IMM-377-02
2004 CF 1356
Nasrullah Zazai (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)
Répertorié: Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F.)
Cour fédérale, juge Layden-Stevenson--Toronto, 12 août; Ottawa, 1er octobre 2004.
Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Personnes interdites de territoire -- Contrôle judiciaire d'une mesure d'expulsion prise à l'endroit du demandeur -- Le demandeur, citoyen de l'Afghanistan, a présenté une demande d'établissement en tant que demandeur non reconnu du statut de réfugié (DNRSR) au Canada à la suite d'une décision établissant qu'il était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention prévue par l'art. 2(1) de la Loi sur l'immigration compte tenu de l'Art. 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (clause d'exclusion à l'égard des crimes contre l'humanité) -- L'enquête de l'arbitre à l'égard de la demande présentée en tant que DNRSR l'a convaincue que le demandeur appartenait à une catégorie non admissible décrite à l'art. 27(2)a) de la Loi sur l'immigration associé à l'art. 19(1)j) de la Loi (interdisant l'admission de personnes dont on peut penser pour des motifs raisonnables qu'elles ont commis une infraction visée par la Loi sur les crimes de guerre) -- Les conclusions quant à la crédibilité tirées par l'arbitre, ainsi que les conclusions se rapportant au KHAD (organisation se livrant à des crimes contre l'humanité), n'étaient pas déraisonnables -- Quant à la question de savoir si le concept de complicité dans la perpétration de crimes contre l'humanité développé dans le contexte de l'exclusion en tant que réfugié est applicable aux dispositions de la Loi se rapportant à l'interdiction de territoire, la C.A.F. a de façon constante reconnu que la clause d'exclusion est analogue à l'art. 19(1)j) de la Loi -- Les dispositions relatives à l'association qui se trouvent dans le Code criminel, y compris celles relatives au fait d'aider et d'encourager, s'appliquent à la Loi sur les crimes de guerre en raison de l'art. 34 de la Loi d'interprétation -- Compte tenu de la définition de «crime contre l'humanité», à l'art. 6(3) de la Loi sur les crimes de guerre, la jurisprudence de la Cour qui définit la complicité est applicable à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire -- Demande rejetée -- Question certifiée quant à savoir si l'expression «crimes contre l'humanité» vise la complicité de ces crimes.
Interprétation des lois -- Contrôle judiciaire de la mesure d'expulsion prise à l'endroit du demandeur -- Le demandeur, citoyen de l'Afghanistan, a présenté une demande d'établissement en tant que demandeur non reconnu du statut de réfugié (DNRSR) au Canada à la suite d'une décision établissant qu'il était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention (art. 2(1) de la Loi sur l'immigration) compte tenu de l'Art. 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (clause d'exclusion à l'égard des crimes contre l'humanité) -- L'enquête de l'arbitre à l'égard de la demande présentée en tant que DNRSR l'a convaincue que le demandeur appartenait à une catégorie non admissible décrite à l'art. 27(2)a) de la Loi sur l'immigration associé à l'art. 19(1)j) de la Loi (interdisant l'admission de personnes dont on peut penser pour des motifs raisonnables qu'elles ont commis des crimes contre l'humanité) -- Il s'agit de savoir si le concept de complicité développé dans le contexte de l'exclusion en tant que réfugié est applicable à l'art. 19(1)j) de la Loi -- La C.A.F. a de façon constante reconnu que la clause d'exclusion est analogue à l'art. 19(1)j) de la Loi dont l'objectif doit être lu dans le contexte de l'objectif fondamental de la politique en matière d'immigration énoncé à l'art. 3 de la Loi -- La présomption de cohérence en interprétation législative exige qu'il n'y ait pas d'incohérences dans la loi elle-même -- À cet égard, il est inconcevable que le législateur ait eu l'intention d'exclure, sur le fondement de la clause d'exclusion, un individu qui peut autrement avoir le droit d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention et, en même temps, d'accorder à cet individu le statut de résident permanent malgré la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire sur le fondement que la jurisprudence se rapportant à la disposition à l'égard de l'exclusion ne s'applique pas à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire -- L'art. 34 de la Loi d'interprétation prévoit que lorsqu'un texte crée une infraction, les dispositions du Code criminel relatives aux actes criminels s'appliquent aux actes criminels prévus par le texte -- Par conséquent, les dispositions relatives au fait d'aider et d'encourager dans le Code criminel s'appliquent à la Loi sur les crimes de guerre.
Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire d'une mesure d'expulsion prise à l'endroit du demandeur le 17 janvier 2002. Le demandeur, citoyen de l'Afghanistan, est entré au Canada en tant que passager clandestin et le 10 août 1995 la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'il était exclu de la définition de «réfugié au sens de la Convention» prévue par le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration compte tenu de l'alinéa Fa) de l'article premier (la clause d'exclusion) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention). La SSR a conclu qu'il y avait des raisons sérieuses de penser qu'il avait commis des crimes contre l'humanité compte tenu de son témoignage selon lequel il avait été membre de la direction du KHAD, un service de renseignements secrets qui commettait des crimes contre l'humanité. Une demande d'autorisation présentée à l'égard de cette décision a été rejetée et le demandeur a présenté une demande d'établissement en tant que demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada. Une enquête a été tenue devant une arbitre qui était convaincue que le demandeur appartenait à une catégorie non admissible décrite à l'alinéa 27(2)a) associé à l'alinéa 19(1)j) (interdisant l'admission de personnes dont on peut penser pour des motifs raisonnables qu'elles ont commis une infraction visée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre) de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, l'arbitre a conclu que le demandeur devait faire l'objet d'une mesure d'expulsion. L'arbitre a signé une telle mesure et le demandeur a présenté une demande d'autorisation de contrôle judiciaire à la Section de première instance de la Cour fédérale (comme elle était alors constituée). La demande a été accueillie, mais le 2 mars 2004, la Cour d'appel fédérale a accueilli un appel de l'ordonnance rendue par le juge qui avait entendu la demande de contrôle judiciaire, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire à la Cour fédérale afin qu'elle statue à nouveau sur l'affaire. C'est cette affaire qui était maintenant devant la Cour. Le demandeur prétendait que l'arbitre a commis une erreur lorsqu'elle a tiré ses conclusions quant à la crédibilité et que le concept de complicité dans la perpétration de crimes contre l'humanité du fait de l'appartenance à une organisation qui vise des fins limitées et brutales, concept qui a sa source en droit relatif aux réfugiés, ne s'applique pas aux dispositions de la Loi qui se rapportent à l'admissibilité.
Jugement: la demande doit être rejetée.
Au début de l'audience, la Cour a mentionné que suivant le paragraphe 348(6) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, le contrôle judiciaire devait être tranché suivant les dispositions de l'ancienne loi.
Quant à la crédibilité, et aux prétendues incohérences, il était loisible à l'arbitre de faire les commentaires qu'elle a faits et de rendre les décisions qu'elle a rendues et rien ne laisse penser que ces commentaires et ces décisions soient jugés déraisonnables. À l'égard de la preuve se rapportant au KHAD, et à l'appartenance du demandeur à ce groupe, la Cour n'était pas convaincue que l'arbitre, qui n'a accepté ni la preuve fournie dans le plus récent affidavit du demandeur, ni la preuve des témoins, et qui a fourni les motifs de rejet de cette preuve, a commis une erreur qui justifierait que la Cour intervienne.
Le demandeur prétendait que la jurisprudence de la C.A.F. à l'égard de la complicité dans la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité (crimes internationaux) développée dans le contexte de l'exclusion de la définition de réfugié ne s'applique pas à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire suivant l'alinéa 19(1)j) de la Loi. Selon le demandeur, le critère à l'égard de l'admissibilité est le même que celui suivant l'alinéa 19(1)c.1) de la Loi qui traite de grande criminalité et l'arbitre était tenue d'effectuer une analyse d'équivalence similaire à celle entreprise suivant l'alinéa 19(1)c.1), c'est-à-dire de rendre une décision sur la question de savoir s'il existe des motifs raisonnables permettant de conclure qu'il avait commis une infraction équivalant à une infraction ou à un crime particulier prévu par les articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes de guerre.
La Cour a rejeté ces prétentions. La C.A.F. a de façon constante reconnu que la clause d'exclusion est analogue à l'alinéa 19(1)j). L'objectif de cet alinéa doit être lu dans le contexte de l'objectif fondamental de la politique en matière d'immigration énoncé à l'article 3 de la Loi. Cet objectif est de promouvoir les intérêts du Canada sur les plans intérieur et international en reconnaissant le besoin, entre autres choses, de maintenir et de garantir la santé, la sécurité et l'ordre public au Canada. Compte tenu de la présomption de cohérence en interprétation législative, qui exige qu'il n'y ait pas d'incohérences dans la loi elle-même, il est inconcevable que le législateur ait eu l'intention d'exclure un individu qui--en l'absence de raisons sérieuses de penser qu'il a commis des crimes internationaux--peut autrement avoir le droit d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention et, en même temps, de permettre à cet individu de présenter une demande de statut de résident permanent et d'obtenir ce statut--malgré la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire--sur le fondement que la jurisprudence se rapportant à la disposition à l'égard de l'exclusion ne s'applique pas à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire.
