A-286-01
2002 CAF 260
Silicon Graphics Limited (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
Répertorié: Silicon Graphics Ltd. c. Canada (C.A.)
Cour d'appel, juges Stone, Rothstein et Sexton, J.C.A. -- Toronto, 13 mai; Ottawa, 17 juin 2002.
Impôt sur le revenu -- Sociétés -- La contribuable est la société remplaçante d'Alias Research Inc. (Alias) -- De 1985 à 1990, Alias était une «corporation privée dont le contrôle est canadien» (CPCC) au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu puisque la majorité de ses actions en circulation étaient détenues par des résidents canadiens -- Après un placement d'actions initial, plus de la moitié des actions ordinaires d'Alias étaient détenues par des personnes ne résidant pas au Canada -- Il n'y avait aucune preuve d'entente entre les actionnaires ou de lien entre eux influençant la façon d'exercer leur droit de vote -- Il s'agissait de déterminer si Alias était contrôlée par des non-résidents pendant les années d'imposition 1992 et 1993 -- Distinction entre contrôle de droit et contrôle de fait -- Examen de la jurisprudence portant sur le contrôle de droit -- La simple possession d'une majorité mathématique d'actions par un ensemble d'actionnaires pris au hasard dans une société à grand nombre d'actionnaires sans lien commun ne constitue pas un contrôle de droit -- Le mot «contrôle» est important -- Aucun mot évoquant la simple possession n'est utilisé dans la définition de CPCC à l'art. 125(7) de la Loi -- La définition exige qu'il y ait un lien entre les actionnaires afin de démontrer qu'un groupe d'actionnaires possède le contrôle -- Une telle preuve n'a pas été déposée en l'espèce -- Le concept de contrôle de droit s'applique à la définition de CPCC à l'art. 125(7) de la Loi -- Alias était une CPCC tout au long des années d'imposition 1992 et 1993 parce qu'elle n'était pas contrôlée directement ou indirectement par des non-résidents.
Il s'agissait d'un l'appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt portant que, pendant les années d'imposition 1992 et 1993, la société qui a été remplacée par l'appelante, Alias Research Inc. (Alias), n'était pas une corporation privée dont le contrôle est canadien suivant la définition du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu parce que la majorité de ses actions en circulation étaient détenues par des non-résidents. Suivant le paragraphe 125(7), une «corporation privée dont le contrôle est canadien» est une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée par une ou plusieurs personnes non résidentes. Pendant toute la période pertinente, Alias était une entreprise de création et de commercialisation de logiciels graphiques perfectionnés. Du 13 février 1985 au 17 juillet 1990, la majorité de ses actions en circulation étaient détenues par des résidents canadiens. Revenu Canada a donc considéré Alias comme une «corporation privée dont le contrôle est canadien» (CPCC) selon la définition prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu. Après un placement d'actions initial effectué par Alias par l'entremise du marché boursier NASDAQ, plus de la moitié des actions ordinaires étaient détenues par des personnes ne résidant pas au Canada. Alias était non seulement une société ouverte, mais également une société à grand nombre d'actionnaires. Il n'y avait aucune preuve d'entente entre les actionnaires ou de lien entre eux qui influencerait la façon dont ils auraient exercé leur droit de vote. En établissant l'impôt d'Alias pour ses années d'imposition 1992 et 1993, le ministre a conclu que, comme plus de 50 p. 100 de ses actionnaires étaient des non-résidents, Alias ne respectait plus la définition que donnait la loi d'une CPCC. L'unique question dont a été saisie la Cour de l'impôt consistait à savoir si Alias était «contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes». L'appel a été rejeté. La question en l'espèce consistait à savoir si une société est contrôlée par des non-résidents au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu uniquement en raison du fait que plus de 50 p. 100 des actions sont détenues par des personnes non résidentes, alors qu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'un lien entre elles.
Arrêt: l'appel est accueilli.
Lorsque la question de la définition de «contrôle» est soulevée, une distinction doit être faite entre le contrôle de droit et le contrôle de fait. Le contrôle de droit est le contrôle conféré par la majorité des voix de la société ainsi qu'il se manifeste par la capacité d'élire les administrateurs de la société. La simple possession d'une majorité mathématique d'actions par un ensemble d'actionnaires pris au hasard dans une société à grand nombre d'actionnaires ayant certains éléments communs identificateurs, mais sans lien commun, ne constitue pas un contrôle de droit ainsi que cette expression a été définie par la jurisprudence. Pour que plus d'une personne soit en position d'exercer un contrôle, il est nécessaire qu'il y ait un lien suffisant entre les actionnaires. Ce lien pourrait inclure, notamment, une entente de vote, une entente pour agir de concert ou des liens commerciaux ou familiaux. On n'a présenté aucune preuve qui laisserait entrendre que les actionnaires non résidents voteront en bloc lors de l'élection des administrateurs d'Alias ou concernant d'autres questions importantes liées au contrôle de cette société. La résidence des actionnaires n'indique pas à elle seule s'ils sont d'accord quant aux questions importantes liées au contrôle d'une société. En soutenant que la question de la résidence des actionnaires est essentielle à la détermination de l'existence d'une CPCC, l'intimée n'a pas mis l'accent sur l'importance du mot «contrôle» de la définition de CPCC au paragraphe 125(7). Aucun mot évoquant la simple possession n'est utilisé dans cette définition. Le paragraphe 125(7) a été modifié pour les années d'imposition postérieures à 1995 par l'ajout d'un paragraphe qui met l'accent sur la possession. Il s'agissait d'une modification importante puisque la simple possession d'actions par une majorité de non-résidents suffirait à conférer le contrôle à ces non-résidents. Cela justifiait l'opinion selon laquelle la définition de CPCC au paragraphe 125(7) dans sa forme non modifiée exigeait qu'il y ait un lien entre les actionnaires afin de démontrer qu'un groupe d'actionnaires possédait le contrôle. Le mot important était «contrôle» qui exigeait qu'il y ait un lien suffisant entre les différentes personnes visées par la définition pour que l'on puisse considérer que ces personnes exerçaient un contrôle. L'expression «contrôle [. . .] par une ou plusieurs personnes» qui figure toujours dans la définition de CPCC n'a pas une signification différente de l'expression «contrôle [. . .] par une personne ou un groupe de personnes». Ainsi, la jurisprudence découlant de l'interprétation de l'expression «contrôle [. . .] par une personne ou un groupe de personnes» s'appliquait. Par conséquent, il doit y avoir un lien ou un intérêt commun entre les membres d'un groupe ou l'on doit faire la preuve que ces derniers agissent de concert afin d'exercer un contrôle. Une telle preuve n'a pas été déposée en l'espèce. Le concept de contrôle de droit, ainsi qu'il a été élaboré dans la jurisprudence, s'appliquait à la définition de CPCC du paragraphe 125(7). Il exigeait un lien ou un intérêt commun entre les actionnaires qui composent le «groupe de personnes» ou la preuve que ces actionnaires agissent de concert afin de contrôler la société. Il n'y avait pas une telle preuve en l'espèce. Le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant que les actionnaires non-résidents détenaient un contrôle de droit sur Alias.
