2002 CAF 500
A-395-01
Fédération canadienne des municipalités (appelante)
c.
AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, BCT.TELUS Communications Inc., Bell Canada, Call-Net Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc., Call-Net Technology Services Inc., Association canadienne de télévision par câble, Futureway Communications Inc., GT Group Telecom Services Corp., Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc., TELUS Communications (B.C.) Inc., TELUS Corporation, WFI Urbanlink Ltd., Aliant Telecom Inc., Shaw Communications Inc. et le procureur général du Canada (intimés)
et
Le procureur général de la Colombie-Britannique (intervenant)
A-396-01
Ville de Calgary (appelante)
c.
AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, BCT.TELUS Communications Inc., Bell Canada, Call-Net Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc., Call-Net Technology Services Inc., Association canadienne de télévision par câble, Futureway Communications Inc., GT Group Telecom Services Corp., Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc., TELUS Communications (B.C.) Inc., TELUS Corporation, WFI Urbanlink Ltd., Aliant Telecom Inc., Shaw Communications Inc. et le procureur général du Canada (intimés)
et
Le procureur général de la Colombie-Britannique (intervenant)
A-397-01
Municipalité régionale d'Halifax (appelante)
c.
AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, BCT.TELUS Communications Inc., Bell Canada, Call-Net Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc., Call-Net Technology Services Inc., Association canadienne de télévision par câble, Futureway Communications Inc., GT Group Telecom Services Corp., Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc., TELUS Communications (B.C.) Inc., TELUS Corporation, WFI Urbanlink Ltd., Aliant Telecom Inc., Shaw Communications Inc. et le procureur général du Canada (intimés)
et
Le procureur général de la Colombie-Britannique (intervenant)
A-398-01
Ville d'Ottawa et ville de Toronto (appelantes)
c.
AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, BCT.TELUS Communications Inc., Bell Canada, Call-Net Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc., Call-Net Technology Services Inc., Association canadienne de télévision par câble, Futureway Communications Inc., GT Group Telecom Services Corp., Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc., TELUS Communications (B.C.) Inc., TELUS Corporation, WFI Urbanlink Ltd., Aliant Telecom Inc., Shaw Communications Inc. et le procureur général du Canada (intimés)
et
Le procureur général de la Colombie-Britannique (intervenant)
A-399-01
Ville de Vancouver (appelante)
c.
AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, BCT.TELUS Communications Inc., Bell Canada, Call-Net Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc., Call-Net Technology Services Inc., Association canadienne de télévision par câble, Futureway Communications Inc., GT Group Telecom Services Corp., Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc., TELUS Communications (B.C.) Inc., TELUS Corporation, WFI Urbanlink Ltd., Aliant Telecom Inc., Shaw Communications Inc. et le procureur général du Canada (intimés)
et
Le procureur général de la Colombie-Britannique (intervenant)
Répertorié: Fédération canadienne des municipalités c. AT & T Canada Corp. (C.A.)
Cour d'appel, juges Létourneau, Nadon et Pelletier, J.C.A.--Ottawa, 29 et 30 octobre et 17 décembre 2002.
Télécommunications -- Appels prévus par la loi en vertu de l'art. 64 de la Loi sur les télécommunications contre la décision du CRTC concernant les conditions d'accès aux propriétés municipales exigées par Vancouver pour l'installation de lignes à fibres optiques -- Questions soulevées en appel: portée de la décision du CRTC, impact sur de futures affaires, compétence du CRTC -- Les parties ont négocié, mais ne sont pas arrivées à s'entendre sur les conditions d'accès -- L'entreprise s'est opposée aux frais de permis excessifs, au partage des revenus, à la communication de renseignements sur ses clients à la ville et autres conditions onéreuses -- L'entreprise a déposé une demande d'ordonnance d'accès devant le CRTC et la ville a demandé une ordonnance visant à établir les conditions d'accès -- L'accès a été accordé à des conditions défavorables pour la ville -- Les appelantes étaient préoccupées par l'impact de la décision sur les négociations ultérieures, mais la décision du CRTC ne s'appliquant expressément qu'aux parties au litige, il ne s'agissait pas d'un accord modèle de discussion entre les municipalités et les entreprises -- Il s'agissait de décider si la décision privait les municipalités de leur pouvoir de prendre des règlements pour protéger leurs droits de propriété -- Le litige ne concernait pas la portée ou le bien-fondé de la législation provinciale ou municipale -- Au départ, la ville a estimé que le CRTC avait compétence, mais, insatisfaite de sa décision, elle a prétendu qu'il n'avait pas compétence ou qu'il l'a excédée -- En vertu de l'art. 43(4) de la Loi, le CRTC bénéficie d'un large pouvoir discrétionnaire pour fixer des conditions d'accès de façon à mettre en oeuvre les objectifs législatifs consistant à favoriser le développement des télécommunications en un système qui contribue à sauvegarder et enrichir la structure sociale et économique du Canada -- Il doit trouver un équilibre délicat entre des intérêts opposés -- Le CRTC avait compétence pour mener une enquête, il ne l'a pas excédée en rendant sa décision -- Les questions relevaient clairement du domaine d'expertise du CRTC, de sorte que la Cour devait faire montre de réserve -- Le juge Pelletier, J.C.A. (dissident en partie): cette affaire a démontré qu'un intérêt commun à conclure une entente ne garantit pas que les parties arriveront à une entente -- Le CRTC doit avoir compétence pour trancher toutes les questions de façon à prévenir les impasses -- Les entreprises ne doivent pas se retrouver à la merci de chacune des municipalités avec lesquelles elles doivent faire affaire -- Comme le CRTC n'a pas tranché la question du droit de la ville à une indemnité, l'appel devrait être accueilli sur cette question seulement.
Droit administratif -- Appels prévus par la loi -- Compétence du CRTC concernant les conditions d'accès aux propriétés municipales pour l'installation de lignes à fibres optiques -- Au départ, la ville a estimé que le CRTC avait compétence, mais, insatisfaite de sa décision, elle a prétendu qu'il n'avait pas compétence -- La compétence d'un organisme administratif n'est pas subordonnée à la satisfaction d'une partie à l'égard de sa décision -- En vertu de l'art. 43(4) de la Loi sur les télécommunications, le CRTC a un large pouvoir discrétionnaire, fondé sur son expertise, pour fixer des conditions d'accès -- Il doit trouver un équilibre délicat entre des intérêts opposés -- Le CRTC avait compétence pour mener une enquête, il ne l'a pas excédée en rendant sa décision -- Il ne faut pas conclure trop vite à l'absence ou à l'excès de compétence, parce que ces décisions peuvent faire l'objet d'attaques indirectes lors de poursuites subséquentes, portant ainsi atteinte au caractère définitif des décisions et compromettant les activités de ceux qui ont agi en conformité avec ces décisions -- Comme les questions relevaient clairement du domaine d'expertise du CRTC, la Cour devait faire de réserve -- Norme de contrôle -- Le pouvoir discrétionnaire n'a pas été exercé de manière capricieuse ou arbitraire.
Droit constitutionnel -- Partage des pouvoirs -- Appel prévu par la loi contre la décision du CRTC concernant les conditions d'accès aux propriétés municipales pour l'installation de lignes à fibres optiques -- Les appelantes ont présenté des avis de questions constitutionnelles concernant la validité de certaines dispositions de la Loi sur les télécommunications -- Il s'agissait de décider si elles ont admis, lors de l'audience, la validité des dispositions -- Elles ont fait valoir que la décision du CRTC prive les municipalités de leur pouvoir constitutionnel de prendre des règlements pour protéger leurs droits de propriété -- La décision ne remettait pas en question les principes constitutionnels existants -- Les provinces peuvent légiférer dans les champs qui leur sont constitutionnellement assignés, mais les lois ainsi adoptées sont assujetties au principe de l'exclusivité des compétences si elles touchent à une partie essentielle d'une entreprise fédérale ou à la théorie de la prépondérance si elles entrent en conflit avec une loi fédérale -- Le juge Pelletier, J.C.A.: il n'existe pas une théorie de l'exclusivité des compétences donnant lieu à l'interprétation atténuée d'une loi fédérale de façon à protéger la compétence provinciale sauf dans les situations où une entreprise fédérale serait paralysée ou affectée dans une partie essentielle de ses opérations.
Pratique -- Frais et dépens -- Appel prévu par la loi contre une décision du CRTC -- Les appelantes déboutées ont prétendu que l'appel soulevait des questions si inédites et importantes qu'il était justifié de déroger à la pratique courante en matière d'adjudication des dépens -- La question décrite comme étant inédite était, en fait, une qualification ingénieuse mais erronée des questions en cause, de même qu'une interprétation forcée et erronée de la décision.
Il s'agissait de cinq appels entendus conjointement, en vertu de l'article 64 de la Loi sur les télécommunications, à la suite d'une décision du CRTC concernant les conditions que la ville de Vancouver entendait imposer à la défenderesse, Ledcor Industries Ltd., qui demandait d'avoir accès aux rues municipales pour y installer des lignes à fibres optiques. Bien que les appelantes aient présenté un avis de questions constitutionnelles qui contestait la validité, sur le plan constitutionnel, des articles 42 et 44 et des paragraphes 43(2) et (4) de la Loi, leur validité constitutionnelle a été admise lors de l'audience. Les questions en litige lors de l'appel concernaient la portée de la décision contestée, son impact sur de futures affaires et la compétence du CRTC pour statuer sur les questions dont il avait été saisi.
En 1997, Ledcor a entrepris de construire un système de télécommunication basé sur la transmission par fibres optiques reliant l'Ouest et l'Est du Canada, de même que certains endroits aux États-Unis. Ledcor, comme d'autres entreprises, demandait de pouvoir installer des lignes de fibres optiques et de creuser des canalisations et des chambres d'interconnexion sous des rues situées au coeur du centre-ville de grandes municipalités. À l'automne de 1997, Ledcor a entrepris la construction de son système ainsi que des négociations avec Vancouver sur les conditions d'accès, mais les négociations ont échoué. La ville exigeait certaines conditions d'accès que Ledcor trouvait inacceptables: frais de licence excessifs; partage des revenus; usage exclusif de quatre fibres de son système; communication de renseignements sur ses clients pour que la ville puisse imposer des frais de licence aux entreprises ayant acheté des parts dans le système de Ledcor et d'autres conditions plus lourdes qui étaient plus sévères que celles imposées par d'autres municipalités et compagnies de chemin de fer. Ledcor a alors déposé une demande d'ordonnance d'accès devant le CRTC et, pour sa part, la ville a présenté, en vertu de l'article 44 et du paragraphe 61(2), une demande d'ordonnance visant à établir les conditions d'accès. Le CRTC a répondu par la publication d'un avis d'instance publique ayant pour but de déterminer les conditions d'accès appropriées. Les appelantes en l'espèce ont déposé des observations écrites à titre de parties intéressées. La décision du Conseil accordait à Ledcor un droit d'accès assujetti à certaines conditions dont le versement d'une somme de 7 616 $.
Arrêt (le juge Pelletier, J.C.A., dissident en partie): les appels sont rejetés.
Le juge Létourneau, J.C.A. (le juge Nadon, J.C.A., souscrivant à ces motifs): Bien que les appelantes aient exprimé de graves préoccupations en ce qui concerne l'impact de la décision sur les négociations ultérieures entre les municipalités et les entreprises, la décision du CRTC ne visait clairement que les deux parties au litige. En effet, le Conseil s'est abstenu d'adopter «un accord modèle ou standard particulier comme point de départ des discussions entre les municipalités et les entreprises».
