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T-1359-01

2003 CFPI 546

Sunshine Village Corporation (demanderesse)

c.

Parcs Canada, Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, le directeur du parc national Banff et le Procureur général du Canada (défendeurs)

Répertorié: Sunshine Village Corp. c. Canada (Parcs) (1re inst.)

Section de première instance, juge Heneghan-- Edmonton, 5 novembre 2002; Ottawa, 2 mai 2003.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- Le directeur du parc national Banff a imposé, en vertu du règlement d'application de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, un droit de permis pour la reconstruction de télécabines dans une aire de ski -- Le droit devait-il être calculé en fonction du coût total des télécabines -- Les télécabines peuvent-elles être qualifiées «de bâtiment ou de structure» -- Renvoi à des affaires dans lesquelles il a été jugé que les navires, les camions, les wagons ne sont pas des bâtiments ni des structures -- Les télécabines sont «des bâtiments ou des structures» suivant la définition du Code national du bâtiment, Canada, 1980, incorporé dans le Règlement par renvoi -- L'annexe du Règlement impose aux parcs Banff et Jasper des droits de permis plus élevés qu'aux autres parcs nationaux -- Le RÉIR ne fournit aucune explication à ce sujet -- La Cour a examiné la jurisprudence en matière de discrimination -- Le pouvoir de réglementer ne comprend pas celui de discriminer à moins que la loi l'y autorise -- L'autorisation peut être expresse ou supposée du fait qu'elle est nécessaire à l'exercice du pouvoir délégué -- En l'espèce, il n'y a aucune autorisation expresse ou implicite -- Le coût du permis doit être recalculé et un remboursement doit être versé.

Interprétation des lois -- Les télécabines servant à transporter les skieurs sont-elles «des bâtiments ou des structures» au sens du Règlement d'application de la Loi sur les parcs nationaux du Canada -- La norme de la décision correcte s'applique au contrôle judiciaire puisqu'il s'agit d'une question d'interprétation des lois -- Le Règlement ne donne aucune définition des mots «bâtiment ou structure» mais il incorpore, par renvoi, le Code national du bâtiment, Canada, 1980, lequel définit le terme «bâtiment» -- Renvoi à des affaires dans lesquelles il a été jugé que les navires, une remorque dortoir et le buffet de la voiture-salon d'un train ne sont pas des bâtiments -- L'analyse de l'objet de la Loi étaye la conclusion selon laquelle les télécabines sont «des bâtiments ou des structures» puisque la Loi a pour objet de préserver et de gérer les parcs nationaux, et que le Règlement contribue à la réalisation de cet objet en établissant un fondement pour le calcul de droits de permis, contrôlant ainsi les structures érigées sur les territoires des parcs.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le directeur du parc national Banff par laquelle celui-ci a exigé le paiement d'une somme de 105 000 $ pour l'obtention d'une permis de construction à l'égard des travaux à exécuter dans une aire de ski.

Le droit exigible a été calculé en fonction du coût du projet, savoir la reconstruction des télécabines servant à transporter les skieurs des installations situées au bas de la montagne jusqu'au village sis en altitude. Selon la demanderesse, la décision était manifestement déraisonnable et fondée sur une compréhension inexacte de la demande de reconstruction des télécabines. Elle a fait valoir qu'un objet servant uniquement à des fins de locomotion ne peut être qualifié de bâtiment ou de structure, et que la fonction de cet objet détermine s'il a la qualité de bâtiment ou de structure. Il serait plus juste de qualifier les télécabines de machines ou d'équipement. La demanderesse a également soutenu que les droits des permis de construction prévus dans le Règlement sont discriminatoires et ultra vires au regard de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Le droit de permis dans les parcs nationaux de Banff et de Jasper est plus élevé que dans les autres parcs nationaux. On a fait valoir qu'en l'absence d'une autorisation expresse justifiant la discrimination, le Règlement doit s'appliquer également à tous. De plus, aucun principe n'a été établi pour justifier un traitement différent.

Les défendeurs ont renvoyé au Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (RÉIR) pour établir la preuve que le recouvrement des coûts par l'imposition de droits pour les permis de construction font partie du mandat de Parcs Canada. Ils ont soutenu que la méthode téléologique d'interprétation des lois permet de qualifier les télécabines de bâtiment ou de structure. Selon leurs prétentions, les télécabines ne peuvent être caractérisées en les décomposant en une série d'éléments indépendants.

Jugement: la demande est accueillie en partie, la disposition réglementaire qui établit un fondement différent pour le calcul des droits de permis de construction dans le parc national Banff est ultra vires.

En l'espèce, la Cour devait répondre à deux questions:1) les télécabines sont-elles «un bâtiment ou une structure» au sens du Règlement; 2) les droits ont-ils été correctement calculés? Puisqu'il s'agit de questions portant sur l'interprétation des lois, la norme de la décision correcte est celle qu'il convient d'appliquer.

Le Règlement ne donne aucune définition des mots «bâtiment ou structure», mais il incorpore par renvoi le Code national du bâtiment, Canada, 1980, lequel définit le terme «bâtiment» comme étant une «construction permettant ou abritant tout type d'usage ou d'occupation ou destinée à ces fins». Il a été jugé que les éléments suivants ne sont pas des bâtiments ni des structures: un camion-citerne, une remorque dortoir, un navire, un wagon, le buffet de la voiture-salon d'un train. Les télécabines se composent toutefois de deux tourelles fixées en permanence au sol. Même si les télécabines servent au transport de personnes, elles les gardent à l'abri et les protègent contre les éléments. Il s'agit donc d'un «bâtiment», tel que défini dans le Code national du bâtiment. Les télécabines, égales à la somme de leurs parties, ne peuvent être décomposées aux fins du calcul du droit rattaché au permis. Cette conclusion est étayée par une analyse de l'objet de la loi. En effet, la Loi a pour objet de préserver et de gérer nos parcs nationaux, et le Règlement contribue à la réalisation de cet objet en établissant un fondement pour le calcul des droits de permis, ce qui a pour effet de contrôler la façon dont les structures sont érigées sur le territoire des parcs.

