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Référence :

Charkaoui (Re), 2009 CF 342,

[2010] 3 R.C.F. 67

DES-4-08

DES-4-08

2009 CF 342

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

Répertorié: Charkaoui (Re) (C.F.)

Cour fédérale, juge Tremblay-Lamer—Montréal, 10 et 11 mars; Ottawa, 2 avril 2009.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Certificat de sécurité — Demande à la Cour d’adresser certaines questions de droit posées par l’intéressé et les avocats spéciaux, notamment quant au rôle du juge en lien avec la divulgation supplémentaire à venir conformément à l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (Charkaoui II), au dépôt de l’information au dossier public de la Cour, et à la norme de la sécurité nationale — La règle 151(1) des Règles des Cours fédérales permettant que certains documents qui « seront déposés » soient considérés comme confidentiels ne s’applique pas aux documents qui n’ont pas encore été déposés — La règle 4 pouvait être invoquée pour contourner cette difficulté — Permettre à l’intéressé de présenter une requête en confidentialité était la réparation qui convenait au préjudice grave qu’il pourrait subir s’il n’avait pas la chance de présenter cette demande — Les renseignements additionnels communiqués en application de l’arrêt Charkaoui II ne font pas automatiquement partie du dossier de la Cour — En vertu de l’art. 83(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, un résumé des renseignements confidentiels qui pourraient être considérés pertinents est remis à l’intéressé — Les renseignements en cause ou tout résumé ne feront partie du dossier de la Cour que si l’une des parties ou les avocats spéciaux les déposent — « Sécurité nationale » s’entend « au minimum de la préservation du mode de vie canadien, notamment de la protection de la sécurité des personnes, des institutions et des libertés au Canada » — Le rôle du juge désigné dans la détermination de divulguer à l’intéressé les renseignements est d’appliquer les critères établis par la jurisprudence en tenant compte de la nécessité de préserver la confidentialité et de l’importance de donner une divulgation la plus complète possible — Le fardeau de prouver que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui revient à qui invoque une telle atteinte (en l’espèce, le gouvernement) — La norme exigée et supportée par la jurisprudence pour la non-divulgation est celle de la prépondérance des probabilités.

Il s’agissait d’une demande pour que la Cour adresse certaines questions de droit. Cette demande découlait d’une décision ordonnant aux ministres de divulguer « partie à partie » toute preuve ou renseignement pertinent pouvant être divulgué sans porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui. Cette ordonnance visait entre autres à confirmer que les ministres avaient mis en application les principes établis dans l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (Charkaoui II), à l’effet que des renseignements et autres éléments de preuve qu’ils avaient déposés au dossier de la Cour en même temps que le certificat et sur lesquels ils appuyaient leurs prétentions, tout élément de preuve qui pouvait être divulgué à l’intéressé l’avait été. Cette ordonnance reposait uniquement sur la preuve déjà déposée par les ministres

Compte tenu de l’étendue de la divulgation nécessaire pour se conformer à l’arrêt Charkaoui II, une preuve additionnelle allait être produite. L’intéressé demandait à la Cour d’adresser certaines questions de droit concernant la divulgation supplémentaire à venir, notamment quant au rôle du juge en lien avec la divulgation supplémentaire et au dépôt de l’information au dossier public de la Cour. Les avocats spéciaux demandaient également à la Cour de déterminer : 1) le contenu de la norme de la sécurité nationale prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR); 2) sur qui repose le fardeau de prouver que la divulgation porte ou ne porte pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui; et 3) la norme de preuve associée à ce fardeau.

Jugement, la Cour conclut que :

La divulgation supplémentaire de renseignements pertinents et la divulgation de renseignements additionnels

Une distinction s’impose entre la divulgation supplémentaire de renseignements pertinents déposés par les ministres au soutien du certificat et la divulgation de renseignements additionnels reçus mais non déposés en application de l’arrêt Charkaoui II.

Le paragraphe 77(2) de la LIPR exige le dépôt au dossier de la Cour des éléments de preuve justifiant le certificat ainsi qu’un résumé de cette preuve vers l’intéressé. Un résumé additionnel fourni à l’intéressé traiterait ainsi d’une preuve déjà déposée à la Cour. C’est en application des alinéas 83(1)d) et 83(1)e) que d’autres éléments de preuve jusqu’alors classifiés seraient fournis à l’intéressé. La LIPR ne prévoit aucune discrétion à l’intéressé d’apposer un veto sur le dépôt au dossier public. Toutefois, le dépôt en preuve publique de renseignements supplémentaires avant même leur communication à l’intéressé est susceptible de compromettre l’équité procédurale à son égard. Le paragraphe 151(1) des Règles des Cours fédérales permet à la Cour d’ordonner que certains documents « qui seront déposés » soient considérés comme confidentiels pour des motifs liés à la vie privée. Cette règle s’applique toutefois uniquement aux documents qui n’ont pas encore été déposés au dossier de la Cour. Pour contourner cette difficulté, la règle 4, qui sert à combler les lacune dans les questions de procédure, devait être utilisée en dernier recours puisqu’il n’y avait pas d’autre solution permettant à l’intéressé de faire valoir ses droits quant à la confidentialité de certains renseignements qui pourraient afficher sa vie privée. Lui permettre de présenter une requête en confidentialité était la réparation qui convenait au préjudice grave qu’il pourrait subir s’il n’avait pas la chance de présenter cette demande.

Les renseignements additionnels dont la communication a été ordonnée en application de l’arrêt Charkaoui II ne font pas automatiquement partie du dossier de la Cour. Les renseignements non confidentiels, s’il en existe, sont d’abord transmis « partie à partie » à l’intéressé. Lorsqu’il y a entente entre les ministres et les avocats spéciaux que ces renseignements ne sont pas pertinents, la Cour peut se fier à cette entente. En vertu de l’alinéa 83(1)e) de la LIPR, un résumé des renseignements confidentiels qui pourraient être considérés pertinents est remis à l’intéressé lorsque la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Tout différend entre les ministres et les avocats spéciaux sera arbitré par la Cour. Les renseignements en cause ou tout résumé ne feront partie du dossier de la Cour que si l’une des parties ou les avocats spéciaux les déposent afin de servir de preuve.

La norme de sécurité nationale

Les objets pertinents de la LIPR se retrouvent au paragraphe 3(1) de la Loi et révèlent explicitement la volonté du législateur de donner priorité à la sécurité. En droit interne canadien, la « sécurité nationale » s’entend « au minimum de la préservation du mode de vie canadien, notamment de la protection de la sécurité des personnes, des institutions et des libertés au Canada ». Le rôle du juge désigné dans la détermination de divulguer à l’intéressé les renseignements pour lesquels le gouvernement revendique la confidentialité est d’appliquer les critères établis par la jurisprudence en tenant compte, d’une part, de la nécessité de préserver la confidentialité, et, d’autre part, de l’importance de donner une divulgation la plus complète possible et la moins attentatoire possible au droit de l’intéressé de connaître la preuve retenue contre lui.

Le fardeau de preuve revient clairement à celui qui invoque que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, donc au gouvernement. Sans porter atteinte à la sécurité nationale, l’équité procédurale exige que les principes établis dans le cadre des procès criminels reçoivent pleine application, en tenant compte du droit administratif et de l’immigration applicable en semblables matières dans le contexte de la divulgation. En conséquence, le ministère public doit justifier son refus de divulguer tout renseignement.

Les risques inhérents à la divulgation inopportune d’informations touchant à la sécurité nationale invitent à la prudence. La terminologie utilisée au sein des alinéas 83(1)d) et e) indique cependant qu’il incombe à la Cour de garantir la confidentialité des renseignements dont la divulgation « porterait atteinte » à la sécurité nationale. La différence de langage avec l’alinéa 83(1)c) (« pourrait ») indique que le législateur a voulu une norme de preuve plus élevée pour la non-divulgation. La norme exigée et supportée par la jurisprudence pour la non-divulgation est celle de la prépondérance des probabilités.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5,  art. 38 à 38.16 (édictés par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141).

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1,  art. 15.

Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(1),(3)f), 77(2) (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194; 2008, ch. 3, art. 4), 83(1)c) (mod. idem), d) (mod., idem), e) (mod., idem), 85.1(2)b) (édicté, idem), 85.2c) (édicté, idem).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 4, 151.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36, art. 3.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, [1976] R.T. Can. no 47.

Principes de Johannesbourg : Sécurité nationale, liberté d’expression et accès à l’information, Doc. NU E/CN.4/ 1996/39.

Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations, Doc. NU E/CN.4/1984/4.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Almrei (Re), 2009 CF 240, [2010] 2 R.C.F. 165; Harkat (Re), 2009 CF 167; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350; Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar), 2007 CF 766, [2008] 3 R.C.F. 248; Harkat (Re), 2005 CF 393; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Canada (Procureur général) c. Ribic, 2003 CAF 246, [2005] 1 R.C.F. 33.

décisions examinées :

Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326; Levi Strauss & Co. c. Vêtements Era Inc., [1999] A.C.F. no 1181 (1re inst.) (QL); Khadr c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2004 CF 1393; Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 R.C.S. 522; McCabe c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 1262 (1re inst.) (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fazalbhoy, [1999] A.C.F. no 51 (1re inst.) (QL); A (FC) v. Secretary of State for the Home Department, [2004] UKHL 56; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 420, [2004] 4 R.C.F. 327; Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539; de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2006] 3 R.C.F. 655; Charkaoui (Re), 2003 CF 1419, [2004] 3 R.C.F. 32; Chalk River Technicians and Technologists c. Énergie atomique du Canada Ltée, 2002 CAF 489, [2003] 3 C.F. 313; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] 3 R.C.F. 239.

décisions citées :

Ishmela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 838; A.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1528 (1re inst.) (QL); A.C. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1452; Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [1993] A.C.F. no 1117 (1re inst.) (QL); International Water-Guard Industries Inc. c. Bombardier Inc., 2007 CF 285; Vespoli c. Canada, [1988] 2 C.F. 125 (1re inst.); Moulins Maple Leaf Ltée c. Baffin Bay (Le), [1973] C.F. 1097 (1re inst.); Canada (Procureur général) c. Khawaja, 2007 CF 490, [2008] 1 R.C.F. 547; Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.); Ruby c. Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3; R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326; R. c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451; Hijos c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 470.

DOCTRINE CITÉE

Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. Toronto : Oxford University Press, 2004, « would ».

Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Politique sur la sécurité du gouvernement du Canada, 1 février, 2002, en ligne : <http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspxYid =12322>.

DEMANDE de l’intéressé et des avocats spéciaux pour que la Cour adresse certaines questions de droit posées en lien avec une divulgation supplémentaire d’information à venir conformément à l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326.

ONT COMPARU

Dominique Larochelle et Johanne Doyon pour Adil Charkaoui.

François Joyal, Gretchen A. Timmins et Nancie Couture pour les ministres.

Denis Couture et François Dadour, à titre d’avocats spéciaux.

Aucune comparution pour l’intervenant.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Des Longchamps, Bourassa, Trudeau et La France, Montréal, et Doyon & Associés, Montréal, pour Adil Charkaoui.

Le sous-procureur général du Canada pour les ministres.

Denis Couture et François Dadour, à titre d’avocats spéciaux.

Filteau, Belleau, Montréal, pour l’intervenant.

Voici les motifs de l’ordonnance et l’ordonnance rendus en français par

La juge Tremblay-Lamer :

Introduction

[1] Suite à l’ordonnance émise par cette Cour le 3 septembre 2008 accueillant la requête de M. Charkaoui (l’intéressé) et ordonnant aux ministres de divulguer « partie à partie » toute preuve ou renseignement pertinent pouvant être divulgué sans porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, les ministres ont déposé une note provenant du directeur adjoint du Renseignement, Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), datée du 12 septembre 2008 confirmant ce qui suit :

La présente fait suite à l’ordonnance émise par Madame le juge Tremblay-Lamer le 3 septembre dernier.

Le 22 février 2008, un résumé ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou celle d’autrui a été fourni à l’intéressé afin de lui permettre d’être suffisamment informé de la thèse des Ministres. Le document fourni à l’intéressé comptait 60 pages (incluant les annexes) et était accompagné d’un cahier comprenant quelques 64 pièces documentaires. Un résumé révisé a été envoyé à l’intéressé le 11 septembre 2008. Un cahier comprenant quatre pièces documentaires accompagnait le résumé révisé. Ce résumé révisé ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou celle d’autrui.

Au meilleur de ma connaissance, le SCRS a, par ces sommaires et documents y annexés, divulgué à l’intéressé tous les renseignements et autres éléments de preuve pertinents, favorables ou défavorables à la thèse des Ministres, pouvant être divulgués à l’intéressé sans porter préjudice à la sécurité nationale ou celle d’autrui.

[2] Cette ordonnance visait à répondre aux préoccupations de la Cour et à confirmer que les ministres avaient mis en application les principes établis dans l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui II), à l’effet que des renseignements et autres éléments de preuve qu’ils avaient déposés au dossier de la Cour en même temps que le certificat et sur lesquels ils appuyaient leurs prétentions, tout élément de preuve qui pouvait être divulgué à l’intéressé l’avait été.

[3] Cette ordonnance reposait uniquement sur la preuve déjà déposée par les ministres et l’expression communication « partie à partie » dans ce contexte s’entendait de savoir si d’autres renseignements classifiés pouvaient être déposés au dossier public et ainsi fournis à l’intéressé.

[4] Depuis, le contexte a changé. Ainsi, après avoir entendu le témoignage à huis clos d’employés du Service canadien du renseignement de sécurité qui ont décrit l’étendue de la divulgation nécessaire pour se conformer à l’arrêt Charkaoui II, la Cour apprenait qu’une preuve additionnelle serait produite.

[5] Le 28 octobre 2008, la Cour émettait une ordonnance expliquant que les ministres et le SCRS avaient déposé à la section des instances désignées de la Cour toutes les informations et tous les renseignements liés à M. Adil Charkaoui, lesquels comprenaient notamment les brouillons, les diagrammes, des enregistrements et des photographies en la possession du SCRS.

[6] Dans une directive publique, datée du 18 février 2009, la Cour précisait que cette divulgation additionnelle devait être reçue et non déposée à ce stade des procédures et ce jusqu’à une décision de la Cour au mérite sur cette question.

[7] Depuis ces ordonnances, l’intéressé a pris acte des questions posées dans quatre dossiers similaires par le juge en chef Lutfy dans son ordonnance du 2 janvier 2009 et qui sont les suivantes :

[traduction]

a) Quel est le rôle du juge désigné quant à l’information supplémentaire divulguée par les ministres en application de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38? Plus spécifiquement, le paragraphe 62 de cette décision exige-t-il du juge qu’il « vérifie » toute l’information divulguée par les ministres si les avocats spéciaux et les avocats des ministres s’entendent tous à l’effet qu’une partie de cette information n’est pas pertinente aux questions soulevées devant la Cour?

b) L’information divulguée aux personnes intéressées et leurs avocats devrait-elle être déposée aux dossiers publics de la Cour dans le cadre de ces procédures ? Dans l’affirmative, à quel moment?

[8] Or, ces questions n’ont pas fait l’objet de l’ordonnance du 3 septembre 2008. L’intéressé demande à la Cour d’adresser ces questions de droit concernant la divulgation supplémentaire à venir.

[9] Les avocats spéciaux ont également demandé à la Cour, dans une communication datée du 5 décembre 2008, que certaines questions de droit puissent être débattues par les parties préalablement aux audiences à huis clos à être tenues sur leurs propositions de divulgations supplémentaires. Ces questions sont les suivantes :

- Quels sont le contenu et la validité de la norme de la sécurité nationale prévue par la Loi [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27]?

- Sur qui repose le fardeau (de présentation ou de persuasion) de prouver que la divulgation porte ou ne porte pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui?

- Quelle est la norme de preuve associée à ce fardeau?

[10] Les parties ont déposées des prétentions écrites sur toutes ces questions de droit et des audiences publiques ont eu lieu le 10 et le 11 mars 2009.

