[2013] 4 R.C.F. 507
IMM-5521-11
2012 CF 512
Surinder Singh Jhajj (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Jhajj c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Barnes—Calgary, 20 mars; Ottawa, 3 mai 2012.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rejetant une demande parrainée de résidence permanente — Le demandeur a adopté sa nièce, une citoyenne de l’Inde — L’étude du milieu familial n’a pas été effectuée — L’agent des visas a reçu une lettre de non‑intervention de l’autorité provinciale responsable des adoptions — L’agent a rejeté la demande en vertu de l’art. 117(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) — La Commission a rejeté la lettre de non‑intervention au motif qu’il ne s’agissait pas d’une lettre de non‑opposition au sens de l’art. 117(7) du RIPR — Il s’agissait de savoir si la Commission a commis une erreur dans son interprétation de l’art. 117(7) — La décision de la Commission n’était ni incorrecte ni déraisonnable — Bien que l’art. 117(7) dispose que si l’autorité provinciale responsable des adoptions ne s’oppose pas à l’adoption, il s’agit là d’une « preuve concluante » que les exigences relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant ont été respectées, les autorités provinciales ne sont pas en mesure de se prononcer sur tous les facteurs relatifs à l’« intérêt supérieur » en vertu de l’art. 117(7) — Le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve selon lequel la lettre provenant de l’autorité provinciale responsable des adoptions était suffisante pour faire disparaître l’exigence relative à l’étude du milieu familial — Demande rejetée.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) refusant une demande parrainée de résidence permanente.
Le demandeur et son épouse ont adopté leur nièce, une citoyenne de l’Inde, et ils ont soumis une demande en vue de faire délivrer un visa de résidence permanente au Canada à leur fille adoptive. Une étude du milieu familial demandée par un agent des visas a ensuite été autorisée par l’autorité provinciale responsable des adoptions. L’avocat du demandeur a cependant informé le bureau des visas qu’il n’était pas possible de procéder à l’étude du milieu familial parce que la fille avait atteint l’âge de la majorité. Une lettre de non‑intervention écrite par l’autorité provinciale responsable des adoptions indiquait, entre autres, que la décision concernant l’octroi de la citoyenneté canadienne à la fille du demandeur incombait à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). L’agent des visas a rejeté la demande de parrainage au motif qu’aucune étude du milieu familial n’avait été effectuée conformément au paragraphe 117(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR). La Commission a estimé que le défaut d’obtenir une étude du milieu familial portait un coup fatal à la demande de parrainage et elle a rejeté la lettre de nonintervention au motif qu’il ne s’agissait pas d’une lettre de nonopposition au sens du paragraphe 117(7) du RIPR.
Le demandeur a soutenu, entre autres, que la lettre était suffisante pour répondre aux exigences du paragraphe 117(7) puisque le guide opérationnel de CIC intitulé Traitement de demandes à l’étranger (OP), chapitre OP 3 sur les adoptions (chapitre OP 3), prévoit que les lettres de nonintervention et les lettres de nonopposition ont la même valeur, et que la lettre répondait à l’obligation de réaliser une étude du milieu familial.
Il s’agissait de savoir si la Commission a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 117(7), compte tenu des sections 5.4 et 5.5 du chapitre OP 3.
Jugement : la demande doit être rejetée.
