A-610-01
2002 CAF 298
Ray Budhai et autres (tels qu'ils sont désignés à l'annexe «A» jointe à l'avis de demande) (demandeurs)
c.
Le procureur général du Canada (défendeur)
Répertorié: Budhai c. Canada (Procureur général) (C.A.)
Cour d'appel, juges Linden, Evans et Malone, J.C.A.-- Toronto, 17 juin; Ottawa, 26 juillet 2002.
Assurance-emploi -- Le demandeur a demandé des prestations d'assurance-emploi après avoir été mis en disponibilité en septembre 1999 à cause d'une pénurie de travail -- Une convention collective a été conclue alors qu'il touchait des prestations -- Dans une lettre d'entente, l'employeur s'engageait à verser une «prime à la signature» de 1 000 $ à tous les employés actifs et inactifs qui n'avaient pas fait l'objet d'une cessation d'emploi à la date de la convention et qui avaient effectué des heures de travail entre janvier et octobre 1999 -- Cette prime était payable uniquement si la convention collective était ratifiée -- La Commission a réparti la prime sur la semaine où la convention collective avait été ratifiée, ce qui a donné lieu à un versement excédentaire de prestations -- Le conseil arbitral a appliqué l'art. 36(4) du Règlement sur l'assurance-emploi, qui prévoit que «[l]a rémunération payable [. . .] aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus» est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis -- Cette disposition ne prévoit pas expressément qu'un montant peut être payé à un employé «en échange des services rendus» uniquement si ce montant a un rapport avec le nombre d'heures de travail effectuées -- La conclusion du conseil arbitral selon laquelle la «prime à la signature» était payable «en échange des services rendus» n'était pas déraisonnable.
Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- Contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un juge-arbitre a accueilli l'appel interjeté contre une décision rendue par un conseil arbitral selon laquelle l'art. 36(4) du Règlement sur l'assurance-emploi s'appliquait à la prime à la signature -- Le juge-arbitre a décidé que la «prime à la signature» constituait une rémunération résultant d'une opération en vertu de l'art. 36(19)b) -- Le juge-arbitre a commis des erreurs de droit, notamment en ce qui à trait à la norme de contrôle appliquée -- L'expertise des conseils arbitraux et des juges-arbitres a été examinée -- La principale question sur laquelle le conseil arbitral devait statuer était une question de fait et de droit -- L'expertise des juges-arbitres (des juges en place et d'anciens juges) l'emporte sur celle d'un conseil arbitral pour ce qui est des questions d'interprétation législative -- La procédure devant le conseil arbitral et devant le juge-arbitre est de nature informelle -- C'est la norme de la décision déraisonnable simpliciter qu'il convient d'appliquer lorsque le conseil arbitral applique la loi aux faits -- Il appartient à l'organisme d'appel judiciaire de veiller à ce que le droit pertinent soit appliqué.
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un juge-arbitre a accueilli l'appel interjeté contre une décision rendue par un conseil arbitral. Ayant été mis en disponibilité le 24 septembre 1999 à cause d'une pénurie de travail, le demandeur a formulé une demande de prestations d'assurance-emploi. Il était encore en disponibilité et il touchait encore des prestations lorsque son employeur et le syndicat ont conclu une convention collective, qui est entrée en vigueur le 25 octobre 1999. Dans une lettre d'entente en date du 19 octobre 1999, soit moins d'une semaine avant la ratification de la convention collective, l'employeur s'engageait à verser une «prime à la signature» de 1 000 $ à tous les employés actifs et inactifs, y compris les employés retraités, qui n'avaient pas fait l'objet d'une cessation d'emploi à la date de la convention et qui avaient effectué des heures de travail entre le 1er janvier et le 19 octobre 1999. Cette prime était payable uniquement si la convention collective était ratifiée. La Commission a réparti le montant de la prime à la signature versée au demandeur sur la semaine du 25 octobre 1999. Faisant droit à l'appel interjeté contre cette décision, le conseil arbitral a conclu que le paragraphe 36(4) du Règlement sur l'assurance-emploi pouvait s'appliquer à la rémunération payable en vertu d'un contrat différent de celui en vertu duquel les services avaient été rendus, parce qu'il est fait mention de la rémunération payable au prestataire aux termes d'«un» contrat de travail. En vertu du paragraphe 36(4), la rémunération payable aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis. Dans l'appel interjeté contre la décision du conseil, le juge-arbitre a mentionné des décisions dans lesquelles il avait été statué que la prime à la signature constitue une rémunération résultant d'une opération, et il a conclu que l'alinéa 36(19)b) du Règlement s'appliquait. (En vertu de l'alinéa 36(19)b), la rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18), si elle résulte d'une opération, est répartie sur la semaine où l'opération a eu lieu.) Trois questions principales ont été soulevées en l'espèce: 1) quelle est la norme de contrôle applicable? 2) le paragraphe 36(4) du Règlement prévoit-il qu'un montant peut être payé à un employé «en échange des services rendus» uniquement si ce montant a un rapport avec le nombre d'heures de travail effectuées? et 3) la conclusion du conseil arbitral selon laquelle la «prime à la signature» était payable «en échange des services rendus» était-elle déraisonnable?
Arrêt: la demande est accueillie.