Le RÉIR, utile pour analyser l'intention du législateur, explique la hausse des droits relatifs aux permis, mais il ne dit pas pourquoi les droits imposés à Jasper et à Banff devraient être plus élevés qu'ailleurs. La Loi elle-même n'autorise pas cette différence de traitement. Le pouvoir de faire des règlements ne comporte pas celui d'adopter des dispositions discriminatoires. Le règlement discriminatoire est illégal à moins que la loi habilitante l'autorise expressément ou qu'une telle autorisation puisse être supposée du fait qu'elle est nécessaire à l'exercice du pouvoir délégué. Même si la Loi prévoit des dispositions traitant spécifiquement des activités relatives aux installations commerciales de ski dans le parc national Banff, elle demeure silencieuse sur l'imposition d'un barème de droits différents. La différence de traitement n'ayant aucune assise législative, elle est ultra vires. Les télécabines sont «un bâtiment ou une structure», mais le coût du permis doit être recalculé et un remboursement doit être versé.

lois et règlements

Charte de la langue française, L.R.Q., ch. C-11.

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.

Code criminel, S.C. 1953-54, ch. 51.

Code national du bâtiment, Canada, 1980.

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 12.

Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32, art. 4, 8, 9, 10, 11, 12, 16, 17, 36.

Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, art. 930(2).

Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail, DORS/86-304, art. 1.1 (mod. par DORS/94-263, art. 2).

Règlement sur les bâtiments des parcs nationaux, C.R.C., ch. 1114, art. 2(1) (mod. par DORS/81-667, art. 1), 3, 5(1), 15, ann. I (édicté par DORS/81-667, art. 4; 96-427, art. 2).

jurisprudence

décisions appliquées:

Cardiff Rating Authority v. Guest Keen Baldwin's Iron & Steel Co. Ltd., [1949] 1 All E.R. 27 (K.B.); Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc. et autres., [1985] 1 R.C.S. 368; (1985), 14 D.L.R. (4th) 161; 29 M.P.L.R. 220; 58 N.R. 339; Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90; (1988), 53 D.L.R. (4th) 432; 32 Admin. L.R. 211; 87 N.R. 37; 17 Q.A.C. 241; R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650; (1993), 100 D.L.R. (4th) 167; 10 Admin. L.R. (2d) 196; 79 C.C.C. (3d) 142; 19 C.R. (4th) 329; 14 M.P.L.R. (2d) 35; 149 N.R. 161; 61 O.A.C. 161; Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371; (1993), 109 D.L.R. (4th) 46; 19 Admin. L.R. (2d) 1; 35 B.C.A.C. 241; 85 B.C.L.R. (2d) 257; 18 M.P.L.R. (3d) 1; 160 N.R. 249.

décisions examinées:

R. c. Springman, [1964] R.C.S. 267; (1964), 47 W.W.R. 298; [1964] 3 C.C.C. 105; 42 C.R. 407; R. c. Transport Provost Inc., [1996] O.J. no 987 (Div. gén.) (QL).

décisions citées:

Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; Canada c. St. Lawrence Cruise Lines Inc., [1997] 3 C.F. 899; (1997), 148 D.L.R. (4th) 480; 215 N.R. 278 (C.A.); Trans Mountain Oil Pipeline Co. (Re) (1966), 58 D.L.R. (2d) 97; 56 W.W.R. 705 (C.A.C.-B.); Trans Mountain Oil Pipe Line Company v. Jasper School District No. 3063, [1958] R.C.S. 349; (1958), 13 D.L.R. (2d) 385; Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien) (1999), 18 Admin. L.R. (3d) 269; 32 C.E.L.R. (N.S.) 84; 175 F.T.R. 122 (C.F. 1re inst.); conf. par [2001] 2 C.F. 461; (2001), 27 Admin. L.R. (3d) 229; 37 C.E.L.R. (N.S.) 1; 266 N.R. 169 (C.A.); Bayer Inc. c. Canada (Procureur général) (1999), 87 C.P.R. (3d) 293; 243 N.R. 170 (C.A.F.); Gilles Bégin Lumber Ltd. c. Corp. d'Information Géographique du Nouveau-Brunswick (1995), 169 R.N.-B. (2e) 29 (C.A.); Aluminium du Canada Ltée c. Corporation municipale du village de Melocheville, [1973] R.C.S. 792; Young c. Canada (Procureur général) (1999), 31 C.E.L.R. (N.S.) 167; 174 F.T.R. 100 (C.F. 1re inst.); Merck & Co. c. Canada (Procureur général) (1999), 176 F.T.R. 21 (C.F. 1re inst.); Shell Canada Products Ltd. c. Vancouver (Ville de), [1994] 1 R.C.S. 231; (1994), 110 D.L.R. (4th) 1; [1994] 3 W.W.R. 609; 41 B.C.A.C. 81; 88 B.C.L.R. (2d) 145; 20 Admin. L.R. (2d) 202; 20 M.P.L.R. (2d) 1; 163 N.R. 81.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision rendue par le directeur du parc national Banff par laquelle celui-ci avait exigé le paiement d'une certaine somme pour l'obtention d'un permis pour la reconstruction de télécabines servant à transporter les skieurs. La demande est accueille en partie.

ont comparu:

Daniel P. Carroll pour la demanderesse.