L'intimée a soutenu que Silicon Graphics Inc. (Silicon US), une société publique américaine, contrôlait en fait Alias en raison d'un prêt qu'elle lui avait consenti. Pour que l'on puisse conclure à un contrôle de fait, une personne ou un groupe de personnes doivent avoir le droit et la capacité manifestes de procéder à une modification importante du conseil d'administration ou des pouvoirs du conseil ou d'influencer d'une façon directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le conseil d'administration. L'intimée n'a présenté aucune preuve qui aurait satisfait à ces critères. Rien dans la preuve n'indiquait que Silicon US, en tant que créancière, avait déjà exercé un contrôle opérationnel sur Alias. Les faits invoqués par l'intimée en rapport avec le prêt consenti par Silicon US démontraient simplement que cette dernière protégeait ses intérêts en tant que prêteuse d'Alias. Le contrôle de fait est toujours resté au Canada pour les motifs suivants: la majorité des membres du conseil d'administration et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens, le principal établissement d'Alias était situé à Toronto et le personnel de direction de Toronto dressait annuellement une liste de candidats à élire au conseil d'administration, laquelle liste était toujours retenue par les actionnaires. Tout au long des années 1992 et 1993, Alias était une CPCC parce qu'elle n'était pas contrôlée directement ou indirectement par une ou plusieurs personnes non résidentes.
lois et règlements
Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 88(1),(1.1), 125(7) (mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 145; 2001, ch. 17, art. 113), 127(10.1), 127.1(1), 256(6) (mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 246).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 89(1)a),f) (mod. par L.C. 1991, ch. 49, art. 67), g), 111(4) (mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 54), (5) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 70; 1984, ch. 1, art. 54), 125(7)b) (mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 40).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, art. 39(4), 139A.(1) (mod. par S.C. 1963, ch. 21, art. 28).
Loi de 1997 modifiant l'impôt sur le revenu, L.C. 1998, ch. 19, art. 145(2).
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 45(2).
Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. 1990, ch. B.16.
Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 3200 (mod. par DORS/94-140, art. 6).
jurisprudence
décisions appliquées:
Buckerfield's Ltd. et al v. Minister of National Revenue, [1965] 1 R.C.É. 299; [1964] C.T.C. 504; (1964), 64 DTC 5301;Vina-Rug (Canada) Limited c. Ministre du Revenu national, [1968] R.C.S. 193; (1968), 66 D.L.R. (2d) 456; [1968] CTC 1; 68 DTC 5021; Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795; (1998), 159 D.L.R. (4th) 457; 39 B.L.R. (2d) 1; [1998] 3 C.T.C. 303; 98 DTC 6334; 225 N.R. 241;Yardley Plastics of Canada Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 1027; [1966] C.T.C. 215; (1966), 66 DTC 5183; Regal Wholesale Ltd. c. La Reine, [1976] 2 C.F. 635; (1976), 67 D.L.R. (3d) 577; [1976] CTC 262; 76 DTC 6146 (1re inst.); Canada c. Succession Ast, [1997] 3 C.F. 86; [1997] 2 C.T.C. 209; (1997), 97 DTC 5197; 209 N.R. 324 (C.A.); Canadian Occidental U.S. Petroleum Corp. c. Canada (2001), 2001 DTC 295 (C.C.I.).
décisions citées:
Ministre du Revenu national c. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223; (1967), 60 D.L.R. (2d) 448; [1967] CTC 50; 67 DTC 5035; International Iron & Metal Co. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 898; (1972), 27 D.L.R. (3d) 1; [1972] CTC 242; 72 DTC 6205; La Reine c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288; (1985), 21 D.L.R. (4th) 741; 31 B.L.R. 77; [1985] 2 C.T.C. 299; 85 DTC 5500; 62 N.R. 137; Bowens c. R., [1996] 2 C.T.C. 120; (1996), 96 DTC 6128 (C.A.F.); Pollock c. R. (1993), 3 C.C.P.B. 307; [1994] 1 C.T.C. 3; [1994] 2 C.T.C. 385; 94 DTC 6050 (C.A.F.); Société Foncière d'Investissement Inc. c. Canada, [1995] A.C.I. no 1568 (QL); International Mercantile Factors Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 137; (1990), 90 DTC 6390; 36 F.T.R. 45 (C.F. 1re inst.); conf. par (1992), 94 DTC 6365 (C.A.F.); Multiview Inc. c. Canada, [1997] 3 C.T.C. 2962; (1997), 97 DTC 1489 (C.C.I.).
doctrine
Income Tax Act and Regulations. Department of Finance Technical Notes: A Consolidation of Technical Notes and other Income Tax Commentary from the Department of Finance, 4th ed. Toronto: Carswell, consolidated to 1992.
Revenue Canada Round Table. 1984 Conference Report, Toronto: Canadian Tax Foundation, 1985.
Revenue Canada Round Table. 1995 Conference Report, Toronto: Canadian Tax Foundation, 1996.
Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. Toronto: Butterworths, 1994.
APPEL d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt ((2001), 2001 DTC 379) portant que, tout au long des années d'imposition 1992 et 1993, la société remplacée par l'appelante, Alias Research Inc., n'était pas une corporation privée dont le contrôle est canadien au sens de la définition du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'une majorité de ses actions en circulation étaient détenues par des non-résidents. Appel accueilli.
ont comparu:
Roger E. Taylor, Edward C. Rowe et Paul Lefebvre pour l'appelante.
Harry Erlichman et Elizabeth D. Chasson pour l'intimée.
avocats inscrits au dossier:
Donahue LLP pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Sexton, J.C.A.:
Introduction
[1]La question en litige consiste à savoir si une société est contrôlée par des non-résidents au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, uniquement en raison du fait que plus de 50 p. 100 des actions sont détenues par des personnes non-résidentes, alors qu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'un lien entre elles.
Faits
[2]L'appelante est la société remplaçante d'Alias Research Inc. (Alias). Alias a été constituée en 1985 en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. B.16, et a exploité, pendant toute la période pertinente, une entreprise de création et de commercialisation de logiciels graphiques perfectionnés. De 1986 à 1993, Alias a employé un nombre important et croissant de personnes qui effectuaient de la recherche scientifique et du développement expérimental (RSDE) au Canada. Le principal établissement d'Alias se trouvait à Toronto en Ontario.
[3]Du 13 février 1985 au 17 juillet 1990, Alias n'était pas une corporation ouverte. La majorité des actions en circulation d'Alias étaient à cette époque détenues par des résidents canadiens. Durant ces années, Revenu Canada a considéré Alias comme une «corporation privée dont le contrôle est canadien», (CPCC) selon la définition prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, elle avait droit à des crédits d'impôt à l'investissement pour ses dépenses de RSDE, au taux de 35 p. 100 pour la première tranche de 2 000 000 $, en vertu du paragraphe 127(10.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et à des crédits d'impôt remboursables en vertu du paragraphe 127.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
[4]Le 17 juillet 1990, lors de l'année d'imposition 1991 d'Alias, cette dernière a effectué un placement d'actions initial par l'entremise du marché boursier NASDAQ aux États-Unis. Un total de 5 049 836 actions ordinaires ont été émises à la suite du placement. Il n'y a pas eu d'autres actions en circulation--à part les actions ordinaires--après le placement initial.
[5]Alias a par la suite émis des actions ordinaires en conséquence de placements privés, de l'exercice d'options d'actionnariat par les employés, de contreparties versées pour des acquisitions de sociétés et d'honoraires pour les services offerts par des tiers de novembre 1990 à la fin de l'année d'imposition 1993 d'Alias. Au 31 janvier 1993, il y avait environ 8 187 241 actions ordinaires émises et en circulation d'Alias.
