[2013] 2 R.C.F. 56
IMM-4373-11
2011 CF 915
Lai Cheong Sing (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeurs)
Répertorié : Lai c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Shore—Par téléconférence à Ottawa et Vancouver; Ottawa, 21 juillet 2011.
Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Renvoi de réfugiés — Requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi — Le demandeur s’était enfui de la Chine, où il était recherché pour contrebande — Le demandeur était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’art. 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés — La déléguée du ministre a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi du demandeur en se fondant sur les assurances du gouvernement chinois selon lesquelles on ne lui ferait pas de mal — Il s’agissait de savoir si le demandeur avait satisfait au critère à trois volets énoncé dans Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) — Le demandeur n’a pas satisfait au critère — La décision de la déléguée du ministre ne soulevait aucune crainte raisonnable de partialité — Le demandeur n’a pas soulevé de question sérieuse et n’a pas présenté une preuve claire et convaincante de l’existence d’une erreur — La déléguée du ministre n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire — Il n’y avait aucune preuve de risque qui permettrait de satisfaire au volet « préjudice irréparable » du critère — Le fait que le demandeur était prêt à négocier au sujet de son retour dément l’existence d’un risque — La prépondérance des inconvénients penchait en faveur des défendeurs — Requête rejetée.
Il s’agissait d’une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi visant le demandeur. Le demandeur, un citoyen de la République populaire de Chine, s’est enfui au Canada et a demandé l’asile après avoir appris que les autorités chinoises le recherchaient relativement à une opération de contrebande de grande envergure. La Section du statut de réfugié a conclu que le demandeur était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Une déléguée du ministre a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur et a conclu que, à la lumière d’assurances écrites données par le gouvernement de la Chine portant qu’on ne lui ferait pas de mal, le demandeur n’était pas une personne à protéger et ne subirait vraisemblablement pas la torture ni des traitements ou peines cruels et inusités.
Le demandeur soutenait notamment que les conclusions de la déléguée du ministre soulevaient une crainte raisonnable de partialité et étaient déraisonnables en ce qui avait trait aux assurances diplomatiques et aux mécanismes permettant d’en vérifier le respect.
Il s’agissait de savoir si le demandeur avait satisfait au critère à trois volets énoncés dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) pour obtenir le sursis à la mesure de renvoi.
Jugement : la requête doit être rejetée.
Compte tenu des assurances données par le gouvernement chinois et des motifs pour lesquels la déléguée du ministre les a acceptées, le demandeur n’a satisfait à aucun des trois volets du critère énoncé dans l’arrêt Toth. Selon le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. National Energy Board et autres, une personne bien renseignée conclurait que la déléguée du ministre a rendu une décision juste à l’égard de la demande d’ERAR du demandeur. La déléguée du ministre a étudié les observations du demandeur, a examiné et analysé la preuve et est arrivée à une décision indépendante. Le demandeur n’a pas soulevé de question sérieuse. Pour que la Cour substitue sa propre appréciation du risque à celle d’un précédent décideur, un demandeur doit présenter une preuve claire et convaincante de l’opportunité pour la Cour de procéder à un tel exercice. La même logique vaut pour un délégué du ministre. En l’espèce, le demandeur n’a pas présenté une preuve claire et convaincante de l’existence d’une erreur. Les motifs de la déléguée étaient clairs et indiquaient aussi qu’elle n’avait pas entravé son pouvoir discrétionnaire. La déléguée a décrit le système juridique chinois, à l’égard de l’affaire, en usant de propos très clairs et sans équivoque. En raison des assurances données par le gouvernement chinois, aucune des questions soulevées par le demandeur n’équivalait à la preuve claire et convaincante de risque requise pour satisfaire au volet « préjudice irréparable » du critère tripartite qui doit être rempli pour obtenir un sursis. En outre, le fait que le demandeur était prêt à négocier au sujet de son retour en Chine démentait son allégation de risque en cas de retour. Enfin, la prépondérance des inconvénients penchait en faveur des défendeurs. La loi oblige le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent et, de plus, le demandeur était tenu par la loi de quitter immédiatement le Canada dès que la mesure de renvoi devenait exécutoire. Le demandeur est un criminel de droit commun qui a fui le système judiciaire chinois et qui a pleinement recouru à la procédure d’immigration canadienne. En raison des assurances reçues, que la déléguée du ministre a jugées valables, son renvoi en Chine ne l’exposerait pas à un risque.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 6, 48, 97(1).
TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS
Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, art. 1Fb).
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1988 CanLII 1420 (C.A.F.); Committee for Justice and Liberty et autres c. National Energy Board et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; Weerasinghe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (22 janvier 2004), IMM‑10240-03 (C.F.).
décisions examinées :
Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 361, [2008] 2 R.C.F. 3; Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151, [2007] 1 R.C.F. 490; Onojaefe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (10 mai 2006), IMM-2294-06 (C.F.); Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148, [2005] 4 R.C.F. 210.
décisions citées :
Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 179, conf. par 2005 CAF 125, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [2005] 2 R.C.S. viii; Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 672; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Tharumarasah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 211; Bhalru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1259; Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 325; Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931; Nalliah c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1649, [2005] 3 R.C.F. 210; Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261.
DOCTRINE CITÉE
Citoyenneté et Immigration Canada. Guide de législation sur l’immigration (IL). Chapitre IL 3 : Désignation des agents et délégation des attributions, 4 juillet 2011, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/il/il3-fra.pdf>.
Nations Unies. Conseil économique et social. Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Doc. NU E/CN.4/2006/6/Add.6 (10 mars 2006), en ligne : <http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G06/117/51/PDF/G0611751.pdf?OpenElement>.
U.S. Department of State. Country Reports on Human Rights Practices – 2010, China. Washington : Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor, 8 avril 2011, en ligne : <http://www.state.gov/documents/organization/160451.pdf>.
U.S. Department of State. Country Reports on Human Rights Practices – 2010, Overview and Acknowledgements. Washington : Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor, 8 avril 2011, en ligne : <http://www.state.gov/documents/organization/160514.pdf>.
REQUÊTE en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi visant le demandeur. Requête rejetée.
ONT COMPARU
David Matas pour le demandeur.