Kirk N. Lambrecht, c.r. pour les défendeurs.

avocats inscrits au dossiers:

Field LLP, Edmonton, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par

Le juge Heneghan:

INTRODUCTION

[1]Sunshine Village Corporation (la demanderesse) demande le contrôle judiciaire de la décision rendue par le directeur du parc national Banff, en sa qualité d'employé du ministère du Patrimoine canadien. Dans sa décision, le directeur exigeait le paiement d'une somme de 105 000 $ pour l'obtention d'un permis de construc-tion à l'égard des travaux que la demanderesse se proposait d'exécuter dans Sunshine Village, une aire de ski située dans le parc national Banff.

FAITS

[2]Le demanderesse exploite une aire de ski dans le parc national Banff sous le nom de «Sunshine Village». Cette exploitation est assujettie à un bail conclu en 1981 entre Sa majesté la Reine et TIW Industries Ltd. L'aire de ski est en exploitation depuis environ 68 ans. Les installations de l'aire de ski comprennent des télécabines, un système de remontée mécanique qui transporte les skieurs des installations situées au bas de la montagne jusqu'au village sis en altitude.

[3]En décembre 2000, la demanderesse a présenté à Parcs Canada une demande de permis d'aménagement conformément à la Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32 (la Loi). Elle sollicitait le permis afin de réparer et de reconstruire les télécabines.

[4]En mai 2001, la demanderesse a demandé un permis d'aménagement dans le but de remplacer les télécabines. La demande de permis faisait mention du cabinet-conseil POMA of America, que la demanderesse avait choisi pour la conseiller en rapport avec ce projet.

[5]La demanderesse devait obtenir l'aval du conseil consultatif de Parcs Canada compétent en la matière. Ce conseil est chargé d'examiner, entre autres, les questions de nature environnementale. La demanderesse a remis un dossier détaillé au conseil en mai 2001.

[6]Le 27 juin 2001, un permis de construction portant le no 01-010 a été délivré à la demanderesse. Sur le permis, on pouvait lire que [traduction] «le titulaire reconnaît par les présentes qu'un droit de 105 000 $ est rattaché à ce permis de construction». Le permis de construction indiquait également que le bâtiment en cause, en l'occurrence, les télécabines, avait une valeur minimale de 15 000 000 $.

PRÉTENTIONS DE LA DEMANDERESSE

[7]La demanderesse conteste le calcul du droit exigible pour le permis de construction et affirme que le directeur a commis une erreur de droit en décidant que ce calcul devait être fait en fonction du coût total des télécabines. Elle soutient également que la décision devrait être assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte.

[8]À cet égard, la demanderesse se fonde sur Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 1982. Elle fait valoir que l'absence de disposition privative dans la Loi signifie qu'une moins grande retenue judiciaire devrait être exercée à l'endroit des décisions prises en vertu de la Loi.

[9]En outre, la demanderesse affirme que le décideur en l'espèce, nommément le directeur, n'est pas un «spécialiste» en matière d'interprétation de la Loi et de ses règlements d'application. Enfin, la demanderesse soutient que la Loi n'a pas pour objet de forcer le décideur à prendre «une décision d'envergure, polycentrique nécessitant l'appréciation de divers facteurs sociaux, politiques et économiques».

[10]Ensuite, la demanderesse prétend que la décision était manifestement déraisonnable et erronée parce qu'elle était fondée sur une compréhension inexacte de la demande de reconstruction des télécabines. Le décideur a conclu à tort que le projet entier constituait un bâtiment ou une structure au sens du Règlement sur les bâtiments des parcs nationaux, C.R.C., ch. 1114, modifié par DORS/96-427 (le Règlement) sans tenir compte des facteurs pertinents, y compris le fait que la définition de «bâtiment ou structure» était incorrecte.

[11]La demanderesse soutient que le permis délivré visait le remplacement des télécabines et de ses composants internes. Les télécabines assurent le transport des skieurs jusqu'aux pentes de ski et se composent d'un certain nombre d'éléments: des cabines, qui sont suspendues à des câbles, eux-même supportés par des tourelles, ainsi qu'un certain nombre de pièces mécaniques et électriques dont des trains de galets, un câble tracteur, des cabines, des dispositifs d'attache et des suspentes, un engrenage moteur, un arbre d'entraînement, un mécanisme de sortie, des tambours, des commandes et des moteurs électriques, un moteur diesel d'appoint, un engrenage à pignon et roue intérieure et un lot de pièces de remplacement.

[12]La demanderesse affirme que les défendeurs ont commis une erreur en calculant le droit relatif au permis en fonction d'un coût total évalué à 15 000 000 $ alors que la preuve indique que le coût de la structure de support est de 3 564 000 $.

[13]De plus, l'annexe A du permis exclut spécifiquement un certain nombre d'éléments qui ont été inclus dans le coût estimatif total de 15 000 000 $. Le dossier remis par la demanderesse en rapport avec le permis d'aménagement tenait compte de ces éléments dans l'évaluation du coût de la proposition.

[14]La demanderesse prétend qu'un objet qui est construit uniquement à des fins de locomotion ne peut être qualifié de bâtiment ou de structure et invoque à ce sujet les arrêts R. c. Springman, [1964] R.C.S. 267 et R. v. Transport Provost Inc., [1996] O.J. no 987 (Div. gén.) (QL).

[15]Se fondant sur Gilles Bégin Lumber Ltd. c. Corp. d'Information Géographique du Nouveau-Brunswick (1995), 169 R.N.-B. (2e) 29 (C.A.), elle allègue que la fonction de l'objet détermine s'il a la qualité de bâtiment ou de structure. Puisque la fonction principale des télécabines est de transporter des gens vers les pentes de ski, il est plus exact de les qualifier de machines ou d'équipement, et non de «bâtiment ou structure». Sur ce point, la demanderesse se fonde sur Aluminium du Canada Ltée c. Corporation municipale du village de Melocheville, [1973] R.C.S. 792.

