. Certains membres de la catégorie présumée sont interdits de territoire pour des raisons de criminalité. Les personnes qui ont déjà demandé une autorisation et qui se sont vu opposer un refus, et les personnes qui ont demandé sans succès un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont elles faisaient l'objet pourraient faire reporter leur renvoi pendant une période indéterminée. L'octroi d'une injonction aurait un effet défavorable sérieux sur l'objectif visé par la Loi, à savoir protéger les Canadiens et garantir leur sécurité. S'il fallait reprendre les ERAR de quelque 3 700 personnes, le système des renvois serait gravement compromis. Ce résultat inévitable serait contraire à l'intérêt public et dépasserait de beaucoup les conséquences défavorables possibles pour la catégorie proposée en cas de refus d'accorder une injonction. Le demandeur avait donc omis de satisfaire à deux volets du critère tripartite et la Cour n'avait pas à aborder la question de savoir si elle avait compétence pour accorder le redressement demandé.

L'injonction a été refusée, mais la Cour a reconnu le bien-fondé de l'argument du demandeur pour ce qui est de l'impossibilité de trouver les membres de la catégorie présumée une fois qu'ils auront été renvoyés. L'intégrité de la catégorie présumée pourrait être gravement compromise s'il n'existait aucune façon de renseigner les personnes renvoyées. Il est déraisonnable de s'attendre à ce que ces personnes soient au courant de l'exercice d'un recours collectif. On a donc demandé aux avocats de collaborer en vue d'élaborer un protocole sous la forme d'un simple avis aux personnes qui sont renvoyées et de la fourniture de renseignements dans le site web de l'ASFC.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C., (1985), appendice II, no 44].

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, art. 1Fa).

Décret C.P. 2003-2063.

Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, L.R.C. (1985), ch. P-34.

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(1)h), 48(2), 97, 112(1).

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 165.

jurisprudence citée

décisions appliquées:

Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; (1987), 38 D.L.R. (4th) 321; [1987] 3 W.W.R. 1; 46 Man. R. (2d) 241; 25 Admin. L.R. 20; 87 CLLC 14,015; 18 C.P.C. (2d) 273; 73 N.R. 341; RJR-- MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; (1994), 111 D.L.R. (4th) 385; 54 C.P.R. (3d) 114; 164 N.R. 1; 60 Q.A.C. 241; Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123; 86 N.R. 302 (C.A.F.); Hamade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-7864-04, décision en date du 29-9-04 (sans motifs); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 14 Admin. L.R. (3d) 173; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22; Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie- Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781; (2001), 204 D.L.R. (4th) 33; [2001] 10 W.W.R. 1; 93 B.C.L.R. (3d) 1; 34 Admin. L.R. (3d) 1; 274 N.R. 116; 2001 CSC 52; Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 33 Imm. L.R. (3d) 95; 2003 CFPI 32; Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 261; [2004] A.C.F. no 1200 (QL).

décisions distinctes:

Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 206; (1999), 176 D.L.R. (4th) 296; 249 N.R. 28 (C.A.); Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1168; [2003] A.C.F. no 1474 (QL); Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 250 F.T.R. 285; 35 Imm. L.R. (3d) 122; 2004 CF 464.

décision examinée:

Puvanenthiram c. Canada (Solliciteur général), IMM-748-04, décision en date du 19-9-04 (sans motifs).

décisions citées:

Borisova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 4 C.F. 408; (2003), 237 F.T.R. 87; 29 Imm. L.R. (3d) 163; 2003 CF 859; North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) (1997), 47 Admin. L.R. (2d) 24; 74 C.P.R. (3d) 156; 214 N.R. 146 (C.A.F.); Ariri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-871-03, décision en date du 12-2-03 (sans motifs); Awolor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-870-03, décision en date du 12-2-03 (sans motifs); Genoves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-4985-02 (sans motifs); Gulzar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-7985-03 (sans motifs); Kasmi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-8942-03 (sans motifs); Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-7652-03 (sans motifs); Rajalingam c. Canada (Solliciteur général), IMM-6957-04, en date du 10-8-04 (sans motifs); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-724-04 (sans motifs); Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 141; [2002] A.C.F. no 191 (QL); Duve c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 387 (1re inst.) (QL); Mikhailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 191 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.); Frankowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 935 (1re inst.) (QL); Csanyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 758 (1re inst.) (QL); Atakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 68 F.T.R. 122 (C.F. 1re inst.); Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 3 C.F. 306; (1992), 93 D.L.R. (4th) 620; 7 Admin. L.R. (2d) 38; 55 F.T.R. 104; 17 Imm. L.R. (2d) 291 (1re inst.); Smith c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 58 F.T.R. 292; 18 Imm. L.R. (2d) 71 (C.F. 1re inst.).

DEMANDE visant à obtenir une ordonnance suspendant l'effet de toutes les décisions défavorables rendues en matière d'ERAR, entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004, une injonction interdisant les renvois et des directives au sujet de la façon de communiquer avec les membres d'une catégorie présumée. Requête rejetée, sauf pour la dernière réparation demandée.

ont comparu:

Lorne Waldman, Krassina Kostadinov et D. Clifford Luyt pour le demandeur.

