Référence : |
General motors du Canada Ltée c. Canada, 2009 CAF 114, [2010] 2 R.C.F. 344 |
A-136-08 |
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
General Motors du Canada Limitée (intimée)
Répertorié : General Motors du Canada Ltée c. Canada (C.A.F.)
Cour d’appel fédérale, juges Desjardins, Nadon et Blais, J.C.A.—Toronto, 8 décembre 2008; Ottawa, 16 avril 2009.
Douanes et Accise — Loi sur la taxe d’accise — Appel à l’encontre de la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’intimée avait le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants (CTI) en vertu de l’art. 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard de la TPS payée à des gestionnaires de placements — L’intimée, l’administrateur des régimes de pension de ses employés, a retenu les services de gestionnaires de placements — Les conventions précisent que l’intimée est tenue de régler les services de gestion de placements ainsi que la TPS — L’Agence du revenu du Canada a rejeté la demande de CTI de l’intimée parce que les services n’ont pas été acquis dans le cadre de ses activités commerciales — Les trois conditions énoncées à l’art. 169(1) de la Loi pour demander des CTI ont été remplies — L’intimée a acquis des services de gestion de placements; elle n’agissait pas à titre de fiduciaire — L’intimée était chargée de régler ces services — Les régimes de pension faisaient partie intégrante des activités commerciales de l’intimée — Appel rejeté.
Il s’agissait d’un appel à l’encontre de la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’intimée avait le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants (CTI) en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard de la TPS payée à des gestionnaires de placements.
L’intimée, qui fabrique et vend des véhicules, est l’administrateur des régimes de pension de ses employés. Les régimes de pension sont financés par l’entremise de fiducies à l’égard desquelles un fiduciaire est nommé. L’intimée retient les services de gestionnaires de placements pour qu’ils gèrent le placement des fonds. Des conventions de gestion de placements entre l’intimée et les gestionnaires de placements précisent que l’intimée est tenue de régler les services de gestion de placements ainsi que la TPS payable sur ces services. Durant la période en cause, les gestionnaires ont facturé directement l’intimée et ont aussi perçu la TPS d’elle. Dans une décision anticipée sur la TPS, l’Agence du revenu du Canada a rejeté la demande de CTI présentée par l’intimée parce que celle-ci n’a pas acquis les services de gestion de placements pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Cependant, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’intimée avait le droit de demander des CTI puisqu’elle avait rempli les trois conditions énoncées au paragraphe 169(1) de la Loi parce que 1) elle a acquis les services de gestion de placements, 2) la TPS était payable ou a été payée par l’intimée à l’égard de services de gestion de placements, et 3) les services de gestion de placements ont été acquis pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de l’intimée.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
La Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a statué que l’intimée satisfaisait aux trois conditions énoncées au paragraphe 169(1) de la Loi.
En ce qui concerne la première condition, les actes accomplis pour acquérir les services n’étaient pas réputés, en vertu de l’article 267.1 de la Loi, être des actes posés par le fiduciaire. La Cour canadienne de l’impôt a déclaré que l’article 267.1 était inapplicable, qu’aucun élément de preuve donnant à entendre que l’intimée avait acquis un titre sur les actifs aux termes de l’acte de fiducie n’avait été produit et que, pour l’application de l’article 267.1, les tâches et fonctions de l’intimée, distinctes de celles du fiduciaire, étaient celles d’un administrateur des régimes de pension. Elle a précisé que les fonctions fiduciaires exercées par l’intimée ne signifiaient pas qu’elle était un fiduciaire et, en conséquence, que c’était l’intimée qui avait acquis les services de gestion de placements. Cette conclusion reposait sur la preuve et, à ce titre, ne constituait pas une erreur susceptible de contrôle.
En ce qui concerne la deuxième condition, la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a statué que l’intimée était la personne chargée du règlement des services de gestion de placements, même si elle a réacheminé vers les fiducies la fourniture des services de placement et même si les fiducies l’ont remboursée. En outre, les conventions avec les gestionnaires de placements prévoyaient que l’intimée était responsable du paiement. La personne qui a le droit de demander des CTI est celle qui satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 169(1) de la Loi et qui s’acquitte de l’obligation contractuelle qui lui incombe.
En ce qui concerne la troisième condition, il fallait prendre en compte le fait que l’intimée était le cotisant clé aux fonds en fiducie et était tenue de payer les honoraires de gestion de placements même s’ils étaient assumés en dernier ressort par les fiduciaires. De même, la situation de fait en l’espèce se distinguait de celle dans l’affaire Canada c. 398722 Alberta Ltd., où la Cour a statué que les CTI ne pouvaient pas être demandés dans le cadre de l’accomplissement d’une obligation en vue d’un autre objectif commercial. Les régimes de pension, que l’intimée est tenue de maintenir, n’étaient pas simplement un autre objectif commercial. Sans la convention collective, ils n’existeraient pas. Enfin, la Cour canadienne de l’impôt n’a pas appliqué une analyse basée sur la « prééminence de la réalité économique sur l’apparence » contrairement aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Shell Canada Ltd. c. Canada. Les régimes de pension ne sont pas nécessairement séparés et distincts d’autres activités commerciales et, en l’espèce, ils faisaient partie intégrante des activités commerciales de l’intimée.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 123(1) « acquéreur » (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 10) « activité commerciale » (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 10; 1997, ch. 10, art. 1), « entreprise » (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12), « fourniture exonérée » (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12), « service financier » (édicté, idem; 1993, ch. 27, art. 10; 1997, ch. 10, art. 1; 2000, ch. 30, art. 18; 2006, ch. 4, art. 136), 169 (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 35; 1997, ch. 10, art. 19, 161; 2000, ch. 30, art. 28), 191(3) (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 56), 267.1 « fiduciaire » (édicté par L.C. 1997, ch. 10, art. 73), « fiducie » (édicté, idem), 296(2.1) (édicté, idem, art. 78; 2006, ch. 4, art. 151).
