DES-04-01
2002 CFPI 1046
Affaire intéressant un certificat délivré en vertu de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, maintenant réputé délivré en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
Et le renvoi de ce certificat à la Cour fédérale du Canada
Et Mahmoud Jaballah
Répertorié: Jaballah (Re) (1re inst.)
Section de première instance, juge MacKay--Toronto, 20 septembre; Ottawa, 8 octobre 2002.
Citoyenneté et Immigration -- Statut au Canada -- Personnes non admissibles -- Procédure de demande de protection -- Contrôle judiciaire en vertu de l'art. 79(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) à l'égard d'une décision du ministre concernant une demande de protection -- Délivrance d'un certificat attestant que M. Jaballah est interdit de territoire pour des raisons de sécurité nationale -- Comme la LIPR est entrée en vigueur alors que la Cour n'avait pas encore rendu sa décision sur le certificat, la procédure est régie par la nouvelle Loi -- M. Jaballah a demandé la protection au ministre conformément à l'art. 112 -- La Cour a suspendu l'affaire concernant le certificat -- Le ministre n'a pas avisé la Cour conformément à l'art. 79(2) de sa décision concernant la demande de protection -- L'art. 95 ne confère ni à la Commission ni au ministre le pouvoir d'accorder ou de refuser une demande de protection -- Implicitement, la décision concernant une demande de protection doit être prise par le ministre -- Analyse de l'esprit de la Loi -- La Cour n'a pas le pouvoir de reprendre l'affaire pour décider de la légalité du certificat d'interdiction de territoire car le ministre ne l'a pas avisée de sa décision concernant la demande de protection -- Les art. 160 et 172 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne sont pas ultra vires.
La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 79(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) à l'égard d'une décision du ministre concernant une demande de protection. En août 2001, un certificat attestant que M. Jaballah, qui revendique la protection accordée aux réfugiés, était interdit de territoire pour des raisons touchant la sécurité nationale a été délivré en application alors de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration. Ce certificat a été transmis à la Cour pour qu'il soit décidé de son caractère raisonnable. La Cour n'avait pas encore rendu sa décision lorsque la Loi sur l'immigration a été abrogée et remplacée par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002. La décision concernant le certificat déposé par les ministres était régie par la LIPR, car l'article 190 prévoit que les procédures présentées ou instruites dans le cadre de l'ancienne Loi, avant l'entrée en vigueur de la LIPR, pour lesquelles aucune décision n'a été prise sont régies par la nouvelle Loi. M. Jaballah a demandé la protection au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration conformément à l'article 112 de la LIPR et l'affaire concernant le certificat a été suspendue pour permettre au ministre de disposer de la demande de protection. Le paragraphe 79(2) de la LIPR prévoit que s'il est disposé de la demande de protection, le ministre notifie sa décision à la personne qui a présenté la demande et au juge, lequel reprend alors l'affaire, contrôle la légalité de la décision du ministre et décide du caractère raisonnable du certificat et de la légalité de la décision du ministre (paragraphe 80(1)). La Cour n'a pas été avisée de la décision du ministre concernant la demande de protection, mais elle a été avisée par l'avocat de M. Jaballah qu'il avait reçu une évaluation des risques avant renvoi (ERAR), qui mentionnait qu'il fait face à un risque de torture et à une menace pour sa vie suivant la définition de personne à protéger figurant à l'article 97 et que la demande de protection était accueillie.
M. Jaballah sollicite une ordonnance déclarant que la décision du ministre concernant la demande de protection a été prise mais n'a simplement pas été transmise à la Cour, une ordonnance visant à interdire au ministre de prendre d'autres mesures quant à l'ERAR et une ordonnance déclarant que les articles 160 et 172 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés sont ultra vires. L'article 172 exige que le ministre tienne compte des évaluations écrites au regard des éléments mentionnés aux articles 97 et 113.
Jugement: la demande est rejetée.