[16]La demanderesse a fait remarquer que, suivant l'article 3 du Règlement, les bâtiments qui sont construits dans un parc doivent être conformes aux normes énoncées dans le Code national du bâtiment, Canada, 1980. Ce code définit «bâtiment» mais non «structure».

[17]Finalement, la demanderesse soutient que les droits des permis de construction prévus dans le Règlement sont discriminatoires et ultra vires. L'article 16 de la Loi autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements. Toutefois, selon l'annexe I [édicté par DORS/81-667, art. 4; 96-427, art. 2] du Règlement, les droits des permis de construction dans les parcs nationaux Banff et Jasper sont calculés selon un taux différent de celui qui s'applique dans les autres parc nationaux. À Banff et à Jasper, le droit de permis est de 7 $ pour chaque tranche de 1 000 $ ou fraction d'une telle tranche de la valeur estimative du bâtiment ou de la structure; dans tout autre parc national, le droit est de 5 $ pour chaque tranche de 1 000 $ ou fraction d'une telle tranche.

[18]La demanderesse fait valoir qu'à moins d'une autorisation expresse portant que les règlements peuvent être discriminatoires, ceux-ci doivent s'appliquer également à tous. À ce sujet, la demanderesse invoque l'arrêt Canada c. St. Lawrence Cruise Lines Inc., [1997] 3 C.F. 899 (C.A.).

[19]La demanderesse prétend que la Loi ne contient aucune disposition permettant que les parcs nationaux de Banff et Jasper soient assujettis à un traitement différent. De plus, les défendeurs n'ont pas fait la preuve d'un motif spécial d'intérêt public justifiant le traitement différent réservé à ces parcs.

PRÉTENTIONS DES DÉFENDEURS

[20]D'un point de vue général, les défendeurs sont d'avis que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte en ce qui concerne l'interprétation de la Loi et du Règlement. Ceci dit, les défendeurs maintiennent que la norme de contrôle fondée sur la retenue judiciaire s'applique également lorsqu'un décideur tire une conclusion quant aux faits en rapport avec l'interprétation qu'il fait de la législation. Les défendeurs font valoir que la décision en cause comportait la nécessité d'interpréter le sens de «bâtiment ou structure», et que ses répercussions sont importantes pour la gestion des parcs nationaux du Canada. Par conséquent, il importe de faire montre d'une certaine retenue à l'égard de l'opinion du décideur en l'espèce.

[21]Les défendeurs affirment que la décision d'imposer des droits s'élevant à 105 000 $ était correcte. Ils se réfèrent au Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (RÉIR) préparé en rapport avec le Règlement, qu'ils estiment être un guide d'interprétation de ce règlement. Les défendeurs font valoir que, selon le RÉIR, le recouvrement des coûts par l'imposition de droits pour les permis de construction et les permis connexes fait partie du mandat de Parcs Canada.

[22]Les défendeurs reconnaissent que le Règlement ne définit pas les mots «bâtiment ou structure». Toutefois, ils prétendent que tant l'application de la règle d'interprétation législative basée sur le sens courant des mots que celle de la méthode téléologique d'interprétation des lois nous amènent à conclure que les télécabines sont un bâtiment ou une structure.

[23]De plus, les défendeurs prétendent que les composants des télécabines participent tous au fonctionnement d'un objet destiné à permettre l'accès aux pistes de ski. Les télécabines ne peuvent être caractérisées en les décomposant en une série d'éléments indépendants. Toutes les pièces sont censées fonctionner ensemble et ne servent qu'à un seul usage. Par conséquent, les télécabines sont «un bâtiment ou une structure». Les défendeurs fondent ce dernier argument sur les arrêts Trans Mountain Oil Pipeline Co. (Re) (1966), 58 D.L.R. (2d) 97 (C.A.C.-B.) et Trans Mountain Oil Pipe Line Company v. Jasper School District No. 3063, [1958] R.C.S. 349.

[24]Pour ce qui est du calcul différent qui s'applique aux droits exigibles pour les parcs nationaux Banff et Jasper, les défendeurs affirment qu'il s'agit d'une distinction qui n'est pas discriminatoire en soi. En outre, les défendeurs font valoir que la présente affaire se distingue de l'affaire St. Lawrence Cruise Lines Inc., précitée.

[25]Les défendeurs soutiennent que la demanderesse jouit d'avantages importants au plan commercial du fait qu'elle exploite son entreprise dans le parc national Banff. L'imposition d'un droit en compensation des coûts «est tout à fait logique».

ANALYSE

[26]La présente demande conteste le fondement sur lequel repose le calcul du droit exigible à l'égard d'un permis de construction visant le remplacement de télécabines dans le parc national Banff. La demande soulève deux questions: premièrement, les télécabines sont-elles «un bâtiment ou une structure» au sens du Règlement et, deuxièmement, les droits ont-ils été correctement calculés? Cette dernière question nécessite de déterminer la valeur de base appropriée et de décider si le Règlement est discriminatoire. Puisqu'il importe de procéder à une interprétation de la législation pour statuer sur ces questions, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte.

[27]Les dispositions législatives applicables en l'espèce sont les articles 4 et 8, les alinéas 16(l)a), m), n), et r) et le paragraphe 16(3) de la Loi, qui prévoient ce qui suit:

4. (1) Les parcs sont créés à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances; ils doivent être entretenus et utilisés conformément à la présente loi et aux règlements de façon à rester intacts pour les générations futures.

[. . .]

8. (1) Les parcs, y compris les terres domaniales qui y sont situées, sont placés sous l'autorité du ministre; celui-ci peut, dans l'exercice de cette autorité, utiliser et occuper les terres domaniales situées dans les parcs.