La décision du Conseil n’était ni incorrecte ni déraisonnable. Bien que le paragraphe 117(7) indique que, lorsque les autorités provinciales responsables des adoptions ne s’opposent pas à l’adoption, il s’agit là d’une « preuve concluante » que les exigences relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant ont été respectées, le problème d’interprétation que pose ce paragraphe tient au fait que les autorités provinciales ne sont pas en mesure de se prononcer sur tous les facteurs relatifs à l’« intérêt supérieur » qui seraient tranchés de façon concluante par une lettre de nonopposition provinciale. Par exemple, les autorités provinciales responsables des adoptions ne disposent d’aucun mécanisme qui leur permettrait de déterminer d’emblée si l’on a obtenu un consentement valable des parents biologiques de l’enfant ou encore si l’adoption est authentique et légitime dans le pays où elle a eu lieu. En l’espèce, l’autorité responsable des adoptions a jugé nécessaire de demander à l’agent des visas si l’adoption était valide en droit indien. Il a été question de savoir si une étude du milieu familial aurait été nécessaire si l’autorité provinciale responsable des adoptions avait déclaré dans sa lettre qu’elle n’avait aucune réserve en ce qui concerne l’intérêt supérieur de la fille adoptive du demandeur et qu’elle n’avait pas participé à l’évaluation de son placement en raison du fait qu’elle était une adulte. En l’espèce, le problème fondamental résidait dans le fait que le demandeur n’a pas soumis suffisamment d’éléments de preuve clairs que la lettre provenant de l’autorité provinciale responsable des adoptions était suffisante pour faire disparaître l’exigence relative à l’étude du milieu familial.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 117 (mod. par DORS/2004-167, art. 41; 2005-61, art. 3; 2010-195, art. 11; 2010-208, art. 2).
DOCTRINE CITÉE
Citoyenneté et Immigration Canada. Traitement des demandes à l’étranger (OP). Chapitre OP 3 : Adoptions, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/op/op03-fra.pdf>.
Demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (2011 CanLII 63827) refusant une demande parrainée de résidence permanente. Demande rejetée.
ONT COMPARU
Dalwinder Hayer pour le demandeur.
Rick Garvin pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dalwinder S. Hayer, Calgary, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le Juge Barnes : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) [2011 CanLII 63827] a refusé d’approuver la demande parrainée de visa de résidence permanente présentée par le demandeur en vue de l’immigration de sa fille adoptive.
Contexte
[2] Le 3 juillet 2001, le demandeur, Surinder Singh Jhajj, et sa femme ont adopté leur nièce âgée de 13 ans, Rajwinder Kaur Jhajj, qui vivait en Inde. Peu de temps après, ils ont soumis une demande parrainée en vue de faire délivrer un visa de résidence permanente au Canada à leur fille adoptive. Le dossier certifié du tribunal ne permet pas de savoir avec certitude ce qu’il est advenu de la demande de parrainage, mais ce n’est que le 18 avril 2006 que le bureau des visas a convoqué Rajwinder et son père biologique à une entrevue. Rajwinder était alors âgée de 17 ans. Il ressort des notes du STIDI [Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration] que, le 27 avril 2006, l’agent des visas a envoyé une télécopie aux Alberta Children [and Youth] Services pour demander une étude du milieu familial. Le même agent a envoyé le 5 juin et le 23 novembre 2006 des lettres pour rappeler à M. Jhajj qu’il devait faire le nécessaire pour qu’une étude du milieu familial soit effectuée. Ne recevant pas de réponse, l’agent a fait parvenir des rappels à M. Jhajj en février et en avril 2007.
[3] Le 8 juin 2007, le conseiller juridique de M. Jhajj, Me Dalwinder Hayer, a avisé le bureau des visas qu’une demande d’étude du milieu familial avait été faite par l’intermédiaire des Alberta Children [and Youth] Services. Mis à part une autorisation en vue de la réalisation d’une étude du milieu familial délivrée par les Alberta Children [and Youth] Services le 11 mai 2007, on ne trouve rien d’autre au dossier jusqu’au 22 mars 2008, date à laquelle Me Hayer a informé le bureau des visas qu’il n’était pas possible de procéder à l’étude du milieu familial parce que Rajwinder avait atteint l’âge de 18 ans, c’est‑à‑dire l’âge de la majorité en Alberta.
