Référence : |
union saint-laurent, grands lacs c. Canada (Ministre de l’environnement), 2009 CF 408, [2010] 2 R.C.F. 515 |
T-1922-07 |
Union Saint-Laurent, Grand Lacs et Mines Alerte Canada (demanderesses)
c.
Ministre de l’Environnement (défendeur)
et
L’Association minière du Canada (intervenante)
Répertorié : Union Saint-Laurent, Grand Lacs c. Canada (Ministre de l’Environnement) (C.F.)
Cour fédérale, juge Russell—Toronto, 19 janvier; Ottawa, 23 avril 2009.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire concernant l’omission du ministre d’exiger, suivant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (la LCPE), que les installations minières déclarent les rejets ou les transferts de polluants effectués dans les aires d’élimination de stériles et de résidus. Les demanderesses sollicitaient un jugement déclaratoire portant que le ministre avait commis une erreur dans son interprétation de la LCPE ainsi qu’une réparation impérative enjoignant au défendeur de publier par l’intermédiaire de l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) les données sur les rejets ou les transferts de polluants effectués dans les aires d’élimination de stériles et de résidus conformément aux articles 48 et 50 de la LCPE.
L’INRP est un inventaire annuel des polluants industriels et commerciaux qui sont rejetés dans l’environnement et il est subordonné à la tenue de consultations multilatérales visant à déterminer les exigences en matière de déclaration de polluants. Bien que la déclaration de polluants à l’INRP ait toujours été exigée, la déclaration à l’INRP des déplacements contrôlés de substances à l’intérieur de ces installations ne l’a jamais été. Des consultations ont été menées au fil des ans entre le ministre et divers intervenants quant à la question de savoir si ces déplacements devraient être déclarés. En 2007, le ministre a fait savoir dans le cadre d’une réunion d’intervenants qu’il établirait, au lieu d’ajouter les résidus miniers et les stériles à l’INRP, un inventaire national différent pour la déclaration de ces renseignements et que les méthodes de collecte et de déclaration de données seraient déterminées ultérieurement.
La question fondamentale était celle de savoir si la LCPE oblige le ministre à fournir au public des renseignements sur les rejets de polluants par l’intermédiaire de l’INRP relativement aux rejets et aux transferts de polluants effectués par les installations minières dans les aires d’élimination de résidus miniers et de stériles.
Jugement : la demande doit être accueillie.
L’article 48 de la LCPE contraint le ministre à « établi[r] l’inventaire national des rejets polluants » et à utiliser les « renseignements auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46 ». Cette disposition ne prévoit pas d’inventaires nationaux distincts pour des secteurs distincts. L’une des raisons favorisant l’établissement d’un inventaire national unique est intégrée à l’article 2 de la LCPE, qui confie au gouvernement fédéral la mission d’appliquer la LCPE de façon juste, prévisible et cohérente et de veiller à ce que les Canadiens puissent avoir facilement accès à des renseignements sur les polluants. L’INRP était l’inventaire national que le ministre a décidé d’établir pour s’acquitter de l’obligation que lui impose l’article 48. La publication de renseignements sur les rejets ou les transferts de polluants effectués dans les aires d’élimination de stériles et de résidus dans l’INRP n’empêchera pas le ministre de continuer de mener des études quant à la question de savoir s’il ne faudrait peut-être pas aussi créer pour ces renseignements un inventaire distinct ou trouver un outil plus approprié que tous les intervenants peuvent accepter.
La définition du terme « rejet » au paragraphe 3(1) de la LCPE ne devrait pas être interprétée comme exigeant que toutes les formes de rejet soient des situations qui signifient la fin du contrôle humain et le retour à un contrôle exercé par les forces de la nature. Une telle interprétation signifierait que des polluants nocifs qui entrent dans l’environnement ne seraient pas réputés avoir été rejetés et, à ce titre, il ne serait pas obligatoire de les déclarer en application de l’article 48 s’ils demeurent assujettis à une certaine forme de contrôle humain. Rien dans la LCPE et dans son contexte n’autorise une telle interprétation. Le fait que les aires d’élimination de stériles et de résidus se trouvent « in-situ » n’empêche pas le rejet de polluants dans l’environnement. La distinction entre les rejets « in-situ » et « ex-situ » ne veut pas dire que les mots qui se trouvent dans la loi ou dans l’économie et les objets de la LCPE doivent être interprétés d’une manière qui convient à un secteur particulier. Le sens ordinaire et grammatical des mots dans le contexte de la LCPE ainsi que les intentions du législateur indiquent que les renseignements sur les rejets et les transferts de polluants effectués dans les aires d’élimination de résidus miniers et de stériles doivent être recueillis et déclarés. Des arguments semblables s’appliquent en rapport avec le mot « polluants » qui paraît à l’article 48 de la LCPE relativement à la « prévention de la pollution ».
Les affirmations selon lesquelles le mot « peut » à l’article 46 a conféré au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire quant aux types de renseignements à recueillir et selon lesquelles l’obligation d’établir un inventaire national et de publier des renseignements sur des rejets polluants était subordonnée au pouvoir discrétionnaire aux termes de l’article 46 étaient difficiles de concilier avec les obligations que d’autres dispositions de la LCPE imposent au gouvernement fédéral et, en particulier, l’article 2. Si le ministre a décidé de ne pas recueillir de renseignements sur les rejets de polluants, l’INRP ne révèlerait pas de façon exacte ou complète les dangers sur le plan de l’environnement et de la santé. L’INRP ne peut donc pas accomplir son objectif si le pouvoir discrétionnaire qu’accorde l’article 46 n’est pas exercé d’une manière qui répond aux obligations du gouvernement fédéral. L’article 46 est plutôt une disposition facilitante et habilitante qui procure au ministre le vaste pouvoir de recueillir les renseignements et il ne peut pas être utilisé pour faire abstraction des obligations de nature impérative que prescrivent les articles 48 et 50. Les mesures ont donc été prises par le ministre dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi et étaient assujetties au contrôle judiciaire.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi canadienne sur la protection de l’environnement, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 16, ann. I, II, III, IV.
Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33, préambule, art. 2, 3(1) « environnement », « prévention de la pollution » « rejet », 43 à 55.
Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 11.
Loi sur le ministère de l’Environnement, L.R.C. (1985), ch. E-10, art. 5.
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).
Loi sur les parcs nationaux, L.R.C. (1985), ch. N-14.
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.); Assoc. des sourds du Canada c. Canada, 2006 CF 971, [2007] 2 R.C.F. 323; Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.).
décisions examinées :
Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236; Cie pétrolière Impériale ltée c. Québec (Ministre de l’Environnement), 2003 CSC 58, [2003] 2 R.C.S. 624; Distribution Canada Inc. c. M.R.N., [1993] 2 C.F. 26 (C.A.); Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.F.); Whitton c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 46, [2002] 4 C.F. 126; Alberta c. Canada (Commission du blé), [1998] 2 C.F. 156 (1re inst.), conf. par [1998] A.C.F. no 1747 (C.A.) (QL); Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 780, [2001] 4 C.F. 591; S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Ecology Action Centre Society c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1087; Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (1re inst.); Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2009 CF 16, [2009] 4 R.C.F. 544; Environmental Resource Centre c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CFPI 1423.
décisions citées :
Goodwin c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1185; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Fraser v. Canada (Attorney General) (2005), 51 Imm. L.R. (3d) 101, [2005] O.T.C. 1127 (C.S.J. Ont.); Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 R.C.S. 159; Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031; R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241; Colombie-Britannique c. Canadian Forest Products Ltd., 2004 CSC 38, [2004] 2 R.C.S. 74; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; North Vancouver (district de) et autres et Conseil des ports nationaux et autres (Re), [1978] A.C.F. no 619 (1re inst.) (QL); Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries & Food, [1968] A.C. 997 (H.L.); Rubin c. Canada (Société canadienne d’hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.); Multi-Malls Inc. et al. and Minister of Transportation and Communications et al. (Re) (1976), 14 O.R. (2d) 49, 73 D.L.R. (3d) 18 (C.A.); Doctors Hospital and Minister of Health (Re) (1976), 12 O.R. (2d) 164, 68 D.L.R. (3d) 220, 1 C.P.C. 232 (H.C.J.); Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77; Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, 257 R.N.-B. (2e) 207; Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1990] 2 W.W.R. 69, (1989), 38 Admin. L.R. 138, 4 C.E.L.R. (N.S.) 1 (C.A.F.); Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.); Gulf Trollers Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.); Northern Lights Fitness Products Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1994] A.C.F. no 319 (1re inst.) (QL); Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Middlesex (County) v. Ontario (Minister of Municipal Affairs) (1992), 10 O.R. (3d) 1, 95 D.L.R. (4th) 676, 9 Admin. L.R. (2d) 206 (Div. Gén.); Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; Sutcliffe v. Ontario (Minister of the Environment) (2004), 72 O.R. (3d) 213, 244 D.L.R. (4th) 392, 20 Admin. L.R. (4th) 239 (C.A.); Alberta Wilderness Assn. c. Cardinal River Coals Ltd., [1999] 3 C.F. 425 (1re inst.); Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000] 2 C.F. 263 (C.A.F.), confirmant [1998] 4 C.F. 340 (1re inst.).
DOCTRINE CITÉE
DEMANDE de contrôle judiciaire concernant l’omission du ministre de l’Environnement d’exiger, suivant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, que les installations minières déclarent les rejets ou les transferts de polluants effectués dans les aires d’élimination de stériles et de résidus. Demande accueillie.
ONT COMPARU
Marlene Cashin et Justin Duncan pour les demanderesses.
Paul J. Evraire, c.r. et Negar Hashemi pour le défendeur.
Rodney V. Northey pour l’intervenante.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Ecojustice Canada, Toronto, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Fogler, Rubinoff LLP, Toronto, pour l’intervenante.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le juge Russell : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant l’omission persistante du ministre de l’Environnement d’exiger, sous le régime de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33 (la LCPE), que les installations minières déclarent les rejets ou les transferts de polluants effectués dans les aires d’élimination de stériles et de résidus.
[2] Les demanderesses sollicitent un jugement déclaratoire portant que le ministre a commis une erreur dans son interprétation de la LCPE en ne fournissant pas au public des renseignements sur ces rejets de polluants par l’intermédiaire de l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) dans l’année 2006 et les années suivantes, de même qu’une ordonnance de mandamus lui enjoignant de publier par l’intermédiaire de l’INRP les données des installations minières sur les rejets effectués dans les aires d’élimination de stériles et de résidus pour l’année de déclaration 2006 et les années suivantes, conformément aux articles 48 et 50 de la LCPE.
LE CONTEXTE
Les stériles et les résidus
[3] Les stériles et les résidus résultent de travaux d’exploitation minière. L’extraction de minerai du sol et son traitement comportent trois étapes :
1) l’enlèvement des « morts‑terrains », comme la terre, le sable et le gravier, les arbres, les lichens, les mousses et d’autres végétaux;
2) le cassage et l’enlèvement des « stériles » (la pierre qui entoure ou recouvre le minerai) afin d’avoir accès au minerai;
3) le broyage du minerai en poudre et son traitement en vue d’en extraire les minéraux, dont les déchets sont appelés « résidus ».
[4] Plus de 99 p. 100 des morts‑terrains, des pierres et du minerai que l’on enlève pour extraire les minéraux sont ensuite transportés jusqu’à des terrils et des aires d’élimination des stériles et des résidus.
[5] Le minerai contient des minéraux et des composés chimiques, de même que les minéraux à valeur économique qui en sont extraits en le traitant. Il peut également contenir des quantités variables de métaux, dont de l’aluminium, de l’arsenic, du cadmium, du cuivre, du mercure, du nickel et du sélénium, qui sont tous des polluants énumérés dans l’INRP. Au Canada, la majeure partie des travaux miniers ont lieu dans de la pierre à haute teneur en soufre. Cette substance, lorsqu’elle entre en contact avec de l’eau, génère de l’acide sulfurique, qui est lui aussi un polluant énuméré dans l’INRP. Les corps minéralisés ont tous des propriétés qui leur sont propres, mais ils présentent toujours un risque d’impact environnemental lorsqu’on les extrait du sol.
[6] L’extraction de minerai ou de minéraux oblige à enlever au préalable des pierres, ou du minerai en trop faible concentration pour être traité. Ces matières portent le nom de « stériles » et elles font partie du processus minier. Dans une installation, les stériles sont déposés dans des aires de stockage de stériles (ASS). Le traitement des matières extraites génère des résidus qui sont habituellement gérés sur les lieux mêmes d’une installation, dans une aire de confinement de résidus (ACR).
[7] Une fois que le minerai est fractionné et exposé au soleil, au vent, à l’air et à l’eau, les polluants qu’il renferme, de même que ceux qui sont ajoutés lors du traitement, sont mobilisés et ils peuvent présenter des dangers pour l’environnement et la santé humaine lorsqu’ils sont expédiés dans les ASS et les ACR.
[8] Dans certaines collectivités minières, des maisons sont bâties juste à côté d’ASS et d’ACR.
L’Inventaire national des rejets de polluants (INRP)
[9] Le ministre de l’Environnement a créé l’INRP en 1993 après avoir souscrit aux recommandations d’un comité consultatif multilatéral formé de représentants de l’industrie, de groupes environnementalistes et de syndicats, ainsi que des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. Il s’est prévalu des dispositions de [l’ancienne] Loi canadienne sur la protection de l’environnement, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 16, pour obliger certaines personnes à déclarer des renseignements précis.
[10] L’INRP est un inventaire annuel, accessible au public, des polluants industriels et commerciaux qui sont rejetés dans l’environnement canadien. Il est subordonné à la tenue de consultations multilatérales visant à informer le ministre et à l’aider à déterminer les exigences en matière de déclaration de polluants en vertu de la Loi actuellement en vigueur.
[11] Depuis la création de l’INRP, les opérations de traitement des matières extraites du sol ont toujours été déclarables. Depuis 2006, il est également obligatoire de déclarer à l’INRP les activités d’extraction minière. Le ministre a toujours exigé que l’on déclare à l’INRP les substances visées par l’INRP qui quittent une ACR et une ASS, mais il n’a jamais obligé à déclarer ces substances dans le cadre des déplacements contrôlés des résidus ou des stériles, à l’intérieur d’une installation, jusqu’à une ACR ou une ASS.
[12] Jusqu’en octobre 2007, de vastes consultations ont été menées au fil des ans entre Environnement Canada et divers intervenants à propos de savoir s’il fallait déclarer les déplacements de résidus ou de stériles à l’intérieur d’une installation jusqu’à une ACR ou une ASS. Ce processus de consultation est en suspens depuis que la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée, en novembre 2007.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[13] Les questions soulevées dans la présente demande sont les suivantes :
1) la qualité pour agir des demanderesses;
2) la norme de contrôle qui s’applique à l’omission persistante du ministre défendeur d’exiger que l’on déclare les rejets ou les transferts de polluants dans les ASS et les ACR;
3) si la conduite du ministre est conforme ou non aux dispositions de la LCPE;
4) les mesures de réparation appropriées.
Question préliminaire
[14] Selon le défendeur, la présente demande a été déposée en novembre 2007 en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision prise par le ministre de ne pas exiger, dans l’avis de 2006 [Modification de l’Avis concernant certaines substances de l’Inventaire national des rejets de polluants pour l’année 2005, Gaz. C. 2006.I.364], daté du 25 février 2006, que certaines données minières soient déclarées. Il soutient donc que cette demande est prescrite car elle n’a pas été déposée dans les 30 jours suivant la date de l’avis de 2006 : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)], paragraphe 18.1(2) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27]. L’intervenante est d’accord avec le défendeur sur cette question.
[15] Le défendeur ajoute que si les demanderesses avaient besoin d’une prorogation de délai pour déposer la présente demande, elles auraient dû en faire la demande. Cette omission porte un coup fatal à la présente demande : Goodwin c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1185.
[16] Selon l’intervenante, les demanderesses ont déposé leur demande nettement au‑delà du délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Il n’y a pas d’action en cours parce que le ministre a pris une décision qui a été communiquée dans l’avis de 2006 et confirmée dans des lettres envoyées en novembre 2006 aux demanderesses. Ces dernières auraient dû contester l’avis de 2006 en novembre 2006 au plus tard, mais elles ont omis de suivre ce processus ou d’expliquer le retard de manière raisonnable. L’intervenante demande que la demande soit rejetée pour cause de retard.
[17] En réplique, les demanderesses soutiennent qu’elles ne cherchent pas à contester un avis particulier du ministre. Elles contestent plutôt une ligne de conduite persistante du ministre, soit le fait d’exempter des exigences en matière de déclaration les polluants expédiés vers les ACR et les ASS, de même que le défaut du ministre de publier ces renseignements une fois consignés dans l’INRP, conformément aux obligations que lui imposent les articles 2, 48 et 50 de la LCPE. Les demanderesses font valoir qu’étant donné que cette ligne de conduite constitue la « décision » dans la présente affaire, le délai de 30 jours que prescrit le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne s’applique pas en l’espèce : Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.), aux paragraphes 23 et 24 et Assoc. des sourds du Canada c. Canada, 2006 CF 971, [2007] 2 R.C.F. 323, aux paragraphes 71 et 72.
LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES
[18] Ce sont les dispositions suivantes de la LCPE qui s’appliquent en l’espèce :
2. (1) Pour l’exécution de la présente loi, le gouvernement fédéral doit, compte tenu de la Constitution et des lois du Canada et sous réserve du paragraphe (1.1) :
a) exercer ses pouvoirs de manière à protéger l’environnement et la santé humaine, à appliquer le principe de la prudence, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles à l’environnement, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement, ainsi qu’à promouvoir et affermir les méthodes applicables de prévention de la pollution;
a.1) prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l’environnement;
b) prendre ses décisions économiques et sociales en tenant compte de la nécessité de protéger l’environnement;
c) adopter une approche qui respecte les caractéristiques uniques et fondamentales des écosystèmes;
d) s’efforcer d’agir en collaboration avec les gouvernements pour la protection de l’environnement;
e) encourager la participation des Canadiens à la prise des décisions qui touchent l’environnement;
f) faciliter la protection de l’environnement par les Canadiens;
g) établir des normes de qualité de l’environnement uniformes à l’échelle nationale;
h) tenir informée la population du Canada sur l’état de l’environnement canadien;
i) mettre à profit les connaissances, y compris les connaissances traditionnelles des autochtones, et les ressources scientifiques et techniques, pour cerner et résoudre les problèmes relatifs à l’environnement;
j) préserver l’environnement — notamment la diversité biologique — et la santé humaine des risques d’effets nocifs de l’utilisation et du rejet de substances toxiques, de polluants et de déchets;
j.1) protéger l’environnement — notamment la diversité biologique — et la santé humaine en assurant une utilisation sécuritaire et efficace de la biotechnologie;
k) s’efforcer d’agir avec diligence pour déterminer si des substances présentes ou nouvelles au Canada sont toxiques ou susceptibles de le devenir et pour évaluer le risque qu’elles présentent pour l’environnement et la vie et la santé humaines;
l) s’efforcer d’agir compte tenu de l’esprit des accords et arrangements intergouvernementaux conclus en vue d’atteindre le plus haut niveau de qualité de l’environnement dans tout le Canada;
m) veiller, dans la mesure du possible, à ce que les textes fédéraux régissant la protection de l’environnement et de la santé humaine soient complémentaires de façon à éviter le dédoublement et assurer une protection efficace et complète;
n) s’efforcer d’exercer, de manière coordonnée, les pouvoirs qui lui permettent d’exiger la communication de renseignements;
o) d’appliquer la présente loi de façon juste, prévisible et cohérente;
[. . .]
44. (1) Le ministre doit :
a) constituer et exploiter un réseau de contrôle de la qualité de l’environnement;
b) effectuer des recherches et des études sur la prévention, la nature, le transport et la dispersion de la pollution, la lutte contre celle‑ci, sa réduction et ses effets sur la qualité de l’environnement, et fournir des services consultatifs et techniques de même que l’information à ce sujet;
c) effectuer des recherches et des études concernant notamment le repérage des dommages causés aux écosystèmes et leur évaluation, la contamination de l’environnement résultant de la perturbation d’écosystèmes par l’activité humaine et les modifications du cycle géochimique normal des substances toxiques naturellement présentes dans l’environnement;
d) recueillir, traiter, corréler, interpréter et publier périodiquement les données sur la qualité de l’environnement au Canada provenant du réseau de contrôle, de recherches, d’études et d’autres sources utiles, et établir un inventaire de ces données;
e) élaborer des plans de prévention et de réduction de la pollution, de lutte contre celle‑ci, notamment pour prévenir les urgences environnementales, mettre sur pied des dispositifs d’alerte et de préparation, remédier à ces urgences et réparer les dommages en découlant, ainsi que pour préparer des projets pilotes, les rendre publics et en faire la démonstration, ou les rendre accessibles pour démonstration;
f) diffuser — notamment par l’intermédiaire d’un bureau central d’information ou par publication — ou prendre les mesures en vue de diffuser l’information sur la prévention de la pollution et l’information pertinente sur tous les aspects de la qualité de l’environnement, et faire rapport périodiquement sur l’état de l’environnement canadien.