L'alinéa 19(1)j) entraîne un renvoi aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes de guerre. Le demandeur prétendait que, en omettant de mentionner les mots «aide» et «encouragement» à l'article 6 de la Loi sur les crimes de guerre, contrairement à l'ancienne disposition, le législateur avait l'intention de les exclure et, par conséquent, il devait être démontré qu'il a commis à l'étranger un acte qui constituerait une infraction s'il était commis au Canada. La Cour a conclu que cette prétention était faible étant donné que l'article 34 de la Loi d'interprétation prévoit que lorsqu'un texte crée une infraction, les dispositions du Code criminel relatives aux actes criminels s'appliquent aux actes criminels prévus par le texte. Par conséquent, les dispositions relatives à l'association qui se trouvent dans le Code criminel-- y compris celles relatives au fait d'aider et d'encourager--s'appliquent à la Loi sur les crimes de guerre. À cet égard, il est inexact de dire que les «complices» autres que ceux mentionnés au paragraphe 6(1.1) de la Loi sur les crimes de guerre ne sont pas visés par ses dispositions. La définition de «crime contre l'humanité», au paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes de guerre, requiert expressément qu'il s'agisse d'«un crime contre l'humanité selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu». Par conséquent, la jurisprudence de la Cour qui définit la complicité, quoique développée dans le contexte de la clause d'exclusion, s'applique de la même façon à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire.
Quant à l'analyse d'équivalence qui doit être effectuée à l'égard de l'alinéa 19(1)j), elle est différente de celle proposée par le demandeur. Elle consiste, premièrement, à prendre en compte les actes qui sont soi-disant survenus à l'extérieur du Canada et à les examiner et, deuxièmement, à établir si ces actes sont visés par l'article 6 de la Loi sur les crimes de guerre. Dans la présente affaire, l'arbitre a tranché qu'ils l'étaient.
Cela a réglé les arguments avancés par le demandeur étant donné qu'il n'a pas prétendu--en tenant pour acquis que la jurisprudence à l'égard de la complicité dans le contexte de la disposition à l'égard de l'exclusion s'applique à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire--que l'arbitre a commis une erreur.
La question suivante a été certifiée: La définition de «crime contre l'humanité» figurant au paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre vise-t-elle le fait d'être complice de ces crimes?
lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 7(3.71) (édicté par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 1), (3.72) (édicté, idem), (3.73) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 1, art. 58), (3.74) (édicté par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 1), (3.75) (édicté, idem), (3.76) (édicté, idem), (3.77) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 1, art. 60), 21.
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36, art. 4. |
Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, Art. 1Fa), 1Fc). |
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 34. |
Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24, art. 4, 5, 6, 7. |
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) «réfugié au sens de la Convention» (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1), 3 (mod., idem, art. 2), 19(1)c) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), c.1) (édicté, idem; 1995, ch. 15, art. 2), c.2) (édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11; 1996, ch. 19, art. 83), j) (mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 55), 27(2) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 16), (3) (mod., idem), 32(6) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 11). |
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 35(1)a), 36, 190. |
Principes du droit international consacrés par le statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal, adoptés par la Commission du droit international, 1950, Doc. NU A/1316/82 (1950), Principe VII. |
Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 15, 348(6). |
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Doc. NU A/CONF. 183/9 (1998), art. 6, 7, 8(2). |
Statut du Tribunal militaire international, annexe de l'Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe, 8 août 1945, 82 R.T.N.U. 279, art. 6. |
jurisprudence citée
décisions examinées:
Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 639; [2003] A.C.F. no 831 (QL); Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 36 Imm. L.R. (3d) 167; 318 N.R. 365; 2004 CAF 89; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; (1998), 11 Admin. L.R. (3d) 130; Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306; (1992), 89 D.L.R. (4th) 173; 135 N.R. 390 (C.A.); Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298; (1993), 107 D.L.R. (4th) 424; 21 Imm. L.R. (2d) 221; 159 N.R. 210 (C.A.); Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433; (1993), 163 N.R. 197 (C.A.); Bazargan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 205 N.R. 282 (C.A.F.); Penate c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 79; (1993), 71 F.T.R. 171 (1re inst.); Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; (1992), 90 D.L.R. (4th) 289; 2 Admin. L.R. (2d) 125; 72 C.C.C. (3d) 214; 8 C.R.R. (2d) 234; 16 Imm. L.R. (2d) 1; 135 N.R. 161; Yuen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 195 D.L.R. (4th) 625; 12 Imm. L.R. (3d) 208; 267 N.R. 87 (C.A.F.); Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 761; (2003), 229 D.L.R. (4th) 235; 32 Imm. L.R. (3d) 1; 307 N.R. 201; 2003 CAF 178; 2003 CAF 178; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; (1998), 36 O.R. (3d) 418; 154 D.L.R. (4th) 193; 50 C.B.R. (3d) 163; 33 C.C.E.L. (2d) 173; 221 N.R. 241; 106 O.A.C. 1; Murillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 287; (2002), 29 Imm. L.R. (3d) 293; 2003 CFPI 1240.
décisions citées:
Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 D.L.R. (4th) 165; 17 Admin. L.R. (3d) 11; 49 Imm. L.R. (2d) 161; 240 N.R. 376 (C.A.F.); Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); Lai c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 906 (C.A.F.) (QL); Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 3 C.F. 646; (1994), 115 D.L.R. (4th) 403; 24 Imm. L.R. (2d) 229; 170 N.R. 302 (C.A.); Sumaida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 66; (2000), 183 D.L.R. (4th) 713; 179 F.T.R. 148; 3 Imm. L.R. (3d) 169; 252 N.R. 380 (C.A.); Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 238 F.T.R. 194; 27 Imm. L.R. (3d) 1; 302 N.R. 178; 2003 CAF 39; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 1 R.C.F. 3; (2003), 232 D.L.R. (4th) 75; 31 Imm. L.R. (3d) 159; 309 N.R. 14; 2003 CAF 325; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297; (2000), 195 D.L.R. (4th) 422; 265 N.R. 121 (C.A.); Qu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 3; (2001), 18 Imm. L.R. (3d) 288; 284 N.R. 201; 2001 CAF 399; Andeel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 240 F.T.R. 1; 33 Imm. L.R. (3d) 36; 2003 CF 1085; Gariev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 531; [2004] A.C.F. no 657 (QL); Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779; (1991), 84 D.L.R. (4th) 438; 67 C.C.C. (3d) 1; 8 C.R. (4th) 1; 6 C.R.R. (2d) 193; 129 N.R. 81; Rudolph c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 653; (1992), 91 D.L.R. (4th) 686; 73 C.C.C. (3d) 442; 14 C.R. (4th) 169; 142 N.R. 62 (C.A.); Figueroa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 181 F.T.R. 242 (C.F. 1re inst.).
doctrine citée
Sullivan, Ruth. Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed. Toronto: Butterworths, 2002.
DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision d'une arbitre ([2002] D.S.Arb.I. no 3 (QL)) établissant que le demandeur était exclu de la définition de «réfugié au sens de la Convention» suivant l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et ordonnant qu'il soit expulsé. Demande rejetée.
ont comparu:
Lorne Waldman pour le demandeur.
Marcel R. Larouche pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Waldman & Associates, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
[1]La juge Layden-Stevenson.: M. Zazai vit au Canada depuis le 17 novembre 1993. Une mesure d'expulsion a été prise à son endroit le 17 janvier 2002. Il prétend que la mesure d'expulsion n'aurait pas dû être prise.
LE CONTEXTE PROCÉDURAL ET FACTUEL
[2]Citoyen de l'Afghanistan, M. Zazai est entré au Canada en tant que passager clandestin. Il a revendiqué le statut de réfugié après son arrivée au port de Montréal. Son formulaire sur les renseignements personnels (FRP) a été rempli le 11 février 1994 et son audience devant la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a eu lieu le 11 octobre 1994 et le 22 mars 1995. Le 10 août 1995, la SSR a conclu que M. Zazai était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention--prévue par le paragraphe 2(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi)--compte tenu de l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés [28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] (la Convention). Le tribunal a conclu qu'il y avait des raisons sérieuses de penser qu'il avait commis des crimes contre l'humanité. La demande d'autorisation de M. Zazai présentée à l'égard de la décision rendue par la SSR a été rejetée le 5 janvier 1996.
[3]Le 10 octobre 1996, il a présenté une demande d'établissement en tant que demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada. Un rapport suivant le paragraphe 27(2) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 16] de la Loi a été préparé et, suivant le paragraphe 27(3) [mod., idem], la tenue d'une enquête a été ordonnée le 8 décembre 2000. L'enquête a été tenue devant une arbitre le 26 juin 2001, le 26 octobre 2001 et le 16 janvier 2002 [Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] D.S.Arb.I. no 3 (QL)]. L'arbitre était convaincue que l'allégation--selon laquelle M. Zazai était une personne décrite à l'alinéa 27(2)a) associé à l'alinéa 19(1)j) [mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 55] de la Loi--avait été prouvée. Par conséquent, l'arbitre a conclu que le demandeur devait faire l'objet d'une mesure d'expulsion suivant le paragraphe 32(6) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 11] de la Loi. La mesure d'expulsion a été signée le 17 janvier 2002.
[4]M. Zazai a présenté une demande d'autorisation de contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre et sa demande d'autorisation a été accueillie. Sa demande de contrôle judiciaire a été entendue le 7 mai 2003 et, par une ordonnance datée du 21 mai 2003, la Section de première instance de la Cour fédérale, comme elle était alors constituée, a accueilli la demande (Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 639 [[2003] A.C.F. no 831 (QL)]). Le ministre a interjeté appel. L'appel a été entendu le 2 mars 2004 et, par un jugement en date du 4 mars 2004, la Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel, a annulé l'ordonnance rendue par le juge qui avait entendu la demande de contrôle judiciaire et a renvoyé l'affaire à la Cour fédérale afin qu'elle statue à nouveau sur l'affaire (Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 36 Imm. L.R. (3d) 167 (C.A.F.)).