[4] À défaut d’étude du milieu familial, la directrice du Programme des adoptions internationales des Alberta Children [and Youth] Services, Mme Anne Scully, a transmis une « lettre de non‑intervention » au bureau des visas, le 16 mars 2009. En voici un extrait :
[traduction] Alberta Children and Youth Services ont reçu une demande de lettre de non‑intervention au nom de l’enfant nommé précédemment. Alberta Children and Youth Services a accepté de fournir la présente lettre sur réception d’une ordonnance d’adoption prononcée dans le pays d’origine de l’enfant.
À toutes fins utiles, lorsqu’une ordonnance d’adoption est prononcée en Alberta, l’enfant adopté devient l’enfant des parents adoptifs, qui sont les parents et les tuteurs de cet enfant comme s’il était né en légitime mariage. L’article 73 de la Child, Youth and Family Enhancement Act de l’Alberta dispose : [traduction] « L’adoption prononcée conformément à la loi d’un ressort à l’extérieur de l’Alberta a le même effet en Alberta qu’une adoption prononcée en vertu de la présente loi si l’ordonnance d’adoption prononcée dans l’autre ressort a pour effet de créer un lien de filiation permanent ».
L’acte d’adoption ci‑joint a été obtenu relativement à l’adoption de Rajwinder Kaur par M. et Mme Jhajj. Une cérémonie d’adoption a eu lieu le 2 juillet 2001 en présence d’amis et de parents selon la coutume indienne. L’acte d’adoption a été enregistré au bureau d’enregistrement de district de Newanshahr, au Punjab, en Inde, le 21 août 2001.
Les Alberta Children and Youth Services n’a (sic) joué aucun rôle dans cette adoption. Aucun rapport relativement à une étude du milieu familial n’a été préparé en Alberta au sujet de M. et Mme Jhajj.
La décision concernant l’octroi de la citoyenneté canadienne à Rajwinder Kaur incombe à Citoyenneté et Immigration Canada[1].
[5] L’agent des visas a par la suite rejeté la demande de parrainage pour les motifs suivants :
[traduction] Copie de la demande d’étude du milieu familial reçue par Alberta Children Services le 9 mai 2007.
Suivant les renseignements versés au dossier, la demanderesse a été adoptée en Inde avant l’âge de 18 ans. Selon le paragraphe 117(3) du Règlement, l’adoption a lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant si les conditions suivantes sont réunies :
a) des autorités compétentes ont fait ou ont approuvé une étude de milieu familial des parents adoptifs.
Cette condition n’avait pas été respectée au moment de l’adoption. Bien que les répondants aient expliqué qu’aucune étude du milieu familial ne pouvait être fournie étant donné que la demanderesse a plus de 18 ans, je constate qu’ils ont eu cinq ans pour s’assurer que les conditions de validité de cette adoption soient respectées. Je constate également qu’au moment de notre dernière demande, la demanderesse avait moins de 18 ans et qu’on a attendu qu’elle ait atteint l’âge de 18 ans avant de demander une étude du milieu familial. Je ne puis en conséquence accepter les explications fournies pour expliquer l’absence d’étude du milieu familial. Le fait que les répondants n’aient pas pris les mesures qui s’imposaient pour donner effet à l’adoption de l’enfant au moment où elle a eu lieu (et dans les cinq ans suivant l’adoption) jette un doute sur l’authenticité de l’adoption d’autant plus que la demande ne respecte pas les exigences du paragraphe 117(3) du Règlement.
Demande refusée.
