[2012] 4 R.C.F. 231
A-113-10
2011 CAF 64
AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11;
ET la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167 du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168;
ET une demande introduite sous forme de renvoi à la Cour d’appel fédérale en vertu des paragraphes 18.3(1) et 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.
Répertorié : Renvoi relatif à la Loi sur la radiodiffusion
Cour d’appel fédérale, juges Nadon, Sharlow et Layden-Stevenson, J.C.A.—Toronto, 13 et 14 septembre 2010; Ottawa, 28 février 2011.
Radiodiffusion –– Renvoi par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en vue de déterminer si le CRTC a la compétence, en vertu du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion, pour établir un régime permettant aux stations privées de télévision locale de négocier avec les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) une juste valeur en échange de la distribution des services de programmation diffusée par celles-ci — Le régime permettrait aux stations privées de télévision locale d’imposer des redevances aux EDR en échange du droit de retransmettre leurs signaux — La juge Sharlow, J.C.A. (la juge Laydon-Stevenson, J.C.A., souscrivant à ses motifs) : La loi confère au CRTC le pouvoir de mettre en œuvre le régime proposé, sous réserve de la Loi sur le droit d’auteur et de son historique législatif — En vertu de l’art. 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur, les EDR ont le droit de retransmettre les signaux d’une station privée de télévision locale sans payer de redevance, pourvu que la retransmission respecte les conditions qui y sont énoncées — Cependant, les conditions prévues à l’art. 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur sont importantes et exigent que la retransmission soit licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion — Par conséquent, il est loisible au CRTC d’adopter le régime proposé si le CRTC détermine que le régime est requis pour satisfaire aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion en vertu de l’art. 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion — Une réponse affirmative a été donnée à la question — Le juge Nadon, J.C.A. (dissident) : Le régime proposé excède la compétence du CRTC, car le régime est incompatible avec l’énoncé clair du législateur à l’art. 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur, selon lequel des redevances ne doivent être payées que pour la retransmission des signaux éloignés, et non pour la retransmission des signaux locaux — Bien que le législateur ait délégué des pouvoirs au CRTC lorsqu’il a adopté la Loi sur la radiodiffusion, cette délégation de pouvoirs n’est pas absolue.
Droit d’auteur — Violation — Renvoi visant à déterminer si le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a la compétence, en vertu du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion, pour établir un régime de compensation pour la valeur des signaux permettant aux stations privées de télévision locale d’exiger des redevances des fournisseurs de service de télévision par câble (appelés « entreprises de distribution de radiodiffusion » ou « EDR ») pour la retransmission de signaux locaux — La juge Sharlow, J.C.A. (la juge Layden-Stevenson, J.C.A. souscrivant à ses motifs) : Bien que les EDR aient le droit, en vertu de la loi, de retransmettre les signaux de stations privées de télévision locale sans payer de redevance, en vertu de l’art. 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur, cela n’empêche pas le CRTC de mettre en œuvre un régime de compensation pour la valeur des signaux, étant donné que le régime proposé est conforme au mandat que confère la loi au CRTC — Le juge Nadon, J.C.A. (dissident) : Le régime de compensation pour la valeur des signaux excède la compétence du CRTC parce que ce régime est incompatible avec l’énoncé clair du législateur à l’art. 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur, selon lequel des redevances ne doivent être payées que pour la retransmission des signaux éloignés, et non pour la retransmission des signaux locaux — Cet énoncé vient clairement limiter le pouvoir du CRTC d’imposer des conditions en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.
Il s’agissait d’un renvoi du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) dans l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, rendue en vertu des paragraphes 18.3(1) et 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales. La question visée était la suivante : Le CRTC a-t-il la compétence, en vertu du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion, pour établir un régime permettant aux stations privées de télévision locale de choisir de négocier avec les entreprises de distribution de radiodiffusion une juste valeur en échange de la distribution des services de programmation diffusée par ces stations de télévision locales? Le régime auquel la question fait référence est parfois désigné sous le nom de régime « de compensation pour la valeur des signaux », et permettrait à une station privée de télévision locale de négocier avec des fournisseurs de service de télévision par câble (appelés « entreprises de distribution de radiodiffusion » ou « EDR ») une entente selon laquelle ces derniers lui verseraient une contrepartie en échange du droit de retransmettre ses signaux. Les exploitants de stations privées de télévision locale sont généralement favorables au régime proposé, alors que les EDR sont généralement contre. Le CRTC a conclu que le modèle réglementaire existant ne répondait pas adéquatement aux changements récents survenus dans l’industrie de la radiodiffusion. En 2010, il a adopté une politique déterminant qu’il était nécessaire d’établir un régime de compensation pour la valeur des signaux en vue d’assurer l’atteinte des objectifs énumérés au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion.
Arrêt (le juge Nadon, J.C.A., dissident) : La Cour doit répondre par l’affirmative à cette question.
