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Référence :

J.P. c. Canada (Procureur général),

2009 CF 402, [2010] 3 R.C.F. 3

T-20-09

T-20-09

2009 CF 402

J.P. (demandeur)

c.

Canada (Procureur général) (défendeur)

Répertorié : J.P. c. Canada (Procureur général) (C.F.)

Cour fédérale, juge Mosley—Ottawa, 17 mars et 24 avril 2009.

Libération conditionnelle — Contrôle judiciaire de la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de l’admissibilité du demandeur à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la LSCMLC) pour que le calcul soit fondé seulement sur la partie de sa peine à purger sous garde — Le demandeur a été condamné sous le régime de l’art. 42(2)q)(ii) de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA) — La peine comportait 22 mois à purger sous garde et 36 mois de liberté sous condition au sein de la collectivité — Le demandeur a été incarcéré dans un établissement correctionnel provincial pour adultes — Les termes « peine » et « peine d’emprisonnement » définis à l’art. 2(1) de la LSCMLC s’entendent notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la LSJPA — L’expression « peine spécifique », telle qu’elle est employée à l’art. 2(1) de la LSCMLC, ne peut rien signifier d’autre que la période de garde comprise dans la peine du demandeur — La décision de la Commission était donc incompatible avec l’interprétation contextuelle correcte des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC — Le demandeur était un « adolescent » au sens de l’art. 2(1) de la LSJPA qui purgeait une « peine spécifique » dans un établissement pour adultes — Cela lui donnait droit à la mise en liberté sous condition sous le régime de la LSCMLC — Comme la libération conditionnelle est une forme discrétionnaire de mise en liberté sous condition qui permet aux délinquants de purger le reste de leur peine en dehors d’un établissement carcéral, elle ne peut se rapporter à une sanction ou à une partie de sanction qui doit déjà être purgée au sein de la collectivité, telle que la période de liberté sous condition faisant partie de la peine prévue à l’art. 42(2)q)(ii) de la LSJPA — L’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » à l’art. 2(1) de la LSCMLC restreint la portée du terme « peine » à la détention — L’emploi de la charnière « s’entend notamment de » relativement aux peines spécifiques imposées en vertu de la LSJPA a pour effet d’inclure dans la définition la partie carcérale de ces peines, mais pas la partie à purger sous surveillance dans la collectivité — Donc, la définition des termes « peine » et « peine d’emprisonnement » ne comprend pas la partie à purger sous surveillance dans la collectivité — En conséquence, seule la période de garde de 22 mois que comprenait la peine pouvait être considérée — En l’absence d’une décision de maintien sous garde ou de remise sous garde pour le reste de la peine, la compétence de la Commission prend fin au moment où le demandeur n’a plus à être détenu selon les conditions de la période de garde comprise dans sa peine — Par conséquent, la compétence de la Commission expirait à la fin de la période de garde de 22 mois que comprenait la peine spécifique du demandeur — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de l’admissibilité du demandeur à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la LSCMLC). Le demandeur sollicitait une déclaration comme quoi la période sur la base de laquelle peut être déterminée son admissibilité à la libération conditionnelle prend fin à l’expiration de la partie de sa peine à purger sous garde. Il a été condamné sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (la LSJPA) pour un meurtre au deuxième degré commis à l’âge de 14 ans. Il a été condamné à une peine de 7 ans, dont 22 mois à purger sous garde et 36 mois de liberté sous condition au sein de la collectivité. Le demandeur a été incarcéré dans un établissement correctionnel provincial pour adultes conformément au paragraphe 89(1) de la LSJPA. Après avoir demandé la libération conditionnelle, le demandeur a été avisé qu’il serait admissible à la semi-liberté le 17 avril 2009 et à la libération conditionnelle totale le 17 octobre 2009. Il a interjeté appel de cette décision et a demandé un nouveau calcul fondé seulement sur la partie de sa peine à purger sous garde.

Les questions à trancher étaient celles de savoir si les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC désignent, aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle, seulement la période de garde que fixe l’ordonnance de garde et de surveillance sous le régime de la LSJPA, ou bien à la fois la période de garde et la période de surveillance que prévoit cette ordonnance et de savoir à quel moment prend fin la compétence de la Commission à l’égard d’un délinquant qui purge une peine spécifique dans un établissement pour adultes.

Jugement : la demande doit être accueillie.

La LSCMLC, la Loi sur les prisons et les maisons de correction (la LPMC) ainsi que les règlements et autres règles de droit régissant les prisonniers ou les délinquants au sens de ces lois s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement carcéral pour adultes, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la partie 6 de la LSJPA et sous réserve de certaines exceptions. Les termes « peine » et « peine d’emprisonnement » définis au paragraphe 2(1) de la LSCMLC s’entendent notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la LSJPA, définie au paragraphe 2(1) de cette loi. L’article 42 de la LSJPA énumère un certain nombre de « peines spécifiques » que peut prononcer le juge. La « peine spécifique » que prévoit le sous-alinéa 42(2)q)(ii) est une peine unique consistant en deux éléments : un placement sous garde et une mise en liberté sous condition au sein de la collectivité. Selon la méthode contemporaine d’interprétation des dispositions législatives, l’expression « peine spécifique » telle qu’elle est employée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC ne peut rien signifier d’autre que la période de garde comprise dans sa peine. La décision de la Commission était donc incompatible avec l’interprétation contextuelle correcte des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC. Le demandeur était un « adolescent » au sens du paragraphe 2(1) de la LSJPA qui purgeait une « peine spécifique » dans un établissement correctionnel provincial pour adultes. Ce placement lui donnait droit à la mise en liberté sous condition sous le régime de la LSCMLC. La LSJPA dispose qu’il ne doit pas être désavantagé dans le calcul par lequel on déterminera les dates de son admissibilité à la libération sur la base de sa peine.

On peut déduire la signification du terme « peine », pour l’application des articles 119 et 120 de la LSCMLC, d’une interprétation conceptuelle et téléologique du régime des libérations conditionnelles qu’établit cette loi. La libération conditionnelle est une forme discrétionnaire de mise en liberté sous condition qui permet aux délinquants de purger le reste de leur peine en dehors d’un établissement carcéral, sous surveillance et à des conditions déterminées. Par conséquent, la libération conditionnelle ne peut se rapporter à une sanction qui doit déjà être purgée au sein de la collectivité, telle que la période de liberté sous condition faisant partie de la peine prévue au sous-alinéa 42(2)q)(ii). Elle ne peut se rapporter qu’à une peine qui doit être purgée en détention. Qui plus est, la définition que donne la LSCMLC des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » est une indication de l’intention du législateur. L’emploi d’une conjonction marquant l’équivalence et de la charnière « s’entend notamment » dans la même définition paraît appeler une analyse en deux temps. Les deux aspects de la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » doivent être interprétés en harmonie l’un avec l’autre et en tenant compte de l’objet des renvois à d’autres lois. L’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » par la conjonction « ou » restreint la portée du terme « peine » à la détention. L’emploi de la charnière « s’entend notamment de » relativement aux peines spécifiques imposées en vertu de la LSJPA a pour effet d’inclure dans la définition la partie carcérale de ces peines, mais pas la partie à purger sous surveillance dans la collectivité. L’expression « peine spécifique » telle que la définit le paragraphe 2(1) de la LSJPA s’applique à un ensemble de peines très diverses que peuvent prononcer les tribunaux pour adolescents. Les peines spécifiques qui comportent une période de garde comprennent aussi une période non privative de liberté. La mention de la « peine spécifique » dans la définition de « peine » ou « peine d’emprisonnement » que donne la LSCMLC a pour seul objet de faire en sorte que puissent bénéficier des dispositions de cette loi relatives à la mise en liberté sous condition les délinquants qui purgent la période de garde que comporte leur peine spécifique dans un établissement pour adultes. Par conséquent, cette définition doit être comprise comme s’appliquant à la période de garde et non à la période de liberté surveillée.