Loi sur les régimes de retraite, L.R.O. 1990, ch. P.8, art. 1 « administrateur ».
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 337 (mod., idem, art. 18, 36).
JURISPRUDENCE CITÉE
décision différenciée :
Canada c. 398722 Alberta Ltd., [2000] A.C.F. no 644 (C.A.) (QL).
décision examinée :
Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622.
décisions citées :
Assoc. canadienne de protection médicale c. Canada, 2008 CCI 33; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Blanchard c. Canada, [1995] A.C.F. no 1045 (C.A.) (QL); Le ministre du Revenu national c. Yonge-Eglinton Building Limited, [1974] 1 C.F. 637 (C.A.).
APPEL d’une décision (2008 CCI 117) par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’intimée avait le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15. Appel rejeté.
ONT COMPARU
Bonnie F. Moon pour l’appelante.
Alnasir Meghji et Sean C. Aylward pour l’intimée.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante.
Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l., Toronto, pour l’intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] La juge Desjardins, J.C.A. : Le présent appel interjeté contre la décision de la juge Campbell (juge de la Cour de l’impôt), General Motors du Canada Ltée c. Canada, 2008 CCI 117, a été entendu consécutivement à l’appel A-243-08, à l’encontre d’un jugement rendu par le juge en chef Bowman, Assoc. canadienne de protection médicale c. Canada, 2008 CCI 33.
[2] La question à trancher est de savoir si General Motors du Canada Ltée (GMCL) avait, pendant la période en cause, le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants (CTI) en vertu du paragraphe 169(1) [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 35; 1997, ch. 10, art. 161] de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la Loi), à l’égard de la TPS [Taxe sur les produits et services] payée à des gestionnaires de placements.
[3] Si GMCL n’a pas le droit de demander des CTI, la question à trancher devient alors celle de savoir si GMCL a droit à un remboursement de la TPS payée par erreur, conformément au paragraphe 296(2.1) [édicté par L.C. 1997, ch. 10, art. 78; 2006, ch. 4, art. 151] de la Loi, au motif que les services de placements ne seraient pas du tout assujetties à la TPS, vu qu’ils constitueraient une « fourniture exonérée » [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12] [soit un « service financier » (édicté, idem; 1993, ch. 27, art. 10; 1997, ch. 10, art. 1; 2000, ch. 30, art. 18; 2006, ch. 4, art. 136)] au sens du paragraphe 123(1) de la Loi.
[4] La juge de la Cour de l’impôt a conclu que GMCL avait droit aux CTI en se fondant sur le critère à trois volets énoncé au paragraphe 169(1), à savoir 1) que GMCL a acquis la fourniture (les services de gestion de placements), 2) que la TPS était payable ou avait été payée par GMCL à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements) et 3) que la fourniture (les services de gestion de placements) a été acquise pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL.
[5] La juge de la Cour de l’impôt a rejeté la prétention de GMCL selon laquelle elle avait droit à un remboursement de la TPS payée par erreur. La juge a conclu que les services des gestionnaires de placements ne comportaient pas un service financier exonéré d’achat et de vente de titres ou la prise de mesures aux fins d’achat et de vente de titres.
[6] L’appelante (la Couronne) interjette appel sur la première question. L’intimée soulève la deuxième question à titre subsidiaire pour le cas où nous trancherions la première question en faveur de la Couronne.
LES FAITS
[7] Les faits ne sont pas contestés. La décision de la juge de la Cour de l’impôt en contient une description détaillée. Aux fins du présent appel, voici les faits saillants.
[8] GMCL s’occupe de la fabrication, de l’assemblage et de la vente d’automobiles et de camions. De plus, GMCL est l’administrateur des régimes de pension de ses employés.
[9] Il s’agit de deux régimes de pension agréés : le régime des employés horaires et le régime des employés salariés (les régimes). Le régime des employés horaires a été créé conformément aux dispositions d’une convention collective conclue entre GMCL et le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole du Canada au profit des employés horaires de GMCL. C’est un régime à employeur unique financé au moyen des contributions patronales seulement. Le régime des employés salariés à l’intention des employés salariés de GMCL et de certaines sociétés membres du groupe GM est principalement financé au moyen de cotisations patronales, les employés finançant de leur côté ce régime dans une proportion minime.
[10] Les responsabilités de GMCL en sa qualité d’administrateur de ces régimes comprennent le calcul des droits à pension, le paiement des prestations de pension et la communication de renseignements aux participants aux régimes concernés. GMCL se charge également du dépôt des documents nécessaires et des rapports rigoureux, du placement des actifs et elle veille à ce que toutes les cotisations nécessaires soient effectuées et à ce que les honoraires et les dépenses soient raisonnables.
[11] Les régimes sont financés par l’entremise de fiducies qui détiennent et placent leurs actifs. Pour chacun des régimes de pension, les arrangements pertinents pris à l’égard de la fiducie principale comportent deux volets. En premier lieu, GMCL verse dans les fiducies principales les cotisations requises à l’égard de chacun des régimes. En second lieu, les fonds qui sont détenus dans chacune des fiducies principales sont placés dans des parts de fiducies d’investissement à participation unitaire.
