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IMM-1367-02

2002 CFPI 1259

Iraj Rezaei (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

et

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (intervenante)

Répertorié: Rezaei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Beaudry-- Vancouver, 6 novembre; Ottawa, 5 décembre 2002.

Citoyenneté et Immigration -- Pratique en matière d'immigration -- Consultant en immigration interdit de comparaître devant la CISR par la vice-présidente adjointe (VPA) -- Le président de la CISR a délégué à la VPA la responsabilité de mener une enquête au sujet du consultant, de prendre les mesures correctives nécessaires, à la suite des doutes qui avaient surgi quant à la conduite du consultant -- Le consultant a été avisé des faits qui lui étaient reprochés mais non des noms des plaignants -- Le consultant a été avisé des conclusions de fait et des sanctions prévues -- À la suite d'un échange de lettres et d'une audience, la VPA a refusé de rouvrir les conclusions factuelles et a mentionné qu'elle prenait des mesures disciplinaires -- La demande de contrôle judiciaire est rejetée -- Il a été soutenu que la Commission n'avait pas la compétence pour imposer une interdiction générale et qu'elle ne pouvait imposer une interdiction que pour une cause en particulier -- La question relative à la capacité du demandeur d'agir devant la Commission constitue une question procédurale -- À l'audience, les seuls droits substantiels sont ceux des parties: le revendicateur et le MCI -- L'arrêt de la C.S.C. dans l'affaire Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) a reçu une interprétation judiciaire large et il n'y a pas lieu de faire une distinction d'avec la présente affaire -- Les tribunaux ont le pouvoir de fixer leur propre procédure -- La décision attaquée n'avait pas à être prise par le président -- Nier à la CISR la compétence de protéger l'intégrité de son processus desservirait les intéressés: les revendicateurs et la population canadienne -- Des délais et des perturbations s'ensuivraient si le demandeur ne se voyait interdire de comparaître que dans certaines audiences données -- Le demandeur a reçu une communication adéquate de la preuve et on ne lui a pas refusé une audience équitable -- Le demandeur pouvait trouver les noms des plaignants à partir de ses propres dossiers -- La plainte relative à l'omission de communiquer n'a pas été faite en temps opportun.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- La vice-présidente adjointe (VPA) de la Section d'appel de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié a refusé de rouvrir la décision interdisant au consultant en immigration de pratiquer devant la CISR -- La Commission avait-elle compétence pour imposer une interdiction générale de pratique? -- Les règles d'équité procédurale ont-elles été observées? -- Le droit de pratiquer devant la Commission est une question procédurale relevant de sa compétence -- Pouvoir non irrégulièrement délégué à la VPA par le président de la Commission -- L'arrêt de la C.S.C. dans l'affaire Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) a reçu une application large dans la jurisprudence quant au fait que les tribunaux administratifs, sur des questions procédurales, sont maîtres chez eux -- La CISR peut imposer une interdiction générale si elle l'estime nécessaire pour préserver l'intégrité du processus du tribunal -- Aucune violation de l'équité procédurale en l'espèce -- Non nécessaire de communiquer les noms des plaignants, parce qu'une recherche dans les propres dossiers du consultant permet de les trouver -- Une audience équitable n'a pas été refusée.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la vice-présidente adjointe (VPA) de la Section d'appel de l'immigration refusant de rouvrir les conclusions factuelles relativement à la pratique devant la CISR du demandeur, Iraj Rezaei, un consultant en immigration. M. le juge Rouleau a accordé à la CISR le statut d'intervenante sur la question de compétence, à savoir si la VPA avait compétence pour décider que le demandeur ne pouvait pas pratiquer devant la Section du statut de réfugié (la SSR) et pour prendre, en vertu du pouvoir délégué par le président, des mesures disciplinaires à l'encontre du demandeur. Il y avait également une question en ce qui a trait à l'équité procédurale.

Le demandeur, qui n'est pas avocat, représente des clients devant la SSR de la CISR et, à la fin de 2000, sa conduite a fait surgir des doutes. Indépendamment de l'enquête de la CISR, le demandeur a été accusé de quatre chefs relatifs à l'article 94.1 de la Loi sur l'immigration pour tentative d'aide à des personnes devant leur permettre d'entrer au Canada au moyen de faux visas canadiens. Ses déclarations de culpabilité sur tous les chefs ont été annulées en appel. Le président de la CISR a délégué à la VPA le pouvoir d'enquêter au sujet de Rezaei et de prendre toute mesure corrective qu'elle pourrait estimer nécessaire pour protéger l'intégrité des instances de la SSR. La VPA a alors écrit à Rezaei énumérant ses inconduites présumées, précisant les faits, dates et numéros de dossier. La VPA a par la suite écrit une lettre à Rezaei, dont elle a envoyé une copie à son avocat, où elle exposait ses conclusions de fait et les sanctions prévues. L'avocat a répondu, fournissant des lettres de clients satisfaits et laissant entendre qu'une interdiction de trois ans était excessive en comparaison avec les suspensions imposées aux avocats en matière disciplinaire. Dans une autre lettre, l'avocat a de nouveau demandé que des faits plus détaillés lui soient communiqués, ce à quoi la VPA a répondu en déclarant que c'était au demandeur d'aviser la CISR du nom de son représentant en la présente instance, une conférence R39 antérieure étant considérée comme une instance séparée. L'avocat a alors présenté une requête à la SSR visant à obtenir une déclaration selon laquelle l'une ou l'autre de la conférence R39 ou de l'enquête administrative de la VPA soit réputée abandonnée parce que cela constituait un dédoublement du processus. Il visait également à obtenir les noms des plaignants ainsi qu'une déclaration selon laquelle le président ou sa déléguée n'a pas compétence pour suspendre la pratique d'un consultant devant la CISR. À la suite d'une audience, à laquelle le demandeur et son avocat ont assisté, la VPA a refusé de rouvrir ses conclusions factuelles et a mentionné que la mesure disciplinaire serait imposée. Elle a conclu qu'un avis adéquat avait été donné en ce qui a trait à l'instance relative aux conclusions factuelles et que les exigences d'équité procédurale avaient été respectées. L'argument qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité du fait qu'elle était [traduction] «enquêteuse, accusatrice et juge des faits» a été rejeté, la VPA estimant que son seul rôle avait été celui de juge des faits. Elle a nié toute participation dans la cueillette des éléments de preuve.