Marie-Louise Wcislo, Rhonda M. Marquis, Angela Marinos et Anshumala Juyal pour les défendeurs.

avocats inscrits au dossier:

Waldman & Associates, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]La juge Snider: La partie requérante en l'espèce, M. Vivekananthan Nalliah, a présenté une demande à la Cour en vue d'obtenir une autorisation et le contrôle judiciaire d'une décision défavorable rendue le 9 septembre 2004 (et remise à M. Nalliah le 15 octobre 2004) par un agent chargé de l'examen des risques avant renvoi (ERAR). M. Nalliah espère que ce contrôle judiciaire donnera lieu à un recours collectif comprenant, à titre de demanderesses, toutes les personnes qui ont fait l'objet de décisions défavorables relativement à l'ERAR entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004. Dans la présente requête, M. Nalliah demande à la Cour de rendre une ordonnance:

a) suspendant l'effet de toutes les décisions défavorables qui ont été rendues en matière d'ERAR entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004 tant que la Cour n'aura pas statué d'une façon définitive sur la validité des ERAR ou tant que de nouvelles décisions relatives à l'ERAR n'auront pas été rendues par un tribunal indépendant compte tenu de renseignements à jour, selon l'événement qui se produira en premier lieu;

b) interdisant aux défendeurs de renvoyer du Canada les personnes qui ont fait l'objet, relativement à l'ERAR, de décisions défavorables rendues entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004 et qui sont encore au Canada, tant que la Cour n'aura pas statué d'une façon définitive sur la validité des ERAR ou tant que de nouvelles décisions relatives à l'ERAR n'auront pas été rendues par un tribunal indépendant compte tenu de renseignements à jour, selon l'événement qui se produira en premier lieu;

c) donnant à toutes les parties à l'instance des directives au sujet de la façon dont elles devraient communiquer avec les membres de la catégorie présumée.

[2]J'ai également été saisie, pour les besoins de la requête, de cinq autres requêtes à ce sujet. Sur consentement des avocats, le dossier de la requête de M. Nalliah a été utilisé pendant toute la durée des plaidoiries, le résultat de la présente requête devant s'appliquer aux six requêtes.

[3]L'historique des relations que M. Nalliah a eues avec le système d'immigration du Canada est donné sous une forme sommaire à l'appendice A des présents motifs. L'appendice A fait état de circonstances similaires pour chacune des cinq autres parties requérantes. Les défendeurs font savoir qu'il y a environ 3 700 personnes dont les demandes d'ERAR ont fait l'objet d'une décision pendant la période allant du 12 décembre 2003 au 8 octobre 2004 et qui sont donc touchées par la présente requête.

LES POINTS LITIGIEUX

[4]Le critère à appliquer pour décider s'il convient d'accorder une injonction interlocutoire ou une suspension est le critère conjonctif tripartite énoncé dans les arrêts Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR--MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

[5]Dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123, à la page 128, la Cour d'appel fédérale a statué que ce critère en trois étapes s'appliquait aux sursis à l'exécution d'une mesure d'expulsion. S'il est reconnu que ce critère s'applique à la présente requête, M. Nalliah doit me convaincre de ce qui suit:

1. La demande sous-jacente soulève une question sérieuse à trancher;

2. M. Nalliah et les autres personnes touchées subiront un préjudice irréparable si la réparation n'est pas accordée; et

3. L'évaluation comparative des inconvénients, compte tenu de la situation des deux parties dans son ensemble, milite en faveur de M. Nalliah et des autres personnes touchées.

[6]En l'espèce, certains points litigieux se rapportent au recours collectif envisagé. Il s'agit de savoir si la Cour a compétence à l'égard de chacun des éléments de la réparation sollicitée pour les membres de la catégorie proposée. Si je conclus que la réparation doit être accordée à M. Nalliah, puis-je l'appliquer la réparation à tous les membres de la catégorie proposée?

[7]Si je conclus que la réparation demandée doit être accordée à M. Nalliah et que j'ai compétence pour étendre la portée de la réparation demandée, il s'agit en outre de savoir si cette réparation doit s'appliquer à la catégorie présumée, comme cela a été fait dans la décision Borisova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 4 C.F. 408 (C.F.).

[8]Enfin, indépendamment de la question de savoir si le reste de l'injonction est accordé, il s'agit de savoir si un avis doit être envoyé aux membres de la catégorie présumée.

HISTORIQUE

[9]Cette requête, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente et le recours collectif envisagé résultent tous du placement des agents d'ERAR dans la structure de deux ministères gouvernementaux, à savoir le ministère du Solliciteur général (SGC) et Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Les personnes touchées ont formulé leurs allégations à la suite des événements suivants:

1. Le 28 juin 2002, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) est entrée en vigueur; elle comprenait le paragraphe 112(1), qui prévoit ce qui suit:

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n'est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

Cette disposition est à l'origine des ERAR. La fonction décisionnelle du ministre a été déléguée à des agents individuels chargés de l'ERAR.

2. Pendant une période d'environ 17 mois--du 28 juin 2002 au 12 décembre 2003--les agents d'ERAR faisaient partie de la structure du CIC au sein du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

3. Le 12 décembre 2003, le gouvernement a créé l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le ministre responsable de cette nouvelle agence étant le solliciteur général (décret C.P. 2003-2063, pris conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique [L.R.C. (1985), ch. P-34]). Les membres du personnel de la nouvelle agence ont été mutés depuis l'Agence des douanes et du revenu du Canada, CIC et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. La responsabilité des prises de décisions relatives à l'ERAR, qui relevait de CIC, a été confiée à l'ASFC. La chose n'a nécessité aucun déplacement physique de la part des agents d'ERAR. Quant aux employés de CIC qui ont été mutés, y compris les agents d'ERAR, leurs conditions de travail n'ont pas changé et le Conseil du Trésor a continué à être leur employeur.

4. Une autre restructuration a eu lieu le 8 octobre 2004, lorsque la responsabilité des prises de décisions relatives à l'ERAR a de nouveau été transférée à CIC. Encore une fois, le lieu de travail lui-même des agents n'a pas changé, et leurs conditions de travail et leur employeur étaient encore les mêmes.