Le paragraphe 89(3) de la LSJPA dispose expressément que la LSCMLC et la LPMC s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement correctionnel pour adultes, mais il ne ressort pas clairement des dispositions législatives en question que les principes de la justice pour adolescents cessent de s’appliquer à un tel délinquant. Un aspect du régime qui étaye la thèse du défendeur selon laquelle le législateur voulait que la Commission conserve la compétence jusqu’à la fin de la période est que la période de garde comprise dans la peine peut, dans des cas exceptionnels, être prolongée jusqu’à « la date d’expiration du mandat de dépôt ». Dans un tel cas, le délinquant continuerait d’être détenu dans un établissement correctionnel pour adultes et resterait ainsi sous le régime de la LSCMLC et la compétence de la Commission. En l’absence d’une décision de maintien sous garde ou de remise sous garde pour le reste de la peine, la compétence de la Commission prend fin au moment où le demandeur n’a plus à être détenu selon les conditions de la période de garde comprise dans sa peine.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 742.1 (édicté par L.C. 1992, ch. 11, art. 16; 2007, ch. 12, art. 1).

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 2(1) « peine » ou « peine d’emprisonnement » (édicté par L.C. 1995, ch. 42, art. 1; 2004, ch. 21, art. 39), 107 (mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, ch. 42, art. 28(A), 70(A), 71(F); 2000, ch. 24, art. 36; 2004, ch. 21, art 40), 119 (mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, 18; 1997, ch. 17, art. 20; 2000, ch. 24, art. 37), 120 (mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, ch. 42, art. 34; 2000, ch. 24, art. 38).

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 2(1) « adolescent », « lieu de garde », « peine spécifique », 38, 42, 56(5), 83, 89, 92, 93, 94(1), 98, 102, 104.

Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21, art. 2 « délinquant canadien », 23, 24, 25, 26, 27.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(4)c) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), ch. Y-1.

Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. (1985), ch. P-20, art. 6 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 35, art. 32; L.C. 1995, ch. 42, art. 82; 2002, ch. 1, art. 197).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500.

décisions examinées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Dixon c. Canada (Procureur général), 2008 CF 889, [2009] 2 R.C.F. 397; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61; Sychuk c. Canada (Procureur général), 2009 CF 105; Hrushka c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 69; R. v. K.(C.) (2008), 233 C.C.C. (3d) 194 (C.J. Ont.).

décisions citées :

MacDonald c. Canada (Procureur général), 2008 CF 796; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; R. v. C.W.W., 2005 ABPC 214, 388 A.R. 170, 71 W.C.B. (2d) 636; R. v. S.J.L., 2005 BCSC 177; R. v. C. (D.L.) (2003), 13 C.R. (6th) 329 (C.P. T.-N.-L.); Ewing v. Mission Institution (1994), 92 C.C.C. (3d) 484 (C.A.C.-B.).

DOCTRINE CITÉE

Canada. Sécurité publique et Protection civile. Le calcul des peines : Guide pour les juges, les avocats et les responsables correctionnels, 3e éd. Ottawa : Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2005, en ligne : <http://www.publicsafety.gc.ca/res/cor/rep/_fl/ 2005-sntnce-hndbk-fra.pdf>.

Driedger, Elmer A. The Construction of Statutes. Toronto : Butterworths, 1974.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de l’admissibilité du demandeur à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Garth Barriere et Christopher P. Hardcastle pour le demandeur.

Liliane Y. Bantourakis et Curtis S. Workun pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Garth Barriere, Vancouver, et Hardcastle Law Office, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1] Le juge Mosley : Le demandeur est un délinquant de 24 ans qui purge une peine spécifique (c’est-à-dire une peine d’adolescent) au Centre correctionnel régional de l’île de Vancouver, établissement provincial pour adultes situé à Victoria (Colombie-Britannique). Il a été rendu une ordonnance autorisant le dépôt de la présente demande sous les initiales « J.P. » aux fins de protection de l’identité du demandeur. J.P. demande le contrôle judiciaire de la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de son admissibilité à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC), ainsi qu’une déclaration comme quoi la période sur la base de laquelle peut être déterminée son admissibilité à la libération conditionnelle prend fin à l’expiration de la partie de sa peine à purger sous garde.

Les faits

[2] J.P. a été condamné le 7 mars 2008 sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1 (la LSJPA) pour un meurtre au deuxième degré commis à l’âge de 14 ans. Le tribunal pour adolescents l’a condamné à une peine de sept ans, dont 22 mois à purger sous garde et 36 mois de liberté sous condition au sein de la collectivité, prenant en compte le temps qu’il avait passé en détention avant le prononcé de la sentence. Étant donné l’âge qu’il avait atteint au moment où sa peine a été prononcée, J.P. a été incarcéré dans un établissement correctionnel provincial pour adultes conformément au paragraphe 89(1) de la LSJPA.

[3] Le demandeur a d’abord été placé au Centre correctionnel de Maple Ridge dans la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique. Il a été transféré au Centre correctionnel régional de l’île de Vancouver en juillet 2008 et a demandé sa libération conditionnelle peu après. Par lettre en date du 22 août 2008, le demandeur a été avisé qu’il serait admissible à la semi-liberté le 17 avril 2009 et à la libération conditionnelle totale le 17 octobre de la même année. Il a exercé un recours contre cette décision et demandé un nouveau calcul fondé seulement sur la partie de sa peine à purger sous garde. La Commission l’a informé par lettre en date du 3 octobre 2008 qu’elle maintenait sa décision et qu’elle avait fixé les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle suivant un calcul conforme à la LSCMLC.

[4] L’avocat de J.P. a alors adressé à la Commission une lettre lui demandant encore une fois une nouvelle détermination de ses dates d’admissibilité à la libération conditionnelle, fondée seulement sur la partie de sa peine à purger sous garde. Le demandeur a été avisé par lettre en date du 9 décembre 2008 que ses dates d’admissibilité à la libération conditionnelle ne seraient pas changées. Il a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision le 7 janvier 2009.

[5] Après l’audience de la présente demande, tenue le 17 mars 2009, J.P. a comparu devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour un examen obligatoire de sa peine sous le régime du paragraphe 94(1) de la LSJPA. Le 27 mars 2009, le juge Grist, chargé de la détermination de la peine, a confirmé la peine spécifique déjà prononcée contre le demandeur et a fixé les conditions applicables à sa période de liberté sous condition au sein de la collectivité.

[6] Le demandeur a présenté le 8 janvier 2009 une demande de mise en semi-liberté qui a été accueillie par anticipation. Comme mentionné précédemment, sa date d’admissibilité à la semi-liberté, selon le calcul de la Commission, était le 17 avril 2009. La présente affaire revêt donc, au moins en partie, un caractère théorique. Comme il est expliqué dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, le principe du caractère théorique s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige ayant, ou pouvant avoir, des conséquences sur les droits des parties. Lorsqu’il ne reste plus de litige actuel entre les parties, la décision du tribunal sur les questions contestées peut se révéler purement spéculative. La règle générale est que le tribunal doit refuser de décider une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite; cependant, il peut exercer son pouvoir discrétionnaire de s’écarter de cette règle : Borowski, à la page 353. Dans la présente espèce, les parties m’ont demandé d’examiner les questions en litige, même si elles sont entièrement ou partiellement théoriques. En conséquence, j’exercerai mon pouvoir discrétionnaire d’examiner l’affaire au fond.

Les questions en litige

[7] Les questions à trancher dans la présente espèce peuvent se formuler comme suit :

a. Les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC désignent-ils, aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle, seulement la période de garde que fixe l’ordonnance de garde et de surveillance prononcée sous le régime de la LSJPA, ou bien à la fois la période de garde et la période de surveillance que prévoit cette ordonnance?

b. À quel moment prend fin la compétence de la Commission à l’égard d’un délinquant qui purge une peine spécifique dans un établissement pour adultes?

Les dispositions applicables

 [8] Un grand nombre de dispositions de la LSJPA et de la LSCMLC, ainsi que certaines dispositions du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, sont pertinentes pour la présente espèce. On les trouvera reproduites en annexe.

Exposé et analyse des moyens des parties

La norme de contrôle

[9] La Cour suprême du Canada a posé en principe dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse pour arrêter la norme de contrôle applicable lorsque la jurisprudence a déjà établi de manière satisfaisante le degré de retenue à exercer relativement à une catégorie déterminée de questions : MacDonald c. Canada (Procureur général), 2008 CF 796, au paragraphe 14.