Helen Park et Jan Brongers pour les défendeurs.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
David Matas, Winnipeg, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par
Le juge Shore :
I. Vue d’ensemble
[1] La détention d’un individu dans une société et les motifs de cette détention permettent d’analyser la nature de la justice — ou l’absence de justice — dans cette société.
[2] Tout comme une société peut être jugée aux yeux de l’histoire par la manière dont elle applique le principe de la primauté du droit, elle peut aussi être jugée en fonction de ce qu’attestent chez elle les conditions et établissements de détention.
[3] Les principes de la primauté du droit et de l’application régulière de la loi sont des valeurs phares que chérissent les Canadiens. Le coût, s’il en est élevé, importe moins que les valeurs mêmes auxquelles les Canadiens aspirent et sont attachés.
[4] Pour le Canada, tel que le reconnaît la jurisprudence citée, la démocratie est un idéal en voie constante de réalisation. Les valeurs démocratiques, inscrites dans la Constitution par le biais de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], sont un rempart contre une vague de pressions diverses, consciemment et résolument contenue par le pouvoir exécutif, au moyen de politiques, et le pouvoir législatif, au moyen de dispositions légales (comme on a pu le constater en l’espèce dans toutes les instances précédentes), le pouvoir judiciaire n’exerçant rien de plus qu’un rôle d’interprétation. Ce sont là les principes élémentaires sinon fondamentaux que défend le Canada, et non de la poudre aux yeux jetée au hasard à des fins de relations publiques, comme le font certains pays à diverses fins tel que le montre la preuve, le coût en étant toujours calculé mais les valeurs en cause étant soit passées sous silence, soit oubliées.
[5] La preuve dont la Cour est saisie révèle que le traitement réservé en Chine aux moines et aux nonnes tibétains (dont le chef, le dalaï-lama, s’est vu décerner et présenter la citoyenneté canadienne honoraire par les pouvoirs exécutif et législatif de notre gouvernement), au récent lauréat du prix Nobel de la paix pour 2010 en détention, M. Liu Xiaobo (qui purge une peine d’emprisonnement de 11 ans pour subversion et dont les conditions de détention ne se sont que légèrement améliorées depuis l’obtention de son prix) et aux adeptes du Falun Gong et parfois du christianisme et d’autres religions est semblable à celui accordé aux criminels de droit commun. Toutes ces personnes sont détenues les unes avec les autres, sans aucune distinction. Tous ces faits sont admis par des sources gouvernementales et non gouvernementales reconnues.
[6] C’est pour ces motifs que le Canada a exigé du gouvernement chinois des assurances strictes, claires et sans équivoque à l’égard du demandeur Lai Cheong Sing (M. Lai), qui a fui le système de justice chinois, qui réside au Canada depuis 1999 et qui fait actuellement l’objet d’une mesure d’expulsion. De telles assurances ont maintenant été reçues. On présume que le gouvernement chinois respectera les assurances données, par écrit, pour préserver son honneur et sa réputation, du fait de la surveillance du demandeur sa vie durant, ainsi que du motif de son décès éventuel, de manière naturelle ou autre, en tenant dûment compte de son âge et de son état de santé actuel (en recourant à des mesures de surveillance médicale, tel que le prévoient aussi les assurances).
[7] Quant à la valeur des assurances données par le gouvernement chinois, un proverbe souvent cité dans la Chine ancienne illustre bien la situation.
[8] Un enfant qui voulait se montrer plus malin que son maître lui a posé la question suivante : « L’oiseau dans ma main est-il mort ou vivant? » L’enfant comptait écraser l’oiseau si le maître répondait : « L’oiseau est vivant ». Et il comptait le laisser vivre si le maître répondait qu’il était mort. Très compréhensif à l’endroit tant de l’enfant que de l’oiseau, le maître a alors répondu : « La vie de l’oiseau est entre tes mains, mon enfant ».
[9] Il en va de même des assurances du gouvernement chinois. La vie du demandeur est entre les mains de ce dernier. L’issue sera connue plus tard, tout comme pour l’oiseau. Les assurances sont actuelles. Les assurances ont créé entre les gouvernements de la Chine et du Canada un nouveau climat d’entente. Elles donnent espoir quant au nouveau chemin suivi, la signature du gouvernement chinois qui officialise les engagements pris faisant s’ouvrir une voie non encore pratiquée. Le futur, inconnu des deux pays et de quiconque, nous apprendra l’issue de l’affaire.
II. Introduction
[10] Le demandeur, un criminel qui a fui le système de justice chinois, est au Canada depuis août 1999. La Section du statut de réfugié (SSR) a conclu qu’il était exclu de la définition d’un « réfugié au sens de la Convention » aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés [28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6], et qu’il n’était pas un « réfugié au sens de la Convention » (décision de la SSR, confirmée par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, demande d’autorisation d’appel rejetée par la Cour suprême du Canada (C.S.C.)). Le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) restreint, en prétendant être une personne à protéger pour les motifs énoncés au paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). La Cour a annulé la première décision d’ERAR et renvoyé l’affaire afin que soit rendue une nouvelle décision. Le 7 juillet 2011, une déléguée du ministre a statué que le demandeur n’était pas une personne à protéger. Le demandeur doit être prêt à être renvoyé du Canada à la date fixée du 22 juillet 2011. Le demandeur sollicite une ordonnance sursoyant à son renvoi du Canada.
[11] Les défendeurs s’opposent à cette demande de sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion. La Cour ne souscrit à la position des défendeurs qu’en raison des récentes assurances diplomatiques données par le gouvernement chinois à l’organe exécutif du gouvernement canadien. Le demandeur n’a pas démontré qu’il satisfaisait aux critères permettant, en l’espèce, d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion.
[12] Du fait des assurances du gouvernement chinois, en particulier, le demandeur n’a pas démontré que la décision d’ERAR soulevait une question sérieuse. La déléguée du ministre a conclu de manière raisonnable, après examen approfondi de documents sur la situation régnant dans le pays, que des éléments de preuve se rapportant directement au demandeur, la note diplomatique et les assurances écrites extraordinaires données par le gouvernement de la Chine au gouvernement du Canada (qui garantissent selon les autorités canadiennes que, sa vie durant, le demandeur ne sera pas torturé et il ne sera pas attenté à ses jours, ce qui constitue ainsi un engagement pour des années à venir) garantissaient qu’on se conformera aux promesses officielles faites. La déléguée du ministre estime, sur la foi des assurances données, que le demandeur ne sera pas exécuté et qu’on ne fera pas en sorte qu’il meure pendant sa détention ou son emprisonnement en Chine, et qu’il n’y sera pas exposé à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités.