[12] La Société Royal Trust du Canada Limitée (Royal Trust) est nommée fiduciaire des fiducies principales et des fiducies d’investissement à participation unitaire. Royal Trust a un simple titre juridique sur les actifs des fiducies d’investissement à participation unitaire et s’acquitte de diverses tâches, notamment la garde et l’enregistrement des titres, le transfert des fonds et le traitement de l’information fournie par des tiers.
[13] GMCL retient les services de gestionnaires de placements pour qu’ils gèrent le placement des fonds dans l’une ou l’autre des catégories d’actifs. Les pouvoirs et les obligations de GMCL sont énoncés dans plusieurs de ses actes constitutifs. De plus, la Loi sur les régimes de retraite, L.R.O. 1990, ch. P.8 (la LRRO), de l’Ontario, impose des responsabilités légales précises à GMCL.
[14] Les responsabilités des gestionnaires de placements sont ainsi décrites par l’intimée au paragraphe 13 de son mémoire des faits et du droit :
[traduction] Les conventions de gestion de placements aux termes desquelles les services de gestionnaires de placements ont été retenus prévoyaient que les gestionnaires de placements pouvaient à leur discrétion, entre autres, acheter, recevoir ou souscrire des titres, conserver de tels titres en fiducie, acheter, conclure et détenir des contrats, et d’une façon générale s’occuper sur le plan contractuel de contrats en vue de la livraison immédiate ou future d’instruments financiers, ainsi que de convertir les sommes en cause en devises canadiennes et en devises étrangères, pouvoir limité par certaines directives établies par GMCL et qui régissaient la nature et l’étendue des placements dans le cadre du pouvoir discrétionnaire absolu conféré aux gestionnaires de placements.
[15] GMCL a conclu une convention de gestion de placements avec chaque gestionnaire individuel. Dans chaque cas, GMCL est la personne tenue, aux termes de la convention, de payer la contrepartie afférente à la fourniture des services rendus par les gestionnaires ainsi que la TPS payable sur ces services.
[16] Les gestionnaires de placements ont le droit de toucher des honoraires fixés conformément à une entente distincte conclue entre GMCL et chacun d’entre eux.
[17] Les ententes distinctes confirment que les honoraires seront calculés selon un pourcentage de la valeur marchande des actifs sous gestion. Elles prévoient que [traduction] « les factures doivent être envoyées pour approbation tous les trois mois à » et désignent un employé de GMCL.
[18] La partie 2 de la convention supplémentaire sur le régime des employés horaires, les articles 16 et 17 du régime des employés salariés, le septième article des conventions de fiducie principale et le treizième article des conventions de fiducie d’investissement à participation unitaire traitent du mécanisme adopté aux fins de paiement du coût d’administration des régimes, dont les modalités sont les suivantes :
a. le paiement direct par GMCL au gestionnaire de placements, la fiducie devant rembourser GMCL; ou
b. le paiement direct par la fiducie pertinente au gestionnaire de placements, sur demande de GMCL.
[19] Les honoraires de gestion de placements sont indiqués à titre de dépenses des fiducies.
[20] Durant la période en cause, les gestionnaires ont facturé directement GMCL pour la « fourniture » des services de gestion de placements pour lesquels ils ont perçu la TPS.
[21] GMCL payait les factures par les fiducies de régime.
DÉCISION DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA
[22] GMCL a obtenu une décision anticipée sur la TPS (la décision) de l’Agence du revenu du Canada (ARC) concernant son droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants pour les services de gestion de placements. Dans la décision, l’ARC a admis que GMCL était l’unique personne « tenue de payer » les gestionnaires de placements et qu’elle était donc l’« acquéreur » [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 10] des services de gestion de placements selon la définition figurant au paragraphe 123(1) de la Loi. L’ARC a également admis que GMCL était la personne qui a « acquis » les services de gestion de placements. Le seul motif donné pour refuser à GMCL le crédit de taxe sur les intrants était que celle-ci n’a pas acquis les services de gestion de placements pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Les passages pertinents de la décision sont rédigés comme suit (dossier d’appel, vol. 5, onglet 6(D), pages 1162 et 1163) :
[traduction]
DÉCISION
[…]
Compte tenu des faits susmentionnés, notre décision est la suivante :
[…]
2. GMCL n’a pas le droit de demander des CTI à l’égard des services de gestion de placements qu’elle obtient en vertu de conventions conclues avec des gestionnaires de placements parce que ces services sont acquis par GMCL uniquement pour consommation par les fiducies de pension agréées résidant au Canada […]
EXPLICATION
[…]
En concluant un contrat en vue de la fourniture de services aux fiducies, avant le 18 avril 2000, GMCL, en sa qualité de personne redevable, aux termes de la convention, du paiement de la contrepartie afférente à la fourniture des services de gestion de placements, est l’« acquéreur » des services de gestion de placements en vertu des dispositions de la LTA […]
L’article 165 impose la TPS/TVH à l’« acquéreur » d’une « fourniture taxable ». Les fournitures effectuées par les gestionnaires de placements en faveur de GMCL sont des fournitures taxables, et GMCL est redevable de la TPS/TVH se rapportant à ces fournitures. Le paragraphe 169(1) énonce la règle générale applicable aux crédits de taxe sur les intrants (les « CTI »). GMCL n’a pas le droit de demander des CTI à l’égard de services de gestion de placements obtenus en vertu de conventions de gestion de placements parce que GMCL, en sa qualité d’administrateur des régimes de pension de GMCL, a acquis les services des gestionnaires de placements pour une utilisation autre que dans le cadre de ses activités commerciales. Les modalités des conventions de placements indiquent clairement que les services des gestionnaires de placements devront être fournis à l’égard des actifs de la fiducie, par communication directe avec le fiduciaire assurant la garde des actifs, et que les parties ont l’intention de laisser les fiducies utiliser les services comme il est énoncé dans chacune des conventions de gestion de placements, à savoir « la réalisation de l’ensemble des achats, ventes, livraisons et placements effectués sur demande du gestionnaire de placements, conformément aux dispositions de la présente convention, relève de Royal Trust et de ses sous-dépositaires ». GMCL acquiert ces services afin de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu de l’alinéa 22(1)a) de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, qui prévoit que l’administrateur d’un régime de retraite a une obligation fiduciaire en ce qui concerne l’administration et le placement des fonds de la caisse de retraite. Pour ces motifs, nous sommes d’avis que les services sont acquis par GMCL en sa qualité d’administrateur des fiducies, uniquement pour consommation par les fiducies, à la disposition du fiduciaire assurant la garde des actifs, et non pour utilisation, consommation ou fourniture par GMCL dans le cadre de ses activités commerciales. [Non souligné dans l’original.]