1) La Cour doit déterminer, selon la norme de la décision correcte, si le juge-arbitre a commis une erreur en choisissant la norme de contrôle à appliquer à la décision du conseil. Le juge-arbitre n'a pas fait preuve de réserve à l'égard de la décision du conseil: il a accueilli l'appel parce qu'il a conclu que la prime à la signature «résultait d'une opération». Ce faisant, le juge-arbitre a commis trois erreurs de droit. Premièrement, il a omis de se demander si la prime à la signature constituait une rémunération «payable [. . .] en échange des services rendus» pour l'application du paragraphe 36(4). Ce n'est que dans le cas où la prime ne constituait pas une rémunération que le juge-arbitre pouvait déterminer si l'alinéa 36(19)b) s'appliquait. Deuxièmement, le juge-arbitre a commis une erreur de droit dans la mesure où il a inféré à partir des décisions qu'il a mentionnées qu'en droit, une prime à la signature payable aux employés qui avaient effectué des heures de travail pour l'employeur ne peut pas être payable «en échange des services rendus», mais résulte «d'une opération». La façon de qualifier une prime à la signature est fonction des faits propres à chaque affaire. Troisièmement, le juge-arbitre aurait dû examiner selon la norme de la décision déraisonnable la façon dont le conseil avait qualifié la «prime à la signature» de rémunération payable «en échange des services rendus». L'expertise des conseils arbitraux et des juges-arbitres est circonscrite par la nature strictement décisionnelle de leurs fonctions dans le cadre de l'administration du système de l'assurance-emploi et par le fait qu'ils exercent ces fonctions à temps partiel de façon ponctuelle. La principale question sur laquelle le conseil arbitral devait statuer était une question de fait et de droit. La nature représentative des conseils arbitraux indique que leur domaine d'expertise s'étend au-delà de la simple constatation des faits et peut inclure la détermination de questions de fait et de droit comportant l'application de la législation en matière d'assurance-emploi aux faits d'une affaire donnée. Toutefois, l'expertise générale des juges-arbitres (des juges en place et d'anciens juges) ainsi que leur connaissance de la législation en matière d'assurance-emploi indiquent que leur interprétation des dispositions législatives pertinentes devrait l'emporter sur celle d'un conseil arbitral. Toute décision d'un conseil arbitral peut être portée en appel devant un juge-arbitre, mais les moyens d'appel prévus au paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi sont, contrairement à ce qui est habituellement le cas, fort stricts, ce qui indique que le législateur ne voulait pas que les juges-arbitres examinent selon la norme de la décision correcte les affaires qui ne sont pas purement de nature juridique. La procédure devant le conseil arbitral et le juge-arbitre doit être de nature informelle. Une prise de décision rapide est également importante dans le contexte de ce système. Les juges-arbitres devraient faire preuve de réserve lorsqu'ils déterminent si un conseil arbitral a commis une erreur de droit en appliquant la loi aux faits d'une affaire relevant de leur expertise. Toutefois, compte tenu de l'absence d'une clause privative forte, de la nature décisionnelle des fonctions du conseil et de son manque d'expertise juridique, c'est la norme de contrôle de la décision déraisonnable simpliciter plutôt que celle de la décision manifestement déraisonnable qu'il convient d'appliquer. Il appartient à l'organisme d'appel judiciaire de veiller à ce que le droit pertinent soit appliqué.
2) Selon la lettre d'entente, seuls les employés qui avaient effectué des heures de travail entre le 1er janvier et le 19 octobre 1999 étaient admissibles à la «prime à la signature». La mesure dans laquelle un montant a un rapport avec le nombre d'heures de travail effectuées est pertinente lorsqu'il s'agit de savoir si ce montant peut être considéré comme étant payable «en échange des services rendus». Le paragraphe 36(4) du Règlement n'exige pas expressément qu'un montant soit payable «en échange des services rendus» uniquement si un employé a effectué un nombre minimum d'heures de travail. Laisser entendre que pareille restriction est imposée pourrait causer de graves problèmes pratiques. De plus, présumer l'existence, dans le paragraphe 36(4), d'une condition si vague et peut-être variable afin de réduire ou de supprimer les prestations d'assurance-emploi auxquelles l'assuré aurait par ailleurs droit irait à l'encontre de la directive de la Cour suprême du Canada voulant que la législation en matière d'assurance-emploi soit interprétée libéralement. Une disposition figurant dans une convention collective devrait avoir l'effet voulu, même si elle a été structurée en vue de permettre aux employés de toucher un paiement contractuel tout en conservant leurs prestations d'assurance-emploi. Par conséquent, le conseil n'a pas commis d'erreur de droit en émettant l'hypothèse selon laquelle le paragraphe 36(4) n'exige pas qu'une entente précise le nombre d'heures de travail qu'un employé doit avoir effectuées pour que le montant promis soit payable «en échange des services rendus» ou qu'elle établisse par ailleurs un lien entre le montant de la prime et le nombre d'heures de travail effectuées par des employés individuels.
3) Le juge-arbitre aurait dû se demander s'il était déraisonnable pour le conseil d'avoir conclu que la «prime à la signature» prévue par cette entente particulière était payable «en échange des services rendus» plus tôt cette année-là. La décision déraisonnable comme norme de contrôle exige que l'on détermine si la décision en cause résiste à un examen assez poussé. Le défendeur ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait d'établir qu'il était déraisonnable pour le conseil de conclure que la «prime à la signature» était payable «en échange des services rendus». La conclusion du conseil n'était pas fondée sur une inférence incorrecte qui avait été faite à partir de la preuve ou sur des prémisses incohérentes. Les conditions auxquelles la «prime à la signature» était payable donnent à entendre qu'elle visait à récompenser les employés pour le travail déjà accompli et à induire ces employés-là à voter en faveur de la ratification de la nouvelle convention collective. La présence de cette dernière intention n'a pas nécessairement pour effet de soustraire la «prime à la signature» à l'application du paragraphe 36(4), à moins peut-être qu'il ne soit possible d'inférer que telle était l'intention dominante, et il s'agit là précisément du genre de question que les conseils arbitraux sont particulièrement aptes à trancher, sous réserve uniquement d'un examen visant à déterminer si la décision était déraisonnable.
lois et règlements
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 3(1).
Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 111(1),(2),(3),(4)a),b),c), 112(1),(2) (mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 270), (7) (mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 81), (8), 113, 114(3), 115(2)a),b),c). |
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 28 (mod., idem, art. 8). |
Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332, art. 36(4),(19)b), 78(1), 79, 80, 83(1), 85, 86. |
jurisprudence
décisions appliquées:
Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Housen c. Nikolaisen (2002), 211 D.L.R. (4th) 577; 10 C.C.L.T. (3d) 157; 286 N.R. 1 (C.S.C.).
distinction faite d'avec:
Ostonal c. Canada (Commission d'assurance-chômage) (1991), 139 N.R. 75 (C.A.F.); Unemployment Benefits Commission c. United Steelworkers of America (1994), CUB 27135.
décisions examinées:
Gill (1998), CUB 41845; Pleau c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration) (1996), 144 D.L.R. (4th) 473; 209 N.R. 243 (C.A.F.).
décisions citées:
Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554; (1993), 100 D.L.R. (4th) 658; 13 Admin .L.R. (2d) 1; 46 C.C.E.L. 1; 17 C.H.R.R. D/349; 93 CLLC 17,006; 149 N.R. 1; Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2; (1983), 142 D.L.R. (3d) 1; 83 CLLC 14,010; 46 N.R. 185; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513; (1988), 48 D.L.R. (4th) 193; 30 Admin. L.R. 187; 88 CLLC 14,011; 84 N.R. 86; Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298; (1998), 163 D.L.R. (4th) 385; [1998] 4 C.T.C. 119; 98 DTC 6505; 229 N.R. 58; Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622; (1999), 178 D.L.R. (4th) 26; 99 DTC 5669; 247 N.R. 19.
doctrine
Commission de réforme du droit du Canada. Les prestations d'assurance-chômage: une étude de la procédure administrative à la Commission d'assurance-chômage. Ottawa: Approvisionnements et Services Canada, 1977.
DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision d'un juge-arbitre (Budhai 2001, CUB 52055 ) rejetant la décision dans laquelle un conseil arbitral avait fait droit à l'appel interjeté contre une décision rendue par la Commission de l'assurance-emploi du Canada selon laquelle une prime à la signature d'une convention collective versée au demandeur alors qu'il était en disponibilité et qu'il touchait des prestations d'assurance-emploi devait être incluse dans la rémunération payable pour la semaine où la convention collective avait été ratifiée. Demande accueillie.
ont comparu:
Lewis N. Gottheil pour les demandeurs.
Derek Edwards pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Contentieux, TCA -- Canada, Toronto, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Evans, J.C.A.:
A. INTRODUCTION
[1]Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Ray Budhai en vue de l'annulation d'une décision (CUB 52055) en date du 10 juillet 2001 par laquelle un juge-arbitre avait accueilli l'appel interjeté par la Commission de l'assurance-emploi du Canada contre une décision rendue par un conseil arbitral le 5 décembre 2000. Le conseil avait accueilli l'appel interjeté par M. Budhai contre une décision de la Commission portant que celui-ci avait reçu des versements excédentaires de prestations au cours d'une période de disponibilité.
[2]M. Budhai présente cette demande en son nom personnel et au nom de 150 autres assurés qui sont dans la même situation que lui et qui ont convenu d'être liés par le résultat de l'instance. Cent dix autres assurés tireront également parti de toute décision rendue en faveur de M. Budhai. Par suite d'une requête qui a été présentée à l'audition de la demande, l'intitulé de la cause a été modifié et le procureur général du Canada a été désigné à titre de défendeur à la place du ministre du Développement des ressources humaines.
[3]La question fondamentale qui se pose dans cette demande se rapporte à la façon dont est qualifiée une [traduction] «prime à la signature» de 1 000 $ que l'employeur de M. Budhai, General Motors du Canada Limitée (GM), s'était engagé à verser aux employés s'ils ratifiaient la convention collective que les Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile (TCA) avaient négociée entre autres pour le compte de l'agent négociateur représentant M. Budhai, la section locale 222 de TCA.
[4]Si la «prime à la signature» est visée au paragraphe 36(4) du Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement) à titre de «rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus» comme l'a conclu le conseil arbitral, elle doit être répartie sur la période pendant laquelle les services ont été fournis. En pareil cas, M. Budhai n'a pas touché de versements excédentaires de prestations au moment où la convention collective a été ratifiée.
[5]Toutefois si, comme le juge-arbitre l'a conclu, c'est l'alinéa 36(19)b) qui s'applique, la «prime à la signature» de 1 000 $ résultait «d'une opération» (à savoir la ratification de la convention collective), auquel cas cette prime est répartie sur la période pendant laquelle la convention collective a été ratifiée, le 25 octobre 1999, et M. Budhai doit rembourser les versements excédentaires de prestations qu'il a reçus à ce moment-là.
B. LE CONTEXTE FACTUEL
[6]GM a mis M. Budhai en disponibilité le 24 septembre 1999 à cause d'une pénurie de travail. M. Budhai a formulé une demande de prestations le 26 septembre 1999. Il était encore en disponibilité et il touchait encore des prestations lorsque GM et TCA ont conclu une convention collective, qui est entrée en vigueur le 25 octobre 1999. La «prime à la signature» dont il avait été convenu dans la lettre d'entente est également devenue payable à cette date, même si en fait elle n'a été versée aux employés inactifs, comme M. Budhai, que le 24 février 2000.
[7]Dans une lettre en date du 21 mars 2000, la Commission a informé M. Budhai que, compte tenu des renseignements reçus de GM, le total de la rémunération qui lui avait été attribuée pour la semaine du 25 octobre 1999 avait été porté de 0 $ à 1 000 $, soit le montant de la prime à la signature qu'il avait reçue. M. Budhai était donc tenu de rembourser les prestations qu'il n'aurait pas dû toucher à la suite de la ratification de la convention. La Commission a proposé de recouvrer le versement excédentaire en retenant un montant représentant 50 p. 100 de ses prestations hebdomadaires.
[8]L'appel que M. Budhai a interjeté contre cette décision devant le conseil arbitral a été accueilli le 5 décembre 2000. Dans une décision unanime, le conseil a conclu que le paragraphe 36(4) pouvait s'appliquer à la rémunération payable en vertu d'un contrat différent de celui en vertu duquel les services avaient été rendus, parce qu'il est fait mention de la rémunération payable au prestataire en vertu d'«un» contrat de travail.
[9]En se fondant sur le fait que les employés qui avaient travaillé pendant la période pertinente avaient droit à la «prime à la signature», alors que ceux qui n'avaient pas travaillé n'y avaient pas droit, le conseil a inféré que l'entente était [traduction] «un contrat de travail légitime» pour l'application du paragraphe 36(4). En outre, étant donné que le paragraphe 36(4) était applicable et puisque le paragraphe 36(19) du Règlement s'applique uniquement dans le cas de «[l]a rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18)», il n'était pas nécessaire de déterminer si l'alinéa 36(19)b) s'appliquait.
[10]Le libellé de la lettre d'entente non publiée en date du 19 octobre 1999, soit moins d'une semaine avant la ratification de la convention collective, a une importance cruciale dans le présent litige. Dans cette lettre, GM s'engageait à verser une «prime à la signature» de 1 000 $ à tous les employés actifs et inactifs, y compris les employés retraités, membres des unités de négociation désignées (dont celle dont M. Budhai) qui n'avaient pas fait l'objet d'une cessation d'emploi à la date de la convention et qui avaient effectué des heures de travail entre le 1er janvier et le 19 octobre 1999. La «prime à la signature» était payable uniquement si la convention collective était ratifiée.
[11]De plus, une annexe jointe à la convention collective cadre conclue entre GM et TCA prévoyait des [traduction] «paiements spéciaux» qui, contrairement à la «prime à la signature», étaient payables uniquement aux employés qui avaient accompli au moins 1 000 heures de travail cette année-là et qui étaient effectués au prorata pour chaque période de 50 heures inférieure aux 1 000 heures travaillées par un employé. Ces paiements devaient être versés chaque année à la date dont les parties avaient convenu.
C. LA DÉCISION DU JUGE-ARBITRE
[12]Dans l'appel que la Commission a interjeté contre la décision du conseil, le juge-arbitre a mentionné des décisions dans lesquelles il avait été statué que la prime à la signature constitue une rémunération résultant d'une opération, notamment un arrêt de la Cour, Ostonal c. Canada (Commission de l'assurance-chômage) (1991), 139 N.R. 75 (C.A.F.). En se fondant apparemment sur ces décisions et sur son examen de la documentation, le juge-arbitre a conclu que l'alinéa 36(19)b) s'appliquait. Par conséquent, il a accueilli l'appel et a rétabli la décision de l'agent d'assurance.