[. . .]

16. (1) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant:

a) la préservation, la gestion et l'administration des parcs;

[. . .]

m) la réglementation de l'emplacement, de la conception, de la construction, de l'entretien, de l'amélioration, de l'enlèvement et de la démolition de bâtiments, installations, pancartes et autres structures, des normes à appliquer et des matériaux à utiliser ainsi que le zonage en vue de l'utilisation des terres ou des bâtiments;

n) la réglementation des activités--notamment en matière de métiers, commerces, affaires, sports et divertissements --, telles que, entre autres, les activités relatives aux installations commerciales de ski visées à l'article 36, y compris en ce qui touche le lieu de leur exercice;

[. . .]

r) la fixation des droits à percevoir pour l'utilisation des installations et des ressources se trouvant dans les parcs, pour la fourniture des ouvrages et des services visés à l'alinéa i) et des infrastructures visées à l'alinéa j) et pour la délivrance ou la modification des licences, permis et autres autorisations visés au paragraphe (3);

[. . .]

(3) Les règlements pris sous le régime du présent article peuvent habiliter le directeur d'un parc, dans les circonstances et sous réserve des limites qu'ils prévoient, à:

a) en modifier les exigences à l'égard du parc en vue de la protection du public ou de la préservation de ses ressources naturelles;

b) délivrer, modifier, suspendre ou révoquer des licences, permis ou autres autorisations relativement à ces matières et en fixer les conditions;

c) ordonner la prise de mesures afin de parer aux menaces pour la santé publique ou de remédier aux conséquences des contraventions aux règlements dans le parc.

[28]Le paragraphe 2(1) [mod. par DORS/81-667, art. 1], l'article 3, le paragraphe 5(1), l'article 15 et la partie I de l'annexe I du Règlement sont également pertinents:

2. (1) Dans le présent règlement,

«Code national du bâtiment» désigne le Code national du bâtiment, Canada, 1980;

[. . .]

3. Sous réserve du présent règlement, il est interdit à quiconque de construire dans un parc un bâtiment qui ne soit pas conforme aux normes énoncées dans le Code national du bâtiment.

[. . .]

5. (1) Il est interdit à quiconque

a) d'enlever la terre de surface ou d'entreprendre de quelque autre manière une excavation en vue d'une construction,

b) de commencer l'érection, la réfection, la reconstruction d'un bâtiment ou l'exécution de réparations à sa charpente, ou

c) de déplacer ou d'enlever un bâtiment quelconque,

à moins d'avoir obtenu au préalable la permission du surintendant à cette fin.

[. . .]

15. (1) Les droits des permis exigés dans le présent règlement s'établissent aux montants indiqués à l'annexe ci-après.

(2) Tout permis délivré en vertu du présent règlement est valide pour un an ou pour la période indiquée dans le permis, soit pour la plus courte des deux périodes.

(3) Tout permis délivré en vertu du présent règlement devient périmé si la construction ou l'installation qu'il autorise n'est pas commencée dans un délai de six mois suivant la date de délivrance dudit permis.

[. . .]

ANNEXE

(paragraphes 11.1(8) à (10) et 15(1))

PARTIE I

DROITS DE PERMIS

Colonne II

Article

Permis

Droits ($)

a) dans les parcs nationaux Banff ou Jasper    7

b) dans tout autre parc national    5

[29]L'article 4 de la Loi constitue une déclaration générale de l'objet de cette loi et de l'objectif poursuivi par la création de parcs nationaux. Ceux-ci sont créés «à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances; ils doivent être entretenus et utilisés conformément à la présente loi et aux règlements». L'article 8 prévoit que les parcs sont placés sous l'autorité du ministre.

[30]Suivant le paragraphe 16(1) de la Loi, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour diverses fins, notamment la construction de bâtiments et de structures, la réglementation des activités telles celles relatives aux installations commerciales de ski et la fixation des droits et la délivrance de permis. Le paragraphe 16(3) indique que le directeur d'un parc peut être habilité à délivrer des permis en conformité avec les règlements.

[31]Les dispositions législatives et réglementaires énoncées ci-dessus forment le cadre législatif applicable à la présente demande, laquelle nécessite de déterminer si les télécabines sont «un bâtiment ou une structure». Aucune définition des mots «bâtiment ou structure» n'est prévue dans le Règlement, mais celui-ci incorpore par renvoi le Code national du bâtiment, Canada, 1980, lequel définit ainsi le terme «bâtiment»:

Construction permettant ou abritant tout type d'usage ou d'occupation ou destinée à ces fins.

[32]Les parties ont présentés des arguments contraires concernant l'application de cette définition aux télécabines en question. La demanderesse soutient qu'elle ne s'applique pas car l'objet est utilisé principalement pour le transport et qu'en tout état de cause, il peut être décomposé en divers éléments distincts dont la valeur devrait être évaluée de façon autonome pour la fixation du coût du permis.

[33]Dans Springman, précité, la Cour suprême du Canada a conclu qu'une remorque dortoir n'était pas un bâtiment au sens du Code criminel, S.C. 1953-54, ch. 51. À la page 273 de ses motifs, la Cour a cité les propos suivants du lord juge Denning (titre qu'il portait alors) dans Cardiff Rating Authority v. Guest Keen Baldwin's Iron & Steel Co. Ltd., [1949] 1 All E.R. 27 (K.B.), à la page 31:

[traduction] Une structure est quelque chose que l'on a construit, mais ce ne sont pas toutes les choses que l'on construit qui sont des structures. Par exemple, on peut construire un navire, mais ce n'est pas pour autant une structure. Une structure est une chose de taille considérable que l'on construit à partir de composants et qui est destinée à demeurer en permanence sur des fondations permanentes, mais elle ne perd pas sa qualité de structure même si certains de ses composants sont mobiles, par exemple, s'ils se déplacent autour d'un pivot. Ainsi, le moulin à vent et le pont tournant sont des structures. Une chose qui n'est pas placée en permanence en un endroit n'est pas une structure, mais il se peut qu'elle soit «de la nature d'une structure» si elle se trouve sur un site permanent et qu'elle possède toutes les qualités d'une structure, à l'exception du fait qu'elle soit à l'occasion placée sur ce site ou qu'elle en soit retirée.

