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A-528-02

A-549-02

2004 CAF 218

Commission de contrôle de l'énergie atomique et Cogema Resources Inc. (appelantes) (défenderesses)

c.

Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative (intimée) (demanderesse)

et

Procureur général de la Saskatchewan, Bande indienne de Lac La Ronge, Kitsaki Development Limited Partnership et Northern Resource Trucking Limited Partnership (intervenants)

Répertorié: Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative c. Canada (Commission de contrôle de l'énergie atomique) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juge en chef Richard, juges Rothstein et Sharlow, J.C.A.--Calgary, 3 et 4 mai; Ottawa, 4 juin 2004.

         Environnement -- Licence délivrée par la Commission de contrôle de l'énergie atomique en vue d'autoriser l'exploitation d'une « installation de gestion des résidus » pour un projet de mine d'uranium -- La licence a été déclarée invalide par la Cour fédérale parce que sa délivrance n'avait pas été précédée d'une évaluation environnementale fondée sur l'art. 5 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) -- Une évaluation environnemen-tale avait déjà eu lieu en vertu du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement -- La mise à exécution du projet a été autorisée dans le cadre du processus d'octroi de licences de la Commission de contrôle -- L'art. 74(1) de la LCEE entrait en jeu, parce qu'une commission d'évaluation a été mise sur pied à l'égard du Projet conformément au Décret, avant l'entrée en vigueur de la LCEE -- L'art. 74(1) énonce que le Décret «continue de s'appliquer» à l'égard de toute proposition pour laquelle une commission d'évaluation a été mise sur pied -- Interpréter l'art. 74(1) comme une disposition exigeant une deuxième évaluation environnementale en vertu de la LCEE n'est pas compatible avec l'objectif cette disposition en tant que règle transitoire -- Le régime législatif de la LCEE n'exige pas un second examen.

         Interprétation des lois -- La licence d'exploitation délivrée par la Commission de contrôle de l'énergie atomique a été déclarée invalide par la Cour fédérale parce que sa délivrance n'avait pas été précédée d'une évaluation environnementale fondée sur l'art. 5 de la LCEE -- La question était de savoir si le juge a commis une erreur lorsqu'il a conclu que l'art. 74(1) de la LCEE ne libérait pas la Commission de contrôle de l'obligation d'exiger une évaluation environnementale en application de la LCEE avant de délivrer la licence -- Il s'agit d'une question d'interprétation législative à laquelle s'applique la norme de la décision correcte -- L'art. 74(1) énonce que le Décret «continue de s'appliquer» à l'égard de toute proposition pour laquelle une commission d'évaluation a été mise sur pied -- Aucune restriction n'est prévue quant à cette application -- Il ne serait pas utile d'exiger une autre évaluation environnementale en vertu de la LCEE -- L'art. 74(1) est une disposition transitoire et vise à assurer la transition en bonne et due forme d'un régime législatif à un autre -- Examen des principes qui sous-tendent les dispositions législatives transitoires -- Interpréter l'art. 74(1) comme une disposition exigeant une deuxième évaluation environnementale n'est pas compatible avec les objectifs de la LCEE.

        Il s'agit d'appels d'une ordonnance par laquelle la Cour fédérale a fait droit à la demande de l'intimée, Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative (ICUCEC), en vue d'annuler la licence d'exploitation AECB-MFOL-170-0.5 (licence 0.5) que la Commission de contrôle de l'énergie atomique avait délivrée à Cogema Resources Inc. en 2001. L'ICUCEC a été formée en 1980 et constituée en personne morale en 1991, notamment pour favoriser la fermeture progressive des mines d'uranium en Saskatchewan. La Commission de contrôle a été constituée à titre d'organisme fédéral par l'article 3 de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Une de ses responsabilités consistait à réglementer les mines d'uranium du Canada au moyen d'un régime de licences et de permis établi dans le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium. La caractéristique la plus importante de ce Règlement est le fait qu'il prévoit la délivrance de licences à l'égard des différentes étapes d'un projet, c'est-à-dire l'obligation d'obtenir une licence distincte pour chaque étape de mise en valeur et d'exploitation d'une installation de production d'uranium.

        La licence 0.5 autorisait l'exploitation d'une «installation de gestion des résidus» pour le Projet du lac McClean, une mine d'uranium située dans le nord de la Saskatchewan. Elle a été déclarée invalide parce que sa délivrance n'avait pas été précédée d'une évaluation environnementale fondée sur l'article 5 de la Loi canadienne sur l'évaluation environne-mentale (LCEE). Une évaluation environnementale avait déjà eu lieu en vertu du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environne-ment (le Décret), qui était en vigueur lorsque le projet a été proposé pour la première fois. En 1991, une Commission conjointe fédérale-provinciale mixte a été mise sur pied en application du Décret relativement à un certain nombre de propositions portant sur des mines d'uranium situées dans le nord de la Saskatchewan, y compris le Projet du lac McClean. La Commission conjointe a reçu de nombreux mémoires, notamment de l'ICUCEC. Elle a recommandé que le Projet du lac McClean soit reporté d'au moins cinq ans, mais le ministre des Ressources naturelles n'a pas accepté cette recommandation. La mise à exécution du projet a été autorisée suivant le processus d'octroi de licences de la Commission de contrôle. La LCEE a été édictée en 1992 en vue de remplacer le Décret par un régime différent en matière d'évaluation environnementale. La LCEE comporte une disposition transitoire, le paragraphe 74(1), qui prévoit que le Décret visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement continue de s'appliquer aux examens publics qui y sont visés et pour lesquels les membres de la commission d'évaluation environnementale ont été nommés sous son régime avant l'entrée en vigueur de cet article. L'ICUCEC a engagé une demande de contrôle judiciaire afin de contester la décision par laquelle la Commission de contrôle a délivré la licence 0.5, soutenant que cette décision n'avait pas été précédée d'une évaluation environnementale en vertu de la LCEE. Le juge de première instance a conclu que la contestation était bien fondée. Il est évident que le paragraphe 74(1) entre en jeu, parce qu'une commission d'évaluation a été mise sur pied à l'égard du Projet du lac McClean conformément au Décret, avant l'entrée en vigueur de la LCEE. La question à trancher était de savoir si le juge de première instance a commis une erreur lorsqu'il a conclu que le paragraphe 74(1) de la LCEE ne libérait pas la Commission de contrôle de l'obligation d'exiger un examen préalable ou une évaluation environnementale en application de la LCEE avant de délivrer la licence 0.5.

        Jugement: les appels sont accueillis.

        La norme de contrôle de cette question d'interprétation législative est celle de la décision correcte.

        Les appelantes ont soutenu devant la Cour fédérale que le paragraphe 74(1) de la LCEE constitue un moyen de défense complet à l'égard de l'allégation selon laquelle la Commission de contrôle devait procéder à un examen préalable ou à une évaluation supplémentaire conformément à la LCEE avant de délivrer la licence 0.5. Cette interprétation du paragraphe 74(1) proposée par les appelantes doit être acceptée, parce qu'elle est compatible tant avec le texte de cette disposition qu'avec l'objet qu'elle vise. Cette disposition énonce que le Décret «continue de s'appliquer» à l'égard de toute proposition pour laquelle une commission d'évaluation a été mise sur pied. Aucune restriction n'est prévue quant à cette application. Il ne serait pas utile d'exiger une autre évaluation environnementale en vertu de la LCEE à ce stade. Étant donné que le libellé du paragraphe 74(1) n'exige pas cette conclusion, il ne devrait pas être interprété de cette façon. Le paragraphe 74(1) est une disposition transitoire et vise donc à assurer la transition en bonne et due forme d'un régime législatif à un autre. Auteure de l'ouvrage Driedger and Sullivan on the Construction of Statutes, la professeure Ruth Sullivan a énuméré les principes qui sous-tendent les dispositions législatives transitoires, soit «la certitude, la prévisibilité, la stabilité, la rationalité et l'égalité formelle». Interpréter le paragraphe 74(1) comme une disposition exigeant une deuxième évaluation environnementale en vertu de la LCEE aurait pour effet de rendre inutile le processus découlant du Décret et d'exiger que les travaux de la Commission conjointe soient refaits une fois la planification terminée. Cette interprétation n'est compatible ni avec l'objectif du paragraphe 74(1) en tant que disposition législative transitoire ni avec les grands objectifs de la LCEE. Cependant, la fin des travaux de la Commission conjointe ne signifie pas la fin de l'ensemble des activités d'examen environnemental pour le Projet du lac McClean. Les questions environnementales doivent être examinées relativement à chaque licence délivrée en application du Règlement sur les mines d'uranium et de thorium et du règlement qui le remplace, soit le Règlement sur les mines et les usines de concentration d'uranium. L'intimée a souligné plusieurs modifications apportées au Projet depuis 1993. Cependant, aucun de ces changements n'a eu pour effet de transformer le Projet du lac McClean en nouvelle proposition. La Commission conjointe a reconnu que des changements scientifiques et technologiques surviendraient pendant la durée du Projet et qu'il appartiendrait à la Commission de contrôle d'évaluer les effets de ces changements dans le contexte de ses responsabilités en matière d'octroi de licences. L'intimée sollicitait une nouvelle évaluation environnementale à l'égard d'un projet qui a déjà fait l'objet d'un examen minutieux en vertu du Décret. Le régime législatif de la LCEE n'exige pas un second examen de cette nature.