D. LE CONTEXTE LÉGISLATIF
[13]Les dispositions législatives ci-après énoncées sont ici pertinentes:
Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23
111. (1) Sont créés des conseils arbitraux, composés d'un président ainsi que d'un ou plusieurs membres choisis parmi les employeurs ou leurs représentants et d'autant de membres choisis parmi les assurés ou leurs représentants.
(2) Les présidents des conseils arbitraux sont nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat renouvelable de trois ans. Ils peuvent à tout moment faire l'objet d'une révocation motivée de la part du gouverneur en conseil.
(3) La Commission dresse des listes des employeurs et de leurs représentants, ainsi que des assurés et de leurs représentants. Les membres des conseils arbitraux sont choisis de la manière prévue par règlement parmi les personnes inscrites sur ces listes.
(4) La rémunération à verser au président et aux autres membres d'un conseil arbitral ainsi que les indemnités de déplacement, de séjour et autres, dont l'indemnité pour manque à gagner, à verser à un président, un membre de conseil arbitral ou toute autre personne requise de se présenter devant le conseil, et les autres dépenses à faire pour le fonctionnement d'un conseil arbitral sont celles qu'approuve le Conseil du Trésor.
[. . .]
114. [. . .]
(3) La décision d'un conseil arbitral doit être consignée. Elle comprend un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles.
[. . .]
115. [. . .]
(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants:
a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332
36. [. . .]
(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.
[. . .]
(19) La rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18) est répartie:
a) si elle est reçue en échange de services, sur la période où ces services ont été fournis;
b) si elle résulte d'une opération, sur la semaine où l'opération a eu lieu.
E. POINTS LITIGIEUX ET ANALYSE
[14]J'indiquerai au départ ce qui n'est pas en litige dans cette demande. Premièrement, les paragraphes 36(4) et 36(19) s'appliquent uniquement à la «rémunération»; or, il est reconnu que la «prime à la signature» mentionnée dans la lettre d'entente constitue une «rémunération» à cette fin.
[15]Deuxièmement, sur le plan de l'interprétation de la loi, le paragraphe 36(4) peut s'appliquer à une entente visant le paiement d'un montant additionnel pour les services qu'un employé avait déjà fournis en vertu d'une autre entente. L'arrêt qui fait autorité à cet égard est l'arrêt Ostonal, précité, dans lequel M. le juge Mahoney, J.C.A. a dit (à la page 76) que les alinéas du Règlement qui étaient en vigueur avant ceux qui s'appliquent à la présente espèce «[étaient] formulés de telle sorte qu'ils visent le passé et non l'avenir; ils font référence à des services qui ont été fournis, non à des services à venir». Comme le conseil arbitral l'a signalé, cette conclusion est étayée par le fait que le paragraphe 36(4) fait mention de la rémunération payable aux termes d'«un contrat de travail» et non aux termes du contrat de travail en vertu duquel les services avaient été rendus.
[16]Toutefois, un point de vue différent semble avoir été adopté dans la décision Gill (1998), CUB 41845 par mon collègue, M. le juge Noël (tel était alors son titre), siégeant à titre de juge-arbitre. En rejetant l'argument de l'employeur selon lequel la prime, dans ce cas-là, était payable pour les services qui avaient été rendus et qu'elle devait donc être répartie sur cette période, le juge Noël a dit ce qui suit (à la page 3):
Bien que je convienne que le paiement était relié à des services passés, il importe de noter qu'il n'existait aucun droit à ce paiement lorsque ces services ont été rendus réellement. Ce qui a créé ce droit, c'est la convention subséquente par laquelle Abitibi a convenu de verser le paiement en se référant à des services antérieurs. Il s'ensuit nécessairement, selon moi, que le paiement «découle» de cette convention, car c'est la convention qui a créé le droit.
[17]Il n'a pas été question de la décision rendue dans l'affaire Ostonal, précitée. Si ce passage signifie qu'une augmentation de salaire rétroactive ou un autre genre d'augmentation du traitement pour du travail déjà exécuté ne peut pas se rapporter aux «services rendus» au sens du paragraphe 36(4), cela va à mon avis trop loin.
[18]Troisièmement, même si la lettre d'entente renfermant la promesse de GM de payer les 1 000 $ n'était pas incluse dans le corps de la convention collective cadre, la prime à la signature était mentionnée dans un «contrat de travail» pour l'application du paragraphe 36(4). L'avocat de M. Budhai a soutenu qu'en tant qu'entente écrite entre l'employeur et l'agent négociateur contenant les dispositions relatives aux conditions d'emploi, la lettre d'entente était une «convention collective» au sens du paragraphe 3(1) du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2. Or, une convention collective est un contrat de travail pour l'application du paragraphe 36(4).
Première question: Le conseil arbitral a-t-il commis une erreur de droit en ne donnant pas un «exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles»? |
[19]Dans l'exposé des faits et du droit qui a été soumis pour le compte du défendeur, il a été soutenu que le juge-arbitre a eu raison d'accueillir l'appel parce que le conseil avait commis une erreur de droit en ne s'acquittant pas de l'obligation qui lui incombait en vertu du paragraphe 114(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, de donner un «exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles». En particulier, a-t-il été affirmé, le conseil n'a pas conclu que la prime était payée en échange des services rendus.
[20]Dans son argumentation orale, l'avocat n'a pas soulevé ce point avec beaucoup d'enthousiasme, et ce, avec raison. De fait, la Commission ne semble pas avoir soulevé la question devant le juge-arbitre. La question que le conseil a examinée était de savoir si la «prime à la signature» était payable en échange de services rendus pour l'application du paragraphe 36(4). Après avoir énoncé des motifs réfléchis indiquant qu'il comprenait bien les points litigieux, le conseil a conclu que le paragraphe 36(4) s'appliquait. Dans ces conditions, il n'était pas nécessaire que le conseil dise expressément qu'il avait conclu que la prime était payée en échange des services rendus.
[21]La position prise par le défendeur sur ce point est dénuée de fondement et la décision du juge-arbitre ne peut pas être fondée sur ce moyen.
Deuxième question: La norme de contrôle |
[22]Bien sûr, la décision visée par cette demande est celle du juge-arbitre. Toutefois, afin de déterminer si le juge-arbitre a commis une erreur susceptible de révision, il faut savoir quelle est la norme de contrôle que le juge-arbitre aurait dû appliquer à la décision du conseil arbitral. Les parties s'entendent pour dire que la Cour doit déterminer, selon la norme de la décision correcte, si le juge-arbitre a commis une erreur en choisissant la norme de contrôle à appliquer à la décision du conseil.