Jugement: la demande est rejetée, l'avocat du demandeur peut signifier et déposer des observations concernant la certification dans les sept jours de la réception des présents motifs.

Devant la Cour, on a fait valoir au nom du demandeur que les pouvoirs des agents administratifs sont limités à ceux qui leur ont été conférés par la loi. On a insisté sur le fait qu'il n'existe pas de compétence générale pour empêcher quelqu'un de comparaître devant la SSR; une telle ordonnance ne peut être rendue que dans le contexte d'une cause en particulier. De plus, le président ne pouvait déléguer son pouvoir d'établir des règles en vertu du paragraphe 65(1). L'argument du ministre était que le demandeur n'avait pas réussi à présenter un fondement de principe permettant d'affirmer que la CISR ne peut pas, en général, empêcher quelqu'un de comparaître devant elle lorsqu'il a constamment démontré une indifférence à l'égard de la CISR et de l'intégrité de son processus. La Commission, à titre d'intervenante, a adopté l'argument du ministre selon lequel un tribunal, comme la CISR, est maître de sa propre procédure et a l'obligation de garantir l'intégrité et l'équité du processus d'audience.

Le demandeur avait tort de laisser entendre que la question relative à sa capacité d'agir devant la Commission ne constituait pas une question procédurale parce que cela affectait ses droits substantiels. Lors d'une audience, les seuls droits substantiels en cause sont ceux des parties: le revendicateur et le ministre. Le demandeur a cherché à établir une distinction d'avec l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), en soutenant qu'il ne faisait qu'établir le point limité que l'ajournement de l'instance fait partie du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre. Mais la valeur jurisprudentielle de cet arrêt ne pouvait pas être restreinte de cette manière, étant donné l'interprétation judiciaire large qu'il a reçue depuis. Dans l'arrêt Prassad, M. le juge Sopinka a déclaré qu'«[e]n règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle». Il n'existe aucune disposition légale ni aucun règlement restreignant la capacité de la VPA de suspendre le droit de quiconque de comparaître devant la CISR. La décision contestée n'est pas de la nature de celles qui ne peuvent être imposées que par le président de la CISR. La VPA n'était pas tenue de suivre quelque procédure stricte en prenant cette décision. Elle a obéi aux règles d'équité et aux principes de justice naturelle et c'est tout ce qui était exigé. La VPA a agi en tenant compte des circonstances particulières du demandeur. Nier à la CISR la compétence de protéger l'intégrité de ses processus desservirait ses intéressés, notamment les revendicateurs et la population canadienne. La Commission n'est pas, sur la base du cas par cas, limitée à interdire au demandeur d'agir, si elle est d'avis qu'une interdiction plus large est nécessaire afin de préserver l'intégrité de son processus en tant que tribunal. N'interdire au demandeur de comparaître que dans certaines audiences données causerait de fréquentes perturbations de son processus en raison du fait que les revendicateurs auraient à demander des ajournements afin de retenir les services de nouveaux représentants et causerait des délais vu le temps pris par les membres pour aviser le demandeur qu'il ne serait pas entendu.

En ce qui a trait à l'équité procédurale, le demandeur affirme qu'on ne lui a pas fourni le nom de chacun des plaignants et qu'on ne lui a donné que de brefs résumés des allégations. Il a été décidé que les règles de communication de la preuve énoncées par la Cour suprême dans l'arrêt Stinchcombe s'appliquaient à la SSR. Il a laissé entendre que la CISR avait une obligation positive de communiquer toute la documentation qu'elle pourrait utiliser dans la procédure de sa révocation, laquelle obligation n'avait pas été respectée. Il a ajouté que la procédure suivie en l'espèce a violé son droit à une audience équitable. Le ministre a répliqué en affirmant que le demandeur avait été avisé par écrit dans des termes très précis relativement aux soupçons de la CISR mais qu'il ne s'était soucié de répondre qu'après que la décision eut été prise et qu'il a donc été l'artisan de son propre malheur.

Le demandeur a reçu une communication adéquate de la preuve et ne s'est pas vu refuser une audience équitable. Les fautes concernant la communication de la preuve qui ont fait en sorte que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Nrecaj c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), n'étaient pas présentes en l'espèce. Le demandeur pouvait trouver les noms des plaignants en faisant une recherche attentive dans ses propres dossiers. De plus, les plaintes du demandeur concernant l'omission de communiquer les éléments de preuve n'ont pas été présentées en temps opportun. La présente demande aurait eu davantage de fondement s'il avait demandé la communication avant que la VPA prenne sa décision au lieu d'attendre d'être rendu à la Cour fédérale pour dénoncer l'omission de communiquer.

lois et règlements

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 58(4) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 48), 65(1) (mod., idem, art.     55), 82.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 94.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 9; L.C. 1992, ch. 49, art. 84).