La Fédération canadienne des municipalités a soutenu que, en affirmant sa compétence exclusive, le CRTC empêche les municipalités de réglementer et de gérer de façon ordonnée l'accroissement rapide de la circulation dans les rues empruntées par les entreprises. La déréglementation des télécommunications a entraîné une augmentation importante du nombre d'entreprises qui veulent avoir accès au nombre limité de rues encore disponibles dans les municipalités. Il a été allégué que le contrôle et la rationalisation nécessaires seraient plus efficaces s'ils étaient exercés au niveau du gouvernement local. On craignait que la décision du CRTC prive les municipalités de leur pouvoir constitutionnel de prendre des règlements pour protéger leurs droits de propriété. Il ne faut toutefois pas considérer que la décision du CRTC a pour effet de remettre en question les principes constitutionnels applicables. Les autorités provinciales peuvent toujours légiférer dans les champs qui leur sont constitutionnellement assignés, mais les lois ainsi adoptées sont assujetties au principe de l'exclusivité des compétences si elles touchent à une partie essentielle d'une entreprise fédérale ou à la théorie de la prépondérance si elles entrent en conflit avec une loi fédérale.
On a soutenu avec vigueur que la question à trancher dans la présente instance ne portait pas sur l'accès, mais plutôt sur la gestion et le contrôle de la circulation dans les rues appartenant à la municipalité et, par conséquent, sur les droits de propriété. Cependant, ce litige ne mettait pas en cause la portée ou le bien-fondé de la législation provinciale ou municipale. Il s'agissait plutôt d'une instance que les parties ont introduite en vertu de la Loi, qui prévoit la procédure par laquelle une entreprise peut se voir attribuer un accès aux propriétés municipales et demander que les conditions d'un tel accès soient déterminées.
Au début du conflit, la ville était d'opinion que le CRTC avait compétence. Insatisfaite de la décision de celui-ci, la ville a prétendu en l'espèce que le Conseil n'avait pas compétence ou qu'il l'a excédée. La compétence d'un organisme administratif n'est évidemment pas subordonnée à la satisfaction ou au mécontentement d'une partie à l'égard de sa décision.
Le paragraphe 43(4) accorde au CRTC un large pouvoir discrétionnaire, fondé sur son expertise, pour fixer des conditions d'accès propres à mettre en oeuvre les objectifs de la Loi qui sont de favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions». Ce faisant, le CRTC doit trouver un équilibre délicat entre les intérêts publics, privés et municipaux.
Le Conseil avait compétence pour mener cette enquête et il n'a pas excédé sa compétence en rendant sa décision. Il ne faut pas conclure trop vite à l'absence ou à l'excès de compétence, parce que ces décisions peuvent faire l'objet d'attaques indirectes lors de poursuites subséquentes, portant ainsi atteinte au caractère définitif des décisions et compromettant les activités de ceux qui ont agi en conformité avec ces décisions. Bien qu'on puisse soutenir que le Conseil a erré dans l'exercice de sa compétence, la décision portait sur des questions qui relèvent clairement du domaine d'expertise du Conseil et la Cour doit faire montre de réserve envers lui. La norme de contrôle applicable aux conclusions juridiques du Conseil est celle du caractère raisonnable et la norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique à ses conclusions de fait.
Les conclusions du Conseil relativement aux frais et dépens et à l'indemnisation étaient raisonnables et rien ne démontre qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière capricieuse ou arbitraire.
La Cour ne pouvait être d'accord avec la prétention des appelantes selon laquelle l'appel soulevait des questions si inédites et importantes qu'il était nécessaire de déroger à la pratique courante d'adjuger les dépens contre la partie perdante. La question décrite comme étant inédite était, en fait, une qualification ingénieuse mais erronée des questions en cause, de même qu'une interprétation forcée et erronée de la décision du Conseil.
Le juge Pelletier, J.C.A. (dissident en partie): J'ajouterais ce qui suit à l'exposé des faits du juge Létourneau. La majeure partie de la ligne de transmission de Ledcor à Vancouver passe à l'intérieur de l'emprise du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et non sur la propriété municipale. La ligne ne passe sous la propriété municipale qu'à une intersection et à 17 réserves routières. De plus, la technique de construction de Ledcor ne l'obligeait pas à creuser à ces endroits: Ledcor ne faisait que forer la propriété municipale à partir de l'emprise du CFCP.
Les appelantes n'avaient pas entièrement abandonné la contestation de la validité du paragraphe 43(4). Elles proposaient plutôt une interprétation qui permettait d'éviter la question de la validité en restreignant sa portée. Elles n'ont pas admis sans réserve que ce paragraphe demeurait une disposition fédérale valide. Par conséquent, si l'interprétation proposée par les appelantes était rejetée, la Cour devait examiner la validité de ce paragraphe interprété plus largement. Les appelantes affirment que certaines questions de compétence provinciale n'affectent pas les entreprises dans une partie essentielle de leurs opérations et que ces questions devraient faire l'objet de négociations entre l'entreprise et les municipalités. Les intimés prétendent que cette interprétation ne résoudrait pas le problème qui survient lorsque les parties sont incapables d'arriver à une entente. La présente affaire démontre qu'un intérêt commun à conclure une entente ne garantit pas que les parties y parviendront. Si l'objet de ce paragraphe est d'éviter que la construction de la ligne de transmission soit compromise par des demandes déraisonnables, le CRTC doit être en mesure de trancher toute question qui demeure irrésolue. Le paragraphe 43(4) constitue une disposition législative fédérale valide parce qu'elle est nécessairement accessoire à l'exercice de la compétence fédérale exclusive en matière de télécommunications, ce qui comprend la construction de lignes de transmission. Les entreprises ne doivent pas se retrouver à la merci de chacune des municipalités avec lesquelles elles doivent faire affaire.
Il n'existe pas une théorie de l'exclusivité des compétences qui entraînerait l'interprétation atténuée d'une loi fédérale de façon à protéger la compétence provinciale sauf dans les situations où une entreprise fédérale serait paralysée ou affectée dans une partie essentielle de ses opérations: Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports).
Bien que le CRTC n'ait pas rejeté d'emblée la demande d'indemnité de Vancouver, la Conseil n'a pas établi le montant auquel elle aurait droit pour l'utilisation et l'occupation de ses propriétés. Il était quelque peu fallacieux de la part du Conseil de présenter sa décision comme étant susceptible de guider les entreprises et les municipalités pour les négociations futures, pour ensuite soutenir que cette décision devrait être considérée comme disposant simplement d'une demande d'indemnité particulière. L'omission de statuer sur une question peut être considérée comme une erreur de droit au même titre que le fait de poser la mauvaise question. Elle peut aussi être considérée comme une erreur juridictionnelle. Ce n'est pas une question à l'égard de laquelle la Cour doit faire preuve de réserve envers le CRTC qui a omis d'exercer son pouvoir discrétionnaire. On ne devrait pas considérer que la question du droit à l'indemnité a été résolue par défaut sur la foi du rejet des demandes excessives de Vancouver par le CRTC. L'appel ne devrait être accueilli que sur cette question et l'affaire renvoyée au CRTC pour qu'il tranche la question du droit à l'indemnité de la ville.
lois et règlements
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.
Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38, art. 7, 42, 43(1),(2),(3) (mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 204), (4),(5), 44, 61(2), 64 (mod., idem, art. 206). |
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tarif B, colonne III.
Vancouver Charter, S.B.C. 1953, ch. 55, art. 290, 291. |
jurisprudence
décisions examinées:
Attorney-General for Quebec v. Nipissing Central Ry. Co., [1926] A.C. 715 (C.P.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des transports), [1992] 1 R.C.S. 3; (1992), 88 D.L.R. (4th) 1; [1992] 2 W.W.R. 193; 84 Alta. L.R. (2d) 129; 3 Admin. L.R. (2d) 1; 7 C.E.L.R. (N.S.) 1; 132 N.R. 321; Barrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble, [2001] 4 C.F. 237; (2001), 202 D.L.R. (4th) 272; 273 N.R. 291 (C.A.).
décisions citées:
Conditions d'accès aux propriétés municipales dans la ville de Vancouver, Avis public Télécom CRTC 99-25, le 3 décembre 1999; Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594; (1983), 4 D.L.R. (4th) 577; [1984] 1 W.W.R. 481; 26 Man. R. (2d) 194; 9 C.C.C. (3d) 97; 37 C.R. (3d) 97; 51 N.R. 321; R. c. Sarson (1996), 135 D.L.R. (4 th) 402; 107 C.C.C. (3d) 21; 49 C.R. (4th) 75; 36 C.R.R. (2d) 1; 197 N.R. 125; 91 O.A.C. 124; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333; (1993), 145 A.R. 321; 14 Alta. L.R. (3d) 1; 86 C.C.C. (3d) 97; 25 C.R. (4th) 137; 161 N.R. 161; British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd., [1995] 2 R.C.S. 739; (1995), 125 D.L.R. (4th) 443; 31 Admin. L.R. (2d) 169; 183 N.R. 184; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241; (2001), 200 D.L.R. (4th) 419; 40 C.E.L.R. (N.S.) 1; 19 M.P.L.R. (3d) 1; 271 N.R. 201; Greater Toronto Airports Authority c. Mississauga (City) (2000), 50 O.R. (3d) 641; 192 D.L.R. (4th) 443; 16 M.P.L.R. (3d) 213; 138 O.A.C. 1 (C.A.); Antwerp Bulkcarriers N.V. (Re) (2000), 187 D.L.R. (4th) 106 (C.A.Q.); Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (syndic) (1999), 173 D.L.R. (4th) 493; 239 N.R. 114 (C.A.F.); Société Radio-Canada c. Métromédia CMR Montréal Inc. (1999), 254 N.R. 266 (C.A.F.); Upper Lakes Group Inc. c. Canada (Office national des transports), [1995] 3 C.F. 395; (1995), 125 D.L.R. (4th) 204; 62 C.P.R. (3d) 167; 181 N.R. 103 (C.A.); Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association et autres, [1975] 1 R.C.S. 382; (1973), 41 D.L.R. (3d) 6; [1974] 1 W.W.R. 653; 73 CLLC 14,193.
doctrine
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 4th ed. (loose-leaf). Toronto: Carswell, 1997.
APPELS PRÉVUS PAR LA LOI contre une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica-tions canadiennes (Ledcor/Vancouver -- Construction, exploitation et entretien des lignes de transmission à Vancouver, Décision Télécom CRTC 2001-23, 25 janvier 2001) concernant l'accès aux propriétés municipales pour l'installation de lignes à fibres optiques et les conditions d'un tel accès. Appels rejetés.
ont comparu:
John P. Nelligan, c.r., Christian S. Tacit et Erin Smith pour l'appelante, Fédération canadienne des municipalités.
Brand R. Inlow, c.r., pour l'appelante ville de Calgary.
Mary Ellen Donovan pour l'appelante Municipalité régionale d'Halifax.
Andrew J. Roman et Michelle Wong pour l'appelante ville d'Ottawa et ville de Toronto.
Patsy J. Scheer pour l'appelante, ville de Vancouver.
Thomas G. Heintzman, c.r., et Susan L. Gratton pour les intimées AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, Association canadienne de télévision par câble, TELUS Communications Inc. (B.C.), TELUS Corporation, Call-Net Communications Inc. Call-Net Enterprises Inc. et Call-Net Technology Services Inc.