lois et règlements

Co-operatives Act, 1989 (The), S.S. 1989-90, ch. C-37.2.

Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, L.R.C. (1985), ch. A-16, art. 3.

Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, art. 2 «proposition», 3, 10(1), 11(b), 12(b),(d),(e), 13, 21, 22, 26(1), 27(1), 29, 31, 33, 35(c).

Environmental Assessment Act (The), S.S. 1979-80, ch. E-10.1.

Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 4 (mod. par L.C. 1994, ch. 46, art. 1), 5, 11(1), 20(1)a), 29, 74.

Loi canadienne sur la protection de l'environnement, 1999, L.C. 1999, ch. 33, Ann. 1.

Loi de 1979 sur l'organisation du gouvernement, S.C. 1978-79, ch. 13, art. 14.

Loi de 1996 sur les coopératives, L.S. 1996, ch. C-37.3.

Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, L.C. 1997, ch. 9.

Règlement sur les mines d'uranium et de thorium, DORS/88-243, art. 7(2)b), 8(2)b), 11, 12, 13, 14, 15.

Règlement sur les mines et les usines de concentration d'uranium, DORS/2000-206.

jurisprudence

décisions citées:

Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative c. Canada (Commission de contrôle de l'énergie atomique) (2002), 300 N.R. 139 (C.A.F.) ; Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309; [1989] 4 W.W.R. 526; (1989), 37 Admin. L.R. 39; 3 C.E.L.R. (N.S.) 287; 26 F.T.R. 245 (1re inst.) conf. par [1990] 2 W.W.R. 69; (1989), 38 Admin. L.R. 138; 4 C.E.L.R. (N.S.) 1; 99 N.R. 72 (C.A.F.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; (1992), 88 D.L.R. (4th) 1; [1992] 2 W.W.R. 193; 84 Alta. L.R. (2d) 129; 3 Admin. L.R. (2d) 1; 7 C.E.L.R. (N.S.) 1; 132 N.R. 321.

doctrine

Commission conjointe fédérale-provinciale d'examen des projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan (Canada). Projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan : Dominique-Janine Extension, McClean Lake Project et Midwest Joint Venture: Rapport de la Commission conjointe fédérale- provinciale d'examen des projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan. Ottawa: Environnement Canada, 1993.

Commission conjointe fédérale-provinciale d'examen des projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan (Canada). Midwest Uranium Mine Project: Cigar Lake Uranium Mine Project: Observations sommaires: Rapport de la Commission conjointe fédérale-provinciale d'examen des projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan. Ottawa: Agence canadienne d'évaluation environnementale, 1997.

Sullivan, Ruth. Driedger and Sullivan on the Construction of Statutes, 4th ed. Toronto: Butterworths, 2002.

APPELS d'une ordonnance de la Cour Fédérale ([2003] 2 C.F. 288; (2002), 49 C.E.L.R. (N.S.) 251; 224 F.T.R. 1) faisant droit à la demande de l'intimée en vue d'annuler la licence d'exploitation AECB-MFOL- 170-0.5 que la Commission de contrôle de l'énergie atomique avait délivrée à Cogema Resources Inc. Appels accueillis.

ont comparu:

Robert G. Richards, c.r., pour Cogema Resources Inc., appelante (défenderesse).

Kirk N. Lambrecht, c.r., pour Commission de contrôle de l'énergie atomique pour l'appelante (défenderesse).

Stefania A. Fortugno et Theresa A. McClenaghan pour l'intimée (demanderesse).

Barry J. Hornsberger, c.r., pour le procureur général de la Saskatchewan, intervenant.

Brian J. Scherman, c.r., pour la Bande indienne de Lac La Ronge, Kitsaki Development Limited Partnership et Northern Resource Trucking Limited Partnership, intervenantes.

avocats inscrits au dossier:

MacPherson Leslie & Tyerman LLP, Regina (Saskatchewan), pour Cogema Resources Inc., appelante (défenderesse).

Le sous-procureur général du Canada pour la Commission de contrôle de l'énergie atomique, appelante (défenderesse).

Fortugno Law Office, Saskatoon (Saskatchewan), pour l'intimée (demanderesse).

Ministère de la Justice de la Saskatchewan, Regina (Saskatchewan), pour le procureur général de la Saskatchewan, intervenant.

Balfour Moss, Saskatoon (Saskatchewan), pour la Bande indienne de Lac La Ronge, Kitsaki Development Limited Partnership et Northern Resource Trucking Limited Partnership, interve-nantes.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]La juge Sharlow, J.C.A.: Il s'agit d'appels d'une ordonnance datée du 23 septembre 2002 ([2003] 2 C.F. 288) par laquelle la Cour fédérale [à l'époque de la Section de première instance] a fait droit à la demande de l'intimée, l'Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative (l'ICUCEC), en vue d'annuler la licence d'exploitation AECB-MFOL-170-0.5 (la licence 0.5) que la Commission de contrôle de l'énergie atomique (Commission de contrôle) avait délivrée à Cogema Resources Inc. le 21 juin 1999. La licence 0.5 autorisait, notamment, l'exploitation d'une «installation de gestion des résidus» pour le Projet du lac McClean, une mine d'uranium située dans le nord de la Saskatchewan, à environ 350 kilomètres de la ville de La Ronge. Le 7 novembre 2002, le juge Noël, J.C.A., a suspendu l'exécution de l'ordonnance visée par les appels jusqu'à ce que ceux-ci soient tranchés [(2002), 300 N.R. 139 (C.A.F.)].

[2]La licence 0.5 avait été déclarée invalide dans l'ordonnance en question parce que sa délivrance n'avait pas été précédée d'une évaluation environne-mentale fondée sur l'article 5 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 (la LCEE). Une évaluation environnementale avait déjà eu lieu en vertu du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467 (le Décret), qui avait été pris en application de l'article 14 de la Loi de 1979 sur l'organisation du gouvernement, S.C. 1978-79, ch. 13.

[3]Cogema et la Commission de contrôle ont interjeté des appels distincts qui ont cependant été entendus ensemble. Ce n'est que tard au cours de l'instance que l'on a constaté que Cogema était la seule partie qui pouvait interjeter appel. Ayant rendu la décision attaquée, la Commission de contrôle aurait dû obtenir le statut d'intervenante, au mieux. Cependant, étant donné qu'aucune des parties n'a soulevé d'objection à ce sujet en temps opportun, la poursuite de l'appel de la Commission de contrôle a été autorisée.