Règles de la section du statut de réfugié, DORS/93-45, art. 28, 39, 40.

jurisprudence

décisions suivies:

Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; (1989), 57 D.L.R. (4th) 663; [1989] 3 W.W.R. 289; 36 Admin. L.R. 72; 7 Imm. L.R. (2d) 253; 93 N.R. 81; Law Society of British Columbia c. Mangat (1998), 167 D.L.R. (4th) 723; [1999] 6 W.W.R. 588; 115 B.C.A.C. 50; 58 B.C.L.R. (3d) 280; 48 Imm. L.R. (2d) 170 (C.A.C.-B.); conf. par [2001] 3 R.C.S. 113; (2001), 205 D.L.R. (4th) 577; [2002] 2 W.W.R. 201; 157 B.C.A.C. 161; 96 B.C.L.R. (3d) 1; 16 Imm. L.R. (3d) 1; 276 N.R. 339.

décisions appliquées:

R. c. Romanowicz (1999), 45 O.R. (3d) 506; 178 D.L.R. (4th) 466; 138 C.C.C. (3d) 225; 26 C.R. (5th) 246; 45 M.V.R. (3d) 294; 124 O.A.C. 100 (C.A.); Chong c. Canada (Procureur général) (1995), 104 F.T.R. 253 (C.F. 1re inst.).

distinction faite d'avec:

Nrecaj c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 630; (1993), 14 Admin. L.R. (2d) 161; 65 F.T.R. 171; 20 Imm. L.R. (2d) 252 (1re inst.).

décisions citées:

R. v. Lemonides (1997), 35 O.R. (3d) 611; 151 D.L.R. (4th) 546; 10 C.R. (5th) 135; 35 O.T.C. 23 (Div. gén.); Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire de l'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada), [1996] 2 C.F. 668; (1996), 133 D.L.R. (4th) 565; 37 Admin. L.R. (2d) 241; 109 F.T.R. 96 (1re inst.); R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326; (1991), 120 A.R. 161; [1992] 1 W.W.R. 97; 83 Alta. L.R. (2d) 93; 68 C.C.C. (3d) 1; 8 C.R. (4th) 277; 130 N.R. 277; 8 W.A.C. 161.

doctrine

Canada. Parlement. Chambre des communes. Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Les conseillers en immigration: le temps est venu d'agir: neuvième rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Ottawa: Imprimeur de la Reine pour le Canada, 1995 (Présidente: Eleni Bakopanos).

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision de la vice-présidente adjointe de la section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié interdisant à un consultant en immigration de pratiquer devant la Commission. Demande rejetée et question certifiée pour examen par la Cour d'appel fédérale.

ont comparu:

Robert J. Kincaid pour le demandeur.

Brenda Carbonell pour le défendeur.

Joseph J. Arvay, c.r. et Mark G. Underhill pour l'intervenante.

avocats inscrits au dossier:

Robert J. Kincaid Law Corporation, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Arvay Finlay, Victoria, pour l'intervenante.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]Le juge Beaudry: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR), présentée en vertu de l'article 82.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). Le demandeur vise à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision rendue par Mme Sherry Wiebe, vice-présidente adjointe (VPA) de la section d'appel de l'immigration (la SAI), refusant de rouvrir les conclusions factuelles formulées relativement à la pratique du demandeur devant la CISR. Le demandeur vise, entre autres réparations, l'annulation de sa décision.

[2]La CISR a obtenu le statut d'intervenante sur la question de compétence seulement, en vertu d'une ordonnance de M. le juge Rouleau, datée du 25 octobre 2002.

LES QUESTIONS EN LITIGE

La question de compétence

[3]Est-ce que la VPA a commis une erreur dans sa conclusion selon laquelle elle avait compétence pour décider que le demandeur ne pouvait pas pratiquer devant la section du statut de réfugié (la SSR) et qu'elle avait compétence, en vertu du pouvoir délégué par le président, pour prendre des mesures disciplinaires à l'encontre du demandeur concernant des plaintes qui auraient été déposées?

La question d'équité procédurale

[4]Est-ce que la VPA a commis une violation de la justice naturelle?

[5]Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

LE CONTEXTE

[6]Le demandeur agit en tant que consultant en immigration, représentant des clients devant la CISR, en particulier devant la section du statut de réfugié (la SSR) de la CISR. Il n'est pas membre du Barreau et ne prétend pas l'être. Il agit comme représentant qui n'est pas avocat au nom de clients.

[7]À partir de la fin de 2000, la conduite du demandeur devant la CISR a fait surgir des doutes. Indépendamment de l'enquête de la CISR concernant la conduite du demandeur, celui-ci a été accusé de quatre chefs de tentative d'aide à certaines personnes devant leur permettre d'entrer au Canada au moyen de faux visas canadiens, une infraction prévue par l'article 94.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 9; L.C. 1992, ch. 49, art. 84] de la Loi. Il a été déclaré coupable, mais les déclarations de culpabilité sur tous les chefs ont été par la suite annulées en appel.

[8]Le 8 mars 2001, Peter Showler, président de la CISR (le président), a avisé le demandeur que la CISR avait des réserves concernant sa pratique et qu'il déléguait à la VPA le pouvoir d'enquêter à ce sujet:

[traduction] En ma qualité de président [. . .], j'ai délégué à Mme Sherry Wiebe, vice-présidente adjointe de la section d'appel de l'immigration à Vancouver, mon pouvoir d'enquêter sur les faits et de prendre toute mesure corrective qu'elle peut estimer nécessaire relativement à votre pratique devant la Commission afin de sauvegarder et de protéger l'intégrité et l'efficacité des instances [de la SSR].

[9]La VPA a donné suite à cela en envoyant une lettre datée du 21 mars 2001. Dans cette lettre, elle énumérait les dossiers dans lesquels le demandeur avait travaillé. Par ses actes ou ses omissions, le demandeur se serait rendu coupable d'inconduite relativement à ces dossiers. Chacune des fautes alléguées renvoyait au numéro de dossier et à la date de l'omission ou de l'acte présumé.