[6]Après le placement initial et par la suite, jusqu'à la fin de l'année d'imposition 1993 d'Alias, plus de la moitié des actions ordinaires étaient détenues par des personnes ne résidant pas au Canada. À la fin des années d'imposition 1992 et 1993, les non-résidents détenaient respectivement 89 p. 100 et 74 p. 100 des actions ordinaires.
[7]Il convient également de remarquer qu'Alias était non seulement une société ouverte, mais également une société à grand nombre d'actionnaires. Pendant la période pertinente, aucun actionnaire n'a détenu plus de 13 p. 100 des actions. Le 10 septembre 1991, il y avait 136 actionnaires, dont 78 étaient des non-résidents. Le 6 mai 1992, on comptait 305 actionnaires, dont 233 étaient des non-résidents.
[8]Il n'y avait aucune preuve d'entente entre les actionnaires ou de lien entre eux qui influencerait la façon dont ils auraient exercé leur droit de vote, et il semble effectivement qu'il n'y avait pas de mécanisme facilement accessible permettant aux actionnaires de découvrir l'identité des autres actionnaires.
[9]Pendant ce temps, la majorité des membres du conseil d'administration et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens, et le principal établissement d'Alias se trouvait à Toronto, en Ontario.
[10]Le personnel de direction de Toronto dressait annuellement une liste de candidats à élire pour le conseil d'administration, liste qui était toujours retenue par les actionnaires.
[11]En établissant l'impôt d'Alias pour ses années d'imposition 1992 et 1993, le ministre a conclu que, comme plus de 50 p. 100 des actionnaires d'Alias étaient des non-résidents, cette dernière ne respectait plus la définition que donnait la loi d'une CPCC. En conséquence, les déductions demandées par Alias relativement à la RSDE ont été rejetées.
Décision de la Cour de l'impôt
[12]La question dont était saisie la Cour de l'impôt [(2001), 2001 DTC 379 (C.C.I.)] consistait à savoir si Alias était une CPCC. Une CPCC était définie à l'alinéa 125(7)b) [mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 40] de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63], qui, à l'époque pertinente, était ainsi rédigé:
125. (7) [. . .]
b) «corporation privée dont le contrôle est canadien» désigne une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes, par une ou plusieurs corporations publiques (autre qu'une corporation à capital de risque prescrite) ou par une combinaison de celles-ci;
Dans la mesure où elle s'applique à la présente affaire, cette définition se décompose en trois éléments: pour être une CPCC, une corporation 1) doit être une corporation canadienne, 2) doit être une corporation privée et 3) ne doit pas être contrôlée par une ou plusieurs personnes non-résidentes.
[13]Une «corporation canadienne» était définie de la façon suivante à l'alinéa 89(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu:
89. (1) [. . .]
a) «corporation canadienne», à une date quelconque, signifie une corporation qui, à cette date, résidait au Canada et qui
(i) avait été constituée au Canada [. . .]
Alias a été constituée au Canada et y résidait et, par conséquent, elle était une «corporation canadienne».
[14]La définition de «corporation privée» de la Loi de l'impôt sur le revenu contenue à l'alinéa 89(1)f) [mod. par L.C. 1991, ch. 49, art. 67] prévoyait ce qui suit:
89. (1) [. . .]
f) «corporation privée» s'entend d'une corporation qui, à une date donnée, réside au Canada, n'est pas une corporation publique et n'est pas contrôlée par une ou plusieurs corporations publiques [. . .] ou sociétés d'État prévues par règlement, ou par l'une et l'autre de celles-ci; [. . .]
[15]Pendant les années d'imposition pertinentes, une «corporation publique» était définie de façon restrictive à l'alinéa 89(1)g) de la Loi de l'impôt sur le revenu:
89. (1) [. . .]
g) «corporation publique», à une date donnée, signifie une corporation qui, à la date donnée, résidait au Canada, si
(i) à la date donnée, une ou plusieurs catégories d'actions du capital-actions de cette corporation étaient admises à une bourse prescrite au Canada,
La partie pertinente de la définition prévoyait qu'une «corporation publique» correspondait à une corporation qui possédait une catégorie d'actions qui étaient «admises à une bourse prescrite au Canada». L'article 3200 [mod. par DORS/94-140, art. 6] du Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, énumère les bourses qui sont «prescrites» pour l'application de l'article 89. Le NASDAQ n'était pas une bourse au Canada et, pendant la période d'imposition pertinente, n'était pas visée par l'article 3200. Par conséquent, à la suite du placement initial, Alias n'était pas une «corporation publique» étant donné la façon dont une «corporation privée» était définie et, comme elle résidait au Canada, Alias était, par défaut, une «corporation privée» et une «corporation canadienne». Par conséquent, l'unique question dont était saisi le juge de la Cour de l'impôt consistait à savoir si Alias était «contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non-résidentes».
[16]Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté l'appel et a conclu que le contrôle de droit existait en raison du simple fait qu'une majorité des actions en circulation d'Alias étaient détenues par des non-résidents. En conséquence, le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'examiner la question du contrôle de fait soulevée par l'intimée dans sa plaidoirie.
[17]Le juge de la Cour de l'impôt a conclu ce qui suit [au paragraphe 14]:
Dès que le nombre d'actionnaires non-résidents franchit la barre des 50 p. 100, le contrôle et le droit d'élire le conseil d'administration sont exercés par ces actionnaires non- résidents, et l'existence d'un lien entre eux n'est pas nécessaire.
Questions en litige
[18]Il s'agit principalement de savoir si Alias était une CPCC pendant ses années d'imposition 1992 et 1993. Plus particulièrement, il s'agit de savoir si Alias était contrôlée par des non-résidents pendant ses années d'imposition 1992 et 1993.
[19]Cette question principale se décompose en deux sous-questions:
1) Alias était-elle assujettie au contrôle de droit des non-résidents?
2) Alias était-elle assujettie au contrôle de fait des non-résidents?
Contrôle de droit
[20]Lorsque la question de la définition de «contrôle» a été soulevée par le passé, une distinction a été établie entre le contrôle de droit et le contrôle de fait. Ces deux formes seront examinées à tour de rôle.
Jurisprudence
[21]Le critère général du contrôle de droit a été décrit, dans un certain nombre d'affaires, comme le contrôle conféré par la majorité des voix de la corporation, ainsi qu'il se manifeste par la capacité d'élire les administrateurs de la corporation. La description classique du contrôle de droit a été formulée par le président Jackett dans l'affaire Buckerfield's Ltd. et al v. Minister of National Revenue, [1965] 1 R.C.É. 299, à la page 303, ou il a défini le contrôle de droit:
[traduction] [. . .] le droit de contrôle auquel donne lieu le fait de détenir un nombre d'actions tel qu'il confère la majorité des voix à leur détenteur dans l'élection du conseil d'administration.
[22]Cette déclaration a été citée et approuvée par la Cour suprême du Canada dans une série d'affaires: Ministre du Revenu national c. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223, aux pages 227 et 228; Vina-Rug (Canada) Limited c. Ministre du Revenu national, [1968] R.C.S. 193, à la page 197; International Iron & Metal Co. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 898, à la page 901; La Reine c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288, aux pages 293 et 294; et Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795, au paragraphe 35. Il convient de remarquer, toutefois, que dans aucune de ces affaires la Cour suprême du Canada n'a décidé que le contrôle de droit était composé d'une simple majorité d'actions d'une société à grand nombre d'actionnaires. Dans chaque cas, la participation majoritaire était détenue par un actionnaire ou une poignée d'actionnaires qui étaient liés d'une certaine façon.