ANALYSE DES ÉLÉMENTS DU CRITÈRE TRIPAR-TITE

Question sérieuse à trancher

[10]En ce qui concerne le premier volet du critère visant à permettre de décider si la réparation demandée doit être accordée, il s'agit de savoir si M. Nalliah soulève une question sérieuse à trancher. M. Nalliah affirme que la question sérieuse à trancher résulte du manque d'indépendance et d'impartialité des agents d'ERAR pendant les 10 mois où ils ont travaillé au sein de l'ASFC.

[11]L'exigence préliminaire à laquelle le demandeur doit satisfaire en ce qui concerne le volet «question sérieuse» du critère à appliquer aux fins de l'octroi d'une injonction n'est pas rigoureuse (North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) (1997), 47 Admin. L.R. (2d) 24 (C.A.F.)). Il n'appartient pas à la Cour à ce stade peu avancé de l'instance d'apprécier le bien-fondé de la question, mais il s'agit d'établir, sur examen du dossier et des prétentions des parties, que la question n'est pas futile ou vexatoire.

[12]En décidant si une question satisfait à cette norme peu rigoureuse, je dois me fonder sur un examen des arrêts dans lesquels cette question peut avoir été examinée.

[13]Cette Cour a examiné des arguments similaires visant à contester l'indépendance du programme d'ERAR pendant que ce programme relevait de CIC et a toujours rejeté ces arguments (Ariri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (12 février 2003), IMM-871-03 (C.F. 1re inst.); Awolor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (12 février 2003), IMM-870-03 (C.F. 1re inst.); Genoves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-4985-02 (autorisation refusée); Gulzar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-7985-03 (suspension refusée et autorisation refusée); Kazmi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-8942-03 (autorisation refusée); Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-7652-03 (autorisation refusée)).

[14]En rejetant une demande de suspension dans la décision Hamade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (29 septembre 2004), IMM-7864-04 (C.F. 1re inst.), la juge Dawson, qui parlait d'une décision relative à un ERAR prise par l'ASFC, a dit ce qui suit:

[traduction] Malgré l'exigence préliminaire peu rigoureuse, les demandeurs n'ont pas réussi à établir l'existence d'une question sérieuse. Sur ce point, il a déjà été conclu que l'allégation de partialité systématique [sic] n'était pas une question sérieuse. Voir: Awolor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-870-03 et Ariri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-871-03. Ces décisions ont été rendues avant la restructuration la plus récente de l'Agence des services frontaliers du Canada, mais selon la preuve mise à la disposition de la Cour, «[l]e bureau responsable de l'ERAR est organisé de façon à protéger l'indépendance du décideur qui procède à un ERAR».

[15]M. Nalliah soutient que dans la décision Hamade, la juge Dawson traitait d'une question différente de celle qui nous occupe ou qu'elle n'avait pas à sa disposition un dossier adéquat sur le plan de la preuve. Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il s'agissait d'une question différente; la question dont je suis ici saisie est en substance identique.

[16]M. Nalliah affirme que la Cour a déjà conclu à l'existence d'une «question sérieuse» à deux reprises; il cite à l'appui les décisions Puvanenthiram c. Canada (Solliciteur général) (19 septembre 2004), IMM-7148-04, et Rajalingam c. Canada (Solliciteur général) (10 août 2004), IMM-6957-04. Cette affirma-tion est inexacte pour ce qui est de l'une des ces décisions. En effet, dans la décision Puvanenthiram, la Cour n'a pas conclu à l'existence d'une question sérieuse pour ce qui est de la partialité institutionnelle. En premier lieu, l'ordonnance de la Cour ne le montre pas et, en second lieu, le défendeur a consenti à l'injonction uniquement pour ce qui est de la question des exigences préliminaires relatives aux risques en cause à l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[17]La Cour a également examiné des arguments similaires portant sur la partialité institutionnelle à un moment où le programme d'ERAR relevait de l'ASFC, mais elle a conclu qu'il n'y avait pas de question à débattre et elle a rejeté les demandes d'autorisation (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-724-04 (autorisation refusée)).

[18]Il semble rester la décision Rajalingam, où la Cour a reconnu qu'une question similaire était une question sérieuse. La question a été définie comme étant [traduction] «de savoir si les agents chargés de l'examen des risques avant renvoi jouissent d'un degré suffisant d'indépendance institutionnelle, compte tenu de la nature des fonctions qu'ils exercent».

[19]Une décision rendue à la suite d'un contrôle judiciaire et me permettant de comparer les faits et points litigieux qui y sont en cause à ceux de l'affaire dont je suis ici saisie me serait des plus utile. Or, il n'existe aucune décision de ce genre. À mon avis, les demandes de suspension, qui sont présentées à la dernière minute et qui sont débattues sur la base d'observations écrites préparées à la hâte, ne sont pas très utiles. Étant donné que les parties disposent de plus de temps pour préparer le dossier d'une demande de contrôle judiciaire, le dossier dans le cas d'une demande d'autorisation est donc plus complet et devrait offrir une argumentation complète au juge qui examine la demande. Néanmoins, en l'absence de motifs ou de la possibilité d'examiner la preuve présentée, il est difficile de savoir si les faits de ces affaires s'appliquent en l'espèce. Par conséquent, même si les ordonnances de la Cour qui ont été mentionnées donnent presque unanimement à entendre qu'il n'existe pas de question sérieuse, j'hésite à les utiliser pour conclure qu'il n'y a pas de question sérieuse dans ce cas-ci.