[11] Ce jugement vise à répondre à ces questions.

1. La divulgation « partie à partie »

[12] Une distinction s’impose, à mon avis, entre la divulgation supplémentaire de renseignements déposés par les ministres au soutien du certificat (renseignements pertinents), et les renseignements additionnels reçus mais non déposés (renseignements additionnels) reçus suite à l’ordonnance du 28 octobre 2008.

[13] Je traiterai donc de la divulgation à venir en deux volets, soit la divulgation supplémentaire des renseignements pertinents (Phase I) et la divulgation de renseignements additionnels en application de l’arrêt Charkaoui II, précité (Phase II).

A. La divulgation supplémentaire de renseignements pertinents (Phase I)

[14] Le paragraphe 77(2) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194; 2008, ch. 3, art. 4] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) exige le dépôt au dossier de la Cour des renseignements et autres éléments de preuve justifiant le certificat ainsi qu’un résumé de cette preuve vers l’intéressé :

77. […]

(2) Le ministre dépose en même temps que le certificat les renseignements et autres éléments de preuve justifiant ce dernier, ainsi qu’un résumé de la preuve qui permet à la personne visée d’être suffisamment informée de sa thèse et qui ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon le ministre, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[15] Comme le soulignent les ministres, si un résumé additionnel était fourni par la Cour à l’intéressé, celui-ci traiterait d’une preuve déjà déposée au dossier.

[16] C’est en application des alinéas 83(1)d) [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] et 83(1)e) [mod., idem] de la LIPR et suite aux propositions de divulgation et aux réponses des ministres que d’autres éléments de preuve jusqu’alors classifiés seraient fournis à l’intéressé, la Cour jugeant qu’ils peuvent être connus sans porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui. La LIPR ne prévoit aucune discrétion permettant à l’intéressé d’apposer un veto sur le dépôt au dossier public.

[17] Sur ce point, ma collègue la juge Dawson, dans l’affaire Almrei (Re), 2009 CF 240, [2010] 2 R.C.F. 165, au paragraphe 60, affirmait récemment que le principe des procès publics exige que ces renseignements soient déposés au dossier public :

Je partage l’avis des parties et des avocats spéciaux selon lequel, étant donné que les résumés en l’espèce concernent de l’information que les ministres fournissent et utilisent ainsi que des renseignements sur ce qui s’est passé au cours des audiences à huis clos, il est nécessaire que ces résumés soient versés dans les dossiers publics de la Cour, eu égard au principe de la publicité des débats judiciaires.

[18] Qu’en est-il dans un tel cas des considérations liées à la vie privée? Pour l’intéressé, le dépôt en preuve publique de preuves et renseignements supplémentaires avant même leur communication à l’intéressé est susceptible de compromettre davantage l’équité procédurale à son égard puisque cette pratique anéantirait son droit de protéger la confidentialité de renseignements personnels qui seraient démesurément préjudiciables, contrairement à l’intérêt de la justice.

[19] L’intéressé soumet que l’État, lorsqu’il constitue un dossier sur une personne, est tenu d’en établir la nécessité, et d’en respecter la confidentialité. En effet, il n’existe aucune présomption que l’intéressé a renoncé à sa vie privée y compris quant aux renseignements qu’il a fournis au SCRS ou à l’Agence des services frontaliers du Canada puisqu’il les a fournis dans un contexte où il existait une expectative de confidentialité de ces renseignements.

[20] En l’espèce, le paragraphe 151(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] (Règles) permet à la Cour, sur requête, d’ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels. Sans divulgation préalable au dépôt public de la Cour, ce pouvoir est compromis ou susceptible de l’être.

[21] Les procureures prétendent également que la règle 151 peut recevoir application pour permettre à l’intéressé de faire valoir ses droits non seulement quant aux éléments de preuve qui concernent sa vie privée mais aussi ses droits relatifs à l’admissibilité de cette preuve ainsi que sa fiabilité.

[22] À mon avis, une distinction s’impose entre la procédure à suivre lorsqu’il s’agit de déterminer la confidentialité d’un document et son admissibilité ou sa fiabilité.

[23] En effet, la règle 151 permet à la Cour, sur requête, d’ordonner que certains documents soient considérés comme confidentiels. Les motifs pour lesquels la Cour ordonne la confidentialité sont reliés à la vie privée, par exemple à la crainte de représailles contre le demandeur ou contre la famille d’un demandeur (Ishmela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 838; A.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1528 (1re inst.) (QL); A.C. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1452); aux droits exclusifs, commerciaux et scientifiques (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [1993] A.C.F. no 1117 (1re inst.) (QL); et au préjudice concurrentiel (International Water-Guard Industries Inc. c. Bombardier Inc., 2007 CF 285).

[24] En aucun temps il n’est prévu qu’une requête en vertu de cette disposition porte sur l’admissibilité de la preuve. Je suis donc prête à accepter la possibilité que des renseignements à être divulgués puissent faire l’objet d’une requête en vertu de la règle 151 (lorsque ceux-ci touchent des éléments concernant la vie privée de l’intéressé), mais de toute évidence, elle ne pourrait dépasser le cadre dans lequel s’inscrit une requête pour confidentialité.

[25] De plus, je note que la règle 151 s’applique uniquement aux documents qui n’ont pas encore été déposés au dossier de la Cour.

[26] La règle 151 sur le dépôt de documents confidentiels est rédigée ainsi :

151. (1) La Cour peut, sur requête, ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels.

(2) Avant de rendre une ordonnance en application du paragraphe (1), la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires. [Je souligne.]

[27] Dans la décision Harkat (Re), 2009 CF 167, le juge Noël a appliqué la règle 151 dans des circonstances semblables à celles du cas de M. Charkaoui. La règle 151 a été utilisée pour atténuer les risques d’atteinte à la vie privée de M. Harkat, et le préjudice grave qu’il pourrait subir si certains résumés étaient consignés au dossier public de la Cour, le tout dans le but de protéger ses droits les plus fondamentaux. Le juge Noël a donné à M. Harkat la possibilité d’examiner les résumés avant de les placer dans le dossier public de la Cour, pour que M. Harkat puisse décider s’il allait présenter une requête en confidentialité en vertu de la règle 151.

[28] Je souscris au raisonnement du juge Noël. J’ajouterais cependant que, pour contourner la difficulté que présente les termes de la règle 151, laquelle s’applique uniquement aux documents qui n’ont pas encore été déposés, j’invoquerais la règle 4 des Règles, assez rarement utilisée, qui porte sur les cas non prévus, règle souvent appelée « règle des lacunes ». La règle 4 est rédigée ainsi :

4. En cas de silence des présentes règles ou des lois fédérales, la Cour peut, sur requête, déterminer la procédure applicable par analogie avec les présentes règles ou par renvoi à la pratique de la cour supérieure de la province qui est la plus pertinente en l’espèce.

[29] La nouveauté de la situation présente, notamment l’exigence de production des résumés de la preuve et l’inapplicabilité de facto de la règle 151, signifie que la règle 4 n’a pas encore été appliquée dans ce contexte. Toutefois, les propos du juge Evans dans la décision Levi Strauss & Co. c. Vêtements Era Inc., [1999] A.C.F.  no 1181 (1re inst.) (QL) sont pertinents. En l’espèce, il s’agissait d’une action en contrefaçon d’une marque de commerce dans le cadre de laquelle l’une des parties a présenté une requête afin qu’une ordonnance préventive de confidentialité soit rendue à l’égard de documents qui n’avaient pas encore été déposés au dossier de la Cour, en raison du fait que les parties n’en étaient qu’au stade des interrogatoires au préalable. Le juge Evans note au paragraphe 27 de la décision:

Aucune règle ne semble prévoir expressément la délivrance d’ordonnances de confidentialité à l’égard des documents ou éléments matériels qui ne seront pas déposés et qui ne sont donc pas visés par la règle 151. Toutefois, il n’existait pas non plus de disposition de ce genre dans les règles antérieures. Néanmoins, l’engagement de confidentialité qui est implicitement pris à l’égard des documents ou éléments matériels communiqués dans le cours des interrogatoires préalables et ailleurs pendant le litige suffit pour autoriser la Cour à rendre des ordonnances de confidentialité s’appliquant aux documents ou éléments matériels non visés par la règle 151. Il semblerait ici opportun d’invoquer la règle 4, la disposition relative aux “cas non prévus”.