[10] Dans la présente espèce, la décision contrôlée se rapporte à l’interprétation par la Commission des dispositions de la LSCMLC concernant l’admissibilité à la libération conditionnelle. Or il est de jurisprudence constante que les questions d’interprétation des lois sont des questions de droit, qui commandent l’application de la norme de la décision correcte. Le juge Russell Zinn a exprimé ce point de vue avec justesse au paragraphe 10 des motifs de la décision Dixon c. Canada (Procureur général), 2008 CF 889, [2009] 2 R.C.F. 397 :

Une question mettant en jeu l’interprétation de dispositions législatives est une question de droit. La norme applicable au contrôle des décisions attaquées sur le fondement de l’interprétation d’une loi est la norme de la décision correcte. La Commission ne possède pas à cet égard de connaissances plus grandes ou plus spéciales que notre Cour. La juge Snider a conclu dans Latham c. Canada, 2006 CF 284, que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à une décision de la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles mettant en jeu l’interprétation de dispositions législatives est la norme de la décision correcte. À mon avis, les décisions de la Commission qui mettent en jeu une telle interprétation relèvent aussi de la norme de la décision correcte. La valeur de la décision de la Commission attaquée dans la présente espèce repose entièrement sur la justesse de l’interprétation qu’elle suppose des dispositions applicables de la Loi et du Règlement. L’interprétation de ces dispositions par la Commission doit donc être correcte.

[11] La Cour suprême du Canada a récemment eu l’occasion — dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 — de reprendre cette question dans le cadre de l’examen de l’effet de l’arrêt Dunsmuir sur l’interprétation de l’alinéa 18.1(4)c) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)]. Cet alinéa dispose que la Cour fédérale peut prendre des mesures correctives en réponse à une demande de contrôle judiciaire si elle est convaincue que l’office fédéral en cause « a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier ».

[12] La Cour suprême du Canada fait observer au paragraphe 44 de l’arrêt Khosa que, malgré l’opinion générale voulant que les erreurs de droit ressortissent à la norme de la décision correcte, « [s]elon l’arrêt Dunsmuir (au par. 54), un décideur spécialisé ne commet pas d’erreur de droit justifiant une intervention si son interprétation de sa loi constitutive ou d’une loi étroitement liée est raisonnable. »

[13] Le paragraphe 54 de l’opinion majoritaire de l’arrêt Dunsmuir est rédigé comme suit :

La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l’application de la norme de la raisonnabilité. Lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise : Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 48; Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, par. 39. Elle peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 72. L’arbitrage en droit du travail demeure un domaine où cette approche se révèle particulièrement indiquée. La jurisprudence a considérablement évolué depuis l’arrêt McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517, et la Cour s’est dissociée de la position stricte qu’elle y avait adoptée. Dans cette affaire, la Cour avait statué que l’interprétation, par un décideur administratif, d’une autre loi que celle qui le constitue est toujours susceptible d’annulation par voie de contrôle judiciaire.

[14] Selon la Cour suprême, ce réexamen de la manière d’envisager le contrôle judiciaire a, pour citer encore une fois le paragraphe 44 de l’arrêt Khosa, l’effet suivant :

[…] la common law empêchera les juges d’intervenir dans certains cas, lorsqu’un organisme administratif spécialisé interprète sa loi constitutive ou une loi intimement liée à celle-ci. Cette nuance n’apparaît pas à la simple lecture de l’al. c), mais c’est le principe de common law qui doit guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au par. 18.1(4). Encore une fois, le libellé général de la Loi sur les Cours fédérales est complété par la common law.

[15] En l’occurrence, la Commission a interprété sa « loi constitutive » (la LSCMLC) et une loi liée à celle-ci (la LSJPA), mais les questions en litige dans la présente instance ne se posent pas dans le cadre du régime administratif habituel de la Commission concernant l’octroi de la libération conditionnelle aux délinquants adultes. Dans le contexte particulier où la présente demande a été formée, je n’ai aucune raison de croire que la Commission possède un degré plus élevé d’expertise que la Cour touchant l’interprétation des rapports entre les deux lois susdites. Les questions de droit qui se posent dans la présente espèce peuvent être considérées comme importantes pour le système de justice pour les adolescents et extérieures à l’expertise de la Commission. En conséquence, je suis convaincu que la décision de cette dernière ne commande pas de retenue judiciaire et que je dois me demander si elle a interprété correctement les dispositions législatives applicables en fixant les dates d’admissibilité de J.P. à la libération conditionnelle.

Première question : Les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC désignent-ils, aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle, seulement la période de garde que fixe l’ordonnance de garde et de surveillance prononcée sous le régime de la LSJPA, ou bien à la fois la période de garde et la période de surveillance que prévoit cette ordonnance?

Les moyens du demandeur

[16] Le demandeur soutient que le calcul de la Commission va à l’encontre de l’intention et des objectifs du législateur concernant le système de justice pénale pour les adolescents en ce qu’il accroît l’importance de la garde dans l’équation et désavantage les délinquants qui purgent des peines spécifiques dans des établissements pour adultes. L’alinéa 83(2)e) de la LSJPA porte en effet expressément que le placement des adolescents dans des établissements pour adultes ne doit pas les désavantager en ce qui concerne leur admissibilité à la libération et les conditions afférentes. Le demandeur soutient que sa sentence spécifique ne se distingue pas conceptuellement d’une sentence pour adulte comprenant une partie à purger sous garde et une partie subséquente non privative de liberté, par exemple une période de probation ou de surveillance de longue durée. Or pour les délinquants adultes, ces périodes de surveillance à purger au sein de la collectivité ne sont pas comprises dans le calcul par lequel on fixe les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle sous le régime de la LSCMLC. Par conséquent, conclut le demandeur, la Commission a commis une erreur en se fondant sur une formule différente pour fixer les dates de sa propre admissibilité à la libération conditionnelle.

[17] Le demandeur soutient aussi que la prise en compte de la partie non privative de liberté d’une peine dans le calcul visant à fixer les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle est incompatible avec le régime général de la libération conditionnelle que définit la LSCMLC. La libération conditionnelle est une forme de mise en liberté sous condition qui permet à certains délinquants de purger le reste de leur peine en dehors d’un établissement carcéral. Par conséquent, fait valoir le demandeur, l’admissibilité à la libération conditionnelle ne peut être déterminée que sur la base de la partie de la peine à purger sous garde.

[18] Le demandeur invoque l’arrêt R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, où la Cour suprême du Canada pose en principe que le délinquant condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis n’est pas admissible à la libération conditionnelle pendant qu’il purge sa peine au sein de la collectivité. Si la libération conditionnelle, raisonne le demandeur, ne peut s’octroyer sur la base d’une peine avec sursis pour adultes, laquelle est définie comme un « emprisonnement » à l’article 742.1 [édicté par L.C. 1992, ch. 11, art. 16; 2007, ch. 12, art. 1] du Code criminel, la période de surveillance au sein de la collectivité d’une peine spécifique, qui par définition n’est pas un emprisonnement, ne peut à plus forte raison être prise en compte dans le calcul visant à déterminer les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle.

[19] En outre, affirme le demandeur, la calcul de la Commission est fondé sur une interprétation erronée des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC. La Commission interprète à tort la définition de ces termes comme comprenant à la fois la période de garde et la période non privative de liberté d’une « peine spécifique » entendue au sens de la LSJPA, plus précisément au sens de son sous-alinéa 42(2)q)(ii). La manière contemporaine d’envisager l’interprétation des lois, telle que défini dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, exige l’application d’une méthode contextuelle, fait valoir le demandeur. Il invoque les paragraphes 89(1) et 89(3) de la LSJPA à l’appui de sa thèse. On trouve respectivement dans ces deux paragraphes les expressions « purger sa peine » [non souligné dans l’original] et « qui purge sa peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes » [non souligné dans l’original]. Or, raisonne le demandeur, l’adolescent ne peut « purger » rien d’autre dans un établissement pour adultes que la période de garde comprise dans sa peine.

[20] Enfin, le demandeur fait valoir que si la Cour dégage deux interprétations également plausibles, elle doit retenir celle qui se révèle la plus compatible avec la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. Or, en l’occurrence, affirme le demandeur, l’interprétation de la Commission établit une discrimination contre lui, le désavantage et va à l’encontre des objets et des principes du système de justice pénale pour les adolescents.

Les moyens du défendeur

[21] Le défendeur soutient que les dispositions applicables définissent clairement et sans ambiguïté la « peine » ou la « peine d’emprisonnement » aux fins de la détermination des dates d’admissibilité à la libération conditionnelle, et que leur texte infirme l’interprétation du demandeur.