La Cour ne dispose d'aucun pouvoir pour accorder les ordonnances demandées. L'article 95 de la LIPR ne confère ni à la Commission ni au ministre le pouvoir d'accorder ou de refuser une demande de protection. La Commission est plutôt investie, en vertu des articles 100 et 101, du pouvoir d'examiner les demandes d'asile et les demandes des personnes à protéger pour les cas qui lui sont déférés par l'agent d'immigration. Le pouvoir du ministre d'accorder une demande de protection est dérivé du paragraphe 112(1) lorsque cette demande est présentée au ministre. Le pouvoir du ministre n'est pas fondé sur l'alinéa 95(1)c) qui prévoit simplement qu'en cas d'acceptation de la demande de protection par le ministre, l'asile est la protection conférée à la personne concernée sauf s'il s'agit d'une personne, comme M. Jaballah, visée au paragraphe 112(3). Ni l'alinéa 95(1)c) ni l'article 112 ne désigne nommément le ministre ou la Commission pour disposer d'une demande de protection faite par une personne visée au paragraphe 112(3). Le paragraphe 112(1) prévoit qu'une demande de protection peut être présentée au ministre par une personne visée par une mesure de renvoi ou nommée au certificat délivré en vertu du paragraphe 77(1) mais, dans certains cas précis, notamment celui d'une personne nommée au certificat, l'asile ne peut être conféré. Implicitement, la décision concernant une demande de protection présentée au ministre en vertu du paragraphe 112(1) doit être prise par le ministre. Cette conclusion s'appuie sur l'article 79 qui prévoit la suspension de l'affaire concernant le certificat délivré pour permettre au ministre de disposer de la demande de protection présentée en vertu du paragraphe 112(1). Aux termes du paragraphe 79(2), l'instance doit reprendre lorsque «[l]e ministre notifie sa décision» concernant la demande de protection visée au paragraphe 112(1) «et le juge contrôle la légalité de la décision».
L'esprit de la loi s'établit comme suit: 1) En vertu du paragraphe 77(1), les ministres concernés peuvent déposer auprès de la Cour un certificat attestant qu'un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité nationale pour qu'il en soit alors disposé au titre de l'article 80. 2) L'article 78 explique la procédure à suivre par la Cour pour rendre sa décision. 3) L'article 79 impose la suspension de l'affaire pour permettre au ministre de décider de la demande de protection présentée en vertu du paragraphe 112(1). 4) L'instance, conformément au paragraphe 79(2), doit reprendre lorsque le ministre notifie au demandeur et au juge de la Cour sa décision quant à la demande de protection. 5) Il est disposé de la demande de protection sur la base des éléments mentionnés à l'article 97, qui définit la notion de personne à protéger, et d'une appréciation du fait que la demande devrait être refusée en raison du danger que le demandeur constitue pour la sécurité du Canada. 6) À la reprise de l'instance, la Cour contrôle la légalité de la décision du ministre et décide du caractère raisonnable du certificat et de la légalité de la décision touchant la demande de protection. 7) Le paragraphe 112(1) prévoit que la demande de protection doit être présentée au ministre par une personne touchée par une mesure de renvoi ou, dans le cas de M. Jaballah, par une personne visée au paragraphe 77(1). Certaines personnes se trouvant dans les situations décrites au paragraphe 112(2) ne sont pas admises à demander la protection et, en vertu des alinéas 95(1)c) et 112(3)d), l'«asile», aux termes de l'article 95, n'est pas conféré si le ministre accepte la demande de protection présentée notamment par une personne visée à l'alinéa 112(3)d), à savoir celle nommée sur le certificat dont il est question au paragraphe 77(1). 8) L'instance relative au certificat délivré par les ministres et réputé déposé en vertu du paragraphe 77(1) doit reprendre après avis à la Cour, ainsi qu'au demandeur, de la décision du ministre quant à la demande de protection. L'avis relatif à cette décision n'a pas été transmis.
L'article 160 du Règlement n'est pas ultra vires. Une demande de protection présentée au ministre conformément au paragraphe 112(1) doit être tranchée par le ministre. Ce faisant, le ministre est lié par les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement. L'article 116 prévoit expressément le recours aux règlements pour «l'application de la présente section» notamment «la procédure applicable à la demande de protection». L'article 172 semble respecter les limites du large pouvoir discrétionnaire dont l'organisme de réglementation est investi en vertu de l'article 116 et aucune thèse convaincante n'a été soutenue pour en décider autrement.
lois et règlements
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 24(1).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(4) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5). |
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 40.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31). |
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34(1)b), c), f), 77, 78, 79, 80, 81, 95 à 116, 190. |
Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 160 à 174. |
jurisprudence
distinction faite d'avec:
Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2002] 1 R.C.S. 3; (2002), 208 D.L.R. (4th) 1; 37 Admin. L.R. (3d) 159; 18 Imm. L.R. (3d) 1; 281 N.R. 1 (C.S.C.).
décision citée:
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Jaballah, [1999] A.C.F. no 1681 (1re inst.) (QL).
DEMANDE de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 79(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, à l'égard d'une décision du ministre concernant une demande de protection, et d'ordonnance déclarant ultra vires les articles 160 et 172 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Demande rejetée.
ont comparu:
Donald MacIntosh et David Tyndale pour le demandeur le solliciteur général du Canada.
Robert F. Batt et Marthe Beaulieu pour le demandeur le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Rocco Galati pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Le sous-procureur général du Canada pour les demandeurs.