Faits

[4]L'ICUCEC a été formée en 1980 et constituée en personne morale en 1991 sous le régime de The Co-operatives Act, 1989, S.S. 1989-90, ch. C-37.2 (loi abrogée et remplacée par la Loi de 1996 sur les coopératives, L.S. 1996, ch. C-37.3). Ses membres représentent un certain nombre d'églises ainsi que différentes collectivités de Métis et de Premières nations. Elle a été constituée, notamment, pour favoriser la fermeture progressive des mines d'uranium en Saskatchewan (affidavit de Linda Kathryn Murphy, D.A., vol. 1, page 64). Il n'est pas certain que l'ICUCEC poursuive toujours cet objectif, mais la présente affaire démontre la volonté de la coopérative de s'assurer, à tout le moins, que les décideurs gouvernementaux qui examinent les questions concernant les mines d'uranium respectent toutes les règles applicables en matière d'environnement.

[5]Cogema exploite une mine d'uranium située dans le nord de la Saskatchewan et connue sous le nom de «Projet du lac McClean»; cette mine appartient à raison de 70 p. 100 à Cogema, de 22,5 p. 100 à Denison Mines Ltd. et de 7,5 p. 100, à OURD (Canada) Co. Ltd. (affidavit de Robert W. Pollock, D.A., vol. VIII, page 1680). De l'uranium a été découvert dans la région du lac McClean en 1979.

[6]La Commission de contrôle a été constituée à titre d'organisme fédéral par l'article 3 de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, L.R.C. (1985), ch. A-16. Une de ses responsabilités consistait à réglementer les mines d'uranium du Canada au moyen d'un régime de licences et de permis établi dans le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium, DORS/88-243.

[7]Aux fins des appels examinés en l'espèce, la caractéristique la plus importante du Règlement sur les mines d'uranium et de thorium est le fait qu'il prévoit la délivrance de licences à l'égard des différentes étapes d'un projet. En effet, une licence distincte doit être obtenue pour chaque étape de mise en valeur et d'exploitation d'une installation de production d'uranium, depuis l'extraction jusqu'au déclassement de l'installation minière. Plus précisément, le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium exige l'obtention d'une licence pour extraire de l'uranium d'un site d'extraction (article 11), pour effectuer des travaux d'excavation d'uranium à un site d'excavation (article 12), pour choisir le site d'une mine ou d'un broyeur ou construire ceux-ci (article 13), pour exploiter une mine ou un broyeur (article 14) et pour suspendre ou cesser l'activité autorisée de l'installation minière ou déclasser celle-ci (article 15). Les renseignements à fournir dans une demande visant à obtenir une licence à l'égard de l'une ou l'autre de ces étapes et les conditions pouvant être prescrites dans une licence sont énoncés dans les dispositions pertinentes du Règlement sur les mines d'uranium et de thorium.

[8]Avant de délivrer une licence en application du Règlement sur les mines d'uranium et de thorium, l'autorité responsable à cet égard doit être convaincue que le requérant a pris des mesures satisfaisantes pour assurer la protection de l'environnement (voir l'alinéa 7(2)b) dans le cas des licences délivrées en vertu des articles 11, 12 ou 15 et l'alinéa 8(2)b) dans le cas des licences délivrées en vertu des articles 13 ou 14).

[9]La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, L.C. 1997, ch. 9, qui prévoyait la création de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (la Commission de sûreté) comme successeur de la Commission de contrôle, est entrée en vigueur le 31 mai 2000. À la même date, le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium a été remplacé par le Règlement sur les mines et les usines de concentration d'uranium, DORS/2000-206. Les appels à examiner en l'espèce ne portent nullement sur ces modifications apportées au régime de réglementation des mines d'uranium.

[10]Au cours de la période visée par les appels, la Commission de contrôle délivrait habituellement des licences dont la durée était relativement courte. Chaque licence délivrée à l'égard d'une installation de production d'uranium après la première devait remplacer la licence précédente. La nouvelle licence couvrait les activités visées par la licence antérieure, si la poursuite desdites activités était autorisée, de sorte qu'une seule licence devait être en vigueur à la fois.

[11]Toutes les propositions relatives à l'exploitation d'uranium au Canada sont touchées par la législation fédérale sur l'environnement. Le 22 juin 1984, les règles applicables étaient énoncées dans le Décret qui, malgré son titre, exigeait une évaluation environnementale de toutes les propositions visées par sa portée: Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309 (1re inst.), conf. par [1990] 2 W.W.R. 69 (C.A.F.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3.

[12]Il est important de comprendre le Décret, parce que Cogema et la Commission de contrôle soutiennent que la licence 0.5 et les licences subséquentes sont fondées sur leur observation dudit Décret. L'ICUCEC n'allègue pas inobservation du Décret, mais fait valoir que, dans le cas de la licence 0.5, tant la LCEE que le Décret auraient dû être respectés.

[13]Le Décret visait à faire en sorte que chaque proposition à l'égard de laquelle le gouvernement fédéral exerçait un pouvoir de décision soit «soumise à un examen préalable ou à une évaluation initiale, afin de déterminer la nature et l'étendue des effets néfastes qu'elle peut avoir sur l'environnement» (paragraphe 10(1) du Décret). Le Décret prévoyait une évaluation environnementale au début de l'étape de planification, avant la prise de «décisions irrévocables» (article 3 du Décret). Le mot «proposition» était défini comme suit à l'article 2 du Décret:

2. [. . .]

«proposition» S'entend en outre de toute entreprise ou activité à l'égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions.

[14]Les ministères responsables devaient soumettre les propositions au ministre de l'Environnement en vue d'un examen public par une commission d'évaluation environnementale (commission d'évaluation) si les effets néfastes que la proposition pouvait avoir sur l'environnement étaient inconnus ou importants (alinéas 12d) et e) du Décret), si la proposition était d'un type qui aurait des effets néfastes importants sur l'environnement et qui serait automatiquement soumise au ministre pour qu'un examen public soit mené par une commission d'évaluation (alinéas 11b) et 12b) du Décret) ou si la préoccupation du public au sujet de la proposition rendait un tel examen souhaitable (article 13 du Décret).

[15]Les membres d'une commission d'évaluation étaient désignés par le ministre de l'Environnement conformément à l'article 21 du Décret et, selon l'article 22, devaient:

22. [. . .]

a) faire preuve d'objectivité et ne pas être dans une situation où il y a risque de conflit d'intérêts quant à la proposition à l'étude;

b) être à l'abri de l'ingérence politique; et

c) posséder des connaissances particulières et une expérience se rapportant aux effets prévus de la proposition sur les plans technique, environnemental et social.

[16]C'est le ministre de l'Environnement qui fixait le mandat de chaque commission d'évaluation, après avoir consulté le ministre chargé du ministère responsable (paragraphe 26(1) du Décret). Les audiences d'une commission d'évaluation étaient publiques et se déroulaient selon le paragraphe 27(1) du Décret, «de manière informelle suivant des règles déterminées mais non judiciaires» (a non-judicial and informal but structured manner).

[17]Les règles régissant les audiences d'une commission d'évaluation permettaient au public d'avoir accès aux renseignements présentés à ladite commission et de donner ses commentaires à ce sujet (article 29 du Décret). Il était également possible de négocier la participation provinciale à un examen public mené par une commission d'évaluation (alinéa 35c) du Décret). Une fois l'examen terminé, la commission d'évaluation devait remettre au ministre de l'Environnement et au ministre chargé du ministère responsable un rapport contenant ses conclusions et recommandations et les ministres en question devaient rendre ce rapport public (article 31 du Décret).

[18]Les autres responsabilités qui incombaient au ministère responsable sur réception d'un rapport d'une commission d'évaluation sont énoncées à l'article 33 du Décret, dont voici un extrait:

33. (1) Lors d'un examen public, il incombe au ministère responsable:

[. . .]

c) sous réserve du paragraphe (2), de décider, en collaboration avec d'autres ministères, commissions or organismes fédéraux visés par les recommandations de la commission, de la mesure dans laquelle ces recomman-dations devraient devenir des exigences fédérales avant d'autoriser la mise en oeuvre d'une proposition;

d) sous réserve du paragraphe (2), s'assurer, en collaboration avec d'autres organismes responsables, que les décisions prises par les ministres responsables à la lumière des conclusions et des recommandations qu'a formulées une commission à la suite de l'examen public d'une proposition, sont prises en considération dans la conception, la réalisation et l'exploitation de cette proposition et que des programmes appropriés de mise en oeuvre, d'inspection et de surveillance environnementale sont établis.