[23] En 2001, GMCL a demandé des crédits de taxe sur les intrants de 861 366,82 $ pour la TPS payée sur les honoraires des gestionnaires de placements pour les services rendus entre le 1er novembre 1997 et le 31 décembre 1999. L’ARC a refusé la demande par avis de cotisation daté du 26 novembre 2003.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
[24] La règle générale applicable à l’admissibilité aux CTI est énoncée à l’article 169 de la Loi. Les dispositions pertinentes sont libellées comme suit :
169. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :
A × B
où :
A représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;
B :
a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;
b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;
c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. [Je souligne.]
[25] La notion d’« activité commerciale » [édictée par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 10; 1997, ch. 10, art. 1] est définie au paragraphe 123(1) de la Loi comme suit :
123. (1) […]
« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :
a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;
b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;
c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.
[26] Le terme « entreprise » [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12] est également défini au paragraphe 123(1) de la Loi :
123. (1) […]
« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.
[27] L’article 267.1 [édicté par L.C. 1997, ch. 10, art. 73] de la Loi prévoit ce qui suit :
267.1 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 268 à 270.
« fiduciaire » Est assimilé à un fiduciaire le représentant personnel d’une personne décédée. N’est pas un fiduciaire le séquestre au sens du paragraphe 266(1).
« fiducie » Sont comprises parmi les fiducies les successions.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), le fiduciaire d’une fiducie est tenu d’exécuter les obligations imposées à la fiducie en vertu de la présente partie, indépendamment du fait qu’elles aient été imposées pendant la période au cours de laquelle il agit à titre de fiduciaire de la fiducie ou antérieurement. L’exécution d’une obligation de la fiducie par l’un de ses fiduciaires libère les autres fiduciaires de cette obligation.
(3) Le fiduciaire d’une fiducie est solidairement tenu avec la fiducie et, le cas échéant, avec chacun des autres fiduciaires au paiement ou au versement des montants qui deviennent à payer ou à verser par la fiducie en vertu de la présente partie pendant la période au cours de laquelle il agit à ce titre ou avant cette période. Toutefois :
a) le fiduciaire n’est tenu au paiement ou au versement de montants devenus à payer ou à verser avant la période que jusqu’à concurrence des biens et de l’argent de la fiducie qu’il contrôle;
b) le paiement ou le versement par la fiducie ou le fiduciaire d’un montant au titre de l’obligation éteint d’autant la responsabilité solidaire.
(4) Le ministre peut, par écrit, dispenser le représentant personnel d’une personne décédée de la production d’une déclaration pour une période de déclaration de la personne qui se termine au plus tard le jour de son décès.
(5) Les présomptions suivantes s’appliquent dans le cadre de la présente partie lorsqu’une personne agit à titre de fiduciaire d’une fiducie :
a) tout acte qu’elle accomplit à ce titre est réputé accompli par la fiducie et non par elle;
b) malgré l’alinéa a), si elle n’est pas un cadre de la fiducie, elle est réputée fournir à celle-ci un service de fiduciaire et tout montant auquel elle a droit à ce titre et qui est inclus, pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, dans le calcul de son revenu ou, si elle est un particulier, dans le calcul de son revenu tiré d’une entreprise est réputé être un montant au titre de la contrepartie de cette fourniture.
NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE
[28] L’appelante soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte étant donné que les questions en litige sont des questions de droit (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 8 et suiv.). L’intimée soutient que la question de savoir si les services ont été acquis par GMCL pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales comporte une composante factuelle importante. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est de savoir si la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 26 et suiv.).
[29] Je souscris aux deux arguments, étant entendu que, bien que des questions de droit aient été soulevées, en particulier en ce qui touche le concept de fiducie, la présente affaire repose davantage sur l’application du droit aux faits et sur la preuve présentée devant la juge de la Cour de l’impôt.
DÉCISION DE LA JUGE DE LA COUR DE L’IMPÔT
[30] Au paragraphe 30 de ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a énoncé les trois conditions à remplir pour que GMCL ait le droit de demander un CTI :
(1) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements);
(2) La TPS doit être payable ou avoir été payée par la personne qui fait la demande (GMCL) à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements);
(3) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements) pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales. [Souligné dans l’original.]
[31] La juge a conclu que GMCL a rempli les trois conditions.