[34]Toujours à la page 273, la Cour suprême a ajouté ce qui suit:

[traduction]Nous n'avons pas à nous préoccuper en l'espèce de ce qui est «de la nature d'une structure». Les choses à l'égard desquelles nous devons nous prononcer sont soit des «bâtiments», soit des «structures».

Je suis d'avis que les choses qui font l'objet du présent appel ne sont ni des «bâtiments» ni des «structures»; je suis conforté dans cette opinion par le jugement de la Cour d'appel du Manitoba dans Rex v. Arpin, où il a été décidé qu'un wagon n'était pas un «bâtiment» au sens de l'art. 461 du Code criminel canadien, et celle de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse (en formation plénière) dans The King v. Levy and Gray, où il a décidé que le buffet de la voiture-salon d'un train n'était pas un «bâtiment» au sens de l'art. 461 du Code. À la p. 232 de ce dernier jugement, le juge Chisholm (tel était alors son titre) tient les propos suivants:

J'en suis arrivé à la conclusion que le buffet de la voiture-salon n'est pas un bâtiment au sens de l'article 461 du Code criminel. Bouvier définit un bâtiment (à la p. 400) comme étant «un édifice» érigé selon une technique, immobilisé au sol ou au-dessus du sol, fait de matériaux adéquats liés ensemble, tels de la brique, du marbre ou du bois, et conçu pour être utilisé dans l'état où il a été immobilisé.

[35]Dans R. v. Transport Provost Inc., précité, la Cour de l'Ontario a dû décider si le terme «ouvrage», au sens où l'entendent le Code canadien du travail [L.R.C. (1985), ch. L-2] et le Règlement canadien sur la santé et la sécurité et la santé au travail [DORS/86-304, art. 1.1 (mod. par DORS/94-263, art. 2)], visait les camions-citernes.

[36]La Cour a appliqué la règle d'interprétation législative du «sens courant des mots» et la méthode téléologique pour en arriver à la conclusion que les camions-citernes n'étaient pas visés par le terme «ouvrage». Elle a examiné la décision rendue dans Cardiff Rating Authority, précité. Elle a également appliqué l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, et a admis la nécessité d'interpréter la législation de la manière qui favorise le plus la réalisation de ses objectifs. Aux paragraphes 33 et 34 de ses motifs, la Cour livre ses conclusions:

[traduction] J'estime que le mot «ouvrage», dans son acception courante, ne peut viser les camions-citernes.

Même en conférant une acception plus large à ce mot, ce qui est conforme à la nature corrective de la loi, on ne peut, à mon sens, affirmer qu'il vise les camions ou remorques citernes, puisque ce sont des véhicules, ou en d'autres termes, qu'ils sont mobiles. Dans certaines circonstances, si on convertissait un camion-citerne pour en faire, en un lieu fixe, un usage permanent semblable à celui d'une maison mobile, on pourrait alors probablement l'inclure dans la définition élargie. La législature a sûrement pris cet aspect en considération, puisque les structures non protégées, les structures temporaires et les échelles sont régies par l'article 12.10.

[37]La demanderesse se fonde sur ces décisions mais, selon moi, celles-ci ne sont d'aucune assistance. La méthode adoptée par le lord juge Denning dans Cardiff Rating Authority, précité, demeure toutefois convaincante.

[38]Les télécabines en cause ici se composent de plusieurs parties, dont deux tourelles qui sont fixées en permanence au sol. Les cabines fonctionnent à l'électricité et se déplacent grâce à des câbles. Les télécabines servent à une seule fin: le transport de personnes. Pendant le transport, elles gardent ces personnes à l'abri et les protègent contre les éléments. Elles sont un «bâtiment» au sens du Code national du bâtiment, Canada, 1980 et, conséquemment, pour l'application du Règlement, elles sont considérées à bon droit comme «un bâtiment ou une structure».

[39]Je n'ai pas trouvé convaincant l'argument de la demanderesse selon lequel les télécabines pouvaient être décomposées en une série d'éléments distincts aux fins du calcul du droit rattaché au permis. Autrement dit, qu'elle est égale à la somme de ses parties.

[40]Je tire cette conclusion de la preuve qui m'a été présentée, en particulier la demande de permis de construction. Celle-ci comprend une description de tout ce qui est requis pour la construction et l'installation des télécabines. Bien qu'il soit évident qu'un nombre quelconque de ces composants puissent être utilisés à d'autres fins, il est tout aussi évident qu'ils étaient nécessaires à la construction et au fonctionnement des télécabines et continuent de l'être.

[41]En outre, l'analyse de l'objet de la loi étaye elle aussi la conclusion que les télécabines en question sont «un bâtiment ou une structure» au sens du Règlement. En l'occurrence, l'objet de la Loi, d'un point de vue général, est de préserver, de protéger, de gérer et de réglementer les parcs nationaux canadiens: voir Young c. Canada (Procureur général) (1999), 31 C.E.L.R. (N.S.) 167 (C.F. 1re inst.) et Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien) (1999), 18 Admin. L.R. (3d) 269 (C.F. 1re inst.), confirmé par [2001] 2 C.F. 461 (C.A.).