[6] M. Jhajj a interjeté appel de cette décision et l’affaire a été entendue par la Commission le 8 juin 2011, c’est‑à‑dire près de 10 ans après l’adoption de Rajwinder en Inde et alors que Rajwinder était âgée de 22 ans. Devant la Commission, le défendeur a une fois de plus soulevé la question de l’absence d’étude du milieu familial émanant des autorités albertaines. La Commission a estimé que le défaut d’obtenir une étude du milieu familial portait un coup fatal à la demande de parrainage et elle a rejeté la lettre d’une non‑intervention de l’Alberta au motif qu’il ne s’agissait pas d’une lettre de non‑opposition au sens du paragraphe 117(7) [mod. par DORS/2010-195, art. 11] du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Voici l’analyse que la Commission a faite de cette question (aux paragraphes 6 à 9) :
Au début de l’audience, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’intimé) a soutenu que la demandeure ne peut pas être considérée comme étant « membre de la catégorie du regroupement familial » parce que rien ne prouve qu’une étude du milieu familial a été faite ou approuvée par des autorités compétentes dans l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément au paragraphe 117(3) du Règlement. Le conseil de l’appelant a admis qu’aucune étude du milieu familial n’a été faite par des autorités compétentes ni n’a été approuvée. Le conseil de l’appelant a soutenu que la lettre fournie par Anne Scully, représentante des autorités compétentes de l’Alberta, soit Alberta Children and Youth Services, répond aux exigences de l’alinéa 117(3)e) ou 117(3)f) du Règlement. De plus, il a soutenu que la lettre fournie constitue un élément de preuve convaincant qui établit le fait que la demandeure satisfait aux exigences pour être considérée comme étant membre de la catégorie du regroupement familial suivant le paragraphe 117(7) du Règlement. Il a soutenu que, comme les exigences énoncées à l’alinéa 117(3)e) ou 117(3)f) ont été respectées, il n’était pas nécessaire de procéder à une étude du milieu familial ni de l’approuver.
Le paragraphe 117(7) du Règlement est ainsi libellé :
(7) Sauf si l’adoption visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi, la déclaration visée à la division (1)g)(iii)(B) ou aux alinéas (3)e) ou f) fournie par l’autorité compétente de la province de destination à un agent à l’égard d’un étranger constitue une preuve concluante que ce dernier remplit les conditions suivantes :
[…]
c) dans le cas de la personne visée à l’alinéa (1)b) qui est l’enfant adoptif mentionné au paragraphe (2), les conditions prévues aux alinéas (3)a) à e) et g).
Je ne suis pas d’accord avec le conseil de l’appelant. L’intérêt supérieur de l’enfant est défini dans le Règlement. Toutes les exigences énoncées au paragraphe 117(3) doivent être respectées, y compris celles prévues à l’alinéa 117(3)a), qui exige qu’une étude du milieu familial soit faite ou approuvée par des autorités compétentes. En outre, l’alinéa 117(3)e) exige que les autorités compétentes déclarent par écrit qu’elles ne s’opposent pas à l’adoption, et l’alinéa 117(3)f) exige que les autorités compétentes confirment que l’adoption est conforme à la Convention sur l’adoption, si l’adoption internationale a eu lieu dans un pays qui est partie à la Convention. Je conclus que les autorités compétentes dans la présente affaire n’ont pas approuvé l’adoption ni fourni une lettre dans laquelle elles déclarent par écrit qu’elles ne s’y opposent pas. Dans les lettres auxquelles le conseil de l’appelant fait allusion, Anne Scully déclare, entre autres, ce qui suit : [traduction] « À la demande des parents adoptifs, veuillez trouver ci‑joint une “lettre de non‑participation” dans le parrainage d’un enfant pour lequel ils ont obtenu un acte d’adoption en 2001. » Elle affirme également que les [traduction] « Alberta Children and Youth Services ont reçu une demande de lettre de non‑intervention au nom de l’enfant nommé précédemment […] les Alberta Children and Youth Services n’a (sic) joué aucun rôle dans ce placement en adoption. Aucun rapport relativement à une étude du milieu familial n’a été préparé en Alberta au sujet de M. et Mme Jhajj. La décision concernant l’octroi de la citoyenneté canadienne à Rajwinder Kaur incombe à Citoyenneté et Immigration Canada. » Cette lettre indique clairement que les autorités compétentes n’ont joué aucun rôle dans ce cas précis, ce qui ne peut pas être considéré comme une approbation ou le fait de ne pas s’opposer.