Galati, Rodrigues & Associates, Toronto, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
[1]Le juge MacKay: Les présents motifs se rapportent à la demande présentée au nom du défendeur, M. Jaballah, sollicitant:
a) un contrôle en vertu du paragraphe 79(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR); |
b) une ordonnance en vertu du paragraphe 79(2) de la LIPR, du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale et du paragraphe 24(1) de la Charte, de la nature: |
(i) d'une déclaration ou conclusion selon laquelle la décision du ministre en vertu du paragraphe 79(2) a été prise mais n'a simplement pas été transmise à la Cour comme l'exige la LIPR; |
(ii) d'un ordre visant à interdire au ministre et à ses représentants de prendre d'autres mesures quant à l'évaluation des risques avant renvoi (ERAR); |
(iii) d'un ordre de mise en liberté du défendeur; |
c) une ordonnance de la nature d'une déclaration ou conclusion selon laquelle les articles 160 et suivants, et en particulier l'article 172, du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés sont ultra vires de l'économie générale de la LIPR. |
La présente demande découle de divergences entre les avocats des parties à propos de l'interprétation appropriée à donner à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi) et au Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), dans la mesure où les dispositions de la Loi et du Règlement concernent la procédure faisant suite à une demande de protection présentée par le défendeur conformément au paragraphe 112(1) de la Loi.
CONTEXTE
[2]Il importe d'abord de situer l'essentiel du contexte qui a donné naissance au présent litige. Un certificat attestant que M. Jaballah, qui revendiquait alors et qui revendique encore la protection accordée aux réfugiés, était interdit de territoire pour des raisons précises touchant la sécurité nationale a été délivré en août 2001 par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général du Canada (les ministres) en application alors de l'article 40.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications. Ce certificat a été transmis à la Cour pour qu'il soit décidé s'il était raisonnable à la lumière des éléments de preuve et d'information déposés par les ministres. La Cour n'avait pas encore rendu sa décision lorsque la Loi sur l'immigration a été abrogée et remplacée par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002.
[3]En vertu de l'article 190 de la LIPR, les procédures présentées ou instruites dans le cadre de l'ancienne loi, avant l'entrée en vigueur de la LIPR, pour lesquelles aucune décision n'a été prise sont régies par la nouvelle Loi. Par conséquent, la décision concernant le certificat déposé par les ministres est désormais régie par la LIPR.
[4]Conformément à l'article 190, je considère la présente procédure comme étant instruite en vertu de la section 9 de la partie I de la LIPR et le dépôt du certificat délivré par les ministres comme étant conforme au paragraphe 77(1) de la Loi. En outre, les motifs de sécurité précisés dans le certificat des ministres figurent maintenant aux alinéas 34(1)b), c) et f) de la LIPR, lesquels je considère comme étant les motifs pertinents pouvant désormais servir de fondement au certificat.
[5]La LIPR institue une nouvelle procédure pour une personne, comme M. Jaballah, qui se trouve au Canada et qui est désignée dans un certificat délivré en application du paragraphe 77(1) de la Loi, afin de demander la protection au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration conformément à l'article 112 de la Loi. M. Jaballah s'est prévalu de ce droit et, à sa demande, aux termes du paragraphe 79(1) de la Loi, la Cour a suspendu l'affaire pour permettre au ministre de disposer de la demande de protection.
[6]L'article 97 de la LIPR définit la personne à protéger. Comme la LIPR est récemment entrée en vigueur, j'ai reproduit à l'annexe A des présents motifs le texte ou une description sommaire des dispositions pertinentes aux questions d'interprétation débattues aux présentes, notamment l'article 97.
[7]La Loi prévoit la reprise de l'instance de la façon suivante: s'il est disposé de la demande de protection, le ministre notifie sa décision à la personne qui a présenté la demande et au juge, lequel reprend alors l'affaire, «contrôle la légalité de la décision» (paragraphe 79(2)) et «décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre» (paragraphe 80(1)).
[8]La Cour n'a pas été avisée de la décision du ministre concernant la demande de protection de M. Jaballah, comme elle pouvait normalement s'y attendre compte tenu du paragraphe 79(2). La Cour a toutefois été avisée par l'avocat de M. Jaballah qu'il avait reçu une évaluation des risques avant renvoi (ERAR), datée du 15 août 2002, en réponse à la demande de M. Jaballah. Dans cette évaluation, le représentant du ministre conclut en faisant référence aux articles pertinents, notamment le paragraphe 97(1) de la LIPR, dans les termes suivants: [traduction] «je suis d'avis qu'il existe des motifs sérieux de croire que le demandeur serait tué ou soumis à la torture si on exigeait de lui qu'il retourne en Égypte». Il est allégué que cette évaluation confirme (c'est-à-dire, «oui») que M. Jaballah fait face à un risque de torture au sens de l'alinéa 97(1)a) et à un risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l'alinéa 97(1)b) et que la demande de protection est accueillie.