[5]Le juge Pelletier, qui a rédigé la décision unanime, a fourni, aux paragraphes 3 et 4 de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, un récit concis des faits pertinents:
Devant la SSR, [M. Zazai] a témoigné avoir été membre de la cinquième direction du KHAD qui, selon les documents dont disposait la SSR, était un [traduction] «service de renseignements secrets dont l'objectif était de supprimer les activités antigouvernementales et qui commettait des crimes susceptibles d'être considérés comme des crimes contre l'humanité». En se fondant sur le propre témoignage de [M. Zazai], la SSR a conclu qu'il était visé par l'exclusion prévue à la section Fa) de l'article premier de la Convention. Lorsque l'arbitre a été saisie de l'affaire afin de déterminer si [M. Zazai] devait être renvoyé du Canada parce qu'il n'était pas admissible en vertu de l'alinéa 19(1)j) de la Loi, [M. Zazai] a présenté le témoignage de deux personnes pour démontrer qu'il n'était pas en fait membre du KHAD. [M. Zazai] a témoigné brièvement devant l'arbitre au sujet de son statut au Canada, mais ni le représentant du ministre ni son propre représentant ne lui ont demandé s'il était membre du KHAD. Les deux personnes en question ont essentiellement témoigné qu'elles avaient connu l'intimé lorsqu'il jouait au basket-ball [sic] à l'université de Kaboul et qu'à leur connaissance, il n'était pas membre du KHAD.
L'arbitre a examiné la preuve des deux témoins, la preuve documentaire ainsi que la preuve que [M. Zazai] avait soumise à la SSR. Après avoir minutieusement analysé la preuve, elle a conclu ce qui suit:
[traduction] Dans l'ensemble, je suis convaincue que la preuve présentée à l'audience devant la SSR en 1994 et en 1995, ainsi que celle dans la demande d'établissement que vous avez faite en 1996, est plus crédible que celle qui a été produite au cours de la présente enquête relative à votre implication au sein de l'organisation connue sous le nom de KHAD. Par conséquent, surtout à la lumière des commentaires des tribunaux dans Figueroa, je conclus que la preuve établit bel et bien que vous avez été complice de crimes contre l'humanité en Afghanistan en tant que membre du KHAD. |
[6]Deux arguments ont été avancés au nom de M. Zazai. Le premier est que l'arbitre a commis une erreur lorsqu'elle a tiré ses conclusions quant à la crédibilité. Le deuxième est que le concept de complicité dans la perpétration de crimes contre l'humanité du fait de l'appartenance à une organisation qui vise des fins limitées et brutales, concept qui a sa source en droit relatif aux réfugiés, ne s'applique pas aux dispositions de la Loi qui se rapportent à l'admissibilité.
[7]Je dois mentionner, à des fins de précision, que la décision de l'arbitre a été rendue avant l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le 28 juin 2002. En vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), pris suivant la LIPR, en particulier suivant le paragraphe 348(6), le présent contrôle judiciaire doit être tranché suivant les dispositions de l'ancienne Loi.
[8]Cette situation entraîne un résultat plutôt anormal relativement aux erreurs alléguées à l'égard de la crédibilité. Si M. Zazai devait avoir gain de cause dans la présente demande et que l'affaire était renvoyée afin qu'elle fasse l'objet d'une nouvelle décision, le résultat serait que, suivant l'article 190 de la LIPR, l'affaire serait régie par la LIPR. L'article 15 du Règlement prévoit que, lorsque les questions d'interdiction de territoire sont tranchées suivant la LIPR, les conclusions quant aux faits d'une décision rendue--fondée sur des conclusions (dans la présente affaire celles de la SSR) selon lesquelles l'étranger a commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité et est une personne visée à la section F de l'article premier de la Convention--ont force de chose jugée.
[9]Par conséquent, il appert que si M. Zazai devait avoir gain de cause dans la présente demande, une nouvelle décision suivant la LIPR exigerait, à l'égard de la question de l'appartenance de M. Zazai au KHAD, que les conclusions de la SSR prévalent et que la décision de l'arbitre soit limitée à la question de savoir s'il existe des motifs raisonnables de croire que M. Zazai a commis hors du Canada un acte qui constitue une infraction visée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24 (la Loi sur les crimes de guerre), au sens de l'alinéa 35(1)a) de la LIPR (alinéa 19(1)j) de la Loi).
[10]J'ai soulevé ce point aux avocats au début de l'audience. Après certaines discussions, au cours desquelles l'avocat de M. Zazai a mentionné que l'application de l'article 15 du Règlement serait contestée ou pourrait l'être, j'ai conclu qu'il était préférable que toutes les prétentions se rapportant à l'effet de l'article 15 soient laissées aux cas dans lesquels la disposition était appliquée. Par conséquent, et compte tenu de la directive expresse du paragraphe 348(6) du Règlement, la présente demande a été plaidée et sera tranchée sans qu'il soit tenu compte de la LIPR ou du Règlement. Compte tenu de mes conclusions à l'égard de la prétention se rapportant à la crédibilité de M. Zazai, selon les circonstances de la présente affaire, rien ne dépend de ce point de toute façon.
LA CRÉDIBILITÉ
[11]Les témoins ont témoigné que M. Zazai, à l'époque pertinente, était étudiant à l'université de Kaboul et qu'il était membre de l'équipe de volley-ball de l'université. M. Nawami a témoigné que lui (Nawami) était le directeur des sports à l'université et l'entraîneur de l'équipe de volley-ball. M. Malikzai a déclaré que lui (Malikzai) et M. Zazai étaient des coéquipiers de l'équipe de volley-ball de l'université au cours de l'une des années au cours desquelles M. Zazai étudiait à l'université. Les deux témoins ont déclaré qu'ils ne pensaient pas que M. Zazai soit membre du KHAD.
[12]Le demandeur prétend que l'arbitre s'est incorrectement fondée sur de prétendues incohérences dans la preuve pour justifier ses conclusions quant à la crédibilité. En particulier, elle a conclu qu'il y avait des incohérences dans le témoignage des témoins de même que des incohérences internes à l'égard de la preuve de chacun d'eux. M. Zazai soutient que les témoins ont été appelés afin de réfuter la preuve de son appartenance au KHAD. L'arbitre était par conséquent tenue de pondérer et d'évaluer cette preuve et de rendre une décision quant à sa crédibilité. M. Zazai prétend qu'un examen de la preuve montre que les témoins n'étaient pas incohérents. Ils étaient cohérents quant aux moments des événements qu'ils décrivaient et il n'y avait pas d'incohérences entre la preuve de l'un et l'autre quant à la participation de M. Zazai, de celle de M. Malikzai et de leur participation commune à l'équipe de volley-ball. Les deux témoins ont témoigné que M. Zazai et M. Malikzai ont joué ensemble en 1990 et 1991.
[13]Le demandeur prétend dans ses observations écrites que les deux témoins ont témoigné que M. Zazai était également membre de l'équipe nationale de volley-ball. Il n'a pas été donné suite à cette prétention lors de l'audience et elle ne peut pas être maintenue après un examen de la transcription.
[14]Il est préférable de laisser les conclusions de fait, y compris celles quant à la crédibilité, au juge des faits: voir Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 D.L.R. (4th) 165 (C.A.F.). La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait et aux conclusions quant à la crédibilité est la norme de la décision manifestement déraisonnable: voir Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Cependant, il est justifié qu'il y ait une intervention dans des circonstances dans lesquelles le décideur tire des conclusions de fait après avoir mal interprété les éléments de preuve pertinents ou avoir omis de les prendre en compte et s'appuie ensuite sur ces conclusions pour rendre une décision défavorable quant à la crédibilité: voir Lai c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 906 (C.A.F.) (QL).
[15]L'arbitre a résumé la preuve des deux témoins de même que la preuve de M. Zazai (y compris son FRP, le témoignage rendu durant l'audience devant la SSR, la demande d'établissement et l'affidavit niant l'appartenance au KHAD). Elle a ensuite déclaré ce qui suit [au paragraphe 18]:
La preuve que vous avez fournie quant à votre appartenance à cette organisation a été constamment présentée à compter de 1992 [sic], année de votre arrivée au Canada, pendant tout le processus d'audience qui a eu lieu en 1994 et 1995 devant la SSR, devant la Cour fédérale dans le cadre de votre demande d'autorisation, et au moins jusqu'à votre demande d'établissement au Canada, même après votre exclusion par la SSR à son audience. La réfutation de tous ces renseignements n'a eu lieu que récemment et n'est d'après moi pas du tout crédible.
[16]L'arbitre a ensuite énuméré de nombreuses incohérences contenues dans la preuve. Cette preuve incluait non seulement les témoignages de vive voix de M. Nawami et de M. Malikzai, mais toute la preuve qu'elle avait auparavant résumée.