(2) Le ministre peut collaborer, pour la constitution du réseau visé à l’alinéa (1)a) avec les gouvernements — y compris étrangers — , peuples autochtones ou personnes ayant établi ou projetant d’établir un tel réseau et conclure, avec l’agrément du gouverneur en conseil, des accords en vue de son exploitation ou entretien par ses soins, pour leur compte, ou inversement.
(3) Pour l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les alinéas (1)b) à e), le ministre peut agir en collaboration avec les gouvernements — y compris étrangers — , ministères, organismes publics, institutions, peuples autochtones ou personnes, financer leurs recherches, études, planification ou initiatives relatives aux urgences environnementales, à la qualité de l’environnement, à la prévention de la pollution, à la lutte contre la pollution de l’environnement ou à sa réduction, ou les aider d’une autre façon.
(4) Les ministres effectuent des recherches ou des études sur les substances hormonoperturbantes, les méthodes de détection de celles‑ci et de détermination de leurs effets — actuels ou potentiels, à court ou à long terme — sur l’environnement et la santé humaine, ainsi que les mesures de prévention et de lutte contre ces effets.
45. Le ministre de la Santé doit :
a) effectuer des recherches et des études sur le rôle des substances dans les maladies ou troubles de la santé;
b) recueillir, traiter, corréler et publier périodiquement les données provenant des recherches et des études faites en vertu de l’alinéa a);
c) diffuser l’information disponible pour renseigner le public sur les effets des substances sur la santé humaine.
46. (1) Le ministre peut, par un avis publié dans la Gazette du Canada et, s’il l’estime indiqué, de toute autre façon, exiger de toute personne qu’elle lui communique les renseignements dont elle dispose ou auxquels elle peut normalement avoir accès pour lui permettre d’effectuer des recherches, d’établir un inventaire de données, des objectifs et des codes de pratique, de formuler des directives, de déterminer l’état de l’environnement ou de faire rapport sur cet état, notamment les renseignements concernant :
a) les substances figurant sur la liste des substances d’intérêt prioritaire;
b) les substances qui n’ont pas été jugées toxiques aux termes de la partie 5 compte tenu de l’état actuel d’exposition de l’environnement, mais dont la présence doit être surveillée si le ministre le juge indiqué;
c) les substances — nutritives ou autres — qui peuvent être rejetées dans l’eau ou qui sont présentes dans des produits tels que des conditionneurs d’eau et des produits de nettoyage;
d) les substances rejetées ou immergées en mer;
e) les substances qui sont toxiques aux termes de l’article 64 ou susceptibles de le devenir;
f) les substances qui peuvent causer la pollution transfrontalière soit de l’eau, douce ou salée, soit de l’atmosphère, ou qui peuvent y contribuer;
g) les substances ou combustibles dont la présence dans l’atmosphère peuvent contribuer sensiblement à la pollution atmosphérique;
h) les substances qui, lorsqu’elles sont rejetées dans des eaux canadiennes, causent des dommages aux poissons ou à leur habitat, ou risquent d’en causer;
i) les substances qui, lorsqu’elles sont rejetées dans les régions du Canada où se trouvent des oiseaux migrateurs, des espèces en péril ou d’autres espèces fauniques ou végétales de compétence fédérale, ont un effet nocif sur ceux‑ci ou en sont susceptibles;
j) les substances inscrites sur la liste établie au titre des règlements d’application du paragraphe 200(1);
k) les rejets de substances dans l’environnement à toute étape de leur cycle de vie;
l) la prévention de la pollution;
m) l’utilisation du territoire domanial et des terres autochtones.
(2) Il peut également, conformément à tout accord signé avec un gouvernement, obliger la personne visée par l’avis à lui communiquer les renseignements ou à les communiquer à ce gouvernement.
(3) L’accord fixe les conditions d’accès par le ministre ou le gouvernement aux renseignements — en tout ou en partie; il peut aussi fixer d’autres conditions relatives à ceux‑ci.
(4) L’avis précise la durée de sa validité, d’un maximum de trois ans, et le délai impartie au destinataire pour communiquer les renseignements.
(5) Le destinataire de l’avis est tenu de s’y conformer.
(6) Le ministre peut, sur demande écrite du destinataire, proroger le délai indiqué dans l’avis.
(7) Il précise dans l’avis de quelle façon il entend que les renseignements soient communiqués.
(8) Il peut en outre indiquer la durée et le lieu de conservation des renseignements exigés, ainsi que des calculs, mesures et autres données sur lesquels ils s’appuient. Les renseignements ne peuvent être conservés plus de trois ans après l’expiration du délai fixé conformément aux paragraphes (4) ou (6).
47. (1) Le ministre établit des directives concernant l’exercice des pouvoirs prévus au paragraphe 46(1), en tenant compte de tout facteur qu’il juge pertinent, notamment :
a) les coûts et les avantages pour lui et la personne visée par l’avis;
b) la coordination — dans la mesure où elle est possible — des demandes de renseignements avec tout autre gouvernement;
c) les modalités d’utilisation des renseignements visés à ce paragraphe.
(2) À cette fin, il propose de consulter les gouvernements provinciaux ainsi que les membres du comité qui sont des représentants de gouvernements autochtones; il peut aussi consulter tout ministère, organisme public ou peuple autochtone, tout représentant de l’industrie, des travailleurs et des municipalités ou toute personne concernée par la qualité de l’environnement.
(3) Après les soixante jours suivant la date de la proposition de consultation faite en application du paragraphe (2), le ministre peut agir conformément au paragraphe (1) si le gouvernement d’une province ou les membres du comité qui sont des représentants de gouvernements autochtones n’acceptent pas l’offre.
48. Le ministre établit l’inventaire national des rejets polluants à l’aide des renseignements auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46, et peut, de la même façon, établir tout autre inventaire.
49. Le ministre précise dans son avis s’il a l’intention de publier les renseignements dont il exige la communication, et, dans l’affirmative, s’il a l’intention de les publier en tout ou en partie.
50. Sous réserve du paragraphe 53(4), le ministre publie l’inventaire national des rejets polluants de la façon qu’il estime indiquée et peut publier tout inventaire établi en application de l’article 48 — ou signaler qu’on peut le consulter — de la façon qu’il estime indiquée.
51. La personne qui communique des renseignements au ministre au titre du paragraphe 46(1) peut, lorsque ce dernier a précisé son intention de les publier conformément à l’article 49, exiger par écrit — en énonçant un des motifs prévus à l’article 52 — qu’ils soient traités de façon confidentielle.
52. Malgré toute disposition de la partie 11, la demande de confidentialité ne peut se fonder que sur l’un ou l’autre des motifs suivants :
a) les renseignements communiqués constituent un secret industriel;
b) leur divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières importantes à l’intéressé ou de nuire à sa compétitivité;
c) leur divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations — contractuelles ou autres — menées par l’intéressé.
53. (1) Le ministre peut, après avoir pris connaissance des motifs invoqués à l’appui de la demande de confidentialité, exiger de son auteur qu’il lui fasse parvenir par écrit, dans un maximum de vingt jours, des justifications supplémentaires.
(2) Il peut proroger le délai d’un maximum de dix jours dans le cas où le premier délai ne permettrait pas une préparation adéquate des justifications.
(3) Il examine la demande de confidentialité à la lumière des motifs invoqués; s’il les juge fondés, il doit, avant de statuer sur la demande, examiner si la communication des renseignements est dans l’intérêt de la santé ou de la sécurité publiques ou de la protection de l’environnement et déterminer si cet intérêt l’emporte sur les pertes financières importantes ou le préjudice porté à la position concurrentielle de la personne qui les a fournis ou au nom de qui ils l’ont été et sur le préjudice causé à la vie privée, la réputation ou la dignité de toute personne.
(4) S’il accepte la demande de confidentialité, aucun renseignement n’est publié.
(5) S’il rejette la demande, il avise l’intéressé de son intention de publier les renseignements et du droit qu’il a, dans les trente jours suivant la date où il est avisé du rejet, de saisir la Cour fédérale pour faire réviser la décision; la Cour peut, avant l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.
(6) En cas de saisine de la Cour fédérale, les articles 45, 46 et 47 de la Loi sur l’accès à l’information s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, comme s’il s’agissait d’un recours prévu à l’article 44 de cette loi.
54. (1) Le ministre établit, pour remplir sa mission de protéger la qualité de l’environnement :
a) des objectifs énonçant, notamment en termes de quantité ou de qualité, l’orientation des efforts pour prévenir la pollution et pour lutter pour la protection de l’environnement;
b) des directives recommandant des normes de quantité ou de qualité pour permettre ou perpétuer certains usages de l’environnement;
c) des directives énonçant les maximums recommandés, notamment en termes de quantité ou de concentration, pour le rejet de substances dans l’environnement par des ouvrages, des entreprises ou des activités;
d) des codes de pratique concernant la prévention de la pollution et précisant les procédures, les méthodes ou les limites de rejet relatives aux ouvrages, entreprises ou activités au cours des divers stades de leur réalisation ou exploitation, notamment en ce qui touche l’emplacement, la conception, la construction, la mise en service, la fermeture, la démolition, le nettoyage et les activités de surveillance.
(2) Outre l’environnement en général et les ouvrages, entreprises ou activités dont la réalisation, l’exploitation ou l’exercice y portent atteinte ou risquent d’y porter atteinte, les objectifs, les directives et les codes de pratique prévus au paragraphe (1) visent la prévention de la pollution, le recyclage, la réutilisation, le traitement, le stockage ou l’élimination de substances, la réduction de leur rejet dans l’environnement, l’utilisation rationnelle des ressources naturelles et un développement durable.
(3) Dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par le paragraphe (1), le ministre propose de consulter les gouvernements provinciaux ainsi que les membres du comité qui sont des représentants de gouvernements autochtones; il peut aussi consulter tout ministère, organisme public ou peuple autochtone, tout représentant de l’industrie, des travailleurs et des municipalités ou toute personne concernée par la qualité de l’environnement.
(3.1) Après les soixante jours suivant la date de la proposition de consultation faite en application du paragraphe (3), le ministre peut agir conformément au paragraphe (1) si le gouvernement d’une province ou les membres du comité qui sont des représentants de gouvernements autochtones n’acceptent pas l’offre.
(4) Il publie les objectifs, directives ou codes de pratique établis au titre du présent article — ou en donne avis — dans la Gazette du Canada; il peut aussi les publier de toute autre façon qu’il estime indiquée.
55. (1) Le ministre de la Santé établit, pour remplir sa mission de protection et d’amélioration de la santé publique dans le cadre de la présente loi, des objectifs, des directives et des codes de pratique en ce qui concerne les aspects de l’environnement qui peuvent influer sur la vie et la santé de la population canadienne.
(2) Dans l’exercice de ses fonctions, il peut consulter tout gouvernement, ministère, organisme public ou peuple autochtone, tout représentant de l’industrie, des travailleurs et des municipalités ou toute personne concernée par la protection et l’amélioration de la santé publique.
(3) Il publie les objectifs, directives ou codes de pratique établis au titre du présent article — ou en donne avis — dans la Gazette du Canada; il peut aussi les publier de toute autre façon qu’il estime indiquée.
[19] Les dispositions suivantes de la Loi sur le ministère de l’Environnement, L.R.C. (1985), ch. E‑10 sont pertinentes :
5. Dans le cadre des pouvoirs et fonctions que lui confère l’article 4, le ministre :
a) lance, recommande ou entreprend à son initiative et coordonne à l’échelle fédérale des programmes visant à :
(i) favoriser la fixation ou l’adoption d’objectifs ou de normes relatifs à la qualité de l’environnement ou à la lutte contre la pollution,
(ii) faire en sorte que les nouveaux projets, programmes et activités fédéraux soient, dès les premières étapes de planification, évalués en fonction de leurs risques pour la qualité de l’environnement naturel, et que ceux d’entre eux dont on aura estimé qu’ils présentent probablement des risques graves fassent l’objet d’un réexamen dont les résultats devront être pris en considération,
(iii) fournir, dans l’intérêt public, de l’information sur l’environnement à la population;
b) favorise et encourage des comportements tendant à protéger et améliorer la qualité de l’environnement, et coopère avec les gouvernements provinciaux ou leurs organismes, ou avec tous autres organismes, groupes ou particuliers, à des programmes dont les objets sont analogues;
c) conseille les chefs des divers ministères ou organismes fédéraux en matière de conservation et d’amélioration de la qualité de l’environnement naturel.
[20] L’article suivant de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, est lui aussi applicable :
11. L’obligation s’exprime essentiellement par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal et, à l’occasion, par des verbes ou expressions comportant cette notion. L’octroi de pouvoirs, de droits, d’autorisations ou de facultés s’exprime essentiellement par le verbe « pouvoir » et, à l’occasion, par des expressions comportant ces notions.
[21] Il en va de même du paragraphe suivant de la Loi sur les Cours fédérales :
18.1 [. . .]
(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous‑procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.
LA NORME DE CONTRÔLE
[22] Selon les demanderesses, l’obligation qu’a le ministre d’exiger en vertu de la LCPE que les instal-lations minières déclarent les rejets de polluants et que ces données soient publiées est une question de droit; la norme de contrôle appropriée est donc la décision correcte.
[23] Le défendeur soutient que si la Cour conclut que le choix du ministre concernant la déclaration ou non, dans la Gazette du Canada, des résidus et des stériles déplacés à l’intérieur d’une installation est susceptible de contrôle, il s’ensuit que la norme de contrôle devrait être la raisonnabilité : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53. Il est bien établi que la Cour ne doit pas s’ingérer dans l’exercice qu’un organisme désigné par la loi fait d’un pouvoir discrétionnaire juste parce qu’elle aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé : Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 (Maple Lodge Farms). C’est donc dire que lorsqu’une décision de principe discrétionnaire est susceptible de contrôle, il s’agit d’une question non juridique qui ne relève pas de la compétence de la Cour et cette décision est soumise à la norme de raisonnabilité ainsi qu’à un degré élevé de déférence.
[24] Au dire de l’intervenante, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité. Même si la demande comporte des questions d’interprétation de la loi qui entraîneraient habituellement l’application de la décision correcte comme norme de contrôle, il est question en l’espèce de contrôler des mesures qu’ont prises le ministre ou son délégué, qui méritent tous deux une certaine déférence du fait de leur expertise. La décision ne met en cause les droits de personne et elle n’a pas été rendue dans un contexte juridictionnel; cependant, d’après l’intervenante, il est question dans la présente demande de choix de nature législative que le ministre a faits en vue de recueillir des renseignements auprès d’un large éventail de parties situées dans tout le pays, et cela dénote qu’il convient d’accorder plus de déférence au ministre.
LES ARGUMENTS INVOQUÉS
La qualité pour agir des demanderesses
[25] Les demanderesses font valoir qu’elles sont des organismes d’intérêt public et qu’elles ont pris étroitement part à des discussions, des réunions et des débats publics dans leurs efforts pour obtenir que le ministre oblige à déclarer les rejets de polluants des installations minières dans les ACR et les ASS.
[26] Les demanderesses se fondent sur l’arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236 (Conseil canadien), à la page 253, pour énoncer le critère qui s’applique à la qualité pour agir dans l’intérêt public. Ce critère est le suivant :
1) il doit y avoir une question sérieuse à juger;
2) la partie demanderesse doit établir qu’elle a un « intérêt véritable » dans l’affaire soulevée;
3) il doit n’y avoir aucun autre moyen raisonnable et efficace de soumettre l’affaire aux tribunaux.
[27] Selon les demanderesses, la Cour se doit d’« interpréter d’une façon souple et libérale » la question de savoir s’il convient ou non d’accorder la qualité pour agir et qu’il lui faut veiller « indubitablement à exercer [son] pouvoir discrétionnaire de façon à reconnaître qualité pour agir » dans les cas où il est nécessaire de le faire pour s’assurer que l’on s’acquitte d’une obligation juridique : Conseil canadien, aux pages 250 et 251 et Fraser v. Canada (Attorney General) (2005), 51 Imm. L.R. (3d) 101 (C.S.J. Ont.) (Fraser), au paragraphe 52.
[28] Les demanderesses font également valoir qu’il y a en l’espèce une question sérieuse à juger car, allèguent-elles, le ministre a omis de s’acquitter de ses obligations impératives selon la LCPE et une simple lecture de cette Loi dans son ensemble. Cette partie‑là du critère comporte un seuil peu élevé et il suffit que la Cour croie que la partie qui souhaite obtenir la qualité pour agir a une cause défendable : Fraser, au paragraphe 55.
[29] Les demanderesses soutiennent de plus qu’elles ont un [traduction] « intérêt réel et constant » à l’égard de la question en litige et qu’elles satisfont aux conditions requises en matière d’expertise accumulée et de participation : Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, aux pages 631 à 634; Fraser, au paragraphe 102 et Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.), aux paragraphes 52, 54, 57, 58, 66 et 68.
[30] Les demanderesses disent qu’il est possible de restreindre la qualité pour agir dans l’intérêt public dans les cas où il peut être démontré qu’une partie privée plus directement touchée est susceptible de déposer une contestation semblable : Fraser, au paragraphe 109. Cependant, à ce jour, aucune autre partie n’a contesté la décision du ministre de ne pas obliger à faire une déclaration pour les années 2006 et suivantes.
La décision du ministre n’est pas conforme à la LCPE
[31] Les demanderesses estiment que la décision du ministre d’exempter les installations minières de l’obligation de déclarer les rejets de polluants dans les ACR et les ASS et de la publication de ces données dans le cadre de l’INRP est une erreur de droit.
[32] L’obligation qu’a le ministre d’exiger que ces données soient déclarées et publiées figure dans la loi et dans la jurisprudence. Les demanderesses citent à l’appui de leur thèse l’arrêt Cie pétrolière Impériale ltée c. Québec (Ministre de l’Environnement), 2003 CSC 58, [2003] 2 R.C.S. 624 (Cie pétrolière Impériale), au paragraphe 34 :
Il doit prendre ses décisions dans un contexte marqué par les exigences de la gestion de longue durée de problèmes environnementaux, où il doit assurer la mise en œuvre des politiques législatives fondamentales qui inspirent l’interprétation et l’application de la législation sur la qualité de l’environnement. Responsable de la préservation de l’intérêt public dans le domaine de l’environnement, le ministre doit arrêter ses décisions en fonction de celui‑ci.
[33] Les demanderesses font également remarquer que la Cour suprême du Canada a souligné à quel point il est important que les gouvernements agissent de façon à protéger et à améliorer l’environnement : Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux pages 16 et 17; Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, à la page 195; Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031, au paragraphe 55; R. c. Hydro‑Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, au paragraphe 85; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241 [114957 Canada Ltée], au paragraphe 1; Colombie‑Britannique c. Canadian Forest Products Ltd., 2004 CSC 38, [2004] 2 R.C.S. 74, aux paragraphes 7 et 226.
[34] Les demanderesses soutiennent que, d’un point de vue législatif, le législateur a reconnu et confirmé la valeur fondamentale de la protection de l’environnement en adoptant une loi qui impose au ministre l’obligation d’améliorer et de protéger l’environnement du Canada : article 5 de la Loi sur le ministère de l’Environnement.
[35] La LCPE demeure le principal texte de loi qui impose au ministre l’obligation d’améliorer et de protéger l’environnement du Canada. Aux termes de l’article 2 de cette Loi, le ministre doit :
2. (1) [. . .]
e) encourager la participation des Canadiens à la prise des décisions qui touchent l’environnement;
f) faciliter la protection de l’environnement par les Canadiens;
[. . .]
h) tenir informée la population du Canada sur l’état de l’environnement canadien;
[. . .]
n) s’efforcer d’exercer, de manière coordonnée, les pouvoirs qui lui permettent d’exiger la communication de renseignements;
o) d’appliquer la présente loi de façon juste, prévisible et cohérente;
[36] Les demanderesses soutiennent que l’intervenante et le défendeur tentent de mettre à l’abri d’un examen judiciaire la décision du ministre qu’elles contestent en l’espèce, en la qualifiant de politique ou de décision législative. Elles ajoutent que l’omission du ministre d’exiger que l’on déclare les rejets de polluants dans les ACR et les ASS constitue toutefois un désaveu des obligations que lui imposent les articles 2, 48 et 50 de la LCPE.