[32] L’appelante soutient que la juge a commis une erreur en tirant cette conclusion.
ANALYSE
1) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements).
[33] En ce qui concerne la première condition, l’appelante a fait valoir devant la juge de la Cour de l’impôt et devant nous que les actes que GMCL a accomplis en acquérant les services sont réputés, en vertu de l’article 267.1 de la Loi, être des actes posés par les fiducies de régime. Par conséquent, GMCL n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants à l’égard de tels frais relatifs à une fiducie de régime.
[34] Il s’agit alors de savoir « si GMCL doit être considérée comme un fiduciaire, de façon que l’article 267.1 puisse s’appliquer » (paragraphe 38 des motifs du jugement de la juge de la Cour de l’impôt).
[35] L’intimée soutient que la Couronne n’a pas expressément soulevé la question de l’application de l’article 267.1 de la Loi dans sa réponse à son avis d’appel devant la Cour de l’impôt (dossier d’appel, vol. 1, onglet 6(A)(2), à la page 69), et que c’est seulement devant nous, dans son avis d’appel, que la Couronne a plaidé expressément que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit dans l’interprétation des articles 169 [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 35; 1997, ch. 10, art. 19, 161; 2000, ch. 30, art. 28] et 267.1 de la Loi (dossier d’appel, vol. 1, onglet 1).
[36] On ne sait pas avec certitude si l’intimée a soulevé devant la Cour de l’impôt cette lacune dans les actes de procédure de la Couronne. Ce qu’on sait c’est que la juge de la Cour de l’impôt n’en a pas traité dans ses motifs.
[37] Devant notre Cour, l’acte de procédure de la Couronne, conformément à la règle 337 [mod. par DORS/2004-283, art. 18, 36] des Règles des Cours fédérale, DORS/98-106 [règle 1 (mod., idem, art. 2)], indique que la Couronne se fonde sur l’article 267.1 de la Loi. Étant donné que cette question n’a pas été soulevée devant la juge de la Cour de l’impôt, là où le vice s’est présenté et où il aurait dû être abordé, il n’est pas nécessaire de me pencher davantage sur ce différend procédural.
[38] La juge de la Cour de l’impôt a conclu (au paragraphe 42 de ses motifs) que l’article 267.1 ne s’appliquait pas. Elle a écrit que, au cours de l’audience, on n’a produit aucun élément de preuve donnant à entendre que GMCL acquérait un titre, en common law ou autre, sur les actifs aux termes de l’acte de fiducie. Elle a conclu que les conventions de fiducie désignaient expressément Royal Trust à titre de fiduciaire. GMCL agissait comme administrateur en ce qui concerne les fiducies, tel que ce terme est défini et envisagé en vertu de la LRRO. Cela ne comprenait pas, et ne devait pas comprendre, les fonctions de fiduciaire à l’égard des fiducies. Pour l’application de l’article 267.1, GMCL agissait comme administrateur de ces régimes. Les tâches et fonctions respectives de GMCL, en sa qualité d’administrateur, et de Royal Trust, en sa qualité de fiduciaire, étaient tout à fait distinctes. La juge a précisé que GMCL exerçait peut-être certaines fonctions fiduciaires en sa qualité d’administrateur du régime, mais que cela ne voulait pas dire qu’elle était fiduciaire de la fiducie. La juge a conclu que c’était GMCL qui avait conclu les contrats concernant les services des gestionnaires de placements et qui avait acquis ces services. Elle a affirmé ce qui suit :
L’article 267.1 ne s’applique pas en l’espèce. Au cours de l’audience, on n’a produit aucun élément de preuve donnant à entendre que GMCL acquérait le titre, légal ou autre, afférent aux actifs, aux termes de l’acte de fiducie. Dans toutes les conventions, Royal Trust est désignée à titre de détenteur du titre légal. GMCL ne peut donc pas être visée par la définition du mot « fiduciaire ». Les conventions de fiducie désignaient expressément Royal Trust à titre de fiduciaire. De toute évidence, en ce qui concerne les fiducies, GMCL agissait comme administrateur, tel que ce terme est défini et envisagé en vertu de la LRRO. Cela ne comprenait pas, et ne devait pas comprendre, les fonctions de fiduciaire à l’égard des fiducies. Pour l’application de l’article 267.1, GMCL agissait comme administrateur de ces régimes. Les tâches et fonctions respectives de GMCL, en sa qualité d’administrateur, et de Royal Trust, en sa qualité de fiduciaire, étaient tout à fait distinctes. GMCL exerçait peut-être bien certaines fonctions fiduciaires en sa qualité d’administrateur du régime, mais cela ne veut pas dire qu’elle était fiduciaire de la fiducie. Le seul fiduciaire de ces régimes de pension peut être Royal Trust, le fiduciaire assurant la garde des actifs qui, selon la définition du mot « fiduciaire » et la preuve, détient le titre légal. Par conséquent, c’était GMCL qui avait conclu les contrats concernant les services des gestionnaires de placements et qui avait acquis ces services.
[39] Compte tenu de sa conclusion fondée sur la preuve, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans sa première conclusion.
2) La TPS doit être payable ou avoir été payée par la personne qui fait la demande (GMCL) à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements).
[40] En ce qui concerne la deuxième condition, à savoir si la TPS était payable ou avait été payée par GMCL, la juge de la Cour de l’impôt a fait une analyse du mode de paiement prévu par les diverses conventions. Elle a conclu, au paragraphe 57 de ses motifs, que, même si GMCL a réacheminé vers les fiducies la fourniture des services de placement, et même si la fiducie a remboursé GMCL dans les cas où cette dernière avait directement payé ces honoraires, GMCL était néanmoins la personne tenue de payer la fourniture des services rendus par les gestionnaires de placements aux termes des conventions qu’elle avait conclues avec eux.