[9]L'avocat de M. Jaballah prétend qu'à la lecture de la Loi dans son ensemble, en particulier les articles 79, 81, 107 et 112, et du rapport qui a été produit en réponse à la demande de protection présentée en vertu du paragraphe 112(1) et dont il a reçu copie, l'audition devant la Cour pour qu'il soit décidé du caractère raisonnable du certificat de sécurité devient sans objet et est terminée. De plus, il allègue que les articles 160 et suivants du Règlement, et en particulier l'article 172, sur lesquels le ministre appuie son argumentation, sont ultra vires parce qu'ils traitent de questions débordant les limites du pouvoir délégué à l'organisme de réglementation en vertu de la LIPR et qu'ils sont dits incompatibles avec l'économie générale de la Loi. Pour cette raison, il demande les réparations exposées au début des présents motifs.
[10]L'avocat du ministre préconise une interprétation différente de la LIPR. E ssentiellement, il soutient que comme le ministre n'a pas encore transmis sa décision à la Cour, tel qu'il est prévu au paragraphe 79(2) de la Loi, l'examen du caractère raisonnable du certificat déposé auprès de la Cour n'a pas repris et celui de la légal ité de la décision du ministre quant à la demande de protection n'a pas commencé.
[11]Il est également allégué pour le compte du ministre que, avant que la décision soit prise quant à la demande de protection et qu'elle soit communiquée à M. Jaballah et à la Cour, la Loi et le Règlement exigent une seconde étape prévue au sous-alinéa 113d)(ii) de la Loi. Cette disposition prévoit qu'il est disposé d'une demande de protection, dans un cas comme celui de M. Jaballah, sur la base des éléments mentionnés à l'article 97 et «du fait que la demande devrait être rejetée en raison [. . .] du danger qu'il [le demandeur] constitue pour la sécurité du Canada».
[12]À l'appui du concept en deux phases dans la décision à l'égard de la demande de protection, l'avocat du ministre fait valoir que les articles 160 à 174 de la section 4 du Règlement sont valides. Ceux-ci établissent la procédure applicable lorsqu'une demande de protection est présentée. L'article 172 du Règlement, dont l'avocat de M. Jaballah conteste la validité, prévoit en partie ce qui suit:
172. (1) Avant de prendre sa décision accueillant ou rejetant la demande de protection du demandeur visé au paragraphe 112(3) de la Loi, le ministre tient compte des évaluations visées au paragraphe (2) et de toute réplique écrite du demandeur à l'égard de ces évaluations, reçue dans les quinze jours suivant la réception de celles-ci.
(2) Les évaluations suivantes sont fournies au demandeur:
a) une évaluation écrite au regard des éléments mentionnés à l'article 97 de la Loi;
b) une évaluation écrite au regard des éléments mentionnés aux sous-alinéas 113d)(i) ou (ii) de la Loi, selon le cas.
[13]Si la Cour confirme l'interprétation de l'avocat du ministre quant au processus prévu par la loi, le processus d'évaluation et de prise de la décision définitive relativement à la demande de M. Jaballah pourrait prendre, selon l'avocat du ministre, jusqu'à trois mois. Ce processus est expliqué de manière assez détaillée aux articles 160 à 174 du Règlement principalement.
Arguments des parties
[14]Au risque d'exposer de manière incomplète les arguments présentés au nom de M. Jaballah, j'explique ici ce que j'ai retenu de ces arguments et de la position des ministres concernant l'interprétation de la Loi et du Règlement.
[15]L'avocat de M. Jaballah soutient que la LIPR prévoit deux possibilités, l'une menant à la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et l'autre à l'acceptation ou le refus par le ministre de la demande de protection. La partie 2 de la LIPR traite des notions d'asile, de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger aux articles 95 à 111 et de l'examen des risques avant renvoi aux articles 112 à 116.
[16]L'article 95 prévoit que l'asile est la protection conférée dès a) qu'il est établi, à la suite d'une demande de visa, qu'une personne est un réfugié au sens de la Convention ou se trouve dans une situation semblable et que cette personne obtient le statut de résident, temporaire ou permanent; b) que la Commission, c'est-à-dire la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, reconnaît à une personne la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger; c) que «le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3)». L'avocat de M. Jaballah soutient que l'article 95 confère soit à la Commission ou au ministre le pouvoir d'accorder la protection, mais que l'exception précisée à l'alinéa c) signifie que le ministre n'a pas le pouvoir d'accorder la demande de protection dans le cas d'une personne visée au paragraphe 112(3) et qu'en l'espèce, M. Jaballah est une personne nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).
[17]En outre, il est allégué au nom de M. Jaballah que l'examen de la demande de protection, aux termes du sous-alinéa 113d)(ii) qui prévoit que, pour les personnes visées au paragraphe 112(3), il faut disposer de la demande sur la base des éléments mentionnés à l'article 97 et, dans le cas de M. Jaballah, du fait que sa demande devrait être rejetée en raison du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada, est une matière qui relève de la Commission, et non du ministre, puisque l'alinéa 95(1)c) empêche le ministre d'examiner la demande de protection présentée par M. Jaballah qui est une personne visée à l'alinéa 112(3)d).