[42]Le règlement en cause contribue à la réalisation de cet objet en établissant un fondement pour le calcul des droits de permis, ce qui a pour effet de contrôler la façon dont les bâtiments et les structures sont construits sur le territoire des parcs. Conclure que les télécabines de Sunshine Village sont «un bâtiment ou une structure» favorise la réalisation des objectifs de la Loi énoncés ci-dessus.

[43]La dernière question en litige consiste à décider si la partie I de l'annexe I du Règlement, qui prévoit un taux de base différent pour le calcul du coût d'un permis de construction dans les parcs nationaux Banff et Jasper, est discriminatoire du fait que ce taux est plus élevé que celui qui s'applique à l'égard de tous les autres parcs nationaux.

[44]Les défendeurs font valoir que ce taux différent n'entraîne pas de discrimination et qu'il tient compte d'un objectif légitime, soit celui d'augmenter les revenus. À ce sujet, les défendeurs se fondent sur le RÉIR, lequel prévoit entre autres ce qui suit:

La présente modification hausse les droits payables pour les permis de construction et les autres permis connexes à des niveaux comparables aux taux exigés dans les juridictions avoisinantes. Il n'y a eu aucune augmentation des droits depuis des années de sorte qu'ils sont actuellement inférieurs aux tarifs pratiqués dans les juridictions avoisinantes. À l'heure actuelle, Parcs Canada ne recouvre qu'une petite partie de ses coûts d'administration, de surveillance et de planification liés à la construction dans les parcs nationaux. La présente modification va permettre de s'approcher davantage d'un taux de récupération de 100 p. 100 des coûts entraînés par la prestation du service. Conformément à la politique du Conseil du Trésor, il appartient à Parcs Canada de recouvrer les coûts du service auprès de ceux qui en profitent directement.

[45]La Cour fédérale a jugé que les RÉIR, bien qu'ils ne fassent pas partie de la réglementation, sont néanmoins utiles pour analyser l'intention du législateur puisqu'ils sont rédigés dans le cadre du processus réglementaire: voir Merck & Co. c. Canada (Procureur général) (1999), 176 F.T.R. 21 (C.F. 1re inst.) et Bayer Inc. c. Canada (Procureur général) (1999), 87 C.P.R. (3d) 293 (C.A.F.).

[46]Dans la présente affaire, le RÉIR énonce la raison pour laquelle les droits afférents aux permis de construction et aux autres permis connexes ont été, dans l'ensemble, élevés à des niveaux comparables à ceux qui sont exigés par d'autres autorités. Toutefois, le document est silencieux quant à l'objectif qui explique la différence de taux applicable entre, d'un côté, les parcs nationaux Jasper et Banff et, de l'autre, l'ensemble des autres parcs. À mon avis, le RÉIR ne fait pas avancer la cause des défendeurs sur ce point.

[47]Les défendeurs n'ont pas réussi à démontrer que la Loi autorise cette différence de traitement dans le calcul des droits. La Loi permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant les droits à percevoir pour l'obtention d'un permis par son alinéa 16(1)r). Elle n'indique pas que des droits différents peuvent ou doivent être imposés à l'égard de certains parcs qui sont inclus dans son champ d'application.

[48]Certains arrêts de la Cour suprême du Canada dont les parties n'ont pas fait mention sont pertinents relativement à la question de la discrimination. Or, la présente demande soulève clairement cette question. Dans Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc. et autres, [1985] 1 R.C.S. 368, la Cour suprême du Canada, à la page 404, déclare ce qui suit:

La règle selon laquelle le pouvoir de faire des règlements ne comporte pas celui d'édicter des dispositions discriminatoires à moins que les textes législatifs habilitants ne prescrivent le contraire a été observée de temps immémorial en droit public anglais et canadien.

Puis, à la page 406, la Cour ajoute:

La doctrine québécoise contemporaine, entre autres, reconnaît le principe énoncé par lord Russell of Killowen dans Kruse v. Johnson, précité. Ainsi, Louis-Philippe Pigeon écrit-il, dans Rédaction et interprétation des lois, 1978, à la p. 34:

Il est une autre observation importante à faire sur la question du pouvoir de réglementation. C'est la suivante: le pouvoir de faire des règlements ne permet pas d'établir des dispositions discriminatoires. Autrement dit, un règlement doit, à moins que le texte qui l'autorise dise le contraire, s'appliquer à tout le monde de la même façon. Si l'on veut pouvoir faire des distinctions il faut le dire. Une des décisions intéressantes sur ce point, c'est Rex c. Paulowich (1940) 1 W.W.R. 537. Il y en a quantité d'autres.

De même, René Dussault et Louis Borgeat, dans leur Traité de droit administratif, t. I, 1984, à la p. 558:

Ce principe a évidemment pour corollaire l'illégalité de tout règlement discriminatoire non autorisé par une disposition législative.

[49]Dans Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90, la Cour suprême du Canada, à la majorité, a déclaré conforme à sa loi habilitante une disposition de la Charte de la langue française, L.R.Q., ch. C-11, qui autorisait la prise de règlements concernant l'évaluation des connaissances linguistiques des professionnels, lesquels devaient obtenir un permis auprès de l'ordre professionnel compétent pour pouvoir exercer leur profession. Rédigeant les motifs des juges majoritaires, M. le juge Lamer, plus tard juge en chef de la Cour, a fait les remarques suivantes aux pages 105 et 106:

En principe, le pouvoir de réglementer ne comprend pas celui de discriminer. Aussi, en l'absence d'une autorisation émanant de la loi, explicite ou implicite, un règlement discriminatoire pourra-t-il être attaqué et annulé. Cette règle fut d'ailleurs reconnue par cette Cour dans l'affaire Ville de Montréal c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368 [. . .]

[. . .]