[10]Le 23 juillet 2001, l'avocat du demandeur a écrit au président et il a fait parvenir une copie de cette lettre à la VPA. Dans sa lettre, il a accusé réception de la lettre du 8 mars, mentionné que les déclarations de culpabilité à l'encontre du demandeur faisaient alors l'objet d'un appel et a dénoncé le comportement diffamant que le personnel de la CISR aurait adopté envers le demandeur.

[11]Le 2 août 2001, la VPA a expédié une lettre au demandeur, dont elle a envoyé une copie à son avocat, où elle exposait ses conclusions de fait relativement aux omission ou aux actes reprochés. Elle concluait sa lettre en énonçant les sanctions réparatrices qu'elle se proposait d'adopter et invitait le demandeur à lui répondre au plus tard le 20 août 2001.

[12]L'avocat du demandeur a répondu à la VPA le 9 août 2001. Sa réponse préliminaire traitait de quelques-unes des questions de compétence et de procédure que le demandeur a soulevées dans sa demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi.

[13]D'autres observations ont été formulées par l'avocat du demandeur dans une lettre envoyée à la VPA le 17 août 2001. Jointes à cette lettre, il y avait plusieurs lettres censées être des lettres de référence de clients satisfaits du demandeur ou d'autres personnes dans sa collectivité pouvant parler de ses qualifications ou de sa réputation. L'avocat du demandeur a également joint deux exemples de décisions disciplinaires rendues par la Law Society of British Columbia, afin d'appuyer l'argument selon lequel l'interdiction de comparaître devant la CISR pendant trois ans que l'on se proposait d'imposer au demandeur était excessivement longue comparée aux suspensions prononcées contre les membres du Barreau pour des infractions disciplinaires. L'avocat a également demandé la communication des renseignements qui l'aideraient à comprendre la conduite faisant l'objet de la plainte et lui feraient connaître l'identité de ceux qui ont déposé les plaintes.

[14]Le 3 octobre 2001, l'avocat du demandeur a de nouveau demandé que lui soient communiqués les faits détaillés de la conduite reprochée à son client. L'avocat a mentionné que sans les renseignements demandés, le demandeur ne pourrait pas répondre comme on l'a invité à le faire.

[15]Dans sa réponse du 11 octobre 2001, la VPA a déclaré que, bien que l'avocat ait antérieurement représenté le demandeur dans une instance appelée conférence R39, le processus de détermination des faits alors en cours constituait une instance séparée et qu'il était de la responsabilité du demandeur d'aviser la CISR qu'il était représenté dans cette instance.

[16]Le 25 octobre 2001, l'avocat a fait signifier ce qui suit à l'agent chargé de la revendication (l'ACR), à la SSR: un avis de requête, l'affidavit du demandeur et un exposé sommaire des faits et du droit. La requête visait à obtenir réparation en vertu des articles 28, 39 et 40 des Règles de la section du statut de réfugié [DORS/93-45] (les Règles).

[17]Parmi les mesures de réparation demandées devant la SSR, il y avait une déclaration selon laquelle l'une ou l'autre de la conférence R39 dont il a été question plus haut ou de l'enquête administrative de la VPA soit réputée abandonnée ou retirée, parce que cela constituait un dédoublement du processus. Le demandeur visait également à obtenir la communication des noms des plaignants dont les plaintes avaient été mentionnées dans la lettre du 21 mars, de même que la correspondance antérieure dont il avait été question dans la lettre du 3 octobre.

[18]Le demandeur désirait aussi une déclaration selon laquelle le président et sa déléguée n'ont pas compétence pour suspendre un consultant ou pour lui refuser la capacité de pratiquer devant la CISR. En outre, le demandeur visait à obtenir une déclaration selon laquelle, si une telle compétence existe, la VPA l'avait perdue du fait des violations à l'équité procédurale.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[19]À la suite d'une audience tenue devant la VPA le 4 décembre 2001, à laquelle le demandeur et son avocat étaient présents, la VPA a rendu une décision le 14 mars 2002. Dans sa décision, elle a exprimé son refus de rouvrir les conclusions factuelles qui avaient été formulées à l'encontre du demandeur et a exprimé son intention de prendre la mesure disciplinaire prévue.

[20]La VPA a conclu que la SSR avait compétence pour empêcher quiconque de comparaître devant elle au nom des revendicateurs. Il n'était pas nécessaire d'attendre certaines audiences pour exclure des représentants sur la base du cas par cas.

[21]L'équité procédurale et la justice naturelle ont été discutées sur deux fronts. L'un avait trait au caractère adéquat de l'avis de l'instance donné au demandeur et l'autre, à la crainte de partialité.

[22]La VPA a conclu que le demandeur avait reçu un avis adéquat de l'instance où des conclusions factuelles avaient été formulées et de la date à laquelle il devait répondre. La VPA a conclu que les explications du demandeur concernant son omission de répondre n'étaient pas acceptables et qu'un avis adéquat avait été donné. On ne pouvait donc pas prétendre, de ce fait, qu'il y avait eu un manquement à l'équité procédurale.

[23]La VPA a rejeté l'argument qu'il y aurait une crainte raisonnable de partialité du fait qu'elle était [traduction] «enquêteuse, accusatrice et juge des faits» (décision de la VPA, 14 mars 2002, à la page 13). La VPA a tranché que son seul rôle avait été celui de juge des faits et qu'elle n'avait pas participé de quelque façon que ce soit à la cueillette des éléments de preuve. Des soupçons avaient été portés à l'attention de la SSR et on lui avait délégué la responsabilité de l'instance en cause et fourni les documents constituant la preuve. Les rôles étaient donc divisés d'une manière qui apaisait toute crainte raisonnable de partialité.