Brian A. Crane, c.r., et Ronald D. Lunau pour les intimées Aliant Telecom Inc., Bell Canada, Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc. et WFI Urbanlink Ltd.
Neil Finkelstein et Charlotte Kanya-Forstner pour les intimées GT Group Telecom Services Corp. et Shaw Communications Inc.
Peter M. Southey pour l'intimé procureur général du Canada.
Jeffrey M. Loenen pour l'intervenant procureur général de la Colombie-Britannique.
avocats inscrits au dossier:
Nelligan O'Brien Payne s.r.l., Ottawa, pour l'appelante Fédération canadienne des muni-cipalités.
Services juridiques, ville de Calgary, Calgary, pour l'appelante ville de Calgary.
Municipalité régionale d'Halifax -- services juridiques, Halifax, pour l'appelante Municipalité régionale d'Halifax.
Miller Thomson s.r.l., Toronto, pour les appelantes, ville d'Ottawa et ville de Toronto.
Services juridiques, ville de Vancouver, Vancouver, pour l'appelante, ville de Vancouver.
McCarthy Tétrault s.r.l., Toronto, pour les intimées AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, Association canadienne de télévision par câble, TELUS Communications Inc. (B.C.) Corporation, Call-Net Communications Inc. Call-Net Enterprises Inc. et Call-Net Technology Services Inc.
Gowling Lafleur Henderson s.r.l., Ottawa, pour les intimées Aliant Telecom Inc., Bell Canada, Ledcor Industries Ltd., MTS Communications Inc. et WFI Urbanlink Ltd.
Blake Cassels & Graydon s.r.l., Toronto, pour les intimées GT Group Telecom Services Corp. et Shaw Communications Inc.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé procureur général du Canada.
Ministère du procureur général, Victoria, pour l'intervenant procureur général de la Colombie-Britannique.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: Il s'agit de l'appel d'une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) [Décision Télécom CRTC 2001-23]. Cette décision a été rendue le 25 janvier 2001 en vertu du paragraphe 43(4) de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38 (la Loi).
[2]L'appel est fondé sur l'article 64 [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 206] de la Loi. D'autres appels ont également été interjetés dans les dossiers A-396-01, A-397-01, A-398-01 et A-399-01. Par ordonnance rendue le 13 septembre 2001 par notre collègue le juge Linden, tous les dossiers d'appel ont été joints. Les appelantes, la ville de Calgary, la ville d'Ottawa, la ville de Toronto, la ville de Vancouver, la municipalité régionale d'Halifax et la Fédération canadienne des municipalités (la Fédération), représentées par leurs avocats, ont comparu lors d'une audition unique des cinq appels.
[3]Je reproduis les extraits pertinents de la Loi [art. 43(3) (mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 204)]:
42. (1) Dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la présente loi ou une loi spéciale, le Conseil peut, par ordonnance, sauf disposition contraire de toute autre loi ou loi spéciale, enjoindre ou permettre à tout intéressé ou à toute personne touchée par l'ordonnance de procéder, selon les éventuelles modalités de temps, d'indemnisation, de surveillance ou autres qu'il estime justes et indiquées dans les circonstances, à l'une des opérations suivantes: fourniture, construction, modification, mise en place, déplacement, exploitation, usage, réparation ou entretien d'installations de télécommunication, acquisition de biens ou adoption d'un système ou d'une méthode.
(2) Le Conseil peut préciser à qui et dans quelle proportion les frais d'exécution de l'opération sont imputables, ainsi que la date de paiement.
43. (1) Au présent article et à l'article 44, «entreprise de distribution» s'entend au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion.
(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4) et de l'article 44, l'entreprise canadienne et l'entreprise de distribution ont accès à toute voie publique ou tout autre lieu public pour la construction, l'exploitation ou l'entretien de leurs lignes de transmission, et peuvent y procéder à des travaux, notamment de creusage, et y demeurer pour la durée nécessaire à ces fins; elles doivent cependant dans tous les cas veiller à éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public.
(3) Il est interdit à l'entreprise canadienne et à l'entreprise de distribution de construire des lignes de transmission sur une voie publique ou dans tout autre lieu public--ou au-dessus, au-dessous ou aux abords de ceux-ci--sans l'agrément de l'administration municipale ou autre administration publique compétente.
(4) Dans le cas où l'administration leur refuse l'agrément ou leur impose des conditions qui leur sont inacceptables, l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution peuvent demander au Conseil l'autorisation de construire les lignes projetées; celui-ci peut, compte tenu de la jouissance que d'autres ont des lieux, assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées.
(5) Lorsqu'il ne peut, à des conditions qui lui sont acceptables, avoir accès à la structure de soutien d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public, le fournisseur de services au public peut demander au Conseil le droit d'y accéder en vue de la fourniture de ces services; le Conseil peut assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées.
44. Sur demande d'une administration municipale ou autre administration publique, le Conseil peut:
a) soit obliger, aux conditions qu'il fixe, l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution à enfouir les lignes de transmission qu'elles ont, ou projettent d'avoir, sur le territoire de l'administration en question ou à en modifier l'emplacement;
b) soit ne leur en permettre la construction, l'exploitation ou l'entretien qu'en exécution de ses instructions.
[4]Dans leur plus simple expression, les prétentions des appelantes et celles de l'intervenant, le procureur général de la Colombie-Britannique, qui les appuie, se résument à cette question: le CRTC a-t-il, en rendant sa décision, erré en droit, excédé sa compétence ou exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable?
[5]Dans sa décision, le CRTC a passé en revue les conditions que la ville de Vancouver entendait imposer à la défenderesse, Ledcor Industries Ltd. (Ledcor), qui demandait d'avoir accès aux rues municipales pour y installer des lignes à fibres optiques. Les appelantes ont présenté un avis de questions constitutionnelles qui contestait la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, des articles 42 et 44 et des paragraphes 43(2) et (4) de la Loi. Lors de l'audience, la validité constitutionnelle de ces dispositions a été admise. Le débat s'est dès lors engagé sur la portée de la décision contestée, son impact sur de futures affaires et la compétence du CRTC pour statuer sur les questions dont il était saisi. Sans aller aussi loin que les appelantes, on peut dire que ce qui n'était initialement qu'un simple différend entre une entreprise et la ville de Vancouver, a pris les allures d'une audience pour l'établissement d'énoncés de politique qui a mené à la décision contestée. D'où le grand nombre d'appelantes et d'intimés. Je reviendrai sur cette question lorsque je me pencherai sur la portée de la décision du CRTC.
Les faits et la procédure
[6]En 1997, Ledcor et sa filiale, Worldwide Fibre Ltd., ont entrepris de développer et de construire un système de télécommunication basé sur la transmission par fibres optiques, système qui consistait en deux lignes de transmission à fibres optiques reliant l'Ouest et l'Est du Canada, de même que certains endroits aux États-Unis. À l'instar de nombreuses autres entreprises de télécommunication, Ledcor demandait de pouvoir installer des lignes de fibres optiques et de creuser des canalisations et des chambres d'interconnexion sous des rues situées au coeur du centre-ville de grandes municipalités.
[7]À compter d'octobre 1997, Ledcor et la ville de Vancouver ont tenté de négocier les conditions d'accès à certaines propriétés municipales (18 intersections) pour l'installation et l'entretien de lignes de télécommuni-cation. Ledcor a admis qu'elle avait continué à construire son système à fibres optiques alors que les négociations avec la ville se poursuivaient. Les négociations ont échoué.
[8]Ledcor a affirmé que la ville avait proposé un certain nombre de conditions d'accès, conditions qu'elle trouvait inacceptables, notamment:
1. Ledcor devait verser des frais d'accès basés sur la distance (licence) qui excédaient grandement les coûts d'octroi de l'accès;
2. Ledcor devait verser une part de ses revenus de télécommunication à titre de frais additionnels de permis;
3. La ville exigeait l'usage exclusif de quatre fibres de son système de fibres optiques dans la région de Vancouver;
4. Ledcor devait fournir à la ville des renseignements sur ses clients pour que celle-ci puisse imposer des frais additionnels de partage des revenus aux entreprises canadiennes ayant acheté des parts dans le système de fibres optiques de Ledcor;
5. Il y avait également de nombreuses autres conditions et exigences qui étaient beaucoup plus coûteuses et lourdes que celles imposées par les autres municipalités, compagnies de chemin de fer et autres propriétaires avec lesquels Ledcor avait négocié avec succès des ententes d'accès.
[9]Le 19 mars 1999, Ledcor a, en vertu du paragraphe 43(4) de la Loi, déposé devant le Conseil une demande d'ordonnance provisoire et définitive lui accordant l'accès aux intersections et autres propriétés municipales pour l'installation, l'exploitation et l'entretien de ses lignes de transmission à fibres optiques.
[10]Le 17 mai 1999, la ville a présenté au Conseil, en vertu de l'article 44 et du paragraphe 61(2) de la Loi, une demande d'ordonnance visant à établir les conditions d'accès de Ledcor. Elle alléguait que Ledcor avait construit un câble de fibres optiques dans les rues sans son agrément ou son autorisation.
[11]Le 3 décembre 1999, le Conseil a publié l'avis public Télécom CRTC 99-25 qui amorçait l'instance publique ayant pour but d'examiner quelles étaient les conditions d'accès appropriées pour les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution. Le Conseil a souligné que, bien que l'instance soit limitée aux conditions d'accès à Vancouver, il s'attendait à ce que les principes qui y seraient élaborés puissent «[l']éclairer dans l'examen de tout litige qui pourrait surgir ailleurs». En réponse à l'avis public du CRTC, les appelantes en l'espèce ont toutes présenté des observations écrites à titre de parties intéressées.
[12]Le 25 janvier 2001, le Conseil a rendu sa décision. Il a accordé à Ledcor un droit d'accès aux propriétés municipales à la condition notamment qu'elle verse 7 616 $ à la ville en remboursement des frais engagés pour lui fournir un accès. Le Conseil n'a pas exigé que Ledcor verse une contribution financière pour les servitudes ou l'accès aux propriétés municipales ou pour les coûts communs fixes de la ville, ce que cette dernière demandait.
[13]Par avis d'appel daté du 29 juin 2001, la ville et les autres municipalités appelantes interjettent appel de la décision du Conseil.
La décision du CRTC
[14]Le CRTC a déclaré avoir compétence exclusive relativement à l'objet dont il était saisi. Ainsi que l'avait demandé la ville, il s'est penché sur les conditions que celle-ci cherchait à imposer à l'entreprise en échange de l'accès aux rues municipales. La décision est volumineuse: 28 pages; 184 paragraphes. Elle porte sur les questions litigieuses entre l'intimée et la ville. Le CRTC accorde à la ville des coûts causals, définis comme étant les coûts potentiels et différentiels engagés par la ville dans le cadre de la construction et de l'exploitation des lignes de transmission sur les emprises routières municipales. Selon les circonstances, de tels coûts peuvent comprendre les coûts d'approbation des plans, les coûts d'inspection, les dédommagements pour travaux de construction, les coûts de perte de productivité, les coûts de drainage des chambres des sociétés de télécommunication et les coûts de détérioration de la chaussée. De plus, le CRTC a fixé un facteur de 29,6 %, applicable sur les coûts directs, pour le recouvrement de certains coûts communs indirects. À cet égard, la ville avait réclamé l'application d'un facteur de 62 % des coûts directs.