[23]La formulation la plus récente par la Cour suprême du Canada du concept de contrôle de droit figure dans l'arrêt Duha Printers, précité, sur lequel l'intimée s'est largement fondée. Dans cette arrêt, Duha Printers (Western) Ltd. (Duha) a décidé d'acquérir les actions d'une société inactive, Outdoor Leisureland of Manitoba, de Marr's Leisure Holdings dans le but de tirer avantage des pertes autres que des pertes en capital d'Outdoor.
[24]Le paragraphe 111(5) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 70; 1984, ch. 1, art. 54] de la Loi de l'impôt sur le revenu limitait la déduction de pertes que pouvait demander une corporation «en cas d'acquisition [. . .] du contrôle de la corporation par une personne ou un groupe de personnes» qui ne contrôlaient pas la corporation au moment où les pertes ont été engagées. Par conséquent, pour que Duha puisse déduire les pertes autres que les pertes en capital d'Outdoor, elle devait acquérir Outdoor, mais Marr's devait conserver le contrôle d'Outdoor. Afin d'y parvenir, il a été conclu que Marr's acquerrait une participation majoritaire dans Duha et que Duha acquerrait les actions d'Outdoor.
[25]La question en litige dans l'arrêt Duha Printers était celle de savoir si l'acquisition par Marr's de 56 p. 100 des actions de Duha, que Marr's a détenues pendant une journée, correspondait à l'acquisition du contrôle de Duha. Le ministre a soutenu que la brève possession par Marr's de Duha signifiait que Marr's ne contrôlait pas Duha. Néanmoins, le Cour suprême a conclu que Marr's avait acquis le contrôle de Duha (et par conséquent d'Outdoor) au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.
[26]Examinant la question du contrôle d'une corporation, le juge Iacobucci, dans l'affaire Duha Printers, a déclaré ce qui suit au paragraphe 36:
Ainsi, le contrôle de jure est devenu la norme canadienne, et le critère généralement admis à cet égard consiste à se demander si la partie qui détient le contrôle a, en vertu des actions qu'elle possède, la capacité d'élire la majorité des membres du conseil d'administration. Toutefois, il faut reconnaître, au départ, que ce critère est vraiment une tentative de vérifier qui exerce un contrôle effectif sur les affaires et les destinées de la société. Autrement dit, bien que les administrateurs aient généralement, en vertu de la loi qui régit la société, le droit explicite de gérer la société, l'actionnaire majoritaire exerce indirectement ce contrôle en raison de sa capacité d'élire le conseil d'administration. Ainsi, c'est en réalité l'actionnaire majoritaire, et non pas les administrateurs eux-mêmes, qui exerce un contrôle effectif sur la société. Le président Jackett a reconnu expressément cela en énonçant le critère de l'arrêt Buckerfield's.
Il a ajouté ce qui suit au paragraphe 40:
Comme je l'ai déjà souligné, la façon générale de déterminer où se situe le contrôle consiste à examiner le registre des actionnaires de la société pour vérifier quel actionnaire, s'il en est, est en mesure d'élire la majorité des membres du conseil d'administration et possède donc le type de pouvoir envisagé par le critère de l'arrêt Buckerfield's, précité.
[27]L'intimée a soutenu qu l'arrêt Duha Printers appuyait sa position selon laquelle il ne fallait examiner le registre des actionnaires que pour apprendre si des non-résidents avaient le contrôle d'Alias et que, si plus de la moitié des actions étaient détenues par des non-résidents, alors ces derniers avaient le contrôle. En particulier, l'intimée s'est fondée sur la déclaration suivante du juge Iacobucci figurant au paragraphe 59:
[. . .] les conventions entre les actionnaires, les conventions en matière de droits de vote, et ainsi de suite, sont généralement des ententes que les tribunaux n'examinent pas pour vérifier qui exerce le contrôle. À mon avis, cela s'explique par le fait qu'elles créent des obligations contractuelles et non des obligations juridiques ou tenant d'un acte constitutif.
[28]L'intimée a soutenu que cette déclaration indique que tout autre lien de fait entre les actionnaires individuellement ne doit pas être examiné afin de vérifier si le contrôle de droit est détenu ou non par ces actionnaires.
[29]On doit se rappeler que dans l'arrêt Duha Printers, la Cour était saisie d'une affaire où un actionnaire unique possédait une majorité d'actions, soit 56 p. 100, ce qui suffisait normalement à démontrer le contrôle de droit. La principale question en litige dans cet arrêt était celle de savoir si une convention unanime des actionnaires (CUA) pouvait être examinée pour décider si l'actionnaire majoritaire n'avait pas le contrôle de droit. On n'a pas demandé à la Cour dans l'arrêt Duha Printers d'examiner la question de savoir comment déterminer si plus d'un actionnaire avait détenu le contrôle de droit. Cela est devenu manifeste lorsque la Cour dans l'arrêt Duha Printers a fait référence à l'«actionnaire majoritaire» en résumant les principes et les conclusions portant sur le contrôle au paragraphe 85:
Sommaire des principes et conclusion quant au contrôle
Il peut être utile, à ce stade, de résumer les principes du droit des sociétés et du droit fiscal étudiés dans le présent pourvoi, étant donné leur importance. Ces principes sont le [sic] suivants:
(1) Le paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu vise le contrôle de jure, et non pas le contrôle de facto. |
(2) Le critère général du contrôle de jure a été énoncé dans l'arrêt Buckerfield's, précité: il s'agit de décider si l'actionnaire majoritaire exerce un «contrôle effectif» sur «les affaires et les destinées» de la société, contrôle qui ressort de la «propriété d'un nombre d'actions conférant la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration». |
(3) Pour décider s'il y a «contrôle effectif», il faut prendre en considération ce qui suit: |
a) la loi qui régit la société;
b) le registre des actionnaires de la société;
c) toute restriction, particulière ou exceptionnelle, imposée soit au pouvoir de l'actionnaire majoritaire de contrôler l'élection du conseil, soit au pouvoir du conseil de gérer l'entreprise et les affaires internes de la société, qui ressort de l'un ou l'autre des documents suivants:
(i) des actes constitutifs de la société;
(ii) d'une convention unanime des actionnaires.
(4) Les documents autres que le registre des actionnaires, les actes constitutifs et les conventions unanimes des actionnaires ne doivent généralement pas être pris en considération à cette fin. |
(5) Lorsqu'il existe une restriction du genre visé à l'alinéa 3c), l'actionnaire majoritaire peut tout de même exercer le contrôle de jure, à moins qu'il ne dispose d'aucun moyen d'exercer un «contrôle effectif» sur les affaires et les destinées de la société, d'une manière analogue ou équivalente au critère de Buckerfield's. [Je souligne.] |
[30]Ainsi, l'arrêt Duha Printers établit que lorsqu'un actionnaire contrôle plus de 50 p. 100 des actions avec droit de vote d'une société, cet actionnaire sera réputé posséder le contrôle de droit à moins que d'autres documents constitutifs de la société, y compris des éléments comme une CUA, ne le soustraient à cette position de contrôle.