[22] L’inclusion du membre de phrase « d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents » dans la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » [au paragraphe 2(1) (édicté par L.C. 1995, ch. 42, art. 1; 2004, ch. 21, art. 39)] que donne la LSCMLC est une modification corrélative ou accessoire rendue nécessaire par l’adoption de la LSJPA. Celle-ci prévoit l’incarcération ou le transfert des adolescents dans des établissements correctionnels pour adultes en certains cas. N’étaient les dispositions en question, à savoir celles des articles 89, 92 et 93 de la LSJPA, la mention de la « peine spécifique » dans la LSCMLC serait inutile selon le défendeur.

[23] Toujours suivant le défendeur, le demandeur a mal interprété la définition claire et non équivoque des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » que donne la LSCMLC et demande en fait à la Cour d’écarter une partie de cette définition. La « peine spécifique », selon la LSJPA, comprend les sanctions prononcées sous le régime de son article 42. Or le demandeur a été condamné, sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii), à une peine de sept ans consistant en une mesure de placement sous garde et en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité. Le défendeur soutient que la période de garde et la période de surveillance au sein de la collectivité que prévoit l’ordonnance prononcée sous le régime de la LSJPA constituent ensemble une seule peine selon la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC, et il cite des précédents suivant lesquels le terme « peine » tel qu’il est employé dans la LSJPA désigne à la fois la période de garde et la période de surveillance au sein de la collectivité : R. v. C.W.W., 2005 ABPC 214, 388 A.R. 170; R. v. S.J.L., 2005 BCSC 177; et R. v. C. (D.L.) (2003), 13 C.R. (6th) 329 (C.P.T.-N.-L.).

[24] En outre, poursuit le défendeur, le jeune délinquant qui purge une peine spécifique dans un établissement pour adultes n’est pas désavantagé par rapport au délinquant qui purge une peine d’adulte pour la même infraction dans un tel établissement. Il est artificiel de comparer les deux peines, étant donné que la peine applicable aux adultes pour le meurtre au deuxième degré est l’emprisonnement à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle après dix ans, tandis que la peine spécifique qui sanctionne le même crime sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) est une peine de sept ans consistant en une période à purger sous garde et en une période de liberté sous condition au sein de la collectivité. Le délinquant ayant à purger une « peine d’adulte » de 58 mois ne recevrait pas un traitement plus favorable que le demandeur pour ce qui concerne la fixation des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle sous le régime des articles 119 [mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, 18; 1997, ch. 17, art. 20; 2000, ch. 24, art. 37] et 120 [mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, ch. 42, art. 34; 2000, ch. 24, art. 38] de la LSCMLC. Ces dispositions s’appliquent également aux deux types de peines, et, dans les deux cas, les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle sont déterminées sur la base de la durée totale de la peine, soit 58 mois.

[25] Le défendeur fait en outre valoir que le demandeur a confondu les concepts distincts du droit à la libération (c’est-à-dire la réduction méritée de peine) et de la libération discrétionnaire (c’est-à-dire la mise en liberté sous condition, qui comprend la semi-liberté et la libération conditionnelle totale). Les délinquants condamnés à une peine de durée déterminée doivent en purger au moins les deux tiers avant d’avoir droit à la libération. Ce droit peut prendre plusieurs formes. Sous le régime de la LSCMLC, le délinquant qui purge une peine de durée déterminée a le droit d’être libéré après avoir purgé en détention au moins les deux tiers de sa peine. Dans le système correctionnel provincial, le même principe revêt la forme de la libération anticipée fondée sur une réduction de peine (article 6 [mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 82; 2002, ch. 1, art. 197] de la Loi sur les prisons et les maisons de correction [L.R.C. (1985), ch. P-20]). Le délinquant adulte qui purge une peine inférieure à deux ans peut mériter une réduction à raison de 15 jours pour chaque mois purgé en détention. La réduction ne peut dépasser le tiers de la peine, de sorte que le délinquant ne peut avoir droit à la libération qu’après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Le défendeur fait valoir que la partie de la peine qui reste après l’ouverture du droit à la libération n’est pas exclue aux fins de la fixation des dates d’admissibilité à la libération conditionnelle.

[26] Enfin, le défendeur conteste le moyen du demandeur selon lequel sa peine spécifique ne se distinguerait pas conceptuellement d’une peine d’adulte comprenant une période de garde et une période non privative de liberté, par exemple de probation ou de surveillance de longue durée. Selon le défendeur, la définition de la « peine » ou de la « peine d’emprisonnement », aux fins de la fixation des dates d’admissibilité à la libération conditionnelle, ne comprend ni une ordonnance de probation ni une ordonnance de surveillance de longue durée. Les ordonnances de cette nature sont des sanctions additionnelles, qui peuvent être ajoutées à une peine d’emprisonnement, alors que la peine que prévoit le sous-alinéa 42(2)q)(ii) est une peine obligatoire pour le meurtre au deuxième degré. Il s’agit d’une peine unique consistant en une ordonnance de garde et en une ordonnance de surveillance, qui ne donne pas lieu à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’imposer la garde sans surveillance ou la surveillance sans garde. Qui plus est, ajoute le défendeur, le paragraphe 56(5) de la LSJPA spécifie que la probation est une sanction distincte qui devient exécutoire à la date d’expiration de la surveillance lorsque l’adolescent a été condamné à une peine comportant le placement sous garde de façon continue et la surveillance. Par conséquent, la probation ne fait pas partie de la « peine spécifique » aux fins de la fixation des dates d’admissibilité à la libération conditionnelle — mais la période de surveillance qui suit la période de garde, elle, en fait bel et bien partie.

Analyse

[27] La LSJPA a remplacé la Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), ch. Y-1 (la LJC), le 1er avril 2003, et elle a entraîné des modifications corrélatives à la LSCMLC et à la Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. (1985), ch. P-20 (la LPMC). Le législateur a adopté la LSJPA en réponse aux inquiétudes touchant les pratiques d’inculpation, de poursuite et de détermination des peines — en particulier la place trop importante prise par les peines comportant la garde — qu’avait fait naître le régime de la LJC. La partie 4 [art. 38 à 82] de la LSJPA définit l’objet de la détermination des peines spécifiques, expose les facteurs et les principes à prendre en considération par le tribunal qui prononce une telle peine, crée de nouvelles peines spécifiques, fixe les conditions auxquelles est subordonnée l’infliction de peines comportant la garde et prévoit l’inclusion d’une période de surveillance dans toutes les peines de cette dernière nature.

[28] La LSJPA dispose que l’assujettissement de l’adolescent aux peines prévues a pour objectif de faire répondre celui-ci de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public (article 38). Une sanction juste sous le régime de la LSJPA est une sanction conforme aux principes de détermination de la peine que définit son paragraphe 38(2).

[29] Dans le cas où il déclare un adolescent coupable de meurtre au second degré, le tribunal le condamne à une peine maximale de sept ans consistant en une mesure de placement sous garde pour une période maximale de quatre ans, sous réserve du paragraphe 104(1), et en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité (sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA). La durée de sept ans est fixe et la période de surveillance est un élément obligatoire de la peine, mais la façon dont sont purgées la période de garde et la période non privative de liberté peut varier. Par exemple, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent commettra vraisemblablement, avant l’expiration de sa peine, une infraction causant la mort ou un dommage grave à autrui, le tribunal pour adolescents peut ordonner son maintien sous garde pour une période n’excédant pas le reste de sa peine totale (article 104 de la LSJPA).

[30] Dans la présente espèce, le demandeur a été inculpé de meurtre au deuxième degré et condamné sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA à une peine de sept ans consistant en une période de garde de 22 mois et en une période de liberté sous condition au sein de la collectivité de 36 mois. Comme le demandeur avait plus de 20 ans au moment où sa peine a été prononcée, il a dû être incarcéré dans un établissement correctionnel provincial pour adultes pour y purger la période de garde de sa peine spécifique, conformément au paragraphe 89(1) de la LSJPA.