[17]M. Zazai ne conteste pas toutes les incohérences mentionnées, mais il s'élève effectivement contre le commentaire selon lequel la preuve des témoins contenait des incohérences internes. Pour être juste, l'arbitre a précisé que ce commentaire était particulièrement important à l'égard de M. Malikzai. Bien que la preuve de M. Nawami ait été, pour la plus grande partie, cohérente en elle-même, elle n'était pas claire à l'égard du moment auquel M. Zazai avait soi-disant joué dans l'équipe de volley-ball. M. Zazai soutient qu'ils s'entendaient tous pour dire que c'était en 1990-1991. Cependant, M. Nawami a effectivement déclaré que lui (Nawami) a quitté Kaboul en 1991 et que M. Zazai était parti avant lui. Bien qu'il ne mentionne pas expressément le délai entre le départ de M. Zazai et le sien, ses commentaires laissent entendre que le délai entre leur départ respectif était non négligeable. Il a en outre déclaré, à plus d'une reprise, que M. Zazai jouait dans l'équipe en 1990.
[18]Dans le cas de M. Malikzai, le fait de dire à plusieurs reprises que lui et M. Zazai jouaient ensemble dans l'équipe de volley-ball de l'université de Kaboul en 1990-1991 ne fait pas que ce soit vrai, notamment lorsque sa preuve est examinée dans son ensemble. Après avoir examiné à plusieurs reprises l'affidavit de M. Malikzai et la transcription, je ne suis pas encore certaine du moment auquel M. Malikzai a en fait étudié à l'université de Kaboul, s'il y a vraiment étudié. À mon avis, il était loisible à l'arbitre de faire les commentaires qu'elle a faits et de rendre les décisions qu'elle a rendues et rien ne laisse penser que ces commentaires et ces décisions soient jugés déraisonnables.
[19]À l'égard de la preuve se rapportant au KHAD, les deux témoins ont déclaré qu'ils ne pensaient pas que M. Zazai soit membre du KHAD. M. Nawami a déclaré qu'il l'aurait su si cela avait été le cas bien qu'il ait été incapable de fournir une explication convaincante à cet égard. L'arbitre a raisonnablement conclu que leurs preuves ne constituaient rien de plus qu'une opinion. Elle a en outre pris en compte le fait que l'organisation était «secrète» et qu'il était peu probable que ses membres «aient été connus du grand public». Ce dernier commentaire est appuyé par le témoignage de M. Zazai rendu devant la SSR lorsqu'il a déclaré que [traduction] «personne ne savait» qu'il travaillait au sein du KHAD parce que c'[traduction] «était une organisation secrète».
[20]M. Zazai prétend en outre que l'arbitre a appliqué le mauvais critère lorsqu'elle a déclaré ce qui suit [au paragraphe 17]:
Aucun de ces messieurs dans son témoignage ne pouvait présenter une preuve ou un fait en sa possession qui aurait prouvé de façon décisive que vous ne faisiez pas partie de l'organisation connue sous le nom de KHAD durant la prériode en question.
[21]Le choix de mots de l'arbitre m'apparaît être un choix malheureux. Il ne m'apparaît pas que ces mots constituent une déclaration à l'égard d'une norme de preuve. Lorsqu'ils sont lus dans le contexte de la décision dans son ensemble, les commentaires signifient simplement que les témoins ne pouvaient signaler aucun élément de preuve, autre que leur propre témoignage, démontrant que M. Zazai n'était pas membre du KHAD comme il avait déclaré l'être à plusieurs reprises.
[22]En résumé, l'arbitre n'a pas accepté la preuve fournie dans le plus récent affidavit de M. Zazai et elle n'a pas accepté la preuve des témoins. Elle a en outre fourni ses motifs de rejet de cette preuve. Je ne suis pas convaincue que l'arbitre a commis une erreur qui justifierait que j'intervienne relativement à ses conclusions à cet égard. Même si j'avais conclu que l'arbitre a commis une erreur dans ses conclusions à l'égard de certaines incohérences internes dans la preuve présentée par M. Nawami et M. Malikzai, ses conclusions à l'égard de la question principale et déterminante sont, à mon avis, inattaquables. Elle ne croyait simplement pas le dernier récit de M. Zazai qui remplaçait celui qu'il avait présenté du moment de sa revendication du statut de réfugié initiale jusqu'au moment précédant son enquête à l'égard de la non-admissibilité.
[23]Je passe maintenant au deuxième argument de M. Zazai. Il est nécessaire, pour comprendre et évaluer ses prétentions, de mentionner diverses dispositions législatives et la jurisprudence se rapportant au concept de complicité dans la perpétration de crimes internationaux dans le contexte du droit relatif aux réfugiés.
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
[24]Les dispositions législatives pertinentes et les références de droit international sont annexées aux présents motifs comme Annexe A. Pour en faciliter la consultation, les extraits pertinents des articles 2, 19 et 27 de la Loi de même que de l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention sont reproduits ci-après:
2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
[. . .]
«réfugié au sens de la Convention» [. . .]
[. . .]
Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.
[. . .]
19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible:
[. . .]
j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles ont commis une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;
[. . .]
27. [. . .]
(2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas:
a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);
[. . .]
Article premier de la convention des nations unies relative au statut des réfugiés
[. . .]
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
LA JURISPRUDENCE
[25]La jurisprudence de la Cour à l'égard de la complicité dans la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité--auxquels dans les présents motifs, par souci de commodité, il est fait référence comme des crimes internationaux--inclut, sans s'y limiter, Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.) (Ramirez); Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 3 C.F. 646 (C.A.) (Gonzalez); Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.) (Moreno); Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.) (Sivakumar); Bazargan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 205 N.R. 282 (C.A.F.) (Bazargan); Sumaida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 66 (C.A.) (Sumaida); Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 238 F.T.R. 194 (C.A.F.) (Harb). La trilogie Ramirez, Moreno et Sivakumar a fourni le fondement à partir duquel les principes résumés dans les paragraphes qui suivent ont été établis.
[26]Le fardeau de prouver que des infractions internationales ont été commises incombe au ministre et, à l'égard de l'exclusion de la définition de statut de réfugié, il doit être démontré qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un demandeur a commis des crimes internationaux: voir Ramirez. La norme s'applique à des décisions quant aux faits. La question de savoir si les actes ou les omissions constituent des crimes internationaux est une question de droit: voir Moreno.
[27]Des complices, de même que des auteurs principaux, peuvent être considérés comme ayant commis des crimes internationaux (quoique, aux fins des présentes, je ne suis pas préoccupée par les auteurs principaux). La Cour, dans Ramirez, a reconnu le concept de complicité défini comme une participation personnelle et consciente et, dans Sivakumar, le concept de complicité par association par lequel des individus peuvent être tenus responsables d'actes commis par d'autres en raison de leur association étroite avec les auteurs principaux. La complicité dépend de l'existence d'une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause peuvent en avoir: voir Ramirez et Moreno.
[28]Mme la juge Reed dans la décision Penate c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 79 (1re inst.), a résumé comme suit, aux pages 84 et 85, les principes établis dans la trilogie:
Dans les décisions Ramirez, Moreno et Sivakumar, il est question du degré ou du type de participation qui constitue la complicité. Il ressort de ces décisions que la simple adhésion à une organisation qui commet sporadiquement des infractions internationales n'implique pas normalement la complicité. Par contre, lorsque l'organisation vise principalement des fins limitées et brutales, comme celles d'une police secrète, ses membres peuvent être considérés comme y participant personnellement et sciemment. Il découle également de cette jurisprudence que la simple présence d'une personne sur les lieux d'une infraction en tant que spectatrice par exemple, sans lien avec le groupe persécuteur, ne fait pas d'elle une complice. Mais sa présence, alliée à d'autres facteurs, peut impliquer sa participation personnelle et consciente.
Selon mon interprétation de la jurisprudence, sera considéré comme complice quiconque fait partie du groupe persécuteur, qui a connaissance des actes accomplis par ce groupe, et qui ne prend pas de mesures pour les empêcher (s'il peut le faire) ni ne se dissocie du groupe à la première occasion (compte tenu de sa propre sécurité), mais qui l'appuie activement. On voit là une intention commune. Je fais remarquer que la jurisprudence susmentionnée ne vise pas des infractions internationales isolées, mais la situation où la perpétration de ces infractions fait continûment et régulièrement partie de l'opération.
[29]Dans Bazargan, il a été tranché que la participation personnelle et consciente peut être directe ou indirecte et qu'elle ne requière pas l'appartenance à une organisation qui s'adonne à des activités condamnées. Ce n'est pas le f ait de travailler dans une organisation qui rend une personne complice des activités de l'organisation, mais le fait de contribuer consciemment à ces activités de quelque façon ou de les rendre possibles, que ce soit de l'intérieur ou de l'extérieur de l'organisation.
[30]Ces principes ont été réitérés et confirmés dans des arrêts subséquents de la Cour d'appel fédérale et plus récemment dans Sumaida et Harb.
LE CONCEPT DE COMPLICITÉ DANS LE CONTEXTE DE L'INTERDICTION DE TERRITOIRE
[31]M. Zazai prétend que la jurisprudence précédemment mentionnée, développée dans le contexte de l'exclusion de la définition de réfugié, ne s'applique pas à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire suivant l'alinéa 19(1)j) de la Loi. Il prétend que par la modification de la Loi (la modification a été reportée dans la LIPR) et que par le lien direct fait entre la décision à l'égard de l'admissibilité pour des motifs de violation des droits de l'homme et le Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, et ses modifications, il est clair que [traduction] «le critère à l'égard de l'admissibilité est le même que celui suivant l'article 36 de la Loi [sic] [alinéa 19(1)c.1) [édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11; 1995, ch. 15, art. 2]] qui traite de grande criminalité». La question est celle de savoir s'il a commis un crime suivant les articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes de guerre.