[15]Le CRTC a rejeté certaines demandes de la ville et ce sont elles qui sont au coeur du présent litige. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le CRTC a refusé d'accorder des servitudes en contrepartie de l'usage des propriétés municipales: voir le paragraphe 109 et suivants de la décision. Il a également refusé d'accorder un supplément pour les coûts communs fixes d'administration de la municipalité: ibid., paragraphe 63. En ce qui concerne les coûts de déplacement des installations de télécommunication, le CRTC ne s'est pas prononcé à ce stade et n'a pas prescrit de mécanisme régissant la répartition des coûts pour les déplacements futurs des lignes de transmission de Ledcor. Toutefois, il a mentionné plusieurs facteurs pertinents dont il faudrait tenir compte pour la répartition des coûts entre les entreprises et les municipalités: ibid., paragraphes 130 à 138. Enfin, le CRTC a rejeté les propositions de la ville relativement aux conditions de limitation de responsabilité. Il n'a rendu aucune ordonnance à cet égard, disant que la question de la responsabilité devait être tranchée en vertu des règles de la common law: ibid., paragraphes 148 à 155. Ajoutons que le CRTC a estimé trop onéreuse l'exigence de la ville selon laquelle Ledcor devait signer en sa faveur un contrat de garantie générale concernant son réseau. Le CRTC a cependant jugé que des lettres de crédit et le dépôt d'une somme d'argent constituaient une garantie raisonnablement exigible: ibid., paragraphes 157 à 162.
[16]Je n'ai pas à examiner l'ensemble de la décision du CRTC puisque seulement quelques aspects de celle-ci sont contestés. Il est suffisant de reproduire les paragraphes qui vicient la décision selon les appelantes et justifient d'accueillir les appels.
[17]Bien que reconnaissant la compétence exclusive du Parlement, les appelantes contestent la dernière phrase du paragraphe 34 de la décision:
De l'avis du Conseil, les articles 43 et 44 de même que la présente décision se rapportent essentiellement aux télécommunications. Les effets sur la propriété et les droits civils dans la province sont accessoires. Tous les aspects faisant partie intégrante de l'exploitation d'une entreprise fédérale relèvent du contrôle législatif exclusif du Parlement. Construire et où construire des lignes de transmission (secteur vital d'une entreprise de télécommunication) sont des questions qui relèvent exclusivement du fédéral, tout comme la conception des lignes de transmission, le matériel à inclure et autres spécifications semblables. Toutes les conditions qui seront reflétées en permanence dans la structure des lignes de transmission ou qui influent directement sur les caractéristiques opérationnelles des lignes de transmission, sont du ressort exclusif du fédéral. En dernier lieu, on ne peut séparer de la juridiction constitutionnelle fédérale exclusive en matière de télécommunication l'utilisation d'une propriété (comme une route municipale) pour les fins d'une ligne de transmission. [Non souligné dans l'original.]
[18]Elles contestent les conclusions contenues aux paragraphes 63, 64, 130 à 138, 150 à 155 et 157 à 161 de la décision du CRTC:
Le Conseil fait remarquer que les coûts fixes, par définition, ne changent pas en fonction d'un projet. Il n'y a donc pas de coûts différentiels, comme on l'entend ci-dessus. Le Conseil a permis aux compagnies de téléphone d'inclure pour leurs coûts de la Phase II un supplément, représentant une contribution aux coûts communs fixes, dans les prix qu'elles facturent pour leurs services. Une municipalité diffère d'une entreprise du fait qu'elle tire ses revenus principalement des taxes et que ces recettes fiscales couvrent adéquatement les coûts communs fixes d'administration de la municipalité. Le Conseil estime donc que les coûts communs fixes ne devraient pas être recouvrés par le biais de frais aux entreprises. Voilà pourquoi selon lui, il y a lieu d'exclure du facteur de 62 % proposé par Vancouver, la composante de 25 % pour le recouvrement des coûts communs fixes. Le Conseil juge acceptable l'utilisation, dans le calcul des coûts communs indirects et variables, du facteur de 29,6 % de ses coûts directs proposé par Vancouver.
Pour certains des éléments de coûts de Vancouver, les coûts causals sont faibles et le processus permettant de les calculer avec exactitude seraient démesurément compliqués ou complexes. Selon le Conseil, il y a lieu de tenir compte de ces coûts au moyen d'un autre facteur de 15 % pour les coûts d'approbation des plans et les coûts d'inspection qui peuvent être facilement estimés.
[. . .]
Coûts de déplacement
Vancouver a fait valoir qu'elle ne devrait pas être responsable des coûts de déplacement des installations de télécommunication si le déplacement est exigé aux fins de la municipalité. Vancouver a précisé au sujet de l'application de ce principe que l'administration municipale doit agir de façon raisonnable lorsqu'elle coordonne les nombreuses utilisations de la propriété publique, de manière à ne pas déranger inutilement ou prématurément les installations de télécommunication.
Vancouver a proposé de faire payer directement les coûts de déplacement par l'entreprise si elle entreprend les travaux ou de les facturer à l'entreprise si c'est la ville qui entreprend les travaux. Elle a déclaré que ces coûts sont fonction des projets et qu'ils devraient être facturés à la pièce.
Vancouver a déclaré que la majeure partie des travaux effectués dans les rues de la ville se rapportent au réaménagement de la propriété privée que la ville ne peut pas entièrement planifier ou pour lesquels elle ne peut donner de préavis. Vancouver a ajouté qu'un réaménagement d'une propriété privée, en vue d'un développement commercial par exemple, entraîne parfois une reconfiguration de la rue adjacente pour accommoder les changements apportés à la circulation routière. Elle a fait remarquer que, dans ce cas, elle exige que l'entrepreneur paie pour les changements en cause et que l'entrepreneur privé devrait payer les coûts de déplacement des installations de l'entreprise.
La FCM et les municipalités ont appuyé la position de Vancouver au sujet des coûts de déplacement. La FCM a indiqué que, lorsqu'un déplacement ou un rajustement est nécessaire à des fins légitimes pour la municipalité, le service public devrait être entièrement responsable des coûts. En réponse à la demande de renseignements FCM (CRTC) 28févr00-5, la FCM a fait savoir qu'une fin légitime pour la municipalité est une fin autorisée par une loi ou un statut, par exemple, la reconstruction de ponts, des améliorations comme l'élargissement de la chaussée et l'aménagement du paysage de la municipalité, des remplacements d'infrastructure, des déplacements de voies de transport en commun, l'enfouissement de lignes aériennes à des fins de sécurité, le réaménagement municipal, la sécurité ou d'autres raisons.
Les entreprises se sont opposées à la proposition de Vancouver, soutenant notamment que: (a) l'approche de Vancouver n'inciterait pas les municipalités à se comporter de façon raisonnable et à consulter pour les questions de déplacement; et (b) une approche satisfaisante à l'égard de l'attribution des coûts de déplacement tiendrait compte des particularités de la situation.
Bell Canada/MTS ont fait valoir que les municipalités ne les ont jamais obligées, de plein droit, à assumer les coûts du déplacement des installations se trouvant sur des servitudes exigé par une municipalité, mais qu'elles négocient généralement la responsabilité de ces coûts sur une base individuelle ou adoptent, lorsqu'il y a lieu, des mécanismes prévus par des lois ou des règlements provinciaux. Elles ont ajouté que leur expérience des négociations au cas par cas montre que le processus est lourd sur le plan administratif, pour elles-mêmes comme pour la municipalité. Il faudrait selon elles simplifier le processus actuel, à leur avantage et à l'avantage des municipalités. Par conséquent, dans le modèle d'accord relatif à l'approbation de la municipalité qu'elles ont déposé dans cette instance, Bell Canada/MTS ont proposé un autre mécanisme que les entreprises canadiennes et les municipalités pourraient, d'après elles, décider d'adopter. Voici comment elles l'ont décrit:
[traduction]
Comme les municipalités ont mis en place des «fenêtres» de planification qui s'étendent sur cinq ans ou plus dans le cas de gros projets nécessitant le déplacement d'installations enfouies, les déplacements au cours des cinq à dix premières années après la construction d'une installation d'une entreprise canadienne sont inhabituels. Après cette période, l'attribution des coûts de déplacement a toujours fait l'objet de négociations. Le mécanisme mis de l'avant par les compagnies dans l'accord modèle codifie désormais ces arrangements. Au cours de la période initiale qui s'inscrit dans le délai normal de planification de la municipalité, les coûts de déplacement associés à l'initiative de la municipalité lui sont attribués. Après cette période, une échelle variable est appliquée pour une période de cinq ans. Après la 9e année, l'entreprise canadienne assumerait tous les coûts associés au déplacement de son installation. Comme l'équipement, une fois installé, est habituellement exploité dans des servitudes pendant des décennies, il en résulte que pour la majeure partie de la vie utile de cet équipement, l'entreprise canadienne sera responsable de tous les coûts associés au déplacement de son équipement dans le cadre des déplacements effectués par la ville. Les compagnies estiment que le mécanisme qu'elles ont codifié dans le modèle d'accord est équitable pour toutes les parties, confirme les conditions particulières, ce qui simplifie l'administration et incite les municipalités à planifier. Les compagnies réitèrent qu'aujourd'hui, cette planification par les municipalités se fait systématiquement.
Le Conseil estime que les articles 42 à 44 de la Loi l'habilitent à imposer des conditions de déplacement, que ce soit pendant ou après la construction. Le Conseil souligne également que ses prédécesseurs ont généralement refusé d'assujettir les déplacements à des conditions lors de la construction, préférant plutôt étudier la question du déplacement lorsqu'elle se pose, en tenant compte des circonstances en cause.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ne prescrit pas de mécanisme régissant l'attribution des coûts de déplacements futurs des lignes de transmission de Ledcor. Si Vancouver exige le déplacement de ces lignes dans l'avenir, le Conseil estime que les parties devraient négocier l'attribution des coûts, en tenant compte des facteurs mentionnés ci-dessous, ou adopter un mécanisme administratif simple comme celui que Bell Canada/MTS ont proposé. Si elles ne réussissaient pas à s'entendre, Vancouver ou Ledcor pourrait demander au Conseil de régler le différend.
Il y aurait généralement lieu, selon le Conseil, de tenir compte des facteurs suivants dans la répartition des coûts entre la municipalité et l'entreprise: (a) qui a demandé le déplacement, c.-à-d., la municipalité, l'entreprise ou une tierce partie; (b) la raison du déplacement demandé (p. ex., sécurité, esthétique, service aux clients); et (c) quand la demande est faite par rapport à la date initiale de construction (p. ex., que la demande soit faite bien longtemps après la construction originale, ou très peu de temps après).
[. . .]
Le Conseil rejette les arguments de la FCM (et d'autres) au sujet des limitations des pouvoirs conférés au Conseil par les articles 42 à 44 de la Loi de prescrire les conditions de limitation de responsabilité. Tel que noté précédemment, lorsqu'une municipalité impose des conditions inacceptables aux entreprises, le Conseil peut accorder l'autorisation et «[l']assortir des conditions qu'il juge indiquées» (article 43(4) de la Loi). Dans l'article, la seule réserve en ce qui a trait aux pouvoirs du Conseil est que celui-ci peut, compte tenu de la jouissance que d'autres ont des lieux, assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées.