[30] La règle 4 sert à combler les lacunes dans les questions de procédure, et non dans les questions de fond (Vespoli c. Canada, [1988] 2 C.F. 125 (1re inst.)). La différence entre « qui seront déposés » et « qui ont déjà été déposés » est une question de pratique et de procédure.

[31] Je reconnais que la règle 4 doit s’appliquer de manière restrictive et seulement pour surmonter certaines difficultés dans l’application des Règles, difficultés qui n’auraient pu être prévues au moment de la rédaction des Règles (voir Moulins Maple Leaf Ltée c. Baffin Bay (Le), [1973] C.F. 1097 (1re inst.)). C’est un euphémisme que d’affirmer que le problème posé par l’expression « qui seront déposés » dans le contexte des résumés de preuve confidentielle, où la preuve confidentielle a été déposée et les résumés doivent être considérés comme déposés également, aurait pu être prévu lors de la rédaction des Règles. L’application d’un nouveau régime législatif (février 2008) à la lumière d’un jugement subséquent (Charkaoui II) soulève des particularités qui étaient difficiles voire impossibles à prévoir.

[32] Même si l’on part de la prémisse voulant que les Règles constituent en soi un code complet et qu’elles fournissent les outils nécessaires pour régler les affaires soumises à la Cour, comme l’affirme la décision Khadr c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2004 CF 1393, la règle 4 s’utilise en dernier recours puisque, dans le présent contexte, il n’y a pas d’autre solution qui permettrait à M. Charkaoui de faire valoir ses droits quant à la confidentialité de certains renseignements qui pourraient afficher sa vie privée.

[33] En résumé, permettre à l’intéressé de présenter une requête en confidentialité est la réparation qui convient au préjudice grave qu’il pourrait subir s’il n’avait pas la chance de présenter cette demande. L’empêcher de le faire en raison d’un libellé relatif à la procédure écrit à une époque où les circonstances n’auraient pu être imaginées aggraverait sans raison ce préjudice.

[34] Les avocats spéciaux pourront identifier les éléments de preuve qui peuvent faire l’objet prima facie d’une requête en vertu de la règle 151 et les porter à l’attention de la Cour à huis clos avant la divulgation publique des renseignements. D’ailleurs, les ministres ont eux même consentis à une telle démarche (transcription du 11 mars 2009, pages 109 et 110) :

[…] donc, à ce moment-là, vous êtes d’accord que ces éléments-là qui seraient soulevés par les avocats spéciaux pourraient être mis sous scellé et présentés aux avocates publiques?

Me JOYAL : Absolument, si les avocats spéciaux soulèvent l’argument, il sera considéré à sa juste valeur et ils devront, comme ils l’ont fait devant le juge Noël, démontrer de façon prima facie que l’application de la règle 151 est mise en cause.

[35] À mon avis, les pouvoirs qui sont conférés aux avocats spéciaux à l’alinéa 85.2c) [édicté par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] de la LIPR d’ « exercer, avec l’autorisation du juge, tout autre pouvoir nécessaire à la défense des intérêts du résident permanent » leur permettent de faire une telle démarche avec mon autorisation.

[36] La Cour retardera alors le dépôt de ces renseignements au dossier public. Ceux-ci seront remis aux procureures de l’intéressé « partie à partie » pour une période de 14 jours afin de leur permettre, le cas échéant, de réviser l’information et de prendre une décision si l’intéressé désire présenter une requête en vertu de la règle 151.

[37] À l’expiration de ce délai, en l’absence d’une telle requête ayant été signifiée et déposée, l’information sera déposée au dossier public. Si une requête est présentée, les documents seront gardés sous scellé jusqu’à ce que la Cour tranche la question.

[38] La Cour rappelle les principes applicables pour présenter une telle requête. Le test qui doit être rencontré pour l’émission d’une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 a été formulé dans la décision Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 R.C.S. 522, au paragraphe 53 :

Une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 ne doit être rendue que si :

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[39] La décision McCabe c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 1262 (1re inst.) (QL), réitère que des préoccupations quant à la confidentialité, sans la présence des critères subjectifs et objectifs, ne sont pas suffisantes afin d’obtenir l’émission d’une ordonnance de confidentialité (au paragraphe 8) :

Le désir légitime de tout un chacun de garder privées ses affaires ne constitue pas en droit un motif suffisant pour solliciter une ordonnance de confidentialité. La Cour n’ordonne la mesure de protection prévue à la règle 151 que si elle est convaincue que la partie requérante satisfait au double critère subjectif et objectif à observer en la matière; cf. AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (A-289-98, A-315-98, A-316-98, 11 mai 1999, C.A.F.) confirmant la décision rapportée dans (1998), 81 C.P.R. (3d) 121. Sur le plan subjectif, la partie requérante doit prouver qu’elle est convaincue que la divulgation nuirait à ses intérêts. Objectivement, elle doit prouver, selon la norme de la probabilité la plus forte, que les renseignements en question sont en fait confidentiels.

[40] Cette position est reflétée également dans le domaine de l’immigration. Ainsi, dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fazalbhoy, [1999] A.C.F. no 51 (1re inst.) (QL), une ordonnance de confidentialité était demandée afin de protéger l’information fournie par le demandeur dans son formulaire de demande de citoyenneté canadienne. En refusant de faire droit à la demande, le juge Gibson indique au paragraphe 11 :

Tous les engagements de confidentialité donnés par la ministre ne lient pas la présente Cour. L’intimé n’a mentionné aucune raison spéciale pouvant justifier que les renseignements personnels qu’il a fournis soient considérés comme confidentiels dans les dossiers de la présente Cour. Le fait qu’il s’appuie sur les mots [« confidentiel une fois rempli »] utilisés dans le formulaire mis à sa disposition et qu’il souhaite garder ses affaires privées et le fait que des renseignements le concernant se retrouvent devant la Cour sans qu‘il l’ait demandé sont certes propres à attirer la sympathie de la Cour, mais ces considérations ne suffisent pas pour conclure qu’il s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de justifier la délivrance d’une ordonnance de confidentialité.

[41] Quant à l’admissibilité et la fiabilité de la preuve, malheureusement, la règle 151 n’est d’aucune utilité. Comme nous l’avons vu ci-haut, une recherche exhaustive de la jurisprudence démontre clairement que les motifs pour demander une requête en confidentialité ne portent jamais sur une exclusion à la preuve.

[42] De plus, la règle 4 ne peut servir à combler cette lacune puisqu’il ne s’agit pas d’une question de procédure mais d’une question de fond, auquel cas la règle 4 ne trouve aucune application (Vespoli c. Canada, précité).

[43] Par contre, l’alinéa 85.1(2)b) [édicté par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] prévoit qu’une des responsabilités de l’avocat spécial est de tester la pertinence, la fiabilité et la suffisance des renseignements ou autres éléments de preuve fournis par le ministre mais non communiqués à l’intéressé.

[44] À mon avis, il reviendrait donc aux avocats spéciaux de présenter à la Cour une requête ciblée si une question litigieuse se soulevait quant à l’admissibilité ou la fiabilité d’une preuve classifiée à être déposée au dossier public. Dans un tel cas, le dépôt au dossier public serait retardé jusqu’à la détermination par la Cour de la question litigieuse.

Les renseignements additionnels en application de l’arrêt Charkaoui II (Phase II)

[45] Les ministres s’entendent avec l’intéressé que les renseignements additionnels dont la communication a été ordonnée par la Cour en application de l’arrêt Charkaoui II, précité, ne fassent pas automatiquement partie du dossier de la Cour.

[46] Pour les ministres, ces éléments sont à distinguer des renseignements et autres éléments de preuve que les ministres ont déjà déposés au dossier en même temps que le certificat en conformité avec le paragraphe 77(2) de la LIPR et sur lesquels ils s’appuient afin de démontrer leurs prétentions.