[18]Il est allégué, compte tenu de ce raisonnement, qu'il n'y a pas lieu pour la Cour de continuer l'examen du certificat délivré par les ministres concernés. Il est dit que la décision découlant des articles 77 et 80 est sans objet et que la mise en balance de la question de l'état du demandeur comme personne à protéger aux termes de l'article 97 par rapport à celle de la menace qu'il pose pour la sécurité du Canada en vertu du sous-alinéa 113d)(ii) relève de la Commission, non pas du ministre, et ne revêt aucun intérêt pour la Cour. Le certificat déposé auprès de la Cour par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général du Canada demeurerait simplement en instance et il ne serait nullement nécessaire d'en disposer à l'heure actuelle.
[19]En outre, en raison du fait qu'il a été décidé que M. Jaballah est une personne à protéger, suivant la définition donnée de cette notion à l'article 97, il est allégué que, au regard de la mise en balance de facteurs prescrite au sous-alinéa 113d)(ii), il est peu probable que les circonstances particulières requises, à la lumière de l'article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], pour le renvoi de M. Jaballah du Canada pourraient être établies. Ces circonstances sont celles auxquelles la Cour suprême du Canada a fait référence dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3. Dans cet arrêt, la Cour a notamment exprimé les points de vue suivants, aux paragraphes 76, 77, 78:
Le fait que le Canada rejette le recours à la torture ressort des conventions internationales auxquelles il est partie. Les contextes canadiens et international inspirent chacun nos normes constitutionnelles. Le rejet de la prise par l'État de mesures générales susceptibles d'aboutir à la torture--et en particulier de mesures d'expulsion susceptibles d'avoir cet effet--est virtuellement catégorique. De fait, l'examen de la jurisprudence, tant nationale qu'internationale, tend à indiquer que la torture est une pratique si répugnante qu'elle supplantera dans pratiquement tous les cas les autres considérations qui sont mises en balance, même les considérations de sécurité. Cette constatation suggère que, sauf circonstances extraordinaires, une expulsion impliquant un risque de torture violera généralement les principes de justice fondamentale protégés par l'art. 7 de la Charte []
Au Canada, le résultat de la mise en balance des diverses considérations par la ministre doit être conforme aux principes de justice fondamentale garantis à l'art. 7 de la Charte. Il s'ensuit que, dans la mesure où la Loi sur l'immigration n'écarte pas la possibilité d'expulser une personne vers un pays où elle risque la torture, la ministre doit généralement refuser d'expulser le réfugié lorsque la preuve révèle l'existence d'un risque sérieux de torture.
Nous n'excluons pas la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, une expulsion impliquant un risque de torture puisse être justifiée, soit au terme du processus de pondération requis par l'art. 7 de la Charte soit au regard de l'article premier de celle-ci. (Une violation de l'article 7 est justifiée au regard de l'article premier «seulement dans les circonstances qui résultent de conditions exceptionnelles comme les désastres naturels, le déclenchement d'hostilités, les épidémies et ainsi de suite» [] Dans la mesure où le Canada ne peut expulser une personne lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire qu'elle sera torturée dans le pays de destination, ce n'est pas parce que l'article 3 de la CCT limite directement les actions du gouvernement canadien, mais plutôt parce que la prise en compte, dans chaque cas, des principes de justice fondamentale garantis à l'art. 7 de la Charte fera généralement obstacle à une expulsion impliquant un risque de torture. Nous pouvons prédire que le résultat du processus de pondération sera rarement favorable à l'expulsion lorsqu'il existe un risque sérieux de torture. Toutefois, comme tout est affaire d'importance relative, il est difficile de prédire avec précision quel sera le résultat. L'étendue du pouvoir discrétionnaire exceptionnel d'expulser une personne risquant la torture dans le pays de destination, pour autant que ce pouvoir existe, sera définie dans des affaires ultérieures. [Renvois omis.]
[20]À cette étape-ci de la procédure, la Cour n'est pas concernée par une décision de renvoi de M. Jaballah du Canada. Si le certificat délivré par les ministres était jugé raisonnable, il en résulterait que cette décision constituerait une mesure de renvoi (alinéa 81b)) mais, par ailleurs, il serait sursis, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi visant le demandeur à qui le ministre aurait reconnu le besoin de protection (alinéa 114(1)b)). En cas de changement dans les circonstances, le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi devient matière à révision et il peut être révoqué (paragraphe 114(2)). À mon avis, il est trop tôt pour se prononcer sur le résultat final de l'instance ou de toute autre instance à venir. Par conséquent, aussi intéressants qu'ils puissent être, les propos tirés de l'arrêt Suresh ne sont pas pertinents à la résolution des questions dont la Cour est maintenant saisie.