[. . .]

(2) Lorsque le ministère responsable a un rôle de réglementation à l'égard de la proposition à l'étude, les responsabilités énoncées aux alinéas (1)c), d) [. . .] sont modifiées de façon à tenir compte des décisions de ce ministère et à ne pas y nuire.

[19]Le Décret était en vigueur en 1991, lorsque le Projet du lac McClean a été proposé pour la première fois. De plus, en Saskatchewan, la loi intitulée The Environmental Assessment Act, S.S. 1979-80, ch. E-10.1, était en vigueur. Il n'est pas nécessaire d'examiner de façon détaillée cette loi pour trancher les appels déposés en l'espèce. Il suffit de souligner que les autorités concernées de la Saskatchewan et du Canada ont collaboré dès le départ relativement à la réglementation des activités en litige. Le procureur général de la Saskatchewan est intervenu pour appuyer les appels.

[20]En 1991, une Commission conjointe fédérale- provinciale mixte (la Commission conjointe) a été mise sur pied en application du Décret relativement à un certain nombre de propositions portant sur des mines d'uranium situées dans le nord de la Saskatchewan, y compris le Projet du lac McClean [Projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan: Dominique Janine Extension, McClean Lake Project et Midwest Joint Venture: Rapport de la Commission conjointe fédérale-provinciale d'examen des projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan]. Voici le texte du mandat de cette commission [aux pages 54 à 56]:

MANDAT

1. La commission doit examiner les impacts sur l'environnement, la santé, la sécurité et les activités socio-économiques (ci-après les «impacts») liés aux projets d'aménagement de mines d'uranium (énumérés dans l'appendice A) dans le nord de la Saskatchewan, et elle doit évaluer si ces incidences sont acceptables ou non.

En évaluant le degré d'acceptabilité des projets proposés, la commission doit tenir compte de ce qui suit:

a) l'expérience historique des mines d'uranium actuelles et passées en Saskatchewan;

b) les impacts cumulatifs des exploitations existantes et de projets proposés;

c) les impacts à court et à long terme des projets proposés, comprenant toutes les étapes de la construction, de l'exploitation, de la désaffectation et des étapes ultérieures;

d) l'impact des possibilités d'emploi et des débouchés socio-économiques offerts aux résidents du Nord par les promoteurs, et les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces possibilités;

e) le bien-fondé des mesures proposées par les promoteurs afin de protéger la qualité de l'environnement, de même que la santé et la sécurité des travailleurs, et la question visant à déterminer si l'on peut s'attendre à ce que ces mesures respectent les exigences des lois, des règlements et des politiques en matière de mines d'uranium;

f) la pertinence des systèmes de surveillance, d'application et de respect des lois afin de s'assurer que les mesures nécessaires pour atténuer les impacts néfastes puissent être mises en oeuvre;

g) les avantages que présentent les propositions.

2. La commission doit, à partir de son examen, déterminer si le projet est acceptable ou non.

En concluant qu'un projet est acceptable, la commission peut recommander que des modalités minimales précises, dont les mesures d'atténuation et les autres mesures liées aux impacts examinés par la commission, soient mises en oeuvre là où elle le juge nécessaire à la protection de la santé, de la sécurité et de l'environnement, ou au règlement de préoccupations socio- économiques. La commission peut aussi proposer des mesures qui, d'après elle, rendraient le projet davantage acceptable.

Si la commission conclut que le projet est inacceptable, elle doit fournir les raisons qui motivent sa décision.

3. En assumant son mandat, la commission doit fournir au public la possibilité de participer au processus et d'examiner le dossier.

PROCÉDURES D'EXAMEN

La commission doit consigner les procédures détaillées de l'examen et permettre au public de consulter ce document.

SPÉCIALISTES TECHNIQUES

La commission peut retenir les services de spécialistes techniques indépendants afin de l'aider et de la conseiller relativement aux questions techniques ou socio-économiques complexes, ou les deux, ayant trait à son mandat. Ces spécialistes pourront aussi répondre aux questions des participants au processus d'examen.

ÉTAPES DE L'EXAMEN

L'appendice A renferme la liste des cinq propositions que la commission doit examiner en raison des impacts importants ou inconnus qu'elles peuvent avoir sur l'environnement, ainsi que des préoccupations du public à leur égard.

Si toutes ces propositions en sont à l'étape de la planification, certaines sont plus avancées que d'autres. Des Études d'impact environnemental (EIE) ont été préparées pour les trois premières propositions énumérées dans l'appendice A; une de ces études (visant Dominique-Janine Extension) se rapporte à la mine d'uranium existante, et les deux autres touchent à de nouvelles installations minières pour l'extraction de l'uranium. II reste préparer les documents d'EIE pour les deux dernières propositions énumérées dans l'appendice A. La commission tiendra compte du stade où en est la planification des différents projets afin de déterminer le moment où ils feront l'objet d'un examen.

La commission sollicitera les commentaires du public relativement aux trois EIE disponibles et déterminera le bien-fondé de ces commentaires avant d'entamer les audiences publiques. Une fois satisfaite de I'information recueillie, y compris celle visant les incidences cumulatives, elle pourra fournir un rapport sur un ou plusieurs des projets aux ministres, comme le prévoient les étapes ultérieures du processus d'examen. La commission doit soumettre ses rapports définitifs sur les projets examinés dans les 18 mois suivant sa nomination.

Durant l'examen des deux dernières propositions, la commission tiendra des réunions d'établissement de la portée des incidences afin de susciter les commentaires du public dans les collectivités appropriées et, selon ces commentaires et les opinions de la commission même, elle rédigera des lignes directrices et les remettra aux promoteurs pertinents en vue de l'élaboration des EIE. Les impacts cumulatifs de ces deux propositions seront pris en considération lorsque les documents des EIE auront été soumis. Les étapes de l'examen après la soumission de ces documents à la commission sont décrites ci-dessous. La commission doit présenter ses rapports définitifs sur ces deux propositions dans les 18 mois suivant la réception des EIE des promoteurs.

1. Examen des renseignements recueillis

a) Examen de l'information qui existe actuellement relativement aux incidences de l'industrie des mines d'uranium sur l'environnement, la santé, la sécurité et les activités socio-économiques en Saskatchewan. L'information et les rapports connexes préparés seront mis à la disposition du public.

b) Examen du rendement passé de l'industrie des mines d'uranium pour ce qui est d'offrir des possibilités d'emploi et des débouchés socio-économiques aux habitants du Nord. L'information et les rapports connexes préparés seront mis à la disposition du public.

c) Examen, par la commission, des Études des impacts environnementaux (EIE) présentés par les promoteurs. Les EIE seront aussi mises à la disposition du public qui pourra les examiner et préparer des commentaires écrits à leur sujet.

d) La commission pourra faire appel aux promoteurs, aux organismes techniques des gouvernements fédéral et provincial, à des experts-conseils indépendants et au public pour obtenir de l'information.

2. Si, après avoir examiné l'information décrite ci-dessus et les commentaires du public, la commission estime qu'une EIE n'est pas satisfaisante, elle peut demander au promoteur de lui fournir plus de renseignements.

3. Une fois que la commission est satisfaite des renseignements obtenus, elle doit annoncer la tenue d'audiences publiques sur le projet en question. Si la situation s'y prête bien, les audiences peuvent être structurées de façon à permettre l'examen de plus d'un projet.

Pour favoriser la sensibilisation et la participation du public, la commission tiendra des réunions ou des audiences, ou les deux, dans les collectivités du Nord qui sont touchées par les projets, à Regina, à Saskatoon, ainsi que dans d'autres collectivités de la Saskatchewan où la commission le jugera nécessaire.

4. Après la tenue des audiences publiques, lorsque la commission sera en mesure de présenter un rapport sur ses constatations, conclusions et recommandations visant un projet particulier, elle soumettra son rapport aux ministres fédéraux de l'Environnement et de l'Énergie, des Mines et des Ressources, ainsi qu'au ministre de l'Environnement et de la Sécurité publique de la Saskatchewan.