[47] Je suis d’accord qu’en premier lieu, les renseignements non confidentiels, s’il en existe, seraient d’abord transmis « partie à partie » à l’intéressé.

[48] Pour ce qui est des renseignements qui sont confidentiels, le juge désigné n’aurait pas à vérifier la fiabilité et l’exactitude des renseignements au sujet desquels les ministres et les avocats spéciaux s’entendent pour dire qu’ils ne sont pas pertinents.

[49] Sur ce point, la juge Dawson, dans le cadre de l’affaire Almrei, précitée, était de cet avis. Elle affirmait (aux paragraphes 16 à 18) :

La création du poste d’avocat spécial investi du mandat et des responsabilités susmentionnés traduit l’intention présumée du législateur d’assurer une audience impartiale, conformément à l’article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. L’avocat spécial est en mesure de bien se familiariser avec la thèse qui sera invoquée au nom de l’intéressé et d’aider cette personne à connaître dans la mesure du possible les allégations à réfuter, comme l’a exigé la Cour suprême dans l’arrêt Charkaoui 1, aux paragraphes 64 et 65.

Eu égard à l’expérience de l’avocat spécial au barreau, à la possibilité qu’il a d’être informé de la thèse de la personne visée par le certificat de sécurité ainsi qu’au mandat et aux pouvoirs qui lui sont confiés, je suis d’avis que la situation est différente de celle dont la Cour suprême était saisie dans l’arrêt Charkaoui 2. Un examen de ces facteurs m’amène également à conclure que l’avocat spécial est en mesure de défendre les intérêts de la personne visée par le certificat de sécurité en déterminant, notamment, les renseignements ou autres éléments de preuve confidentiels qui ne sont pas pertinents.

En conséquence, lorsque les ministres et l’avocat spécial conviennent que certains éléments divulgués par les ministres conformément à l’arrêt Charkaoui 2 (présentation exigée par Charkaoui 2) ne sont pas pertinents quant aux questions dont la Cour est saisie, celle-ci peut se fonder sur cet accord. En pareil cas, la Cour n’est pas tenue de vérifier les renseignements dont les ministres et l’avocat spécial conviennent qu’ils ne sont pas pertinents.

[50] Je suis du même avis. Lorsqu’il y a entente entre les ministres et les avocats spéciaux que des renseignements confidentiels reçus par la Cour suite à l’arrêt Charkaoui II, précité, ne sont pas pertinents, la Cour peut se fier à cette entente.

[51] Pour ce qui est des renseignements confidentiels qui pourraient être considérés pertinents (particulièrement par les avocats spéciaux puisque les ministres ont affirmé que seuls les renseignements déposés au dossier de la Cour en même temps que le certificat sont pertinents), un résumé serait fourni à l’intéressé « partie à partie » lorsque la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui (alinéa 83(1)e) [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] de la LIPR).

[52] Tout différend entre les ministres et les avocats spéciaux qui pourrait advenir sera arbitré par la Cour. Les renseignements en cause ou tout résumé qui pourrait en émaner ne ferait partie du dossier de la Cour que si l’une des parties ou les avocats spéciaux les déposaient afin de servir de preuve.

2. La norme de sécurité nationale

A. Le contenu et la validité de la norme de sécurité nationale

Position des parties

i) L’intéressé

[53] Les procureures de l’intéressé soumettent qu’une interprétation constitutionnelle de la norme à la LIPR, en conformité avec les principes de justice fondamentale, commande que le contenu de la norme de sécurité nationale prévue à la LIPR vise l’existence de la nation, son intégrité territoriale ou son indépendance politique.

[54] La preuve par les ministres de l’existence d’un privilège d’intérêt public au sens large et la détermination d’une non-divulgation selon une partie des critères de la jurisprudence rendue dans le cadre de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 (LPC) ne suffisent pas, dans le contexte de la section 9 [articles 76 à 87.2] de la LIPR, à répondre à l’exigence de la norme de sécurité prévue pour fin de non-divulgation d’une preuve que les ministres déposent au soutien du certificat de sécurité ou demande d’interdiction de territoire contre la personne.

[55] L’interprétation constitutionnelle à retenir doit se conformer aux instruments internationaux dont le Canada est signataire parce que la LIPR contient cette exigence de conformité au droit international, à l’alinéa 3(3)f), qui est déterminante et qui est absente de la LPC ou de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] antérieure.

[56] Les procureures de l’intéressé soulignent que les dispositions de l’article 38 [articles 38 à 38.16 inclusivement (édictés par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141)] de la LPC prévoient un code complet où le juge est requis de soupeser l’intérêt public malgré le préjudice à la sécurité nationale et peut divulguer la preuve portant préjudice à la sécurité nationale pour des raisons d’intérêt public (Canada (Procureur général) c. Khawaja, 2007 CF 490, [2008] 1 R.C.F. 547), contrairement à la LIPR qui ne confère aucun pouvoir discrétionnaire résiduel semblable (Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350 (Charkaoui I)).

[57] Ainsi, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, [1976] R.T. Can. no 47 (Pacte civil) et des outils qui s’y rattachent (tels que les Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations, Doc. NU E/CN.4/1984/4 (Principes de Syracuse), reconduits par les Principes de Johannesbourg : Sécurité nationale, liberté d’expression et accès à l’information, Doc. NU E/CN.4/1996/39 (1996) (Principes de Johannesbourg)), la sécurité nationale peut être invoquée seulement pour justifier des mesures pour protéger l’existence de la nation, l’intégrité de son territoire ou son indépendance politique contre la force ou la menace.

[58] En application de ces principes, la Chambre des lords dans l’affaire A (FC) v. Secretary of State for the Home Department, [2004] UKHL 56, annulant la détention indéfinie des étrangers non déportables du Royaume-Uni, affirmait que la sécurité nationale exige plus qu’une menace de terrorisme isolée et ne peut être assimilée non plus à l’intérêt national. L’intérêt national est défini comme étant ce qui « concerne la défense et le maintien de la stabilité sociopolitique et économique du Canada » (Politique sur la sécurité du gouvernement du Canada, 1 février 2002, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, disponible en ligne sur <http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/ doc-fra.aspx?id=12322>).

[59] Les définitions de la sécurité nationale retenues par la Cour fédérale avant les arrêts Charkaoui de la Cour suprême ne sauraient être retenues sans violer les exigences de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR.

[60] Antérieurement, les principes de justice fondamentale reconnus en matière criminelle étaient inapplicables en matière d’immigration ou de certificats de sécurité, ce qui n’est plus le cas depuis les arrêts Charkaoui de la Cour suprême.

ii) Les ministres

[61] Après avoir tenu compte des objectifs généraux de la LIPR et du contexte de celle-ci, qui comprend des dispositions en matière d’interdiction de territoire, les ministres rappellent que l’intérêt public prééminent est la protection des renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui. Pour ceux-ci, l’intéressé propose une approche qui priverait de tout effet les protections législatives accordées aux renseignements et autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale.

[62] Ils rappellent également que les tribunaux canadiens ont maintes fois souligné l’intérêt prééminent du public pour le maintien de la confidentialité des sources de renseignements intéressant la sécurité nationale (Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, à la page 744 (Chiarelli)), et que l’intérêt public le plus important est la sécurité nationale (Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.), à la page 479).

[63] Dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême s’est prononcée sur le sens de l’expression « danger pour la sécurité nationale du Canada » et a conclu que cette notion « n’est pas imprécise au point d’être inconstitutionnelle » (paragraphe 83), et qu’elle devait être interprétée « d’une manière large et équitable, et en conformité avec les normes internationales » (paragraphe 85). Elle précisait [au paragraphe 88] qu’« il faut tenir compte non seulement des menaces immédiates, mais aussi des risques éventuels ».