[13] Pour ce qui est du préjudice irréparable, le demandeur n’a pas démontré l’existence d’un tel préjudice fondé sur un risque. Le risque allégué par lui advenant un retour en Chine a été abondamment examiné dans le cadre de sa demande d’asile devant la SSR, des contrôles judiciaires et appels subséquents à l’encontre de la décision de la SSR ainsi que du processus d’ERAR.
[14] La prépondérance des inconvénients penche en faveur du ministre, compte tenu du mandat que la loi lui confère d’exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent. Le demandeur est un fugitif recherché par la justice qui réside au Canada depuis 1999.
III. Le contexte
[15] M. Lai, un citoyen de la République populaire de Chine, est né le 15 septembre 1958.
[16] Au début de 1999, les autorités chinoises ont été informées de l’existence dans la ville de Xiamen, dans la province du Fujian, d’une opération de contrebande de grande envergure. Elles ont par suite mené une enquête, désignée sous le nom d’ « Enquête 4-20 », et mis au jour une gigantesque opération de contrebande, dont les âmes dirigeantes auraient été M. Lai, son épouse, Ming Na Tsang, ainsi que le groupe de sociétés Yuan Hua.
[17] Le 14 août 1999, ayant appris que les autorités chinoises étaient à leur recherche, les membres de la famille Lai ont fuit la Chine pour se rendre au Canada, munis de passeports de la Région administrative spéciale de Hong Kong. Les membres de la famille Lai sont entrés au Canada à titre de visiteurs dotés d’un statut.
[18] En juin 2000, M. Lai et les autres membres de sa famille ont présenté des demandes d’asile à un bureau intérieur de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à Vancouver. Leurs demandes d’asile ont été déférées à la SSR.
[19] Le 18 septembre 2000, une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle a été prise contre M. Lai.
[20] Le 21 juin 2002, la SSR a statué que M. Lai et les membres de sa famille n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention en vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, à l’issue d’une longue audience, qui s’est étendue sur 45 jours, pour revendication du statut de réfugié. La SSR a conclu que M. Lai était exclu de la définition d’un réfugié au sens de la Convention en vertu de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies, comme il y avait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis en Chine des crimes graves de droit commun, soit les crimes de corruption, de contrebande sur une grande échelle, de fraude et d’évasion fiscale. La SSR a également examiné si M. Lai pouvait être « inclus », et elle a conclu que celui-ci ne répondait pas à la définition d’un réfugié au sens de la Convention.
[21] M. Lai a déposé une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire visant la décision de la SSR. Le 3 février 2004, le juge Andrew MacKay de la Cour fédérale a confirmé la décision de la SSR et rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Lai (2004 CF 179). Le 11 avril 2005, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté par M. Lai à l’encontre de la décision du juge MacKay (2005 CAF 125). Le 1er septembre 2005, la C.S.C. a rejeté la demande d’autorisation d’appel soumise par M. Lai (dossier no 30988 de la C.S.C., [2005] 2 R.C.S. viii).
[22] Le 10 novembre 2005, M. Lai a présenté une demande d’ERAR en application du paragraphe 97(1) de la LIPR.
[23] L’agent d’ERAR a rendu sa décision le 15 mars 2006. Comme c’était la première fois que M. Lai demandait que lui soit reconnue la qualité de personne à protéger en application du paragraphe 97(1) de la LIPR, le délégué du ministre a pris en compte l’ensemble de la preuve présentée à la SSR et des observations soumises par M. Lai dans le cadre de l’ERAR. Le délégué du ministre a rejeté la demande d’ERAR et statué que M. Lai n’était pas une personne à protéger.
[24] M. Lai a déposé auprès de la Cour fédérale une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision d’ERAR. Le 1er juin 2006, la juge Carolyn Layden-Stevenson a ordonné un sursis d’exécution de la mesure de renvoi en attendant l’issue de cette demande de contrôle judiciaire (2006 CF 672).
[25] Le 5 avril 2007, le juge Yves de Montigny de la Cour fédérale a accueilli la demande de M. Lai de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR. Il a annulé la décision et renvoyé l’affaire à un autre délégué du ministre pour qu’il rende une nouvelle décision (2007 CF 361, [2008] 2 R.C.F. 3).
[26] En mai 2009, Mme Tsang a quitté volontairement le Canada et est retournée en Chine. Tous les enfants de M. Lai ont également quitté le Canada, Chun-Chun en avril 2009, Chun Wai en février 2010 et Ming Ming le 26 novembre 2010. Les demandes d’ERAR de Chun-Chun et de Chun Wai ont été déclarées abandonnées.
[27] Par décision datée du 7 juillet 2011, une déléguée du ministre a rejeté la demande d’ERAR de M. Lai et a statué que ce dernier n’était pas, selon la prépondérance des probabilités, une personne à protéger, et qu’il ne subirait vraisemblablement pas la torture ni des traitements ou peines cruels et inusités.
[28] Le 8 juillet 2011, on a signifié à M. Lai la décision d’ERAR et ses motifs, et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) l’a avisé que son renvoi aurait bientôt lieu.
[29] La date du renvoi de M. Lai a été fixée au mardi 12 juillet 2011. Par ordonnance datée du 11 juillet 2011, le juge Beaudry a accordé un sursis provisoire prenant fin le 22 juillet 2011 à 12 h (heure de Vancouver).
IV. Les questions en litige
[30] Pour obtenir un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, un demandeur doit démontrer qu’il satisfait aux trois volets du critère énoncé dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1988 CanLII 1420 (C.A.F.), selon lesquels :
A. il existe une question sérieuse à trancher par la Cour,
B. il subirait un préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé, et
C. c’est lui, selon la prépondérance des probabilités, qui subirait le plus grand préjudice si le sursis lui était refusé.