Dans la mesure du possible, la commission devrait veiller à ce que l'examen opportun d'un projet particulier ne soit pas compromis par des retards accusés dans l'examen d'un autre projet compris dans son mandat.

LIENS AVEC D'AUTRES PROCÉDURES D'ORIENTA-TION

La commission ne doit pas interpréter son mandat de manière à ce qu'il y ait dédoublement du travail effectué par d'autres enquêtes publiques et procédures d'orientation, ou que son attention se focalise sur des questions nationales ou internationales qui ne se rapportent pas directement aux incidences des projets proposés.

Cependant, il est possible que le public soulève des préoccupations qui vont au-delà des incidences examinées par la commission. En pareil cas, elle devra veiller à ce que le public ait une occasion raisonnable d'exprimer ces préoccupations.

APPENDICE A

EIE présentées

1.     Dominique-Janine Extension

Amok Ltd.

2.     South McMahon Lake Project

Midwest Joint Venture (Denison Mines Ltd.)

3.     McClean Lake Project

Minatco Ltd. [remplacée plus tard par Cogema]

EIE en voie de préparation

4.     McArthur River Project

McArthur River Joint Venture (Cameco Corporation)

5.     Cigar Lake Project

Cigar Lake Mining Corporation

[21]Les gisements d'uranium pertinents en l'espèce sont appelés les gisements Sue A, B et C et le gisement JEB, qui devaient être mis en valeur à titre de mines à ciel ouvert. La Commission conjointe a examiné cet aspect du Projet du lac McClean et l'a décrit comme suit dans son premier Rapport, qu'elle a publié en octobre 1993 [à la page 43]:

L'exploitation des puits à ciel ouvert pour les gisements JEB et Sue A, B et C comporterait l'enlèvement des morts-terrains et l'extraction des déchets rocheux, suivi par l'exploitation des zones minéralisées. Une plate-forme de stockage revêtue pour le stockage du minerai se trouverait près du puits JEB. Cette plate-forme serait utilisée pour les opérations minières de tous les gisements. Les déchets rocheux et les morts-terrains seraient placés dans des zones préparées proches des mines à ciel ouvert et pourraient être utilisés plus tard pour les travaux de construction, si les essais indiquent que les matières sont appropriées.

Les puits Sue A, B et C disposeraient d'un site d'évacuation des déchets rocheux, d'une installation de traitement des eaux et de bassins de retenue de l'eau contaminée, ainsi que de bassins de surveillance des eaux traitées.

Le projet de McClean Lake comprend la construction d'une usine de raffinage où le minerai serait traité pour produire du concentré uranifère. Une installation de traitement des eaux serait construite à l'usine de raffinage, située près du puits JEB. Les eaux recueillies par le système de drainage pour la plate-forme de stockage du minerai seraient traitées ici, ainsi que l'eau de mine de JEB, l'eau de ruissellement recueillie, et l'eau d'infiltration des résidus. Elle servirait aussi à traiter les courants de déchets du processus de traitement ainsi que l'eau de décantation des résidus du raffinage. L'eau traitée serait alors pompée jusqu'au lac Sink, pour décharge réglée via le Vulture Lake dans le McClean Lake [. . .]

Les résidus du processus de raffinage seraient évacués dans le puits JEB épuisé, en utilisant le concept d'enceinte semblable. Ceci exigerait d'enlever et de stocker le minerai de JEB pendant que le puits est préparé pour recevoir les résidus.

Les installations auxiliaires comprendraient un magasin et un vestiaire au site Sue; des bureaux, des entrepôts, des magasins, des vestiaires, une centrale électrique, et au site de raffinage des bassins de stockage d'eaux contaminées et des bassins de surveillance de l'eau traitée; des ventilateurs et des radiateurs, des génératrices, des bassins de sédimentation de l'eau de mine, une zone d'évacuation des déchets rocheux et une plate-forme de transfert du minerai à la mine souterraine de McClean Lake: et un camp destiné à recevoir les équipes de construction et de production pour tous les sites, qui serait construit à 800 m de l'installation de raffinage.

Toutes les zones d'activité seront reliées par route et lignes électriques. Des pipelines seront utilisés pour transporter l'eau de la mine souterraine de McClean Lake à l'installation de traitement des eaux Sue, et des usines de traitement Sue et JEB au Sink Lake.

II est proposé que le projet de McClean Lake el de Midwest Joint Venture soient exploités de façon complémentaire, le site de McClean Lake étant développé le premier, et celui de Midwest Joint Venture entrant en production d'ici à 1999. Le minerai du site Midwest serait raffiné à l'installation de JEB; les résidus de l'exploitation Midwest seraient évacués dans le puits JEB épuisé.

[22]La Commission conjointe a reçu de nombreux mémoires, dont des mémoires de l'ICUCEC. La liste des mémoires apparaît à l'annexe D du Rapport [aux pages 58 à 63]. Les mesures que la Commission conjointe a prises, y compris une liste des audiences, figurent à l'annexe C du Rapport [page 57]. Dans le cas du Projet du lac McClean, la Commission conjointe a conclu que ce projet devrait être reporté d'au moins cinq ans et que l'approbation à cette date devrait alors être assujettie à un certain nombre de conditions.

[23]La Commission conjointe était particulièrement préoccupée par le problème de la gestion des résidus. En général, les résidus peuvent être emmagasinés dans des installations souterraines ou des installations au sol. Dans le cas du Projet du lac McClean, la proposition consistait à les enfouir sous terre, dans le puits qui resterait après les travaux d'excavation du gisement JEB. Après la désaffectation de la mine, des installations souterraines seraient nécessaires pour faire dévier la nappe d'eau souterraine autour des résidus, que ce soit par l'aménagement d'une enceinte perméable (rock poreux et gravier) autour des résidus (environnement perméable) ou par l'utilisation de la perméabilité du rock naturel entourant ceux-ci (environnement naturel).

[24]La proposition initiale relative au puits JEB visait l'utilisation de la méthode de l'environnement perméable. La Commission conjointe a commenté cet aspect de la proposition à la page 47 du rapport d'octobre 1993 (souligné dans l'original):

La gestion des résidus peut aussi avoir un impact nuisible important sur la qualité de l'eau de surface en aval du site de la mine. Pour ce projet, on a proposé que le puits JEB épuisé soit utilisé comme enceinte perméable d'évacuation des résidus du raffinage des projets de mines de McClean Lake Project et de Midwest Joint Venture. L'utilisation d'une seule installation pour les résidus des deux projets serait environnementalement avantageuse car elle réduirait la prolifération de tels sites. Le dépôt de résidus dans un puits pourrait réduire la probabilité de contamination de l'eau de surface (mais présente le spectre d'une contamination possible de la nappe phréatique).

Malgré ces avantages théoriques, le public nous a rappelé que la méthode en enceinte perméable pour le confinement des résidus n'a pas encore été testée adéquatement. Le seul autre puits dans le bassin de l'Athabasca, l'installation voisine de Rabbit Lake, n'est pas exploité depuis assez longtemps pour en démontrer la viabilité. La commission est d'avis qu'il serait prudent d'observer l'exploitation de cette installation pendant quelques années encore avant de décider si oui ou non on peut accorder un permis à une autre mine. C'est là l'une des raisons principales pour lesquelles nous recommandons de reporter le démarrage de ce projet d'au moins cinq ans. L'intervalle permettra aux organismes de réglementation d'observer et d'évaluer l'installation de Rabbit Lake; cela fournira aussi indubitablement aux promoteurs de l'information qui pourra servir à améliorer la conception de l'installation JEB.

[25]Le 23 décembre 1993, le ministre des Ressources naturelles a publié une réponse au rapport de la Commission conjointe. À cette date, Cogema avait remplacé le promoteur initial. Le ministre n'a pas accepté la recommandation de la Commission conjointe en ce qui concerne le report de cinq ans du Projet du lac McClean. Il a plutôt autorisé la mise à exécution du projet suivant le processus d'octroi de licences décrit plus haut de la Commission de contrôle. Il était prévu que le processus de la Commission de contrôle s'étalerait sur plusieurs années et permettrait avec le temps de régler toutes les questions que la Commission conjointe avait soulevées en ce qui a trait aux problèmes de gestion des résidus.