[24]Le demandeur a eu l'occasion de répondre dans le délai imposé par la VPA. S'il désirait une audience au cours de laquelle il pourrait confronter et contre-interroger ses accusateurs, il avait amplement l'occasion de le faire; il lui suffisait de faire des demandes en ce sens avant l'expiration du délai pour répondre. Son omission de répondre en temps opportun aux premières lettre de mars 2001 a été la cause des lacunes procédurales qu'il allègue maintenant.

[25]La VPA a conclu, en se fondant sur ce qui est mentionné ci-dessus, que les conclusions factuelles avaient résulté d'une procédure équitable et qu'elles relevaient de la compétence de la SSR. La requête visant à faire rouvrir les conclusions a donc été rejetée.

LES RÈGLES ET LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

[26]L'article 28 des Règles permet les requêtes qui ne sont pas prévues autrement dans les Règles:

28. (1) Toute demande d'une partie qui n'est pas prévue par les présentes règles est présentée à la section du statut par voie de requête, sauf si elle est présentée au cours d'une audience et que les membres décident d'une autre façon de procéder dans l'intérêt de la justice.

(2) La requête consiste en:

a) un avis précisant les motifs de la requête;

b) un affidavit énonçant les faits sur lesquels repose la requête;

c) un exposé succinct du droit et des arguments sur lesquels le requérant se fonde.

[27]Les autres paragraphes de l'article 28, les paragraphes (3) à (9), prévoient des règles additionnelles régissant ces requêtes et il n'est pas nécessaire de les reproduire ici. Les articles 39 et 40 sont des dispositions «fourre-tout»:

39. Les présentes règles ne sont pas exhaustives; en l'absence de dispositions sur des questions qui surviennent dans le cadre d'une procédure, la section du statut peut prendre les mesures voulues pour assurer une instruction approfondie de l'affaire et le règlement des questions de façon expéditive.

40. En cas d'inobservation d'une exigence des présentes règles par une partie ou l'agent d'audience, la section du statut peut, sur réception d'une demande de la partie ou de l'agent d'audience, conforme à l'article 27, soit lui permettre de remédier au défaut, soit le dispenser de l'exigence, si elle est convaincue qu'une telle mesure ne risque pas de causer d'injustice aux parties ni d'entrave sérieuse à la procédure.

[28]Le demandeur cite le paragraphe 65(1) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 55] de la Loi et soumet que cette disposition ne permet pas au président de déléguer son pouvoir d'établissement de règles. Cette disposition prévoit:

65. (1) Le président peut, sous réserve de l'agrément du gouverneur en conseil et en consultation avec le vice-président de la section du statut, le vice-président de la section d'appel et le directeur général de la section d'arbitrage, établir des règles:

a) régissant les travaux, la procédure et la pratique de chacune des sections et définissant les fonctions des conseils de la Commission;

b) fixant un ordre de priorité pour l'étude des cas;

c) précisant la teneur, la forme, le délai de présentation et les modalités d'examen des renseignements prévus au paragraphe 46.03(2);

d) régissant la procédure de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention prévue au paragraphe 69.1(7.1);

e) en vue des autres mesures à prendre par ce moyen aux termes de la présente loi.

LES OBSERVATIONS

La compétence--le demandeur

[29]Les pouvoirs des agents administratifs sont définis par la loi créant leur fonction et se trouvent nécessairement dans cette loi, de manière expresse ou implicite. Il n'existe pas de compétence générale pour empêcher quelqu'un de comparaître devant la SSR; une telle ordonnance ne peut être rendue que dans le contexte d'une cause en particulier. En plus, le président ne peut déléguer son pouvoir d'établir des règles en vertu du paragraphe 65(1) de la Loi relativement à la pratique et à la procédure de la CISR.

[30]VPA a invoqué l'arrêt Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, à l'appui de la conclusion selon laquelle la SSR est maître de sa propre procédure. Cependant, l'arrêt Prassad, précité, n'a fait qu'établir que l'ajournement d'une instance faisait partie du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre. En plus, il existe des restrictions, y compris la Constitution et la justice naturelle, affectant le pouvoir d'un organisme de décider de sa procédure.

[31]La décision R. v. Lemonides (1997), 35 O.R. (3d) 611 (Div. gén.) concernait le pouvoir des représentants de comparaître dans les poursuites par procédure sommaire devant les cours criminelles. Contrairement à ce que donne à entendre la décision de la VPA, la décision Lemonides, précitée, n'a pas établi que la question de savoir si une personne en particulier pouvait être empêchée de comparaître devant un tribunal constituait simplement une question de procédure. Il revient au tribunal d'examiner cette question dans chaque cause.

[32]En général, la décision quant à savoir qui peut comparaître devant une commission ou un tribunal ne constitue pas une simple question de procédure. Il s'agit d'une décision quasi judiciaire, puisqu'il s'agit d'une décision exécutoire qui affecte les droits substantiels d'une personne. La VPA a donc mal interprété la nature de la décision.

La compétence--le défendeur

[33]Le demandeur n'a pas fourni de fondement de principe permettant d'affirmer que la CISR ne peut pas, en général, empêcher un représentant de comparaître devant elle lorsque ce représentant a constamment démontré une indifférence à l'égard de la CISR et de l'intégrité de son processus.

[34]Il est bien établi en droit qu'un tribunal est maître de sa propre procédure et a l'obligation de garantir l'intégrité et l'équité du processus d'audience. Le demandeur n'a pas fourni de jurisprudence adéquate pour justifier sa position à cet égard. De simples affirmations ne peuvent constituer une cause raisonnablement défendable.

[35]Le défendeur renvoie aux arrêts Law Society of British Columbia v. Mangat (1998), 167 D.L.R. (4th) 723 (C.A.C.-B.); conf. par [2001] 3 R.C.S. 113; Prassad; et R. c. Romanowicz (1999), 45 O.R. (3d) 506 (C.A.).