[31] Le demandeur doit satisfaire à chacun des trois volets du critère, de manière conjonctive, en vue de l’octroi d’un sursis.
V. Analyse
A. Question sérieuse
[32] M. Lai a soulevé les questions suivantes dans la demande sous-jacente de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR :
a) l’existence d’une crainte de partialité,
b) le caractère déraisonnable des conclusions de la déléguée du ministre au sujet des assurances diplomatiques et des mécanismes permettant d’en vérifier le respect.
a) Absence de crainte raisonnable de partialité
[33] M. Lai soutient que la décisionnaire n’est pas une agente de la Section de l’ERAR mais bien une « déléguée du ministre » et qu’ainsi, elle n’est pas indépendante du ministre.
[34] En vertu de l’article 6 de la LIPR, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a délégué aux agents d’ERAR et à certains fonctionnaires à l’administration centrale de CIC, y compris le Directeur, Détermination des cas, le pouvoir de rendre des décisions d’ERAR. La décisionnaire saisie de la demande d’ERAR de M. Lai est la Directrice, Détermination des cas, Direction générale du règlement des cas, à l’administration centrale du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (CIC. Guide opérationnel, Guide de législation sur l’immigration (IL). Chapitre IL 3 : Désignation des agents et délégation des attributions, Instrument de désignation et de délégation, point 52).
[35] La déléguée du ministre a étudié les observations de M. Lai sur la partialité, et conclu qu’elle évaluerait et apprécierait tous les renseignements dont elle disposait en toute indépendance et sans parti pris.
[36] Selon le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité, tel qu’il a été énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. National Energy Board et autres, [1978] 1 R.C.S. 369, il s’agit de se demander si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait, selon toute vraisemblance, que la déléguée du ministre a rendu une décision juste à l’égard de la demande d’ERAR de M. Lai.
[37] Après avoir lu les motifs exposant l’analyse indépendante de la déléguée du ministre, une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que la déléguée a rendu une décision juste à l’égard de la demande d’ERAR de M. Lai. En effet, la déléguée du ministre a étudié les observations de M. Lai, elle a examiné et analysé la preuve et elle en est arrivée à une décision indépendante. Elle n’a pas non plus mâché ses mots, assurément, pour faire connaître les réflexions sur le système juridique chinois que lui inspirait la preuve dont elle était saisie.
b) Caractère raisonnable des conclusions d’ERAR
[38] La norme de contrôle applicable aux décisions d’ERAR dans leur ensemble est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339).
[39] De par sa nature, la décision d’un délégué du ministre commande une grande déférence lors d’un contrôle judiciaire. Lorsqu’il n’y a rien de déraisonnable dans la décision d’ERAR, il n’y a aucune question sérieuse à trancher aux fins d’une demande de sursis. En l’espèce, la décision de la déléguée du ministre était raisonnable et elle n’appelle pas l’intervention de la Cour (Tharumarasah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 211, au paragraphe 6; Bhalru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1259, au paragraphe 24).
[40] Tel qu’en a décidé le juge Yvon Pinard dans la décision Weerasinghe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (22 janvier 2004), IMM‑10240-03 (C.F.), pour que la Cour substitue sa propre appréciation du risque à celle d’un précédent décideur, un demandeur doit présenter une preuve claire et convaincante de l’opportunité pour la Cour de procéder à un tel exercice. La même logique vaut pour un délégué du ministre. M. Lai n’a pas soumis une preuve claire et convaincante d’erreur, et il n’a donc pas soulevé une question sérieuse. En dernière analyse, M. Lai demande à la Cour de substituer son opinion sur le risque à celle de la déléguée du ministre. La Cour ne le fera pas en l’absence de preuve péremptoire, compte tenu des assurances expresses données par le gouvernement chinois et que la déléguée du ministre a jugées être valables.
[41] Dans son analyse de la demande, la déléguée du ministre a exposé comment elle avait pris la preuve en compte ainsi que les conclusions qu’elle en avait tirées. Ses motifs sont clairs. Ils font voir aussi qu’il n’y a pas eu manquement dans l’exercice par la déléguée du ministre de son pouvoir discrétionnaire. La déléguée a donné du système juridique chinois la description sans fard que lui inspirait l’affaire, en usant de propos très clairs et sans équivoque, dont des extraits sont cités et analysés plus loin.
[42] M. Lai prétend que la question sérieuse soulevée dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente est de savoir si sont raisonnables les conclusions de la déléguée sur les mécanismes de vérification des assurances diplomatiques données quant à l’absence d’actes de torture, et si ces mécanismes sont adéquats.
[43] La déléguée du ministre a pris en compte et apprécié l’ensemble de la preuve dont elle disposait, en se penchant sur la question de savoir si M. Lai allait vraisemblablement être soumis à la torture ou à des mauvais traitements en Chine. La déléguée a fait référence tant à la preuve d’expert qu’aux documents sur la situation régnant dans le pays. Elle a conclu que les autorités chinoises n’estimeraient pas nécessaire ni souhaitable de soumettre M. Lai à la torture une fois celui-ci de retour en Chine.
[44] De manière expresse dans ses motifs, la déléguée du ministre a elle-même tiré les conclusions suivantes relativement aux assurances données contre la torture :
[traduction]
i. Les assurances données contre la torture en mars 2011 ne suffiraient pas dans les situations où les autorités recourent par ailleurs fortement à la torture, le rapporteur spécial des Nations Unies ayant déclaré que seraient alors uniquement suffisantes les assurances prévoyant des mécanismes intrusifs de surveillance et visant l’ensemble d’une population carcérale. M. Lai n’est toutefois pas dans une situation où les autorités recourent par ailleurs à la torture;
ii. La procédure pénale est déficiente en Chine en fonction des normes canadiennes et internationales, mais la situation s’est grandement améliorée depuis que des modifications y ont été apportées à la fin des années 1990. Pour ce qui est de M. Lai, les assurances expresses de mars 2011 renferment des garanties additionnelles visant à assurer qu’il ne soit pas traité d’une manière choquant la conscience des Canadiens; [La Cour reconnaît que le frère de M. Lai, Lai Shui Quiang, ainsi que son comptable, Chen Zencheng, sont morts en prison de causes inconnues.]