[23]Le juge-arbitre n'a pas expressément fait mention de la norme de contrôle applicable, mais il est clair qu'il n'a pas fait preuve de réserve à l'égard de la décision du conseil: il a accueilli l'appel parce qu'il a conclu que la prime à la signature «résultait d'une opération». Par déduction, il semble avoir décidé que le conseil avait eu tort de considérer la prime à la signature comme étant payable «en échange des services rendus» et que la jurisprudence exigeait que le conseil arrive à un résultat différent.
[24]À mon avis, le juge-arbitre a commis trois erreurs de droit. Premièrement, il a apparemment omis de se demander si la prime à la signature constituait une rémunération «payable [. . .] en échange des services rendus» pour l'application du paragraphe 36(4). Ce n'est que dans le cas où la prime ne constituait pas une rémunération que le juge-arbitre pouvait déterminer si l'alinéa 36(19)b) s'appliquait. Il s'agissait d'une erreur de méthodologie dans l'approche adoptée à l'égard de l'application de la Loi aux faits de l'affaire et, partant, cette erreur est susceptible d'être examinée pour qu'il soit déterminé si la décision était correcte.
[25]Deuxièmement, le juge-arbitre a commis une erreur de droit dans la mesure où il a inféré à partir des décisions qu'il a mentionnées qu'en droit, une prime à la signature payable aux employés qui avaient effectué des heures de travail pour l'employeur ne peut pas être payable «en échange des services rendus», mais résulte «d'une opération». Comme l'avocat du défendeur l'a concédé devant nous, la façon de qualifier une prime à la signature est fonction des faits propres à chaque affaire individuelle.
[26]Troisièmement, en me fondant sur l'analyse pragmatique ou fonctionnelle, j'ai conclu que le juge-arbitre aurait dû examiner selon la norme de la décision déraisonnable la façon dont le conseil avait qualifié la «prime à la signature» de rémunération payable «en échange des services rendus». Même si l'approche pragmatique ou fonctionnelle s'applique habituellement lorsqu'il s'agit de déterminer la norme de contrôle qu'un tribunal judiciaire généraliste doit appliquer à un organisme administratif spécialisé, cette approche me semble être tout aussi valable lorsqu'il s'agit de déterminer les fonctions décisionnelles que les juges-arbitres et les conseils arbitraux peuvent à juste titre exercer et, partant, la norme de contrôle que les juges-arbitres doivent appliquer aux conseils. Somme toute, la tâche finale dans les deux cas est la même: déterminer l'intention du législateur en se demandant quel organisme est le mieux placé pour trancher la question en litige.
(i) L'expertise des conseils arbitraux et des juges-arbitres
[27]Une description utile, même si elle a été faite il y a un certain temps, des fonctions qui incombent aux conseils arbitraux et aux juges-arbitres dans une procédure d'appel en matière d'assurance-emploi figure dans le document de la Commission de réforme du droit du Canada, intitulé Les prestations d'assurance- chômage: une étude de la procédure administrative à la Commission d'assurance-chômage (Ottawa: Approvisionnements et Services Canada, 1977), chapitres 4 et 5.
[28]Comme les autres tribunaux dans le domaine des relations de travail et de l'emploi, les conseils arbitraux sont des conseils tripartites. Ils sont composés de trois membres; un président, un membre choisi parmi les employeurs ou leurs représentants et un membre choisi parmi les assurés ou leurs représentants. Les présidents sont nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat renouvelable de trois ans et peuvent à tout moment faire l'objet d'une révocation pour inconduite de la part du gouverneur en conseil: paragraphe 111(2) de la Loi. La Commission est tenue de dresser des listes des personnes désignées par les employeurs et par les assurés, ou par leurs représentants, et de choisir les membres des conseils arbitraux parmi les personnes inscrites sur chacune des listes établies, normalement à tour de rôle: paragraphe 111(3) de la Loi; paragraphe 78(1) du Règlement.
[29]Le président et les membres du conseil siègent à temps partiel, généralement dans la région où ils vivent. Ils sont rémunérés et dédommagés de leurs frais conformément à un barème fixé par le Conseil du Trésor: paragraphe 111(4) de la Loi.
[30]L'appel d'une décision de la Commission interjeté devant un conseil arbitral est formulé par écrit, à moins qu'une audience ne soit demandée: articles 79 et 80 du Règlement. Le président décide de la procédure à suivre à l'audience (paragraphe 80(7) du Règlement), sous réserve de l'obligation de donner «à chacune des parties en cause dans un appel la possibilité de présenter ses arguments au sujet de toute affaire dont il est saisi» (paragraphe 83(1) du Règlement).
[31]Les juges-arbitres sont des juges en place ou d'anciens juges qui sont spécialement désignés pour statuer sur les appels interjetés à l'encontre des conseils arbitraux: paragraphes 112(1) et (2) [mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 270] de la Loi. Le gouverneur en conseil peut désigner l'un des juges-arbitres au poste de juge-arbitre en chef pour qu'il supervise l'activité de ces derniers: paragraphes 112(7) [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 81] et (8) de la Loi. Comme les conseils arbitraux, les juges-arbitres siègent à temps partiel.
[32]L'appel interjeté contre la décision d'un conseil arbitral est formulé par écrit devant le juge-arbitre, mais une audience peut être tenue sur demande: articles 85 et 86 du Règlement. La Loi prévoit que les règles de forme relatives à la présentation de la preuve ne s'appliquent pas à ces audiences, qui doivent être tenues d'une façon aussi simple et rapide que le permettent les circonstances et l'équité: article 113 de la Loi.
[33]En résumé, l'expertise des conseils arbitraux et des juges-arbitres est circonscrite par la nature strictement décisionnelle de leurs fonctions dans le cadre de l'administration du système de l'assurance-emploi et par le fait que les conseils et les juges-arbitres exercent ces fonctions à temps partiel de façon ponctuelle: comparer Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, aux pages 584 et 585. D'autre part, les conseils et les juges-arbitres sont indépendants de la Commission et, sur demande, ils doivent rendre leurs décisions dans le cadre d'une audience tenue d'une façon simple mais avec la pleine participation des parties.
[34]Toutefois, la composition différente des deux organismes indique que les domaines d'expertise sont différents. Par conséquent, puisqu'ils sont nommés parmi les personnes désignées par les employeurs et par les assurés, ou par leurs représentants, les membres des conseils arbitraux devraient avoir en matière d'emploi et en ce qui concerne les questions connexes des connaissances qu'ils doivent utiliser lorsqu'ils rendent leurs décisions. La nature représentative et locale des conseils est destinée à conférer un certain degré d'acceptabilité à l'égard des décisions rendues par ceux-ci. Toutefois, les juges-arbitres peuvent combiner l'expertise juridique qu'ils ont acquise par suite de leur expérience judiciaire ainsi qu'une certaine connaissance de ce système législatif particulier.