[41] Elle a affirmé ce qui suit, aux paragraphes 54 et 57 :
Sur le plan contractuel, GMCL est l’unique personne à qui incombait l’obligation de payer cette contrepartie aux gestionnaires de placements. Les conventions de gestion de placements et les conventions portant sur les honoraires sont très claires sur ce point. Les gestionnaires de placements facturaient uniquement GMCL. D’une façon générale, l’obligation se cristallisait sur délivrance d’une facture. Si GMCL n’acquittait pas la facture, les gestionnaires pouvaient uniquement poursuivre GMCL, et non la fiducie de régime. Seule GMCL était tenue d’acquitter ces factures. Étant donné que la fiducie n’a jamais été responsable de la gestion des actifs, elle n’avait pas besoin des services des gestionnaires de placements. Les gestionnaires pouvaient uniquement s’adresser à GMCL pour obtenir paiement. Par conséquent, GMCL était l’acquéreur de la fourniture des services des gestionnaires de placements, et la TPS était « payable » par GMCL. En vertu du paragraphe 169(1), les CTI ne peuvent être accordés à la personne qui « acquiert » la fourniture que si la taxe est payable par cette personne. La taxe est payable par l’acquéreur en vertu du paragraphe 165(1), mais il ne s’ensuit pas nécessairement que celui qui est l’acquéreur en bout de ligne est toujours la personne qui « a acquis » la fourniture. Selon le paragraphe 123(1), l’« acquéreur » est la personne à qui une fourniture est effectuée. Par conséquent, dans certaines circonstances, la personne qui a acquis la fourniture (GMCL) n’est peut-être pas la personne à qui la fourniture est finalement effectuée (les fiducies de pension). GMCL a satisfait à cette exigence en vertu du paragraphe 169(1) étant donné qu’elle est l’unique personne qui est tenue de payer la contrepartie pour la fourniture des services des gestionnaires de placements aux termes des conventions pertinentes. Certains états financiers des régimes des employés horaires et des employés salariés donnent à entendre que les paiements sont considérés comme étant effectués par la fiducie, mais ces documents comptables viennent après les conventions principales portant sur les placements et les honoraires et ne changent pas les dispositions contractuelles de ces conventions. Les fiducies de pension ne sont pas tenues de payer les services et elles ne peuvent pas être l’acquéreur, bien que la fourniture de services ait finalement été réacheminée vers les actifs détenus dans les fiducies.
[…]
Il ressort de ces remarques que, même si GMCL a réacheminé vers les fiducies la fourniture des services de placement, et même si la fiducie a remboursé GMCL dans les cas où cette dernière avait directement payé ces honoraires, GMCL était néanmoins la personne tenue de payer la fourniture des services rendus par les gestionnaires de placements aux termes des conventions qu’elle avait conclues avec eux. La source du paiement des honoraires n’est pas pertinente parce qu’en fin de compte, comme l’a dit la juge Woods dans la décision Y.S.I.’s Yacht Sales, la personne qui a le droit de demander des CTI est celle qui satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 169(1) et qui s’acquitte de l’obligation contractuelle qui lui incombe quant au paiement. [Souligné dans l’original.]
[42] Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans sa deuxième conclusion.
3) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements) pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.
[43] La troisième et dernière condition du critère énoncé au paragraphe 169(1) aux fins de l’admissibilité de GMCL aux CTI est de savoir si GMCL a acquis les services de gestion de placements pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.
[44] La juge de la Cour de l’impôt a attribué à l’expression « dans le cadre de », employée à l’alinéa 169(1)c), un sens large attribué par notre Cour dans l’arrêt Blanchard c. Canada, [1995] A.C.F. no 1045 (C.A.) (QL) et dans l’arrêt Le ministre du Revenu national c. Yonge-Eglinton Building Limited, [1974] 1 C.F. 637 (C.A.), à la page 645, où les mots « relativement à », « résultant de » ou « imputable à » ont été proposés. Elle a jugé que la responsabilité qui incombe à GMCL de gérer d’une façon appropriée les actifs du régime de pension découlait non seulement des conventions, mais aussi des obligations de GMCL en sa qualité d’administrateur en vertu de la LRRO et de son obligation de fournir des prestations de pension à ses employés (au paragraphe 65). Elle précise que les prestations de pension, tout comme les salaires, sont des éléments d’un système de rémunération qui fait partie intégrante des activités commerciales de la personne morale. La juge explique pleinement ces facteurs aux paragraphes 66 et 67. Au paragraphe 67, elle a déclaré ce qui suit :
En plus de ces obligations contractuelles et légales, GMCL s’est engagée à établir, à maintenir et à administrer un système de rémunération non seulement en tant que condition d’emploi offerte à ses employés, mais aussi comme moyen destiné à attirer et à conserver les employés les plus compétents au sein de son organisation. En l’absence d’un régime de pension rentable, l’attrait concurrentiel de GMCL sur le marché serait beaucoup moins important. Les frais associés à l’administration de ces actifs de fonds de pension peuvent être considérés comme n’étant qu’indirectement liés à la fabrication de véhicules, mais ils font néanmoins partie intégrante du succès commercial général de GMCL. Dans son témoignage, M. Marven a établi un parallèle entre la mise en place d’un régime de pension et d’autres formes de rémunération des employés comme les prestations pour soins de santé. La seule conclusion logique sensée est que toutes les fonctions de GMCL, à l’égard des actifs de fonds de pension en cause, sont exercées au seul profit des employés, qu’il s’agisse des employés salariés ou des employés horaires, et ces fonctions constituent donc un élément essentiel des activités commerciales de GMCL. Par conséquent, GMCL a acquis les services des gestionnaires de placements pour utilisation dans ses activités commerciales. Cela étant, bien que GMCL n’utilise pas directement les services en question en effectuant des fournitures assujetties à la TPS dans le cadre de ses activités, ces services font partie de sa contribution au programme de rémunération des employés, ce qui est un complément nécessaire de son infrastructure lorsqu’il s’agit de conclure des ventes taxables. Les frais ne sont pas de nature personnelle. Ils viennent s’ajouter aux activités commerciales principales de GMCL et ils répondent au besoin d’attirer et de conserver le nombre d’employés nécessaire au bon déroulement de celles-ci. Par conséquent, ces frais, quoiqu’il s’agisse de frais indirects par rapport à l’entreprise de GMCL, sont admissibles à titre de frais payés pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL. Le paragraphe 169(1) n’exige pas que la gestion d’un régime de pension soit la seule activité commerciale d’une personne, mais uniquement que la fourniture soit consommée ou utilisée « dans le cadre des activités commerciales ». Séparer les services des gestionnaires de placements et les activités commerciales de GMCL de la manière proposée par l’intimée équivaudrait à ne pas tenir compte des obligations contractuelles et légales de GMCL ainsi que de la réalité commerciale d’un marché compétitif. [Non souligné dans l’original.]