Le Conseil souligne qu'en vertu de l'article 43, les entreprises ont un droit restreint en ce qui concerne l'accès à toute voie publique ou à tout autre lieu public ainsi qu'en ce qui a trait aux travaux de creusage afin de construire, d'entretenir ou d'exploiter leurs lignes de transmission, sous réserve de l'obligation d'éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public. Le Conseil convient avec TELUS qu'une clause de responsabilité unilatérale du genre de celle que Vancouver propose ne garantit pas que les entreprises respectent cette obligation. Le Conseil estime également fondés les arguments de TELUS, de l'ACTC et d'autres voulant que les principes provinciaux de responsabilité pour négligence devraient s'appliquer afin d'encourager les utilisateurs de servitudes, y compris les municipalités, à s'assurer que leurs activités ne nuisent pas aux autres.
Le Conseil prend note de l'argument de Vancouver selon lequel les dommages aux installations des entreprises sont souvent causés par une protection inadéquate, comme des conduits en bois mis en place par BC TEL qui, même s'ils pourrissent, sont encore utilisés dans de nombreux espaces des rues de la ville. Le Conseil estime qu'il faudrait également examiner ces préoccupations au regard des principes de responsabilité provinciaux qui s'appliquent.
Le Conseil juge bien équilibrées les conditions 27 et 28 du modèle d'accord relatif à l'approbation de la municipalité de Bell Canada/MTS. Le Conseil souligne également que plusieurs participants à l'instance ont soutenu que les parties peuvent vouloir exclure des pertes consécutives ou économiques qui résultent du projet de condition 29 de Bell Canada/MTS. L'accord entre Group Telecom et Calgary, proposé comme modèle par Group Telecom, renferme des clauses de responsabilité mutuelle et exclut les dommages pour les pertes consécutives économiques, mais précise également ce qui suit:
[traduction]
La ville ne sera pas responsable à l'égard de Group Telecom et elle ne le dédommagera pas pour préjudice, conformément à l'article (2) lorsque:
(a) la ville n'a pas été informée par écrit de la mise en place des installations de Group Telecom sur une voie publique et qu'après une demande de la ville ou de toute autre partie, Group Telecom n'a pas indiqué l'emplacement de ses installations; ou
(b) la ville a corrigé une inexécution de Group Telecom conformément aux clauses de cet accord, sous réserve que la ville ne fasse pas montre de négligence en appliquant cette mesure de redressement.
Le Conseil ne voit aucune raison de s'opposer à pareilles dispositions.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ne prescrit pas dans la présente décision de conditions se rapportant à la responsabilité. Le Conseil n'aurait aucune objection à ce que Vancouver et Ledcor acceptent des clauses semblables à celles du modèle d'accord relatif à l'approbation de la municipalité de Bell Canada/MTS ou de l'accord de Group Telecom avec Calgary. Sans cet accord, les principes provinciaux de responsabilité pour négligence s'appliqueraient.
[. . .]
Contrats de garantie générale, lettres de crédit
L'API proposé par Vancouver au cours de ses négociations avec Ledcor aurait obligé Ledcor à exécuter un contrat de garantie générale (CGG) concernant son réseau en faveur de la ville.
De plus, il renferme une exigence selon laquelle, si elle veut obtenir la permission de la ville pour effectuer de «nouveaux travaux» (p. ex., construction), Ledcor doit soumettre une lettre de crédit, valide pour au moins un an, égale à 100 % du coût estimatif des travaux de réfection établi par l'ingénieur de la ville (en utilisant généralement les formules et les principes applicables).
L'API stipule également que la lettre de crédit doit être renouvelée et remplacée au besoin pendant l'exécution des travaux. Une fois les nouveaux travaux terminés, la lettre de crédit serait remplacée par une nouvelle, égale cette fois à 20 % de la valeur des travaux initiaux et valide pendant au moins un an.
Ledcor a soutenu ce qui suit à propos de ces exigences:
[traduction]
La requérante considère ces obligations de garantie indûment lourdes, coûteuses et restrictives pour obtenir l'approbation de la municipalité pour croiser quelques rues à une emprise de chemin de fer. Il faudrait que les droits d'accessibilité municipale basés sur les coûts appropriés soient modiques, et que les obligations de garantie soient minimes, voire inexistantes. En fait, la requérante envisagerait de payer à l'avance la totalité des frais d'accès qui seraient basés sur des coûts raisonnables.
Le Conseil estime qu'il serait indûment onéreux d'exiger la signature d'un CGG et que ce dernier ne garantit pas que Ledcor honorera ses obligations suivant les conditions de l'ordonnance du Conseil.
Pour ce qui est des lettres de crédit, le Conseil juge raisonnable que les municipalités demandent une assurance que les travaux de construction (p. ex., réfection de la chaussée) seront réalisés à leur satisfaction. À son avis, divers moyens pourraient être utilisés pour donner cette assurance, dont une lettre de crédit ou, par exemple, le dépôt d'une somme d'argent raisonnable garantissant l'exécution satisfaisante des travaux.
La portée et les répercussions futures de la décision du CRTC
[19]Les appelantes ont exprimé de graves préoccupations en ce qui concerne l'impact de la décision sur de futures affaires et sur les négociations ultérieures entre les municipalités et les entreprises. Je peux immédiatement dissiper l'une d'elles en replaçant la décision contestée dans son contexte véritable.
[20]Le CRTC était saisi d'un conflit entre deux parties: Ledcor et la ville de Vancouver. En rendant sa décision, l'office fédéral a clairement indiqué que celle-ci ne liait que les deux parties devant lui et qu'elle ne s'appliquait qu'au litige dont il avait été saisi. Le CRTC s'est exprimé ainsi aux paragraphes 42 et 44 de sa décision:
Dans la présente décision, le Conseil, majoritairement, accorde à Ledcor la permission de construire, d'entretenir et d'exploiter des lignes de transmission à 18 intersections de Vancouver, et il établit les conditions de cette permission [. . .]
[. . .]
Dans la présente décision, le Conseil ne prescrit pas les conditions de la construction future par Ledcor, ou par toute autre entreprise, de lignes de transmission à Vancouver ou ailleurs. [Non souligné dans l'original.]
De fait, les paragraphes 181 à 184 de la décision, qui forment le dispositif, ne s'adressent spécifiquement qu'à Ledcor et à la ville de Vancouver, ne laissant ainsi aucun doute sur la portée limitée de la décision.
[21]Il est vrai que pour régler le litige dont il était saisi, le CRTC a établi un certain nombre de principes en vue de faciliter de futures négociations entre entreprises et municipalités au sujet des conditions d'accès. Ces principes ne lient donc personne et le Conseil s'est précisément abstenu d'adopter «un accord modèle ou standard particulier comme point de départ des discussions entre les municipalités et les entreprises»: voir la fin du paragraphe 44 de la décision. Il est possible que ces principes, quoique bien intentionnés, se révèlent moins utiles et plus problématiques que prévu. Toutefois, il ne nous appartient pas en l'espèce, et il ne serait pas opportun, de réviser ou de sanctionner les principes énoncés par le Conseil.
[22]Appuyé par les autres appelantes, l'avocat de la Fédération soutient que le CRTC a, en affirmant sa compétence exclusive au paragraphe 34 mentionné plus haut, privé les municipalités de leur pouvoir constitutionnel de réglementer et de gérer de façon ordonnée l'accroissement rapide de la circulation dans les rues empruntées par les entreprises. La déréglementation des télécommunications, nous dit-on, a entraîné une augmentation importante du nombre d'entreprises qui veulent avoir accès au nombre limité de rues encore disponibles dans les municipalités. Cette demande, ainsi que les risques et les inconvénients qui y sont associés, est en hausse dans l'ensemble du Canada. Le contrôle et la rationalisation sont plus que jamais nécessaires, et le contrôle est plus adéquat et plus efficace s'il s'exerce au niveau du gouvernement local. Les appelantes invoquent l'opinion incidente que le juge L'Heureux-Dubé a formulée en ce sens dans l'arrêt 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, au paragraphe 3. C'est dans ce contexte que la Fédération craint l'impact que pourrait avoir la décision du CRTC sur les négociations et conflits futurs. Elle craint plus précisément que, en raison de la décision du CRTC, les municipalités soient dorénavant privées de leur pouvoir constitutionnel de prendre des règlements pour protéger leurs droits de propriété. Le procureur général de la Colombie-Britannique a exprimé la même inquiétude relativement au pouvoir de légiférer de la province.
[23]À mon avis, la décision du CRTC ne prive nullement les provinces et les municipalités des pouvoirs législatifs qui leur sont conférés par la Constitution. On ne devrait pas, non plus, considérer qu'elle a pour effet de modifier ou de remettre en question les principes constitutionnels existants applicables dans de telles circonstances. Les autorités provinciales peuvent légiférer dans les champs qui leur sont constitutionnellement assignés, mais les lois ainsi adoptées sont assujetties au principe de l'exclusivité des compétences si elles touchent à une partie essentielle d'une entreprise fédérale, ou à la théorie de la prépondérance si elles entrent en conflit avec une loi fédérale: pour une application récente du principe, voir Greater Toronto Airports Authority v. Mississauga (City) (2000), 50 O.R. (3d) 641 (C.A.), P. Hogg, Constitutional Law of Canada, 4e éd. (feuilles mobiles), Toronto, Carwell, 1997, chapitre 16, pages 16-1 et 16-2. La validité de tout règlement municipal et de toute disposition législative provinciale en matière de gestion de la circulation dans les rues et de protection des droits de propriété demeure assujettie à ces restrictions constitutionnelles.
[24]Les appelantes ont soutenu avec vigueur que la question à trancher dans la présente instance ne porte pas sur l'accès aux propriétés municipales, mais plutôt sur la gestion et le contrôle de la circulation dans les rues appartenant à la municipalité et, par conséquent, sur les droits de propriété. Elles ont attiré notre attention sur les articles 290 et 291 de la Vancouver Charter, S.B.C. 1953, ch. 55, partie VIII, qui pour l'essentiel interdisent l'excavation dans une rue en l'absence d'autorisation du conseil municipal et qui habilitent celui-ci à légiférer en matière d'accès aux rues et de circulation. Je comprends fort bien le point de vue des appelantes, mais, j'estime qu'elles considèrent cette question sous le mauvais angle. Le litige entre Ledcor et la ville de Vancouver ne met pas en cause la portée ou le bien-fondé de la législation provinciale ou municipale. Le CRTC n'était pas appelé à interpréter de telles lois. Les parties ont introduit l'instance en vertu du paragraphe 43(4) et de l'article 44 de la Loi qui prévoient la procédure par laquelle une entreprise peut se voir attribuer un accès aux propriétés municipales et par laquelle une entreprise ou une municipalité peut demander que les conditions d'un tel accès soient déterminées. C'est la portée de ces dispositions fédérales valides, dans la mesure où elles se rapportent à l'accès, qui font l'objet d'interprétation en l'espèce. Je ne vois pas comment le conflit entre Ledcor et la ville de Vancouver peut, sur le plan juridique, être considéré autrement que comme une affaire d'accès à la propriété municipale. La constitutionnalité des articles 42 à 44 n'étant plus contestée par les appelantes, il ne me reste qu'à examiner le contenu de ces dispositions pour déterminer si le CRTC avait compétence pour fixer les conditions d'accès comme il l'a fait.
La compétence du CRTC pour statuer sur les conditions que la ville de Vancouver cherchait à imposer
[25]Il importe de préciser dès le départ que, lorsque le conflit est survenu entre elle et Ledcor, la ville de Vancouver était d'opinion que le CRTC avait compétence pour examiner et fixer les conditions d'accès de l'entreprise à ses installations. Tel que je l'ai mentionné précédemment dans l'exposé sommaire des faits, la ville a demandé au CRTC de se prononcer en vertu de l'article 44 de la Loi.