[31] La LSCMLC, la LPMC, ainsi que les règlements et autres règles de droit régissant les prisonniers ou les délinquants au sens de ces lois, s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement carcéral pour adultes, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la partie 6 [art. 110 à 129] de la LSJPA (paragraphe 89(3) de la LSJPA) et sous réserve de certaines exceptions. Ces exceptions sont définies dans un guide du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile intitulé Le calcul des peines : Guide pour les juges, les avocats et les responsables correctionnels (à la page 60) :

Les règles applicables aux peines pour adultes régissent l’administration et le calcul de la peine sous réserve des exceptions énumérées ci-après. Ainsi, les règles concernant les examens par le tribunal pour adolescents ne s’appliquent pas à ces peines, parce que les examens en vue d’une libération conditionnelle sont disponibles dans le cadre du système pour adultes. Toutefois, les dispositions de la LSJPA qui stipulent que l’adolescent doit être libéré sous surveillance dans la collectivité et nécessitant une demande de maintien du placement sous garde de l’adolescent en vertu des articles 98 et 104 continuent de s’appliquer aux délinquants qui sont transférés dans des établissements correctionnels provinciaux pour adultes conformément aux articles 89, 92 ou 93. (Voir l’article 197 de la LSJPA, qui ajoute le paragraphe 6(7.3) à la Loi sur les prisons et les maisons de correction.) Cela permet de mettre à exécution une ordonnance de placement sous garde et de surveillance après la mise en liberté du délinquant à la suite d’une réduction de peine. Cela permet également de prolonger la garde après la date de libération conformément aux paragraphes 6(7.1) et (7.2) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction – date de libération réduite ou date de libération établie conformément aux alinéas 42(2)o), q) ou r). [Note en bas de page omise.]

Ce manuel ne fait pas partie du dossier du tribunal déposé devant moi, mais c’est un document public qui donne des indications utiles. Dans une décision récente de notre Cour, soit Sychuk c. Canada (Procureur général), 2009 CF 105, le juge François Lemieux s’est inspiré dans son analyse d’un guide de politique de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il formulait les observations suivantes au paragraphe 11 de cette décision :

Il est de jurisprudence constante que, tout comme les directives, les manuels de politiques n’ont pas force de loi et ne lient donc pas les autorités chargées de prendre des décisions. La Cour suprême du Canada a toutefois reconnu, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), au paragraphe 72, que les directives fournissent des indications utiles et le fait que la décision était contraire aux directives « est d’une grande utilité pour évaluer si la décision constituait un exercice déraisonnable du pouvoir ».

[32] C’est la partie II [art. 99 à 156] de la LSCMLC qui régit la mise en liberté sous condition, la liberté surveillée et la surveillance de longue durée des délinquants qui purgent leur peine dans un établissement pour adultes. La libération conditionnelle fait l’objet des articles 119 et 120 de cette Loi. La partie qui nous concerne du dispositif de ces articles est libellée comme suit :

119. (1) Sous réserve de l’article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la semi-liberté est :

[…]

c) dans le cas du délinquant qui purge une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à deux ans, à l’exclusion des peines visées aux alinéas a) et b), six mois ou, si elle est plus longue, la période qui se termine six mois avant la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale;

[…]

120. (1) Sous réserve des articles 746.1 et 761 du Code criminel et de toute ordonnance rendue en vertu de l’article 743.6 de cette loi, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et de toute ordonnance rendue en vertu de l’article 140.4 de cette loi, et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle totale est d’un tiers de la peine à concurrence de sept ans. [Je souligne.]

[33] Pour être admissible à la libération conditionnelle totale, le délinquant doit avoir purgé le tiers de sa peine à concurrence de sept ans. Quant à la semi-liberté, le délinquant y devient admissible après avoir purgé six mois ou, si elle est plus longue, la période qui se termine six mois avant la date de son admissibilité à la libération conditionnelle totale. L’admissibilité à la semi-liberté dépend donc nécessairement de l’admissibilité à la libération conditionnelle totale.

[34] La réponse à la question en litige dépend de l’interprétation à donner au terme « peine » pour l’application de ces dispositions. Selon le demandeur, seule la période de garde de 22 mois que comprend sa peine peut être considérée comme « la peine » aux fins de la fixation des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle. Le défendeur soutient quant à lui que l’admissibilité à la libération conditionnelle est fondée sur la durée totale de la peine prononcée, qui dans le cas du demandeur est de 58 mois.

[35] À première vue, on peut trancher cette question en interprétant les dispositions applicables suivant le sens ordinaire et grammatical de leurs termes. La LSCMLC porte la définition suivante des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » :

2. (1) […]

« peine » ou « peine d’emprisonnement » S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’une peine d’emprisonnement imposée par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

[36] Ainsi, la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » que donne la LSCMLC comprend « une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ». Or l’expression « peine spécifique » se définit sous le régime de la LSJPA comme étant « [t]oute peine visée aux articles 42, 51, 59 ou 94 à 96 ou confirmation ou modification d’une telle peine » (paragraphe 2(1) de la LSJPA).

[37] L’article 42 de la LSJPA énumère un certain nombre de sanctions ou « peines spécifiques » que peut prononcer le juge. La « peine spécifique » que prévoit le sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA est une peine unique consistant en deux éléments :

42. (2) […]

(ii) dans le cas d’un meurtre au deuxième degré, d’une peine maximale de sept ans consistant, d’une part, en une mesure de placement sous garde, exécutée de façon continue, pour une période maximale de quatre ans à compter de sa mise à exécution, sous réserve du paragraphe 104(1) (prolongation de la garde), et, d’autre part, en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité conformément à l’article 105. [Non souligné dans l’original.]

[38] On peut donc conclure d’une lecture littérale de ces dispositions que la période de garde et la période de liberté sous condition au sein de la collectivité forment la « peine spécifique » totale définie au paragraphe 2(1) de la LSJPA, laquelle peine spécifique entre dans la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » que porte la LSCMLC.

[39] Cependant, la tâche d’interprétation législative n’est pas achevée si n’a été pris en considération que le libellé des dispositions en question. Il convient en effet d’appliquer la maxime souvent citée de Driedger selon laquelle [traduction] « il faut lire les termes d’une Loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur » (Elmer A. Driedger, The Construction of Statutes, Toronto : Butterworths, 1974, à la page 67).

[40] Le demandeur soutient que, si l’on se fonde sur la méthode contemporaine d’interprétation des dispositions législatives qui est exposée dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, l’expression « peine spécifique » telle qu’elle est employée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC ne peut rien signifier d’autre que la période de garde comprise dans sa peine. Je souscris à ce moyen. La décision de la Commission est donc incompatible avec l’interprétation contextuelle correcte des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de la LSCMLC.

[41] La LSJPA dispose expressément que le placement qui vise à traiter les adolescents comme des adultes ne doit pas les désavantager en ce qui concerne leur admissibilité à la libération conditionnelle et les conditions afférentes (alinéa 83(2)e) de la LSJPA). Le terme « adolescent » tel qu’il est défini au paragraphe 2(1) de la LSJPA désigne toute personne accusée sous le régime de cette Loi d’avoir commis une infraction entre les âges de 12 et de 18 ans. Le demandeur à la présente instance est un « adolescent » qui purge une « peine spécifique » dans un établissement correctionnel provincial pour adultes. Ce placement lui donne droit à la mise en liberté sous condition sous le régime de la LSCMLC, et la LSJPA dispose qu’il ne doit pas être désavantagé dans le calcul par lequel on déterminera les dates de son admissibilité à la libération sur la base de sa peine.

[42] On peut déduire la signification du terme « peine », pour l’application des articles 119 et 120 de la LSCMLC, d’une interprétation conceptuelle et téléologique du régime des libérations conditionnelles qu’établit cette Loi. La libération conditionnelle est une forme discrétionnaire de mise en liberté sous condition qui permet aux délinquants de purger le reste de leur peine en dehors d’un établissement carcéral, sous surveillance et à des conditions déterminées. Sur son site Web, la Commission définit la libération conditionnelle comme « un pont soigneusement construit entre la vie en milieu carcéral et la vie en société » (http://www.npb-cnlc.gc.ca/parle/parle-fra.shtml). Comme la libération conditionnelle est une mesure discrétionnaire permettant aux délinquants de purger le reste de leur peine en dehors du milieu carcéral, elle ne peut se rapporter à une sanction ou à une partie de sanction qui doit déjà être purgée au sein de la collectivité, telle que la période de liberté sous condition faisant partie de la peine prévue au sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA.