[37] Les articles 48 et 50 imposent au ministre l’obligation d’établir l’INRP et de publier dans ce dernier les renseignements sur les rejets de polluants : voir Duncan J. Cameron, Daniel C. Blasioli et Michel Arès, Annotated Guide to the Canadian Environmental Protection Act (Aurora : Canada Law Book, 2007), aux pages 62 et 63.
[38] Selon les demanderesses, le fait ne pas exiger que l’on déclare et que l’on publie les renseignements visés par la présente demande de contrôle va de plus à l’encontre de l’obligation qu’impose au ministre l’article 5 de la Loi sur le ministère de l’Environnement, qui est de fournir au public des renseignements sur les polluants.
[39] Les demanderesses déclarent que la décision du ministre de dispenser de l’obligation de déclarer les polluants envoyés dans les ACR et les ASS a été exercée conformément à l’opinion qu’il a des pouvoirs que lui confère la LCPE. L’exercice d’un pouvoir conféré par la loi n’est [traduction] « jamais absolu, indépendamment des termes par lesquels ce pouvoir est conféré » et [traduction] « un pouvoir discrétionnaire gouvernemental absolu est une contradiction en soi ». Elles ajoutent que les décisions du ministre au sujet de la déclaration et de la publication de renseignements dans l’INRP sont soumises aux fins, aux objets et aux contraintes énoncés dans la LCPE. La décision prise en vertu de la loi qui va à l’encontre des fins et des objets de la loi habilitante est une décision qui est contraire au droit et qui est susceptible de contrôle devant la Cour : Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, à la page 1076; Sir William Wade et Christopher Forsyth, Administrative Law, 9e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2004), aux pages 354 à 359; David Phillip Jones et Anne S. de Villars, Principles of Administrative Law, 4e éd. (Toronto : Thomson Carswell, 2004), à la page 168; Loi sur les Cours fédérales, alinéa 18.1(4)f) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27].
Les obligations précises qu’a le ministre en vertu de la partie 3 de la LCPE d’exiger la déclaration des polluants
[40] Les demanderesses soutiennent que l’objet des modifications apportées à la LCPE en rapport avec l’INRP a été mis en lumière lors de débats parlementaires tenus en 1998. L’honorable Christine Steward, qui était à l’époque ministre de l’Environnement, a clarifié l’objet de la LCPE (Débats de la Chambre des communes, 36e lég. 1re sess., vol. 135 (27 avril 1998), aux pages 6124 et 6125) :
Une plus grande participation du public est la clé pour la protection de l’environnement. Les Canadiens veulent contribuer. Ils veulent avoir davantage leur mot à dire dans la prise de décisions et de mesures plus sévères pour garantir que la société lègue un air et des eaux purs aux générations à venir. La nouvelle loi répond à leurs attentes. Elle leur donne plus d’informations, leur fournissant ainsi les outils pour agir dans leur collectivité.
En outre, l’Inventaire national des rejets des polluants, une liste comprenant 176 polluants de toutes les sources importantes, continuera de fournir aux Canadiens de l’information sur les substances toxiques. Dans le cadre d’une nouvelle Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ce programme constituerait pour le gouvernement un engagement officiel dans le but de donner aux Canadiens le plus de renseignements possible.
[. . .]
Mon projet de loi vise à mettre en place les instruments qui me permettront de travailler en collaboration avec tous les niveaux de gouvernement et avec tous les secteurs de notre société pour protéger l’environnement et à faire en sorte que nous ayons les pouvoirs nécessaires pour être en mesure d’intervenir rapidement en cas de problème ou d’abus.
[41] D’après les demanderesses, la partie 3 de la LCPE exige aujourd’hui que le ministre :
i) recueille et publie des renseignements sur les rejets de polluants par l’intermédiaire de l’INRP (articles 44, et 46 à 53);
ii) établisse des objectifs, des directives et des codes de pratique en vue de réduire la pollution (articles 44, 54 et 55).
[42] L’article 46 de la LCPE confère au ministre le pouvoir d’exiger de toute personne présente au Canada qu’elle fournisse des renseignements sur les rejets de polluants, tandis que l’article 47 l’oblige à établir des directives concernant les décisions prises en vertu de l’article 46. L’article 48 exige que le ministre tienne à jour l’INRP en y intégrant les renseignements concernant les rejets de polluants que l’on recueille en application de l’article 46, et l’article 50 de la LCPE oblige le ministre à publier les renseignements relatifs aux rejets de polluants qui sont consignés dans l’INRP et lui confère le pouvoir discrétionnaire de décider de quelle façon ces renseignements sont publiés.
[43] Selon les demanderesses, les articles 48 et 50 imposent au ministre l’obligation de : i) exiger que l’on déclare les rejets de polluants importants, et ii) publier les renseignements obtenus puis consignés dans l’INRP afin de s’assurer que l’on réduit au Canada les rejets de ce type. Elles ajoutent que, même si l’article 46 donne à penser que le ministre jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire au chapitre de la collecte des renseignements sur les polluants, il serait illogique que l’on puisse se servir d’un pouvoir discrétionnaire libellé en des termes aussi faibles pour faire obstacle à l’objet tout entier de la LCPE en faisant abstraction de la source de pollution la plus importante au Canada, alors qu’il convient d’interpréter la LCPE comme un outil de nature réparatrice. À leur avis, l’article 46 est un mécanisme par lequel on obtient des renseignements pour s’acquitter des obligations imposées aux articles 48 et 50.
[44] Les demanderesses soutiennent que la décision du ministre a fait obstacle de six façons aux fins et aux objets de la LCPE qui sont énoncés aux articles 48 et 50 :
1) le ministre a caché la source la plus importante de pollution au Canada;
2) la conduite du ministre fausse les renseignements qui sont actuellement déclarés par l’entremise de l’INRP;
3) le ministre a qualifié erronément un important rejet de polluants;
4) le ministre a omis de promouvoir le principe du pollueur‑payeur que prévoit la LCPE;
5) le ministre a omis de s’assurer qu’il y avait une harmonie entre le Canada et les États‑Unis au chapitre de la déclaration des rejets de polluants;
6) le ministre a retardé les déclarations requises.
[45] Les demanderesses font valoir que, à l’heure actuelle, Environnement Canada considère les résidus et les stériles comme une élimination de déchets, et pourtant le ministre omet de s’assurer que l’on fournit au public des renseignements sur les polluants par l’intermédiaire de l’INRP comme le législateur l’a envisagé. L’exploitation minière est le seul secteur qui ne soit pas tenu de déclarer, pour consignation dans l’INRP, l’élimination sur place des polluants visés par la LCPE.
[46] Les demanderesses disent qu’en dispensant les installations minières de certaines exigences en matière de déclaration, le ministre permet que l’on cache aux yeux du public une accumulation constante de polluants dans les ACR et ASS. Elles réitèrent qu’étant donné que deux des objets fondamentaux de la LCPE sont, d’une part, d’obliger les pollueurs à déclarer publiquement les substances polluantes qu’ils rejettent afin de les inciter à réduire leurs rejets et, d’autre part, d’engager le public dans un dialogue permanent sur la façon d’atteindre ce résultat, le fait de ne pas exiger que l’on déclare une importante source de rejets de polluants est contraire à la LCPE.
[47] L’INRP, disent les demanderesses, vise à brosser un [traduction] « tableau annuel » fiable des rejets de polluants au Canada, de façon à [traduction] « habiliter le public à exiger de meilleurs résultats sur le plan environnemental » des installations industrielles et des secteurs de l’industrie en général. En n’exigeant pas que les polluants en question soient déclarés, le ministre donne l’impression que d’autres installations et secteurs obligés de déclarer à l’INRP leurs rejets et la manière dont ils les éliminent sont de plus gros pollueurs que les installations minières. À cause de cette situation, le public est mal renseigné sur la pollution attribuable aux mines. Les demanderesses sont donc d’avis que le ministre ne respecte pas l’impératif de l’alinéa 2(1)o) de la LCPE, qui est d’« appliquer la présente loi de façon juste, prévisible et cohérente ».
[48] Selon les demanderesses, le ministre est d’avis que les polluants envoyés dans les ACR et les ASS n’ont pas à être déclarés car ils n’ont pas été qualifiés de rejet ou d’élimination, selon l’INRP, mais plutôt de matière faisant partie du processus appliqué au sein d’une opération minière. Toutefois, cela ne cadre pas avec la façon dont Environnement Canada a qualifié de manière générale les résidus et les stériles, à savoir [traduction] « l’élimination de déchets » par les installations minières.
[49] Les demanderesses laissent entendre que la seule chose qui explique la position du ministre est que l’on pourrait, à un moment ultérieur, traiter les résidus et les stériles en vue d’en extraire des minéraux si les prix des produits de base augmentent suffisamment pour qu’il soit économique de procéder à cette nouvelle opération. Les demanderesses ajoutent qu’une justification aussi intangible de l’omission d’exiger que l’on déclare une source importante de pollution au Canada est incompatible avec l’intention de la LCPE, à savoir qu’il faut publier chaque année les données relatives aux rejets de polluants. Il serait compatible avec la LCPE que le ministre n’exige pas que l’on déclare ces données dans le seul cas où une installation retirerait des ACR ou des ASS des polluants visés par l’INRP dans la même année où ces polluants y auraient été envoyés, pour éviter de déclarer deux fois les mêmes rejets. Cependant, elles signalent qu’il n’est nulle part permis dans la LCPE de faire abstraction de rejets de polluants pour fins de déclaration si les matières qui renferment ces substances pourraient en théorie faire de nouveau partie ultérieurement d’un processus de traitement. Elles laissent entendre que s’il n’était pas admis que les résidus et les stériles étaient visés par l’avis pour fins de déclaration, il aurait été dans ce cas parfaitement inutile d’accorder des exemptions entre 1993 et 2005.
[50] Les demanderesses soutiennent que les définitions des mots « élimination » et « rejet », dans l’avis de 2006, sont suffisantes pour englober les polluants envoyés dans les ACR et les ASS dans les renseignements à déclaration obligatoire, et que cette interprétation concorde tout à fait avec la propre définition d’Environnement Canada, pour qui les résidus et les stériles font partie de l’élimination des déchets d’origine minière. Les mots « élimination » et « rejet » sont définis comme suit dans l’avis de 2006 :
« élimination » Élimination définitive d’une substance par enfouissement, épandage ou injection souterraine, soit sur les lieux de l’installation, soit dans un endroit hors du site de l’installation; l’élimination comprend également le traitement dans un endroit hors du site de l’installation avant l’élimination définitive.
[. . .]
« rejet » Émission ou libération d’une substance dans l’atmosphère, les eaux de surface ou le sol, notamment les déversements et les fuites, attribuable à une installation.
[51] Les demanderesses disent que la Cour suprême du Canada a conclu que la LCPE consacre fermement le principe du « pollueur‑payeur » dans le droit fédéral, ce qui signifie que ceux qui causent de la pollution devraient être tenus responsables de leurs activités de façon à réduire la pollution au Canada : Cie pétrolière Impériale.
[52] Les demanderesses disent aussi craindre que la position de l’industrie minière sur la déclaration des substances polluantes est devenue une position par défaut du ministre lorsque les intervenants intéressés ne sont pas arrivés à un consensus au sujet des données à déclarer à l’INRP.
[53] Les demanderesses soutiennent que le ministre a omis de promouvoir le principe du « pollueur‑payeur » dans le cadre de la LCPE. En faisant en sorte que la déclaration au public de données dans le cadre de l’INRP soit une exigence de la loi, le législateur avait pour intention d’inciter l’industrie à assumer la responsabilité des émissions polluantes et à les réduire. Il n’était pas question de permettre au ministre de répondre aux intérêts économiques des installations minières quand des décisions étaient prises en vertu de la LCPE. Le paragraphe 2(2) de la LCPE fait ressortir cette intention que les facteurs économiques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher l’accomplissement d’un acte pour protéger l’environnement ou la santé humaine.
[54] Les demanderesses soulignent aussi que les tribunaux ont eu recours à des ententes internationales comme outils d’interprétation de lois et comme indicateurs de l’intention du législateur : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 70; 114957 Canada Ltée, aux paragraphes 30 et 31. Le Canada a conclu une entente avec les États‑Unis en 1997, avant que la LCPE remplace l’ancienne Loi, afin de s’harmoniser avec les États‑Unis au sujet de la déclaration des rejets de polluants. Quand la LCPE a été adoptée en 1999, l’intention du législateur était que le ministre s’efforce d’harmoniser le régime canadien avec le régime américain de déclaration des substances polluantes (le Toxics Release Inventory) qui, depuis 1998, oblige à déclarer les rejets de polluants qui sont liés aux résidus et aux stériles.
[55] Les demanderesses disent qu’en dépit d’engagements répétés à harmoniser les régimes à l’échelon international, le ministre n’a pas exigé que l’on déclare les rejets de polluants d’origine minière dans les ACR et ASS. Cette omission est incompatible avec l’alinéa 2(1)l) de la LCPE, qui oblige le ministre à « s’efforcer d’agir compte tenu de l’esprit des accords et arrangements intergouvernementaux conclus en vue d’atteindre le plus haut niveau de qualité de l’environnement dans tout le Canada ».
[56] Au dire des demanderesses, le ministre omet depuis 1999 de faire part au public du [traduction] « maximum d’informations possible » sur les [traduction] « substances toxiques » présentes dans leurs collectivités. Il a été conclu que le défaut d’agir en conformité avec une obligation légale dans un délai raisonnable constitue une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Elles citent le professeur William Wade, selon qui « une obligation légale doit être exécutée sans délai déraisonnable, et pareille exécution peut être obtenue par voie de mandamus » : Débats de la Chambre des communes, 36e lég., 1re sess., vol. 135 (27 avril 1998), aux pages 6124 et 6125; North Vancouver (district de) et autres et Conseil des ports nationaux et autres (Re), [1978] A.C.F. no 619 (1re inst.) (QL); Sir William Wade et Christopher Forsyth, Administrative Law, 9e éd. (Oxford University Press, 2004), aux pages 618 à 620.
[57] Selon les demanderesses, le ministre et l’intervenante ont eu de longs entretiens avec divers groupes de défense de l’intérêt public, représentants de l’industrie et ministères depuis 1992 au sujet des données à déclarer en rapport avec les résidus et les stériles. Cependant, à l’heure actuelle, le ministre n’est pas plus près de déclarer des données sur ces rejets de polluants. En fait, il a fait part d’une intention de commencer à étudier de quelle façon ces renseignements devraient être recueillis et déclarés publiquement grâce à un régime autre que l’INRP. Les demanderesses font valoir que la décision de ne pas obliger à produire ces données dans le cadre de l’INRP après 16 années de consultations est incompatible avec la LCPE.
[58] Les demanderesses sont d’avis que le ministre ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire « absolu » dans sa capacité de prendre des décisions, mais qu’il doit exercer les pouvoirs dont il dispose pour promouvoir la politique et les objets de la LCPE : Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries & Food, [1968] A.C. 997 (H.L.), à la page 1030 (lord Reid); Rubin c. Canada (Société canadienne d’hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.), aux pages 273 et 274; Multi‑Malls Inc. et al. and Minister of Transportation and Communications et al. (Re) (1976), 14 O.R. (2d) 49 (C.A.); Doctors Hospital and Minister of Health (Re) (1976), 12 O.R. (2d) 164 (H.C.J.), au paragraphe 43.
[59] Les demanderesses soutiennent que le contrôle judiciaire a pour objet de circonscrire l’utilisation des pouvoirs gouvernementaux dans les limites qui s’imposent et d’assurer l’uniformité et la transparence des décisions gouvernementales, ainsi que l’envisage la LCPE. Les tribunaux, ajoutent‑elles, sont habilités à intervenir quand il est établi que le gouvernement se sert de son pouvoir d’une manière non envisagée par la loi habilitante : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77, au paragraphe 128.
[60] Les demanderesses concluent que le ministre a commis une erreur en décidant que la LCPE n’exige pas que l’on déclare les rejets de polluants envoyés dans les ACR et les ASS. Pour respecter les fins et les objets de la LCPE, ainsi que les articles 48 et 50 en particulier, le ministre doit exiger que l’on déclare les renseignements relatifs aux rejets de polluants et consigner ces renseignements dans l’INRP, à défaut d’un motif d’intérêt public prépondérant de ne pas agir de la sorte qui satisfasse à l’esprit de la LCPE.
[61] Les demanderesses font valoir, subsidiairement, que si la Cour est d’avis qu’il convient d’examiner l’omission du ministre d’exiger que l’on déclare les polluants envoyés dans les ACR et les ASS en fonction de la norme de raisonnabilité plutôt qu’en fonction de la décision correcte, il convient donc dans ce cas, vu le contexte, d’accorder à la décision un faible degré de retenue. La décision était déraisonnable et, compte tenu des fins de la LCPE, elle a donné lieu à un résultat inacceptable. Les demanderesses déclarent qu’il n’existe aucun motif d’intérêt public prépondérant qui autoriserait le ministre à exercer son pouvoir discrétionnaire d’une manière qui contrevient directement aux fins et aux objets de la LCPE : Dunsmuir, au paragraphe 47 et Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 56.
[62] Les demanderesses disent aussi que l’avis et le guide [Guide de déclaration à l’Inventaire national des rejets de polluants — 2006], tous deux publiés par le ministre en 2006 en application des articles 46 et 47 de la LCPE, semblent exiger à première vue que l’on déclare les rejets de polluants dans les ACR et les ASS. La LCPE est conçue pour réaliser une réduction de la pollution de manière transparente et responsable. Cet objectif n’est pas atteint lorsque le ministre semble avoir pris une décision en matière de déclaration en dehors du processus décisionnel que prévoit la LCPE en ordonnant aux installations minières de ne pas déclarer leurs rejets de polluants dans les ACR et les ASS en 2006.
[63] Les demanderesses soutiennent également que le défendeur et l’intervenante accordent une importance excessive à l’article 46 de la LCPE, qui confère au ministre un vaste pouvoir de collecte de renseignements auprès des pollueurs. Les vastes pouvoirs que prévoit l’article 46 ont pour but de veiller à ce que le ministre ait en main les renseignements nécessaires pour s’acquitter des obligations que lui imposent les articles 2, 48 et 50 de la LCPE. L’article 46 ne confère pas au ministre le pouvoir discrétionnaire de faire abstraction des obligations que lui confèrent ces articles de la LCPE.
[64] Les demanderesses soutiennent que l’on ne peut pas retenir la position du défendeur et de l’intervenante pour les motifs suivants :
1) les articles 2, 48 et 50 de la LCPE ne font pas de distinction entre les rejets qui sont faits sur les lieux et hors site et ils exigent que les rejets de polluants soient déclarés et publiés, quel que soit l’endroit où ils ont lieu;
2) cette position va à l’encontre de la description que donne Environnement Canada des résidus et des stériles en général : [traduction] « des déchets solides d’origine minière [qui sont] éliminés sur les lieux »;
3) elle vise à isoler les installations minières de l’« environnement » dans lequel elles sont situées, malgré le fait que l’« environnement », selon la définition qu’en donne la LCPE, englobe la totalité de l’air, de l’eau et du sol et l’ensemble des systèmes naturels en interaction qui comprennent de tels éléments, alors que l’INRP vise à fournir [traduction] « des renseignements sur le rejet de polluants dans l’environnement, ainsi que sur leur élimination et leur transfert pour recyclage »;
4) elle vise à garantir que le ministre fasse abstraction d’un polluant visé par l’INRP s’il y a une possibilité, si mince soit‑elle, que les déchets éliminés dans lesquels se trouve ce polluant puissent servir plus tard dans le cadre d’une opération de traitement quelconque, ou s’ils sont contrôlés ou gérés par l’entremise d’une activité humaine, et ce, malgré l’intention de la LCPE de veiller à ce que l’on réduise le plus possible la création de polluants;
5) elle annule à toutes fins pratiques les décisions qu’Environnement Canada a prises jusqu’ici en vertu de la LCPE, décisions qui ont été prises à bon droit, c’est‑à‑dire d’exiger que l’on déclare les polluants qu’éliminent sur les lieux les installations générant des types de déchets industriels semblables à ceux des installations minières contenant des polluants énumérés dans l’INRP, comme les déchets dus aux opérations de traitement dans les aciéries, les déchets dus aux installations alimentées au charbon et les déchets d’installations de traitement de déchets dangereux.