[20]Il reste les assertions et observations de M. Nalliah selon lesquelles il existe une question sérieuse à trancher. Je tiens à faire remarquer que les arguments de M. Nalliah suscitent des problèmes importants, notamment les problèmes suivants:

· Contrairement à ce que M. Nalliah a affirmé, l'ASFC n'est pas uniquement un organisme d'exécution. Cette agence est notamment chargée de l'administration et de l'exécution de certaines lois du Canada et, par conséquent, ses fonctions ne consistent pas simplement à assurer l'exécution des mesures de renvoi.

· Depuis le 28 juin 2002, les agents d'ERAR, et ce, qu'ils fassent partie de CIC ou de l'ASFC, forment un groupe distinct n'ayant pas de contact avec les agents chargés du renvoi. Le coordinateur de l'unité de l'ERAR achemine le travail et assure la coordination administrative, mais il ne dicte pas le résultat des ERAR.

· Le législateur fédéral a choisi d'inclure les fonctions d'exécution et de protection dans la même loi, le gouverneur en conseil étant autorisé à désigner le ministre responsable, de sorte qu'un lien d'origine législative est établi entre les deux fonctions.

· Le législateur fédéral a également décidé d'établir un lien entre la procédure de renvoi et l'ERAR au paragraphe 112(1) de la LIPR et il n'a pas assigné la fonction d'ERAR à un tribunal indépendant (tel que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié) comme il aurait pu le faire.

· Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 28, il a été dit que, pour satisfaire aux exigences relatives à l'équité procédurale, la personne touchée doit avoir accès à une procédure impartiale, adaptée au contexte légal, institutionnel et social de la décision. La preuve mise à ma disposition tend à démontrer que le gouvernement a élaboré une structure à l'intérieur de laquelle la fonction des agents d'ERAR respecte cette norme.

· La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie- Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, donne à entendre que la Cour doit hésiter à intervenir dans la structure des fonctions décisionnelles de l'organe exécutif du gouvernement.

· En ne portant pas cette présumée partialité à l'attention en premier lieu des décideurs et en second lieu de la Cour, il est possible que les membres de la catégorie présumée aient renoncé à leurs droits de soulever maintenant la question, une dizaine de mois après que les changements ont été effectués au sein de l'ASFC.

[21]Il y a un élément de preuve avancé par M. Nalliah qui ne semble pas avoir été examiné par la Cour dans les requêtes en suspension et dans les demandes d'autorisation antérieures. Il s'agit du fait que le 8 octobre 2004, les fonctions ont de nouveau été confiées à CIC. Cela aurait-il changé quoi que ce soit à la décision de la juge Dawson et aux décisions d'autres juges? Je ne le sais pas. Le fait que les fonctions ont de nouveau été confiées à CIC peut être important lorsqu'il s'agit d'établir le fondement factuel de l'allégation relative au manque d'indépendance ou d'impartialité. En outre, je note qu'en ce qui concerne l'arrêt Ocean Port, on peut se demander s'il s'applique aux décisions qui peuvent influer sur les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. D'autre part, il s'agit de savoir si toutes les décisions relatives à l'ERAR en question influent sur les droits reconnus par la Charte. M. Nalliah et les défendeurs ne sont pas d'accord sur ce point.

[22]Enfin, pour ce qui est de cet aspect du critère tripartite, malgré les problèmes auxquels font face M. Nalliah et les membres de la catégorie présumée, la question dont je suis saisie qui peut satisfaire à l'exigence préliminaire peu rigoureuse est de savoir si, pendant la période où l'ASFC était en cause, les agents d'ERAR avaient recours à une procédure impartiale, adaptée au contexte légal, institutionnel et social de la décision, pour rendre les décisions relatives à l'ERAR. Compte tenu de cette exigence préliminaire peu rigoureuse et en me fondant sur le dossier mis à ma disposition, je suis prête à conclure à l'existence d'une question sérieuse à trancher.

Préjudice irréparable

[23]Le deuxième volet du critère tripartite est de savoir si les personnes touchées subiront un préjudice irréparable dans le cas où l'injonction n'est pas accordée. M. Nalliah affirme que la catégorie présumée subira un préjudice irréparable, et ce, pour les deux raisons suivantes:

a) elle perdra le droit à l'examen des risques qui lui est reconnu par la loi; et

b) il y aura une réduction inéquitable de la catégorie présumée.

[24]M. Nalliah signale un certain nombre de cas dans lesquels la Cour a conclu à l'existence d'un préjudice irréparable parce que l'intéressé perdait un droit ou un recours légal. À l'appui de sa position, M. Nalliah cite entre autres les décisions suivantes:

Dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 206 [au paragraphe 13], la Cour d'appel a conclu à l'existence d'un préjudice irréparable dans un cas où l'expulsion du demandeur vers un pays qui allait l'emprisonner le priverait du «droit [. . .] d'obtenir une décision sur le fond de sa cause et de profiter des avantages rattachés à une décision positive».

Dans la décision Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 C.F. 1168; [2003] A.C.F. no 1474 (QL), le juge O'Reilly a conclu qu'en renvoyant la demanderesse pendant que la question de droit liée à son ERAR était examinée, on se trouverait à rendre illusoire tout recours dont la demanderesse pourrait en fin de compte se prévaloir. De l'avis du juge, ces circonstances constituaient un préjudice irréparable.

[25]M. Nalliah ajoute que si l'injonction n'est pas accordée et s'il est conclu à l'instruction qu'il y a eu déni de justice naturelle, les membres de la catégorie présumée auront perdu leur droit à la seule procédure destinée à assurer en temps opportun qu'ils ne sont pas renvoyés pour être exposés au risque de persécution ou de torture ou à une menace à leur vie ou encore au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Ils auront perdu leur droit parce qu'ils auront subi le préjudice qu'ils craignent ou qu'ils auront perdu contact avec le gouvernement.