[31]Toutefois, l'arrêt Duha Printers ne portait pas sur la façon dont on peut décider du contrôle d'une société lorsque plus d'un actionnaire est considéré avoir le contrôle. Dans le cas des sociétés dont les actions sont détenues par plusieurs actionnaires, un examen du registre des actionnaires en soi ne révélera normalement pas quels actionnaires en particulier exercent le contrôle. Par conséquent, je suis d'avis que l'arrêt Duha Printers n'est pas utile à la cause de l'intimée.
[32]La plupart des affaires qui abordent la question du contrôle concernent des situations où une seule ou quelques personnes possèdent une participation majoritaire. Toutefois, la question essentielle en l'espèce est celle de savoir si une simple majorité d'actions détenues par des non-résidents implique que ces derniers possèdent le contrôle de droit ou si un certain lien doit exister entre ces actionnaires pour soutenir une telle inférence.
[33]Certaines affaires ont laissé entendre qu'un lien doit exister entre les actionnaires majoritaires pour qu'ils puissent composer un «groupe de personnes» au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans l'affaire Yardley Plastics of Canada Ltd. v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.É. 1027, le juge Noël a déclaré qu'on ne peut simplement choisir un ensemble d'actionnaires détenant la majorité du pouvoir de contrôle. Il a écrit ce qui suit à la page 1037:
[traduction] Je ne pense pas que le Ministre soit autorisé, comme le prétend l'avocat de ce dernier, à choisir parmi différents groupes possibles un groupe détenant plus de 50 p. 100 des actions donnant droit de vote, même si les membres du groupe sont actionnaires ordinaires des deux sociétés, ni qu'un tel groupe puisse alors être absolument considéré comme détenant le pouvoir de contrôle aux fins de l'article 39(4) de la Loi. Ceci pourrait en effet conduire à une situation absurde dans laquelle toute société importante de ce pays pourrait être considérée comme associée à une autre.
[34]Puis, dans l'affaire Regal Wholesale Ltd. c. La Reine, [1976] 2 C.F. 635 (1re inst.), le juge Dubé a également conclu que les membres d'un «groupe de personnes» doivent posséder une «communauté d'intérêt». Il a écrit ce qui suit à la page 647:
[. . .] selon les dictionnaires Oxford et Webster, le mot «groupe» signifie «entité collective» et, par connotation, implique l'idée de «ségrégation» et de «communauté d'intérêt».
[35]Le précédent jurisprudentiel le plus important en ce qui concerne le contrôle par plus d'un actionnaire est la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Vina-Rug, précité. Dans cet arrêt, il s'agissait de savoir si une société contrôlée par un père et ses deux fils était associée à une deuxième société, dont plus de la moitié des actions étaient détenues par les deux fils et une partie non liée. La Cour a conclu que la deuxième société était contrôlée par les deux fils et la partie non liée parce qu'il existait entre les actionnaires «un lien suffisant pour être en état d'exercer un contrôle» de la deuxième société. La Cour a déclaré ce qui suit à la page 196:
[traduction] Le juge de première instance a conclu que John Stradwick Jr, W.L. Stradwick et H.D. McGilvery, qui collectivement détenaient plus de 50 p. 100 des actions de Stradwick's Limited, avaient à toutes les époques pertinentes un lien suffisant pour être en état d'exercer un contrôle sur Stradwick's Limited et, par conséquent, constituaient un «groupe de personnes» au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je souscris à cette conclusion. [Je souligne.]
[36]Me fondant sur ces décisions, je souscris à l'argument de l'appelante selon lequel la simple possession d'une majorité mathématique d'actions par un ensemble d'actionnaires pris au hasard dans une société à grand nombre d'actionnaires ayant certains éléments communs identificateurs (p. ex. le lieu de résidence) mais sans un lien commun ne constitue pas un contrôle de droit ainsi que le terme a été défini par la jurisprudence. Je souscris également à l'argument de l'appelante selon lequel pour que plus d'une personne soit en position d'exercer un contrôle, il est nécessaire qu'il y ait un lien suffisant entre les actionnaires. Ce lien pourrait inclure, notamment, une entente de vote, une entente pour agir de concert ou des liens commerciaux ou familiaux.
[37]En l'espèce, on n'a présenté aucune preuve qui laisserait entendre que les actionnaires non résidents voteront en bloc lors de l'élection des administrateurs d'Alias ou concernant d'autres questions importantes liées au contrôle de cette société. La résidence des actionnaires n'indique pas à elle seule s'ils sont d'accord quant aux questions importantes liées au contrôle d'une société. Le fait que plus de la moitié des actionnaires d'Alias résident aux États-Unis alors qu'il n'y a pas de preuve qu'ils ont un lien commun ou qu'ils connaissent l'identité des autres ne fournit aucune indication quant à savoir s'ils pourraient être ou seraient d'accord au sujet d'une question liée au contrôle de la société.
Arguments législatifs
[38]Selon l'intimée, pour l'application de la définition d'une CPCC du paragraphe 125(7), c'est la résidence des actionnaires qui est déterminante. L'intimée a soutenu que la question de la résidence des actionnaires est essentielle à la détermination de l'existence d'une CPCC, l'accent étant placé non pas sur la question de savoir si les actionnaires forment un groupe majoritaire, mais plutôt sur la résidence de ceux qui ont le pouvoir de choisir le conseil d'administration.
[39]Il me semble que l'intimée, en avançant ces propositions, n'a pas mis l'accent sur l'importance du mot «contrôle» de la définition de CPCC du paragraphe 125(7). La résidence d'une proportion d'actionnaires ne peut certainement pas indiquer s'ils ont ou non le pouvoir de contrôler la société. En effet, les arguments de l'intimée reviennent en fait à dire que si une majorité des actions d'une société sont possédées par des non-résidents, alors ce sont ces derniers qui exercent le contrôle. La difficulté que j'éprouve à l'égard de cet argument est qu'aucun mot évoquant la simple possession n'est utilisé dans la définition de CPCC du paragraphe 125(7).
[40]Les rédacteurs de la définition de CPCC du paragraphe 125(7) auraient pu utiliser le concept de possession plutôt que celui du contrôle si telle avait été leur intention. Les mots «possession» et «possédé» ont été utilisés dans d'autres parties de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par exemple, le paragraphe 139A(1), qui figurait dans la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1963, ch. 21, art. 28)] antérieure à 1972 et précédait donc la définition de CPCC, précisait ce qui suit:
139A. (1) Aux fins de la présente loi, une corporation est dans une mesure quelconque possédée par des Canadiens dans une année d'imposition si pendant l'entière période de soixante jours précédant immédiatement ladite année [. . .]
(A) au moins 25 p. 100 des actions émises de la corporation, admises en toutes circonstances aux pleins droits de vote, aient été possédées par un ou plusieurs particuliers résidant au Canada, ou par une ou plusieurs corporations contrôlées au Canada ou par une combinaison desdits particuliers et corporations,
Les paragraphes 88(1) et 88(1.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu traitent de la liquidation d'une société dans sa société mère et prévoient encore aujourd'hui ce qui suit dans leur préambule:
88. (1) Lorsqu'une société canadienne imposable (appelée «filiale» au présent paragraphe) a été liquidée [. . .], qu'au moins 90 % des actions émises de chaque catégorie de son capital-actions appartenaient, immédiatement avant la liquidation, à une autre société canadienne imposable [. . .]