Les mesures de réparation
[65] Les demanderesses soutiennent que les mesures de réparation qui conviennent en l’espèce sont un jugement déclaratoire sur la conduite du ministre et une ordonnance de mandamus exigeant que ce dernier ordonne aux installations minières de déclarer les renseignements sur les polluants rejetés dans les ACR et ASS, et exigeant la publication de ces renseignements dans le cadre de l’INRP pour l’année de déclaration 2006 et les années suivantes, par l’entremise des mécanismes mentionnés dans la LCPE.
[66] Les demanderesses citent l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), aux pages 766 à 769, pour évoquer les conditions qu’il faut remplir pour obtenir un bref de mandamus :
a) il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public;
b) l’obligation doit exister envers le demandeur;
c) il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation :
i. le demandeur a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;
ii. il y a eu 1) une demande d’exécution de l’obligation, 2) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle‑ci n’ait été rejetée sur‑le‑champ, 3) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;
d) lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, certaines règles s’appliquent;
e) le demandeur n’a aucun autre recours adéquat;
f) l’ordonnance sollicitée doit avoir une incidence pratique;
g) dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, sur le plan de l’equity, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;
h) compte tenu de la « prépondérance des inconvénients », le tribunal doit décider s’il convient (ou non) de rendre une ordonnance de mandamus.
[67] Les demanderesses soutiennent que, quand le ministre a omis de se conformer au régime réglementaire applicable, la Cour doit l’obliger à le faire en recourant à la structure réglementaire existante : Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1990] 2 W.W.R. 69 (C.A.F.). En l’espèce, l’obligation du ministre consistait à exiger que l’on déclare et que l’on publie les rejets de polluants dans les ACR et les ASS, sous le régime de la LCPE.
[68] Les demanderesses citent et font valoir la décision Distribution Canada Inc. c. M.R.N., [1993] 2 C.F. 26 (C.A.) [Distribution Canada Inc.], à la page 39, pour indiquer dans quelles circonstances une obligation doit exister envers le demandeur :
[. . .] la question [posée par l’appelante] est une sérieuse question d’intérêt général et n’eût été ses efforts, il se peut qu’il n’existe aucun autre moyen d’en saisir la Cour.
[69] Les demanderesses soutiennent que, comme l’a interprétée la Cour d’appel fédérale, cette conclusion autorise la qualité pour agir dans l’intérêt public lorsque « la question [. . .] [posée] est une sérieuse question d’intérêt général et n’eût été ses efforts [ceux de la partie agissant dans l’intérêt public], il se peut qu’il n’existe aucun autre moyen d’en saisir la Cour » : Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.), au paragraphe 53 et Apotex, au paragraphe 45. Dans le cas présent, cet aspect du critère énoncé dans Apotex se confond avec le critère relatif à l’intérêt public. Les demanderesses soutiennent que dans des affaires où la protection de l’environnement était en litige, des groupes de défense de l’intérêt public se sont vu régulièrement accorder la qualité pour solliciter une ordonnance de mandamus : Friends of the Oldman River Society et Sierra Club du Canada, au paragraphe 32.
[70] Les demanderesses concluent qu’en l’espèce elles ont satisfait à toutes les conditions qui donnent lieu à l’exécution de l’obligation. Il y a eu une demande d’exécution de l’obligation, un délai raisonnable pour se conformer à cette demande s’est écoulé, et il y a refus ultérieur. Les demanderesses ont demandé à maintes reprises au ministre de s’acquitter de son obligation d’exiger que les données soient déclarées et publiées sous le régime de la LCPE, et ce, par voie de lettres transmises au ministre et à l’occasion de réunions de consultation publique, et le ministre n’a pas encore exigé que les données soient déclarées. Il a été satisfait aux conditions préalables et le ministre enfreint les obligations que prescrit la loi.
[71] Les obligations que l’on cherche à faire exécuter en l’espèce sont de nature impérative et non discrétionnaire. Cependant, même si la décision du ministre était discrétionnaire, son pouvoir discrétionnaire, est‑il allégué, a été exercé d’une manière contraire aux objets et aux fins de la LCPE, et nous avons affaire ici au type d’affaires dans lesquelles une décision discrétionnaire peut faire l’objet d’un mandamus.
[72] Les demanderesses font remarquer que la simple existence d’un autre recours n’empêche pas d’accorder un mandamus. C’est le caractère approprié de cet autre recours qui en ferait un [traduction] « meilleur recours » qu’il est nécessaire d’évaluer. Les tribunaux ont conclu que ce caractère approprié exige « le moyen le plus rapide et le plus sûr dont [on] dispose » : Whitton c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 46, [2002] 4 C.F. 126, au paragraphe 36. En l’espèce, la LCPE ne comporte aucun recours applicable. Il n’existe pas non plus ailleurs de « meilleur » recours pour forcer le ministre à se conformer à ses obligations légales.
[73] Les demanderesses soutiennent qu’une réparation pour les années de déclaration 2006 et suivantes sera utile. Les installations minières sont tenues de recueillir des données sur les rejets de polluants dans les ACR et ASS afin que l’on puisse déterminer si elles satisfont au seuil de déclaration de données à l’INRP. De ce fait, ces installations disposeront sur ces rejets de renseignements qu’il est possible de fournir au ministre. Il n’existe aucune impossibilité de conformité de la part du ministre ou des installations minières. En outre, l’avis de 2006 prévoit diverses méthodes de collecte, dont des estimations, pour les installations qui n’ont pas expressément recueilli des données sur les polluants rejetés dans les ACR et les ASS. L’avis de 2006 demeure en vigueur jusqu’en 2009, ce qui permettrait au ministre de diffuser aux installations des modifications et des exigences additionnelles en matière de déclaration, un pouvoir dont le ministre s’est prévalu en mars 2007 pour modifier l’avis de 2006.
[74] Les demanderesses soutiennent qu’il n’existe en l’espèce aucun obstacle en equity à mettre en œuvre la volonté du législateur sous le régime de la LCPE. Rien n’empêche non plus en equity les demanderesses à déposer la présente demande.
[75] Les demanderesses font remarquer que dans Apotex, aux pages 791 et 792, la Cour d’appel a énoncé trois situations factuelles dans lesquelles le critère de la prépondérance des inconvénients a été reconnu :
1) là où le coût ou le chaos administratif qu’occasionnerait l’octroi d’un tel recours est évident et inacceptable;
2) là où le risque pour la santé ou la sécurité publique l’emporte sur le droit de l’individu à poursuivre ses intérêts personnels ou économiques;
3) là où un propriétaire foncier a acquis un droit à un permis de construire en attendant l’approbation d’un règlement modificateur.
Aucun de ces trois scénarios n’empêche les demanderesses d’obtenir un mandamus en l’espèce.
Un consensus n’est pas une condition préalable à une décision du ministre
[76] Les demanderesses disent que l’intervenante a incorrectement exprimé leur position. Rien dans le dossier n’indique que les demanderesses sous-évaluent les positions obtenues par consensus, ou qu’elles cherchent à les annuler. Mais le ministre n’est pas tenu d’attendre qu’il y ait consensus pour s’acquitter de ses obligations sous le régime de la LCPE. Le ministre a confirmé qu’il n’y a pas de consensus au sujet de la déclaration à l’INRP des rejets de polluants qui sont visés par la présente demande.
Le défendeur
La qualité pour agir des demanderesses
[77] Le défendeur reconnaît que les demanderesses ont la qualité requise pour déposer la présente demande.
Une mesure de principe n’est pas susceptible de contrôle
[78] Le défendeur est d’avis que la partie 3 de la LCPE, c’est‑à‑dire les articles 43 à 55, impose des obligations légales précises au ministre aux paragraphes 44(1), 44(4), 47(1), 47(2), ainsi qu’aux articles 48, 50 et 54. Ces dispositions exigent notamment que le ministre exécute certains types de recherches, qu’il contrôle la qualité de l’environnement et qu’il établisse et maintienne à jour un inventaire national des rejets de polluants.
[79] Selon le défendeur, la partie 3 de la LCPE accorde aussi au ministre le pouvoir discrétionnaire d’exécuter certaines tâches, aux paragraphes 44(2), 44(3), à l’article 46 ainsi qu’au paragraphe 47(3), dont celui de recueillir des renseignements en vue d’établir des objectifs et des codes de pratique ainsi que de formuler des directives.
[80] Plus précisément, il invoque le paragraphe 46(1) de la LCPE, qui confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de publier un avis dans la Gazette du Canada exigeant qu’on lui communique des renseignements afin qu’il puisse :
1) effectuer des recherches;
2) établir un inventaire de données;
3) établir des objectifs et des codes de pratique;
4) formuler des directives;
5) déterminer l’état de l’environnement ou faire rapport sur cet état.
[81] Selon le défendeur, la décision du ministre de ne pas exiger que l’on déclare le dépôt de résidus et de stériles dans les ACR et les ASS qui se trouvent sur les lieux d’une installation n’est pas susceptible de contrôle judiciaire car il s’agit d’une décision de principe. L’imposition d’exigences en matière de déclaration et la teneur de l’avis publié dans la Gazette du Canada en vertu de l’article 46 de la LCPE sont des décisions discrétionnaires de la nature d’une mesure de principe. Les décisions de ce genre ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire : Maple Lodge Farms; Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.) (Carpenter Fishing Corp.); Distribution Canada Inc.; Alberta c. Canada (Commission canadienne du blé), [1998] 2 C.F. 156 (1re inst.), décision confirmée par [1998] A.C.F. no 1747 (C.A.) (QL) [Commission canadienne du blé]; Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 780, [2001] 4 C.F. 591 [Moresby Explorers Ltd.]; Goodwin c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1185.
[82] Toujours selon le défendeur, les mesures ou les décisions de principe ne sont susceptibles de contrôle judiciaire que dans les circonstances où elles sont entachées de mauvaise foi, non conformes aux principes de justice naturelle ou fondées sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi : Maple Lodge Farms. Les demanderesses n’ont pas établi l’existence de l’un quelconque des trois vices qui précèdent et qui pourraient faire en sorte qu’une décision de principe discrétionnaire soit susceptible de contrôle.
[83] Le défendeur fait valoir, à titre subsidiaire, que la décision de publier un avis dans la Gazette du Canada et d’exiger que l’on déclare certaines données constitue une mesure de nature législative. Les mesures de nature législative ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire : Maple Lodge Farms et Carpenter Fishing Corp.
[84] Dans l’arrêt Maple Lodge Farms, l’appelante demandait un bref de mandamus enjoignant au ministre de délivrer des licences pour l’importation de poulets vivants. La Cour suprême du Canada a déclaré que le libellé de la loi conférait une faculté au ministre, soit le pouvoir discrétionnaire de délivrer des licences d’importation. La Cour a conclu qu’il n’y avait rien d’irrégulier ou d’illégal à ce que le ministre formule des exigences de principe générales pour l’octroi de licences d’importation. Les décisions de cette nature ne sont pas contrôlables.
[85] Le défendeur cite et invoque également la décision Commission canadienne du blé où la Cour a déclaré que le programme de livraison de grains se prêtait davantage, de par sa nature, à un contrôle par l’entremise d’une consultation publique et du processus politique. En outre, il a été conclu dans la décision Moresby Explorers Ltd. que les dispositions applicables de la Loi sur les parcs nationaux [L.R.C. (1985), ch. N-14] accordaient au ministre le vaste pouvoir discrétionnaire de prendre toutes les mesures qu’il estimait nécessaires pour assurer l’entretien des parcs nationaux. La Cour a souscrit à la position du gouvernement du Canada selon laquelle les politiques de fixation de quotas n’étaient pas une question que l’on pouvait soumettre à un contrôle judiciaire.
[86] Le défendeur est d’avis que le ministre n’est soumis à aucune obligation légale d’appliquer les dispositions de l’article 46 de la LCPE, ou d’exiger certaines données en particulier. Le mot « peut » figure à l’article 46 et il n’y a rien dans le contexte qui conférerait à ce mot quoi que ce soit d’autre que le sens qui lui est attribué à l’article 11 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, soit l’octroi d’une faculté.
[87] Le défendeur souligne que le choix que fait le ministre au sujet de l’étendue des renseignements exigés en vertu de l’avis est une décision de principe et qu’il ressort de la preuve que cette étendue est sujette à changement. Les Directives sur l’application du pouvoir de collecte d’information aux termes de l’article 46 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), Service de protection de l’environnement, Environnement Canada, juillet 2001 (les Directives), créées en application de l’article 47 de la LCPE, expliquent le processus dans le cadre duquel la politique est formulée. Avant de publier un avis exigeant que des renseignements soient produits en vertu du paragraphe 46(1), l’un des deux processus suivants est généralement suivi. Dans le cadre du premier processus, Environnement Canada effectue une évaluation et procède à une pré‑publication de l’avis. Le processus d’évaluation est un outil décisionnel interne qui procure au ministre les renseignements lui permettant de déterminer s’il convient de publier un avis et quels renseignements doivent être demandés dans ce dernier. Le ministre tiendra compte de critères précis, exposés dans les Directives, pour déterminer s’il est utile de recueillir les renseignements décrits dans l’évaluation. L’avis fait l’objet d’une pré‑publication afin d’obtenir les commentaires du public avant que le ministre prenne une décision finale.
[88] Le second processus comporte une approche consultative auprès de multiples intervenants, à laquelle prennent part les parties potentiellement touchées, avant la publication d’un avis. Ce processus permet aux intervenants de faire des commentaires sur la nécessité des renseignements en question, les usages qui en seront faits, les coûts associés à la collecte des renseignements, de même que la disponibilité des renseignements auprès d’autres sources.
[89] Le défendeur soutient que la consultation de multiples intervenants est le processus qui a été suivi pour recueillir les renseignements à intégrer à l’INRP. Le ministre s’est fondé sur ce processus pour apporter des changements au programme, dont l’ajout et la suppression de substances à déclarer. De temps à autre, il est proposé d’apporter des changements aux exigences en matière de déclaration du programme de l’INRP. Les changements proposés comprennent ceux qui sont reçus des intervenants qui, selon Environnement Canada, devraient prendre part aux consultations.
[90] Les exigences en matière de déclaration que prévoit l’INRP pour l’industrie minière ont été soumises au processus de consultation mené auprès de multiples intervenants. La suppression de l’exemption accordée au secteur minier signifiait que les activités d’extraction minière tombaient dorénavant sous le coup des exigences en matière de déclaration de l’INRP. Pour ce qui est des installations minières qui procèdent à des activités d’extraction et de traitement, il est maintenant obligatoire de déclarer des données sur ces activités d’extraction en plus de celles qui étaient déjà exigées pour les activités de traitement. Quant aux mines autonomes qui n’exécutaient aucune activité de traitement, la suppression de l’exemption accordée au secteur minier signifiait qu’elles étaient dorénavant tenues de déclarer des données à l’INRP.
[91] Selon le défendeur, il est important de signaler que la suppression de l’exemption accordée au secteur minier n’a pas changé les types de renseignements que doivent déclarer les installations qui s’occupent de traiter des matières extraites du sol. Cela voulait dire que les installations n’étaient pas tenues d’inclure aussi les activités d’extraction minière lorsqu’elles déclaraient des renseignements au ministre. Il n’a jamais été obligatoire de déclarer le déplacement des résidus ou des stériles sur les lieux mêmes d’une installation.
[92] Le défendeur soutient que le groupe de travail de l’INRP et son sous‑groupe ont été incapables d’en arriver à un consensus au sujet des exigences en matière de déclaration concernant les résidus et les stériles. Environnement Canada a donc renvoyé la question à la Table sur le développement durable du secteur des mines (TDDSM) afin qu’elle l’examine dans une perspective plus large. De l’avis général des participants à l’atelier de la TDDSM, il était nécessaire de disposer d’un système de déclaration périodique et obligatoire pour les renseignements qui aideraient à caractériser les dangers associés aux résidus et aux stériles d’origine minière. Le ministre a convenu que, même s’il est important de décrire et de comprendre les renseignements relatifs aux déchets miniers, l’INRP n’est pas l’outil qui convient pour recueillir ces renseignements sur les résidus et les stériles et que le ministère examinerait les options d’implantation d’un tel système de déclaration par l’intermédiaire d’un autre mécanisme. Il reste encore au ministre à se prononcer sur le mécanisme à utiliser à cette fin.
[93] Le défendeur conclut que, d’après la preuve, la question de savoir s’il convient de déclarer dans l’INRP les résidus ou les stériles déplacés sur les lieux mêmes d’une installation minière en vertu d’un avis publié dans la Gazette du Canada est une décision de principe qui ne peut pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
Une mesure prise en vertu de la loi n’est pas susceptible d’un contrôle judiciaire
[94] Le défendeur soutient que, si la Cour conclut que les mesures du ministre ne sont pas une question de principe, il s’ensuit que la décision que prend ce dernier au sujet de ce qui devrait être publié dans un avis de la Gazette du Canada est une mesure de nature législative et celle‑ci ne peut pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
[95] Le défendeur déclare que les avis publiés aux termes de la loi sont de la nature de textes législatifs. Ils font également partie de la création d’une règle de conduite générale et, à moins d’être contraires à la Constitution, ils ne peuvent pas être soumis à un contrôle judiciaire : Gulf Trollers Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.).
Le bref de mandamus
[96] Le défendeur fait valoir que les demanderesses ne satisfont pas au critère permettant d’obtenir un bref de mandamus car il n’existe aucune obligation légale d’agir à caractère public. Le ministre n’est pas tenu par la loi, ni soumis à une autre obligation, d’exiger qu’un avis soit publié dans la Gazette du Canada au sujet des résidus ou des stériles déplacés sur les lieux mêmes d’une installation : Northern Lights Fitness Products Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1994] A.C.F. no 319 (1re inst.) (QL).
L’intervenante
[97] L’intervenante soutient que l’argument fondamental qu’invoquent les demanderesses est à la fois contraire aux dispositions concernant l’INRP et à l’interprétation des concepts clé et des dispositions fondamentales de la LCPE. Rien dans la LCPE n’exige que le ministre considère un polluant contenu dans des matières déplacées vers une ACR ou une ASS située sur les lieux d’une installation, et gérées sur place, comme étant synonyme d’une substance polluante qui s’échappe de ces endroits par l’air, le sol ou l’eau. Il est incompatible avec les concepts et les dispositions clés de la LCPE de traiter le scénario qui précède comme étant une forme quelconque de rejet de polluants.
[98] L’intervenante souscrit aux observations du ministre, selon lesquelles :
1) la présente demande et la mesure réparatrice recherchée sont une attaque irrégulière contre des mesures de nature législative que prend le ministre pour créer et diriger l’INRP sous le régime de la LCPE;
2) la demande est prescrite car la seule mesure prise par le ministre que l’on puisse considérer comme étant une « ordonnance d’un office fédéral » au sens de la Loi sur les Cours fédérales et qui peut faire l’objet d’un contrôle est l’avis de l’INRP publié en février 2006, lequel n’exige pas que l’on fournisse des renseignements sur les substances énumérées qui sont déposées dans les aires de stockage de stériles ou les aires de confinement de résidus. La présente demande a été déposée en novembre 2007;
3) la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité.
L’interprétation de la loi
[99] L’intervenante ajoute ce qui suit :
1) les dispositions de la LCPE qui ont trait à la collecte de renseignements et se rapportent à l’INRP confèrent au ministre de vastes pouvoirs et le pouvoir discrétionnaire de demander des renseignements, mais elles ne comportent aucune norme ou obligation minimale qui énonce ce qu’il faut demander, et donc aucune obligation de recueillir les renseignements qu’exigent les demanderesses sur les stériles et les résidus;
2) même si le ministre avait recueilli les renseignements qu’exigent les demanderesses, le ministre n’avait aucune obligation ou aucun pouvoir d’étendre la portée de l’INRP de façon à y inclure ces renseignements, car ces mesures ne mettent pas en cause des « polluants », la « pollution », des « rejets » ou une « élimination »;
3) les contraintes légales qui ont une incidence sur les obligations du ministre à l’égard de l’INRP n’empêchent pas ce dernier d’établir un autre inventaire national en vue d’y inclure les renseignements liés aux ACR ou aux ASS, ou de recueillir des renseignements utiles à l’établissement et à l’application d’un tel inventaire.