[26]M. Nalliah doit justifier cette requête au moyen d'éléments de preuve clairs et convaincants indiquant l'existence d'un préjudice irréparable. Le préjudice irréparable est un critère strict selon lequel il faut démontrer qu'il existe une probabilité ou un risque sérieux que la vie ou la sécurité du demandeur soit en danger (Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 141, au paragraphe 9; Duve c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 387 (1re inst.) (QL), au paragraphe 22; Mikhailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 191 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 12 et 13; Frankowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 935 (1re inst.) (QL), au paragraphe 7; Csanyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 758 (1re inst.) (QL), au paragraphe 4. Le préjudice irréparable ne doit pas reposer sur des conjectures et il ne peut pas être fondé sur une série de possibilités (Atakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 68 F.T.R. 122 (C.F. 1re inst.)).

[27]Le fait d'alléguer simplement que les personnes en cause subiront le préjudice allégué dans leurs demandes d'ERAR ne suffit pas pour les besoins du critère. Je tiens d'abord à faire remarquer que la grande majorité des personnes touchées ont bénéficié d'un certain nombre d'examens des risques. Avant les décisions relatives aux ERAR, les personnes touchées ont dans tous les cas été parties à des procédures antérieures engagées en vertu de la LIPR. M. Nalliah et les cinq autre parties requérantes qui se sont présentées devant moi ont bénéficié d'examens de leur situation particulière, y compris un examen des risques, de la part de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Quatre des parties requérantes ont exercé leur droit de demander un autre ERAR conformément à l'article 165 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Dans la demande d'asile initiale ou dans un ERAR ultérieur ou dans une autre demande connexe, l'allégation de risque a été rejetée dans la plupart des cas. Il y a généralement d'abord eu rejet de la part de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et d'un agent d'ERAR ou d'un prédécesseur avant le transfert des responsabilités à l'ASFC. Même en éliminant les ERAR qui sont en cause, dans une procédure non contestée, les décideurs ont conclu que la plupart des personnes en cause n'étaient pas en danger. Je ne dispose d'aucun élément de preuve tendant à montrer que les risques ont augmenté depuis les premiers examens, au point où la vie des personnes en cause est maintenant en danger. Tout risque allégué, selon le dossier mis à ma disposition, repose sur des conjectures.

[28]M. Nalliah appartient à un petit sous-groupe composé de 3 700 membres de la catégorie présumée, en ce sens que son premier examen a donné lieu à une décision favorable de la part de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le seul examen défavorable dont il a fait l'objet est l'ERAR qui est ici en cause. Toutefois, en l'absence d'éléments de preuve précis au sujet d'un préjudice irréparable, je ne dispose d'aucun élément me permettant de fonder une décision portant que M. Nalliah ou une personne appartenant à la catégorie des intéressés en question subirait un préjudice irréparable.

[29]Une statistique utile qui s'applique généralement à toutes les catégories d'intéressés indique que l'ERAR est favorable dans seulement 3 p. 100 des cas environ. Ce pourcentage n'a pas sensiblement changé lorsque les fonctions ici en cause ont été confiées à l'ASFC. Autrement dit, il est conclu dans 97 p. 100 des cas que l'intéressé n'est exposé à aucun danger. En l'absence d'une preuve contraire concernant une personne précise, la preuve montre qu'un petit nombre de membres de la catégorie présumée seulement serait considéré comme étant exposé au degré de risque susceptible de donner lieu à une conclusion de préjudice irréparable. À mon avis, cela a pour effet de réduire considérablement la possibilité d'un préjudice irréparable.

[30]Le deuxième volet de l'argument de M. Nalliah est que la perte du droit de poursuivre le litige constitue un préjudice irréparable. Contrairement à ces prétentions, si l'injonction est refusée, le droit à un recours efficace ne deviendra pas illusoire. Comme le juge O'Reilly l'a dit dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 33 Imm. L.R. (3d) 95 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 9: «rien dans la Loi ou dans le Règlement [ne fait] obstacle au droit d'un demandeur d'un ERAR qui a été renvoyé du Canada et dont la demande de contrôle judiciaire a été accueillie d'obtenir un nouvel examen de sa demande».

[31]Dans l'arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 261, au paragraphe 20, le juge Evans, de la Cour d'appel, a dit ce qui suit:

Puisque l'appel pourra être habilement plaidé par une avocate d'expérience, en l'absence des appelants, et puisque, si les appelants obtiennent gain de cause en appel, ils seront probablement autorisés à revenir au Canada aux frais de l'État, je ne puis souscrire à l'idée que leur renvoi rendra illusoire leur droit d'appel.

[32]Il est possible de faire une distinction d'avec les décisions Suresh et Resulaj, dont M. Nalliah a fait mention pour le motif que, dans les deux cas, bon nombre d'éléments de preuve étayaient l'existence d'un risque personnel. En me fondant sur un examen de la jurisprudence, je conclus que le préjudice irréparable ne peut pas uniquement être fondé sur le fait qu'il est difficile pour l'intéressé qui a été renvoyé du Canada de faire valoir ses droits de contestation.

[33]Enfin, M. Nalliah affirme que l'intégrité de la catégorie sera compromise étant donné que les membres de la catégorie présumée ne sont peut-être pas au courant du recours collectif ou qu'il se peut qu'on ne les trouve pas une fois qu'ils auront été renvoyés. À ce stade fort préliminaire d'un recours collectif possible, cet argument ne constitue qu'une simple conjecture. La procédure visant à transformer une demande de contrôle judiciaire en une action et à obtenir une certification est loin d'être certaine. En outre, s'il est donné suite à l'affaire comme le voudrait M. Nalliah, il est toujours possible de demander à la Cour de rendre une ordonnance exigeant la signification d'un avis de recours collectif, ce qui remédierait aux problèmes allégués par M. Nalliah.