[26]La technique finalement retenue pour l'installation de gestion des résidus a été la méthode de l'environnement naturel. Ce choix a été fait par suite d'autres travaux de la Commission conjointe et après lesquels elle a fait paraître son rapport final en novembre 1997 (D.A., vol. VIIIA, pages 1686.5 à 1686.131). Les remarques suivantes figurent aux pages 1 et 2 de ce Rapport [Midwest Uranium Mine Project: Cigar Lake Uranium Mine Project: Observations sommaires: Rapport de la Commission conjointe fédérale-provinciale d'examen des projets d'exploitation de mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan]:

Nous recommandons l'approbation du concept envisagé pour l'élimination des résidus, soit l'enfouissement dans le puits JEB, avec toutefois quelques réserves importantes quant au site en cause. Les futures installations qui seraient aménagées moyennant une technologie respectueuse du milieu naturel représentent un moyen valable d'élimination des déchets parce qu'elles procureraient plusieurs avantages environnementaux par rapport aux autres méthodes. Parmi ces avantages, mentionnons une meilleure protection pour les travailleurs grâce à un enfouissement sous l'eau, une réduction du nombre d'endroits qui subissent une dégradation à cause de l'accumulation des dépôts résiduels provenant de plusieurs gîtes de minerai sur un site donné, l'absence de barrières de retenue artificielles, l'atténuation des problèmes d'érosion ainsi que la protection des résidus dans le puits de mine contre la scarification par les glaciers au cours de la prochaine époque glacière. À la lumière de ces avantages potentiels, nous recommandons l'adoption du concept de l'enfouissement des résidus dans le puits JEB. Toutefois, certains problèmes techniques et administratifs cruciaux reliés à l'emplacement de l'installation de gestion des résidus devront être réglés avant que notre recommandation soit pleine et entière. Au plan technique, mentionnons surtout la nécessité d'obtenir des preuves convaincantes que ce mode d'élimination n'entraînera pas à long terme la contamination du lac Fox. On s'interroge également sur la compétence administrative et scientifique du promoteur et sur son attitude envers les organismes de réglementation.

Nous sommes conscients des implications financières que suppose la résolution de ces problèmes puisque cela risque de retarder considérablement l'octroi d'un permis. Cependant, le désir de maximiser les retombées économiques immédiates résultant de la mise en valeur de cette ressource ne suffit pas à justifier une telle approbation, tant que l'entrepreneur n'aura pas prouvé qu'il a mis en place tous les moyens raisonnables de protection environnementale.

[27]Les recommandations de la Commission conjointe ont subséquemment été prises en compte dans le cadre du processus d'octroi de licences (voir le document 99-53 du membre de la Commission de contrôle, D.A., vol. II, page 1399).

[28]La Commission de contrôle a délivré les licences suivantes à l'égard du Projet du lac McClean:

1994

Licence d'extraction d'installation minière AECB- MFRL-148-2, en vue de la préparation de l'emplacement par l'extraction de la végétation et des matières de surface.

29 juin 1994

Licence de construction d'installation minière AECB- MFCL-169-0 en vue de la construction de toutes les installations auxiliaires de surface nécessaires pour la préparation relative à l'exploitation de quatre mines à ciel ouvert, d'une mine souterraine, d'un broyeur et d'un système de traitement des déchets (D.A., vol. II, page 482).

19 décembre 1994

Licence de construction d'installation minière AECB- MFCL-169-0.1 en vue de modifier le procédé de broyage par l'utilisation du sulphate d'ammonium en remplace-ment d'un acide fort au cours du processus d'extraction par solvant (D.A., vol. II, page 557).

18 septembre 1995

Licence de construction d'installation minière AECB- MFCL-169-0.2, soit une modification de la licence 169-0.1 afin de permettre le décapage de la mine JEB et l'exploitation des installations connexes d'assèchement et de filtration des eaux (D.A., vol. III, page 645).

12 mars 1996

Licence de construction d'installation minière AECB- MFOL-170-0 en vue de permettre l'exploitation de la mine à ciel ouvert JEB et des installations de surface connexes, y compris une usine de filtration des eaux, un système d'assèchement de la mine JEB et le système de gestion des effluents traités Sink/Vulture pour une période de deux ans dès l'obtention de certaines approbations. Date d'expiration: 12 mars 1998 (D.A., vol. III, page 762).

27 février 1997

Licence d'exploitation d'installation minière AECB- MFOL-170-0.1 en vue de permettre la préparation du puits SUE C1 à l'extraction d'uranium et d'exploiter les installations de surface connexes, y compris une usine de filtration des eaux et la canalisation de rejet d'effluents au système de gestion des effluents traités Sink/Vulture pour la période allant du 20 février 1997 au 12 mars 1998. Date d'expiration: 12 mars 1998 (D.A., vol. IV, page 894).

14 août 1998

Licence d'exploitation d'installation minière AECB-MFOL-170-0.3 en vue de permettre les travaux préparatoires à l'aménagement de la galerie d'épuisement des eaux et du système de drainage et de filtration pour l'installation de gestion des résidus au puits JEB (D.A., vol. V, page 1193).

26 mars 1999

Licence d'exploitation d'installation minière AECB-MFOL-170-0.4 en vue de permettre la construction de l'installation de gestion des résidus au puits JEB et des systèmes connexes de traitement des eaux et des résidus. Date d'expiration: 30 septembre 1999 (D.A., vol. VI, page 1383).

21 juin 1999*

La licence en litige dans les présents appels

Licence d'exploitation d'installation minière AECB- MFOL-170-0.5 en vue de permettre l'exploitation du broyeur au puits JEB et de l'installation de gestion des résidus à ce puits. Date d'expiration: 30 juin 2001 (D.A., vol. VII, page 1631).

9 novembre 1999

Licence d'exploitation d'installation minière AECB- MFOL-170-0.6 en vue de permettre l'exploitation des mines à ciel ouvert SUE et le traitement du minerai extrait des puits SUE et JEB au broyeur du lac McClean ainsi que l'élimination des résidus à l'installation de gestion des résidus au puits JEB.

29 mai 2000

Licence d'exploitation d'installation minière AECB- MFOL-170-0.7 en vue de permettre l'exploitation du broyeur JEB et de l'installation de gestion des résidus au puits JEB, y compris l'emmagasinage des résidus à l'installation de gestion en question ainsi que l'exploitation des puits SUE et des systèmes connexes de gestion du minerai et des résidus et de traitement des effluents. Cette licence était semblable à la licence précédente, mais comportait certaines conditions visant à faciliter le respect des accords internationaux liés aux mesures de protection des substances nucléaires. Date d'expiration: 30 juin 2001 (D.A., vol. XI, page 2027).

[29]En 2001, après l'entrée en vigueur du Règlement sur les mines et les usines de concentration d'uranium, la Commission de sûreté a délivré deux autres licences à Cogema à l'égard du Projet du lac McClean. La première était la licence d'exploitation de mine d'uranium UMOL-MINEMILL-McCLEAN.08/2001, délivrée le 25 juin 2001, qui a été en vigueur du 1er juillet 2001 au 31 août 2001. Cette licence avait essentiellement pour effet de prolonger la durée de la dernière licence délivrée par la Commission de contrôle (AECB-MFOL-170-0.7).

[30]Le 23 août 2001, la Commission de sûreté a délivré la licence d'exploitation de mine d'uranium UMOL-MINEMILL-McCLEAN.09/2005 qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2001 et doit expirer le 31 août 2005 (D.A., vol. XI, pages 2042 à 2054 et 2078 à 2091). Le Projet du lac McClean, y compris l'installation de gestion des résidus JEB, est actuellement exploité en vertu de cette licence.