[32]Le raisonnement qui sous-tend la prétention de M. Zazai est qu'une personne est coupable d'un acte criminel si elle a commis, au Canada ou à l'extérieur du Canada, un crime international. La Loi sur les crimes de guerre crée une infraction du fait de conseiller à quelqu'un de commettre des crimes internationaux ou d'être complice après le fait. Par conséquent, selon M. Zazai, dans le contexte d'une enquête à l'égard de l'admissibilité, une décision à l'égard de l'interdiction de territoire suivant les dispositions de l'alinéa 19(1)j) (maintenant l'alinéa 35(1)a) de la LIPR) exige l'application des règles qui ont été établies dans le contexte de l'admissibilité en matière criminelle et ces règles exigent une analyse d'équivalence. Il soutient que ce processus est fermement établi par la jurisprudence.
[33]Il renvoie à la Loi sur les crimes de guerre et il affirme qu'il n'y a rien dans cette loi qui crée un crime du fait d'être complice dans un crime de façon à ce que le fait pour une [traduction] «personne d'être "complice" soit suffisant pour entraîner une conclusion de culpabilité dans une cour canadienne». Il prétend que la complicité suivant le droit relatif aux réfugiés a été largement définie et que rien dans les articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes de guerre ne permet une telle interprétation. Il prétend que le législateur, en choisissant de définir l'interdiction de territoire par le renvoi à une loi qui a prévu la culpabilité sur le fondement de dispositions précises, a établi que l'interdiction de territoire au Canada sera décidée sur le fondement des lois équivalentes en matière criminelle.
[34]M. Zazai prétend que les dispositions actuelles constituent une coupure claire avec le passé lorsque l'interdiction de territoire, en raison de la perpétration de crimes internationaux, était liée aux conditions largement définies énoncées à l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention sans renvoi à une définition dans une loi canadienne. Le libellé des dispositions à l'égard de l'exclusion et de l'interdiction de territoire n'est pas équivalent. En outre, il prétend que les objets des deux dispositions sont complètement différents. Lors d'une enquête à l'égard de l'admissibilité, la question est celle de savoir s'il a commis un crime qui entraînerait qu'il soit interdit de territoire. Dans le contexte relatif aux réfugiés, la question est celle de savoir s'il a le droit d'obtenir la protection internationale. Il affirme que cette distinction a été clarifiée par la Cour suprême dans l'arrêt Pushpanathan dans lequel la Cour suprême a reconnu explicitement le rôle différent de l'article 19 et de la clause d'exclusion.
[35]Selon M. Zazai, l'arbitre a commis une erreur en omettant d'expressément tirer des conclusions à l'égard de sa culpabilité quant à des crimes particuliers, comme la loi l'exige. En l'absence d'une conclusion expresse selon laquelle il a effectivement commis un crime décrit aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes de guerre, la décision n'est pas viable. Il appartenait à l'arbitre d'[traduction] «effectuer une analyse d'équivalence similaire à celle entreprise suivant l'article 36 [sic] [alinéa 19(1)c.1)], pour rendre une décision sur la question de savoir s'il existe des motifs raisonnables permettant de conclure qu'il avait commis une infraction équivalant à une infraction ou à un crime particulier prévu par les articles 4 à 7 de la Loi [sur les crimes de guerre]». À cet égard, la simple appartenance au KHAD n'était pas suffisante.
[36]Si M. Zazai a raison de prétendre que le concept de complicité, comme il est établi dans la jurisprudence résumée précédemment, ne s'applique pas à l'alinéa 19(1)j) de la Loi, alors la décision de l'arbitre doit être annulée. Sa décision était fondée sur la complicité de M. Zazai (non sur sa participation directe) dans des crimes internationaux. Pour traiter des prétentions de M. Zazai, il est utile de commencer par établir ce qui n'est pas contesté. Par souci de commodité, je pourrai renvoyer à l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention comme «la disposition à l'égard de l'exclusion» et à l'alinéa 19(1)j) de la Loi comme la «disposition à l'égard de l'interdiction de territoire».
[37]Il n'est pas contesté que M. Zazai n'a pas été accusé d'avoir commis des crimes internationaux. Il n'est pas non plus suggéré que l'application de la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire dépend de quelque façon du fait qu'il soit accusé de tels crimes ou qu'il en soit déclaré coupable. Les parties s'entendent quant à la norme de preuve applicable aux conclusions de fait. Il est établi en droit qu'il n'y a pas de différence importante entre les expressions «raisons sérieuses de penser» (la norme pour la clause d'exclusion) et «motifs raisonnables de croire» (la norme de la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire): voir Ramirez et Moreno. Les phrases ont le même sens: voir Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 1 R.C.F. 3 (C.A.F.) (Mugesera). Dans le contexte des dispositions à l'égard de l'interdiction de territoire contenues dans la Loi, la norme a été définie comme une norme qui, bien qu'elle soit moindre qu'une prépondérance des probabilités, évoque néanmoins une croyance authentique quant à une possibilité sérieuse fondée sur des éléments de preuve dignes de foi: voir Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.) (Chiau); Qu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 3 (C.A.) (Qu); Andeel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 240 F.T.R. 1 (C.F.) (Andeel); et Gariev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 531; [2004] A.C.F. no 657 (QL) (Gariev).
[38]De plus, M. Zazai ne suggère pas que la cinquième direction du KHAD soit autre chose que le type d'organisation que la preuve documentaire décrit comme, et que la SSR a établi être, un [traduction] «service de renseignements secrets dont l'objectif était de supprimer les activités antigouvernementales et qui commettait des crimes susceptibles d'être considérés comme des crimes contre l'humanité».
[39]À l'égard des prétentions de M. Zazai, je ne suis pas convaincue que la jurisprudence de la Cour, développée dans le contexte de la disposition à l'égard de l'exclusion, n'est pas pertinente ou applicable à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire. La Cour d'appel fédérale a de façon constante reconnu et mentionné que la clause d'exclusion est analogue à l'alinéa 19(1)j): voir Ramirez, Moreno, Sivakumar et Mugasera. Dans Sivakumar, le juge Linden, lorsqu'il traite de la norme de preuve pour les deux dispositions, a déclaré, à la page 445, que «[c]ela montre que la communauté internationale voulait bien baisser la norme habituelle de preuve afin de s'assurer que les criminels de guerre ne trouveraient pas refuge».
[40]Je suis sensible à la position de M. Zazai selon laquelle les objets des deux dispositions sont différents et j'accepte que dans l'arrêt Pushpanathan, la Cour suprême a déclaré que l'objet de l'article premier est de [au paragraphe 58] «définir le terme réfugié». La section F de l'article premier établit les catégories de personnes expressément exclues de la définition. Le juge Bastarache a expliqué que [au paragraphe 58] «l'objet général de la section F de l'article premier n'est pas de protéger le pays d'accueil contre les réfugiés dangereux [. . .]. Il est plutôt d'exclure ab initio ceux qui ne sont pas des réfugiés authentiques au moment de la présentation de leur revendication».
[41]Le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer: voir Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711 (Chiarelli). Le juge Sopinka, qui a rédigé la décision unanime de la Cour suprême, a renvoyé aux commentaires du juge La Forest dans l'arrêt Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, et a confirmé le droit et le devoir du gouvernement d'empêcher des étrangers d'entrer au Canada et de les en expulser lorsqu'il juge approprié de le faire. Sinon, le Canada pourrait devenir un refuge pour des criminels et d'autres individus que nous ne souhaitons légitimement pas avoir dans notre pays. Cette déclaration a été citée dans Chiau; Qu; et Yuen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 195 D.L.R. (4th) 625 (C.A.F.), et dans une pléthore d'autres cas. Cela dit, le régime législatif suivant lequel le contrôle de l'immigration est administré ne laisse pas les décisions à l'égard de l'admission à la discrétion sans limites du ministre ou de ses fonctionnaires: voir Chiau.
[42]Les objectifs de la politique en matière d'immigration sont énoncés à l'article 3 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2] de la Loi. L'objectif fondamental est de promouvoir les intérêts du Canada sur les plans intérieur et international en reconnaissant le besoin, entre autres choses, de maintenir et de garantir la santé, la sécurité et l'ordre public au Canada (alinéa 3i)). L'objectif énoncé à l'alinéa 19(1)j) doit être lu dans le contexte de cet objectif fondamental et dans le contexte des autres dispositions de la Loi. La présomption de cohérence en interprétation législative exige qu'il n'y ait pas d'incohérences dans la loi elle-même. Il faut présumer que la loi ne comporte pas de contradictions ou d'incohérences et que chaque disposition peut s'appliquer sans en contredire une autre. Ruth Sullivan dans Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. (Toronto: Butterworths, 2002), à la page 169, déclare ce qui suit:
[traduction] La présomption de cohérence est forte et pratiquement impossible à réfuter. On ne peut imaginer que le pouvoir législatif impose aux citoyens des règles contradictoires. Lorsqu'une incohérence survient, soit que le rédacteur a commis une erreur que les tribunaux doivent corriger, soit que la loi doit être interprétée d'une façon qui résout le conflit de manière définitive. Une contradiction ou une incohérence ne peut pas être tolérée; il est nécessaire qu'une certaine méthode de résolution soit trouvée.
[43]À mon avis, il est inconcevable que le législateur ait eu l'intention d'exclure un individu qui--en l'absence de raisons sérieuses de penser qu'il a commis des crimes internationaux--peut autrement avoir le droit d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention et, en même temps, de permettre à cet individu de présenter une demande de statut de résident permanent et d'obtenir ce statut--malgré la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire--sur le fondement que la jurisprudence se rapportant à la disposition à l'égard de l'exclusion ne s'applique pas à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire. En dépit des objets distincts de deux dispositions, il n'est pas logique qu'une disposition puisse en contredire une autre de façon si incongrue.