[41]Il convient également de remarquer que dans L.C. 1998, ch. 19, paragraphes 145(2) et 145(5), le paragraphe 125(7) a été modifié pour les années d'imposition postérieures à 1995 par l'ajout d'un paragraphe à la définition de CPCC qui met l'accent sur la possession. L'article original demeure inchangé tout comme l'alinéa a) de la définition, à l'exception de l'ajout d'une référence au nouvel alinéa c). Dans le contexte des faits de l'espèce, la modification de l'alinéa b) prévoit que toutes les actions détenues par chaque personne non-résidente seront réputées être détenues par une personne non-résidente. Si cette personne non-résidente hypothétique contrôlait la société, alors cette dernière n'est pas une CPCC. Le libellé de la définition prévue par L.C. 1998, ch. 19, paragraphe 145(2) est ainsi rédigé:
145.(2) [. . .]
«société privée sous contrôle canadien» Société privée qui est une société canadienne, à l'exception des sociétés suivantes:
a) la société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non-résidentes ou par une ou plusieurs sociétés publiques, sauf une société à capital de risque visée par règlement, ou par une combinaison de celles-ci;
b) si chaque action du capital-actions d'une société appartenant à une personne non-résidente ou à une société publique, sauf une société à capital de risque visée par règlement, appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière;
c) la société dont une catégorie d'actions du capital-actions est cotée à une bourse de valeurs visée par règlement; [Je souligne.]
La définition a encore été modifiée pour les années d'imposition postérieures à 1999 par L.C. 2001, ch. 17, paragraphes 113(2) et 113(4), mais sans influer sur la question examinée en l'espèce.
[42]L'intimée soutient qu'il n'est pas permis à la Cour d'examiner les modifications ultérieures apportées à la définition de CPCC du paragraphe 125(7) et se fonde sur le paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui est ainsi rédigé:
45. [. . .]
(2) La modification d'un texte ne constitue pas ni n'implique une déclaration portant que les règles de droit du texte étaient différentes de celles de sa version modifiée ou que le Parlement, ou toute autre autorité qui l'a édicté, les considérait comme telles.
[43]Toutefois, la Loi d'interprétation n'empêche pas la Cour de tirer une inférence selon laquelle les modifications sont destinées à changer la loi lorsque la preuve interne et externe justifie une telle conclusion. On a laissé entendre qu'il existe une présomption selon laquelle les modifications apportées au libellé d'une loi ont un but et que les dispositions de la Loi d'interprétation mentionnées ci-dessus n'empêchent pas la Cour de reconnaître que, en principe du moins, l'objet principal des modifications est de provoquer un changement considérable du droit. Voir R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Londres: Butterworths, 1994), à la page 451.
[44]En l'espèce, il me semble que lorsque le Parlement souhaite que la simple possession d'actions soit importante dans la détermination du contrôle, il recourt aux mots «possédé» et «possession». Ainsi, je conclus que le mot «contrôle» de la version non modifiée de la définition de CPCC du paragraphe 125(7) n'évoque pas la simple possession.
[45]Je suis d'avis qu'il s'agit d'une circonstance où il est manifeste qu'une modification importante a été apportée à une disposition législative. La modification concernait le fait que la simple possession d'actions par une majorité de non-résidents suffirait à conférer le contrôle à ces non-résidents. Cela justifie mon opinion selon laquelle la définition de CPCC du paragraphe125(7) dans sa forme non modifiée exige qu'il y ait un lien commun entre les actionnaires afin de démontrer qu'un groupe d'actionnaires possède le contrôle.
[46]Il convient également de mentionner que le libellé de la définition de CPCC du paragraphe 125(7) est différent des autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui font référence au contrôle d'une corporation. Par exemple, le paragraphe 39(4) [S.R.C. 1952, ch. 148], la disposition examinée dans les affaires Buckerfield's, précitée, Dworkin Furs, précitée et Vina-Rug, précitée, précise ce qui suit:
39. [. . .]
(4) Aux fins du présent article, une corporation est associée à une autre dans une année d'imposition si, à quelque moment pendant l'année,
[. . .]
b) les deux corporations étaient contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes, [. . .] [Je souligne.]
[47]La définition de CPCC du paragraphe 125(7) ne fait pas mention de l'expression «groupe de personnes» comme le fait le paragraphe 39(4), mais ne fait que préciser ce qui suit:
125. (7) [. . .]
b) «corporation privée dont le contrôle est canadien» désigne une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes, par une ou plusieurs corporations publiques (autre qu'une corporation à capital de risque prescrite) ou par une combinaison de celles-ci. [Je souligne.]
L'intimée a soutenu que l'absence des mots «groupe de personnes» dans la définition de CPCC la distingue des autres dispositions et que les affaires comme Yardley Plastics, précitée et Regal Wholesale, précitée, ne s'appliquent pas (Yardley Plastics et Regal Wholesale laissent entendre qu'un lien commun doit exister entre les actionnaires pour qu'on puisse conclure à l'existence d'un contrôle de droit).
[48]Une incohérence dans la position maintenant adoptée par le ministre est révélée par l'opinion exprimée par Revenu Canada à l'époque où les règles de l'acquisition du contrôle contenues dans la loi recouraient à l'expression «une ou plusieurs personnes». Avant 1987, les paragraphes 111(4) [mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 54] et 111(5) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 70; 1984, ch. 1, art. 54] de la Loi de l'impôt sur le revenu limitaient la déduction de pertes par une société aux circonstances où «le contrôle d'une corporation a été acquis par une ou plusieurs personnes» qui ne contrôlaient pas la société au moment où les pertes ont été subies. Dans le 1984 Conference Report de la table ronde de Revenu Canada (Toronto: Association canadienne d'études fiscales, 1985) aux pages 816 et 817, les réponses suivantes ont été données par des fonctionnaires qui répondaient aux questions suivantes:
[traduction]
Question 42
Quelle est la position du ministère en ce qui concerne l'acquisition du contrôle de la corporation non rentable par une ou plusieurs personnes au sens des paragraphes 111(4) et 111(5) dans les exemples suivants?
(1) Plus de la moitié d'une corporation à grand nombre d'actionnaires qui n'est pas rentable est détenue par une autre corporation à grand nombre d'actionnaires. La corporation majoritaire aliène un nombre suffisant d'actions d'une corporation non rentable au public de sorte qu'elle ne contrôle plus la corporation non rentable [. . .]
Position du ministère
(1) Si l'on peut identifier après la vente les personnes qui possèdent dans l'ensemble plus de la moitié des actions de la corporation non rentable et qui agissent ensemble pour la contrôler, nous considérerons que le contrôle a été acquis à la suite de la vente [. . .]
Commentaires
Le critère du contrôle est celui du contrôle de droit tel qu'il a été établi par les tribunaux.
Il n'y a pas de jurisprudence portant sur «le contrôle [. . .] acquis par une ou plusieurs personnes». Nous sommes d'avis que des «personnes» seront réputées avoir collectivement acquis le contrôle lorsqu'il y a des éléments de preuve indiquant qu'elles ont un lien, un intérêt ou qu'elles agissent ensemble pour contrôler la corporation. [Je souligne.]