[43] Le demandeur cite dans ses conclusions un arrêt de la Cour suprême du Canada — R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500 —, dont le passage suivant du paragraphe 62 est particulièrement instructif aux fins de la présente analyse :

Bref, l’histoire, la structure et les pratiques actuelles du système de liberté sous condition indiquent collectivement que l’octroi de la libération conditionnelle représente une modification des conditions [souligné dans l’original] aux termes desquelles la peine imposée par le tribunal doit être purgée plutôt qu’une réduction [souligné dans l’original] de la peine elle-même. Il va sans dire que le délinquant jouit d’une liberté et d’une latitude plus grandes lorsque les conditions de sa peine passent de l’incarcération à la libération conditionnelle totale. [Non souligné dans l’original.]

Cet extrait fait ressortir la fonction de « pont » que remplit la libération conditionnelle. Ce pont est jeté entre la vie carcérale et la vie plus libre au sein de la collectivité. Par conséquent, la libération conditionnelle ne peut se rapporter qu’à une peine, ou à une partie de peine, qui doit être purgée en détention.

[44] En outre, la définition que donne la LSCMLC des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » est une indication de l’intention du législateur :

2. (1) […]

« peine » ou « peine d’emprisonnement » S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’une peine d’emprisonnement imposée par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. [Je souligne.]

[45] L’emploi d’une conjonction marquant l’équivalence et de la charnière « s’entend notamment » dans la même définition paraît appeler une analyse en deux temps. Les observations formulées par la juge Dolores Hansen dans la décision Hrushka c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 69, se révèlent utiles dans ce contexte (au paragraphe 16) :

Comme il est indiqué dans l’ouvrage Sullivan and Drieger on the Construction of Statutes […] il existe deux types de définitions dans les lois, les définitions exhaustives et celles qui ne le sont pas. Les définitions exhaustives se font généralement sans l’emploi d’une charnière ou avec l’emploi d’une charnière comme « s’entend de » et leur objet est le suivant : [traduction] « clarifier un terme vague ou ambigu, restreindre la portée d’un terme ou d’une expression, s’assurer que la portée d’un terme ou d’une expression n’est pas restreinte, et créer une abréviation ou toute autre forme de référence concise pour une longue expression ». Les définitions non exhaustives commencent habituellement par l’emploi d’une charnière telle que « s’entend notamment » et visent [traduction] « à élargir le sens ordinaire d’un terme ou d’une expression, à traiter des cas limites, et à illustrer l’application d’un terme ou d’une expression en donnant des exemples ». On peut donc voir qu’une définition prévue par la loi ne comporte normalement pas d’élément de fond. En fait, l’inclusion d’éléments de fond dans une définition est considérée comme une erreur de rédaction.

[46] À mon avis, les deux aspects de la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » que porte la LSCMLC doivent être interprétés en harmonie l’un avec l’autre et en tenant compte de l’objet des renvois à d’autres lois. L’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » par la conjonction « ou » restreint la portée du terme « peine » à la détention. L’emploi de la charnière « [s]’entend notamment de », relativement aux peines d’emprisonnement imposées par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants et aux peines spécifiques imposées en vertu de la LSJPA, a pour effet d’inclure dans la définition la partie carcérale de ces peines, mais pas la partie à purger sous surveillance dans la collectivité.

[47] La Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21, s’applique aux délinquants canadiens. Le « délinquant canadien », selon la définition donnée à l’article 2 de cette Loi est un citoyen canadien qui est « soit détenu, soit sous surveillance en raison d’une ordonnance de probation ou d’une mise en liberté sous condition, soit assujetti à une autre forme de liberté surveillée, dans une entité étrangère ». Selon les articles 23 à 27 de cette même Loi, les délinquants qui purgent une peine d’emprisonnement à l’étranger sont admissibles à la libération d’office et à la libération conditionnelle au Canada. L’article 107 [mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, ch. 42, art. 28(A), 70(A), 71(F); 2000, ch. 24, art. 36; 2004, ch. 21, art. 40] de la LSCMLC dispose que la Commission a toute compétence et latitude pour accorder une libération conditionnelle aux délinquants de cette catégorie, ou pour mettre fin à leur libération conditionnelle ou d’office ou la révoquer. La mention des peines infligées aux délinquants transférés dans la définition que porte la LSCMLC des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » a pour objet de faire en sorte que les dispositions relatives à la libération de cette loi s’appliquent aux délinquants canadiens purgeant une peine d’emprisonnement qui sont transférés au Canada en vertu d’une entente avec une entité étrangère.

[48] L’expression « peine spécifique » telle que la définit le paragraphe 2(1) de la LSJPA s’applique à un ensemble de peines très diverses que peuvent prononcer les tribunaux pour adolescents. Les peines spécifiques qui comportent une période de garde comprennent aussi une période non privative de liberté. La mention de la « peine spécifique » dans la définition de « peine » ou « peine d’emprisonnement » que donne la LSCMLC a pour seul objet de faire en sorte que puissent bénéficier des dispositions de cette loi relatives à la mise en liberté sous condition les délinquants qui purgent la période de garde que comporte leur peine spécifique dans un établissement pour adultes. Par conséquent, cette définition doit être comprise comme s’appliquant à la période de garde et non à la période de liberté surveillée.

[49] Je note que, à l’article 742.1 du Code criminel, la « peine avec sursis » est considérée comme un « emprisonnement » qu’on purge dans la collectivité au lieu de le faire dans un établissement. La Cour suprême du Canada fait observer au paragraphe 43 de l’arrêt R. c. Proulx, précité, qu’une peine d’emprisonnement avec sursis ne donne pas ouverture à libération conditionnelle parce que le délinquant n’est pas proprement incarcéré et qu’il n’est donc pas nécessaire de le réinsérer dans la société. De même, on ne peut accorder la libération conditionnelle à un délinquant transféré ou à un jeune délinquant qui a déjà été libéré sous condition.

[50] La période de liberté sous condition que comprennent les peines prononcées sous le régime de la LSJPA est une solution de rechange à la détention et est conçue pour être purgée dans la collectivité. S’il est vrai que l’article 98 permet la présentation d’une demande de maintien sous garde et que l’article 102 autorise la mise sous garde pour manquement aux conditions, ce sont là des mesures exceptionnelles qui ne changent rien au principe que la réinsertion sociale constitue un élément fondamental de toute peine comportant la garde qui peut être prononcée sous le régime de la LSJPA.

 [51] Le fait que les mandats de dépôt relatifs aux peines spécifiques décernés en Colombie-Britannique comprennent la durée totale de la peine, c’est-à-dire à la fois la période de garde et la période de liberté sous condition, n’infirme en rien cette analyse. Le mandat de dépôt n’est pas la peine prononcée par le tribunal, mais seulement [traduction] « l’instrument » qui atteste l’autorisation légale de tenir le prisonnier sous garde pour la période spécifiée : Ewing v. Mission Institution (1994), 92 C.C.C. (3d) 484 (C.A.C.-B.), aux paragraphes 33 et 34. Dans le contexte des peines spécifiques, la limite extérieure de cette autorisation doit être observée, étant donné que l’article 104 de la LSJPA ne permet au tribunal pour adolescents d’ordonner la prolongation de la garde que pour une durée n’excédant pas le reste de la peine. Le mandat de dépôt peut donc rester en vigueur jusqu’à l’expiration de la durée totale de la peine spécifique.

Deuxième question : À quel moment prend fin la compétence de la Commission à l’égard d’un délinquant qui purge une peine spécifique dans un établissement pour adultes?

Les moyens du demandeur

[52] Le demandeur soutient que la compétence de la Commission prend fin à l’expiration de la période de garde de 22 mois que comprend sa peine. La Commission a compétence pour accorder la libération conditionnelle, y mettre fin ou la révoquer. Ce pouvoir ne peut exister que pour autant que le délinquant continue de faire l’objet d’un « emprisonnement » susceptible de donner ouverture à la libération conditionnelle.