(ii) La nature des points litigieux
[35]À mon avis, la principale question sur laquelle le conseil arbitral devait statuer en l'espèce est à juste titre définie comme étant une question de fait et de droit parce qu'elle comporte l'application des mots «payable en échange des services rendus» aux faits de l'affaire et, en particulier, à la lettre d'entente énonçant les conditions relatives à la «prime à la signature». Voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 35; et Housen c. Nikolaisen (2002), 211 D.L.R. (4th) 577 (C.S.C.), au paragraphe 26.
[36]Dans l'arrêt Pleau c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration) (1996), 144 D.L.R. (4th) 473 (C.A.F.), aux pages 476 et 477, M. le juge Marceau, J.C.A. a décrit de la même façon comme étant une question de fait et de droit la question de savoir si un paiement forfaitaire doit être considéré comme étant effectué «au titre ou au lieu d'une pension». D'autre part, dans l'arrêt Ostonal, précité, le juge Mahoney a dit (à la page 76) que la détermination d'un paiement résultant «d'une opération» était une question de fait. Toutefois, à mon avis, cet avis a été supplanté par l'analyse que la Cour suprême du Canada a effectuée dans les arrêts Southam et Housen, précités.
[37]Il est cependant possible de dégager deux propositions de droit relativement générales de l'application de la loi aux faits de la présente espèce. En premier lieu, le paragraphe 36(4) du Règlement peut s'appliquer à une somme qui est payable en échange des services déjà rendus en vertu d'un contrat antérieur et vient s'ajouter à la rémunération prévue par ce contrat. Toutefois, comme il en a déjà été fait mention dans ces motifs, l'avocat du défendeur ne conteste pas le bien-fondé de ce principe général: voir les paragraphes 15 à 17.
[38]Un deuxième principe général qui, selon l'avocat du défendeur, est en cause dans la décision du conseil est que l'argent peut être payable «en échange des services rendus», même s'il n'est pas nécessaire qu'un employé ait effectué un nombre minimum d'heures de travail pour y avoir droit. Je souscris à l'avis selon lequel, même si cette proposition n'est pas énoncée en toutes lettres dans les motifs du conseil, il est à juste titre possible de dire qu'elle en fait implicitement partie.
(iii) Rapport entre l'expertise des tribunaux et les questions à trancher
[39]À mon avis, la nature représentative des conseils arbitraux indique que leur domaine d'expertise s'étend au-delà de la simple constatation des faits et peut inclure la détermination de questions de fait et de droit comportant l'application de la législation en matière d'assurance-emploi aux faits d'une affaire donnée. Pour déterminer de quel côté d'une ligne plutôt floue se trouve la désignation de la «prime à la signature», il faut avoir en matière de relations industrielles le genre d'expérience ou de connaissances que de nombreux membres des conseils devraient avoir.
[40]Les conseils arbitraux agissent en fait comme un jury dans la structure administrative du système d'assurance-emploi, quoique comme un jury qui rend ses décisions sans recevoir d'instructions d'un juge sur le droit. La composition tripartite des conseils les aide à rendre leurs décisions acceptables aux parties. Les juges-arbitres connaissent sans doute mieux que la plupart des juges la législation en matière d'assurance-emploi, mais ils tirent leur expertise principale de leur travail judiciaire général et ils devraient faire preuve de réserve à l'égard des aspects d'une décision qui relèvent carrément du «jury» spécialisé.
[41]J'aimerais faire remarquer que dans l'arrêt Pleau, précité, la Cour a rejeté la prétention du demandeur selon laquelle le juge-arbitre n'aurait pas dû modifier la façon dont le conseil arbitral avait qualifié un paiement parce que cela comportait une appréciation de la preuve et qu'elle était donc au coeur des fonctions incombant au conseil. Après avoir conclu avec raison que la question en litige ne portait pas simplement sur les faits, mais qu'il s'agissait plutôt d'une question de fait et de droit, la Cour semble avoir supposé, sans procéder à une analyse pragmatique ou fonctionnelle, que le juge-arbitre pouvait à bon droit examiner la conclusion du conseil selon la norme de la décision correcte. Toutefois, à mon avis, l'arrêt Pleau, précité, ne peut plus être considéré comme faisant autorité en ce qui concerne la question de la norme de contrôle, à la lumière de l'analyse subséquente adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Southam, précité.
[42]L'élément factuel de la tâche qui consiste à appliquer le droit aux faits d'une affaire donnée exige que l'on fasse preuve de réserve à l'égard des conseils arbitraux, mais l'expertise juridique générale des juges-arbitres ainsi que leur connaissance de la législation en matière d'assurance-emploi indiquent que leur interprétation des dispositions législatives pertinentes devrait l'emporter sur celle d'un conseil arbitral, qui est un organisme décisionnel n'incluant pas nécessairement un avocat et siégeant uniquement à temps partiel.
(iv) Le libellé de la loi
[43]Un droit général d'appel des décisions d'un tribunal spécialisé est normalement considéré comme indiquant que le législateur voulait que l'organisme d'appel assujettisse les décisions du tribunal de première instance à un examen plus approfondi que ce ne serait autrement le cas. Toute décision d'un conseil arbitral peut être portée en appel devant un juge-arbitre, mais les moyens d'appel sont, contrairement à ce qui est habituellement le cas, fort stricts: paragraphe 115(2) de la Loi. Ces moyens sont identiques à ceux qu'il était possible d'invoquer pour que la Cour examine les procédures engagées devant les tribunaux administratifs fédéraux en vertu de l'ancien article 28 [maintenant mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8] de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7]. De fait, par suite de l'élargissement des moyens susceptibles de donner lieu à un contrôle judiciaire qui sont maintenant prévus à l'article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5], lesquels sont généralement applicables aux instances engagées devant les deux sections de la Cour fédérale (paragraphe 28(2)), l'étendue du pouvoir d'examen par la Cour des décisions rendues par les juges-arbitres est maintenant plus vaste que dans le cas des décisions des conseils arbitraux susceptibles d'être examinées par les juges-arbitres.
[44]Bref, j'estime que les moyens stricts d'appel prévus au paragraphe 115(2) indiquent que le législateur ne voulait pas que les juges-arbitres examinent selon la norme de la décision correcte les affaires qui ne sont pas purement de nature juridique.