[49]Cela est davantage illustré par les notes techniques du paragraphe 111(5), publiées lorsque la modification a été effectuée en 1987 [Income Tax Act and Regulations, Department of Finance Technical Notes: A Consolidation of Technical Notes and other Income Tax Commentary from the Department of Finance, 4th ed. Toronto: Carswell consolidated to 1992, à la page 622]:
[traduction] Les mots «une ou plusieurs personnes» au début du paragraphe 111(5) sont remplacés par «une personne ou un groupe de personnes». Cela rend la terminologie compatible avec celle utilisée ailleurs dans la Loi en ce qui concerne le contrôle et ne vise pas à modifier la signification.
[50]Bien entendu, les notes techniques ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent être examinées. Voir Canada c. Succession Ast, [1997] 3 C.F. 86 (C.A.), au paragraphe 27:
Les interprétations administratives, comme les notes techniques, ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent avoir un certain poids et même constituer un facteur important dans l'interprétation des lois. Les notes techniques sont très largement acceptées par les tribunaux pour aider à l'interprétation des lois. L'importance accordées aux notes techniques au niveau de l'interprétation est particulièrement grande lorsque, au moment où une modification était à l'étude, le législateur était conscient que cette modification pouvait donner lieu à une interprétation administrative particulière, et qu'il a néanmoins décidé de l'adopter.
[51]Une position semblable a été avancée à la Conférence de 1995 de l'Association canadienne d'études fiscales, table ronde de Revenu Canada, 1995 Conference Report (Toronto: Association canadienne d'études fiscales, 1996), à la page 52:10, où la position du ministère a été précisée ainsi:
Nous sommes toujours d'avis que les personnes qui possèdent la majorité des actions avec droit de vote dans une société constituent un groupe qui exerce un contrôle de droit sur cette société. Deux personnes ou plus qui deviennent propriétaires de la majorité des actions avec droit de vote d'une société seront généralement considérées comme exerçant un contrôle sur la société, si elles s'entendent pour voter conjointement ou s'il y a des preuves qu'elles agissent ou ont l'intention d'agir de concert pour contrôler la société. Un groupe de personnes serait considéré comme agissant de concert, lorsque ses membres exécutent d'une manière interdépendante des transactions visant un objectif commun. Les membres d'un groupe doivent être liés par des intérêts communs; autrement, il n'est pas possible de s'assurer que l'acquisition du contrôle résulte d'une action concertée et préméditée plutôt que d'un événement fortuit.
[52]Bien entendu, les déclarations des fonctionnaires de Revenu Canada ne sont pas déclaratoires du droit. Toutefois, dans la décision récente de Canadian Occidental U.S. Petroleum Corp. c. Canada (2001), 2001 DTC 295 (C.C.I.), le juge en chef adjoint Bowman a fait remarquer que bien que la position administrative de Revenu Canada ne soit pas déclaratoire du droit, elle est néanmoins utile dans des circonstances où le ministre souhaite établir une nouvelle cotisation d'une manière qui n'est pas compatible avec sa propre position administrative. Il a déclaré ce qui suit, au paragraphe 30:
La Cour n'est pas liée par la pratique du ministère même s'il n'est pas rare de l'examiner pour voir si elle peut être utile pour résoudre un doute: Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, aux pages 36 et 37 (83 DTC 5041, à la page 5044). J'ajouterais comme corollaire que la pratique du ministère peut être utile pour résoudre un doute en faveur d'un contribuable. On ne pourrait justifier son utilisation comme moyen de résoudre un doute en faveur du ministère même qui a élaboré cette pratique.
[53]Mis à part les déclarations des fonctionnaires du ministère, je doute qu'il existe une différence entre la signification de l'expression «contrôlée [. . .] par une ou plusieurs personnes» et de l'expression «contrôlée par une personne ou un groupe de personnes».
[54]Dans l'affaire Buckerfield's, précitée, le président Jackett a déclaré ce qui suit à la page 5303:
[traduction] Le mot «groupe» dans son sens ordinaire, ainsi que je le comprends, peut faire référence à un nombre de personnes variant de deux à l'infini.
Dans le contexte du contrôle, l'expression «une ou plusieurs personnes» doit certainement avoir la même signification et, par conséquent, je suis d'avis que le concept de «groupe de personnes» ainsi que la jurisprudence connexe sont applicables lorsque l'on interprète la définition de CPCC du paragraphe 125(7). Le mot important est «contrôle» et, à mon avis, ce mot exige qu'il y ait un lien suffisant entre les différentes personnes visées par la définition pour que l'on puisse considérer que ces personnes exercent un contrôle. Il convient de remarquer également que l'affirmation de l'intimée selon laquelle il existe une distinction volontaire dans la Loi de l'impôt sur le revenu entre l'expression «contrôle [. . .] par un groupe de personnes» et «contrôle [. . .] par une ou plusieurs personnes» n'est pas compatible avec les commentaires publiés de Revenu Canada et du ministère des Finances.
[55]En conclusion, je suis d'avis que l'expression «contrôle [. . .] par une ou plusieurs personnes» qui figure toujours dans la définition de CPCC n'a pas une signification différente de l'expression «contrôle [. . .] par une personne ou un groupe de personnes». Ainsi, la jurisprudence découlant de l'interprétation de l'expression «contrôle [. . .] par une personne ou un groupe de personnes» s'applique. Par conséquent, il doit y avoir un lien ou un intérêt commun entre les membres d'un groupe ou l'on doit faire la preuve que ces derniers agissent de concert afin d'exercer un contrôle. Une telle preuve n'a pas été déposée en l'espèce.
Arguments politiques
[56]L'intimée a avancé un autre argument selon lequel l'objet principal des avantages fiscaux sous-jacents accordés aux CPCC est de favoriser la croissance économique et d'augmenter le nombre d'emplois au Canada. On a affirmé que les avantages fiscaux sont limités aux CPCC de sorte que le régime fiscal subventionne la croissance des petites entreprises dont la propriété est canadienne plutôt que les entreprises principalement détenues par des intérêts étrangers.
[57]À cet égard, il convient de noter que la majorité des membres du conseil d'administration d'Alias et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens, que le principal établissement d'Alias se trouvait au Canada et que le développement du produit se faisait au Canada, ce qui fait croire qu'il y a une croissance économique et un nombre accru d'emplois au Canada.
Conclusion
[58]Selon l'analyse qui précède, je suis convaincu que le concept de contrôle de droit ainsi qu'il a été élaboré dans les affaires Buckerfield's, Yardley Plastics, Vina-Rug et Duha Printers s'applique totalement à la définition de CPCC du paragraphe 125(7). En particulier, le contrôle de droit exige qu'un lien ou un intérêt commun existe entre les actionnaires qui composent le «groupe de personnes» ou la preuve que ces actionnaires agissent de concert afin de contrôler la société.
[59]En l'espèce, il n'y a pas une telle preuve. Au contraire, Alias était une société à grand nombre d'actionnaires et rien dans la preuve n'indiquait que les actionnaires non-résidents se connaissaient. Par conséquent, je conclus que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant que les actionnaires non-résidents détenaient un contrôle de droit sur Alias.
[60]Ayant conclu que les actionnaires non-résidents n'avaient pas un contrôle de droit sur Alias, je me pencherai maintenant sur la question de savoir s'ils détenaient un contrôle de fait.
Contrôle de fait
[61]Le juge de première instance a conclu qu'il n'était pas nécessaire de formuler une conclusion à l'égard du contrôle de fait. Néanmoins, en appel, l'intimée a présenté essentiellement le même argument qu'elle avait avancé en première instance et comme j'ai conclu que les actionnaires non-résidents n'avaient pas un contrôle de droit, il est nécessaire d'examiner la question de savoir s'ils détenaient un contrôle de fait.