[34]En conclusion, je suis d'avis que M. Nalliah et les autres personnes touchées ont omis d'établir qu'ils subiront un préjudice irréparable s'ils sont renvoyés avant que les questions soulevées dans les demandes sous-jacentes soient tranchées ou avant l'instruction relative au recours collectif.

Évaluation comparative

[35]Étant donné que le critère applicable à l'injonction est de nature conjonctive, il suffit de statuer sur le préjudice irréparable pour trancher la présente requête. Néanmoins, au cas où j'aurais omis un aspect quelconque du préjudice irréparable, je poursuivrai l'examen de la question de savoir si l'évaluation comparative des inconvénients favorise M. Nalliah et les autres membres de la catégorie présumée ou si elle favorise les défendeurs.

[36]Dans l'arrêt RJR--MacDonald, aux paragraphes 62 et 63, la Cour suprême a examiné la façon dont il faut établir l'équilibre entre l'intérêt public et l'intérêt des parties. Voici ce qu'elle a dit:

[. . .] le troisième critère applicable [a été décrit] comme un critère qui consiste «à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse une injonction interlocutoire [. . .]». Compte tenu des exigences minimales relativement peu élevées du premier critère et des difficultés d'application du critère du préjudice irréparable dans des cas relevant de la Charte, c'est à ce stade que seront décidées de nombreuses procédures interlocutoires.

[37]L'évaluation comparative des inconvénients exige une pondération des intérêts; de plus, les facteurs à prendre en considération varient d'un cas à l'autre. Comme l'a dit la Cour suprême dans l'arrêt RJR--MacDonald, au paragraphe 85:

Pour déterminer lequel de l'octroi ou du refus du redressement interlocutoire occasionnerait le plus d'inconvénients, il faut notamment procéder à l'examen des facteurs suivants: la nature du redressement demandé et du préjudice invoqué par les parties, la nature de la loi contestée et l'intérêt public.

[38]M. Nalliah affirme que si la Cour est convaincue que l'existence d'une question sérieuse et d'un préjudice irréparable est établie, l'évaluation comparative des inconvénients militera en sa faveur (Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 3 C.F. 306 (1re inst.); voir également Smith c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 58 F.T.R. 292 (C.F. 1re inst.) et Suresh). Il est possible de répondre à ce dernier argument d'une façon passablement simple puisque je ne suis pas convaincue que l'existence d'un préjudice irréparable ait été établie. Toutefois, même si j'en étais convaincue, je crois qu'il faut examiner les conséquences pour les défendeurs avant de se prononcer sur ce volet du critère.

[39]En ce qui concerne ce volet, l'argument principal de M. Nalliah est que l'intérêt public exige que la procédure d'ERAR soit équitable et impartiale. Autrement, le Canada risque de renvoyer les gens dans des pays où ceux-ci pourraient faire face à la torture ou à d'autres conséquences sérieuses. Dans ce cas-ci, M. Nalliah affirme qu'il n'est pas simplement le porte-parole d'une seule personne, mais qu'il représente l'intérêt de tous les Canadiens.

[40]M. Nalliah fait remarquer qu'il ne cherche pas à invalider toute la procédure d'ERAR; à ce stade, il ne soulève aucune question au sujet des décisions relatives à un ERAR qui ont été prises avant le 12 décembre 2003 ou après le 8 octobre 2004. Les défendeurs peuvent continuer à faire traiter par CIC, qui vient d'être restructuré, les demandes d'ERAR.

[41]En ce qui concerne les 3 700 personnes qui n'ont pas été renvoyées, M. Nalliah déclare que les défendeurs, s'ils décident de procéder au renvoi, n'ont qu'à signifier un nouvel avis d'ERAR. Selon M. Nalliah, cela entraînera un certain retard, mais ce retard ne saurait faire contrepoids à l'intérêt public, qui exige une procédure équitable.

[42]Les arguments invoqués par M. Nalliah sur ce point ne sont pas convaincants. Ce volet du critère exige la pondération des intérêts des deux parties. Je me propose de le faire en examinant la position de chaque partie au cas où elle serait la partie perdante dans cette requête.

[43]Je commencerai par examiner le cas de M. Nalliah et des 3 700 autres personnes qui sont ici en cause. Si la requête est rejetée, toutes ces personnes feraient l'objet d'un renvoi dès que les circonstances le permettent (paragraphe 48(2) de la LIPR). Toutefois, comme il en a déjà été fait mention, le préjudice qui pourrait leur être causé repose sur de simples conjectures. Un certain nombre de ces 3 700 personnes pourraient demander un autre ERAR (bien qu'une telle demande n'entraîne pas nécessairement un sursis), et cet ERAR serait effectué par un agent compétent à l'intérieur d'une structure qui, comme l'a lui-même reconnu M. Nalliah, respecte la norme d'impartialité exigée. D'autres personnes pourront avoir gain de cause en présentant une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire visant à faire traiter leur cas depuis le Canada. Bref, le préjudice allégué par M. Nalliah est loin d'être certain. Toutefois, je conviens avec M. Nalliah que ses intérêts vont plus loin que les intérêts des personnes touchées et que toute décision de le renvoyer fondée sur un ERAR contestable peut avoir un effet défavorable sur les engagements pris par le Canada et sur sa réputation à l'échelle internationale.