[44]Il est important de rappeler la distinction entre la complicité en droit pénal traditionnel et la complicité en droit international. Les différences sont traitées par le juge Décary dans l'arrêt Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 761 (C.A.), dans lequel il explique que la complicité est un mode de perpétration d'un crime. Le concept de complicité par association a été développé en droit international en relation avec des crimes internationaux ou des agissements de l'ampleur de ceux visés aux sections Fa) et c) de l'article premier de la Convention. Le concept de «partie à l'infraction» a été développé en droit pénal anglo-saxon traditionnel. Aux paragraphes 131 à 133 (les références sont omises), le juge Décary déclare ce qui suit:
Les sections Fa) et Fc) de l'article premier traitent d'activités extraordinaires, soit de crimes internationaux, dans le cas de la section Fa), ou d'agissements contraires à des normes internationales, dans le cas de la section Fc) (ce qui explique qu'on retrouve le mot «commis» à la section Fa) qui traite de crimes, et qu'on ne retrouve pas ce mot à la section Fc) qui traite d'agissements qui ne seraient pas nécessairement des crimes). Ce sont là des activités que je qualifie d'extraordinaires car elles ont été criminalisées, si je puis dire, de façon collective et exceptionnelle par la communauté des nations et leur nature est précisée par des instruments internationaux [. . .]. Une caractéristique de certaines de ces activités est de viser des collectivités et d'être menées par l'intermédiaire de personnes qui n'y participent pas nécessairement de manière directe. Pour que les personnes véritablement responsables puissent être poursuivies, la communauté internationale a voulu que soient considérées comme responsables ces personnes, par exemple, sur l'ordre desquelles ces activités étaient menées ou qui, conscientes de leur existence, fermaient volontairement les yeux sur leur poursuite. C'est dans ce contexte que s'est développé le concept de complicité par association, qui permet d'atteindre des responsables qui, vraisemblablement, n'auraient pu l'être selon le droit pénal traditionnel. Ce concept, foncièrement, est un concept de droit pénal international.
Ainsi, dans Ramirez [. . .], le juge MacGuigan, à la page 315, a convenu, dans un cas d'application de la section Fa) de l'article premier de la Convention, que la Cour ne pouvait «analyser la responsabilité des complices aux termes de la Convention en ne tenant compte que du seul article 21 du Code criminel [. . .] canadien, traitant des parties à une infraction». «En effet,» d'ajouter le juge MacGuigan, «cet article est issu des règles traditionnelles de la common law en matière d'aide et d'encouragement. Or, une convention internationale ne saurait s'interpréter à la lumière d'un seul des systèmes juridiques du monde».
De même, dans Sivakumar [. . .], un autre cas d'exclusion fondée sur la perpétration de crimes internationaux, le juge Linden a, à la page 437 et suivantes, expliqué l'introduction du concept de complicité par association par sa présence dans des instruments internationaux reliés aux crimes internationaux. Il dira notamment, à la page 441:
Cette conception de la complicité dans les crimes internationaux du fait de l'occupation d'un rôle de dirigeant au sein d'une organisation se retrouve à l'article 6 du Statut du Tribunal militaire international [Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe, 8 août 1945, 82 N.U.R.T. 279] qui, [. . .] défini[t] les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité [. . .].
[45]Comme il a été précédemment mentionné, M. Zazai prétend que l'adoption de la Loi sur les crimes de guerre a modifié le droit se rapportant à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire. Il prétend, et je partage son opinion, que l'alinéa 19(1)j) entraîne un renvoi aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes de guerre (c'est l'article 6 qui s'applique en particulier à M. Zazai). Il s'appuie fortement sur le fait que l'article 6 ne mentionne pas les mots «aide» et «encouragement». Cela est contraire à l'ancienne disposition de la Loi qui nécessitait un renvoi au Code criminel. Le paragraphe 7(3.77) [édicté par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 1; L.C. 1992, ch. 1, art. 60] du Code criminel incluait expressément les mots «aide» et «encouragement». M. Zazai prétend qu'il doit être présumé--par le fait de ne pas avoir inclus les mots «aide» et «encouragement» dans la Loi sur les crimes de guerre--que le législateur avait l'intention de les exclure. En l'absence de cette mention, il doit être démontré qu'il a commis à l'étranger un acte qui constituerait une infraction s'il était commis au Canada, comme le prévoit l'alinéa 19(1)c.1) (maintenant l'article 36 de la LIPR). Étant donné que seulement les actes qui sont expressément énoncés aux paragraphes 6(1) ou 6(1.1) de la Loi sur les crimes de guerre sont visés et étant donné qu'il n'est visé par aucune des infractions mentionnées au paragraphe 6(1.1), M. Zazai affirme qu'il s'ensuit que la question doit être traitée en y appliquant le [traduction] «critère d'équivalence».
[46]Quant à la question de voir l'alinéa 19(1)j) dans le contexte de la Loi, la position de M. Zazai est qu'il doit être tenu compte seulement du contenu de l'article 6 de la Loi sur les crimes de guerre et que s'il n'est pas visé par cet article, comme il est rédigé, c'est là que cela s'arrête. Il est frappant que ce n'est pas l'approche établie par la Cour suprême dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, dans lequel le juge Iacobucci a fait ressortir qu'une approche contextuelle fondée sur l'objet est essentielle en matière d'interprétation législative. Bien qu'il n'appartienne pas à la Cour de réécrire ce que le législateur avait l'intention de dire et ce qu'il aurait dû dire (mais qu'il n'a pas dit), la tâche, telle que je la vois, consiste à établir l'interprétation de l'alinéa 19(1)j) qui répond le mieux aux objets de la Loi.
[47]La faiblesse de la prétention de M. Zazai est l'article 34 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21. Cet article prévoit que lorsqu'un texte crée une infraction, les dispositions du Code criminel relatives aux actes criminels s'appliquent aux actes criminels prévus par le texte. Par conséquent, les dispositions relatives à l'association qui se trouvent dans le Code criminel--y compris celles relatives au fait d'aider et d'encourager à l'article 21-- s'appliquent à la Loi sur les crimes de guerre. Lorsque les modifications aux paragraphes 7(3.71) à 7(3.77) ont été adoptées en 1987 [L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 1], le libellé du paragraphe 7(3.77), comme il était rédigé, comportait l'expression [traduction] «il est entendu». Étant donné que le Canada étendait sa portée territoriale aux actes commis en dehors de ses frontières, il était prudent pour le législateur de prévoir ce qui était entendu.
[48]La Loi sur les crimes de guerre est entrée en vigueur le 23 octobre 2000. Elle emportait exécution des obligations du Canada prévues par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale [Doc. NU A/CONF. 183/9 (1998)] (CPI) en créant de nouvelles infractions à savoir le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les manquements à la responsabilité par les chefs militaires et les supérieurs civils: Enregistrement TR/2000-95, Note explicative, Gazette du Canada Partie II, Vol. 134, no 23, à la page 2418. Le paragraphe 6(4) de la Loi sur les crimes de guerre incorpore expressément les articles 6 et 7 et le paragraphe 2 de l'article 8 du Statut de Rome qui énoncent et élargissent les types d'actes qui constituent des crimes internationaux. Puisque l'article 34 de la Loi d'interprétation rend les dispositions du Code criminel portant sur l'association applicables à la Loi sur les crimes de guerre, il est inexact de dire que les «complices» autres que ceux mentionnés au paragraphe 6(1.1) ne sont pas visés par ses dispositions. La mention des infractions particulières au paragraphe 6(1.1) est incluse parce qu'elles décrivent de nouveaux crimes se rapportant à cette sorte de comportement, c'est-à-dire des agissements qui peuvent être caractérisés comme des crimes internationaux.
[49]La question devient alors celle de savoir si les dispositions à l'égard du «complice» doivent être interprétées suivant le droit pénal interne ou suivant le droit international. La définition de «crime contre l'humanité», au paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes de guerre, requiert expressément qu'il s'agisse d'«un crime contre l'humanité selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu» [soulignement ajouté]. Par conséquent, à mon avis, la jurisprudence de la Cour qui définit la complicité, quoique développée dans le contexte de la clause d'exclusion, s'applique de la même façon à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire. À cet égard, je remarque que, dans la trilogie, le concept de complicité a été établi par l'interprétation législative de l'article 6 du Statut du Tribunal militaire international [annexe de l'Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe, 8 août 1945, 82 R.T.N.U. 279] approuvé à Londres. Bien que ce concept ait été soulevé dans des circonstances touchant la clause d'exclusion, l'interprétation qui en résulte ne dépendait pas du fait qu'il s'agissait d'une affaire touchant un réfugié. Le Statut du Tribunal militaire international a été mentionné, dans le contexte de la non-admissibilité, dans l'arrêt Rudolph c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 653 (C.A.). Le principe VII des Principes du droit international consacrés par le statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal, adoptés par la Commission du droit international, 1950 [Doc. NU A/1316/82 (1950)], énonce également que la complicité d'un crime contre la paix, d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité est un crime selon le droit international.