[62]L'intimée, dans sa réponse modifiée, a prétendu que les non-résidents avaient le contrôle de fait d'Alias parce que:
[traduction] [. . .] tout au long des années d'imposition d'Alias se terminant le 31 janvier 1992 et le 31 janvier 1993, une ou plusieurs personnes non-résidentes avaient une influence directe ou indirecte qui, si elle était exercée, aurait entraîné le contrôle de fait au cours des années.
[63]L'intimée a soutenu que Silicon Graphics Inc. (Silicon US), une société publique américaine dont les actions sont cotées à la bourse de New York, contrôlait en fait Alias en raison d'un prêt qu'elle lui avait consenti. L'argument était le suivant:
[traduction] En décembre 1991, Silicon US a consenti à avancer un montant jusqu'à concurrence de 5 000 000 $US à Alias en contrepartie d'une garantie sur tous les biens d'Alias et de l'émission d'un mandat en vue de l'acquisition d'actions ordinaires d'Alias. Lors de la période au cours de laquelle le prêt était impayé, Silicon US a décidé quels créanciers seraient payés et le montant de ce paiement. Alias devait préparer les prévisions des recettes quotidiennes qu'elle devait présenter à Silicon US pour approbation. Cette dernière contrôlait effectivement les finances d'Alias. En conséquence de cet endettement, Silicon US avait un contrôle de fait minimum sur Alias pendant la période au cours de laquelle le prêt était impayé.
[64]En outre, l'intimée a soutenu que les actions et la participation de Silicon US s'étendaient au-delà de ce qui était nécessaire à la sauvegarde de ses droits et intérêts à l'égard du prêt. L'intimée a prétendu que d'autres éléments de preuve démontraient l'influence considérable continue de Silicon US sur Alias:
[traduction]
· Le fondateur de Silicon US était un administrateur d'Alias; |
· Le président, directeur de l'exploitation et directeur général lors des années en litige avait été auparavant un cadre supérieur de Silicon US; |
· Silicon US avait effectué des contributions financières à Alias pour l'élaboration et la commercialisation de logiciels; |
· Alias dépendait de Silicon US compte tenu du fait que les logiciels d'Alias n'étaient exploités que par le matériel de Silicon pendant les années en litige. |
[65]Comme le ministre a retiré l'hypothèse du contrôle de fait, il revient à l'intimée d'établir les faits nécessaires au soutien de cet argument subsidiaire à l'égard de la cotisation. Voir Bowens c. R., [1996] 2 C.T.C. 120 (C.A.F.), à la page 122; et Pollock c. R. (1993), 3 C.C.P.B. 307 (C.A.F.), à la page 313.
[66]La jurisprudence laisse entendre qu'en décidant de la question de savoir si un contrôle de fait existe, il est nécessaire d'examiner les ententes externes (Duha Printers, précité, au paragraphe 55); les résolutions des actionnaires (Société Foncière d'Investissement Inc. c. Canada, [1995] A.C.I. no 1568 (QL), au paragraphe 10); et la question de savoir si une partie peut modifier le conseil d'administration ou si la convention des actionnaires accorde à une partie la possibilité d'influencer la composition du conseil d'administration (International Mercantile Factors Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 137 (C.F. 1re inst.), à la page 148; confirmé par (1992), 94 DTC 6365 (C.A.F.); et Multiview Inc. c. Canada, [1997] 3 C.T.C. 2962 (C.C.I.), aux pages 2966 à 2970).
[67]Par conséquent, je suis d'avis que pour que l'on puisse conclure à un contrôle de fait, une personne ou un groupe de personnes doivent avoir le droit et la capacité manifestes de procéder à une modification importante du conseil d'administration ou des pouvoirs du conseil ou d'influencer d'une façon très directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le conseil d'administration.
[68]L'intimée n'a présenté aucune preuve qui aurait satisfait à ces critères. Rien dans la preuve n'indique que Silicon US, en tant que créancière, a déjà exercé un contrôle opérationnel sur Alias. Elle n'a fait que prêter de l'argent à Alias et a entrepris des démarches pour s'assurer que l'argent ne sera dépensé que pour protéger sa position en tant que prêteuse. En outre, l'entente de préfinancement de 5 000 000 $US n'a été en vigueur que pendant sept semaines, et le prêt a été remboursé avant la fin de l'année d'imposition 1992 d'Alias. Au surplus, la preuve indique que Silicon US ne souhaitait pas contrôler Alias parce qu'elle ne voulait pas sembler partiale à l'égard des autres clients qui était des concurrents d'Alias. Silicon US n'a jamais tenté de mettre en place une personne à un poste de direction ou d'administration.
[69]Le fait que le fondateur de Silicon US était un administrateur d'Alias et membre d'un conseil d'administration composé de quatre administrateurs n'est pas convaincant. La suggestion selon laquelle le président, directeur de l'exploitation et directeur général pendant les années en litige avait été auparavant un cadre supérieur de Silicon US ne tient pas compte du fait qu'Alias elle-même suggérait que cette personne occupe ce poste. En d'autres termes, il ne s'agissait pas d'une chose que Silicon US avait imposée à Alias.
[70]En outre, le fait que Silicon US avait fourni des contributions financières à Alias pour l'élaboration et la commercialisation de logiciels et que les logiciels d'Alias n'étaient exploités que par le matériel de Silicon démontre à peine le genre de contrôle nécessaire s'apparentant à un contrôle de fait.
[71]Il semblerait que les faits invoqués par l'intimée en rapport avec le prêt consenti par Silicon US démontrent simplement que Silicon US protégeait ses intérêts en tant que prêteuse d'Alias. Le paragraphe 256(6) [mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 246] de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que lorsqu'une partie possède un contrôle de fait pendant un certain temps afin de sauvegarder ses droits ou ses intérêts, cette partie est réputée ne pas avoir le contrôle de fait.
[72]En tout état de cause, il semblerait que le contrôle de fait demeure toujours au Canada en raison des conclusions de fait suivantes formulées en première instance [au paragraphe 8]:
e) la majorité des membres du conseil d'administration et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens; |
f) le principal établissement d'Alias était à Toronto (Ontario); |
g) le personnel de direction de Toronto dressait annuellement une liste de candidats à élire au conseil d'administration, laquelle liste était toujours retenue par les actionnaires. |
Conclusion
[73]Je conclus qu'Alias était une CPCC tout au long des années 1992 et 1993 parce qu'elle n'était pas contrôlée directement ou indirectement de quelque manière que ce soit par une ou plusieurs personnes non-résidentes.
[74]Par conséquent, j'accueillerais l'appel avec dépens, tant devant la Cour canadienne de l'impôt que devant cette Cour, j'annulerais le jugement de la Cour canadienne de l'impôt daté du 28 mars 2001 et j'ordonnerais que la détermination des pertes fondée sur la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition d'Alias Research Inc. se terminant le 31 janvier 1992 et le 31 janvier 1993 soit déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation au motif qu'Alias Research Inc. était, tout au long de ses années d'imposition 1992 et 1993, une corporation privée dont le contrôle est canadien au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le juge Stone, J.C.A.: Je souscris.
Le juge Rothstein, J.C.A.: Je souscris.