[45] L’appelante invoque trois arguments :
a) le premier porte que les fiducies de régime de pension constituent un tiers intervenant dans le processus;
b) le deuxième porte sur la notion de lien indirect;
c) le troisième porte sur le principe de la prééminence de la réalité économique sur l’apparence.
a) la fiducie en tant que tiers
[46] L’appelante soutient (aux paragraphes 42 et suivants de son mémoire des faits et du droit) que, même si l’article 267.1 de la Loi ne s’applique pas, GMCL ne peut pas demander des crédits de taxe sur les intrants parce que les services de gestion de placements ne sont pas acquis pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales. Les activités commerciales de GMCL, selon l’appelante, consistent en la fabrication, l’assemblage et la vente d’automobiles. En sa qualité d’administrateur des régimes de pension, GMCL exerce une activité distincte. Selon l’appelante, les fiducies de régime de pension constituent un tiers dont l’existence et le rôle devraient être pris en compte pour déterminer l’activité où s’exercent les services de gestion de placements. Elle souligne que les fiducies paient les honoraires et la TPS sur ces honoraires et que ceux-ci figurent comme des dépenses dans leurs états financiers. Elle prétend que [traduction] « la juge de première instance ne pouvait conclure que GMCL agissait comme fiduciaire à l’égard des intérêts des fiducies de régime de pension et qu’elle exerçait en même temps ses propres activités commerciales dans son propre intérêt ».
[47] L’allégation de l’appelante ne tient pas compte, à mon avis, de la convention collective que GMCL a conclue avec ses employées et par laquelle elle s’engage à leur fournir des prestations de retraite. GMCL est le cotisant clé aux fonds en fiducie et elle est l’entité tenue de payer les honoraires de gestion de placements selon l’entente signée avec les gestionnaires de placements. Le fait que, tel qu’il a été établi par GMCL, les honoraires en cause et la TPS y afférente sont assumés en dernier ressort par les fiduciaires ne change pas la nature de l’opération. De plus, comme l’a dit la juge de la Cour de l’impôt au paragraphe 53 de ses motifs, on n’a produit absolument aucun élément de preuve donnant à entendre que les fiducies de régime étaient parties aux conventions de gestion de placements et aux conventions portant sur les honoraires aux termes desquelles GMCL était tenue d’effectuer les paiements, ou que GMCL avait conclu une convention de gestion de placements en sa qualité de mandataire pour le compte des fiducies de régime.
[48] Le premier argument de l’appelante est indéfendable.
b) le lien indirect
[49] L’appelante soutient que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en concluant qu’un lien indirect était suffisant pour conclure que les fournitures étaient acquises pour utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL.
[50] À l’appui de sa position, l’appelante se fonde sur la décision de notre Cour Canada c. 398722 Alberta Ltd., [2000] A.C.F. no 644 (C.A.) (QL), où elle affirme que [traduction] « la Cour a statué que c’est l’utilisation directe d’une fourniture qui régit le droit aux crédits de taxe sur intrants ».
[51] L’affaire 398722 Alberta Ltd. concernait un immeuble d’habitation, un « quadruplex », dont la construction était la condition préalable à l’obtention d’un permis de construction d’un hôtel. L’entreprise, 398722 Alberta Ltd., a fait valoir que l’exploitation de l’immeuble d’habitation faisait partie intégrante de son entreprise hôtelière et était donc une « activité commerciale » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, et que la TPS qu’elle était tenue de payer en application de la règle sur la fourniture à soi‑même instituée au paragraphe 191(3) [édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12; 1993, ch. 27, art. 56] de la Loi devait être compensée par un crédit de taxe sur intrants d’un montant égal.
[52] L’une des questions en litige dans cette affaire était de savoir si l’exploitation de l’immeuble d’habitation entrait dans les activités commerciales de l’hôtel. La réponse à cette question dépendait de l’interprétation des derniers mots de la définition d’« activité commerciale » au paragraphe 123(1) de la Loi. Par souci de commodité, ces mots étaient :
123. (1) […]
« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :
a) l’exploitation d’une entreprise […] sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées.