[21]L'avocat de M. Jaballah a soulevé deux autres points. À son avis, l'ERAR effectuée au nom du ministre constitue la décision que le ministre est tenu de prendre en application du paragraphe 79(2) et à cette étape il a tout simplement négligé d'aviser directement la Cour de sa décision. Une déclaration à cet effet est sollicitée. En outre, il est allégué que la décision dont il est question à l'alinéa 113d) ne relève pas du ministre puisque l'alinéa 95(1)c) lui interdit d'accorder la demande de protection à une personne visée à l'alinéa 112(3)d).
[22]Le dernier argument de l'avocat de M. Jaballah est soulevé en réponse à une question concernant la signification à donner au paragraphe 80(1) qui prescrit que la Cour, après avoir été avisée par le ministre de la décision qu'il a rendue quant à la demande de protection, doit décider du caractère raisonnable du certificat délivré par les ministres et de la légalité de la décision prise par le ministre. Il est allégué que comme le paragraphe 79(2) prévoit que la Cour doit reprendre l'affaire seulement pour contrôler la légalité de la décision du ministre, cette disposition «a priorité» ou prévaut sur le paragraphe 80(1) et, si la décision du ministre est jugée légale, le travail de la Cour est terminé. Je ne suis pas convaincu que la LIPR est rédigée en ce sens. Il n'y a, à mon avis, aucun conflit qui oppose les paragraphes 79(2) et 80(1) quant au contrôle de légalité que la Cour doit exercer sur la décision du ministre à l'égard de la demande de protection. La deuxième disposition réaffirme aussi expressément que la Cour doit décider du caractère raisonnable du certificat délivré par les ministres, une tâche prescrite au paragraphe 77(1) qui précise qu'il doit en être disposé au titre de l'article 80.
[23]La Couronne prétend que l'avocat de M. Jaballah évite la véritable interprétation de la LIPR et cherche à débattre des principes et elle demande pourquoi la Loi devrait être interprétée selon ses prétentions. L'avocat du ministre a concentré ses arguments sur les dispositions de la LIPR, particulièrement le sous-alinéa 113d)(ii) et l'article 172 du Règlement pour soutenir une démarche en deux étapes relativement à la décision du ministre à l'égard de la demande de protection. Selon l'avocat du ministre, l'interprétation plaidée pour M. Jaballah est inacceptable parce qu'elle ne reflète pas la Loi et le Règlement comme le ministre l'entend.
ANALYSE
[24]Après avoir examiné l'argumentation présentée à l'audience de la présente affaire, je suis d'avis, concernant l'interprétation proposée par l'avocat de M. Jaballah, que la Cour ne dispose d'aucun pouvoir en vertu de la LIPR ou autrement pour accorder les ordonnances demandées. Même si la requête de M. Jaballah fait référence à la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, ainsi qu'au paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, comme sources de pouvoir pour que la Cour tranche comme on le lui demande, aucune de ces sources n'a été débattue dans l'argumentation et je ne suis pas convaincu que la Cour devrait agir comme on le lui demande, particulièrement en raison du fait, selon mes conclusions, que la réparation demandée est fondée sur une interprétation inacceptable de la LIPR.
[25]J'en suis venu à cette conclusion pour les motifs exprimés dans les lignes qui suivent. Je ne suis pas convaincu que l'article 95 de la LIPR confère soit à la Commission ou au ministre le pouvoir d'accorder ou de refuser une demande de protection. La Commission est plutôt investie, en vertu des articles 100 et 101, du pouvoir d'examiner les demandes d'asile et les demandes des personnes à protéger pour les cas qui lui sont déférés par l'agent d'immigration. Le pouvoir du ministre d'accorder une demande de protection est dérivé du paragraphe 112(1) lorsque cette demande est présentée au ministre. À mon avis, le pouvoir du ministre n'est pas fondé sur l'alinéa 95(1)c). Cette disposition prévoit simplement qu'en cas d'acceptation de la demande de protection par le ministre, l'asile est la protection conférée à la personne concernée sauf s'il s'agit d'une personne, comme M. Jaballah, visée à l'alinéa 112(3)d).
[26]Ni l'alinéa 95(1)c) ni l'article 112 ne désigne nommément le ministre ou la Commission pour disposer d'une demande de protection faite par une personne visée au paragraphe 112(3). À la lecture de Loi, il appert qu'en vertu du paragraphe 112(1), une demande de protection peut être présentée au ministre par une personne visée par une mesure de renvoi ou nommée au certificat délivré en vertu du paragraphe 77(1) mais, dans certains cas précis, notamment celui d'une personne nommée au certificat, l'asile ne peut être conféré (alinéa 112(3)d)). Implicitement, la décision concernant une demande de protection présentée au ministre en vertu du paragraphe 112(1) doit être prise par le ministre. Cette conclusion s'appuie sur l'article 79 qui prévoit la suspension de l'affaire concernant le certificat délivré pour permettre au ministre de disposer de la demande de protection présentée en vertu du paragraphe 112(1). Aux termes du paragraphe 79(2), l'instance doit reprendre lorsque «[l]e ministre notifie sa décision» concernant la demande de protection visée au paragraphe 112(1) et le juge «contrôle la légalité de la décision».