[26]J'estime par conséquent qu'il convient de se reporter aux termes alors utilisés par la ville relativement à la question de compétence qu'elle soulève aujourd'hui. Dans sa réplique aux réponses présentées au CRTC par BCT.TELUS Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc. et Bell Canada, la ville de Vancouver a écrit:
[traduction] En réplique aux observations soumises par les intimés et les intervenants, la ville de Vancouver désire souligner les points suivants:
a) La Loi sur les télécommunications prévoit expressément que le Conseil a tous les pouvoirs nécessaires pour accorder la réparation demandée par la ville dans sa demande. |
b) Il n'y a aucun précédent judiciaire ou réglementaire qui interdise au Conseil d'ordonner aux entreprises canadiennes ou aux entreprises de distribution de verser une indemnité aux municipalités. |
c) La ville de Vancouver convient avec les intimés que le Conseil ne devrait pas annuler les contrats passés entre les entreprises canadiennes et les municipalités. |
d) La ville de Vancouver demande en l'espèce que les coûts liés à l'usage d'une ressource publique rare soient reconnus. Une décision en faveur de la ville contribuerait à rendre le marché des télécommunications canadien plus équitable et efficace. |
[. . .]
Les réponses des intimés révèlent une confusion importante en ce qui concerne le fondement factuel du différend entre Ledcor et la ville. Dans la présente affaire, la ville demande au Conseil de déterminer les conditions appropriées à appliquer dans le futur, non seulement pour elle-même, mais également à titre de référence pour les autres municipalités canadiennes. Néanmoins, pour clarifier les faits pour les intimés, voici un exposé de l'historique des négociations entre la ville et Ledcor.
[. . .]
Les pouvoirs du Conseil prévus à l'article 44 sont amplement complétés par ceux de l'article 42. Le paragraphe 42(1) dispose que «[D]ans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la présente loi [. . .] le Conseil peut [. . .] enjoindre [. . .] à tout intéressé ou à toute personne touchée par l'ordonnance de procéder, selon les éventuelles modalités [. . .] d'indemnisation [. . .] ou autres qu'il estime justes et indiquées dans les circonstances [. . .] exploitation, usage [. . .] ou entretien d'installations de télécommunication».
Pour plus de certitude, le paragraphe 42(2) précise que «[L]e Conseil peut préciser à qui et dans quelle proportion les frais d'exécution de l'opération sont imputables».
Ainsi que l'a affirmé le Conseil dans sa décision Bell Canada v. Metrus et al., l'article 42 doit être utilisé pour appuyer l'exercice de ses autres pouvoirs. Comme on retrouve cet article dans la même section que l'article 44, soit sous la rubrique «Construction et expropriation», il semble que ces dispositions soient plus appropriées que toutes autres pour compléter celles de l'article 44.
[. . .]
Le rôle de réglementation du Conseil est clair
Comme nous l'avons mentionné précédemment, il est manifeste, à la seule lecture des articles 42 et 44 de la Loi sur les télécommunications, que le Conseil a compétence pour déterminer les conditions qui régissent la relation entre les municipalités canadiennes, les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution, y compris en matière d'indemni-sation et de frais.
[. . .]
Il est difficile d'imaginer qu'un organisme public autre que le Conseil soit plus compétent pour déterminer les conditions et la méthodologie appropriée pour le calcul des coûts. L'analyse détaillée des coûts par le Conseil, effectuée en trois phases lors de l'enquête sur le prix de revient, est sans égal au Canada, voire dans le monde. [Non souligné dans l'original.]
(Voir le compendium des intimés aux pages 475, 478, 484 et 485.)
[27]À présent, insatisfaite de la décision du CRTC concernant certaines conditions telles que la question des coûts communs fixes, des coûts de déplacement et de l'indemnité pour l'utilisation des propriétés municipales par une entreprise, la ville de Vancouver prétend que le CRTC n'avait pas compétence pour trancher ces questions ou que, ce faisant, il a excédé sa compétence. Elle soutient plus précisément, comme elle l'a indiqué dans l'avis d'appel, que le CRTC n'avait pas compétence:
a) pour prescrire les conditions d'utilisation d'une artère aux fins d'exploitation de lignes de transmission par une entreprise;
b) pour empêcher les municipalités de fixer de telles conditions;
c) pour rendre une ordonnance en vertu des paragraphes 42(1) et 43(4) et/ou de l'article 44 de la Loi permettant à une entreprise d'utiliser ou d'occuper une propriété municipale sans indemniser pleinement la municipalité.
La ville déclare également que le CRTC a commis une erreur de droit et qu'il a excédé sa compétence en refusant de l'indemniser pleinement pour l'utilisation et l'occupation d'une propriété municipale. Enfin, elle soutient aussi que le CRTC a commis une erreur de droit et qu'il a excédé sa compétence en décidant qu'une municipalité ne devait pas recouvrer ses frais réguliers puisqu'elle tire le gros de ses revenus des contribuables. Cette prétention est appuyée par les autres appelantes. Compte tenu de la position antérieure de la ville et de la demande qu'elle a présentée au CRTC pour déterminer les conditions d'accès, j'ai toutes les raisons de croire que, si la décision du CRTC avait été en sa faveur et contre l'entreprise, la ville aurait certainement tenu un discours différent. Cela dit, un fait demeure: suivant un principe de droit incontesté, la compétence d'un organisme administratif n'est pas subordonnée à la satisfaction ou au mécontentement d'une partie à l'égard de sa décision.
[28]L'article 43 de la Loi accorde à l'entreprise ce que le CRTC a qualifié de droit limité d'accès aux propriétés municipales pour installer des lignes de transmission. Le paragraphe 43(3) met en place un mécanisme de résolution des différends en cas de conflit entre une entreprise et une municipalité. Le paragraphe 43(4) accorde au CRTC un large pouvoir discrétionnaire, fondé sur son expertise, pour fixer des conditions d'accès propres à mettre en oeuvre des objectifs de la Loi, énoncés à l'article 7, soit notamment de «favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions». Ce faisant, le CRTC doit trouver un équilibre délicat entre les intérêts publics, privés et municipaux.
[29]On ne peut douter de la compétence du CRTC pour mener une enquête sur les conditions que désirait imposer la ville de Vancouver: il n'a ni perdu ni excédé sa compétence en rendant sa décision. Il ne faut pas conclure trop vite à l'absence ou à l'excès de compétence, parce que les décisions rendues en l'absence de compétence peuvent faire l'objet d'attaques indirectes à tout moment lors de poursuites subséquentes, portant ainsi atteinte au caractère définitif des décisions et compromettant les activités de ceux qui ont agi en conformité avec ces décisions: voir Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594, aux pages 599 et 603 à 605; R. c. Sarson, [1996] 2 R.C.S. 223, aux paragraphes 21 et 23; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333, à la page 348; Antwerp Bulkcarriers N.V. (Re) (2000), 187 D.L.R. (4th) 106 (C.A.Q.), au paragraphe 34; Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (syndic) (1999), 173 D.L.R. (4th) 493 (C.A.F.), au paragraphe 12.
[30]En l'espèce, l'exercice de la compétence du CRTC comprenait le pouvoir discrétionnaire d'accorder l'accès à une entreprise et de fixer les conditions d'un tel accès. On peut, tout au plus, soutenir que le CRTC a commis une erreur de droit dans l'exercice de sa compétence ou qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon irrégulière en accordant l'accès et en fixant les conditions qu'il a imposées. Cela étant, et la décision portant sur des questions qui relèvent clairement du domaine d'expertise du CRTC, la Cour doit faire montre de réserve envers lui. Par conséquent, cela signifie que la norme de contrôle applicable aux conclusions juridiques du CRTC sur des questions qui relèvent de son expertise est celle du caractère raisonnable: voir British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd., [1995] 2 R.C.S. 739, à la page 759; Société Radio-Canada c. Métromédia CMR Montréal Inc. (1999), 254 N.R. 266 (C.A.F.). La norme de la décision manifestement déraisonnable régit l'examen de ses conclusions de fait. Je passe maintenant à l'examen de la décision en tenant compte de ces normes.
Opportunité d'accueillir les appels
[31]En autorisant l'appel des appelantes, la Cour leur a permis d'interjeter appel d'une ordonnance du CRTC qui rejetait leur demande de divulgation de renseignements financiers sur les opérations de certaines entreprises. Les appelantes n'ont pas présenté d'arguments sur cette question lors de l'audience. Les intimés y ont fait allusion dans leur plaidoirie simplement pour dire qu'ils supposaient que les appelantes y avaient renoncé étant donné qu'elles n'avaient pas argumenté sur cette question. Les appelantes n'ont pas formulé d'objection à cette prétention des intimés. Il est donc raisonnable de conclure que ce moyen d'appel a été abandonné.
[32]Les appelantes ont contesté principalement les conclusions du CRTC relativement aux frais et dépens et à l'indemnisation, deux questions qui relèvent clairement de l'expertise de l'office. Qu'il s'agisse de conclusions de fait ou de droit, ou de conclusions mixtes de fait et de droit, je ne peux conclure qu'elles étaient déraisonnables, et encore moins manifestement déraisonnables. De plus, aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que le CRTC avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière capricieuse ou arbitraire.
[33]Pour ces motifs, je suis d'avis que les cinq appels doivent être rejetés.
[34]Lors de l'audience, les appelantes ont déclaré au tribunal qu'elles étaient disposées à présenter des observations au sujet des dépens. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations par écrit. Les observations des appelantes et des intimés ont respectivement été présentées les 4 et 12 novembre 2002.
[35]Après avoir examiné attentivement les prétentions des parties, je suis arrivé à la conclusion que les intimés devaient avoir droit à des dépens modulés. Je ne peux être d'accord avec la prétention des appelantes voulant que le présent appel soulevait des questions si inédites et importantes qu'il était nécessaire de déroger à la pratique courante d'adjuger les dépens contre la partie perdante selon la colonne III du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106]. Ce que les appelantes ont décrit comme étant une importante question inédite est, en fait, une qualification ingénieuse mais erronée des questions en cause en l'espèce, de même qu'une interprétation forcée et erronée de la décision du CRTC.
[36]Toutefois, comme les cinq appels ont été joints et plaidés en même temps et que plusieurs des intimés étaient représentés par les mêmes avocats, les dépens devraient être adjugés comme suit:
a) un seul mémoire de frais pour les intimées AT&T Canada Corp., AT&T Canada Telecom Services Company, Association canadienne de télévision par câble, TELUS Communications Inc., TELUS Corporation, Call-Net Communications Inc., Call-Net Enterprises Inc. et Call-Net Technology Services Inc., ainsi que les débours dans chacun des cinq dossiers;
b) un seul mémoire de frais pour les intimées Bell Canada, Ledcor Industries Limited, MTS Communications Inc., WFI Urbanlink Ltd. et Aliant Telecom Inc., ainsi que les débours dans chacun des cinq dossiers;
c) un seul mémoire de frais pour les intimées GT Group Telecom Services Corp. et Shaw Communications Inc., ainsi que les débours dans chacun des cinq dossiers.
Aucuns dépens ne doivent être adjugés contre le procureur général de la Colombie-Britannique ni en faveur du procureur général du Canada.