(v) Buts du système législatif
[45]Tout indique que le législateur voulait créer, pour le système de l'assurance-emploi, un régime décisionnel auquel les assurés peuvent facilement avoir accès sans engager les frais que comporte la représentation par un avocat. La procédure devant le conseil arbitral et le juge-arbitre doit être de nature informelle. En outre, une prise de décision rapide est également importante dans le contexte de ce système. Les employés qui en appellent d'une décision défavorable rendue par la Commission au sujet des prestations ont bien souvent des ressources financières restreintes et doivent faire corriger rapidement toute erreur, sans avoir à subir les retards auxquels peuvent donner lieu les nouveaux appels portant sur des questions qui ne sont pas purement de nature juridique. En outre, le législateur ne peut pas avoir voulu que des ressources soient gaspillées par des juges-arbitres qui reprennent le travail effectué par les conseils arbitraux.
[46]À mon avis, cet élément de l'analyse pragmatique ou fonctionnelle indique l'intention du législateur que les juges-arbitres n'infirment pas la décision d'un conseil simplement parce qu'ils ne souscrivent pas à un aspect de la décision qui comporte une question de fait et de droit à l'égard de laquelle ils ne peuvent pas affirmer avoir une expertise supérieure, à moins bien sûr que le conseil n'ait appliqué la loi aux faits d'une façon déraisonnable.
(vi) Conclusion
[47]Compte tenu des facteurs ci-dessus examinés, je conclus que les juges-arbitres devraient faire preuve de résrve lorsqu'ils déterminent si un conseil arbitral a commis une erreur de droit en appliquant la loi aux faits d'une affaire relevant de leur expertise. Toutefois, l'absence d'une clause privative forte, la nature décisionnelle des fonctions du conseil et son manque d'expertise juridique m'amènent à conclure que c'est la norme de contrôle de la décision déraisonnable simpliciter plutôt que celle de la décision manifestement déraisonnable qu'il convient d'appliquer.
[48]D'autre part, les juges-arbitres devraient déterminer si le conseil a correctement tranché les questions d'interprétation de la loi qui se posent au vu de la décision que celui-ci a rendue, ou qui peuvent avec raison être considérées comme ayant implicitement été tranchées dans la décision. Dans ce contexte, il convient de mentionner la remarque que la Cour suprême du Canada a faite dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, précité, aux paragraphes 8 à 10, à savoir qu'il appartient à l'organisme d'appel judiciaire de veiller à ce que le droit pertinent soit appliqué.
Troisième question: S'il est correctement interprété, le paragraphe 36(4) exige-t-il qu'un montant peut uniquement être payé à un employé «en échange des services rendus» si ce montant a un rapport avec le nombre d'heures de travail effectuées? |
[49]Il importe de se rappeler que, selon la lettre d'entente, seuls les employés de GM qui avaient effectué des heures de travail entre le 1er janvier et le 19 octobre 1999 étaient admissibles à la «prime à la signature». Toutefois, l'avocat du défendeur a soutenu qu'en droit, cette restriction ne pouvait pas avoir pour effet d'assujettir la prime au libellé du paragraphe 36(4). Pour que la prime soit considérée comme étant en fait une augmentation de traitement rétroactive, la lettre aurait dû stipuler que seuls les employés qui avaient effectué un nombre minimum prescrit d'heures de travail avaient droit au montant de 1 000 $ et que, s'ils avaient droit à un montant quelconque, les employés qui avaient effectué un moins grand nombre d'heures de travail devaient toucher un montant proportionnellement moins élevé.
[50]Je ne suis pas d'accord. À mon avis, la mesure dans laquelle un montant a un rapport avec le nombre d'heures de travail effectuées est pertinente lorsqu'il s'agit de savoir si ce montant peut être considéré comme étant payable «en échange des services rendus». Toutefois, ce n'est que l'un des facteurs à prendre en considération pour déterminer si une promesse contractuelle particulière de payer une somme précise est visée par le paragraphe 36(4).
[51]Comme l'avocat de M. Budhai l'a signalé dans son argumentation, le paragraphe 36(4) n'exige pas expressément qu'un montant soit payable «en échange des services rendus» uniquement si un employé a effectué un nombre minimum d'heures de travail. En outre, il n'est pas nécessaire d'y voir une telle exigence pour assurer l'efficacité du système. De fait, il existe des motifs valables de ne pas le faire.
[52]Premièrement, laisser entendre que pareille restriction est imposée pourrait causer de graves problèmes pratiques. Ainsi, quel serait le nombre minimum d'heures qu'un employé doit avoir effectuées pour qu'une «prime à la signature» puisse être considérée comme étant payée «en échange des services rendus»? Ce nombre varierait-il selon l'industrie ou l'employeur en cause? Si une «prime à la signature» est offerte aux employés qui ont effectué un moins grand nombre d'heures que le minimum nécessaire, jusqu'à quel point le montant du paiement doit-il être lié au nombre d'heures travaillées par un employé individuel?
[53]Deuxièmement, présumer l'existence, dans le paragraphe 36(4), d'une condition si vague et peut-être variable afin de réduire ou de supprimer les prestations d'emploi auxquelles l'assuré aurait par ailleurs droit irait à l'encontre de la directive de la Cour suprême du Canada voulant que la législation en matière d'assurance-emploi soit interprétée libéralement: Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2, à la page 10; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513, aux pages 536 et 537.
[54]L'avocat du défendeur a également soutenu qu'il faut implicitement présumer, au paragraphe 36(4), qu'un employé doit avoir effectué un nombre minimum d'heures pour empêcher les employeurs et les employés de structurer les conventions de façon à s'assurer que les employés qui touchent des prestations puissent demander une prime sans compromettre le droit que leur reconnaît la Loi.
[55]À mon avis, cette question, bien qu'elle ne soit pas nécessairement farfelue, ne suffit pas pour répondre aux objections susmentionnées lorsqu'il s'agit de présumer l'imposition, au paragraphe 36(4), du genre de restriction proposée par le défendeur. Il n'a pas été allégué que les conditions relatives à la prime à la signature avaient été structurées dans ce cas-ci en vue d'avoir des répercussions sur le plan de l'assurance-emploi.
[56]Quoi qu'il en soit, étant donné que les mobiles liés à la planification fiscale ne sont normalement pas pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer les conséquences fiscales d'une opération (voir Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au paragraphe 21; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, aux paragraphes 38 et 39), j'estime qu'une disposition figurant dans une convention collective devrait avoir l'effet voulu, même si elle a été structurée en vue de permettre aux employés de toucher un paiement contractuel tout en conservant leurs prestations d'emploi. L'avocat du défendeur n'a pas soutenu que la lettre d'entente ici en cause était un trompe-l'oeil.
[57]Par conséquent, le conseil n'a pas commis d'erreur de droit en émettant l'hypothèse selon laquelle le paragraphe 36(4) n'exige pas qu'une entente précise le nombre d'heures de travail qu'un employé doit avoir effectuées pour que le montant promis soit payable «en échange des services rendus» ou qu'elle établisse par ailleurs un lien entre le montant de la prime et le nombre d'heures de travail effectuées par des employés individuels.