La LCPE confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire de demander des renseignements, mais rien ne l’oblige à recueillir le type de renseignements qu’exigent les demanderesses.
[100] L’intervenante soutient que la LCPE procure au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire de demander des renseignements, dont les pouvoirs particulièrement vastes qui figurent à l’article 46, c’est‑à‑dire les pouvoirs évoqués dans les dispositions relatives à l’INRP qui figurent à l’article 48. L’article 46 montre que ses pouvoirs ne sont aucunement limités par les obligations relatives à l’INRP qui sont énoncées à l’article 48 ou à l’article 50. Le ministre peut recueillir des renseignements pour de nombreuses fins autres que la tenue d’un inventaire et, même pour les besoins d’un inventaire, il peut recueillir des renseignements sur une gamme d’inventaires concernant de nombreuses substances et il n’est pas tenu de mettre l’accent sur un inventaire national de polluants ou de traiter d’un tel inventaire. Le ministre peut décider d’étendre la portée de sa demande de renseignements nationaux en vue de recueillir des renseignements ou de créer un nouvel inventaire concernant les résidus ou les stériles; cependant, l’article 46 n’oblige pas le ministre à recueillir ces renseignements, et aucun aspect des articles 48 et 50 de la LCPE ne change cette situation juridique.
Le ministre n’a pas l’obligation ou le pouvoir d’étendre la portée de l’INRP en vue d’inclure les substances transférées aux ASS et aux ACR car ces mesures ne mettent pas en cause des « polluants » ou des « rejets » au sens de la LCPE.
[101] L’intervenante soutient de plus qu’aucun aspect des articles 46, 48 ou 50 de la LCPE ne confère au ministre le pouvoir de modifier ou d’étendre le sens des mots « inventaire national des rejets de polluants », « polluant » ou « rejet ». Pour déterminer le sens de ces mots, la Cour devrait suivre les principes d’interprétation de la loi qu’a énoncés la Cour suprême du Canada dans l’arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 106. Ces principes sont importants car les demanderesses ont omis de donner des détails sur la façon dont leur interprétation cadre avec les mots de la LCPE.
[102] Pour ce qui est de la « prévention de la pollution », l’intervenante soutient que la définition qu’en donne la LCPE est vaste et que le mot « pollution » a plus d’extension que le mot « polluant ». Quant au mot « rejet », il signifie la fin d’un contrôle humain et le retour à un contrôle exercé par les forces de la nature. Le sens que l’on trouve dans la LCPE est plus restreint et se rapporte à ce qui est rejeté dans l’environnement.
[103] L’intervenante soutient que le sens grammatical et ordinaire des mots figurant aux articles 46 et 48 de la LCPE est fondamentalement contradictoire à l’argumentation des demanderesses. Premièrement, aucun aspect de l’un ou l’autre article n’offre une norme minimale pour ce que le ministre doit obtenir en vue d’établir l’INRP. L’article 46 permet au ministre de demander de nombreux types de renseignements, mais il ne l’oblige pas à recueillir certains types de renseignements liés à l’INRP, comme des renseignements sur les résidus ou les stériles. L’article 48 prévoit seulement que le ministre utilise les renseignements recueillis par application de l’article 46 de la LCPE; il ne limite pas les renseignements relatifs à l’INRP à ceux qui sont obtenus par l’entremise de l’article 46 : le ministre établit l’inventaire à l’aide des renseignements auxquels il a accès, « notamment » ceux obtenus en application de l’article 46.
[104] L’intervenante est d’avis que la création de l’INRP a été fondée sur le consensus obtenu auprès des intervenants et que, avant le dépôt de la présente demande, ce consensus étayait la création et la modification de l’INRP, y compris le changement apporté en 2005 en vue de supprimer l’exemption totale accordée au secteur minier. La LCPE reconnaît officiellement le processus de consultation et de contribution des intervenants. L’article 47 précise que la contribution des intervenants fait officiellement partie du processus de l’INRP, et le paragraphe 46(1) dispose que le ministre formule des directives concernant l’exercice des pouvoirs que prévoit le paragraphe 46(1).
[105] L’intervenante souligne que l’habitude d’exiger le consensus des intervenants à l’égard de l’INRP s’applique directement à la présente demande car, en général, le ministre n’a changé le régime de l’INRP qu’après avoir obtenu le consensus des intervenants. Jamais il n’a exigé que l’on déclare des renseignements sur le déplacement contrôlé de substances vers une ACR ou une ASS située sur les lieux mêmes d’une installation minière, étant donné surtout qu’il n’y a pas eu de consensus des intervenants sur cette question.
[106] L’intervenante ajoute que les demanderesses n’ont aucun fondement juridique sur lequel appuyer leurs prétentions selon lesquelles la gestion ou le stockage de stériles et de résidus sur les lieux constitue en fait une « élimination » de ces substances aux termes de l’INRP. L’intervenante souligne à cet égard la définition du mot « élimination » qui figure dans les avis publiés en 2005 [Modification de l’Avis concernant certaines substances de l’Inventaire national des rejets de polluants pour l’année 2004, Gaz. C. 2005.I.438] et en 2006 dans la Gazette du Canada [à la page 388 de l’avis de 2006] :
« élimination » Élimination définitive d’une substance par enfouissement, épandage ou injection souterraine, soit sur les lieux de l’installation, soit dans un endroit hors du site de l’installation; l’élimination comprend également le traitement dans un endroit hors du site de l’installation avant l’élimination définitive.
[107] Le terme « élimination définitive » n’est pas défini, et l’intervenante soutient que les opérations relatives aux résidus et aux stériles qui sont menées sur les lieux de l’installation sont des activités de gestion permanente, ce qui est distinct d’une « élimination définitive ». Par conséquent, tant qu’on gère les ACR et les ASS sur les lieux mêmes de l’installation, il n’y a pas d’« élimination définitive » comme l’exige la définition donnée dans la Gazette du Canada.
[108] L’intervenante ajoute qu’une ACR ou une ASS n’est pas un lieu d’« enfouissement », un lieu d’« épandage » ou un lieu d’« injection souterraine ». La gestion des résidus et des stériles sur les lieux d’une installation ne tombe pas sous le coup de la définition d’une « élimination définitive » que donnent les avis publiés dans la Gazette du Canada.
[109] Au dire de l’intervenante, un inventaire national des polluants n’est pas le seul inventaire national qu’envisagent les dispositions de l’article 48 et que, vu les contraintes imposées à l’utilisation que fait la LCPE des mots « polluant » et « rejet », il serait peut‑être nécessaire que le ministre donne la priorité à la création d’un autre inventaire pour traiter des renseignements de base concernant les résidus et les stériles. Environnement Canada a déjà fait part de l’intention du ministre d’établir un tel inventaire.
L’affaire n’est pas susceptible d’un contrôle judiciaire
[110] L’intervenante est d’avis que les dispositions dont il est question dans le présent litige sont de nature législative et que l’exercice du pouvoir discrétionnaire que confère la LCPE au ministre pour ce qui est de demander des renseignements, ainsi que l’obligation qu’a ce dernier d’établir et de recueillir des renseignements destinés à l’INRP, constituent une décision de nature législative. Une décision est de nature législative plutôt qu’administrative lorsqu’elle est générale plutôt que particulière : Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, à la page 754 et Ecology Action Centre Society c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1087 (Ecology), aux paragraphes 48 à 52 et 89 à 95.
[111] L’intervenante cite à cet égard la décision Ecology, au paragraphe 50 :
[traduction] Une distinction qui est souvent faite entre les actes législatifs et les actes administratifs est une distinction entre les mesures générales et les mesures particulières. Un acte législatif est un acte qui consiste à créer et à promulguer une règle de conduite générale sans faire allusion à des cas particuliers; un acte administratif ne peut être défini avec exactitude, mais il comprend l’adoption d’une politique, la formulation et l’adoption d’une directive précise et l’application d’une règle générale à un cas particulier conformément aux exigences liées à la politique, à la convenance ou à la pratique administrative.
[112] L’intervenante se fonde également sur la décision Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (1re inst.), où la Cour a défini comme suit ce qu’est une décision législative [à la page 131] :
Qu’est‑ce qui constitue une décision législative dont la Cour ne peut connaître, sous réserve des questions relatives à la compétence de l’auteur de la décision, savoir, en l’espèce, le gouverneur en conseil? À tout le moins, il me semble que la décision doive répondre aux conditions suivantes : elle doit être discrétionnaire, elle doit habituellement — mais pas toujours — être d’application générale et elle doit être fondée sur l’exercice du jugement, après avoir évalué les facteurs relatifs à la politique générale, l’intérêt public, la commodité publique, la moralité, la politique, l’économie, les obligations internationales, la défense et la sécurité nationales, ou à des préoccupations d’ordre social, scientifique ou technique, c’est‑à‑dire des questions de principe qui ne relèvent pas des préoccupations ou des méthodes classiques des tribunaux.
[113] L’intervenante ajoute qu’en vertu de l’article 46 de la LCPE, le ministre jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire de demander des renseignements en vue d’établir un inventaire. L’avis que publie le ministre dans la Gazette du Canada décrit l’étendue de la déclaration de renseignements à faire dans le cadre de l’INRP et relève du pouvoir discrétionnaire que l’article 46 accorde au ministre. Il s’agit là d’une règle générale qui s’applique à l’ensemble des secteurs qui franchissent le seuil de déclaration. L’exercice, par le ministre, des pouvoirs que prévoit l’article 46 de la LCPE fait intervenir un pouvoir discrétionnaire et la prise en considération de vastes facteurs, dont l’intérêt public, l’économie, les préoccupations d’ordre scientifique et des politiques générales. L’objet de l’INRP n’est pas un sujet d’intérêt particulier qui s’applique à un individu ou à un petit groupe. Il s’agit plutôt d’un régime qui vise un large éventail de secteurs industriels au Canada. L’exercice, par le ministre, du pouvoir discrétionnaire d’exiger que les rejets de polluants soient déclarés à l’échelon national dans le cadre de l’INRP est une décision de nature législative et elle ne peut donc pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.
ANALYSE
Les objectifs des demanderesses
[114] Les demanderesses déclarent que le ministre a omis de s’acquitter des obligations que lui confère la LCPE, lesquelles consistent à fournir au public des renseignements sur les rejets et les transferts de polluants dans les ACR et des ASS que les installations minières tiennent sur les lieux. Les demanderesses disent que cette omission fait échec à l’objet de la LCPE, qui a été créée pour s’assurer que l’on obtient des réductions de la pollution d’une manière transparente et responsable aux yeux du public.
[115] Les demanderesses sont d’avis que, depuis 1993, date à laquelle l’INRP a été établi, le ministre ne s’est pas acquitté de cette obligation et que cette omission se poursuit encore aujourd’hui. Elles veulent que la Cour intervienne et déclare que le ministre contrevient à la LCPE en n’exigeant pas que les installations minières fournissent des renseignements relatifs aux polluants rejetés et transférés dans les ACR et les ASS en 2006 ainsi que dans les années suivantes. Elles veulent également que le ministre publie les renseignements pertinents par l’entremise de l’INRP pour les années 2006 et suivantes. Les demanderesses veulent, à tout le moins, que la Cour oblige le ministre à rendre manifeste aux yeux du public qu’il accorde en réalité une exemption aux installations minières en rapport avec ces renseignements extrêmement importants sur une grande source de pollution au Canada.
L’impasse actuelle
[116] Les demanderesses disent que l’omission du ministre de faire en sorte que l’on déclare les rejets et les transferts de polluants qui surviennent sur les lieux d’une installation est contraire aux fins et aux objectifs fondamentaux de la LCPE, qui oblige le ministre (conformément à l’article 2) à :
a) encourager la participation des Canadiens à la prise des décisions qui touchent l’environnement;
b) faciliter la protection de l’environnement par les Canadiens;
c) tenir informée la population du Canada sur l’état de l’environnement canadien;
d) s’efforcer d’exercer, de manière coordonnée, les pouvoirs qui lui permettent d’exiger la communication de renseignements;
e) appliquer la LCPE de façon juste, prévisible et cohérente.
[117] En particulier, les demanderesses font état de la partie 3 de la LCPE, qui a été créée en 1999, et où sont exposées les obligations qu’a le ministre de recueillir et de publier des renseignements sur les rejets de polluants par l’intermédiaire de l’INRP (articles 44, 46 à 53) et d’établir des objectifs, des directives et des codes de pratiques en vue de réduire la pollution (articles 44, 54 et 55).
[118] Au dire des demanderesses, les articles 48 et 50 de la partie 3 de la LCPE imposent de façon impérative au ministre l’obligation d’exiger que l’on déclare les principaux rejets de polluants et que l’on publie ces renseignements consignés dans l’INRP afin de veiller à ce que l’on réduise les rejets de polluants au Canada.
[119] L’article 48 de la LCPE est libellé en ces termes :
48. Le ministre établit l’inventaire national des rejets polluants à l’aide des renseignements auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46, et peut, de la même façon, établir tout autre inventaire.
[120] Les demanderesses disent que même s’il est dit à l’article 46 de la LCPE que le ministre peut exercer son pouvoir discrétionnaire en rapport avec la collecte de renseignements, cette disposition ne peut pas servir à miner les obligations qu’imposent au ministre l’article 48 et l’objet tout entier de la LCPE, comme cela s’est produit dans le cas présent par l’exemption de la plus importante source de pollution au Canada du processus de collecte et de déclaration de renseignements.
[121] L’article 46 de la LCPE est libellé en ces termes :
46. (1) Le ministre peut, par un avis publié dans la Gazette du Canada et, s’il l’estime indiqué, de toute autre façon, exiger de toute personne qu’elle lui communique les renseignements dont elle dispose ou auxquels elle peut normalement avoir accès pour lui permettre d’effectuer des recherches, d’établir un inventaire de données, des objectifs et des codes de pratique, de formuler des directives, de déterminer l’état de l’environnement ou de faire rapport sur cet état, notamment les renseignements concernant :
a) les substances figurant sur la liste des substances d’intérêt prioritaire;
b) les substances qui n’ont pas été jugées toxiques aux termes de la partie 5 compte tenu de l’état actuel d’exposition de l’environnement, mais dont la présence doit être surveillée si le ministre le juge indiqué;
c) les substances — nutritives ou autres — qui peuvent être rejetées dans l’eau ou qui sont présentes dans des produits tels que des conditionneurs d’eau et des produits de nettoyage;
d) les substances rejetées ou immergées en mer;
e) les substances qui sont toxiques aux termes de l’article 64 ou susceptibles de le devenir;
f) les substances qui peuvent causer la pollution transfrontalière soit de l’eau, douce ou salée, soit de l’atmosphère, ou qui peuvent y contribuer;
g) les substances ou combustibles dont la présence dans l’atmosphère peuvent contribuer sensiblement à la pollution atmosphérique;
h) les substances qui, lorsqu’elles sont rejetées dans des eaux canadiennes, causent des dommages aux poissons ou à leur habitat, ou risquent d’en causer;
i) les substances qui, lorsqu’elles sont rejetées dans les régions du Canada où se trouvent des oiseaux migrateurs, des espèces en péril ou d’autres espèces fauniques ou végétales de compétence fédérale, ont un effet nocif sur ceux‑ci ou en sont susceptibles;
j) les substances inscrites sur la liste établie au titre des règlements d’application du paragraphe 200(1);
k) les rejets de substances dans l’environnement à toute étape de leur cycle de vie;
l) la prévention de la pollution;
m) l’utilisation du territoire domanial et des terres autochtones.
(2) Il peut également, conformément à tout accord signé avec un gouvernement, obliger la personne visée par l’avis à lui communiquer les renseignements ou à les communiquer à ce gouvernement.
(3) L’accord fixe les conditions d’accès par le ministre ou le gouvernement aux renseignements — en tout ou en partie; il peut aussi fixer d’autres conditions relatives à ceux‑ci.
(4) L’avis précise la durée de sa validité, d’un maximum de trois ans, et le délai impartie au destinataire pour communiquer les renseignements.
(5) Le destinataire de l’avis est tenu de s’y conformer.
(6) Le ministre peut, sur demande écrite du destinataire, proroger le délai indiqué dans l’avis.
(7) Il précise dans l’avis de quelle façon il entend que les renseignements soient communiqués.
(8) Il peut en outre indiquer la durée et le lieu de conservation des renseignements exigés, ainsi que des calculs, mesures et autres données sur lesquels ils s’appuient. Les renseignements ne peuvent être conservés plus de trois ans après l’expiration du délai fixé conformément aux paragraphes (4) ou (6).
[122] Les demanderesses disent que, en somme, la conduite du ministre, qu’illustre l’avis de 2006, fait échec aux fins et aux objets de la LCPE, et ce, des diverses façons exposées dans leurs observations écrites, en ce sens que le ministre a :
a) dissimulé la source de pollution la plus importante au Canada;
b) faussé les renseignements actuellement déclarés dans le cadre de l’INRP;
c) qualifié incorrectement un important rejet de polluants;
d) omis de promouvoir le principe du pollueur‑payeur qui est essentiel au régime que prévoit la LCPE;
e) omis d’assurer l’harmonie entre le Canada et les États‑Unis sur le plan de la déclaration des rejets de polluants;
f) tardé à exiger, conformément à ses obligations légales, la déclaration des renseignements.
[123] Derrière tout cela réside un long historique de consultations et de discussions entre et parmi divers groupes de défense de l’intérêt public, d’entreprises privées et de ministères, depuis 1992 au moins, quant à la façon dont les transferts et les rejets qu’effectuent sur place les installations minières dans les ACR et les ASS devraient être déclarés et portés à la connaissance du public.
[124] Aucune solution à ce problème n’a été trouvée jusqu’ici. Disons, avant que j’aborde les considérations juridiques, qu’il me semble que le sentiment de frustration et d’urgence qui a amené les demanderesses à déposer la présente demande est parfaitement compréhensible. Après plus de 16 ans de consultations auprès d’intervenants et de groupes d’intérêt, le ministre n’a pas encore indiqué clairement de quelle façon et à quel moment ces renseignements importants seront recueillis et présentés au public du Canada.
[125] Le ministre et l’intervenante semblent admettre que tous les intervenants sont aujourd’hui conscients de l’importance de déclarer ces renseignements. Le désaccord a trait à la façon dont ces derniers devraient être déclarés. Les demanderesses sont d’avis que les renseignements devraient figurer dans l’INRP, tandis que l’intervenante et l’industrie qu’elle représente jugent qu’il est nécessaire d’établir un système de déclaration distinct et différent afin d’éviter toute confusion et toute distorsion à l’égard des renseignements qui apparaissent dans l’INRP.
[126] Quoi qu’il en soit, il en résulte que le ministre ne recueille ni ne déclare les renseignements émanant de l’industrie minière sur les stériles et les résidus qui sont éliminés sur les lieux des installations, et ce, même si d’autres secteurs sont tenus de fournir des renseignements semblables, qui sont déclarés par l’entremise de l’INRP.
[127] Les demanderesses disent que cela équivaut à une exemption accordée à l’industrie minière que le ministre cache au public. L’inaction du ministre signifie que la position par défaut est à peu près celle de l’industrie, et le public ne sait pas véritablement ce qui est fait pour consigner une source importante de pollution au Canada, rendre compte de cette source et y faire obstacle. Autrement dit, quel que soit le bien‑fondé du débat quant à la façon dont il faudrait recueillir et déclarer les renseignements sur les polluants que les installations minières rejettent et transfèrent sur place, le résultat ultime est une impasse qui mine les objectifs de la LCPE et qui prive le public canadien de son droit de savoir de quelle façon une importante source de pollution le menace.
[128] De façon générale, il ressort de la preuve qu’entre 1993 — la première année de déclaration à l’INRP — et 2005 le ministre a décidé, pour diverses raisons, d’exempter de déclaration les résidus et les stériles, sauf si les polluants étaient rejetés à partir d’une aire d’élimination.
[129] Selon la preuve, depuis la création de l’INRP, le traitement des matières extraites du sol a toujours été déclarable et, depuis 2006, il est obligatoire aussi de déclarer à l’INRP les renseignements relatifs aux activités d’extraction minière. De plus, il est obligatoire de déclarer à l’INRP les substances qui quittent une ACR ou une ASS.