iii. Une peine d’emprisonnement à perpétuité ne choquerait pas la conscience des Canadiens, ne serait pas dégradante pour la dignité de l’être humain, ni ne serait disproportionnée par rapport à un objectif social valable, et ainsi elle ne constituerait pas une peine cruelle et inusitée. Des conditions d’incarcération rapportées ne constituent pas, en elles-mêmes, des traitements ou peines cruels et inusités; [La déléguée du ministre commentait les assurances données à ce sujet par le gouvernement chinois.]
iv. Il est improbable que M. Lai sera torturé puisqu’il n’est pas membre d’un groupe vulnérable, que le droit chinois fait obstacle de diverses manières à la torture, que les autres membres du groupe de sociétés Yuan Hua accusés semblent ne pas avoir été torturés et qu’on en est à une étape tardive de l’enquête sur ses crimes. Il est aussi improbable que sera « planifié » le décès de M. Lai au cours de sa détention ou de son emprisonnement;
v. M. Lai ne sera pas exécuté s’il devait retourner en Chine et il est improbable qu’on fera en sorte qu’il meure pendant qu’il est détenu ou emprisonné. Il n’est pas vraisemblable, selon la prépondérance des probabilités, que M. Lai subira des traitements ou peines cruels et inusités, ou encore des actes de torture.
[45] La déléguée du ministre a ensuite cité, à la page 59 de ses motifs, le passage suivant du document Country Reports on Human Rights Practices – 2010, China [à la page 8] du département d’État des États-Unis :
[traduction] Les conditions dans les établissements pénitentiaires étaient généralement très difficiles et souvent dégradantes tant pour les prisonniers politiques que pour les criminels de droit commun. Les lieux de détention et d’incarcération étaient fréquemment surpeuplés, les conditions d’hygiène y étant mauvaises. La capacité d’accueil insuffisante dans les prisons est demeurée un problème dans certaines régions. La nourriture était souvent insuffisante et de mauvaise qualité, de nombreux détenus devant compter sur des médicaments et des aliments supplémentaires fournis par les membres de leur famille. Certains dissidents politiques en vue n’avaient pas droit à de tels médicaments et aliments supplémentaires. L’obtention par les prisonniers de soins médicaux adéquats dans des délais raisonnables est demeurée un problème important, malgré les assurances officielles données quant aux soins de santé rapidement dispensés aux prisonniers.
L’article 53 de la Loi sur les prisons requiert qu’il y ait de la ventilation, de la lumière naturelle et du chauffage dans les prisons et que celles-ci soient propres. Dans bien des cas, toutefois, les conditions étaient inadéquates en termes d’hygiène, de ventilation, de chauffage, d’éclairage, d’obtention de soins médicaux de base et d’urgence et d’accès à l’eau potable.
Le travail forcé est demeuré un problème grave dans les établissements pénitentiaires. De nombreux prisonniers et détenus dans ces établissements et dans les camps de rééducation par le travail [RPT] étaient obligés de travailler, souvent sans la moindre rémunération. Les renseignements sur les prisons, de même que sur les camps et les usines de travail, étaient considérés relever du secret d’État.
[46] Il n’y a pas d’établissements destinés en propre aux prisonniers politiques et religieux en Chine; rien dans la documentation sur la situation dans ce pays ne donne à penser le contraire. Ces prisonniers et les criminels de droit commun sont détenus ensemble dans les mêmes établissements.
[47] Les sources qui ont servi à l’établissement du rapport du département d’État des États-Unis sont mentionnées dans la section [traduction] « Aperçu – Rapports sur les pays » [Country Reports on Human Rights Practices – 2010, Overview and Acknowledgements], dont voici un extrait (http://www.state.gov/documents/organization/160514.pdf) :
[traduction] Le département d’État a établi le présent rapport sur la foi de renseignements provenant d’ambassades et de consulats des États-Unis à l’étranger, de représentants de gouvernements étrangers, d’organisations internationales et non gouvernementales et de rapports publiés. Les premières ébauches des divers rapports sur les pays ont été rédigées par le personnel des missions diplomatiques américaines à l’étranger, qui s’est fondé sur des renseignements recueillis tout au long de l’année de diverses sources, notamment des fonctionnaires, des juristes, des militaires, des journalistes, des observateurs veillant au respect des droits de la personne, des universitaires et des militants syndicaux. Cette cueillette de renseignements peut s’avérer périlleuse, et le personnel américain du service extérieur déploie de grands efforts, dans des conditions difficiles et parfois dangereuses, pour faire enquête sur des cas rapportés de violations des droits de la personne, surveiller des élections et aider des personnes exposées à des risques, comme des dissidents politiques et des défenseurs des droits de la personne, dont les propres droits sont menacés par leur gouvernement.
Une fois les premières ébauches d’un rapport terminées, le Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, de concert avec d’autres services du département d’État, a procédé au travail requis de corroboration, d’analyse et de révision, en s’appuyant sur ses propres sources d’information. Parmi ces sources, il y a eu des rapports émanant de groupes américains et étrangers de défense des droits de la personne, de représentants de gouvernements étrangers, des Nations Unies et d’autres organisations et institutions internationales et régionales, d’experts universitaires et de membres des médias. Les membres du Bureau ont également consulté des spécialistes des questions liées notamment aux droits des travailleurs, aux réfugiés, à l’armée et à la police ainsi que des questions féminines et juridiques. Le principe directeur était de veiller à ce que tous les renseignements soient évalués de manière objective, approfondie et équitable.
[48] Le rapport du département d’État des États-Unis se fonde ainsi sur de multiples sources. Les auteurs de ce rapport ont dû prendre en considération le rapport des Nations Unies. Le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies [Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Doc. NU E/CN.4/2006/6/Add.6] s’appuie, contrairement au rapport américain, sur une seule source. Le Rapporteur spécial a uniquement rapporté ce qu’il a vu lors des visites organisées qu’il a faites dans 10 établissements. Il n’a pas rendu compte des conditions de vie générales dans les prisons, mais seulement de ce qu’on lui a montré, c’est-à-dire de ce qu’il a « constaté » dans les 10 établissements où l’ont conduit ses visites organisées. La déléguée du ministre a ainsi préféré des renseignements provenant d’une seule source (décision, à la page 58). Les assurances données font malgré tout contrepoids, et la déléguée du ministre s’y est attardée dans sa décision.