Quatrième question: La conclusion du conseil arbitral selon laquelle la «prime à la signature» était payable «en échange des services rendus» était-elle déraisonnable? |
[58]La question que le juge-arbitre aurait dû se poser, mais qu'il ne s'est apparemment pas posée, était de savoir s'il était déraisonnable pour le conseil d'avoir conclu que la «prime à la signature» prévue par cette entente particulière était payable «en échange des services rendus» plus tôt cette année-là. La décision déraisonnable comme norme de contrôle exige que l'on détermine si la décision en cause résiste à «un examen assez poussé», comme l'a dit M. le juge Iacobucci dans l'arrêt Southam Inc., précité, au paragraphe 56. Puisque la Cour est aussi bien placée que le juge-arbitre pour répondre à cette question, elle devrait y répondre plutôt que de prolonger l'affaire en la renvoyant.
[59]En concluant que la «prime à la signature» avait un rapport suffisant avec le travail passé pour être payable «en échange des services rendus», le conseil a noté que seuls les employés qui avaient effectué des heures de travail au cours de cette année-là avaient droit à la prime, et ce, même s'ils étaient mis en disponibilité ou même s'ils étaient en congé de maternité ou avaient pris un congé parental au moment de la ratification de la convention, et ce, indépendamment de la question de savoir s'ils avaient repris leur emploi. Le conseil a également fait remarquer que, parce qu'un employé qui n'avait pas travaillé cette année-là, mais qui avait voté en faveur de la ratification de la convention, ne touchait pas la «prime à la signature», la prime n'était pas payable en tant que contrepartie future.
[60]D'autre part, l'avocat du défendeur a souligné que la «prime à la signature» n'avait aucun rapport avec le nombre d'heures qu'un employé avait effectuées pendant la période pertinente, de sorte qu'une personne qui avait effectué un seul poste de huit heures toucherait la même prime qu'un employé qui avait travaillé à plein temps du mois de janvier jusqu'à la mi-octobre. À cet égard et à certains autres égards, la «prime à la signature» semblait fort différente de l'augmentation de traitement rétroactive prévue dans la convention collective.
[61]De plus, l'avocat a soutenu que la «prime à la signature» n'était pas payable «en échange des services rendus» par les employés de GM parce que ce n'étaient pas tous les employés qui avaient travaillé en 1999 qui y avaient droit, étant donné que la lettre d'entente excluait les employés à l'emploi duquel il avait été mis fin avant la ratification de la convention collective. Enfin, l'avocat a affirmé qu'il importait de noter que la lettre d'entente désigne le montant de 1 000 $ comme étant une «prime à la signature» et non comme un traitement rétroactif et qu'un employé n'y avait pas droit tant que la convention n'était pas ratifiée.
[62]L'avocat de M. Budhai a répondu en disant qu'il serait peut-être injuste qu'un employeur exclue du paiement de la «prime à la signature» les employés qui, à cause d'une maladie, d'une grossesse, d'obligations parentales ou d'une mise en disponibilité, avaient pu effectuer uniquement un nombre relativement peu élevé d'heures pendant la période pertinente. En outre, la promesse de verser un montant forfaitaire à tous les employés qui avaient effectué des heures de travail et à l'emploi desquels il n'avait pas été mis fin était plus facile à administrer pour l'employeur qu'un système dans lequel les paiements étaient liés aux nombres d'heures de travail que les employés individuels avaient de fait effectuées. Par conséquent, on ne pouvait pas dire que ces aspects de la lettre d'entente indiquaient que la «prime à la signature» n'était pas payable «en échange des services rendus». Enfin, l'avocat a soutenu que la façon de désigner la prime était beaucoup moins importante que les conditions y afférentes et que même les «paiements spéciaux», qui étaient clairement payables «en échange des services rendus», devenaient payables uniquement lorsque la convention collective était ratifiée.
[63]Je ne prétends pas que la question dont le conseil arbitral était saisi soit facile. Il est possible de faire une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux qui existaient dans les autres affaires de prime à la signature qui nous ont été mentionnées. En particulier, dans les décisions sur lesquelles le juge-arbitre s'était fondé (notamment, la décision Ostonal, précitée; Unemployment Benefits Commission c. United Steelworkers of America (1994), CUB 27135) pour prétendre que la «prime à la signature» résultait d'une opération, la prime n'était pas limitée aux employés qui avaient effectué des heures de travail pendant la période pertinente. Ces décisions sont donc fort peu utiles au défendeur eu égard aux faits de la présente espèce.
[64]Les positions que les deux parties ont prises dans cette demande ont une force considérable. Toutefois, le défendeur a la charge d'établir qu'il était déraisonnable pour le conseil de conclure que la «prime à la signature» était payable «en échange des services rendus». Le fait qu'il est possible de conclure que les faits se situent d'un côté ou de l'autre de la ligne indique que la décision n'était pas déraisonnable.
[65]À mon avis, pour les motifs que le conseil a prononcés et compte tenu des arguments avancés au nom de M. Budhai, le défendeur n'a pas réussi à me convaincre que la conclusion du conseil, à savoir qu'en l'espèce, la «prime à la signature» était visée par le paragraphe 36(4), était déraisonnable. La conclusion du conseil n'était pas fondée, par exemple, sur une inférence incorrecte qui avait été faite à partir de la preuve ou sur des prémisses incohérentes: Southam Inc., précité, au paragraphe 56. Le fait qu'un autre conseil aurait peut-être considéré la prime d'une façon différente ne démontre pas que la décision du conseil ici en cause soit déraisonnable.
[66]L'avocat de M. Budhai a fait remarquer que toutes les dispositions d'une convention collective visent à encourager son acceptation et dépendent de sa ratification. J'aimerais uniquement ajouter que les conditions auxquelles la «prime à la signature» était payable en l'espèce donnent à entendre qu'elle visait à récompenser les employés pour le travail déjà accompli et à induire ces employés-là à voter en faveur de la ratification de la nouvelle convention collective. La présence de cette dernière intention n'a pas nécessairement pour effet de soustraire la «prime à la signature» à l'application du paragraphe 36(4), à moins peut-être qu'il ne soit possible d'inférer à l'aide des conditions d'une entente et des circonstances y afférentes que telle était l'intention dominante. À mon avis, c'est précisément le genre de question que les conseils arbitraux sont particulièrement aptes à trancher, sous réserve uniquement d'un examen visant à déterminer si la décision était déraisonnable.
F. CONCLUSIONS
[67]Pour ces motifs, j'accueillerais la demande de contrôle judiciaire avec dépens, j'infirmerais la décision du juge-arbitre et je rétablirais la décision du conseil arbitral.
Le juge Linden, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.
Le juge Malone, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.