[44]D'autre part, quelle sera la situation si les défendeurs n'ont pas gain de cause dans la présente requête? Contrairement à l'assertion de M. Nalliah, la preuve mise à ma disposition démontre que les conséquences, en ce qui concerne les défendeurs et leur capacité de renvoyer des personnes dont le statut n'est pas reconnu au Canada, seraient énormes. Parmi les membres de la catégorie présumée qui bénéficieront d'une injonction, certains sont interdits de territoire pour des raisons de criminalité. Les personnes qui ont déjà demandé l'autorisation de contester une décision défavorable qui a été prise à la suite d'un ERAR et qui se sont vu opposer un refus, et les personnes qui ont demandé sans succès un sursis de la mesure de renvoi dont elles faisaient l'objet (parce qu'elles ne pouvaient pas établir l'existence d'une question sérieuse ou d'un préjudice irréparable) pourront également faire reporter leur renvoi pendant une période indéterminée. Bref, on peut dire sans exagération que cette injonction aurait un effet défavorable sérieux sur l'objectif expressément visé par la LIPR, à savoir garantir la sécurité des Canadiens (alinéa 3(1)h)). Ce n'est clairement pas ce que veut l'intérêt public.

[45]La solution n'est pas non plus aussi simple que le fait de procéder à de nouveaux ERAR. Pendant que CIC et l'ASFC tenteraient d'établir un ordre de priorité et de reprendre les ERAR des 3 700 personnes visées par la présente requête, le système continu des ERAR et des renvois serait gravement compromis. Le préjudice causé aux défendeurs ne repose pas sur de simples conjectures; je suis convaincue qu'un tel résultat serait inévitable si l'injonction était accordée.

[46]Somme toute, je suis convaincue que les conséquences défavorables pour les défendeurs et pour la population canadienne en cas d'octroi de l'injonction l'emporte de beaucoup sur les conséquences défavorables alléguées pour la catégorie proposée de personnes et peut-être pour un public plus étendu en cas de refus d'accorder l'injonction.

Conclusion relative au critère tripartite

[47]Puisqu'il n'est pas satisfait à deux volets du critère, la demande d'injonction de M. Nalliah sera rejetée.

POUVOIR D'ACCORDER LA RÉPARATION DEMANDÉE

[48]Étant donné que j'ai conclu que M. Nalliah n'a pas réussi à satisfaire au critère de l'octroi de l'injonction demandée, il est inutile d'aborder la question de savoir si l'injonction outrepasse la compétence de cette Cour.

AVIS À LA CATÉGORIE PRÉSUMÉE

[49]Dans le cadre de la présente requête, on m'a notamment demandé de donner des directives à toutes les parties à l'instance au sujet de la façon dont elles devraient communiquer avec les membres de la catégorie présumée. Le refus d'accorder l'injonction demandée dans la présente requête entraînera l'exécution des mesures de renvoi dont les membres de la catégorie présumée font l'objet. M. Nalliah craint qu'une fois ces personnes renvoyées, il sera impossible de les trouver. Cet argument est valable. Même si je ne suis pas convaincue que le renvoi entraîne un préjudice irréparable, je partage les craintes de M. Nalliah, à savoir que l'intégrité de la catégorie présumée peut être gravement compromise s'il n'existe aucune façon de renseigner les personnes renvoyées.

[50]Les défendeurs signalent les remarques que j'ai faites dans la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 250 F.T.R. 285 (C.F.), au paragraphe 54, où j'ai dit qu'on ne devrait exiger qu'un avis soit donné aux membres de la catégorie présumée que dans des circonstances exceptionnelles. «L'exception vise le cas où le demandeur ou le défendeur entend communiquer avec les membres de la catégorie proposée selon des modalités telles qu'elles causeraient une injustice à ces personnes ou saperaient l'intégrité du recours collectif.» Dans l'affaire Chen, les membres de la catégorie présumée étaient des résidents permanents du Canada, et certains d'entre eux étaient à l'étranger. Les membres qui sont à l'étranger communiqueraient probablement avec des agents des visas canadiens pour tenter d'obtenir l'autorisation de revenir au Canada. Par conséquent, les membres de la catégorie présumée pourraient veiller à leurs intérêts et l'intégrité de la catégorie proposée ne serait pas compromise. Au pays, les membres de la catégorie présumée qui sont renvoyés ne maintiendraient pas de liens avec des fonctionnaires canadiens. En ce qui concerne les personnes qui ne sont pas représentées par un avocat en particulier, il peut être déraisonnable de s'attendre à ce qu'elles soient au courant de l'exercice d'un recours collectif. On ne saurait blâmer les défendeurs pour cet état de choses; tel est tout simplement l'effet du renvoi. À mon avis, il s'agit de circonstances exceptionnelles qui justifient un certain genre d'intervention.

[51]Dans leurs prétentions, les défendeurs ont déclaré ce qui suit:

[traduction] Subsidiairement, si cette Cour conclut que la possibilité de réduction de la catégorie présumée constitue un préjudice irréparable, et, par conséquent, si elle est portée à accorder une «injonction collective», la Cour pourrait demander aux défendeurs s'ils sont prêts à remettre à chaque membre de la catégorie présumée, au moment du renvoi, un «feuillet d'information concernant la possibilité d'un recours collectif». Ce feuillet pourrait désigner une personne-ressource pour M. Waldman et faire référence au site web de l'ASFC dans lequel des renseignements sur l'évolution du recours collectif envisagé seraient affichés. Dans ces conditions, aucun membre de la catégorie présumée qui est renvoyé du Canada ne serait exclu de la participation au recours collectif envisagé.