[49] Comme il est dit dans les documents produits par le demandeur, les établissements de détention pour les criminels de droit commun et le traitement qui leur est réservé sont semblables à ceux des moines et nonnes tibétains, du plus récent lauréat du prix Nobel pour la paix (2010) ainsi que des adeptes du Falun Gong, du christianisme et d’autres religions. Hormis des visites organisées, la surveillance externe des établissements de détention chinois n’est pas autorisée, et la Chine ne publie pas de renseignements sur ces établissements. Les prisonniers une fois libérés hésitent à parler des conditions de détention en Chine, de peur d’être à nouveau victimes. Aucune preuve ne révèle l’existence d’établissements de détention distincts pour l’un ou l’autre des groupes précédemment mentionnés. Tous les prisonniers sont détenus ensemble, sans aucune distinction, et tous sont ainsi soumis aux mêmes conditions.
[50] La déléguée du ministre a conclu, après examen de documents sur la situation dans le pays, que certains groupes vulnérables étaient plus susceptibles, de manière disproportionnée, d’être victimes d’actes de torture que la population carcérale générale. Selon la [traduction] « typologie des victimes de prétendus actes de torture et mauvais traitements » établie par le Rapporteur spécial, ces groupes vulnérables étaient les Tibétains, les Ouïghours, les dissidents politiques, les défenseurs des droits de la personne, les adeptes du Falun Gong, les travailleurs du sexe et certains autres, comme les personnes atteintes du VIH/sida et les membres de groupes religieux (décision, aux pages 63 et 64; extrait tiré du Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, décision, aux pages 69 à 71).
[51] La déléguée du ministre a également évalué quel traitement était réservé aux « criminels de droit commun », et s’ils étaient victimes d’actes de torture, comme M. Lai n’était pas membre d’un des « groupes vulnérables ». La déléguée a conclu qu’aux époques de répression de la criminalité par la police, on rapportait davantage de cas de recours à la torture pour extorquer des aveux. La déléguée a également conclu qu’on semblait principalement soumettre des criminels à la torture en vue, à l’étape de l’enquête, d’obtenir des aveux de préférence à d’autres types de preuve (décision, à la page 67).
Assurances diplomatiques
a) Torture
[52] La déléguée du ministre admet que les assurances diplomatiques, même celles données par suite des nouvelles négociations, ne suffiraient pas en elles-mêmes pour écarter la possibilité que soient commis des actes de torture : [traduction] « ces assurances restent à court du mécanisme élaboré de surveillance requis pour s’assurer qu’un détenu ne soit pas maltraité lorsque les autorités sont déterminées à lui causer du tort » (décision, à la page 39). La déléguée écrit ensuite que c’est l’accès par les représentants canadiens à la cellule du demandeur, accès promis dans les assurances diplomatiques données, qui [traduction] « limiterait le risque de mauvais traitements » (non souligné dans l’original) (décision, à la page 51).
[53] La déléguée conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est improbable que le demandeur subira des actes de torture. Elle fonde cette conclusion non seulement sur les assurances diplomatiques, mais aussi sur d’autres éléments de preuve. Ces assurances ont néanmoins été l’un des facteurs pris en compte. La déléguée estime que les assurances données ne peuvent garantir qu’il n’y aura pas de mauvais traitements, mais elles en minimisent sensiblement le risque.
[54] Ce point avait été soulevé, comme suit, au moyen d’une question certifiée par le juge de Montigny [Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 361, [2008] 2 R.C.F. 3, précité] : « S’il existe un risque de torture dans un cas particulier, à quelles exigences une assurance donnée contre la torture doit-elle satisfaire pour rendre ce risque plutôt improbable? » On l’a vu, l’une des réponses apportées à cette question par la déléguée du ministre consistait en des visites faites à la cellule. De telles visites minimisent le risque de torture, comme se trouvent alors en jeu la parole donnée, l’honneur et la réputation du gouvernement chinois.
b) Peine de mort et procès équitable
Assurance quant à la présence en cour
[55] La déléguée du ministre s’est fiée sur les assurances données par le gouvernement chinois en matière de garanties procédurales. Selon elle, [traduction] « un élément fort utile de ces assurances sont les garanties procédurales offertes à M. Lai […] Ce qui touche la procédure pénale, de même que l’engagement relatif à la peine de mort, est plus facile à vérifier que l’infliction ou non d’actes de torture » (décision, à la page 40).
[56] Il est difficile d’évaluer si, véritablement, la procédure pénale et la peine de mort sont des éléments faciles à vérifier. Ce qui nuit aux assurances données à leur endroit, c’est le fait que les tribunaux chinois ne sont pas publics et que le Canada n’a d’autre choix que de se fier sur les rares assurances pour lesquels, par exception, le gouvernement chinois a pris un engagement.
[57] L’on reconnaît qu’un jugement de la Cour suprême de Chine par lequel une personne est condamnée à mort ne constitue pas un document public, et que l’exécution de la sentence n’est pas non plus publique. Selon les renseignements présentés sur la situation dans le pays, les statistiques relatives à la peine de mort en Chine sont enveloppées de secret. Nombre d’organisations non-gouvernementales et de gouvernements ont demandé à la Chine de faire connaître ces statistiques. De telles demandes seraient inutiles si les sentences de mort prononcées par la Cour suprême étaient des documents publics, car on pourrait alors obtenir les statistiques souhaitées simplement en compilant les jugements en cause de la Cour suprême.
[58] Selon la déléguée du ministre, les assurances prévoient qu’un [traduction] « représentant de l’ambassade ou d’un consulat du Canada pourra être présent à l’audience » de M. Lai (décision, à la page 50). On prévoit en fait ceci dans les assurances : [traduction] « Si la cour tient des audiences publiques par suite de poursuites pénales pour contrebande présumée intentées contre LAI Changxing en application du Code de procédure pénale ou du Code pénal de la République populaire de Chine, le Canada pourra envoyer des représentants de son ambassade ou de ses consulats en Chine pour qu’ils assistent à ces audiences » (décision, à la page 14).
[59] La déléguée du ministre admet l’argument selon lequel, en ce qui concerne les actes de torture, un mécanisme de surveillance est requis, comme c’est derrière des portes closes qu’on pratique la torture en Chine.