[31]La LCEE a été édictée en 1992 en vue de remplacer le Décret par un régime différent en matière d'évaluation environnementale. Les dispositions de fond de la LCEE sont entrées en vigueur le 19 janvier 1995 (TR/95-11), après la délivrance de la deuxième licence de construction relative au Projet du lac McClean (AECB-MFCL-169-0.1) et avant la délivrance de la première licence d'exploitation (AECB-MFOL-170-0).

[32]L'objet de la LCEE est énoncé à l'article 4 [mod. par L.C. 1994, ch. 46, art. 1] en ces termes:

4. La présente loi a pour objet:

a) de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l'égard de tout projet susceptible d'avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets;

b) d'inciter ces autorités à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l'environnement et à la santé de l'économie;

b.1) de faire en sorte que les autorités responsables s'acquittent de leurs obligations afin d'éviter tout double emploi dans le processus d'évaluation environnementale;

c) de faire en sorte que les éventuels effets environnementaux négatifs importants des projets devant être réalisés dans les limites du Canada ou du territoire domanial ne débordent pas ces limites;

d) de veiller à ce que le public ait la possibilité de participer au processus d'évaluation environnementale.

[33]Pour l'examen des appels déposés en l'espèce, il n'est pas nécessaire de relever les différences entre les procédures d'évaluation environnementale et d'examen public exigées par la LCEE et celles que prévoit le Décret. Il n'est pas allégué que le Décret comporte des lacunes majeures ou qu'un problème environnemental associé au Projet McClean a été ignoré ou n'a pas été relevé en raison de l'application du Décret plutôt que la LCEE.

[34]La LCEE comporte une disposition transitoire dont voici le libellé:

74. (1) Le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement approuvé par le décret C.P. 1984-2132 du 21 juin 1984 et enregistré sous le numéro DORS/84-467 continue de s'appliquer aux examens publics qui y sont visés et pour lesquels les membres de la commission d'évaluation environnementale ont été nommés sous son régime avant l'entrée en vigueur du présent article.

(2) Le décret visé au paragraphe (1) continue de s'appliquer aux examens préalables ou aux évaluations initiales commencés sous son régime avant l'entrée en vigueur du présent article, jusqu'au moment où, le cas échéant, une proposition est soumise au ministre pour examen public aux termes de l'article 20 du décret, auquel cas la présente loi commence de s'appliquer et le ministre peut prendre une décision aux termes de l'article 29.

(3) Dans le cas où un promoteur propose la réalisation de tout ou partie d'un projet à l'égard duquel l'examen préalable ou l'évaluation initiale a été effectuée sous le régime du décret visé au paragraphe (1), l'autorité responsable peut utiliser le rapport de l'examen ou de l'évaluation, ou en permettre l'utilisation, dans la mesure appropriée pour l'observation des articles 18 ou 21 dans chacun des cas suivants:

a) le projet n'a pas été réalisé après l'achèvement de l'évaluation;

b) le promoteur d'un projet lié à un ouvrage en propose une réalisation différente de celle qui était proposée au moment de l'évaluation;

c) les modalités de réalisation du projet sont nouvelles;

d) la présentation d'une demande de renouvellement d'un permis, d'une licence, d'une autorisation ou d'une autre mesure en vertu d'une disposition désignée par règlement.

(4) Dans les cas où la construction ou l'exploitation d'un ouvrage ou la réalisation d'une activité concrète a été entamée avant le 22 juin 1984, la présente loi ne s'applique à la délivrance ou au renouvellement d'une licence, d'un permis, d'une autorisation ou à la prise d'une autre mesure en vertu d'une disposition désignée par règlement à l'égard du projet que si telle mesure entraîne la modification, la désaffectation ou la fermeture d'un ouvrage en tout ou en partie.

[35]La deuxième licence qu'a délivrée la Commission de sûreté en 2001 en application du Règlement sur les mines et les usines de concentration d'uranium, UMOL-MINEMILL-McCLEAN.09/2005, a fait l'objet d'un rapport d'examen préalable en vertu de la LCEE, parce que Cogema souhaitait produire jusqu'à 8 000 000 de livres de concentré d'uranium par année, ce qui représentait une augmentation pouvant atteindre 2 000 000 de livres par année comparativement à la capacité qu'avait étudiée la Commission conjointe mise sur pied en vertu du Décret. Si j'ai bien compris, le «projet» visé par ce rapport n'était pas le Projet du lac McClean en soi, mais uniquement l'augmentation de la production. La Commission de sûreté a conclu, conformément à l'alinéa 20(1)a) de la LCEE, que «la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation [. . .] d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants» (D.A., vol. XI, page 2072). En conséquence, la proposition relative à l'augmentation de la production n'a pas été renvoyée au ministre pour que celui-ci la soumette à un médiateur ou à une commission d'évaluation conformément à l'article 29 de la LCEE. La décision de délivrer la licence UMOL-MINEMILL- McCLEAN.09/2005 a été prise le 9 août 2001 et n'a pas été contestée.

La demande de contrôle judiciaire

[36]Le 19 juillet 1999, l'ICUCEC a engagé une demande de contrôle judiciaire afin de contester la décision datée du 21 juin 1999 par laquelle la Commission de contrôle a délivré la licence 0.5. La demande a été entendue le 12 septembre 2002, après la date d'expiration de cette licence et pendant la durée de la licence d'exploitation actuellement en vigueur, soit la licence UMOL-MINEMILL-McCLEAN.09/2005.

[37]La licence 0.5 a été contestée au motif qu'elle n'a pas été précédée d'un rapport d'examen préalable ou d'une évaluation environnementale en vertu de la LCEE. Le juge a conclu que la contestation était bien fondée et que la licence était invalide, pour les motifs exposés au paragraphe 72 de sa décision:

Le point de droit à décider dans la présente affaire est le suivant: La LCEE est-elle applicable au Projet du lac McClean? Je dois répondre par l'affirmative. Je reconnais que la CCEA a consacré beaucoup d'efforts à la surveillance du projet et qu'elle a l'assurance que, dans l'application de ses processus réglementaires, toute l'attention voulue a été donnée aux questions de santé et de sécurité, ainsi qu'à la protection de l'environnement. Cependant, je crois que les dispositions de la LCEE sont impératives et qu'elles doivent donc être observées.

[38]Les appelantes avaient soutenu devant la Cour fédérale que le paragraphe 74(1) de la LCEE constitue un moyen de défense complet à l'égard de l'allégation selon laquelle la Commission de contrôle devait procéder à un examen préalable ou à une évaluation supplémentaire conformément à la LCEE avant de délivrer la licence 0.5. Le juge a rejeté cet argument, même s'il a reconnu au paragraphe 35 de ses motifs que la Commission conjointe a tenu compte de l'exploitation de l'installation de gestion des résidus au puits JEB.

[39]Il est évident que le paragraphe 74(1) entre en jeu en l'espèce, parce qu'une commission d'évaluation a été mise sur pied à l'égard du Projet du lac McClean conformément au Décret, avant l'entrée en vigueur de la LCEE. Toutefois, le juge a ajouté que la LCEE devait également être respectée (paragraphe 42 de ses motifs):

Selon le paragraphe 74(1), lorsqu'une proposition a été soumise au ministre et qu'une commission a été nommée en vertu du Décret sur les lignes directrices avant l'entrée en vigueur de la LCEE, la commission doit aller de l'avant et effectuer son travail selon le Décret, même si la LCEE est en vigueur. Il importe de noter à cet égard que les dispositions transitoires n'indiquent nulle part ce qui arrive après que la commission a rempli son mandat. À mon avis, puisque la LCEE est en vigueur à ce moment-là, c'est la LCEE qui est applicable.

Commentaires

[40]La question préliminaire à trancher en l'espèce est de savoir si, comme le soutiennent la Commission de contrôle et Cogema, le juge a commis une erreur lorsqu'il a conclu que le paragraphe 74(1) de la LCEE ne libérait pas la Commission de contrôle de l'obligation d'exiger un examen préalable ou une évaluation environnementale en application de la LCEE avant de délivrer la licence 0.5. Il s'agit d'une question d'interprétation législative à laquelle s'applique la norme de la décision correcte.