[36]Le défendeur soutient également que la CISR possède la compétence inhérente de maintenir sa dignité et d'imposer le respect.

[37]Le défendeur affirme que d'adopter les arguments du demandeur n'aurait aucun sens en pratique et que cela constituerait un abus de procédure si chaque membre de la Commission devait régler les cas d'incompétence un à un.

[38]La délégation de pouvoir du président vers la VPA est légale.

La compétence--l'intervenante

[39]L'intervenante adopte l'argument du défendeur selon lequel la CISR est maître de sa propre procédure et de son processus d'audience.

[40]La CISR possède le pouvoir d'examiner la conduite d'une personne afin de garantir son intégrité et aussi parce qu'un représentant peut comparaître devant toutes les sections de la CISR. La meilleure façon de le faire est de déléguer son pouvoir à la VPA comme cela a été fait en l'espèce.

[41]Une disposition légale n'est pas nécessaire, puisqu'il est de la compétence inhérente de la CISR de faire ce qu'elle a fait.

L'équité procédurale

Le demandeur

[42]Plusieurs principes de justice naturelle ont été exposés dans la décision Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire de l'enquête sur l'approvision-nement en sang au Canada), [1996] 2 C.F. 668 (1re inst.). On n'a jamais fourni au demandeur le nom de chacun des plaignants; on ne lui a donné que de brefs résumés des allégations soulevées contre lui.

[43]Les principes de communication de la preuve énoncés dans l'arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, ont été confirmés dans la décision Nrecaj c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 630 (1re inst.) comme s'appliquant à la CISR et, en particulier, à la SSR. La CISR a une obligation positive de communiquer toute la documentation qu'elle utilisera ou qu'elle pourra utiliser dans la procédure de révocation du demandeur ou qui constitue le fondement de la plainte. Cette obligation n'a pas été respectée.

[44]Les facteurs qui, selon la jurisprudence, donnent à penser qu'une audience constitue un élément nécessaire de l'équité procédurale, sont présents en l'espèce. La procédure adoptée par le tribunal dans la lettre du 21 mars 2001 violait le droit du demandeur à une audience équitable. Son droit à une défense pleine et entière a été limité à une possibilité de répondre à des résumés écrits de ce qui était allégué contre lui. Il n'était pas absolument nécessaire qu'il demande que les éléments de justice fondamentale adéquats soient appliqués.

[45]Le fait d'invoquer des éléments de preuve provenant d'autres instances constitue également une violation des principes de justice naturelle. La VPA a commis une telle violation en notant ce que les plaignants avaient déclaré lors de leurs propres audiences et en invoquant ces déclarations dans la lettre adressée au demandeur.

[46]La CISR a mentionné dans une de ses communications qu'elle serait en contact avec l'avocat concernant une affaire qui était d'abord prévue pour novembre 2000, puis s'est désistée par la suite. La CISR a brisé cet engagement et elle ne peut pas simplement dire qu'il s'agit d'une nouvelle instance et qu'elle ne pouvait pas deviner qui le demandeur retiendrait comme avocat. La CISR est liée par ses engagements.

Le défendeur

[47]Les arguments ayant trait à la justice naturelle sont sans fondement en fait ou en droit. Le demandeur a été avisé par écrit dans des termes très précis relativement aux soupçons de la CISR et aux renseignements que la VPA invoquerait dans son enquête sur les faits. Le demandeur ne s'est donné la peine de répondre qu'après qu'une décision a été rendue. La VPA n'a pas violé les principes de justice naturelle; il s'agit plutôt d'une cause où le demandeur a négligé de voir à ses intérêts. Le demandeur est l'[traduction] «artisan de son propre malheur dans cette affaire». La demande devrait être rejetée.

ANALYSE

[48]Il va clairement de soi qu'un tribunal comme la CISR, ou l'une ou l'autre de ses sections constituantes, doive être en mesure de réglementer sa propre procédure. La Commission doit également réglementer le privilège de comparaître devant elle pour la représentation d'un revendicateur.

[49]En toute déférence pour les observations de l'avocat du demandeur, on ne peut pas dire que la question relative à la capacité de servir de représentant pour un revendicateur n'est pas procédurale parce que cela affecte les droits substantiels de la personne qui vise à agir à ce titre. Au cours d'une audience donnée, les seuls droits qui préoccupent le tribunal, ce sont ceux des parties; c'est-à-dire, le revendicateur et le ministre. Dans la mesure où la représentation par avocat affecte la procédure qui conduira à une décision relative aux droits substantiels au coeur du litige, cette question est de nature procédurale et est donc de la compétence de la CISR.

[50]Dans ses observations, la CISR a soumis qu'elle avait compétence, en tant que maître de sa propre procédure, pour interdire au représentant de comparaître devant la CISR. Ce pouvoir particulier, selon la CISR, faisait partie de son pouvoir général de protéger l'intégrité de son processus.

[51]La CISR a cité l'arrêt Prassad à l'appui de son observation selon laquelle un tribunal a le contrôle de ses propres règles de procédure. Elle soutient qu'en dépit de l'absence de tout pouvoir qui lui aurait été conféré expressément, elle peut empêcher une personne de comparaître comme représentant si cela s'avère nécessaire dans le but de maintenir l'intégrité de son processus.

[52]En exerçant le pouvoir de contrôler son processus, la CISR doit l'exercer de manière impartiale au regard des circonstances présentes dans une cause donnée. La CISR soutient que c'est ce qu'elle a fait en l'espèce. Dans la mesure où la protection de l'intégrité du processus de la CISR exige une interdiction plus générale, elle soutient qu'elle possède le pouvoir d'imposer une telle sanction et qu'elle n'a pas besoin d'attendre des audiences particulières pour interdire au demandeur l'accès à ces audiences. Faire cela perturberait beaucoup le processus.