[27]À mon avis, l'esprit de la Loi, dans la mesure où ses dispositions sont pertinentes à cette étape de la procédure, s'établit comme suit:
1) En vertu du paragraphe 77(1), les ministres concernés (c'est-à-dire le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général du Canada) peuvent déposer auprès de la Cour un certificat attestant qu'un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité nationale pour qu'il en soit alors disposé au titre de l'article 80.
2) L'article 78 explique la procédure à suivre par la Cour pour rendre sa décision.
3) L'article 79 impose la suspension de l'affaire à la demande de la personne visée ou du ministre, pour permettre au ministre de décider de la demande de protection présentée en vertu du paragraphe 112(1).
4) L'instance, conformément au paragraphe 79(2), doit reprendre lorsque le ministre notifie à la personne concernée, soit M. Jaballah en l'espèce, et au juge de la Cour sa décision quant à la demande de protection.
5) En l'espèce, il est disposé de la demande de protection sur la base des éléments mentionnés à l'article 97, qui définit la notion de personne à protéger, et d'une appréciation du fait que la demande devrait être refusée en raison du danger que le demandeur constitue pour la sécurité du Canada (sous-alinéa 113d)(ii)).
6) À la reprise de l'instance, la Cour contrôle la légalité de la décision du ministre (paragraphe 79(2)) et décide du caractère raisonnable du certificat et de la légalité de la décision touchant la demande de protection (paragraphe 80(1)).
7) Le paragraphe 112(1) prévoit que la demande de protection doit être présentée, conformément aux règlements, au ministre par une personne touchée par une mesure de renvoi ou, dans le cas de M. Jaballah, par une personne visée au paragraphe 77(1). Certaines personnes se trouvant dans les situations décrites au paragraphe 112(2) ne sont pas admises à demander la protection et, en vertu des alinéas 95(1)c) et 112(3)d), l'«asile», aux termes de l'article 95, n'est pas conféré si le ministre accepte la demande de protection présentée notamment par une personne visée à l'alinéa 112(3)d), à savoir celle nommée sur le certificat dont il est question au paragraphe 77(1).
8) L'instance relative au certificat délivré par les ministres et réputé déposé en vertu du paragraphe 77(1) doit reprendre après avis à la Cour, ainsi qu'à M. Jaballah, de la décision du ministre quant à la demande de protection. J'estime que l'avis relatif à cette décision ne m'a pas été transmis par le ministre, puisque j'interviens comme juge de l'affaire. Le rapport de l'ERAR produit par un représentant du ministre n'a pas été envoyé au juge par le ministre comme ce dernier est requis de le faire lorsque sa décision est prise.
[28]J'hésite à faire toute tentative d'interprétation définitive du processus à suivre par le ministre pour disposer d'une demande de protection, particulièrement à la perspective d'avoir un jour à me prononcer sur la légalité de la décision du ministre au regard des motifs visés au paragraphe 18.1(4) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale, lesquels sont suffisamment larges pour englober l'examen des questions de droit, de fait et de procédure.
[29]Considérant l'allégation selon laquelle l'article 160 et suivants du Règlement sont ultra vires, et le fait que le débat à l'audience a principalement porté sur l'article 172 du Règlement, je ne suis pas convaincu que cet article ou toute autre disposition de la section 4 de la partie 8 du Règlement, laquelle réunit les articles 160 à 174 sous la rubrique générale «Examen des risques avant renvoi», sont ultra vires. Les prétentions de l'avocat de M. Jaballah quant à la validité de ces articles du Règlement sont fondées sur son interprétation de l'alinéa 95(1)c) de la LIPR, qui accorde au ministre un rôle limité pour disposer de la demande de protection. Comme je l'ai mentionné, cette interprétation ne me convainc pas. À mon avis, une demande de protection présentée au ministre conformément au paragraphe 112(1) doit être tranchée par le ministre.
[30]Ce faisant, le ministre est lié par les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement. La Loi prévoit expressément, à l'article 116, le recours aux règlements pour l'application de la section 3 de la partie I de la Loi, qui porte sur l'examen des risques avant renvoi (à savoir les articles 112 à 116). L'article 116 inclut le pouvoir de régir par règlement «l'application de la présente section» notamment «la procédure applicable à la demande de protection». À mon avis, l'article 172 du Règlement semble, de par sa nature, respecter les limites du large pouvoir discrétionnaire dont l'organisme de réglemen-tation est investi en vertu de l'article 116 de la Loi et aucune thèse convaincante n'a été soutenue pour en décider autrement.