[60] Or, on dit dans les assurances révisées données par le gouvernement chinois que les représentants de l’ambassade ou des consulats du Canada pourront assister non pas au procès de M. Lai, mais bien seulement aux « audiences publiques » faisant suite aux poursuites pénales intentées contre lui. Le gouvernement chinois pourrait ainsi faire tenir à huis clos le procès de M. Lai et, tout en se conformant à ses assurances, en interdire l’accès aux représentants canadiens. Les assurances, reconnues valables par la déléguée du ministre, sont toutefois jugées être substantielles comme le gouvernement chinois, selon la décision de la déléguée, permettra qu’on procède à la surveillance requise pendant la détention de M. Lai (décision, à la page 14).
[61] La déléguée du ministre écrit qu’il est [traduction] « possible qu’on invoque le “secret d’État” pour l’affaire de M. Lai », mais elle ne déduit pas de cette conclusion que les représentants du gouvernement canadien ne pourront s’autoriser des assurances données pour assister au procès (décision, à la page 53).
Assurance quant à l’accès à un avocat
[62] Un défi de taille rencontré par M. Lai pour obtenir un procès équitable en Chine consiste à trouver un avocat qui souhaite et puisse suivre ses directives. M. Lai peut se trouver un avocat; ce n’est pas lui toutefois mais bien le parti communiste qui lui donnera des directives. Sans les assurances données par le gouvernement chinois, si un avocat était assez audacieux pour défendre la position souhaitée par M. Lai, il risquerait de se retrouver dans une situation périlleuse. Encore une fois, c’est uniquement sur la foi des assurances précises données sur ce point par le gouvernement chinois au gouvernement canadien, et en reconnaissant l’importance de l’engagement ainsi pris, que la déléguée du ministre juge la situation satisfaisante.
[63] Il y a eu une forte politisation de la présente affaire, qui a donné lieu à de nombreuses déclarations de dirigeants politiques chinois au fil des ans. On présumait dans ces déclarations la culpabilité de M. Lai. Les dirigeants politiques de la Chine considèrent que M. Lai est le fugitif le plus recherché de leur pays, et l’on présume que tous les éléments de preuve pertinents seront présentés en raison des assurances données au pouvoir exécutif canadien et que la déléguée du ministre juge être acceptables.
[64] Le raisonnement de la déléguée du ministre suivant lequel M. Lai obtiendrait un procès équitable présuppose la culpabilité de ce dernier : [traduction] « Je reconnais qu’il peut y avoir en Chine un problème de verdicts imposés par les instances politiques, mais il semble dans le cas de M. Lai qu’un verdict imposé par le gouvernement ou le “parti” ne soit pas nécessaire. La preuve de la culpabilité, accumulée lors de l’Enquête 4-20, est d’importance » (non souligné dans l’original) (décision, à la page 52).
[65] En réponse aux observations de l’avocat selon lesquelles tout avocat de M. Lai en Chine serait empêché au procès, pour des motifs politiques, de faire valoir les moyens de défenses souhaités par son client, la déléguée du ministre écrit que [traduction] « si M. Lai devait retourner en Chine, il serait très probablement reconnu coupable de corruption et de contrebande » (décision, à la page 52). Bien que soit indéfendable l’idée voulant que seules les personnes innocentes aient droit à un procès équitable, c’est encore une fois en raison des assurances extraordinaires données en l’espèce et des engagements pris par le gouvernement chinois sur cette question fondamentale que la déléguée de la ministre estime cette situation acceptable.
[66] La Cour a bien examiné les motifs de la déléguée du ministre en leur ensemble, en essayant de comprendre sa décision, comme la Cour d’appel fédérale en a souligné l’importance, comme suit, dans le récent arrêt Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151, [2007] 1 R.C.F. 490 (au paragraphe 15) :
Il est également important de souligner que la cour de révision doit faire preuve de réalisme lorsqu’elle décide si les motifs fournis par un tribunal administratif sont juridiquement suffisants. C’est là un principe fondamental bien connu. Il convient de lire les motifs dans leur ensemble, et non pas de les analyser de près, phrase par phrase, pour y rechercher des erreurs ou des omissions; il faut les lire en essayant de les comprendre, et non pas en se posant des questions sur chaque possibilité de contradiction, d’ambiguïté ou sur chaque expression malheureuse.
B. Préjudice irréparable
[67] Il incombe à tout demandeur, pour satisfaire au second volet du critère énoncé dans l’arrêt Toth, de démontrer que le risque de préjudice n’est pas hypothétique ni n’est fondé sur une série de possibilités. Il doit aussi convaincre la Cour que le préjudice surviendra si la réparation sollicitée n’est pas accordée (Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 325, au paragraphe 15; Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931, au paragraphe 7).
[68] M. Lai n’a pas démontré qu’il subirait un préjudice irréparable s’il devait retourner en Chine. Au regard du préjudice irréparable,
a) il fait valoir que les questions sérieuses soulevées dans la demande sous-jacente de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR sont liées au préjudice irréparable, et
b) il formule les mêmes allégations quant au risque de préjudice que celles présentées dans le cadre de sa demande d’ERAR.
a) Absence de question sérieuse permettant de démontrer le préjudice irréparable
[69] Au soutien de son argument quant à un « préjudice irréparable », M. Lai fait valoir qu’il a démontré l’existence d’une question sérieuse en regard du risque. Comme toutefois il n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse, son argument quant au préjudice irréparable doit être écarté, compte tenu des assurances précises qui ont été données et que la déléguée du ministre juge suffisantes au point de les estimer constituer des garanties.
[70] Il n’y a pas automatiquement de préjudice irréparable même si, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’ERAR, on a démontré l’existence d’une question sérieuse. Dans la décision Onojaefe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (10 mai 2006) IMM-2294-06, la Cour a statué qu’on ne pouvait décider automatiquement de la question du préjudice irréparable du simple fait que, par suite de l’évaluation du risque dans un ERAR, une question sérieuse était estimée soulevée. La question sérieuse relevée ne satisfait pas nécessairement au critère du préjudice irréparable, et la retenue est de mise face à la décision d’un délégué du ministre, juge des faits, quant au risque (Onojaefe, aux paragraphes 13 à 16).