[50]En résumé, la jurisprudence de la Cour qui traite du concept de complicité a été développée selon les principes du droit international. Le fait qu'elle ait été développée principalement dans des affaires se rapportant à la clause d'exclusion prévue par la Convention n'a aucune importance. Ma position à cet égard est appuyée par les motifs de mon collègue, le juge Lemieux, dans la décision Murillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 287 (1re inst.). Bien que reconnaissant que le point n'a pas été plaidé expressément, le juge Lemieux, lorsqu'il a traité d'une affaire touchant l'alinéa 19(1)j), a exprimé l'opinion que le concept de complicité comme il est défini par la jurisprudence de la Cour est valide pour l'application de l'article 6 de la Loi sur les crimes de guerre. De plus, je remarque que dans Yuen, la Cour d'appel fédérale, bien qu'elle traite de l'alinéa 19(1)c.2) [édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11; 1996, ch. 19, art. 83] qui, il faut le reconnaître est différent de l'alinéa 19(1)j), n'a manifesté aucune réserve pour l'application du raisonnement de Sivakumar au sens du mot «membre».
[51]À l'égard de l'analyse d'équivalence proposée par M. Zazai, je partage l'opinion selon laquelle il est nécessaire qu'une analyse d'équivalence soit faite, mais non celle qu'il propose. Il renvoie de façon constante au processus appliqué à l'égard de l'alinéa 19(1)c.1). Il est parfois fait référence à ce processus comme l'«exigence de double criminalité» et c'est ce que la disposition entraîne. La jurisprudence de la Cour va dans le même sens. Cependant, il ne s'agit pas d'une situation relative à l'alinéa 19(1)j) dans laquelle l'analyse d'équivalence consiste, premièrement, à prendre en compte les actes qui sont soi-disant survenus à l'extérieur du Canada et à les examiner et, deuxièmement, à établir si ces actes sont visés par l'article 6 de la Loi sur les crimes de guerre. Dans la présente affaire, l'arbitre a tranché qu'ils l'étaient.
[52]En conclusion à l'égard de cette portion de mon analyse, comme je l'ai déclaré, la jurisprudence relative à la complicité dans la perpétration de crimes internationaux, développée dans le contexte de l'exclusion prévue par la section Fa) de l'article premier de la Convention, s'applique à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire suivant l'alinéa 19(1)j) de la Loi. Cela est cohérent avec les objets de la Loi précédemment mentionnés de même qu'avec l'objectif particulier de la disposition, à savoir celui de permettre au Canada de fermer ses frontières à ceux qu'il considère indésirables en raison d'une croyance authentique que ces individus ont commis des crimes internationaux qu'ils aient ou non été poursuivis ou condamnés pour ces crimes. Cela est également cohérent avec la disposition à l'égard de l'exclusion, disposition analogue contenue ailleurs dans la Loi.
[53]Il vaut la peine de répéter qu'il n'est pas nécessaire pour le ministre d'établir la culpabilité de M. Zazai. Il suffit que le ministre démontre qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il a commis ces actes. La responsabilité criminelle exigerait une démonstration à un tout autre niveau de preuve que les actes ont été commis et il faudrait probablement appliquer une panoplie de procédures et de protections associées à des poursuites criminelles.
[54]Cela règle les arguments avancés par M. Zazai. Il a reconnu, lors de l'audience, qu'il ne pouvait pas prétendre que la décision de l'arbitre n'était fondée que sur l'adhésion au raisonnement de la décision Figueroa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 181 F.T.R. 242 (1re inst.). Sa reconnaissance à cet égard est fondée sur les commentaires suivants de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Zazai, au paragraphe 8:
Il est à supposer que le fait que l'arbitre a mentionné la décision Figueroa a amené le juge qui a entendu la demande à conclure qu'elle avait simplement adopté la conclusion tirée par la SSR au sujet de l'exclusion de l'intimé fondée sur la section Fa) de l'article premier de la Convention et qu'elle l'avait appliquée à la version existante de l'alinéa 19(1)j), d'où la conclusion de complicité. Cependant, il est évident que si l'arbitre avait cru être liée par la décision de la SSR, elle aurait simplement mentionné la conclusion que la SSR avait tirée au sujet de l'application de la section Fa) de l'article premier de la Convention et qu'elle aurait appliqué les décisions Ramirez et Figueroa pour conclure qu'il y avait des raisons sérieuses de penser que l'intimé était complice dans la perpétration d'une infraction mentionnée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. L'arbitre a plutôt veillé à tirer sa propre conclusion au sujet de la question de savoir si l'intimé était membre du KHAD et, en se fondant sur cette conclusion, elle a décidé que l'intimé était complice dans des crimes contre l'humanité. Ce qui importe ici, c'est que la conclusion de l'arbitre était fondée sur la conclusion qu'elle avait tirée, à savoir que l'intimé était membre du KHAD, plutôt que sur la conclusion de la SSR selon laquelle l'intimé était exclu en vertu de la section Fa) de l'article premier de la Convention.
[55]De plus, M. Zazai n'a pas prétendu (sauf pour les prétentions quant à la crédibilité)--en tenant pour acquis que la jurisprudence à l'égard de la complicité dans le contexte de la disposition à l'égard de l'exclusion s'applique à la disposition à l'égard de l'interdiction de territoire--que l'arbitre avait commis une erreur. Je mentionne à cet égard que l'arbitre a renvoyé à la preuve de M. Zazai qui démontrait qu'il était membre du KHAD, en particulier membre de la cinquième direction du ministère de la Sécurité d'État, de 1987 à 1992, qu'il avait obtenu ce poste avec l'aide de son frère Miagul (un fonctionnaire haut gradé dans le gouvernement du Dr Najibullah) afin d'éviter le service militaire, que l'organisation était une organisation secrète, qu'il avait joint l'organisation en tant que premier lieutenant, qu'il avait atteint le rang de capitaine et qu'il avait fait partie de l'organisation jusqu'à la chute du gouvernement du Dr Najibullah.
[56]L'arbitre a en outre renvoyé à un document d'Amnesty International qui couvrait la période durant laquelle M. Zazai était membre du KHAD, document qui fournissait une preuve additionnelle à celle dont disposait la SSR quant à la nature du KHAD et de ses activités, notamment la torture. Elle décrivait la cinquième direction comme une [traduction] «section connue dont l'objectif était de supprimer les activités antigouvernementales et qui commettait des crimes susceptibles d'être considérés comme des crimes contre l'humanité».
[57]L'arbitre a mentionné la décision de la SSR selon laquelle M. Zazai avait agi comme complice malgré son témoignage niant sa participation à des crimes contre l'humanité qui auraient été commis en particulier. Elle a renvoyé à plusieurs reprises à la [traduction] «preuve dont la SSR disposait». Cette preuve incluait le témoignage de M. Zazai par lequel il a déclaré qu'il considérait qu'il faisait partie de la police secrète, que l'objectif de la cinquième direction était [traduction] «d'éliminer les gens qui étaient contre le gouvernement» et que ceux qui étaient considérés comme une menace étaient arrêtés et emprisonnés (FRP), qu'il avait assisté à des séances de formation, rédigé des rapports au directeur du bureau et fourni les noms de ceux qui ne collaboraient pas.
[58]L'arbitre a en outre mentionné la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la SSR à l'égard de la naïveté de M. Zazai relativement à la nature de l'organisation et de ses activités. Elle a conclu que des actes visés par la définition de crime contre l'humanité avaient été commis par le KHAD au cours de la période pertinente et que M. Zazai, comme la preuve dont disposait la SSR le montrait, était complice de ces crimes.
[59]La demande de contrôle judiciaire sera rejetée et une ordonnance à cet égard sera par conséquent rendue. Les avocats, conjointement, ont proposé que la question précédemment certifiée soit certifiée de nouveau. Sous une réserve, je partage l'opinion selon laquelle une question grave de portée générale serait déterminante d'un appel interjeté dans la présente affaire. Relativement à la réserve, la question précédemment certifiée se rapportait à la définition de «crime contre l'humanité» contenue au paragraphe 4(3) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. L'article 4, dans son ensemble, traite des crimes commis au Canada. Il n'est pas contesté que les actes allégués relativement à M. Zazai ont été commis à l'étranger. Les infractions commises à l'étranger sont visées par l'article 6 plutôt que par l'article 4. Par conséquent, je vais certifier la question suivante:
La définition de «crime contre l'humanité» figurant au paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre vise-t-elle le fait d'être complice de ces crimes?
ANNEXE A
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2
2. (1) [. . .]
«réfugié au sens de la Convention» Toute personne:
a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:
(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;
b) n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).
Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.
[. . .]
3. La politique canadienne d'immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en oeuvre, à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité:
[. . .]
i) de maintenir et de garantir la santé, la sécurité et l'ordre public au Canada;
[. . .]
19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible:
[. . .]
c) celles qui ont été déclarées coupables, au Canada, d'une infraction qui peut être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans;
c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger:
(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l'infraction,
(ii) soit commis un fait--acte ou omission--qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;
c.2) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des activités faisant partie d'un plan d'activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d'une infraction au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui peut être punissable par mise en accusation ou a commis à l'étranger un fait--acte ou omission--qui, s'il avait été commis au Canada, constituerait une telle infraction, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;
[. . .]
j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles ont commis une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;
[. . .]
27. [. . .]
(2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas:
a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);
[. . .]
32. [. . .]
(6) S'il conclut que l'intéressé relève d'un des cas visés par le paragraphe 27(2), l'arbitre, sous réserve des paragraphes (7) et 32.1(5), prend une mesure d'expulsion à son endroit.
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants:
a) commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;
[. . .]
36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants:
a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;
b) être déclaré coupable, à l'extérieur du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonne-ment maximal d'au moins dix ans;
c) commettre, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans.