Le conseil de l’appelant a soutenu que, comme la demandeure a maintenant plus de 18 ans, une étude du milieu familial n’est pas nécessaire et que le tribunal devrait tenir compte du fait que l’omission de procéder à une étude du milieu familial avant le 18e anniversaire échappait à l’emprise de l’appelant. Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés est très clair. L’adoption a eu lieu quand l’enfant avait 13 ans; par conséquent, suivant le paragraphe 117(3), il faut que l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté. Ensuite, l’article 65 de la Loi précise ce qui suit : « Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire. » La demandeure n’est pas membre de la catégorie du regroupement familial parce qu’aucune étude du milieu familial n’a été faite ni approuvée dans l’intérêt supérieur de l’enfant; par conséquent, je ne peux pas faire fi des dispositions de la Loi et déterminer si l’action ou l’inaction de l’appelant suscite de la sympathie. [Notes de bas de page omises.]
Questions en litige
[7] La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 117(7) du Règlement, compte tenu des sections 5.4 et 5.5 du Guide opérationnel [Citoyenneté et Immigration Canada. Traitement des demandes à l’étranger (OP). Chapitre] OP 3 intitulé : Adoptions ?
Analyse
[8] L’interprétation du paragraphe 117(7) du Règlement et celle que le Ministère fait de cette disposition aux sections 5.4 et 5.5 du Guide opérationnel Chapitre OP 3 (Adoptions) est au cœur du présent litige. Le Règlement dispose :
117. […] |
|
Déclaration de la province |
(7) Sauf si l’adoption visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi, la déclaration visée à la division (1)g)(iii)(B) ou aux alinéas (3)e) ou f) [lettre de non‑opposition] fournie par l’autorité compétente de la province de destination à un agent à l’égard d’un étranger constitue une preuve concluante que ce dernier remplit les conditions suivantes : a) [Abrogé, DORS/2005‑61, art. 3] […] c) dans le cas de la personne visée à l’alinéa (1)b) qui est l’enfant adoptif mentionné au paragraphe (2), les conditions prévues aux alinéas (3)a) à e) et g) [ex. une étude du milieu familial]. [Non souligné dans l’original.] |
Le Guide OP 3 propose les balises suivantes à l’intention de ceux qui sont appelés à prendre des décisions au sujet des lettres de non‑opposition et des lettres de non‑intervention :
5.4. Évaluation du foyer d’accueil effectuée par une autorité compétente
Les autorités provinciales ou territoriales effectuent une évaluation de l’aptitude à adopter des parents éventuels en tant que condition préalable à l’adoption.
Pour les fins de l’immigration, le Règlement exige une évaluation du foyer d’accueil d’un enfant devant être adopté. Les agents doivent donc s’assurer de l’existence d’une évaluation favorable du foyer d’accueil effectuée par une autorité compétente. Au Canada, les autorités compétentes incluent les autorités provinciales et territoriales ainsi que les personnes autorisées par ces autorités, par exemple, un travailleur social agréé.
Une adoption privée peut avoir lieu à l’extérieur du Canada sans qu’une évaluation formelle du foyer d’accueil soit effectuée, même quand l’enfant doit être accueilli au Canada. Dans un tel cas, l’autorité provinciale ou territoriale émet habituellement une lettre de non‑intervention.
Voir la section 7.4 pour connaître les procédures à suivre au cas où une évaluation du foyer d’accueil n’est pas fournie.
5.5. Lettres d’avis des provinces
Le tableau suivant présente les types de lettres d’avis émises par les provinces.