[64] Les ministres s’appuient également sur la décision du juge Noël dans Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, 2007 CF 766, [2008] 3 R.C.F. 248 (Commission d’enquête Arar), qui s’est penché sur le sens du concept de « sécurité nationale » tel qu’il ressort de l’article 38.06 [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43] de la LPC pour conclure que « la “sécurité nationale” s’entend au minimum de la préservation du mode de vie canadien, notamment de la protection de la sécurité des personnes, des institutions et des libertés au Canada » (paragraphe 68) (je souligne).

[65] Dans la décision Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 420, [2004] 4 R.C.F. 327, la Cour a insisté sur les conséquences pour la sécurité nationale d’une divulgation inopportune des renseignements obtenus par le SCRS.

[66] Les différents types de renseignements dont on doit protéger le caractère confidentiel ont été adressés dans la décision Harkat (Re), 2005 CF 393. Ils comprennent les renseignements provenant des sources humaines, des renseignements provenant d’agents du SCRS lorsque la divulgation permettrait d’identifier l’agent et mettrait sa vie en péril, les renseignements concernant les enquêtes en cours, les secrets transmis par les pays étrangers ou les services de renseignement étrangers lorsque la divulgation non autorisée de ces renseignements porterait ces pays ou services à ne plus confier de secrets à un destinataire qui n’est pas digne de confiance, et les renseignements concernant les techniques et moyens de surveillance employés par le service.

ANALYSE

[67] D’emblée, je souligne qu’il est important que la Cour analyse le concept de la norme de sécurité nationale à la lumière des objectifs de la LIPR, dans le contexte de la jurisprudence pertinente à cette question, laquelle ne peut être écartée du simple fait de l’adoption des modifications législatives à la Section 9 de la LIPR et plus particulièrement de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR.

[68] Malgré l’invitation des procureures de l’intéressé de faire table rase des enseignements de la jurisprudence antérieure et « d’ouvrir des sentiers nouveaux », une telle approche ne serait pas souhaitable puisqu’elle risquerait une interprétation contraire à l’intention du législateur et des principes et politiques sous-jacents au droit de l’immigration.

[69] En effet, les objets pertinents de la LIPR se retrouvent au paragraphe 3(1) de la Loi et révèlent explicitement la volonté du législateur de donner priorité à la sécurité.

[70] Dans l’affaire Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539, la Cour suprême reconnaissait que ces objets pertinents démontrent un « changement d’orientation par rapport à la loi précédente, qui accordait plus d’importance à l’intégration des demandeurs qu’à la sécurité » (paragraphe 10).

[71] De plus, comme le souligne les ministres, les tribunaux canadiens ont reconnu l’intérêt public légitime dans la protection des sources de renseignements mettant en jeu la sécurité nationale (Chiarelli, précité; Ruby c. Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3, repris dans l’arrêt Charkaoui I, précité, au paragraphe 58).

[72] Qu’en est-il dans ce contexte de la notion de sécurité nationale ?

[73] La notion de sécurité nationale a été interprétée principalement par la Cour suprême dans l’arrêt Suresh, précité, et repris maintes fois par la suite. La Cour suprême a conclu que cette notion n’est pas imprécise au point d’être inconstitutionnelle, tout en reconnaissant que l’expression « danger pour la sécurité du Canada » est difficile à définir. Elle affirme toutefois qu’il faut interpréter l’expression « danger pour la sécurité du Canada » d’une manière large et équitable et en conformité avec les normes internationales, que « la conclusion qu’il existe ou non un “danger pour la sécurité du Canada” repose en grande partie sur les faits et ressortit à la politique, au sens large » et que ces « éléments militent en faveur de l’application d’une approche large et souple en matière de sécurité nationale » (paragraphe 85). Elle concluait également [au paragraphe 88] qu’un « critère requérant la preuve directe d’un risque précis pour le Canada » serait trop exigeant.

[74] Plus récemment, dans l’affaire de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2006] 3 R.C.F. 655, la Cour d’appel fédérale a été appelée à examiner la portée de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR. Elle confirmait que la LIPR doit être interprétée et mise en œuvre d’une manière compatible avec les instruments visés à l’alinéa 3(3)f), à moins que ce ne soit impossible selon l’approche moderne de l’interprétation législative.

[75] Elle constatait cependant qu’un « examen de l’éventail d’instruments pouvant être visés à l’alinéa 3(3)f) peut donner à penser que le législateur ne voulait pas qu’ils soient tous déterminants » (paragraphe 84), que cet éventail « est incertain » (paragraphe 86), et « que le législateur voulait qu’ils soient utilisés comme facteurs persuasifs et contextuels pour l’interprétation et l’application de la LIPR, et non comme facteurs déterminants » (paragraphe 89).

[76] Comme nous l’avons vu ci-haut, l’intéressé propose une interprétation de la norme de sécurité nationale restrictive où le gouvernement ne serait bien fondé de revendiquer la confidentialité que pour protéger l’existence de la nation, l’intégrité de son territoire ou son indépendance politique contre la force ou la menace.

[77] L’intéressé s’appuie sur le guide d’interprétation du Pacte civil soit les Principes de Syracuse reconduits par les Principes de Johannesbourg dans lesquels les experts internationaux concluent que toute restriction à l’accès à l’information au motif de sécurité ne peut être justifiée que lorsque l’existence même de la nation ou son intégrité territoriale serait en péril.

[78] À mon avis, une telle interprétation est trop restrictive et ne tient pas compte du droit interne canadien qui a reconnu le bien-fondé de revendiquer la confidentialité dans d’autres situations.

[79] En effet, dans l’arrêt Charkaoui I, précité, la Cour suprême rappelait que l’étendue de la non communication dans le contexte de la sécurité nationale peut être assez vaste (paragraphe 61). Elle donnait comme exemple de possibilité de non communication la nécessité de protéger la société ou encore que des renseignements puissent avoir été fournis par des pays ou des informateurs à la condition qu’ils ne soient pas divulgués, que des renseignements soient sensibles au point de ne pouvoir être communiqués sans que la sécurité publique soit compromise. Ces illustrations démontrent qu’en droit interne canadien l’étendue de la communication n’est pas limitative au point où le seul motif acceptable de non-divulgation serait l’existence même de la nation ou son intégrité territoriale, tel que le souhaitent les procureures de l’intéressé.

[80] Comme l’a souligné mon collègue le juge Simon Noël dans l’affaire Commission d’enquête Arar, précitée, et ce après une revue exhaustive de droit interne canadien, « “sécurité nationale” s’entend au minimum de la préservation du mode de vie canadien, notamment de la protection de la sécurité des personnes, des institutions et des libertés au Canada » (paragraphe 68).

[81] Les renseignements devant être protégés par la Cour ont été « codifiés » par ma collègue, la juge Eleanor Dawson dans la décision Harkat (Re), 2005 CF 393, au paragraphe 89. Je reproduis ici le passage pertinent :

Parmi les genres de renseignements dont on doit préserver le caractère confidentiel, citons :

1. Les renseignements provenant de sources humaines, lorsque leur divulgation permettrait d’identifier la source et risquerait de mettre sa vie en danger (voir la décision de madame la juge McGillis dans l’affaire Ahani, précitée, au paragraphe 19, où la juge McGillis se penche sur la question de savoir dans quelles circonstances des renseignements provenant d’une source humaine peuvent être divulgués). La mise en danger d’une source humaine risque en outre de dissuader d’autres sources ou sources potentielles de renseignements, qui auront scrupule à fournir des informations s’ils ne sont pas sûrs que leur identité sera protégée.

2. Les renseignements provenant d’agents du Service, lorsque la divulgation permettrait d’identifier l’agent et mettrait sa vie en péril.

3. Les renseignements concernant des enquêtes en cours lorsque la divulgation de ces renseignements alerterait ceux qui agissent contre les intérêts du Canada, leur permettant de se soustraire aux recherches.

4. Les secrets transmis par des pays étrangers ou des services de renseignement étrangers, lorsque la divulgation non autorisée de ces renseignements porterait ces pays ou ces services à ne plus confier de secrets à un destinataire qui n’est pas digne de confiance ou qui n’est pas à même d’en assurer la confidentialité. (Voir Ruby, précité, aux paragraphes 43 et suivants où est examiné le fait qu’en matière de renseignements de sécurité, le Canada est un importateur net. Les renseignements considérés sont nécessaires à la sécurité et à la défense du Canada et de ses alliés.)