CONCLUSION
[31]Pour ces motifs, je rejette la demande de redressement et les ordonnances demandées au nom de M. Jaballah.
[32]Je presse toutefois le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de terminer son appréciation de la demande de protection de M. Jaballah et d'aviser ce dernier et la Cour de sa décision dès que possible. Je suis préoccupé, et j'espère que le ministre le sera également, par le fait que la situation de M. Jaballah demeure non résolue alors qu'il continue d'être détenu, depuis maintenant presque 14 mois. Je reconnais que ce délai est attribuable en partie au temps qu'il m'a fallu pour apprécier entièrement l'information dont la Cour a été saisie dans l'affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Jaballah, [1999] A.C.F. no 1681 (1re inst.) (QL), où M. le juge Cullen a ordonné en novembre 1999 l'annulation du premier certificat délivré par les ministres, ainsi que l'information présentée à la Cour dans la présente affaire.
[33]Pour les besoins du dossier, en raison des modifications apportées à la législation applicable à cette procédure, la Cour ordonne également que l'intitulé de la cause soit modifié et énoncé tel qu'il est présenté au début des présents motifs et de l'ordonnance les accompagnant.
Annexe A
Dispositions législatives de la
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch 27.
[. . .]
PARTIE 1
Section 9
Examen de Renseignements à Protéger
[. . .]
77. (1) Le ministre et le solliciteur général du Canada déposent à la Section de première instance de la Cour fédérale le certificat attestant qu'un résident permanent ou qu'un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu'il en soit disposé au titre de l'article 80.
(2) Il ne peut être procédé à aucune instance visant le résident permanent ou l'étranger au titre de la présente loi tant qu'il n'a pas été statué sur le certificat; n'est pas visée la demande de protection prévue au paragraphe 112(1).
[. . .]
79. (1) Le juge suspend l'affaire, à la demande du résident permanent, de l'étranger ou du ministre, pour permettre à ce dernier de disposer d'une demande de protection visée au paragraphe 112(1).
(2) Le ministre notifie sa décision sur la demande de protection au résident permanent ou à l'étranger et au juge, lequel reprend l'affaire et contrôle la légalité de la décision, compte tenu des motifs visés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.
80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose.
(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu'il est raisonnable; si l'annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l'affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle-ci.
(3) La décision du juge est définitive et n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire.
81. Le certificat jugé raisonnable fait foi de l'interdiction de territoire et constitue une mesure de renvoi en vigueur et sans appel, sans qu'il soit nécessaire de procéder au contrôle ou à l'enquête; la personne visée ne peut dès lors demander la protection au titre du paragraphe 112(1).
[. . .]
PARTIE 2
PROTECTION DES RÉFUGIÉS
Section 1
Notions d'asile, de réfugié et de personne à protéger
95. (1) L'asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas:
a) sur constat qu'elle est, à la suite d'une demande de visa, un réfugié ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d'un permis de séjour délivré en vue de sa protection;
b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger;
c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).
[. . .]
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:
a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes--sauf celles infligées au mépris des normes intern ationales--et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d'une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.
98. La personne visée aux sections E ou F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoi r la qualité de réfugié ni de personne à protéger.
Section 2
Réfugiés et personnes à protéger
[. . .]
Section 3
Examen des risques avant renvoi
[. . .]
112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n'est pas visée au paragraphe 115(1) peut, con formément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).
[. . .]
(3) L'asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants:
a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;
b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonne ment d'au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l'extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprison-nement maximal d'au moins dix ans;
c) il a été débouté de sa demande d'asile au titre de la section F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés;
d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).
113. Il est disposé de la demande comme il suit:
a) le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas normalement accessibles ou, s'ils l'étaient, qu'il n'était pas raisonnable, dans les circonstances, de s'attendre à ce qu'il les ait présentés au moment du rejet;
b) une audience peut être tenue si le ministre l'estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;
c) s'agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;
d) s'agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l'article 97 et, d'autre part:
(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,
(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada.
114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l'asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s'agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.
(2) Le ministre peut révoquer le sursis s'il estime, après examen, sur la bas e de l'alinéa 113d ) et conformément aux règlements, des motifs qui l'ont justifié, que les circonstances l'ayant amené ont changé.
(3) Le ministre peut annuler la décision ayant accordé la demande de protection s'il estime qu'elle découle de présentatio ns erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.
(4) La décision portant annulation emporte nullité de la décision initiale et la demande de protection est réputée avoir été rejetée.
[. . .]
116. Les règlements régissent l'application de la présente section et portent notamment sur la procédure applicable à la demande de protection et à une décision rendue sous le régime de l'article 115, notamment la détermination des facteurs applicables à la tenue d'u ne audience.