Type de lettre |
Description |
Lettre de non‑opposition |
• La province ou le territoire où l’enfant résidera doit affirmer par écrit qu’elle ne s’oppose pas à l’adoption. Une telle lettre est habituellement appelée « lettre de non‑opposition ». • Le R117(1)g)(iii)B et le R117(3)e) exigent que les autorités de la province d’accueil déclarent par écrit qu’elles ne s’opposent pas à l’adoption. • En matière d’adoption, l’exigence d’une lettre de non‑opposition s’applique seulement aux enfants adoptés à l’étranger par des répondants résidant au Canada. Si le répondant réside à l’étranger et que l’adoption a lieu à l’étranger, les autorités provinciales n’émettront pas de lettre de non‑opposition. |
Lettre de non‑intervention |
• Certaines provinces ou territoires émettent une lettre de non‑intervention dans le cas où une adoption est finalisée à l’étranger préalablement à l’arrivée de l’enfant au Canada. • L’objet de la lettre de non‑intervention est d’informer le bureau des visas à l’étranger qu’une ordonnance d’adoption en conformité avec les lois du pays où l’adoption a lieu sera reconnue par la province ou le territoire de résidence des parents adoptifs. • Les lettres de « non‑opposition » ou de « non‑intervention » satisfont à l’exigence voulant que l’adoption soit reconnue dans l’endroit de résidence des parents adoptifs ainsi qu’aux exigences des R117(1)g)(iii)B et R117(3)e). • Des informations sur les autorités responsables dans les provinces et territoires se trouvent à l’Appendice B. • Des informations particulières à certaines provinces se trouvent à l’Appendice A. [Non souligné dans l’original.] |
[9] L’avocat du demandeur soutient que, dès lors que l’enfant adoptif atteint l’âge de la majorité et que l’autorité provinciale responsable des adoptions n’exprime aucune réserve au sujet de l’adoption à l’étranger, il n’est plus nécessaire de procéder à une étude du milieu familial relevant de la province. Le demandeur soutient également que la lettre du 16 mars 2009 des Alberta Children [and Youth] Services était suffisante pour répondre aux exigences du paragraphe 117(7) du Règlement étant donné que le Guide OP 3 prévoit que les lettres de non‑intervention et les lettres de non‑opposition ont la même valeur. En d’autres termes, la lettre des autorités albertaines répondait à l’obligation de réaliser une étude du milieu familial et aux exigences relatives à l’existence d’un consentement parental valide, au caractère authentique de l’adoption en Inde et en Alberta, et à l’absence de trafic d’enfants.
[10] L’avocat du défendeur soutient que ce n’est pas parce que la lettre de non‑opposition provinciale constitue une « preuve concluante » en vertu du paragraphe 117(7) que l’on renonce pour autant à l’exigence relative à l’intérêt supérieur de l’enfant visée aux alinéas 117(3)a) à e) et g) du Règlement. Même lorsque les autorités provinciales responsables des adoptions déclarent ne pas s’opposer à l’adoption à l’étranger, l’agent des visas et la Commission doivent être en mesure de déterminer que les autorités provinciales compétentes ont procédé à une étude du milieu familial. C’est donc à bon droit qu’on a conclu en l’espèce que le fait que les autorités albertaines n’aient pas procédé à une étude du milieu familial portait un coup fatal à la demande de parrainage.
[11] Le Règlement qui est au cœur du présent différend est inutilement obscur et les lignes directrices ministérielles applicables n’aident guère à discerner l’intention de ses auteurs.
[12] Il semble que l’on s’attende à ce que l’agent des visas fasse preuve d’un degré élevé de retenue envers les autorités provinciales responsables des adoptions relativement à certaines questions se rapportant à l’adoption des enfants étrangers par des familles canadiennes, ce qui est peu étonnant étant donné que les autorités provinciales chargées de veiller au bien‑être des enfants possèdent l’expertise nécessaire pour déterminer si l’adoption est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Normalement, dans le cas de l’adoption d’un enfant à charge étranger, une étude du milieu familial est effectuée et les autorités provinciales responsables des adoptions se prononcent sur le bien‑fondé de son placement. Je doute que le ministre ait jamais voulu que l’agent des visas réinterprète une étude du milieu familial déjà jugée satisfaisante par les autorités provinciales. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle on trouve au paragraphe 117(7) une disposition précisant que, lorsque les autorités provinciales responsables des adoptions ne s’opposent pas à l’adoption projetée d’un enfant étranger, il s’agit là d’une « preuve concluante » que les exigences relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant ont été respectées.