[130] Ce qui n’est pas déclarable, ce sont les renseignements sur les déplacements contrôlés de résidus et de stériles, à l’intérieur d’une installation minière, jusqu’à une ACR ou une ASS. Cette question n’a pas été réglée parce qu’il n’y a pas eu encore de consensus entre les intervenants sur la façon dont il faudrait déclarer ces renseignements.
[131] C’est en 2006 que le ministre a accepté le consensus atteint au sujet de l’extraction minière et qu’il a levé l’exemption relative à la déclaration de renseignements sur cette activité de façon à ce que les renseignements sur les opérations de traitement et sur les opérations d’extraction soient déclarables.
[132] Le ministre prescrit les exigences en matière de déclaration dans des avis relatifs à l’INRP qui sont publiés dans la Gazette du Canada. Il diffuse aussi des guides et des directives à l’intention de l’industrie.
[133] Comme l’indique le Guide de déclaration à l’INRP de 2005 [Guide de déclaration à l’inventaire national des rejets de polluants — 2005, à la page 83] : « [l]es substances répertoriées se trouvant dans les résidus ne doivent pas être déclarées à moins qu’elles n’aient quitté les bassins à résidus miniers ou tout autre ouvrage de confinement ». Cependant, la version 2006 de ce Guide ne contient pas ces renseignements.
[134] Ce qui s’est passé en 2006 est important pour les demanderesses car, cette année‑là, conformément à l’article 46 de la LCPE, le ministre a publié l’avis relatif à l’année de déclaration 2006 dans la Gazette du Canada le 25 février 2006 et a fait disparaître l’exemption relative aux opérations minières ayant lieu avant le broyage qui existait dans les avis antérieurs. Le ministre a décidé de ne pas exiger la déclaration des polluants rejetés dans les ACR et les ASS en 2006, mais, selon les demanderesses, il n’est pas clair dans l’avis publié dans la Gazette du Canada en 2006 qu’une telle décision a été prise.
[135] Conformément à l’article 47 de la LCPE, le ministre a publié un Guide de déclaration pour 2006, où ne figurait pas l’énoncé utilisé les années précédentes, c’est‑à‑dire : « [l]es substances répertoriées se trouvant dans les résidus ne doivent pas être déclarées à moins qu’elles n’aient quitté les bassins à résidus miniers ou tout autre ouvrage de confinement ».
[136] Les demanderesses sont d’avis que cette omission donne à penser qu’en 2006 il était admis que la déclaration de renseignements sur les résidus était une exigence légale. En fait, selon elles, en faisant disparaître l’exemption minière en 2006, le ministre a également imposé aux installations minières l’obligation légale d’inclure les polluants énumérés dans l’INRP qui sont contenus dans les stériles en vue de déterminer si elles satisfont au seuil de déclaration. Qui plus est, les demanderesses soutiennent que l’omission de l’exemption relative aux résidus dans la version 2006 du Guide de déclaration signifie que la déclaration de renseignements sur les résidus est également devenue une exigence légale en 2006.
[137] Selon les demanderesses, d’une façon ou d’une autre, si l’on ne déclare pas les substances présentes dans les résidus ou les stériles que l’on déplace à l’intérieur d’une installation jusqu’à une ACR ou une ASS, la situation n’est donc pas claire aux yeux du public et le ministre devrait rendre sa position manifeste sur ce point. Cela est dû au fait qu’en dépit du libellé de l’avis et du Guide de déclaration de 2006, le ministre a fait savoir aux installations minières lors de réunions de consultation (auxquelles le grand public n’avait pas accès) que les mines n’étaient pas encore tenues de déclarer les polluants rejetés dans les ACR et les ASS pour l’année de déclaration 2006. Cela signifie que, à l’insu du public, les installations minières continuent d’être le seul secteur industriel à ne pas déclarer les rejets de polluants sur les lieux mêmes d’une installation.
[138] Le défendeur dit que cette question ne suscite aucune confusion ou ne comporte aucun subterfuge car, même si l’annexe 3 de l’avis de 2006 publié dans la Gazette du Canada précisait que des renseignements devaient être déclarés pour les éliminations effectuées à l’intérieur d’une installation par enfouissement, épandage ou injection souterraine, elle ne précisait pas que les « bassins de retenue de résidus » ou les « aires de stockage de stériles » constituaient des catégories secondaires pour lesquelles il était obligatoire de déclarer des renseignements.
[139] En outre, le défendeur affirme que même si le Guide de déclaration de 2006 ne contenait pas la mention faite dans les avis antérieurs selon laquelle « [l]es substances répertoriées se trouvant dans les résidus ne doivent pas être déclarées à moins qu’elles n’aient quitté les bassins à résidus miniers ou tout autre ouvrage de confinement », il est depuis longtemps entendu et admis que les résidus ne sont à déclarer que lorsqu’ils quittent une ACR, et les intervenants ont été informés qu’il n’a pas été décidé d’obliger à déclarer les résidus et les stériles qui sont présents sur les lieux d’une installation.
[140] Par ailleurs, le défendeur tente de répondre à la position des demanderesses sur cette question en faisant remarquer ce qui suit :
a) l’annexe 3 de l’Avis de 2006 publié dans la Gazette du Canada (qui a priorité sur le Guide de déclaration destiné au propriétaire ou à l’exploitant d’une installation) ne comportait pas l’obligation de déclarer des renseignements sur les substances rejetées sur les lieux mêmes d’une installation dans une ACR ou une ASS;
b) l’omission, dans le Guide de déclaration de 2006, de la mention qui y figurait en 2005 était une simple inadvertance;
c) vu l’absence de consensus sur la juste manière de déclarer les déplacements de résidus et de stériles sur les lieux d’une installation, les demanderesses ont elles‑mêmes continué à prendre part à des consultations menées sur cette question au cours des années 2006 et 2007.
[141] L’examen que j’ai fait du dossier m’amène à conclure que, lorsque l’exemption relative aux activités minière a été supprimée en 2006, l’intention n’était pas d’inclure la déclaration des substances présentes dans les résidus et les stériles qui se trouvent à l’intérieur d’une installation minière. Tout l’historique du processus de discussion et de consultation illustre que cette question pose depuis longtemps un problème et que, à ce jour, elle n’a pas été réglée dans le cadre de consultations avec les intervenants et par voie de consensus. Il ressort également de la preuve que les demanderesses ont pris part au processus de consultation et qu’elles savent qu’il n’existe aucun consensus sur la question et qu’il reste au ministre à décider la forme que devrait revêtir la déclaration des renseignements concernant ces polluants.
[142] Le fait de savoir si le public canadien est au courant de ce problème résiduel et s’il est induit en erreur par l’exclusion des polluants qui se trouvent dans les résidus et les stériles présents sur les lieux d’une installation est une question différente. L’absence de consensus sur cette question a entraîné une rupture du processus de consultation, et le ministre étudie actuellement de quelle façon il faudrait recueillir les renseignements et les déclarer publiquement dans un système autre que l’INRP.
[143] Le résultat ultime est que les intervenants semblent tous reconnaître qu’il faudrait recueillir et déclarer ces renseignements, mais qu’ils ne parviennent pas à arriver à un consensus sur la forme que cette déclaration devrait avoir. Aucune preuve n’indique combien de temps il faudra pour concevoir un moyen de déclarer ces renseignements au public et, dans l’intervalle, ils ne sont pas déclarés par l’entremise de l’INRP, et les activités minières demeurent le seul secteur à ne pas être tenu de déclarer à l’INRP les polluants énumérés dans la LCPE qui sont éliminés sur les lieux mêmes des installations.
[144] Abstraction faite des considérations d’ordre juridique, il s’agit là d’une situation fort insatisfaisante, et l’impasse dans laquelle se trouvent les intervenants ne répond pas aux besoins du public canadien. Le ministre a admis à l’audience que ces renseignements ne sont pas encore déclarés, mais qu’il ne s’agissait pas d’une ruse et qu’il était simplement à la recherche du bon mécanisme de déclaration. Les renseignements ne sont pas encore déclarés, mais le ministre a assuré à la Cour qu’il n’a pas l’intention de les exempter de toute déclaration.
[145] Malgré ces garanties, il est manifestement insatisfaisant qu’un volet aussi important du tableau de la pollution au Canada ne soit pas déclaré au public sous le régime de la LCPE. Le ministre et ses prédécesseurs ont poursuivi le processus consultatif et progressif qui est envisagé par la LCPE, mais le dossier indique que le débat entourant la nécessité de déclarer les renseignements en question, et la forme que cette déclaration devrait revêtir dans le secteur minier, dure depuis au moins 1992. À un certain point, ce qui est progressif s’immobilise, l’étude se transforme en statisme, et le statisme favorise manifestement ceux qui ne sont pas tenus de faire une déclaration. Le public canadien est le perdant et, s’il ne dispose pas aisément de ce genre de renseignements, il ne peut pas prendre part au débat ni évaluer parfaitement les préoccupations d’ordre environnemental et sanitaire que suscitent les polluants présents dans les ACR et les ASS qui se trouvent sur les lieux mêmes des installations. À l’époque où la présente demande a été entendue, rien n’indiquait à quel moment ces renseignements deviendraient disponibles, ni comment.
[146] Compte tenu de cette impasse, et de ses conséquences pour les Canadiens, la présente demande est parfaitement compréhensible. La question qui se pose, toutefois, est de savoir s’il existe un fondement juridique quelconque qui permettrait à la Cour d’intervenir et d’accorder la réparation déclaratoire et impérative que sollicitent les demanderesses.
Les questions juridiques en cause
[147] Les demanderesses disent qu’elles sollicitent le contrôle judiciaire de la ligne de conduite persistante du ministre qui, depuis 1993, date à laquelle l’INRP a vu le jour, omet d’exiger que les installations minières déclarent des renseignements sur les polluants qu’elles rejettent ou transfèrent dans les ACR et les ASS. L’argument qu’elles invoquent est, essentiellement, que la LCPE exige que le ministre fournisse au public ces renseignements sur les rejets de polluants et que ce dernier omet de le faire.
[148] Les demanderesses fondent leur argumentation sur le libellé impératif des articles 48 et 50 de la LCPE, ainsi que sur les objets généraux de la LCPE et ses fins globales, soit la protection de l’environnement canadien et de la santé humaine contre les substances polluantes.
[149] Les demanderesses demandent à la Cour d’entreprendre un exercice d’interprétation de la loi et, à cet égard, la Cour se doit de suivre les principes énoncés dans plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada, lesquels principes sont résumés dans l’arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), au paragraphe 106 :
En matière d’interprétation législative, il convient d’adopter l’approche suivante : [traduction] « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la [LCPE], l’objet de la [LCPE] et l’intention du législateur » (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87. La Cour a souvent cité et approuvé ce passage, notamment dans les arrêts Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21 et 23, et R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 33). Cette approche contextuelle concorde avec la remarque susmentionnée du juge Rand dans l’arrêt Roncarelli, précité, selon laquelle [traduction] « [u]ne loi est toujours censée s’appliquer dans une certaine optique [voulue par le législateur] » (p. 140), et avec la mise en garde de lord Reid dans l’arrêt Padfield, précité, voulant que le libellé d’un pouvoir ministériel doive être interprété à la lumière de [traduction] « la politique générale et [d]es objets de la [LCPE] » (p. 1030).
[150] La portée et l’objet des articles 48 et 50, de même que ce que tous les intervenants savent au sujet de la déclaration des polluants présents dans les résidus et les stériles, obligent à se faire une idée du processus législatif et consultatif qui a donné naissance à l’actuel système de l’INRP et de ce que ce système englobe.
[151] Il ressort de la preuve qu’au moment de l’entrée en vigueur de l’INRP, en mars 1993, sous le régime de la version initiale de la LCPE, le ministre a appliqué un cadre en trois volets pour recueillir les renseignements pertinents : toute personne qui possédait ou exploitait une installation décrite à l’annexe II, qui se livrait à une activité énumérée à l’annexe III et qui possédait des renseignements d’un type décrit à l’annexe IV était tenue de fournir les renseignements visés par l’annexe IV au ministre avant le mois de juin 1994. Les renseignements énumérés à l’annexe IV faisaient état de 178 substances (mentionnées à l’annexe I). L’annexe II s’appliquait en général à n’importe quelle installation comportant plus de 20 000 heures de temps d’employés en 1993, sous réserve de onze catégories d’exemption. L’annexe III s’appliquait à la fabrication, la transformation ou à tout autre usage d’une substance. L’annexe IV exigeait que l’on déclare des renseignements sur les rejets faits, sur les lieux mêmes de l’installation, des substances énumérées, et ce, dans l’atmosphère, dans l’eau, par injection souterraine et dans le sol. Par l’entremise de l’annexe IV, le ministre exigeait aussi des renseignements sur les déchets qui étaient transférés à l’extérieur des sites.
[152] Entre l’entrée en vigueur de l’INRP en 1993 et l’année 2005, certaines activités minières ont été exemptées de l’obligation de déclarer des renseignements à l’INRP. Les intervenants et les documents appellent cette situation l’ [traduction] « exemption accordée au secteur minier ». Le premier avis de l’INRP qui a été publié dans la Gazette du Canada, en 1993, a exposé comme suit cette exemption :
[. . .] l’extraction de matières contenant des substances figurant à l’annexe I du présent avis, à l’exclusion des installations qui traitent ultérieurement ces matières extraites;
[153] Dans le cadre de la version modifiée de la LCPE, l’annexe 2 de l’avis de l’INRP de 2005 a mis en œuvre l’exemption accordée au secteur minier dans les termes suivants [Gaz. C. 2005.I.438, à la page 450] :
3. (1) N’est pas comprise dans le calcul du seuil de déclaration une substance figurant à l’annexe 1 si celle‑ci est fabriquée, préparée ou utilisée d’une autre manière pour une des activités suivantes :
[. . .]
h) extraction minière, sauf si l’installation prépare ou utilise d’une autre manière les matières extraites;
[154] Pour plus de précision, la version 2005 du Guide de déclaration à l’Inventaire national des rejets de polluants, publié par le ministre en vertu de la LCPE, a énoncé la portée et les limites de l’exemption accordée au secteur minier [aux pages 82 et 83] :
L’exemption accordée aux sociétés minières concerne les activités liées à l’extraction de minerai, de pierre ou de morts‑terrains, jusqu’au concassage primaire inclusivement. L’exemption d’exploitation minière ne s’applique toutefois pas aux substances de la partie 4 (PCA) [principaux contaminants atmosphériques] ou aux COV [composés organiques volatils] différenciés par espèce de la partie 5 rejetées par un appareil à combustion fixe. Dans ce cas, l’exploitation minière doit déclarer tous les rejets de PCA et de COV différenciés par espèce de ses appareils à combustion dont les émissions ont atteint les seuils quantitatifs établis pour ces substances. L’exemption relative à la déclaration des PCA explicitée à la question 6 peut s’appliquer si les seules activités se déroulant à la mine ne dépassent pas l’étape du concassage primaire.
Toute substance de l’INRP fabriquée, préparée ou utilisée d’une autre manière ou encore rejetée dans l’atmosphère lors du traitement ultérieur de la pierre ou du minerai — notamment durant les procédés de meulage, de concentration, de fonte et de raffinage — doit être déclarée si les seuils ont été atteints.
Cela inclurait, notamment, les substances de l’INRP qui se trouvent dans le minerai traité, les solvants, les acides, les agents de flottation, les floculants, les dépoussiérants, les combustibles utilisés pour la production d’énergie, les particules et les contaminants résultant de la combustion (p. ex., le NOX ou le SO2). Les substances répertoriées se trouvant dans les résidus ne doivent pas être déclarées à moins qu’elles n’aient quitté les bassins à résidus miniers ou tout autre ouvrage de confinement.
[155] Libellée en ces termes, l’exemption accordée au secteur minier n’empêchait pas le ministre d’exiger et de recevoir des renseignements liés à l’INRP sur trois types de rejets d’installations minières : 1) les substances ou les COV de la partie 4 ou 5 rejetées par un appareil à combustion fixe, 2) les substances rejetées lors du traitement ultérieur de la pierre ou du minerai, ou 3) les substances rejetées par les bassins à résidus miniers ou tout autre ouvrage de confinement présents sur les lieux.
[156] Les résidus sont produits lorsque le minerai extrait est concassé ou broyé de façon à séparer les métaux et les minéraux de la pierre. Les résidus sont gérés sur les lieux, dans des ACR. Il existe d’autres formes de confinement sur place, dont les stériles stockés sur les lieux dans une ASS ou dans une pile de stockage. Les stériles sont les pierres que l’on détache lors des activités minières mais qui ne contiennent pas de métaux ou de minéraux à valeur économique.
[157] Un fait marquant dans ce travail de consultation mené auprès de multiples intervenants a été l’atelier du sous‑groupe sur les mines, tenu les 17 et 18 mai 2005. À cette occasion, on s’est entendu pour lever l’exemption totale accordée au secteur minier. Cela a incité le ministre à agir pour mettre en œuvre ce consensus. Il a éliminé l’exemption totale accordée au secteur minier de l’avis de l’INRP de 2006 publié dans la Gazette du Canada.
[158] Il convient de signaler qu’un grand nombre de documents figurant dans le dossier et cités dans la présente demande décrivent l’« élimination » de l’« exemption accordée au secteur minier ». D’un point de vue technique, cela est inexact car il subsiste une exemption pour l’« extraction minière dans des carrières et des sablières ». Ce qui a été « éliminé » de l’exemption totale accordée au secteur minier n’est que l’exemption visant l’extraction de métaux et d’autres minéraux industriels importants qui suscitent un intérêt.
[159] Ce changement a consisté notamment à modifier le libellé de l’annexe 2 de l’avis de 2006. Ce dernier a restreint le libellé de l’exemption accordée au secteur minier, qui, de « extraction minière, sauf si l’installation prépare ou utilise d’une autre manière les matières extraites » est devenue « exploitation minière dans des carrières et des sablières ».
[160] Dans le même ordre d’idées, la version 2006 du Guide a donné l’explication suivante [à la page 8] :
L’exemption pour les activités minières a été supprimée de la section Activités exemptées de l’obligation de déclarer les substances des parties 1A, 1B, 2 et 3. Pour 2006, « l’extraction minière dans des carrières et des sablières » est la seule activité minière qui n’est pas assujettie à l’obligation de déclarer les substances des parties 1 à 3. [Souligné dans l’original.]
[161] Le Guide de 2006 indique aussi [à la page 20] :
Au terme des discussions tenues avec les intervenants en 2005, il s’est dégagé un consensus en ce qui concerne l’exemption pour les activités minières, et Environnement Canada a décidé de supprimer cette exemption pour l’année de déclaration 2006. Ainsi, pour l’année de déclaration 2006, il faudra déclarer à l’INRP TOUTES les activités minières à une installation donnée. Seule l’exploitation minière dans des sablières et des carrières sera exemptée de cette obligation.
[162] En résumé, en date de 2006 l’avis de l’INRP ne comportait plus une exemption totale pour le secteur minier; l’exemption se limitait plutôt à l’extraction minière dans des carrières et des sablières.
[163] Comme il a été dit plus tôt, l’INRP s’applique manifestement aux rejets émanant de bassins à résidus miniers ou de tout autre ouvrage de confinement se trouvant sur les lieux. Lors des discussions concernant l’élimination de l’exemption accordée au secteur minier, il a été question aussi des substances transférées dans les ACR et les ASS. En 2003, Environnement Canada a publié un Document de travail sur les exigences de déclaration des rejets de polluants des installations minières, où sont illustrées les distinctions faites entre les rejets à déclarer, l’exemption accordée au secteur minier ainsi que les substances à ne pas déclarer qui sont présentes dans les résidus et tout autre dispositif de confinement sur place qui s’appliqueraient aux stériles :
En résumé, l’exemption accordée pour l’extraction minière se limite aux activités liées à l’extraction proprement dite du minerai, de la roche et des morts‑terrains, cela allant jusqu’à comprendre le concassage primaire. Les rejets et les transferts de substances de l’INRP utilisées pour le traitement ultérieur du minerai, comme le broyage, la concentration, la fusion et l’affinage doivent cependant être déclarés. Il est aussi indiqué que les substances répertoriées à l’INRP présentes dans les résidus n’ont pas à être déclarées à moins qu’elles ne sortent du bassin de retenue ou de tout autre dispositif de confinement sur place.