[53]Le président peut déléguer n'importe lequel de ses pouvoirs ou fonctions, sauf certaines exceptions. Une de celles-ci est le pouvoir d'établir des règles en vertu du paragraphe 65(1). C'est le paragraphe 58(4) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 48] de la Loi qui confère au président le droit de déléguer ses pouvoirs:

58. [. . .]

(4) Le président peut déléguer ses pouvoirs, à l'exception du pouvoir conféré par le paragraphe 65(1), des pouvoirs en matière d'arbitrage et du pouvoir de délégation visé au présent paragraphe, aux vice-président et vice-présidents adjoints de la section du statut et de la section d'appel et aux membres coordonnateurs de la section du statut.

[54]Deux questions sont abordées ci-dessous: la CISR a-t-elle rempli ses obligations relatives à la justice naturelle; la CISR a-t-elle compétence pour prendre les mesures qu'elle a prises en l'espèce?

L'équité procédurale

[55]Je ne peux pas accepter les observations du demandeur selon lesquelles il n'a pas reçu une communication adéquate de la preuve ou qu'il s'est vu refuser sans droit la possibilité d'avoir une audience complète et équitable. Les fautes relatives à la communication de la preuve qui avaient justifié que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie dans l'affaire Nrecaj, précitée, ne sont pas présentes en l'espèce.

[56]Le demandeur a été clairement informé des plaintes déposées contre lui. Les renseignements reçus de la VPA comprenaient les numéros de dossier et les dates d'audience en rapport avec lesquels une conduite suspecte de la part du demandeur était alléguée. Cela était suffisant et il n'était pas nécessaire de fournir les noms des revendicateurs. Le demandeur aurait pu recueillir ces renseignements en faisant une recherche plus approfondie dans ses dossiers.

[57]De plus, dans la décision Nrecaj, la communication avait été refusée malgré le fait qu'elle avait été demandée en temps opportun. Par contre, dans sa conduite à l'égard du processus qu'il conteste maintenant, le demandeur est loin d'avoir agi en temps opportun. Il n'a répondu d'aucune façon aux observations de la CISR avant le 9 août 2001. Il avait été avisé de répondre avant le 23 avril 2001. Si la communication des renseignements demandés était si importante pour le demandeur, la présente demande aurait eu davantage de fondement s'il avait demandé cette communication avant que la décision de la VPA ne soit rendue, plutôt que d'attendre le présent contrôle judiciaire pour dénoncer l'absence de cette communication.

[58]La ligne de conduite du demandeur laisse voir son manque de diligence à répondre à la correspondance de la CISR. Il prétend s'être fié à son avocat pour s'occuper de cette affaire en son nom, mais il n'a pas communiqué avec son avocat avant le délai fixé afin de s'assurer qu'il s'en occuperait. Les explications qu'il a données quant au fait d'avoir omis d'agir plus tôt n'étaient pas plausibles, compte tenu de son expérience de comparution devant la CISR.

[59]En conclusion, le demandeur a reçu un avis clair relativement aux réserves de la CISR au sujet de sa conduite. Dans la mesure où le demandeur n'a pas eu la possibilité de présenter sa cause à la CISR, cela est dû aux omissions dont il est responsable. Par conséquent, je conclus qu'il n'y a pas eu de violation de l'équité procédurale.

La compétence

[60]Le demandeur prétend que la VPA a outrepassé sa compétence lorsqu'elle lui a imposé une interdiction de comparaître devant la CISR. Il a exprimé l'avis, entre autres observations, que la VPA avait exercé sans droit un pouvoir qui ne pouvait pas lui être délégué. Il a également prétendu qu'en l'absence d'une autorisation expresse, légale ou réglementaire, la VPA ne pouvait pas lui imposer la sanction prévue.

[61]Le demandeur a soumis que la VPA s'était appuyée sur l'arrêt Prassad de manière incorrecte pour justifier sa conclusion selon laquelle la SSR est maître de sa propre procédure. Selon le demandeur, l'arrêt Prassad n'a fait qu'établir le point limité que l'ajournement de l'instance fait partie du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre.

[62]Il est exact que l'effet immédiat, en pratique, de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Prassad a été de confirmer le fait que l'arbitre avait le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser un ajournement. Toutefois, restreindre la valeur jurisprudentielle de cet arrêt à ce seul point précis va à l'encontre de l'interprétation judiciaire large qui a été donnée à cette cause depuis le prononcé de l'arrêt.

[63]L'opinion que M. le juge Sopinka a exprimée au nom de la majorité dans l'arrêt Prassad a été mentionnée dans plusieurs autres décisions. Parmi celles-ci, il faut mentionner la conclusion de M. le juge McKeown dans la décision Chong c. Canada (Procureur général) (1995), 104 F.T.R. 253 (C.F. 1re inst.). Au paragraphe 40, il a interprété Prassad comme étant un examen complet du contenu de l'obligation relative à l'équité procédurale:

À mon avis, la procédure établie par le Conseil du Trésor est conforme aux conditions d'équité définies par le juge Sopinka dans Prassad, précité. Les plaignants ont la possibilité de se faire entendre. Leur participation n'est soumise à aucune restriction.

[64]En ce qui a trait à la compétence, le juge Sopinka a énoncé et appliqué un principe général relatif à la compétence en arrivant à la conclusion précise s'appliquant à la compétence des arbitres. Aux pages 568 et 569, il a déclaré:

Afin d'interpréter correctement des dispositions législatives susceptibles de sens différents, il faut les examiner en contexte. Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. [Non souligné dans l'original.]