[53] La prise en compte de la période de liberté sous condition que comprend la peine spécifique du demandeur dans le calcul opéré pour déterminer les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle a pour effet d’étendre la compétence de la Commission à son égard de manière qu’elle s’applique aussi à sa période de liberté surveillée de 36 mois. Or, soutient le demandeur, l’extension de la compétence de la Commission au-delà de la période de garde est incompatible avec la formule de liberté sous condition retenue par le législateur. Ce dernier a conféré au directeur provincial et au tribunal pour adolescents le pouvoir de fixer les conditions de la liberté surveillée et de contrôler la conduite des jeunes délinquants qui y sont soumis. Le demandeur affirme que la LSCMLC a pour objet exclusif la gestion des peines d’emprisonnement proprement dites. Cette Loi est muette concernant un bon nombre des éléments non privatifs de liberté des peines, y compris la période de liberté sous condition comprise dans une peine spécifique.

[54] Le demandeur fait en outre valoir qu’il existe un danger réel que la Commission, d’une part, et le tribunal pour adolescents ou le directeur provincial, d’autre part, fixent des conditions incompatibles les unes avec les autres. Il affirme que le législateur ne peut avoir prévu un tel alourdissement inutile des régimes de la libération conditionnelle et de la liberté surveillée.

[55] Le demandeur sollicite une déclaration comme quoi la compétence de la Commission à son égard prend fin à l’expiration de la période de garde de 22 mois comprise dans sa peine spécifique.

Les moyens du défendeur

[56] Le défendeur soutient que, si elle accorde la libération conditionnelle totale au demandeur et que celui-ci en conserve le bénéfice à l’expiration de sa période de garde (soit après 22 mois), la Commission conservera compétence à son égard pour le reste de sa peine spécifique (c’est-à-dire pour le reste de la peine de 58 mois). C’est là la seule conclusion possible, affirme le défendeur, étant donné qu’elle s’accorde avec le paragraphe 89(3) de la LSJPA, qui prévoit le transfèrement des jeunes délinquants dans des établissements pour adultes et l’application à de tels cas de la LSCMLC.

[57] Selon le défendeur, aucun élément du régime applicable n’empêche les instances respectivement chargées des libérations conditionnelles et de l’administration de la justice pour les adolescents de gérer ensemble dans un esprit de collaboration la peine du délinquant. Si leurs compétences se chevauchent, ajoute le défendeur, les systèmes s’adapteront à la situation.

Analyse

[58] Le paragraphe 89(3) de la LSJPA dispose expressément que la LSCMLC et la LPMC s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement correctionnel pour adultes. Cependant, il ne ressort pas clairement des dispositions législatives en question que les principes de la justice pour adolescents cessent de s’appliquer à un tel délinquant. Dans R. v. K.(C.) (2008), 233 C.C.C. (3d) 194, décision récente portant sur le point de savoir si les dispositions de la LSJPA relatives à l’examen s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement pour adultes, le juge B. W. Duncan de la Cour de justice de l’Ontario a reproché cette incertitude à la législation (au paragraphe 18) :

[traduction] Le délinquant purgeant une peine spécifique qui est incarcéré ou transféré dans un établissement pour adultes entre dans un no man’s land juridique. La LJC prévoyait le transfert discrétionnaire à l’âge de 18 ans, mais précisait (à son article 24.5) que ses dispositions continuaient « à s’appliquer à la personne visée ». Or la LSJPA ne contient aucune disposition de cette nature, pas plus qu’elle ne prévoit explicitement le contraire, à savoir qu’elle cesserait de s’appliquer en tout ou en partie. Par conséquent, on ne sait pas avec certitude si la Loi ou les principes de la justice pour adolescents restent applicables ou si l’adolescent transféré a même droit à un examen.

[59] Le juge Duncan fait remarquer que les définitions et le libellé de la LSJPA continuent d’inclure l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement pour adultes. Un tel délinquant reste un « adolescent » selon la définition du paragraphe 2(1) et purge une « peine spécifique ». Même s’il n’est pas dans un « lieu de garde », c’est-à-dire un « lieu désigné […] pour le placement des adolescents » (paragraphe 2(1)), il reste soumis au « régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents » parce que l’exposé des objectifs et des principes de ce régime s’applique aussi au « placement qui vise à traiter les adolescents comme des adultes » (article 83).

[60] Le juge Duncan a résolu l’ambiguïté en faveur de l’adolescent et a conclu, aux paragraphes 24 et 25 de ses motifs, que les principes de la LSJPA continuent de s’appliquer aux délinquants incarcérés dans un établissement pour adultes pour y purger une partie ou la totalité d’une peine spécifique. L’une des conséquences de ce fait, a-t-il ajouté, est que l’établissement pour adultes doit adapter ses pratiques au jeune délinquant d’une manière conforme aux principes de la justice pénale pour les adolescents.

[61] Dans la présente espèce, l’exposé des motifs par lesquels la Commission justifiait son premier rejet de la demande de semi-liberté du demandeur portent que, [traduction] « s’il était libéré à la date de son admissibilité, il serait assujetti aux conditions de sa libération conditionnelle totale jusqu’à la date d’expiration de son mandat de dépôt, soit le 6 janvier 2013 ». Une telle affirmation a de notables conséquences, dont la plus importante est que les modalités de la libération conditionnelle fixées par la Commission resteraient applicables pour le reste de la peine spécifique du demandeur. On ne voit pas bien comment cette conclusion se concilierait avec les principes de surveillance de la LSJPA et avec les conditions fixées par le juge qui a prononcé la peine. On ne voit pas bien non plus comment la Commission, qui a ordinairement affaire à des délinquants adultes, appliquerait les principes de la LSJPA à la surveillance de ce délinquant.

[62] Un aspect du régime qui étaye la thèse du défendeur selon laquelle le législateur voulait que la Commission conserve compétence jusqu’à la fin de la peine est que, comme nous l’avons vu plus haut, la période de garde comprise dans la peine peut, dans des cas exceptionnels, être prolongée jusqu’à [traduction] « la date d’expiration [du] mandat de dépôt ». Dans un tel cas, le délinquant continuerait d’être détenu (ou, n’ayant pas respecté les conditions de sa libération, serait à la suite d’un examen remis sous garde) dans un établissement correctionnel pour adultes, et resterait ainsi sous le régime de la LSCMLC et la compétence de la Commission.

[63] En l’absence d’une décision de maintien sous garde ou de remise sous garde pour le reste de la peine, la compétence de la Commission prend fin à mon avis au moment où le demandeur n’a plus à être détenu selon les conditions de la période de garde comprise dans sa peine. Cette conclusion ne conduit pas à un vide juridique puisqu’il reste alors sous la surveillance du directeur provincial et du tribunal qui a prononcé sa peine.

JUGEMENT

LA COUR STATUE CE QUI SUIT :

1. Aux fins de la fixation des dates d’admissibilité du demandeur à la semi-liberté et à la libération conditionnelle, la Commission nationale des libérations conditionnelles ne doit tenir compte que de la période de garde de 22 mois comprise dans la peine de celui-ci et exclure de son calcul la période de liberté sous condition au sein de la collectivité que comporte cette même peine;

2. La compétence de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour accorder une libération conditionnelle, y mettre fin ou la révoquer, et pour surveiller le demandeur, prend fin à l’expiration de la période de garde de 22 mois comprise dans la peine spécifique de celui-ci, sous la réserve suivante;

3. Dans le cas où le demandeur serait maintenu sous garde jusqu’à la fin de la période de liberté sous condition comprise dans sa peine ou remis sous garde pour le reste de cette peine par décision du tribunal pour adolescents, la Commission conserverait compétence à son égard;

4. Les dépens afférents à la présente demande sont adjugés au demandeur suivant l’échelle normale.

ANNEXE

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

2. (1) […]

« peine » ou « peine d’emprisonnement » S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’une peine d’emprisonnement imposée par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

[…]

119. (1) Sous réserve de l’article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la semi-liberté est :

[…]

c) dans le cas du délinquant qui purge une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à deux ans, à l’exclusion des peines visées aux alinéas a) et b), six mois ou, si elle est plus longue, la période qui se termine six mois avant la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale;

[…]

120. (1) Sous réserve des articles 746.1 et 761 du Code criminel et de toute ordonnance rendue en vertu de l’article 743.6 de cette loi, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et de toute ordonnance rendue en vertu de l’article 140.4 de cette loi, et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle totale est d’un tiers de la peine à concurrence de sept ans.

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

2. (1) […]

« peine spécifique » Toute peine visée aux articles 42, 51, 59 ou 94 à 96 ou confirmation ou modification d’une telle peine.