5. Les renseignements concernant les techniques et les moyens de surveillance ainsi que certaines méthodes ou techniques d’enquête employées par le Service, lorsque cette divulgation aiderait à se soustraire à la détection, à la surveillance ou à l’interception de leurs communications, des personnes ayant attiré l’attention du Service.

[82] Ces critères sont bien établis par le droit interne canadien, et correspondent en grande partie aux exemples fournis par la Cour suprême dans l’arrêt Charkaoui I pour illustrer les motifs que le gouvernement peut invoquer pour la non-divulgation. Je ne vois aucune raison pour y déroger.

[83] En résumé, je suis d’avis que le rôle du juge désigné dans la détermination de divulguer à l’intéressé les renseignements où le gouvernement revendique la confidentialité est d’appliquer ces critères établis par la jurisprudence en tenant compte, d’une part, de la nécessité de préserver la confidentialité et, d’autre part, de l’importance de donner une divulgation la plus complète possible et la moins attentatoire au droit de l’intéressé de connaître la preuve retenue contre lui pour lui permettre de réfuter les allégations des ministres.

B. Sur qui repose le fardeau de prouver que la divulgation porterait ou ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale

[84] Les procureures de l’intéressé soumettent que la LIPR exige que les ministres prouvent, selon la prépondérance des probabilités, à la satisfaction du juge, que la divulgation d’un renseignement ou d’une preuve mettrait en péril l’existence de la nation, son intégrité territoriale ou son indépendance politique de manière imminente. Le fardeau appartient à la partie qui s’oppose à la divulgation de prouver que la divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale. La Cour suprême a confirmé maintes fois que le ministère public a le fardeau de justifier une non-divulgation de renseignements à l’accusé dans le cadre de procès criminels (R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326; R c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451).

[85] Les ministres soumettent que, même en admettant qu’ils ont le fardeau de prouver que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale, ils se sont clairement déchargés de ce fardeau.

[86] Je suis d’accord avec les procureures de l’intéressé à la lumière de la jurisprudence établie que le fardeau revient clairement à celui qui invoque que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, donc au gouvernement.

[87] Je rappelle que dans l’arrêt Charkaoui II, précité, la Cour suprême a insisté sur l’obligation de communication fondée sur l’article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] rattachée à la gravité des conséquences de la procédure pour l’individu visé, et qu’il n’y avait aucune distinction formelle entre les différents domaines de droit. Il s’en suit, à mon avis, que dans la mesure du possible, sans porter atteinte à la sécurité nationale, l’équité procédurale exige que les principes établis dans le cadre des procès criminels, en tenant compte du droit administratif et de l’immigration applicable en semblables matières dans le contexte de la divulgation, reçoivent pleine application. En conséquence, comme dans le cadre des procès criminels, le ministère public doit justifier son refus de divulguer tout renseignement.

C. La norme de preuve associée à ce fardeau

[88] Les procureures de l’intéressé soutiennent que la norme de preuve exigée est celle de la prépondérance des probabilités. En effet, dans le cadre de la Section 9 de la LIPR, les ministres doivent prouver, selon la prépondérance des probabilités, à la satisfaction du juge, que la divulgation d’un renseignement ou d’une preuve mettrait en péril l’existence de la nation, son intégrité territoriale ou son indépendance politique, sans déférence pour l’opinion ministérielle.

[89] Dans le cadre de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, commission d’enquête instituée le 5 février 2004 par décret C.P. 2004-48, en vertu de la Partie I de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11, le commissaire O’Connor, étant d’avis que l’usage des termes « would be injurious » employés dans les « Terms of Reference » édictés sous le décret établissant la Commission Arar, exigeait une norme de preuve plus stricte que celle contenue à l’article 38.01 [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43] de la LPC.

[90] De la même façon, notent les procureures de l’intéressé, compte tenu des termes dans la version anglaise « would be injurious to national security » utilisés à l’alinéa 83(1)d) [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] de la LIPR, la norme de preuve est plus stricte que celle contenue à l’article 38.01 de la LPC ou à l’article 15 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

[91] Les ministres estiment, au contraire, qu’il serait incongru, dans le cadre du contrôle judicaire, de croire qu’une norme plus élevée que celle des motifs raisonnables de croire devrait être appliquée afin de déterminer si la divulgation de renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui.

[92] La norme des motifs raisonnables de croire est compatible avec l’objectif de la LIPR de faire en sorte que les étrangers ou résidents permanents qui constituent un risque pour la sécurité nationale soient interdits de territoire au Canada. Compte tenu de la nature prospective de l’exercice dans lequel la Cour s’engage, il serait inapproprié d’imposer un fardeau plus onéreux que celui des motifs raisonnables.

[93] Les ministres s’appuient sur la décision du juge Noël dans Charkaoui (Re), 2003 CF 1419, [2004] 3 R.C.F. 32, où celui-ci affirmait au paragraphe 126 que « [l]’importance de l’intérêt en jeu, soit la sécurité nationale, me semble justifier le recours à des normes autres que la prépondérance de la preuve ».

[94] Je note au départ que le juge Noël n’avait pas à décider de l’interprétation des nouvelles dispositions de la Section 9 de la LIPR portant sur la confidentialité des renseignements.

[95] Je suis d’accord avec les ministres que l’exercice pour le juge est de nature prospective et que les risques inhérents à la divulgation inopportune d’informations touchant la sécurité nationale invitent à la prudence puisqu’une fois l’information divulguée, il n’y a pas de retour en arrière.

[96] Cependant, la terminologie utilisée au sein des dispositions applicables, soit les alinéas 83(1)d) et e) de la LIPR, indique qu’il incombe à la Cour de garantir la confidentialité des renseignements dont la divulgation « porterait atteinte » à la sécurité nationale (dans la version anglaise « would be injurious »).

 [97] Selon la méthode applicable d’interprétation des lois, « [a]ujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21).

[98] Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. Toronto : Oxford University Press, 2004, définit « would » comme « to express probability ».

[99] À mon avis, le législateur a donc choisi de ne pas adopter une approche trop spéculative au moment de déterminer si une information ne doit pas être divulguée.

[100] Je constate par ailleurs que les termes utilisés par le législateur à l’alinéa 83(1)c) [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] sont moins stricts puisque le juge peut tenir une audience à huis clos si la divulgation « pourrait » (« could » dans la version anglaise) porter atteinte à la sécurité nationale. Cette différence de langage m’indique que le législateur a voulu une norme plus élevée pour la non-divulgation.

[101] La jurisprudence appuie l’utilisation de la norme de la balance des probabilités en ce qui a trait à l’interprétation de l’expression « porterait atteinte » à la sécurité nationale. Nombre d’interprétations juridiques quant à la distinction entre ce qui « porterait atteinte » à la sécurité nationale et ce qui porte effectivement atteinte à la sécurité nationale ont été formulées dans le cadre de l’application de la LPC.

[102] La décision Commission d’enquête Arar, précitée, au paragraphe 49, énonce ce qui suit:

L’article 38 de la LPC donne la définition suivante de l’expression « renseignements potentiellement préjudiciables » :

38. […]

« renseignements potentiellement préjudiciables » Les renseignements qui, s’ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. (Je souligne.)

Fait intéressant à noter, cette définition emploie l’expression « sont susceptibles de porter préjudice », tandis que l’article  38.06 de la LPC dispose que le juge doit dire si la divulgation des renseignements « porterait préjudice » aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale. Dans l’arrêt Jose Pereira E. Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 470 [Hijos], au paragraphe 14, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée sur le sens de ces deux mots dans le contexte de la LPC :

L’avocat des appelants a également soutenu que même s’il est possible de dire que les parties D et E de l’attestation de M. Buckley ont effectivement été adoptées par l’intimé, l’attestation est en soi défectueuse parce qu’il n’y est nulle part dit, conformément au paragraphe 38(1), que la divulgation des renseignements « porterait » préjudice aux relations internationales du Canada. Ce libellé laisse entendre qu’afin de se prévaloir des articles 37 et 38, une partie doit démontrer qu’il existe une probabilité qu’un préjudice redouté résulte de la divulgation. Or, le dossier ne renferme rien qui montre que la divulgation des renseignements demandés dans la série de questions relatives à l’« achat de votes » « porterait préjudice aux relations internationales ». Il est noté que, dans les parties D et E de l’attestation, M. Buckley emploie les mots [traduction] « pourrait » et [traduction] « risquerait » plutôt que le mot [traduction] « porterait ». La loi semblerait exiger que l’on démontre la probabilité d’un préjudice plutôt qu’une simple possibilité. (Non souligné dans l’original.)