[13] Le problème d’interprétation que pose le paragraphe 117(7) tient au fait que les autorités provinciales ne sont pas en mesure de se prononcer sur tous les facteurs relatifs à l’« intérêt supérieur » qui seraient tranchés de façon concluante par une lettre de non‑opposition provinciale. Par exemple, les autorités provinciales ne disposent d’aucun mécanisme qui leur permettrait de déterminer d’emblée si l’on a obtenu un consentement valable des parents biologiques de l’enfant ou encore si l’adoption est authentique et légitime dans le pays où elle a eu lieu. D’ailleurs, en l’espèce, les Alberta Children [and Youth] Services ont jugé nécessaire de demander à l’agent des visas si l’adoption était valide en droit indien.
[14] J’ai des réserves au sujet de la question de savoir si l’étude du milieu familial serait toujours exigée en vertu de l’article 117 [mod. par DORS/2004-167, art. 41; 2005-61, art. 3; 2010-195, art. 11; 2010-208, art. 2] si les Alberta Children [and Youth] Services avaient déclaré dans leur lettre qu’ils n’avaient aucune réserve en ce qui concerne l’intérêt supérieur de Rajwinder et s’ils n’avaient pas participé à l’évaluation de son placement en raison du fait que Rajwinder avait atteint l’âge de la majorité. En pareil cas, je doute également que l’agent des visas ou la Commission aurait exigé une étude du milieu familial. En l’espèce, le problème fondamental réside dans le fait que le demandeur n’a pas soumis suffisamment d’éléments de preuve clairs émanant des Alberta Children [and Youth] Services pour justifier l’interprétation qu’il a défendue devant la Commission et devant notre Cour. Plus précisément, l’appelant n’a soumis aucun élément de preuve provenant des Alberta Children [and Youth] Services pour préciser l’objet de leur lettre du 16 mars 2009 des Alberta Children [and Youth] Services ou permettant de conclure que ceux-ci estimaient qu’une étude du milieu familial n’était plus nécessaire. Le demandeur n’a pas convaincu la Commission, d’après la preuve présentée, que la lettre des Alberta Children [and Youth] Services était suffisante pour faire disparaître l’exigence relative à l’étude du milieu familial.
[15] Bien que j’aie des réserves au sujet de l’interprétation de l’article 117 que la Commission a retenue, je ne suis pas en mesure d’affirmer que sa décision était incorrecte ou déraisonnable.
[16] Par conséquent, la présente demande est rejetée.
[17] À la clôture de l’audience, l’avocat du demandeur a demandé qu’on lui offre la possibilité de proposer une question à certifier. Le demandeur aura cinq jours à compter de la date du prononcé de la présente décision pour soumettre une question à certifier. Le cas échéant, le défendeur aura cinq jours pour répondre.
JUGEMENT
LA COUR REJETTE la présente demande.
[1] Une version précédente de cette lettre avait été envoyée par Mme Scully au bureau des visas le 28 avril 2004 pour obtenir confirmation que l’acte d’adoption indien du 3 juillet 2001 valait confirmation d’une adoption indienne légitime produisant les mêmes effets qu’une adoption albertaine. L’agent des visas a répondu deux ans plus tard en confirmant que l’adoption [traduction] « satisfait aux exigences de la Hindu Adoption and Maintenance Act, 1956, et constitue une adoption valide ». L’agent des visas demandait par ailleurs que l’on procède à une étude du milieu familial en Alberta.