[…]

38. (1) L’assujettissement de l’adolescent aux peines visées à l’article 42 (peines spécifiques) a pour objectif de faire répondre celui-ci de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public.

[…]

42. (1) Le tribunal pour adolescents tient compte, avant d’imposer une peine spécifique, des recommandations visées à l’article 41 et du rapport prédécisionnel qu’il aura exigés, des observations faites à l’instance par les parties, leurs représentants ou avocats et par les père et mère de l’adolescent et de tous éléments d’information pertinents qui lui ont été présentés.

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, dans le cas où il déclare un adolescent coupable d’une infraction et lui impose une peine spécifique, le tribunal lui impose l’une des sanctions ci-après en la combinant éventuellement avec une ou plusieurs autres compatibles entre elles; dans le cas où l’infraction est le meurtre au premier ou le meurtre au deuxième degré au sens de l’article 231 du Code criminel, le tribunal lui impose la sanction visée à l’alinéa q) ou aux sous-alinéas r)(ii) ou (iii) et, le cas échéant, toute autre sanction prévue au présent article qu’il estime indiquée :

[…]

q) l’imposition par ordonnance :

[…]

(ii) dans le cas d’un meurtre au deuxième degré, d’une peine maximale de sept ans consistant, d’une part, en une mesure de placement sous garde, exécutée de façon continue, pour une période maximale de quatre ans à compter de sa mise à exécution, sous réserve du paragraphe 104(1) (prolongation de la garde), et, d’autre part, en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité conformément à l’article 105;

[…]

83. (1) Le régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents vise à contribuer à la protection de la société, d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires, justes et humaines, et, d’autre part, en aidant, au moyen de programmes appropriés pendant l’exécution des peines sous garde ou au sein de la collectivité, à la réadaptation des adolescents et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

(2) Outre les principes énoncés à l’article 3, les principes suivants servent à la poursuite de ces objectifs :

a) les mesures nécessaires à la protection du public, des adolescents et du personnel travaillant avec ceux-ci doivent être le moins restrictives possible;

b) l’adolescent mis sous garde continue à jouir des droits reconnus à tous les autres adolescents, sauf de ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est imposée;

c) le régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents facilite la participation de leur famille et du public;

d) les décisions relatives à la garde ou à la surveillance des adolescents doivent être claires, équitables et opportunes, ceux-ci ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;

e) le placement qui vise à traiter les adolescents comme des adultes ne doit pas les désavantager en ce qui concerne leur admissibilité à la libération et les conditions afférentes.

[…]

89. (1) L’adolescent âgé de vingt ans ou plus au moment où une peine spécifique lui est imposée en vertu des alinéas 42(2)n), o), q) ou r) doit, malgré l’article 85, être détenu dans un établissement correctionnel provincial pour adultes pour y purger sa peine.

(2) Dans le cas où l’adolescent est détenu dans un établissement correctionnel provincial pour adultes au titre du paragraphe (1), le tribunal pour adolescents, sur demande présentée par le directeur provincial à tout moment après que l’adolescent a commencé à purger sa peine spécifique dans cet établissement, peut, après avoir donné l’occasion de se faire entendre à l’adolescent, au directeur provincial et aux représentants des systèmes correctionnels fédéral et provincial, s’il estime que la mesure est préférable pour l’adolescent ou dans l’intérêt public et si, au moment de la demande, le temps à courir sur la peine est de deux ans ou plus, autoriser le directeur à ordonner que le reste de la peine soit purgé dans un pénitencier.

(3) Les lois — notamment la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi sur les prisons et les maisons de correction — , règlements et autres règles de droit régissant les prisonniers ou les délinquants au sens de ces lois, règlements ou autres règles de droit s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitentier au titre des paragraphes (1) ou (2), dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la partie 6 (dossiers et confidentialité des renseignements) de la présente loi, qui continue de s’appliquer à l’adolescent.

[…]

92. (1) Dans le cas où l’adolescent est placé sous garde en application des alinéas 42(2)n), o), q) ou r), le tribunal pour adolescents, sur demande présentée par le directeur provincial à tout moment après que l’adolescent a atteint l’âge de dix-huit ans, peut, après avoir donné l’occasion de se faire entendre à l’adolescent, au directeur provincial et aux représentants du système correctionnel provincial et, s’il estime que cette mesure est préférable pour l’adolescent ou dans l’intérêt public, autoriser le directeur à ordonner, sous réserve du paragraphe (3), que le reste de la peine spécifique imposée à l’adolescent soit purgé dans un établissement correctionnel provincial pour adultes.

(2) Le tribunal pour adolescents, sur demande présentée par le directeur provincial à tout moment après que l’adolescent a commencé à purger une partie de sa peine spécifique dans un établissement correctionnel provincial pour adultes suivant le prononcé de l’ordre visé au paragraphe (1), peut, après avoir accordé à l’adolescent, au directeur provincial et aux représentants des systèmes correctionnels fédéral et provincial l’occasion de se faire entendre, s’il estime que la mesure est préférable pour l’adolescent ou dans l’intérêt public et si, au moment de la demande, le temps à courir sur la peine est de deux ans ou plus, autoriser le directeur à ordonner, sous réserve du paragraphe (3), que le reste de la peine soit purgé dans un pénitencier.

(3) Les lois — notamment la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi sur les prisons et les maisons de correction — , règlements et autres règles de droit régissant les prisonniers ou les délinquants au sens de ces lois, règlements ou autres règles de droit s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitentier au titre des paragraphes (1) ou (2), dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la partie 6 (dossiers et confidentialité des renseignements) de la présente loi, qui continue de s’appliquer à l’adolescent.

[…]

98. (1) Dans un délai raisonnable avant l’expiration de la période de garde imposée à l’adolescent, le procureur général ou le directeur provincial peut présenter au tribunal pour adolescents une demande visant son maintien sous garde pour une période ne dépassant pas le reste de sa peine spécifique.

(2) S’il ne peut décider de la demande avant l’expiration de la période de garde imposée, le tribunal peut, s’il est convaincu que la demande a été présentée dans un délai raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, et qu’il existe des motifs impérieux pour la prise de cette mesure, ordonner le maintien sous garde de l’adolescent jusqu’à l’aboutissement de la demande.

 (3) Le tribunal peut, après avoir fourni aux parties et aux père ou mère de l’adolescent l’occasion de se faire entendre, ordonner son maintien sous garde pour une période n’excédant pas le reste de sa peine spécifique, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent pourrait vraisemblablement perpétrer avant l’expiration de sa peine une infraction grave avec violence et que les conditions qui seraient imposées s’il purgeait une partie de sa peine sous surveillance au sein de la collectivité ne pourraient empêcher adéquatement la perpétration de l’infraction.

[…]

102. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un adolescent a enfreint — ou est sur le point d’enfreindre — une condition imposée aux termes de l’article 97 (ordonnance de garde et de surveillance — conditions), le directeur provincial peut, par écrit :

a) soit permettre à l’adolescent de continuer de purger sa peine spécifique au sein de la collectivité, aux mêmes conditions ou non;

b) soit, s’il estime qu’il s’agit d’un manquement important aux conditions qui augmente le risque pour la sécurité du public, ordonner la mise sous garde de l’adolescent au lieu de garde qu’il estime indiqué jusqu’à ce que soit effectué l’examen.

[…]

104. (1) Dans le cas où l’adolescent est tenu sous garde en vertu d’une peine spécifique imposée en application des alinéas 42(2)o), q) ou r) et où le procureur général présente une demande en ce sens au tribunal pour adolescents dans un délai raisonnable avant l’expiration de la période de garde, le directeur provincial de la province où l’adolescent est tenu sous garde doit le faire amener devant le tribunal; celui-ci, après avoir fourni aux parties et aux père ou mère de l’adolescent l’occasion de se faire entendre, peut, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent commettra vraisemblablement, avant l’expiration de sa peine, une infraction causant la mort ou un dommage grave à autrui, ordonner son maintien sous garde pour une période n’excédant pas le reste de sa peine.

(2) S’il ne peut décider de la demande avant l’expiration de la période de garde, le tribunal peut, s’il est convaincu que la demande a été présentée dans un délai raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, et qu’il existe des motifs impérieux pour la prise de cette mesure, ordonner le maintien sous garde de l’adolescent jusqu’à l’aboutissement de la demande.

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