Je souscris aux propos de la Cour d’appel fédérale. L’emploi de l’expression « porterait préjudice » par le législateur signale que, selon l’article 38.06 de la LPC, le gouvernement doit convaincre le juge chargé du contrôle que le préjudice allégué est une probabilité, et non simplement une possibilité ou une conjecture.

[103] Par conséquent, la décision Commission d’enquête Arar, précitée, indique clairement l’application de la norme de la balance des probabilités afin de déterminer ce qui « porterait atteinte » à la sécurité nationale.

[104] Aussi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ribic, 2003 CAF 246, [2005] 1 R.C.F. 33 (Ribic), également dans le cadre de l’application de la LPC, alors qu’il s’agissait de déterminer si la divulgation « porterait atteinte », la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 20, indique que la norme applicable est celle de la balance des probabilités:

Une autorisation de divulgation sera donnée si le juge est persuadé qu’aucun préjudice ne résulterait d’une divulgation publique des renseignements. C’est à la partie qui s’oppose à la divulgation en alléguant un éventuel préjudice qu’il appartient de convaincre le juge de la probabilité de ce préjudice.

[105] En dehors du cadre de l’application de la LPC, la jurisprudence soutient l’application de la norme de la balance des probabilités lorsqu’il s’agit de l’interprétation de l’expression « porterait atteinte ».

[106] Dans le cadre de l’interprétation des dispositions du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (Code), la décision Chalk River Technicians & Technologists c. Énergie atomique du Canada Ltée, 2002 CAF 489, [2003] 3 C.F. 313, s’appuyant sur la décision Hijos c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 470, afin d’interpréter l’expression « pourrait constituer » se trouvant au Code, indique ce qui suit au paragraphe 52 :

À mon avis, les expressions qui figurent dans la loi, tant dans la version anglaise que dans la version française, exigent du Conseil un degré de certitude moindre pour conclure à l’existence d’un risque imminent et grave que si la loi avait utilisé l’expression « poserait ».

[107] Dans l’arrêt Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] 3 R.C.F. 239, au sujet de l’interprétation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. T.S. no 36, lequel énonce « Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture », la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 22, s’appuie sur les arrêts Hijos et Chalk River, précités, afin d’interpréter l’expression “would be”:

La Cour a conclu que l’utilisation du mot anglais « would » exigeait une certaine probabilité. Voir Jose Pereira E Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général) (2002), 299 N.R. 1541 (C.A.F.), au paragraphe 14, le juge Stone, J.C.A. et Chalk River Technicians and Technologists c. Énergie atomique du Canada Ltée, [2003] 3 C.F. 313 (C.A.), au paragraphe 52. Si la Convention, dans sa version anglaise, avait comporté les termes « could », « might », ou « may », le critère applicable serait probablement moins rigoureux. Cependant, le terme « would » de la Convention, ainsi que les autres termes utilisés par le Comité, donnent à penser que le Comité a adopté le critère de la probabilité.

[108] La jurisprudence soutient l’utilisation de la norme de la balance des probabilités quant à l’interprétation de l’expression « porterait atteinte ».

[109] En conséquence, j’en conclus que la norme de preuve exigée pour la non-divulgation est celle de la prépondérance des probabilités.

D. L’opposabilité de la divulgation à venir

[110] Les parties s’entendent qu’en l’absence d’une situation factuelle concrète, il est prématuré à ce stade de débattre de cette question. Je remarque cependant, de façon générale, qu’il serait difficile pour les ministres de prétendre qu’une preuve qui n’a pas été déposée à l’appui du certificat, qui ne fait pas partie des renseignements que les ministres qualifient de « renseignements pertinents », et après que les ministres aient déclaré que leur preuve en chef est close, que la divulgation Phase II soit opposable à l’intéressé.

CONCLUSION

[111] Pour ces motifs, je conclus que :

1. La divulgation de « partie à partie »

A. La divulgation supplémentaire à venir (Phase I) :

a) Je crois que de permettre à l’intéressé de présenter une requête en confidentialité est la réparation qui convient au préjudice grave qu’il pourrait subir s’il n’avait pas la chance de présenter cette demande. L’empêcher de le faire en raison d’un libellé relatif à la procédure écrit à une époque où les circonstances n’auraient pu être imaginées aggraverait sans raison ce préjudice.

b) En conséquence, les avocats spéciaux pourront identifier les éléments de preuve prima facie qui peuvent faire l’objet d’une requête en vertu de la règle 151 et les porter à l’attention de la Cour à huis clos avant la divulgation publique des renseignements. La Cour retardera alors le dépôt de ces renseignements au dossier public. Ceux-ci seront remis aux procureures de l’intéressé « partie à partie » pour une période de 14 jours afin de leur permettre, le cas échéant, de prendre une décision à savoir si l’intéressé désire présenter une requête en vertu de la règle 151.

c) À l’expiration de ce délai, en l’absence d’une telle requête ayant été signifiée et déposée, l’information sera déposée au dossier public. Si une requête est présentée, les documents seront gardés sous scellé jusqu’à ce que la Cour tranche la question.

d) Quant à l’admissibilité et la fiabilité de la preuve, puisque la règle 151 n’est d’aucune utilité, il reviendrait aux avocats spéciaux de présenter à la Cour une requête ciblée si une question litigieuse se soulevait quant à l’admissibilité ou la fiabilité d’une preuve classifiée à être déposée au dossier public.

B. La divulgation de renseignements additionnels en application de l’arrêt Charkaoui II (Phase II) :

a) Les renseignements non confidentiels, s’il en existe, seraient d’abord transmis « partie à partie » à l’intéressé.

b) Lorsqu’il y a entente entre les ministres et les avocats spéciaux que des renseignements confidentiels reçus par la Cour suite à l’arrêt Charkaoui II, précité, ne sont pas pertinents, la Cour peut se fier à cette entente.

c) Pour ce qui est des renseignements confidentiels qui pourraient être considérés pertinents (particulièrement par les avocats spéciaux puisque les ministres ont affirmé que seuls les renseignements déposés au dossier de la Cour en même temps que le certificat sont pertinents), un résumé serait fourni à l’intéressé « partie à partie » lorsque la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui (alinéa 83(1)e) de la LIPR).

d) Tout différend entre les ministres et les avocats spéciaux qui pourrait parvenir sera arbitré par la Cour. Les renseignements en cause ou tout résumé ne ferait partie du dossier de la Cour que si l’une des parties ou les avocats spéciaux les déposaient afin de servir de preuve.

2. La norme de sécurité nationale

a) Le rôle du juge désigné dans la détermination de divulguer à l’intéressé les renseignements où le gouvernement revendique la confidentialité est d’appliquer les critères établis par la jurisprudence en tenant compte, d’une part, de la nécessité de préserver la confidentialité, et, d’autre part, de l’importance de donner une divulgation la plus complète possible et la moins attentatoire au droit de l’intéressé de connaître la preuve retenue contre lui, le tout pour lui permettre de réfuter les allégations des ministres.

b) Le fardeau revient aux ministres de prouver que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale.

c) La norme de preuve exigée pour la non-divulgation est celle de la prépondérance des probabilités.

[112] Comme l’a suggéré la juge Dawson dans la décision Almrei, précitée, une partie qui souhaiterait une ordonnance en relation avec ces motifs soumettra une proposition par écrit à la Cour concernant les raisons pour lesquelles une ordonnance est requise ainsi qu’une ébauche d’ordonnance.

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