À moins de dispositions explicites au contraire ou à moins de délégation par voie d'inférence nécessaire, le législateur se réserve l'exclusivité du pouvoir de faire des distinctions. [Soulignement ajouté.]

[50]Les règlements qui prévoient des différences de traitements sont permis pour autant que la loi habilitante l'autorise expressément ou qu'une telle autorisation puisse être supposée du fait qu'elle est nécessaire à l'exercice des pouvoirs délégués par cette loi: voir R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650, à la page 668; Allard, infra, au paragraphe 80; Forget, précité, aux pages 105 et 106 et Arcade Amusements, précité, aux pages 413 et 414. Voir aussi Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231.

[51]Dans Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371, la Cour suprême du Canada était appelée à décider si un règlement municipal était discriminatoire. Le règlement municipal en question prévoyait, à l'égard des permis visant l'enlèvement du sol et d'autres substances sur le territoire de la municipalité, l'imposition de droits établis en fonction du volume de terre qui était enlevé. Avant la prise de ce règlement, les droits étaient calculés selon un taux fixe; les modifications apportées au calcul des droits avaient entraîné pour les entreprises commerciales d'extraction une hausse considérable des sommes qu'elles devaient verser en droits par rapport aux utilisateurs non commerciaux.

[52]Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a jugé que le règlement municipal établissait bel et bien une distinction entre les utilisations commerciale et non commerciale, mais que ce traitement discriminatoire était autorisé par l'article 930(2) de la Municipal Act, [R.S.B.C. 1979, ch. 290] ainsi libellé:

[traduction]

930. (1) [. . .]

(2) Le conseil peut, par règlement, exiger un droit pour l'enlèvement visé au paragraphe (1) d) ou le dépôt visé au paragraphe (1) e) et ce droit peut comporter des frais, fixés par règlement, par unité volumétrique de terre, de sable, de gravier, de roche ou autre substance enlevée ou déposée; le droit volumétrique peut varier selon les secteurs de la municipalité.

[53]Dans Sharma, précité, la Cour suprême du Canada a jugé que la distinction établie par le règlement municipal en cause entre les vendeurs itinérants et les propriétaires de magasins n'était pas autorisée par la Municipal Act, la loi habilitante, et que le règlement municipal était par conséquent ultra vires. La Cour a déclaré que le caractère raisonnable ou rationnel général de la distinction n'était pas en cause et qu'il s'agissait en vérité de décider si le traitement discriminatoire était expressément autorisé par la loi habilitante ou s'il était nécessairement accessoire à l'exercice du pouvoir délégué, en l'occurrence, par la province.

[54]Les arrêts Arcade Amusements, précité; Forget, précité; Allard, précité; et Sharma, précité, illustrent fort bien que la législation déléguée prise en vertu du pouvoir conféré par une loi habilitante ne peut outrepasser les limites établies par cette loi.

[55]En l'espèce, je ne vois dans la loi habilitante aucune autorisation expresse concernant l'imposition de droits différents, ni rien qui permette de supposer qu'une telle autorisation soit nécessairement accessoire à l'exercice du pouvoir délégué conféré par la Loi. L'article 4 de la Loi énonce l'objectif qui sous-tend la création de parcs nationaux. Les articles 8 à 12 traitent de l'administration des parcs nationaux. Les articles 16 et 17 autorisent le gouverneur en conseil à prendre des règlements à des fins diverses. La Loi n'autorise nulle part l'imposition d'un traitement différent aux fins du calcul des droits.

[56]Les défendeurs ont déposé l'affidavit de Robert John Layton, qui occupe par intérim le poste d'agent principal de l'aménagement et a la responsabilité des parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay. M. Layton y déclare que le taux actuel a été appliqué de manière uniforme aux projets de construction de remontées mécaniques pour les quatre sites de ski situés dans ces parcs.

[57]La Loi contient des dispositions traitant spécifiquement des activités relatives aux installations commerciales de ski dans le parc national Banff, notamment à l'article 36. La Loi mentionne expressément le parc national Banff en rapport avec certaines fins précises dont l'imposition d'un barème de droits différents ne fait pas partie. Ceci nous indique que si le Parlement avait voulu autoriser la prise de règlements établissant des distinctions entre le parc national Banff et les autres parcs nationaux aux fins du calcul des droits, il l'aurait sans doute indiqué. Or, le pouvoir de réglementation conféré au gouverneur en conseil n'autorise pas, de manière explicite ou autre, les différences de traitement dans l'imposition des droits.

[58]Le RÉIR n'a pas préséance sur la Loi. La différence de traitement doit trouver son origine dans les lois. Le fait que les défendeurs aient l'habitude d'imposer des droits différents selon le parc concerné est tout aussi dépourvu de pertinence. Cette partie du Règlement est ultra vires. Par conséquent, la demande est accueillie en partie.

[59]C'est à juste titre que les télécabines ont été caractérisées comme étant «un bâtiment ou une structure». Cependant, le coût imposé pour l'obtention du permis aurait dû être calculé à un taux de 5 $ pour chaque tranche ou fraction de tranche de 1 000 $ de la valeur estimative des télécabines. Le coût du permis sera recalculé en conformité avec les présents motifs et un remboursement devra être versé à la demanderesse.

[60]La questions des dépens est reportée pour permettre aux parties de présenter leurs observations.

ORDONNANCE

La demande est accueillie en partie. La partie du Règlement qui établit, à la partie I de l'annexe I, un fondement différent pour le calcul des droits des permis de construction dans le parc national Banff, est ultra vires. Le montant du droit exigible pour le permis de construction sera recalculé selon un taux de base de 5 $ pour chaque tranche de 1 000 $, ou fraction d'une telle tranche, de la valeur estimative des télécabines, et un remboursement sera versé à la demanderesse. La question des dépens est reportée pour permettre aux parties de présenter leurs observations.

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