[71] Même si la Cour concluait qu’il y a bien une question sérieuse à trancher, elle devrait ensuite examiner s’il découle de cette question sérieuse une preuve claire et convaincante (non hypothétique ni fondée sur une série de possibilités) montrant que M. Lai subirait un préjudice irréparable s’il devait maintenant retourner en Chine. En raison des assurances données par le gouvernement chinois, toutefois, aucune des questions soulevées par M. Lai n’équivaut à la preuve claire et convaincante de risque requise pour satisfaire au volet « préjudice irréparable » du critère tripartite de l’octroi d’un sursis.
b) Risque allégué en cas de retour en Chine
[72] En ce qui concerne le risque advenant son retour en Chine, M. Lai a formulé les mêmes allégations aux fins de sa demande d’asile devant la SSR et de sa demande d’ERAR. La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont confirmé la conclusion de la SSR, tandis que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel de M. Lai. La Cour a statué que, lorsque la SSR avait jugé non crédible le récit d’un demandeur, ce récit ne pouvait fonder une argumentation d’existence de préjudice irréparable. Et au soutien de sa requête en sursis, M. Lai n’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’il courrait maintenant un risque en Chine compte tenu des assurances précises qui ont été données (Molnar, précité, au paragraphe 15; Akyol, précité, au paragraphe 7; Nalliah c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1649, [2005] 3 R.C.F. 210, au paragraphe 27).
[73] Il est manifeste, en outre, que M. Lai a négocié avec les autorités chinoises au sujet de son retour en Chine. La volonté de M. Lai d’engager de telles négociations dément son allégation de risque en cas de retour en Chine.
C. Prépondérance des inconvénients
[74] La prépondérance des inconvénients penche en faveur des défendeurs en l’espèce. La loi confère comme mandat au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent. M. Lai est également tenu en vertu de la loi de quitter immédiatement le Canada dès que la mesure de renvoi est exécutoire (paragraphe 48(2) de la LIPR).
[75] La LIPR (article 48) prévoit que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile doit exécuter toute mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent (Akyol, précité, au paragraphe 12). Ce n’est qu’en des circonstances exceptionnelles que l’intérêt d’un individu l’emporte sur l’intérêt public. Comme la Cour d’appel fédérale l’a récemment expliqué dans l’arrêt Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148, [2005] 4 R.C.F. 210 : « Si l’on veut que l’administration du droit de l’immigration soit crédible, il faut que le renvoi des personnes visées par une mesure d’expulsion soit la règle, et que l’octroi d’un sursis en attendant l’issue d’une instance judiciaire, l’exception » (au paragraphe 47).
[76] M. Lai est arrivé au Canada en août 1999 et il y est demeuré depuis lors. Il a pu pleinement recourir à la procédure d’immigration canadienne, et on a conclu qu’il était exclu de la définition d’un « réfugié au sens de la Convention » et qu’il n’était pas une « personne à protéger ». La SSR a consacré une longue audience à l’instruction de sa demande d’asile et elle a conclu, le 21 juin 2001, qu’il était exclu de la définition d’un « réfugié au sens de la Convention » aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention relative aux réfugiés comme il y avait de sérieuses raisons de penser qu’il avait commis hors du Canada, avant d’y être admis, les crimes de corruption et de contrebande sur une grande échelle, de graves crimes de droit commun. La décision de la SSR a été confirmée par la Cour fédérale le 19 mars 2004 et par la Cour d’appel fédérale le 11 avril 2005, la Cour suprême du Canada ayant rejeté la demande d’autorisation d’appel le 1er septembre 2005. M. Lai a alors soumis une demande d’ERAR au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. La déléguée du ministre a examiné cette demande avec soin et, le 7 juillet 2011, elle a rendu une décision d’ERAR étoffée et éclairée.
[77] En ce qui concerne la situation de M. Lai, les membres de sa famille qui l’ont accompagné au Canada sont déjà retournés volontairement en Chine.
[78] Le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi est une « réparation exceptionnelle ». Dans l’arrêt Tesoro, précité, le juge John Maxwell Evans avait affaire à un tel sursis et il a statué, comme suit, que s’il avait décidé que le renvoi du grand criminel en cause causerait un « préjudice irréparable » en raison des effets de la séparation familiale (ce qu’il n’a pas fait), il aurait néanmoins rejeté la demande de sursis pour non-respect du volet « prépondérance des inconvénients » du critère, le renvoi rapide devant constituer la règle, et l’octroi d’un sursis l’exception (au paragraphe 47) :
[…] si j’avais décidé que le renvoi de M. Tesoro causerait un préjudice irréparable, parce que les effets de la séparation familiale étaient plus que de simples inconvénients, j’aurais situé ce préjudice au bas de l’échelle de gravité et j’aurais conclu que, selon la prépondérance des inconvénients, il devait céder le pas devant l’intérêt du public dans le renvoi rapide du Canada de ceux jugés interdits de territoire pour cause de grande criminalité. Si l’on veut que l’administration du droit de l’immigration soit crédible, il faut que le renvoi des personnes visées par une mesure d’expulsion soit la règle, et que l’octroi d’un sursis en attendant l’issue d’une instance judiciaire, l’exception.
[79] M. Lai est un criminel de droit commun qui a fui le système judiciaire chinois et qui a pleinement recouru à la procédure d’immigration canadienne au cours des 11 dernières années. On a conclu que son renvoi en Chine ne l’exposerait pas à un risque en raison des assurances extraordinaires reçues, que la déléguée du ministre a jugées être valables. Par conséquent, la prépondérance des inconvénients penche en faveur non pas d’un nouveau sursis, mais plutôt de l’exécution de la mesure de renvoi prise contre M. Lai (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, aux paragraphes 21 et 22).
VI. Conclusion
[80] Compte tenu des assurances données par le gouvernement chinois et des motifs pour lesquels la déléguée du ministre a reconnu ces assurances être valables, M. Lai n’a satisfait à aucun des trois volets du critère énoncé dans l’arrêt Toth pour l’octroi d’un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion valide prise contre lui, et la demande de sursis est ainsi rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la requête en sursis du demandeur soit rejetée.