(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants:
a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;
b) être déclaré coupable, à l'extérieur du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;
c) commettre, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;
d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.
(3) Les dispositions suivantes régissent l'application des paragraphes (1) et (2):
a) l'infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l'infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;
b) la déclaration de culpabilité n'emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d'acquittement rendu en dernier ressort ou de réhabilitation--sauf cas de révocation ou de nullité--au titre de la Loi sur le casier judiciaire;
c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n'emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l'étranger qui, à l'expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;
d) la preuve du fait visé à l'alinéa (1)c) est, s'agissant du résident permanent, fondée sur la prépondérance des probabilités;
e) l'interdiction de territoire ne peut être fondée sur une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions ni sur une infraction à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24
6. (1) Quiconque commet à l'étranger une des infractions ci-après, avant ou après l'entrée en vigueur du présent article, est coupable d'un acte criminel et peut être poursuivi pour cette infraction aux termes de l'article 8:
a) génocide;
b) crime contre l'humanité;
c) crime de guerre.
(1.1) Est coupable d'un acte criminel quiconque complote ou tente de commettre une des infractions visées au paragraphe (1), est complice après le fait à son égard ou conseille de la commettre.
(2) Quiconque commet une infraction visée aux paragraphes (1) ou (1.1):
a) est condamné à l'emprisonnement à perpétuité, si le meurtre intentionnel est à l'origine de l'infraction;
b) est passible de l'emprisonnement à perpétuité, dans les autres cas.
(3) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«crime contre l'humanité» Meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation, emprisonnement, torture, violence sexuelle, persécution ou autre fait--acte ou omission--inhumain, d'une part, commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes et, d'autre part, qui constitue, au moment et au lieu de la perpétration, un crime contre l'humanité selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.
«crime de guerre» Fait--acte ou omission--commis au cours d'un conflit armé et constituant, au moment et au lieu de la perpétration, un crime de guerre selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel applicables à ces conflits, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.
«génocide» Fait--acte ou omission--commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe identifiable de personnes et constituant, au moment et au lieu de la perpétration, un génocide selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel, ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.
(4) Il est entendu que, pour l'application du présent article, les crimes visés aux articles 6 et 7 et au paragraphe 2 de l'article 8 du Statut de Rome sont, au 17 juillet 1998, des crimes selon le droit international coutumier, et qu'ils peuvent l'être avant cette date, sans que soit limitée ou entravée de quelque manière que ce soit l'application des règles de droit international existantes ou en formation.
(5) Il est entendu qu'un crime contre l'humanité transgressait le droit international coutumier ou avait un caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations avant l'entrée en vigueur des documents suivants:
a) l'Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe, signé à Londres le 8 août 1945;
b) la Proclamation du Commandant suprême des Forces alliées datée du 19 janvier 1946.
Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Doc. NU A/CONF.183/9 (1998)
Article 7
1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque:
a) Meurtre;
b) Extermination;
c) Réduction en esclavage;
d) Déportation ou transfert forcé de population;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international;
f) Torture;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable;
h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour;
i) Disparitions forcées de personnes;
j) Crime d'apartheid;
k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
2. Aux fins du paragraphe 1:
a) Par «attaque lancée contre une population civile», on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d'actes visés au paragraphe 1 à l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d'un Etat ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque;
b) Par «extermination», on entend notamment le fait d'imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population;
c) Par «réduction en esclavage», on entend le fait d'exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être humains, en particulier des femmes et des enfants;
d) Par «déportation ou transfert forcé de population», on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international;
e) Par «torture», on entend le fait d'infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle; l'acception de ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles;
f) Par «grossesse forcée», on entend la détention illégale d'une femme mise enceinte de force, dans l'intention de modifier la composition ethnique d'une population ou de commettre d'autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s'interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse;
g) Par «persécution», on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l'identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l'objet;
h) Par «crime d'apartheid», on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime;
i) Par «disparitions forcées de personnes», on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l'autorisation, l'appui ou l'assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.
3. Aux fins du présent Statut, le terme «sexe» s'entend de l'un et l'autre sexes, masculin et féminin, suivant le contexte de la société. Il n'implique aucun autre sens.
Statut du Tribunal militaire international, annexe de l'Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe, 8 août 1945, 82 R.T.N.U. 279
Article 6
Le Tribunal établi par l'Accord mentionné à l'article premier ci-dessus pour le jugement et le châtiment des grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe sera compétent pour juger et punir toutes personnes qui, agissant pour le compte des pays européens de l'Axe, auront commis, individuellement ou à titre de membres d'organisations, l'un quelconque des crimes suivants:
Les actes suivants, ou l'un quelconque d'entre eux, sont des crimes soumis à la juridiction du Tribunal et entraînent une responsabilité individuelle:
a) Les crimes contre la Paix: c'est-à-dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression, ou d'une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent;
b) Les crimes de guerre: c'est-à-dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires;
c) Les crimes contre l'Humanité: c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.
Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes en exécution de ce plan.
Principes du droit international consacrés par le statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal, adoptés par la Commission du droit international, 1950, Doc. NU A/1316/82 (1950)
Principe VII
La complicité d'un crime contre la paix, d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité, tels qu'ils sont définis dans le principe VI, est un crime de droit international.
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36
Article 4
1. Tout État partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal. Il en est de même de la tentative de pratiquer la torture ou de tout acte commis par n'importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l'acte de torture.
2. Tout État partie rend ces infractions passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité.
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C- 46.
7. [. . .]
(3.71) Nonobstant les autres dispositions de la présente loi et par dérogation à toute autre loi, l'auteur d'un fait--acte ou omission--commis à l'étranger même avant l'entrée en vigueur du présent paragraphe, constituant un crime de guerre ou un crime contre l'humanité et qui aurait constitué, au Canada, une infraction au droit canadien en son état à l'époque de la perpétration, est réputé avoir commis le fait au Canada à cette époque si l'une des conditions suivantes est remplie:
a) à l'époque:
(i) soit lui-même est citoyen canadien ou employé au service du Canada à titre civil ou militaire,
(ii) soit lui-même est citoyen d'un État participant à un conflit armé contre le Canada ou employé au service d'un tel État à titre civil ou militaire,
(iii) soit la victime est citoyen canadien ou ressortissant d'un État allié du Canada dans un conflit armé;
b) à l'époque, le Canada pouvait, en conformité avec le droit international, exercer sa compétence à cet égard à l'encontre de l'auteur, du fait de sa présence au Canada, et après la perpétration, celui-ci se trouve au Canada.
(3.72) Les poursuites engagées à l'égard du fait visé au paragraphe (3.71) sont exercées conformément aux règles de preuve et de procédure en vigueur lors du procès.
(3.73) Sous réserve du paragraphe 607(6) et bien que le fait visé au paragraphe (3.71) constitue une infraction au droit canadien en son état à l'époque de la perpétration, l'accusé peut, dans le cadre des poursuites intentées à l'égard de ce fait, se prévaloir des justifications, excuses ou moyens de défense reconnus à cette époque ou celle du procès par le droit canadien ou le droit international.
(3.74) Par dérogation au paragraphe (3.73) et à l'article 15, une personne peut être déclarée coupable d'une infraction à l'égard d'un fait visé au paragraphe (3.71), même commis en exécution du droit en vigueur à l'époque et au lieu de la perpétration ou en conformité avec ce droit.
(3.75) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, les poursuites à l'égard du fait visé au paragraphe (3.71) ne peuvent être intentées sans le consentement écrit du procureur général ou du sous-procureur général du Canada et menées que par le procureur général du Canada ou en son nom.
(3.76) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«crime contre l'humanité» Assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation, persécution ou autre fait--acte ou omission--inhumain d'une part, commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes--qu'il ait ou non constitué une transgression du droit en vigueur à l'époque et au lieu de la perpétration--et d'autre part, soit constituant, à l'époque et dans ce lieu, une transgression du droit international coutumier ou conventionnel, soit ayant un caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations.
«crime de guerre» Fait--acte ou omission--commis au cours d'un conflit armé international--qu'il ait ou non constitué une transgression du droit en vigueur à l'époque et au lieu de la perpétration--et constituant, à l'époque et dans ce lieu, une transgression du droit international coutumier ou conventionnel applicable à de tels conflits.
«droit international conventionnel» Conventions, traités et autres ententes internationales en vigueur auxquels le Canada est partie, ou qu'il a accepté d'appliquer dans un conflit armé auquel il participe.
(3.77) Sont assimilés à un fait, aux définitions de «crime contre l'humanité» et «crime de guerre», au paragraphe (3.76), la tentative, le complot, la complicité après le fait, le conseil, l'aide ou l'encouragement à l'égard du fait.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21
34. (1) Les règles suivantes s'appliquent à l'interprétation d'un texte créant une infraction:
a) l'infraction est réputée un acte criminel si le texte prévoit que le contrevenant peut être poursuivi par mise en accusation;
b) en l'absence d'indication sur la nature de l'infraction, celle-ci est réputée punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire;
c) s'il est prévu que l'infraction est punissable sur déclaration de culpabilité soit par mise en accusation soit par procédure sommaire, la personne déclarée coupable de l'infraction par procédure sommaire n'est pas censée avoir été condamnée pour un acte criminel.
(2) Sauf disposition contraire du texte créant l'infraction, les dispositions du Code criminel relatives aux actes criminels s'appliquent aux actes criminels prévus par un texte et celles qui portent sur les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire s'appliquent à toutes les autres infractions créées par le texte.