[53] La Cour a statué que les crédits de taxe sur les intrants en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi ne pouvaient pas être accordés au contribuable qui s’acquittait d’une obligation en vue d’un autre objectif commercial et que 398722 Alberta Ltd. n’avait pas droit aux crédits de taxe sur les intrants pour compenser la TPS payable sur la fourniture à elle‑même du quadruplex.
[54] La juge d’appel Sharlow a dit ce qui suit au nom de la Cour, aux paragraphes 22 et 23 de ses motifs :
Toute entreprise peut consister en plusieurs éléments, dont chacun fait partie intégrante de l’ensemble. La définition d’« activité commerciale » prend en compte cette possibilité mais pose, aux fins de la TPS, que tout élément de l’entreprise qui consiste dans la réalisation de fournitures exonérées soit considéré à part. Par application de cette définition légale, l’entreprise de l’intimée n’est pas une « activité commerciale » dans la mesure où elle consiste dans la location des unités d’habitation du quadruplex. À cet égard, je conviens avec la Couronne que l’intimée n’a pas droit à un crédit de taxe sur intrants pour compenser la TPS payable sur les biens et services acquis à titre de fourniture à soi-même pour le quadruplex.
L’intimée est exactement dans le même cas que celui qui acquiert un immeuble pour en donner à bail les appartements. Peu importe que cette acquisition ait été motivée par la perspective de toucher des loyers ou, comme dans le cas de l’intimée, par la nécessité de se conformer à une obligation légale qui doit être remplie en vue d’un autre objectif commercial.
[55] La situation de fait en l’espèce se distingue de celle de l’affaire susmentionnée. Contrairement à l’hôtel visé dans l’arrêt 398722 Alberta Ltd., qui avait une obligation légale à remplir en vue d’un autre objectif commercial, GMCL, comme l’a conclu la juge de la Cour de l’impôt, a l’obligation contractuelle de maintenir un régime de prestations de pension dans le cadre de son programme de rémunération des employés.
[56] Dans le cas de GMCL, les régimes de pension et leur gestion ne constituent pas une activité commerciale autonome, malgré la création des fiducies. Sans une convention collective entre GMCL et ses employés, de tels régimes de pension n’existeraient pas. Le régime de pension n’est pas simplement un autre objectif commercial.
[57] La conclusion de la juge de la Cour de l’impôt selon laquelle les services faisaient partie de la contribution de GMCL au programme de rémunération des employés ne justifie pas l’intervention de notre Cour.
c) la prééminence de la réalité économique sur l’apparence
[58] Enfin, l’appelante fait valoir que la juge de la Cour de l’impôt a effectivement effectuée une analyse basée sur la « prééminence de la réalité économique sur l’apparence » pour conclure que le refus d’accorder des crédits de taxe sur les intrants ne tiendrait pas compte de la réalité commerciale du marché.
[59] L’application que la juge de la Cour de l’impôt fait de la notion de « réalité économique », selon l’appelante, va à l’encontre des principes énoncés dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, aux paragraphes 39 et 40. Sur le plan juridique, affirme l’appelante, les régimes de pension sont séparés et distincts d’autres activités commerciales, et un régime de fonds de pension ne peut être considéré comme faisant partie des activités commerciales de l’employeur.
[60] Les principes suivants ont été énoncés dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, précité, aux paragraphes 39 et 40 :
Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l’opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci: Bronfman Trust, précité, aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n’a jamais statué que la réalité économique d’une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables: Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.
Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie: l’examen de la «réalité économique» d’une opération donnée ou de l’objet général et de l’esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée: Continental Bank, précité, au par. 51, le juge Bastarache; Tennant, précité, au par. 16, le juge Iacobucci; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pp. 326, 327 et 330, le juge Iacobucci; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 11, le juge Major; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15, le juge Cory. [Non souligné dans l’original.]
[61] Je ne vois pas comment la juge de la Cour de l’impôt aurait trahi les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Shell Canada Ltée.
[62] La Cour suprême du Canada énonce d’abord la règle générale selon laquelle les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de l’opération.
[63] La Cour suprême du Canada apporte ensuite deux précisions. Premièrement, la réalité économique d’une situation ne peut pas justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables et, deuxièmement, la réalité économique ne doit pas soustraire à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la loi.
[64] Je ne conclus pas, comme le prétend l’appelante, que, du point de vue juridique, les régimes de pensions sont forcément séparés et distincts d’autres activités commerciales. Un examen des circonstances de chaque cas s’impose.
[65] En l’espèce, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que les régimes de pension de GMCL faisaient partie intégrante des activités commerciales de l’entreprise. Il n’y a pas de nouvelle qualification des rapports juridiques de GMCL.
[66] Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans l’analyse de la juge de la Cour de l’impôt.
[67] Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’examiner la question subsidiaire dont la juge de la Cour de l’impôt a traité aux paragraphes 70 à 102 de ses motifs, plus particulièrement celle de savoir si les services de gestion de placements sont des services financiers exonérés.
[68] La conclusion de la juge de la Cour de l’impôt, au paragraphe 103 de ses motifs, selon laquelle GMCL a le droit de demander des CTI à l’égard de la fourniture des services de gestion de placements devrait être confirmée.
CONCLUSION
[69] Je rejetterais l’appel avec dépens.
Le juge Nadon, J.C.A. : Je suis d’accord.
Le juge Blais, J.C.A. : Je suis d’accord.