Le juge Nadon, J.C.A.: J'y souscris.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[37]Le juge Pelletier, J.C.A. (dissident en partie): J'ai eu l'avantage de lire les motifs de mon collègue le juge Létourneau, J.C.A. avec lequel, en toute déférence, je ne suis pas d'accord sur deux points. Le premier est la qualification de la position des appelantes relativement à la validité constitutionnelle du paragraphe 43(4) de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38 (la Loi). Le second est la question de savoir si la décision du CRTC, au sujet de l'indemnisation de l'appelante, la ville de Vancouver, pour l'utilisation et l'occupation de la subsurface de ses intersections, justifie l'intervention de la Cour.
[38]J'ajouterais la remarque suivante à l'exposé des faits du juge Létourneau. Presque tout au long de la ville de Vancouver, la ligne de transmission de Ledcor qui fait l'objet du présent litige passe sur l'emprise du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et non sur la propriété municipale. Ledcor a payé pour obtenir le droit d'enfouir son câble sous cette emprise. La ligne de Ledcor ne passe sous la propriété municipale qu'à une intersection et à 17 réserves routières. Sa technique de construction n'obligeait pas Ledcor à creuser à ces endroits pour les traverser. Elle n'avait qu'à forer la propriété municipale à partir de sa position sur l'emprise du CFCP. La partie de la ligne de transmission qui passe sur la propriété municipale est petite par comparaison à la pleine longueur de la ligne.
[39]Dans leurs avis de questions constitutionnelles, les appelantes remettent en question la validité du paragraphe 43(4) de la Loi. Dans leur plaidoirie, elles ont toutefois fait valoir que le paragraphe 43(4) pouvait être interprété de manière à éviter une conclusion d'invalidité. À leur avis, il constituait une disposition législative fédérale valide s'il était interprété de manière à autoriser le CRTC à rendre des ordonnances concernant des questions de compétence provinciale, pour autant qu'elles affectent une partie essentielle d'une entreprise fédérale. Selon les appelantes, le paragraphe 43(4) accorde au CRTC le pouvoir de trancher des questions sur lesquelles une entreprise assujettie à la législation fédérale et une municipalité n'ont pas réussi à s'entendre, dans la mesure où ces questions soit sont par ailleurs de compétence fédérale, soit sont de compétence provinciale et affectent une partie essentielle de ses opérations.
[40]Je n'interprète pas cela comme un abandon de la contestation constitutionnelle de la validité du paragraphe 43(4). J'estime qu'il est peut-être plus approprié de dire que les appelantes ont proposé une interprétation du paragraphe 43(4) qui permettait d'éviter la question de la validité en restreignant sa portée. Si cette restriction est maintenue, alors ce paragraphe demeure une disposition fédérale valide.
[41]Cette méthode d'interprétation des lois n'est pas nouvelle. Le CRTC lui-même y a eu recours à l'occasion. Lors d'une demande concernant l'accès à des poteaux de services publics détenus par des entreprises de services publics provinciales, le CRTC a dû interpréter le paragraphe 43(5) de la Loi. Le libellé de ce paragraphe est très large et pourrait être interprété de manière à inclure des personnes et des entreprises non assujetties à la compétence du CRTC et peut-être du Parlement lui-même. DansBarrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble, [2001] 4 C.F. 237 (C.A.), le juge Rothstein, J.C.A. a expliqué comment le CRTC avait adopté une «interprétation atténuée» du libellé général du paragraphe 43(5) de façon à en restreindre l'application aux questions qui relèvent de sa compétence. Au paragraphe 25 de ses motifs, mon collègue a souligné que «l'interprétation atténuée d'une disposition législative visant à assurer le respect des limites juridictionnelles constitue une stratégie d'interprétation acceptable».
[42]J'ai toutefois cru comprendre que, si l'on donne au paragraphe 43(4) une interprétation plus large que celle qu'elles proposent, les appelantes maintenaient que cette disposition est constitutionnellement invalide. À mon avis, elles n'ont pas admis sans réserve que le paragraphe 43(4) constitue une disposition fédérale valide.
[43]De même, il ne m'est pas apparu que l'admission des appelantes selon laquelle le Parlement pouvait légiférer valablement sur les télécommunications, signifiait que toute disposition d'une telle loi est par conséquent valide. On peut admettre que le Parlement a le pouvoir de légiférer en matière de droit criminel sans pour autant admettre que toutes les dispositions du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46] sont valablement adoptées. Ainsi, je suis d'avis que si l'interprétation du paragraphe 43(4) proposée par les appelantes est rejetée, la Cour devra examiner la question de la validité constitutionnelle du paragraphe 43(4) interprété plus largement.
[44]L'interprétation du paragraphe 43(4) proposée par les appelantes fait nécessairement en sorte que le CRTC ne peut examiner certaines questions lorsqu'il accorde un droit d'accès aux propriétés municipales en vertu de cette disposition, plus précisément les questions de compétence provinciale qui n'affectent pas une entreprise dans une partie essentielle de ses opérations. Les appelantes soutiennent qu'un tel vide n'est pas déraisonnable et qu'il ne fait que rendre nécessaire la tenue de négociations entre l'entreprise et la municipalité. Les intimés prétendent que cette interprétation du paragraphe 43(4) ne résout pas le problème auquel il devait remédier, soit l'incapacité d'une municipalité et d'une entreprise d'en arriver à une entente. Selon les intimés, le CRTC doit avoir compétence pour connaître de toutes les questions qui demeurent irrésolues entre une entreprise et une municipalité parce qu'il faut résoudre les impasses pour permettre la construction des lignes de transmission.
[45]D'un point de vue pratique, les entreprises et les municipalités ont toutes deux intérêt à conclure une entente. Toutefois, même les coappelantes de la ville de Vancouver ont admis que les demandes de celle-ci étaient en l'espèce excessives, et donc que l'intérêt commun ne garantit pas que les parties parviendront effectivement à une entente. Par conséquent, la position des appelantes revient à admettre que, à défaut d'entente, une entreprise doive soit contourner le territoire d'une municipalité, remettant ainsi en cause le caractère national de la ligne de transmission (dans le sens de la région qu'elle dessert), soit accepter des conditions qu'elle considère préjudiciables à ses intérêts. La multiplication de telles conditions dans diverses municipalités avoisinantes pourrait finir par toucher une partie essentielle des opérations d'une entreprise, même si l'imposition de telles conditions dans une seule pourrait ne pas avoir ce résultat.
[46]Si l'objet du paragraphe est de faire en sorte que la construction de la ligne de transmission ne soit pas compromise par des demandes déraisonnables, le CRTC doit être en mesure de trancher toute question susceptible de mener à une impasse, et cette décision doit lier les deux parties. Il ne saurait y avoir de questions qui, échappant à l'examen, pourraient perpétuer l'impasse au point de compromettre la construction de la ligne de transmission. Dans sa plus simple expression, l'interprétation que font les appelantes du paragraphe 43(4) consiste à dire que le Parlement a compétence pour créer les conditions d'une impasse en exigeant que l'entreprise obtienne l'autorisation de la municipalité, mais qu'il n'est pas compétent pour permettre son dénouement en conférant au CRTC le pouvoir de trancher toutes les questions sur lesquelles l'entreprise et la municipalité ne peuvent s'entendre. Je n'ai aucun mal à conclure que la position des appelantes est mal fondée.
[47]Je suis parvenu à la conclusion que le paragraphe 43(4) constitue une disposition législative fédérale valide parce qu'elle est nécessairement accessoire à l'exercice de la compétence fédérale exclusive en matière de télécommunications, ce qui comprend la construction de lignes de transmission. Le paragraphe 43(4) se veut la réponse aux droits interreliés accordés aux municipalités et aux entreprises aux paragraphes précédents de la Loi:
43. [. . .]
(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4) et de l'article 44, l'entreprise canadienne et l'entreprise de distribution ont accès à toute voie publique ou tout autre lieu public pour la construction, l'exploitation ou l'entretien de leurs lignes de transmission, et peuvent y procéder à des travaux, notamment de creusage, et y demeurer pour la durée nécessaire à ces fins; elles doivent cependant dans tous les cas veiller à éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public.
(3) Il est interdit à l'entreprise canadienne et à l'entreprise de distribution de construire des lignes de transmission sur une voie publique ou dans tout autre lieu public--ou au-dessus, au-dessous ou aux abords de ceux-ci--sans l'agrément de l'administration municipale ou autre administration publique compétente.
[48]Le principe qui sous-tend l'exigence que les entreprises obtiennent l'approbation de la municipalité pour avoir accès aux rues municipales et procéder à des travaux de creusage est clair. Il vise à assurer qu'il y ait consultation entre les entreprises et les autorités municipales. Il est toutefois tout aussi clair qu'on ne peut mettre les entreprises dans une situation où elles se retrouveraient à la merci de chacune des municipalités avec lesquelles elles doivent faire affaire. Le Conseil privé est arrivé à la même conclusion en matière de chemins de fer du dominion et de terres provinciales dans Attorney-General for Quebec v. Nipissing Central Ry. Co., [1926] A.C. 715, à la page 721, où la question du pouvoir de la Couronne fédérale de s'approprier des terres appartenant à la Couronne provinciale pour la construction de chemins de fer a été débattue:
[traduction] [ . . .] mais si le consentement d'une autorité exécutive était nécessaire pour l'appropriation de terres de la Couronne pour le chemin de fer du dominion, il fallait s'attendre à ce que ce soit le consentement du gouvernement fédéral, sinon la construction du chemin de fer dépendrait du consentement du gouvernement de chaque province à travers laquelle il doit passer.
[49]En conséquence, j'ai conclu que le paragraphe 43(4) confère au CRTC le pouvoir de trancher toute question sur laquelle une entreprise et une municipalité ne peuvent s'entendre et d'accorder à l'entreprise, aux conditions qu'il juge indiquées, l'autorisation d'accéder aux rues municipales et de procéder à des travaux de creusage pour construire sa ligne de transmission.
[50]La difficulté que pose l'argument des appelantes est que, contrairement à ce qu'elles avancent, il n'existe pas de théorie de l'exclusivité des compétences qui entraînerait l'interprétation atténuée d'une loi fédérale de façon à protéger la compétence provinciale sauf dans les situations où une entreprise fédérale serait paralysée ou affectée dans une partie essentielle de ses opérations. Une telle théorie a été rejetée explicitement dans Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux pages 68 et 69:
C'est présumer de la réponse et poser un principe erroné qui semble accepter l'existence d'une théorie générale de l'exclusivité des compétences visant à exempter les ouvrages ou entreprises de nature provinciale de l'application de lois fédérales par ailleurs valides. Comme le fait remarquer le juge en chef Dickson dans l'arrêt Alberta Government Telephones, précité, à la p. 275:
Il faut se rappeler que l'un des aspects de la théorie du caractère véritable est qu'une loi relative à un chef de compétence d'un palier de gouvernement peut validement toucher un chef de compétence de l'autre palier. Le fédéralisme canadien a évolué [page 69] de façon à tolérer à plusieurs égard le chevauchement des lois fédérales et provinciales et, à mon avis, une théorie de l'immunité constitutionnelle n'est ni souhaitable ni nécessaire à la réalisation d'objectifs provinciaux réguliers. |
(Note: Une partie peut tenter d'éviter une conclusion d'inconstitutionnalité par «l'interprétation atténuée» d'une disposition législative, mais les tribunaux ne restreindront pas la compétence législative fédérale en «procédant à une interprétation atténuée» d'une loi fédérale dans le but d'éviter de s'ingérer dans des domaines de compétence provinciale.)