[41]L'article 74 de la LCEE décrit la transition du régime prévu au Décret à celui de la LCEE. Voici à nouveau le texte du paragraphe 74(1):

74. (1) Le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement approuvé par le décret C.P. 1984-2132 du 21 juin 1984 et enregistré sous le numéro DORS/84-467 continue de s'appliquer aux examens publics qui y sont visés et pour lesquels les membres de la commission d'évaluation environnementale ont été nommés sous son régime avant l'entrée en vigueur du présent article.

[42]Je ne suis pas d'accord avec le juge lorsqu'il dit que l'absence, au paragraphe 74(1), de précisions au sujet de ce qui arrive après que la commission d'évaluation a rempli son mandat en vertu du Décret indique que la procédure exigée par la LCEE doit être suivie à l'égard du même projet. À mon avis, il y a lieu d'accepter l'interprétation qu'ont proposée la Commission de contrôle et Cogema au sujet du paragraphe 74(1), parce que cette interprétation est compatible tant avec le texte de cette disposition qu'avec l'objet qu'elle vise.

[43]Le paragraphe 74(1) énonce que le Décret «continue de s'appliquer» (shall continue to apply) à l'égard de toute proposition pour laquelle une commission d'évaluation a été mise sur pied. Aucune restriction n'est prévue quant à cette application. En revanche, le paragraphe 74(2) prévoit que le Décret continue de s'appliquer aux examens préalables ou aux évaluations initiales jusqu'à ce qu'une proposition soit soumise pour examen public, auquel cas «la présente loi [LCEE] commence de s'appliquer». Contrairement au paragraphe 74(2), le paragraphe 74(1) ne doit pas tenir compte d'une modification du suivi engendrée par la transition du Décret à la LCEE, parce que l'achèvement des travaux d'une commission d'évaluation nommée en vertu du Décret marque la fin du processus d'examen environnemental relatif à la proposition que celle-ci examine et le début du processus relatif à la mise en oeuvre de ladite proposition, y compris la prise des décisions nécessaires en vertu des contrôles réglementaires applicables. Il ne serait pas utile d'exiger une autre évaluation environnementale en vertu de la LCEE à ce stade. Étant donné que le libellé du paragraphe 74(1) n'exige pas cette conclusion, il ne devrait pas être interprété de cette façon.

[44]L'objet du paragraphe 74(1), lu dans le contexte du reste de l'article 74 et d'autres dispositions de la LCEE, appuie également l'interprétation qu'ont proposée la Commission de contrôle et Cogema. Le paragraphe 74(1) est une disposition transitoire et vise donc à assurer la transition en bonne et due forme d'un régime législatif à un autre. Selon la professeure Ruth Sullivan, les valeurs qui sous-tendent les dispositions législatives transitoires sont [traduction] «la certitude, la prévisibilité, la stabilité, la rationalité et l'égalité formelle» (Driedger and Sullivan on the Construction of Statutes, 4e éd., Toronto: Butterworths, 2002, aux pages 544 et 545). Elle poursuit en ces termes:

[traduction] [. . .] il n'est pas équitable de prendre les gens par surprise. Il est injuste de fixer des règles, d'inviter les personnes à se fier à ces règles et de modifier celles-ci en cours de route, surtout lorsque le changement se traduit par des conséquences négatives.

[45]Interpréter le paragraphe 74(1) comme une disposition exigeant une deuxième évaluation environnementale vertu de la LCEE a pour effet de rendre inutile le processus découlant du Décret et d'exiger que les travaux de la Commission conjointe soient refaits une fois la planification terminée. Ce résultat n'est pas compatible avec l'objectif du paragraphe 74(1) en tant que disposition législative transitoire.

[46]Ce résultat n'est pas compatible non plus avec deux des grands objectifs de la LCEE, soit éviter le double emploi (voir l'alinéa 4b.1) précité) et veiller à ce que les décideurs gouvernementaux examinent les questions environnementales tôt dans le cadre de la planification des projets, l'évaluation environnementale devant être perçue comme un outil de planification: arrêt Friends of the Oldman River (précité), au paragraphe 71. Le paragraphe 11(1) de la LCEE est ainsi libellé:

11. (1) Dans le cas où l'évaluation environnementale d'un projet est obligatoire, l'autorité fédérale visée à l'article 5 veille à ce que l'évaluation environnementale soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable, et est appelée, dans la présente loi, l'autorité responsable de ce projet.

[47]Cela ne veut pas dire que la fin des travaux de la Commission conjointe signifie la fin de l'ensemble des activités d'examen environnemental pour le Projet du lac McClean. Les questions environnementales doivent être examinées relativement à chaque licence délivrée en application du Règlement sur les mines d'uranium et de thorium et du règlement qui le remplace, soit le Règlement sur les mines et les usines de concentration d'uranium. Qui plus est, le processus d'examen préalable et d'évaluation environnementale prévu par la LCEE pourra être déclenché plus tard si le paragraphe 74(3) de cette Loi s'applique. Tel serait le cas, notamment, si une proposition ayant pour but d'entreprendre une activité liée au Projet du lac McClean qui n'était pas visée par le mandat de la Commission conjointe était présentée (comme l'augmentation de la production proposée que la Commission de sûreté a autorisée en 2001, mais que la Commission conjointe mise sur pied en vertu du Décret n'avait pas examinée).

[48]L'ICUCEC craint qu'en raison d'une interprétation trop restrictive du paragraphe 74(1) de la LCEE, il n'y ait pas de nouvelle évaluation environnementale lorsque le Projet du lac McClean sera finalement déclassé dans plusieurs années. Cette crainte est purement hypothétique à ce stade-ci. La question de savoir si une nouvelle évaluation environnementale sera nécessaire aux fins de la délivrance d'une licence de déclassement dépendra des circonstances qui existeront à ce moment-là et de la proposition qui sera présentée à la Commission de sûreté dans la demande de licence de cette nature.

[49]L'ICUCEC a également soutenu que le paragraphe 74(1) de la LCEE ne s'applique pas, parce que l'actuel Projet du lac McClean n'est pas la même «proposition» que celle que la Commission conjointe a étudiée en vertu du Décret. L'ICUCEC souligne plusieurs modifications apportées au Projet depuis 1993, dont une modification du promoteur et du propriétaire majoritaire, des changements touchant la conception, la découverte de nouvelles menaces pour l'environnement découlant de l'arsenic, l'existence d'une étude scientifique indiquant que des contaminants radioactifs peuvent migrer sur de longues distances dans la nappe d'eau souterraine plus rapidement que ce qui était cru à l'origine, l'adoption d'un nouveau régime de réglementation concernant les critères relatifs à la qualité de l'eau en ce qui a trait à l'arsenic et l'ajout des radionucléides provenant des usines de concentration d'uranium à la Liste des substances toxiques qui figure à l'annexe I de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33. À mon avis, aucun de ces changements n'a pour effet de transformer le Projet du lac McClean en nouvelle proposition. La Commission conjointe a reconnu que des changements scientifiques et technologiques surviendraient pendant la durée du Projet et qu'il appartiendrait à la Commission de contrôle d'évaluer les effets de ces changements dans le contexte de ses responsabilités en matière d'octroi de licences.

[50]L'ICUCEC se fonde sur l'avis honnête de ses membres en ce qui concerne les effets néfastes de l'extraction minière de l'uranium. Cependant, elle sollicite une nouvelle évaluation environnementale à l'égard d'un projet qui a déjà fait l'objet d'un examen minutieux en vertu du Décret. Le régime législatif de la LCEE n'exige pas un second examen de cette nature.

[51]Étant donné que le paragraphe 74(1) de la LCEE permet de trancher les appels déposés en l'espèce ainsi que la demande de contrôle judiciaire, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres arguments que les appelantes ont invoqués.

[52]J'accueille les appels, j'infirme l'ordonnance de la Cour fédérale en date du 23 septembre 2002 et je rejette la demande de contrôle judiciaire. Cogema obtient ses dépens devant la Cour d'appel fédérale et la Cour fédérale. Les avocats de la Commission de contrôle ont souligné que celle-ci ne sollicite pas de dépens.

Le juge en chef Richard: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Rothstein, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

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