[164] Le Guide de 2005 a traité de ce troisième point comme suit : « Les substances répertoriées se trouvant dans les résidus ne doivent pas être déclarées à moins qu’elles n’aient quitté les bassins à résidus miniers ou tout autre ouvrage de confinement. »
[165] Par inadvertance, cette mention ne figurait pas dans le Guide de 2006. Ce qui justifie le fait de considérer ce changement comme ayant été fait par inadvertance n’est pas seulement la preuve d’Environnement Canada, mais aussi l’absence de tout consensus de la part des intervenants pour changer la position par rapport à ce qui s’était passé en 2005 et auparavant.
[166] En mars 2007, Environnement Canada et la TDDSM ont organisé un atelier, intitulé [traduction] « Besoins d’information associée aux risques et aux dangers des résidus miniers et des stériles au Canada » et portant sur la question précise des ACR et des ASS. Cet atelier visait à répondre à une déclaration d’Environnement Canada figurant dans le Rapport du groupe de travail multilatéral sur les substances de l’Inventaire national des rejets de polluants, daté du 24 novembre 2005, à la page 23 :
Comme un consensus a été atteint au sujet de la suppresion de l’exemption pour le secteur minier, EC [Environnement Canada] est d’accord pour supprimer cette exemption de la déclaration de l’année 2006 [. . .]
Les questions relatives aux stériles et aux déchets miniers ne sont toujours pas réglées. EC continuera les consultations au sujet des options permettant de s’occuper de la déclaration de stériles et de déchets miniers en 2006. EC examinera cette question de façcon plus large que l’INRP et présentera ses conclusions aux intervenants en 2006.
[167] L’atelier a donné lieu à un document intitulé « Workshop Proceedings » (Compte rendu de l’atelier). Ce document fait clairement état de l’absence de consensus sur ces questions chez les participants à l’atelier :
[traduction] La question de savoir ce qui constitue un rejet est le fondement de la position de l’ONGE [Organisation non gouvernementale de l’environnement] selon laquelle l’INRP est l’outil de gestion nécessaire pour les renseignements de base relatifs aux résidus miniers et aux stériles. La position du secteur minier est tout aussi limpide : les matières transférées aux piles de résidus et de stériles (ainsi que les substances qu’ils contiennent) sont suffisamment différentes pour ne pas constituer un rejet. Il s’agit là d’une perspective que partagent certains des participants fédéraux.
[168] À l’atelier, des participants ont également reconnu qu’il était nécessaire d’établir un mécanisme national de déclaration d’une [traduction] « série de base » de renseignements concernant les stériles et les résidus. Le sommaire du compte rendu de l’atelier résume à la page 4 les points d’entente :
[traduction] Les participants ont généralement convenu du besoin d’établir un mécanisme de déclaration régulière et obligatoire concernant la « série de base » de renseignements à déclarer au sujet des résidus et des stériles. Les participants de la société civile ont exprimé l’avis que l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) constituait le mécanisme de gestion de l’information approprié, tandis que les participants du secteur minier estimaient que ce n’était pas le cas. La possibilité de créer un nouvel inventaire sur le fondement de l’article 48 de la LCPE (1999) a été évoqué à titre d’élément à examiner.
Les participants ont généralement convenu du besoin de favoriser la collaboration et la coopération entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur le plan de la collecte, de la gestion et de la consultation des renseignements relatifs aux résidus miniers et à la pierre concassée.
Tous les participants ont exprimé leur ferme accord à l’égard du fait qu’en l’absence d’une décision gouvernementale sur la question de la déclaration d’une « série de base » de renseignements dans le cadre d’un inventaire, il serait utile de poursuivre les discussions entre de multiples intervenants, et qu’Environnement Canada doit, dans les six prochains mois, prendre cette décision.
[169] À la suite de l’atelier, la TDDSM a tenu une réunion le 5 juin 2007. À cette occasion, Environnement Canada a présenté un aperçu des résultats et des recommandations de l’atelier. La TDDSM a ensuite demandé à Environnement Canada de décider s’il fallait mettre en œuvre un mécanisme [traduction] « fondé sur un inventaire » de déclaration d’une « série de base » de renseignements concernant les résidus miniers et les stériles.
[170] À la réunion suivante de la TDDSM, c’est‑à‑dire en octobre 2007, Environnement Canada a présenté sa réponse à cette demande. Cette réponse faisait savoir qu’Environnement Canada ne se servirait pas de l’INRP pour recueillir ce type de renseignements. Le Ministère a fait savoir qu’au lieu d’ajouter les résidus miniers et les stériles à l’INRP, il établirait un inventaire national différent pour la déclaration de ces renseignements, en vertu de l’article 48 de la LCPE. Il a également ajouté qu’il restait à déterminer les méthodes de collecte et de déclaration de données, la forme sous laquelle les registres seraient tenus, de même que la manière de présenter les renseignements publics.
[171] Le compte rendu qui précède donne à penser à la Cour que les demanderesses étaient bien au courant qu’il n’y avait chez les intervenants aucun consensus au sujet de l’utilisation de l’INRP pour recueillir et déclarer des renseignements sur les polluants contenus dans les résidus et les stériles présents dans les aires de confinement sur place. Les demanderesses sont manifestement d’avis qu’il faudrait utiliser le système de l’INRP, et elles se sont adressées à la Cour pour vérifier s’il est possible d’utiliser le libellé de la LCPE pour contraindre le ministre à recueillir et à déclarer ces renseignements comme il faudrait, selon elles, le faire. Autrement dit, indépendamment de tout l’historique des consultations et des consensus progressifs qui a caractérisé l’intégration des activités minières à la LCPE, cette dernière, telle qu’elle a été modifiée en 1999, résout‑elle le problème en obligeant le ministre, en vertu des articles 48 et 50 de la partie 3, à recueillir et à déclarer ces renseignements dans le cadre de l’INRP?
Les dispositions légales applicables
[172] Pour commencer, il me semble évident que l’article 48 contraint le ministre à « établi[r] l’inventaire national des rejets polluants » et à utiliser à cet égard les « renseignements auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46 ».
[173] En outre, l’article 48 précise que le ministre « peut, de la même façon, établir tout autre inventaire ».
[174] Il me semble donc évident qu’il doit y avoir un « inventaire national des rejets polluants » qui, sous réserve du paragraphe 53(4), doit être publié conformément à l’article 50.
[175] En d’autres termes, le « tout autre inventaire » que le ministre « peut » établir aux termes de l’article 48 est un ajout à l’« inventaire national » qui doit être établi, et non une solution de rechange. Cette interprétation semble concorder avec le point de vue qu’Environnement Canada a exprimé à l’occasion de la réunion que la TDDSM a tenue en octobre 2007 et avec sa décision d’établir un « inventaire national » pour la déclaration des renseignements concernant les polluants contenus dans les résidus et les stériles présents sur les lieux des installations.
[176] Le problème que présente une telle approche, me semble‑t‑il, est que l’article 48 traite de « l’ » inventaire national. Il n’est pas question d’inventaires « nationaux » distincts pour des secteurs distincts. Selon moi, il y a des raisons valables et évidentes pour lesquelles le législateur prescrirait l’établissement d’un inventaire national unique. L’une d’elles est intégrée à l’article 2 de la LCPE, qui confie au gouvernement fédéral la mission d’appliquer la LCPE de façon juste, prévisible et cohérente et de veiller à ce que les Canadiens puissent avoir facilement accès à des renseignements sur les polluants qui peuvent avoir une incidence sur l’environnement et la santé.
[177] À mon avis, il s’ensuit que les articles 48 et 50 confèrent au ministre le pouvoir discrétionnaire d’établir « tout autre inventaire », ce qui inclurait des inventaires sectoriels distincts, mais le ministre se doit d’établir « l’inventaire national des rejets polluants » qui contiendra des renseignements « auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46 ». Je ne vois pas comment on peut considérer que l’article 48 autorise à établir un inventaire sectoriel ou une autre série d’inventaires « nationaux ». Autrement dit, je crois que le ministre se trompe s’il considère que l’article 48 l’autorise à établir des inventaires « nationaux » de rejets de polluants distincts pour des secteurs différents, encore que cette disposition l’autorise manifestement à établir des inventaires sectoriels distincts qui s’ajoutent à un inventaire national. Selon mon interprétation du dossier, l’INRP est l’« inventaire national » que le ministre a décidé d’établir en vue de s’acquitter de l’obligation que lui impose l’article 48. En d’autres termes, l’inventaire national que permet cet article existe déjà.
[178] Il me semble aussi que l’« inventaire national » établi en application de l’article 48 doit contenir des « rejets polluants ». La question suivante consiste donc à savoir si les rejets et les transferts qu’effectuent sur place les installations minières dans des ACR et des ASS sont des « rejets polluants ».
[179] Le mot « rejet » est défini comme suit au paragraphe 3(1) de la LCPE :
3. (1) [. . .]
« rejet » S’entend de toute forme de déversement ou d’émission, notamment par écoulement, jet, injection, inoculation, dépôt, vidange ou vaporisation. Est assimilé au rejet l’abandon.
[180] L’intervenante soutient que la Cour devrait inclure dans cette définition l’exigence selon laquelle toutes les formes de « rejet » sont des [traduction] « situations qui signifient la fin du contrôle humain et le retour à un contrôle exercé par les forces de la nature ». Je ne vois rien dans la LCPE et dans son contexte tout entier qui autorise une telle interprétation. Celle‑ci signifierait que le simple fait qu’un « polluant » soit entré dans l’environnement ne veut pas dire qu’il a été rejeté. Elle signifierait aussi que les polluants pourraient être dommageables pour l’environnement mais que, parce qu’ils demeurent assujettis à une certaine forme de contrôle humain, il ne serait pas obligatoire de les déclarer en application de l’article 48.
[181] À mon sens, l’interprétation que fait l’intervenante du sens du mot « rejet » est impossible à appliquer sur le plan conceptuel. Cela est dû à la façon dont le mot « environnement » est défini au paragraphe 3(1) :
3. (1) [. . .]
« environnement » Ensemble des conditions et des éléments naturels de la Terre, notamment :
a) ’air, l’eau et le sol;
b) toutes les couches de l’atmosphère;
c) toutes les matières organiques et inorganiques ainsi que les êtres vivants;
d) les systèmes naturels en interaction qui comprennent les éléments visés aux alinéas a) à c).
[182] Aux yeux de l’intervenante, le simple fait que les polluants déposés ou déversés dans des ACR et des ASS présentent le risque de causer des dommages à l’environnement ne veut pas dire qu’ils devraient être considérés comme un « rejet » pour l’application de l’article 48. L’intervenante fait remarquer que dans les discussions multisectorielles qui ont lieu depuis les années 1990, les rejets et les transferts « sur place » sont toujours considérés comme n’étant pas un rejet dans le cadre de l’INRP.
[183] Comme l’illustre l’historique du processus de consultation, cependant, au Canada la protection de l’environnement s’est progressivement orientée vers une plus grande inclusivité. L’exemption accordée au secteur minier a été éliminée à la longue et tous les intervenants conviennent depuis un certain temps maintenant qu’il faudrait recueillir et déclarer au public les renseignements concernant le rejet et le transfert de polluants dans les ACR et les ASS. Par ailleurs, d’autres secteurs doivent déclarer ce type de renseignements.
[184] Pour ce qui est du secteur minier, le débat n’a pas porté sur la question de savoir s’il fallait recueillir et déclarer les renseignements de ce type, mais plutôt sur la forme que devait revêtir un inventaire national de ce type de renseignements. Même si les ACR et les ASS se trouvent « sur place », je ne vois pas en quoi cela empêche une forme quelconque de rejet, dans le sens d’un dépôt, d’un écoulement ou d’une interaction avec l’air, le sol et l’eau, qui est attribuable au fait que l’environnement naturel a été transformé par une intervention humaine, et qu’une intervention humaine a déposé, déversé, vidangé (ou tout autre mot approprié) des matières dans des ACR et des ASS. Il est possible que, pour diverses raisons économiques et d’autres motifs, le secteur minier ait bénéficié d’un traitement différent par rapport aux exigences de la LCPE en matière de déclaration, mais je ne vois pas comment ce traitement peut servir à interpréter le sens clair et évident de mots dans le contexte d’une loi qui vise à protéger l’air, le sol et l’eau, et qui oblige le gouvernement fédéral (voir l’alinéa 2(1)o)) à, notamment, « appliquer la présente loi de façon juste, prévisible et cohérente ».
[185] Tous les intervenants conviennent qu’il faudrait recueillir et déclarer ces renseignements. L’intervenante souhaite que l’on interprète la loi de manière à y faire une distinction entre les rejets in‑situ et ex‑situ. Cette distinction semble avoir eu un sens dans le contexte de discussions portant sur la question de savoir quels aspects des activités minières il fallait déclarer au public. Mais elle ne veut pas dire que les mots qui se trouvent dans la loi, ou dans l’économie et les objets de la LCPE, doivent être interprétés d’une manière qui, comme par hasard, convient à un secteur particulier. Les règles d’interprétation des lois m’obligent à examiner le sens ordinaire et grammatical des mots dans le contexte tout entier de la LCPE ainsi que les intentions du législateur. À mes yeux, il ressort du dossier que l’on admet généralement que les renseignements dont il est question dans la présente demande doivent être recueillis et déclarés.
[186] Le débat résiduel porte sur la manière de déclarer les renseignements. Si le ministre convenait que les renseignements devraient être déclarés par l’intermédiaire de l’INRP, il n’y aurait pas lieu de modifier le mot « rejet ». Cela est dû au fait que les rejets et les transferts de polluants vers les ACR et les ASS doivent déjà être compris dans la terminologie de la LCPE. La seule raison pour laquelle ces renseignements n’ont pas été recueillis et déclarés est que, comme le fait valoir le ministre dans la présente demande, il a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui accorde selon lui l’article 46 de ne pas exiger cette déclaration.
[187] Des arguments semblables s’appliquent en rapport avec le mot « polluants », qui apparaît à l’article 48. Le mot « polluant » n’est pas défini au paragraphe 3(1) de la LCPE, mais il est possible d’en déterminer le sens à partir de la définition de l’expression « prévention de la pollution », qui constitue aussi l’objet fondamental de la LCPE énoncé dans le préambule :
3. (1) [. . .]
« prévention de la pollution » L’utilisation de procédés, pratiques, matériaux, produits, substances ou formes d’énergie qui, d’une part, empêchent ou réduisent au minimum la production de polluants ou de déchets, et, d’autre part, réduisent les risques d’atteinte à l’environnement ou à la santé humaine.
[188] La « prévention de la pollution » est une notion d’une très grande portée. Un polluant est un élément qui, une fois rejeté, contamine l’environnement. Il s’agit d’une substance toxique. Selon le Webster’s Dictionary, un polluant est : a) une matière résiduaire qui contamine l’eau, l’air ou le sol; b) toute substance introduite dans l’environnement qui a un effet préjudiciable sur l’utilité d’une ressource ou la santé des humains, des animaux ou des écosystèmes; c) une substance ou un facteur de nature physique, chimique ou biologique qui est une source de pollution, de nuisances ou de danger pour la santé. L’« environnement » a déjà été défini plus tôt. Donc, je le répète, je ne vois pas pourquoi les dépôts, les rejets et les transferts toxiques qui sont présents dans les ACR et les ASS ne constituent pas un dépôt ou un rejet d’un polluant dans l’environnement selon l’usage ordinaire et grammatical que l’on fait du mot, de même que selon l’économie et les fins de la LCPE que révèle le contexte de cette loi.
[189] Les intervenants conviennent déjà que ces renseignements devraient être déclarés dans un inventaire national en application de l’article 48. Ce dernier exige seulement que l’on déclare les « rejets polluants ». Il m’apparaît donc que les intervenants sont tous d’accord pour dire que les matières visées sont des polluants pour les besoins de l’article 48. Là encore, le fait que le secteur minier ne déclare pas ces renseignements dans le cadre de l’INRP n’est pas le fruit d’un désaccord au sujet de l’interprétation d’un « rejet » et d’un « polluant », au sens qu’ont ces deux mots à l’article 48. Il s’agit du résultat de ce qui constitue, selon l’argumentation du ministre, l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ministériel, conféré par l’article 46, de ne pas recueillir les renseignements à déclarer dans l’INRP en application de l’article 48, et une décision d’envisager de déclarer les renseignements en question dans un inventaire national différent.
[190] Pour ces motifs, il me faut donc conclure, je crois, que les « rejets polluants », à l’article 48 de la LCPE, doivent, selon les règles d’interprétation des lois, englober les rejets et les transferts de matières dans les ACR et les ASS qui font l’objet de la présente demande. Cela amène la Cour à se pencher sur le sens de l’article 46 et le lien qu’il a avec les articles 48 et 50 de la LCPE.
L’article 46
[191] Le défendeur fait remarquer que le ministre a toujours exigé que l’on déclare les substances énumérées dans l’avis relatif à l’INRP publié dans la Gazette du Canada qui quittent les ACR ou les ASS d’une installation, mais qu’il n’a jamais exigé que l’on déclare les substances présentes dans les résidus ou les déchets se trouvant dans une ACR ou une ASS sur les lieux mêmes d’une installation.
[192] Le motif fondamental de cet état de choses, selon le défendeur, est que la LCPE accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 46 de la LCPE, ce qui signifie que la loi n’impose au ministre aucune obligation d’appliquer les dispositions de l’article 46 ou d’exiger des données précises.
[193] Il est important de lire l’article 46 de pair avec l’article 47, qui prévoit que le ministre « établit des directives concernant l’exercice des pouvoirs prévus au paragraphe 46(1) ». Le paragraphe 47(2) oblige le ministre à consulter diverses parties « [à] cette fin », c’est‑à‑dire en s’acquittant de ses obligations aux termes du paragraphe 47(1).
[194] Le défendeur soutient que l’emploi du mot « peut » à l’article 46 dénote clairement que la disposition est l’octroi d’une faculté, et que le choix que fait le ministre quant à la portée des renseignements exigés en vertu de tout avis diffusé en application de l’article 46 est entièrement fonction d’une décision de principe formulée en accord avec l’article 47.
[195] Le processus de consultation auprès de multiples intervenants qui est consigné dans le dossier que l’on m’a soumis a été mené en vertu des articles 46 et 47 de la LCPE, et le ministre s’est fondé sur ce processus pour apporter des modifications au programme de déclaration, dont l’ajout et la suppression de substances à déclarer.
[196] Cela signifie que le défendeur exprime l’avis que l’article 46 de la LCPE confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire quant aux types de renseignements à recueillir. La nature, la quantité, l’importance sectorielle et l’incidence sur l’environnement sont, d’après le défendeur, une question qui relève entièrement du pouvoir discrétionnaire du ministre.
[197] Qui plus est, de l’avis du défendeur, les obligations qu’imposent au ministre les articles 48 et 50 pour ce qui est d’établir un inventaire national et de publier des renseignements au sujet des « rejets polluants » sont entièrement subordonnés au pouvoir discrétionnaire qu’a le ministre, aux termes de l’article 46, de décider quels renseignements recueillir, et auprès de qui.
[198] Si l’on retenait cette interprétation, cela voudrait toutefois dire que si le ministre décide de ne pas recueillir de renseignements en vertu de l’article 46 sur les « rejets polluants », soit auprès d’un secteur particulier ou autrement, il s’ensuit que tout inventaire national établi en application de l’article 48 n’a pas besoin de révéler de façon exacte ou complète aux Canadiens les dangers auxquels ils font face sur le plan de l’environnement et de la santé.
[199] Voilà une interprétation qu’il est bien difficile de concilier avec les obligations que d’autres dispositions de la LCPE imposent au gouvernement fédéral et, en particulier, l’article 2 qui, notamment, oblige ce dernier à protéger l’environnement et à tenir informée la population du Canada sur l’état de l’environnement canadien.
[200] En clair, je ne vois pas comment l’inventaire national qui doit être établi en application de l’article 48 peut être, après examen du contexte tout entier de la LCPE, régi entièrement par les renseignements, quels qu’ils soient, que le ministre peut décider — ou non — de recueillir en vertu de l’article 46.
[201] Le pouvoir discrétionnaire qu’accorde l’article 46 doit, à mon sens, être exercé d’une manière qui répond aux obligations du gouvernement fédéral définies dans la LCPE, et qui permet d’assembler et d’utiliser efficacement les divers outils qui sont nécessaires pour donner effet à l’économie et aux fins générales de la LCPE. L’inventaire national des rejets de polluants ne peut guère jouer le rôle que lui donne la LCPE si le ministre décide, en application de l’article 46, de ne pas recueillir des renseignements et, ainsi, de ne pas présenter à la population du Canada un tableau complet et exact des rejets des polluants qui présentent des risques sur le plan de l’environnement et de la santé.