[51]Dans la présente affaire, à partir du moment où il est décidé qu'un mécanisme est nécessaire pour régler les différends issus de l'exercice des droits conférés aux municipalités et aux entreprises par l'article 43, aucune théorie ne peut limiter l'étendue des questions susceptibles d'examen. Pour ce motif, la contestation par les appelantes de la validité ou de l'applicabilité constitutionnelle du paragraphe 43(4) doit être rejetée.
[52]Toutefois, l'absence de limitations constitution-nelles au pouvoir du CRTC d'imposer des conditions ne signifie pas que son pouvoir discrétionnaire est absolu. La tentative des appelantes de circonscrire la compétence du CRTC semble motivée, en partie, par son affirmation portant que «la seule réserve en ce qui a trait aux pouvoirs du Conseil est que celui-ci peut, compte tenu de la jouissance que d'autres ont des lieux, assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées» (paragraphe 150 de la décision du CRTC).
[53]Il ressort de cet extrait, lu en contexte, que le CRTC rejette les limites que les intimés tentaient d'imposer à sa compétence eu égard aux questions en litige entre les parties. Le CRTC tentait de démontrer que la loi qui lui a conféré le pouvoir de trancher des questions conflictuelles entre les entreprises et les municipalités lui prescrivait uniquement de tenir compte de la jouissance que d'autres ont des rues et des lieux publics.
[54]Cependant, le CRTC, comme tout autre tribunal administratif, est tenu de trancher les questions dont il est saisi en prenant en compte les considérations pertinentes. Bien qu'il soit vrai que le paragraphe 43(4) exige que le CRTC tienne compte de la jouissance que d'autres ont des rues, cela ne signifie pas nécessairement qu'il n'y ait pas d'autres considérations pertinentes.
[55]Cela m'amène à la question de l'indemnisation pour l'utilisation et l'occupation de la propriété municipale. L'avis d'appel de Vancouver dit notamment ce qui suit:
[traduction] L'appelante demande que la Cour:
a) accueille le présent l'appel
[. . .]
c) déclare que le CRTC a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence en déterminant qu'il pouvait rendre une ordonnance en vertu des paragraphes 42(1), 43(4) et/ou de l'article 44 de la Loi et en permettant à une entreprise canadienne d'avoir accès aux propriétés municipales, de procéder à des travaux de creusage, de les occuper et de les utiliser sans verser une pleine indemnité en contrepartie de la valeur de l'intérêt ou du droit qu'elle a acquis.
d) déclare que le CRTC a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence en refusant d'indemniser pleinement les municipalités pour l'occupation et l'utilisation des propriétés municipales par les entreprises canadiennes et en refusant d'entendre la preuve qui avait trait à l'impact financier sur les entreprises canadiennes, ignorant de ce fait l'impact financier de tels paiements sur les entreprises canadiennes.
[56]Les avis d'appel sont tous rédigés semblablement. Il ressort clairement de cet extrait que, selon les appelantes, le CRTC avait décidé qu'elles n'avaient droit à aucune indemnité, quelle qu'elle soit, pour l'utilisation et l'occupation de leurs propriétés.
[57]Voici les conclusions du CRTC sur cette question [aux paragraphes 117 à 122]:
Le Conseil estime que dans la plupart des cas, il serait extrêmement difficile d'établir, pour l'utilisation d'une propriété municipale, un taux basé sur le marché, parce qu'il n'y a pas de «libre marché» composé d'acheteurs et de vendeurs entièrement disposés, pour l'agrément de la municipalité à occuper et à utiliser une servitude municipale. Le Conseil n'est pas convaincu que la référence de Vancouver à des terrains adjacents soit pertinente, puisque le terrain sur lequel la servitude se trouve est une rue et que dans la plupart des cas, il sera réservé à cette fin. Par contre, les terrains adjacents sont pour la plupart privés et sont réservés à des usages divers, essentiellement privés et ils sont échangés librement. Le Conseil ajoute que c'est le fait que les terrains en question soient desservis par des «services publics» comme des entreprises de communications qui en détermine en grande partie la valeur.
Le Conseil estime également qu'à la condition que les coûts causals de la municipalité soient recouvrés des entreprises, tel qu'indiqué ci-dessus au sujet des autres éléments du calcul des frais proposé par Vancouver, il n'est pas question de contribuables «subventionnant» les entreprises, puisque les coûts additionnels occasionnés par la construction, l'entretien et l'exploitation de lignes de transmission seraient absorbés par les entreprises et non pas par les contribuables.
En dernier lieu, le Conseil estime qu'une meilleure planification permettrait de régler un grand nombre d'arguments et de préoccupations soulevés par Vancouver et d'autres municipalités à l'appui de ces frais (rareté, congestion, etc.) (voir la section Questions concernant la planification conjointe ci-dessus).
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il est aussi inutile qu'inapproprié d'imposer des frais basés sur les «forces du marché».
Le Conseil estime que les frais basés sur un pourcentage des revenus soulèvent les mêmes inquiétudes que les frais fonciers.
Par conséquent, le Conseil n'inclut pas d'obligation pour Ledcor de payer des frais fonciers aux conditions de la permission qu'il a accordée à Ledcor pour construire, entretenir et exploiter les lignes de transmission en question.
[58]Bien que dans ses prétentions la ville de Vancouver demande clairement une indemnisation, le CRTC paraît avoir tranché la question en rejetant ses propositions au sujet du mode de calcul de l'indemnité. Il n'a pas examiné la question du droit à l'indemnité séparément de la méthode de calcul. Or, les deux questions sont manifestement distinctes; le rejet de méthodes déterminées ne mène pas nécessairement à la conclusion que les municipalités n'ont pas le droit d'être indemnisées pour l'utilisation et l'occupation de leurs propriétés. D'autre part, une conclusion selon laquelle les municipalités n'ont pas le droit d'être indemnisées rend superflu tout examen de la méthode de calcul. Comme le CRTC a pris la peine d'examiner les propositions de la ville de Vancouver, on ne peut affirmer qu'il a rejeté d'emblée la demande d'indemnité.
[59]Je rappelle que la partie de la ligne de transmission de Ledcor qui traversait les rues de Vancouver était située sur l'emprise du CFCP, et que Ledcor avait versé au CFCP une indemnité pour obtenir le droit d'enfouir sa ligne de transmission sur sa propriété. Cela signifie que chaque pied linéaire (ou mètre) de la ligne de transmission de Ledcor situé sur l'emprise du CFCP comptait proportionnellement dans le calcul de cette indemnité. Vu ces faits, le CRTC, ayant rejeté les propositions d'indemnisation de la ville de Vancouver, devait toujours régler la question liée au fait que chaque mètre de la ligne de Ledcor, mises à part les intersections, occasionnait des coûts d'utilisation. La question qui se posait était de savoir s'il y avait une raison de principe quelconque pour laquelle ces parties de la ligne de transmission ne devaient pas supporter les mêmes frais que les parties situées de part et d'autre de la rue. Je ne veux pas dire que le CRTC était tenu de considérer l'indemnité versée au CFCP comme le barème approprié pour la ville de Vancouver. Je dis que la question que devait trancher le CRTC était celle de la compensation pour l'utilisation des propriétés de la ville de Vancouver et que les faits dont le CRTC était saisi soulevaient à la fois la question du droit à l'indemnité et celle de la méthode alternative pour en déterminer le montant.
[60]À mon avis, les appelantes ont vu dans la décision du CRTC des choses qui n'y étaient pas. Le CRTC a rejeté la méthode proposée par la ville de Vancouver pour le calcul des frais facturables aux entreprises. Il a également rejeté certains arguments concernant la gestion de ressources rares que les appelantes avaient associée à une indemnité fondée sur la «valeur marchande». Et, enfin, le CRTC a refusé d'ordonner à Ledcor de verser une indemnité à la ville pour l'utilisation et l'occupation de ses propriétés. Il l'a toutefois fait en rejetant des méthodes spécifiques de calcul de l'indemnité, plutôt qu'en statuant que la ville n'avait pas droit à une telle indemnité. La question du droit de la ville de Vancouver à l'indemnité, quelle que soit la méthode de calcul, demeure donc sans réponse. Le CRTC avait clairement été saisi de cette question et il devait y répondre.
[61]L'argument à l'encontre de cette thèse est que le CRTC a agi exactement de la façon prescrite par le paragraphe 43(4): il a déterminé les conditions d'accès de Ledcor aux rues de Vancouver. Ce faisant, il avait rempli son mandat. Il n'était pas tenu d'aller au-delà des demandes de la ville de Vancouver pour vérifier si une autre forme d'indemnité était appropriée. Si, lors d'une demande subséquente, une municipalité propose une formule d'indemnité différente, le bien-fondé de celle-ci sera alors examiné.
[62]La difficulté réside dans le fait que le CRTC a convié d'autres entités non parties au conflit à participer à l'instance, puis a présenté sa décision comme étant susceptible de guider les entreprises et les municipalités pour la négociation future de conditions d'accès. Il est quelque peu fallacieux, dans ce contexte, de soutenir que la décision devrait être considérée comme disposant simplement d'une demande d'indemnité particulière. Les intimés ont bien sûr appuyé la décision au motif que les municipalités n'ont droit à aucune indemnité pour l'utilisation et l'occupation de leurs rues par des entités assujetties à la réglementation fédérale. Et les appelantes ont plaidé que c'était le droit à l'indemnité qui était en cause. Aucune partie, pas même la ville de Vancouver, n'a soutenu que le CRTC avait erré en rejetant les propositions d'indemnité de cette dernière.
[63]La question du droit à l'indemnité est implicite lorsqu'une forme particulière d'indemnité est demandée. Quant à savoir si l'examen de cette question doit être spécifiquement abordé, cela dépend du contexte. Vu les faits de la présente instance, j'estime qu'il incombait au CRTC de procéder tant à l'examen de la question implicite que de la question explicite dont il était saisi.
[64]L'omission de statuer sur une question peut être considérée comme une erreur de droit au même titre que le fait de poser la mauvaise question: voir Upper Lakes Group Inc. c. Canada (Office national des transports), [1995] 3 C.F. 395 (C.A.), aux pages 423 et 424. Elle peut aussi être considérée comme une erreur juridictionnelle, selon le terme employé dans la jurisprudence qui a suivi l'arrêt Union internationale des employés des services, local no. 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association et autres, [1975] 1 R.C.S. 382. Dans les deux cas, ce n'est pas une question à l'égard de laquelle il faille faire preuve d'une réserve quelconque envers le CRTC, étant donné qu'elle constitue un défaut d'exercer son pouvoir discrétionnaire, par opposition à une allégation d'abus de ce pouvoir. Comme le souligne le juge Létourneau, J.C.A., cette décision ne lie que les parties au différend initial. Toutefois, considérant l'opinion du CRTC portant que les principes de la décision «guideront les entreprises et les municipalités dans leurs négociations des conditions auxquelles les municipalités permettront aux entreprises» d'avoir accès à leurs rues, on ne devrait pas considérer que la question du droit à l'indemnité a été résolue par défaut sur la foi du rejet des demandes excessives de la ville de Vancouver par le CRTC. Par conséquent, je suis d'avis que l'appel doit être accueilli sur cette question seulement et que l'affaire doit être revoyée au CRTC pour qu'il tranche la question du droit à l'indemnité de la ville de Vancouver pour l'utilisation et l'occupation de ses propriétés.