[52]Même si je n'accorde pas l'«injonction collective», je crois que cette suggestion est valable. Je demanderai donc aux avocats en cause dans la présente requête de collaborer en vue d'élaborer un protocole dans lequel les éléments susmentionnés seront incorporés. Un simple avis aux personnes qui sont renvoyées et dont l'ERAR a été effectué entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004 ainsi que la fourniture de renseignements dans le site web de l'ASFC constitueraient un avis suffisant. Les parties devront me faire rapport d'ici deux semaines; il faut espérer qu'elles se seront entendues sur la forme de l'avis et sur les questions connexes. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre, elles pourront s'adresser à la Cour pour obtenir des directives additionnelles.

[53]Je tiens à préciser que les renvois qui doivent avoir lieu d'ici le moment où ces dispositions auront été prises pourront aller de l'avant.

CONCLUSION

[54]Pour les motifs susmentionnés, la requête visant l'obtention d'une injonction sera rejetée. Toutefois, il est ordonné aux parties de préparer un avis destiné à être signifié aux membres de la catégorie présumée qui sont renvoyés.

[55]Quant aux membres de la catégorie présumée qui bénéficient d'un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont ils font l'objet en attendant le résultat de la présente instance, le sursis est annulé.

APPENDICE A

Nalliah (IMM-9071-04)

--     Risques examinés à deux reprises (SSR et ERAR)--LTTE

--     Date de renvoi: 24 novembre 2004 (signifié le 10 novembre 2004)

·    A revendiqué le statut de réfugié en 1999; la SSR l'a exclu au mois de juin 2002 en raison de son appartenance aux LTTE; si la SSR ne l'avait pas exclu en vertu de l'art. Fa) [Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] le statut de réfugié lui aurait été reconnu.

·    Demande d'autorisation relative à la décision défavorable de la SSR rejetée au mois d'octobre 2002 (IMM-3217-02).

·    Septembre 2004: ERAR défavorable

Chellapah (IMM-8907-04)

--     Risques examinés à trois reprises (une revendication du statut de réfugié, deux ERAR)

--     (Le défendeur a convenu de reporter le renvoi jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'injonction)

·    A revendiqué le statut de réfugié au mois de juin 2000; la revendication a été rejetée au mois de février 2002 parce qu'il n'y avait pas de preuve crédible et digne de foi et que la revendication était objectivement dénuée de fondement.

·    Demande d'autorisation relative à la décision défavorable qui avait été rendue au sujet du statut rejetée au mois de juillet 2002 (IMM-1094-02).

·    Septembre 2003: ERAR refusé

·    Novembre 2003: les demandeurs ont été expulsés des États-Unis.

·    Août 2004: les demandeurs sont revenus au Canada et ont demandé un deuxième ERAR, qui a été refusé au mois de septembre 2004.

Sinnappu (IMM-8978-04)

--     Risques examinés quatre fois (SSR, demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire dans laquelle le risque était en cause, 2 ERAR)

--     La Cour a accordé une suspension provisoire tant qu'il ne serait pas statué sur l'injonction

·    Avril 1998: décision défavorable relativement au statut de réfugié (aucune demande d'autorisation n'a été présentée)

·    Décembre 2003: premier ERAR défavorable

·    Février 2004: rejet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire dans laquelle le risque était en cause (aucune demande d'autorisation n'a été présentée)

·    Juin 2004: la juge Snider a accordé une suspension à l'égard du premier ERAR pour le motif qu'on avait tardé à donner signification au demandeur.

·    Juillet 2004: le demandeur a sollicité un deuxième ERAR.

·    Octobre 2004: le deuxième ERAR a été refusé et le demandeur sollicite une autorisation.

Velayutham (IMM-8910-04)

--     Risques examinés quatre fois (SSR, demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire dans laquelle le risque était en cause, 2 ERAR)

--     Le défendeur a convenu de reporter le renvoi tant qu'il ne serait pas statué sur l'injonction.

·    Septembre 2000: décision défavorable de la SSR (la CF a rejeté l'autorisation au mois de janvier 2001 dans le dossier IMM-5063-00);

·    Août 2003: rejet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire dans laquelle le risque était en cause.

·    Août 2003: premier ERAR défavorable

·    Novembre 2003: les demandeurs ont été expulsés aux États-Unis

·    Juin 2004: les demandeurs sont revenus au Canada et ont présenté une deuxième demande d'ERAR

·    Septembre 2004: deuxième ERAR défavorable (les demandeurs ont sollicité une autorisation au mois d'octobre 2004)

Gomez (IMM-9398-04)

--     Risques examinés au moins trois fois (SSR et deux ERAR; il n'est pas clair qu'ils aient également présenté une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire dans laquelle le risque était en cause)

--     Date du renvoi: 17 novembre à 8 h 55, au Costa Rica

·    Mai 2003: décision relative au statut de réfugié défavorable

·    Octobre 2003: a présenté une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui est encore en instance

·    Février 2004: premier ERAR défavorable

·    24 avril 2004: date initiale du renvoi, mais l'agent chargé de l'exécution a reporté le renvoi jusqu'à la fin de l'année scolaire.

·    Juillet 2004: les demandeurs ont obtenu une suspension tant qu'une décision définitive ne serait pas prise au sujet du deuxième ERAR effectué au mois de juin 2004.

·    Septembre 2004: deuxième ERAR défavorable

Subramaniam (IMM-9040-04)

--     Risques examinés au moins deux fois (SSR et ERAR; il n'est pas clair que la question des risques soit en cause dans la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui est en instance); criminalité

--     Date du renvoi: 22 novembre 2004 (signifié le 10 novembre)

·    Novembre 1997: le statut de RC a été reconnu, mais il a été annulé au mois de janvier 2004, parce que le demandeur n'avait jamais révélé qu'il était également citoyen allemand.

·    Février 2004: a présenté une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire (qui est encore en instance)

·    Octobre 2004: ERAR défavorable.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.