[202] Selon moi, le ministre ne peut donc pas utiliser l’article 46 pour dispenser simplement un secteur particulier de l’obligation de fournir des renseignements qui, compte tenu du contexte tout entier de la LCPE, ainsi qu’en vertu de dispositions bien précises, sont nécessaires pour permettre aux Canadiens de savoir quels sont les risques qui les guettent sur le plan de l’environnement et de la santé.
[203] En l’espèce, tous les intervenants s’accordent pour dire que le public canadien devrait avoir accès aux renseignements sur les polluants en question et qu’il faudrait que ces derniers soient présentés dans un inventaire national. Le ministre a simplement utilisé l’article 46 pour exempter les installations minières de l’obligation de déclarer ces renseignements, pour des raisons d’ordre historique, économique et procédural.
[204] À mon avis, l’article 46 est une disposition facilitante et habilitante qui procure au ministre le vaste pouvoir de recueillir les renseignements nécessaires pour qu’il s’acquitte des obligations auxquelles il est tenu en vertu d’autres dispositions de la LCPE.
[205] Je puis concevoir que, dans certains cas, la question de savoir si des renseignements sont assez importants ou appropriés pour être inclus dans un inventaire national puisse susciter un différend. Mais, en l’espèce, ce n’est pas le cas. Tous les intervenants conviennent que les renseignements en question doivent figurer dans un inventaire national. Et, selon mon interprétation de l’article 48, le ministre est obligé d’établir l’« inventaire national des rejets polluants » et cet inventaire national existe déjà dans le régime de l’INRP.
[206] Interpréter l’article 46 comme le défendeur aimerait que la Cour le fasse signifierait que la population du Canada ne sera informée, si tant est qu’elle le sera, par l’intermédiaire d’un inventaire national des polluants rejetés — ce qui inclut, dans le cas présent, les polluants qui, de l’avis de tous les intervenants, devraient figurer dans un registre national — que le jour où le ministre décidera de recueillir et de publier les renseignements pertinents. Je ne puis concilier cette position avec les fins et les objectifs déclarés de la LCPE et avec les obligations que la LCPE confère au gouvernement fédéral.
[207] Il me semble que le motif pour lequel le ministre a diffusé, en vertu des articles 46 et 47 des avis et des guides disant aux installations minières de ne pas déclarer de tels renseignements est que, si ces derniers le sont, le ministre est alors obligé de les publier en application de l’article 48 dans l’INRP établi. Mais cette approche équivaut à fermer les yeux sur des renseignements pertinents qui, comme en conviennent tous les intervenants, devraient figurer dans l’inventaire national. Je ne vois rien dans l’article 46 ou dans l’économie générale de la LCPE qui autorise le ministre à agir de la sorte.
[208] L’article 48 oblige le ministre à établir l’inventaire national des rejets polluants « à l’aide des renseignements auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46 ». Il ressort du dossier que le ministre sait fort bien que les renseignements sont faciles à obtenir (en fait, il les détient peut-être déjà) et qu’il faudrait les recueillir et les intégrer à un inventaire national de rejets de polluants. En fait, la seule chose qui semble faire obstacle à cette mesure est que ce ne sont pas tous les intervenants qui veulent que les renseignements applicables figurent dans l’INRP; certains veulent un système de déclaration et d’inventaire distinct. M. Lavallée, s’exprimant au nom du défendeur, émet l’opinion suivante : [traduction] « L’INRP n’est pas l’outil qui convient pour recueillir ces renseignements, et le ministère examinerait les options possibles pour mettre en place ce système de déclaration par l’intermédiaire d’un autre mécanisme. Environnement Canada n’a pas encore décidé quel mécanisme utiliser à cette fin. »
[209] Il n’a pas été dit à la Cour de quelle façon et à quel moment cette décision sera prise. Il n’existe pas non plus de preuves qui donnent à penser que l’utilisation de l’INRP présenterait des difficultés pratiques. Dans l’intervalle, le public canadien est privé de renseignements sur une source importante de pollution au Canada et sur les risques pour l’environnement et la santé que posent les rejets de ces polluants pour la population du pays. Je ne vois pas comment on peut concilier une telle approche avec le libellé impératif de l’article 48 ou l’économie et les fins générales de la LCPE. Rien de ce qui m’a été soumis ne donne à penser que cette situation sera réglée sous peu, ou que l’on dira à la population du Canada dans un inventaire national quels polluants précis ont été rejetés dans l’environnement à partir de cette source. Il est simplement dit à la Cour qu’elle ne peut ni soumettre à un contrôle judiciaire le pouvoir de recueillir des renseignements qu’accorde au ministre l’article 46 de la LCPE, ni modifier ce pouvoir.
La possibilité de procéder à un contrôle judiciaire
[210] Le ministre et l’intervenante sont tous deux d’avis que, dans les circonstances de l’espèce, les demanderesses ne peuvent pas demander la tenue d’un contrôle judiciaire.
[211] D’après le ministre, le fait d’imposer des exigences en matière de déclaration et la teneur de ce que peut contenir l’avis publié dans la Gazette du Canada en vertu de l’article 46 de la LCPE de 1999 constituent des décisions discrétionnaires de la nature d’une mesure de principe et, cela étant, ces décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Le ministre cite à l’appui de cette thèse les sources habituelles, dont l’arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, de la Cour suprême du Canada.
[212] Le ministre dit, à titre subsidiaire, que la décision de publier un avis dans la Gazette du Canada en vue d’exiger la déclaration de certaines données est une mesure de nature législative et qu’elle ne peut donc pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
[213] Au dire du ministre, il n’est pas tenu par la loi d’appliquer les dispositions de l’article 46 ou d’exiger des données précises. Cela est dû au fait que l’on emploie le mot « peut » à l’article 46 et qu’il n’y a rien dans le contexte qui conférerait à ce mot une signification autre que celle d’une faculté, qui lui est attribuée à l’article 11 de la Loi d’interprétation.
[214] J’ai déjà conclu que l’article 46 est une disposition habilitante qui doit être interprétée dans le contexte tout entier de la LCPE. La partie 3 de la LCPE impose au ministre diverses obligations dont il doit s’acquitter aux termes des dispositions de la LCPE. L’article 44 est de nature impérative et il comporte, au paragraphe (2), sa propre disposition habilitante. Dans le même ordre d’idées, l’article 45, qui porte sur les questions de santé, est de nature impérative et oblige le ministre à « diffuser l’information disponible pour renseigner le public sur les effets des substances sur la santé humaine ».
[215] Les articles 46 à 53 de la partie 3 de la LCPE traitent de la « collecte de renseignements » et font qu’il est obligatoire pour le ministre, en application des articles 48 et 50, d’établir l’inventaire national des rejets de polluants et « [s]ous réserve du paragraphe 53(4), [il] publie l’inventaire national des rejets polluants ».
[216] Aux termes de l’article 50, le ministre dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant à la façon de publier l’inventaire national des rejets mais, sous réserve du paragraphe 53(4), cet inventaire doit être publié et, dans le cadre de l’INRP, c’est ce qui s’est passé.
[217] Les demanderesses ont déposé la présente demande en vertu de l’article 48 de la LCPE, qui oblige le ministre a établir l’inventaire national des polluants. Le ministre établit cet inventaire « à l’aide des renseignements auxquels il a accès, notamment ceux obtenus en application de l’article 46 ».
[218] Au vu du dossier qui m’a été soumis, il ne fait aucun doute que même si le ministre ne détient pas les renseignements sur les aires d’élimination de résidus et de stériles qui sont visées par la présente demande, il y a sûrement accès. L’article 46 lui accorde tout l’accès dont il a besoin. Le ministre a tout simplement décidé de ne pas avoir accès aux renseignements en se servant des articles 46 et 47 pour dispenser les installations minières de l’obligation de fournir les renseignements en question, et il l’a fait dans un contexte où tous les intervenants — y compris, et cela est tout à son honneur, le secteur minier que représente l’intervenante — s’entendent pour dire que ces renseignements sont disponibles et devraient être déclarés au public dans le cadre d’un inventaire.
[219] Je ne vois rien dans l’économie de la partie 3, ou de la LCPE dans son ensemble, qui accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire d’utiliser de la sorte les articles 46 et 47.
[220] Comme le fait remarquer l’intervenante, l’article 46 n’est pas juste joint à l’article 48. Il est possible de recueillir des renseignements en vertu de l’article 46 à des fins diverses, dont celle de les intégrer à un inventaire national aux termes de l’article 48. Cependant, il est certain que l’article 46 dénote clairement — tout comme l’historique des consultations qui m’a été soumis en preuve — que le ministre est capable d’accéder aux renseignements applicables. Il a simplement décidé de ne pas le faire par déférence pour ceux qui ne souhaitent pas déclarer les renseignements dans le cadre de l’INRP. À mon avis, l’article 46 accorde au ministre les pouvoirs dont il a besoin pour accéder aux renseignements qui sont exigés pour qu’il s’acquitte de ses obligations aux termes de la LCPE. Rien dans l’article 46 ne dit que le ministre peut décider de ne pas avoir accès aux renseignements pertinents à inclure dans un inventaire national des rejets de polluants par déférence envers un intervenant qui souhaite que ces renseignements ne figurent pas dans l’INRP.
[221] À mon avis, la présente demande a donc trait à l’omission du ministre d’inclure dans l’inventaire national établi en vertu de l’article 48 des renseignements auxquels il a déjà accès par l’application de l’article 46, et qui, au dire de tous les intervenants, devraient être publiés. Qui plus est, il s’agit du genre de renseignements auxquels le ministre a déjà accès auprès d’autres secteurs et qu’il a déjà publiés dans l’INRP.
[222] En fait, le ministre a exprimé l’avis qu’en établissant un inventaire national en vertu de l’article 48, il peut décider de ne pas inclure certains rejets de polluants dont il est au courant de l’existence et en rapport avec lesquels il peut avoir facilement accès à des renseignements en application de l’article 46.
[223] L’article 50 dit clairement et de manière impérative que le ministre « publie » l’inventaire national établi en application de l’article 48. La méthode de publication est à la discrétion du ministre. Mais nulle part ne vois‑je que l’on peut se servir d’un pouvoir discrétionnaire concernant la méthode de publication pour faire obstacle à la publication d’un inventaire national de polluants rejetés qui inclut des renseignements auxquels le ministre a aisément accès en vertu de l’article 46. Et il semble, au vu du dossier qui m’a été soumis, que c’est ce qui s’est passé.
[224] Le préambule de la LCPE indique clairement que le gouvernement du Canada « reconnaît que le risque de la présence de substances toxiques dans l’environnement est une question d’intérêt national et qu’il n’est pas toujours possible de circonscrire au territoire touché la dispersion de substances toxiques ayant pénétré dans l’environnement », et les obligations qu’assume le gouvernement du Canada aux termes de l’article 2 obligent ce dernier à « tenir informée la population du Canada sur l’état de l’environnement canadien » et à « appliquer la présente loi de façon juste, prévisible et cohérente ».
[225] Au lieu de se conformer à ces objectifs et à ses obligations en l’espèce, le ministre a décidé de ne pas publier dans l’inventaire national des rejets de polluants des renseignements sur des installations minières auxquels il a déjà facilement accès, tout en publiant des renseignements semblables obtenus d’autres secteurs. Il en résulte que la population du Canada ne dispose pas d’un inventaire national des rejets de polluants qui lui permettra d’évaluer l’état de l’environnement canadien et de prendre les mesures qu’elle juge utiles pour protéger l’environnement et favoriser la protection de la santé humaine.
[226] La publication des renseignements en question dans l’INRP n’empêchera pas le ministre de continuer de mener des études et de faire preuve de collaboration au sujet du fait de savoir s’il ne faudrait peut‑être pas aussi créer pour ces renseignements un inventaire distinct. D’après le dossier, les renseignements sont accessibles au ministre, mais ce dernier a décidé de ne pas les publier par l’intermédiaire de l’INRP et de chercher d’autres façons de trouver un [traduction] « outil approprié ». François Lavallée, s’exprimant pour le compte du ministre, émet l’opinion suivante :
[traduction] Un consensus général a été atteint sur le besoin de disposer d’un système de déclaration périodique et obligatoire au sujet des renseignements qui aideraient à caractériser les dangers associés aux résidus et aux stériles.
[227] Tous les intervenants s’entendent pour dire qu’il est nécessaire de déclarer ces renseignements. Le ministre peut y avoir accès. Pourtant il a décidé de ne pas y avoir accès et de ne pas les déclarer parce qu’il veut trouver un « outil plus approprié » que l’INRP. Dans l’intervalle, les dangers liés aux résidus et aux stériles conservés sur les lieux d’une installation ne font l’objet d’aucun rapport. Le fait de déclarer les renseignements en vertu de l’article 48 n’empêchera pas le ministre de trouver un « outil plus approprié » que tous les intervenants peuvent accepter.
[228] L’approche actuelle du ministre équivaut à accorder une exemption sectorielle à l’égard de la déclaration de renseignements qui, aux dires des intervenants, devraient être déclarés au public canadien. À mon sens, cela n’est pas conciliable avec les obligations que confère au ministre l’article 48, ni avec l’économie et les fins générales de la LCPE. Dans le même ordre d’idées, la position du ministre à propos de l’article 46 équivaut à dire que la LCPE laisse au ministre, à son absolue discrétion, le soin de décider s’il convient ou non de rendre compte au public canadien de dangers environnementaux sur lesquels il faudrait, comme en conviennent tous les intervenants, déclarer des renseignements. Là encore, je ne puis concilier cette position avec l’économie et les fins générales de la LCPE. À mon sens, il n’est pas demandé à la Cour en l’espèce de s’ingérer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui est accordé en vertu de l’article 46 de la LCPE; il est plutôt question de l’omission du ministre de s’acquitter des obligations impératives que lui imposent les articles 2, 48 et 50 de la LCPE. Il me semble que, dans ce genre de situation, les demandeurs ont droit à un contrôle judiciaire.
[229] Le défendeur et l’intervenante sont d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire conteste la portée des renseignements recueillis en vertu de l’article 46 de la LCPE dans le but de créer un inventaire de données. L’article 46, croient‑ils, est de la nature d’une faculté et n’impose au ministre aucune obligation de recourir aux dispositions de l’article 46 ou d’exiger des données précises.
[230] Le défendeur et l’intervenante disent que si la décision en question n’est pas une mesure de principe et n’est donc pas de nature discrétionnaire, elle consiste dans ce cas à déterminer ce qui devrait être publié dans l’avis publié dans la Gazette du Canada et, cela étant, il s’agit d’une mesure de nature législative non susceptible de contrôle judiciaire.
[231] Comme je l’ai clairement montré dans mes motifs, la présente demande, telle que je la conçois, est axée sur l’obligation qu’imposent au ministre les articles 48 et 50 de la LCPE d’établir un inventaire national de rejets de polluants et de le publier.
[232] Le ministre a refusé de s’acquitter des obligations imposées par la loi à cet égard, se fondant sur ce qu’il croit être, à l’article 46 de la LCPE, un vaste pouvoir discrétionnaire de recueillir des renseignements.
[233] Ma conclusion est que l’on ne peut pas se servir du pouvoir discrétionnaire et du pouvoir de recueillir des renseignements en vertu de l’article 46 pour faire abstraction d’obligations de nature impérative que prescrivent les articles 48 et 50 de la LCPE. De ce fait, je crois que la conduite du ministre dont se plaignent les demanderesses est susceptible de contrôle judiciaire. Voir Middlesex (County) v. Ontario (Minister of Municipal Affairs) (1992), 10 O.R. (3d) 1 (Div. gén.).
[234] Je suis d’accord avec le défendeur et l’intervenante qu’une décision purement ministérielle, prise pour des motifs d’intérêt public, ou une décision qui est l’exercice d’une fonction législative ne peut pas faire l’objet d’une supervision judiciaire. Mais tel n’est pas le cas en l’espèce, où il a été demandé à la Cour de contrôler les mesures prises par le ministre dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi. Voir Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602, à la page 619; Sutcliffe v. Ontario (Minister of the Environment) (2004), 72 O.R. (3d) 213 (C.A.), au paragraphe 23.
La qualité pour agir
[235] Les demanderesses et le défendeur conviennent que les demanderesses devraient avoir qualité pour agir dans le cadre de la présente demande. L’intervenante n’a présenté aucun argument quant à la raison pour laquelle les demanderesses ne devraient pas avoir qualité pour agir; je conclus donc que l’intervenante convient elle aussi que les demanderesses ont qualité pour agir dans le cadre de la présente demande.
[236] Je conviens que les demanderesses ont qualité pour agir dans le cadre de la présente demande, et je ne vois pas de quelle autre façon l’affaire aurait pu être soumise à la Cour.
LA NORME DE CONTRÔLE
[237] La Cour est d’avis que la présente demande a trait à une interprétation erronée du ministre au sujet, notamment, des articles 46 et 48 de la LCPE, ce qui l’a amené à omettre de s’acquitter de ses obligations, aux termes de l’article 48 de la LCPE, d’exiger que l’on déclare les polluants rejetés dans les ACR et les ASS ainsi que la publication des renseignements dans l’INRP.
[238] Dans la décision Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2009 CF 16, [2009] 4 R.C.F. 544, la Cour a déclaré au paragraphe 61 que : « [l]’omission de se conformer à une exigence légale est une erreur de droit assujettie à la norme de la décision correcte ».
[239] Dans la décision Environmental Resource Centre c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CFPI 1423, la demanderesse a fait valoir au paragraphe 52 que : « [l]e défaut de respecter cette obligation [impérative] constitue une erreur de droit susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte » : Alberta Wilderness Assn. c. Cardinal River Coals Ltd., [1999] 3 C.F. 425 (1re inst.), aux pages 440 et 442; et Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000] 2 C.F. 263 (C.A.F.), confirmant [1998] 4 C.F. 340 (1re inst.).
[240] Par conséquent, en me fondant sur la jurisprudence, je suis d’accord avec les demanderesses que la norme de contrôle qui s’applique à l’omission de se conformer à l’exigence prescrite par la loi dans la présente affaire est la décision correcte.
Le mandamus
[241] Pour les motifs donnés par les demanderesses, je crois que les conditions énoncées dans la décision Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), au paragraphe 45, en vue de la délivrance d’une ordonnance de mandamus ont été satisfaites en l’espèce.
Le retard
[242] Le défendeur et l’intervenante ont soutenu que la présente demande est prescrite parce qu’elle concerne en réalité la décision du ministre de ne pas obliger à déclarer certaines données minières dans l’avis de 2006 publié dans la Gazette du Canada en date du 25 février 2006 et que cette demande aurait dû donc être déposée dans les 30 jours suivant la date de cet avis.
[243] Comme l’indiquent clairement mes motifs, je suis persuadé par l’argument des demanderesses que la présente demande a trait en réalité à une contestation de la ligne de conduite qu’applique actuellement le ministre pour ce qui est d’exempter les polluants présents dans les ACR et les ASS des exigences en matière de déclaration de la LCPE, ainsi que l’omission actuelle du ministre de publier ces renseignements dans l’INRP conformément aux obligations que lui imposent les articles 2, 48 et 50 de la LCPE.
[244] Dans ce contexte, je crois que les principes énoncés dans l’arrêt Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.), aux paragraphes 23 et 24, et dans la décision Assoc. des sourds du Canada c. Canada, 2006 CF 971, [2007] 2 R.C.F. 323, aux paragraphes 71 et 72, s’appliquent à la présente demande; cette dernière n’est donc pas prescrite.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. Le ministre, en considérant que la LCPE ne l’oblige pas à fournir au public des renseignements sur les rejets de polluants par l’intermédiaire de l’INRP, relativement aux rejets et aux transferts de polluants qu’ont effectués les installations minières dans les aires d’élimination de résidus miniers et de stériles au cours des années 2006 et suivantes, a commis une erreur dans son interprétation de cette Loi;
2. une ordonnance de mandamus est par la présente rendue et il est ordonné au ministre de publier à l’intention du public et par l’intermédiaire de l’INRP des renseignements sur les rejets de polluants, relativement aux rejets et aux transferts de polluants qu’ont effectués les installations minières dans les aires d’élimination de résidus et de stériles pour les années de déclaration 2006 et suivantes, conformément aux articles 48 et 50 de la LCPE;
3. il est loisible aux parties de s’adresser à la Cour au sujet des dépens et, s’il y a lieu, cela devrait être fait, en premier, au moyen d’observations écrites.