[65]Le contexte de compétence dans lequel l'arrêt Prassad a été prononcé était simplement l'un de ceux envisagés par cet énoncé général du juge Sopinka.

[66]En l'espèce, aucune disposition légale précise ni aucun règlement ne restreint la capacité de la VPA de suspendre le droit de quiconque de comparaître devant la CISR au nom d'une autre personne. Le paragraphe 65(1) ne peut avoir pour application d'empêcher la VPA d'imposer une interdiction à l'égard du demandeur. Sa décision n'est pas de la nature d'une règle qui ne peut être imposée que par le président de la CISR. Entre autres exemples de telles règles, les Règles de la section du statut de réfugié, lesquelles s'appliquent à toutes les parties et leurs représentants comparaissant devant la CISR. La décision de la VPA est une décision individuelle rendue en relation avec une affaire qui lui a été expressément déléguée par le président.

[67]Par conséquent, la VPA n'était pas tenue de suivre d'une manière stricte le processus qui a conduit à la décision contestée. Sa seule obligation était de respecter les règles d'équité et les principes de justice naturelle. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, c'est ce qu'elle a fait.

[68]Sur la question précise du retrait du privilège de représenter d'autres personnes, le demandeur a renvoyé à l'arrêt R. c. Romanowicz, précité. Il a noté que la Cour dans cette cause-là avait déclaré que le pouvoir de rendre inhabiles des représentants, tels que lui-même, devrait être exercé de manière impartiale, selon les circonstances de l'espèce. Sa prétention était que la CISR avait omis de tenir compte des circonstances dans son cas à lui.

[69]Je conclus que la VPA a examiné correctement les circonstances entourant la conduite du demandeur avant de rendre sa décision. Elle a également considéré la valeur probante des explications du demandeur concernant le fait qu'il avait tardé à agir, avant de prendre la décision d'accueillir ou non sa requête en réouverture de sa cause. Je conclus que la CISR n'a pas perdu la compétence, telle qu'elle a été exercée par la VPA, de rendre inhabile le demandeur à agir à titre de représentant, compétence qu'elle aurait perdue parce qu'elle aurait rendu le demandeur inhabile sans tenir compte de ses circonstances particulières.

[70]Étant donné le cadre procédural de la CISR, j'accepte son observation comme intervenante sur le fait qu'elle possède la compétence inhérente pour contrôler sa propre procédure dans le but d'en assurer l'intégrité. En fait, nier à la CISR la compétence de protéger l'intégrité de ses processus desservirait ses intéressés. Ceux-ci sont non seulement les revendicateurs qui comparaissent devant la Commission et ses sections, mais également les membres de la population canadienne en général, qui a un intérêt dans l'efficacité des mécanismes d'application de la politique d'immigration. À cet égard, voir Les conseillers en immigration: le temps est venu d'agir: neuvième rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration (Eleni Bakopanos, présidente; décembre 1995) (dossier de requête de la CISR, onglet 2, page 37).

[71]J'accepte également l'observation de l'intervenante selon laquelle elle n'est pas limitée à interdire au demandeur des audiences particulières sur la base du cas par cas, contrairement à ce que laisse entendre le demandeur dans ses observations. Si la CISR est d'avis qu'une interdiction plus large est nécessaire afin de préserver l'intégrité de son processus en tant que tribunal, elle peut utiliser un tel recours. Elle peut imposer une interdiction générale pourvu que sa conclusion selon laquelle la sanction est nécessaire soit basée sur l'examen de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés.

[72]En l'espèce, la VPA, agissant au nom de la CISR, a donné, en rendant sa décision, amplement de preuves de la rigueur avec laquelle elle a examiné les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Elle pouvait donc avoir recours à une interdiction empêchant le demandeur de comparaître devant la CISR.

[73]Ne permettre à la CISR d'empêcher le demandeur de comparaître que dans certaines audiences données causerait de fréquentes perturbations de son processus. De telles perturbations iraient à l'encontre du but qui est de permettre à la CISR d'exercer sa compétence quant à sa propre procédure. Il n'existe aucune raison de principe selon laquelle la CISR devrait infliger cette sanction au demandeur en demandant aux membres de ses sections de refuser de l'entendre à chaque comparution, alors que l'interdiction proposée par la VPA aurait le même effet, mais d'une manière plus efficace.

[74]Forcer la CISR à délivrer des refus de comparaître cas par cas au demandeur au lieu d'une interdiction pour une période déterminée a au moins deux effets nuisibles. Cela ajouterait des délais inutiles vu le temps passé par les membres à aviser le demandeur qu'il ne serait pas entendu et cela occasionnerait également des perturbations en raison du fait que les revendicateurs auraient à demander des ajournements afin de retenir les services de représentants remplaçants, après avoir retenu ceux du demandeur sans savoir qu'il ne lui serait pas permis de comparaître. Une telle méthode serait alors intenable.

[75]Pour les motifs mentionnés ci-dessus, je conclus que la demande sera rejetée.

[76]L'avocat du demandeur a demandé qu'on lui permette de fournir, en se fondant sur les présents motifs, des observations écrites concernant la certification. Par conséquent, l'avocat peut faire signifier et déposer des observations concernant la certification dans les sept jours de la réception des présents motifs. Par la suite, des observations en réponse pourront être signifiées et déposées dans les trois jours de la signification des observations de la partie adverse.*

[77]Après examen de ces observations, une ordonnance sera délivrée rejetant la demande de contrôle judiciaire.

*     Note de l'arrêtiste: Des motifs supplémentaires de l'ordonnance et une ordonnance concernant des questions qui pourraient être soumises à l'examen de la Cour d'appel fédérale sont publiés à la suite des présents motifs d'ordonnance à [2003] 3 F.C. 444 (1re inst.).

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