La juge Sharlow, J.C.A. (la juge Layden-Stevenson, J.C.A., souscrivant à ces motifs) : La mise en œuvre du projet de régime de compensation pour la valeur des signaux relève de la compétence du CRTC, sous réserve de la Loi sur le droit d’auteur et de son historique législatif. En vertu du paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur, une EDR a le droit de retransmettre les signaux d’une station privée de télévision locale sans payer de redevance, pourvu que la retransmission respecte les conditions énoncées au paragraphe 31(2). Cependant, les conditions prévues au paragraphe 31(2) sont importantes, en particulier, l’alinéa 31(2)b) exige que toute retransmission d’un signal local soit licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Cet alinéa permet au CRTC de limiter les droits de transmission prévus au paragraphe 31(2), en imposant toute condition réglementaire ou d’attribution de licence compatible avec le mandat conféré au CRTC par la Loi sur la radiodiffusion. Autrement dit, en permettant au CRTC de faire cela, le législateur donne préséance aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion sur les droits de retransmission que confère aux EDR le paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur. Par conséquent, il est loisible au CRTC d’adopter un règlement ou d’imposer une condition d’attribution de licence qui obligerait une EDR à verser une contrepartie en espèces à une station privée de télévision locale, en échange du droit de retransmettre ses signaux, pourvu que le CRTC détermine que l’imposition d’une telle obligation est nécessaire pour réaliser les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion. De plus, le régime proposé ne nuirait pas à la position adoptée par le Canada à l’égard des récents travaux (2001) du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
Le juge Nadon, J.C.A. (dissident) : Le régime de compensation pour la valeur des signaux (le régime CVS) proposé dans l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168 excède la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), parce que le régime CVS est incompatible avec l’énoncé clair du législateur à l’alinéa 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur, selon lequel des redevances ne doivent être payées que pour la retransmission des signaux éloignés, et non pour la retransmission des signaux locaux. Bien que le législateur ait délégué des pouvoirs au CRTC lorsqu’il a adopté la Loi sur la radiodiffusion, cette délégation de pouvoirs n’est pas absolue. L’intention du législateur, énoncée expressément à l’alinéa 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur, vient clairement limiter le pouvoir du CRTC d’imposer des conditions en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur la radiocommunication, L.R.C. (1985), ch. R-2, art. 1 (mod. par L.C. 1989, ch. 17, art. 1), 2 « distributeur légitime » (édicté par L.C. 1991, ch. 11, art. 81).
Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, art. 2(1) « émission », « entreprise de distribution », « entreprise de programmation », « ondes radioélectriques », « radiodiffusion », « réseau » (2) (mod. par L.C. 1993, ch. 38, art. 81), 3(1),(2), 5(1),(2),(3), 9 (mod. par L.C. 1994, ch. 26, art. 10(F)), 10.
Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, art. 21 (édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 14), 31 (anciennement l’art. 28.01 édicté par L.C. 1988, ch. 65, art. 63; devient l’art. 31 par L.C. 1997, ch. 24, art. 16, 52(F); 2002, ch. 26, art. 2), 70.1(c) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 10, art. 16; 1997, ch. 24, art. 46), 70.12 (édicté, idem), 70.13 (édicté, idem), 70.191 (édicté, idem), 89 (édicté idem, art. 50).
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.3(1) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28), 28(2) (mod., idem, art. 35).
Règlement sur la définition de signal local et signal éloigné, DORS/89-254 (mod. par DORS/2004-33, art. 2), art. 3(a) « signal local » (mod., idem), (b) « signal éloigné » (mod., idem).
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions examinées :
Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; ExpressVu Inc. c. Nii Norsat International Inc., 1997 CanLII 5676 (C.A.F.); Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, [2002] 2 R.C.S. 336.
décisions citées :
CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339; R. c. Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89; Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc., 2001 CSC 92, [2001] 3 R.C.S. 978; Mobil Oil Canada, Ltd. c. Canada, 2001 CAF 333.
DOCTRINE CITÉE
Approche par groupe à l’attribution de licences aux services de télévision privée, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167, 22 mars 2010.
RENVOI par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) (Renvoi à la Cour d’appel fédérale – compétence du Conseil en vertu de la Loi sur la radiodiffusion de mettre en œuvre une solution négociée pour la compensation de la juste valeur des signaux locaux de télévision traditionnelle privée, Ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168) visant à déterminer si le CRTC avait la compétence, en vertu du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion, pour établir un régime permettant aux stations privées de télévision locale de choisir de négocier avec les entreprises de distribution de radiodiffusion une juste valeur en échange de la distribution des services de programmation diffusée par ces stations de télévision locales. Une réponse affirmative a été donnée à cette question, le juge Nadon, J.C.A., étant dissident.
ONT COMPARU
Valérie Dionne et Crystal Hulley pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Frederick B. Woyiwada pour le ministère de la Justice Canada.
Neil Finkelstein, Steven Mason et Daniel Glover pour Bell Aliant Communications régionales, société en commandite.
Benjamin Zarnett, Robert Malcolmson et Peter Ruby pour CTVglobemedia.
Gerald (Jay) Kerr-Wilson pour Rogers Communications Inc.
Chris G. Paliare et Andrew Lokan pour Canwest Television Limited Partnership.
Kent E. Thomson et James W. E. Doris pour Shaw Communications Inc.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Gatineau, pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Le sous-procureur général du Canada pour le ministère de la Justice Canada.
McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., Toronto, pour Bell Aliant Communications régionales, société en commandite.
Goodmans LLP, Toronto, pour CTVglobemedia.
Fasken Martineau Dumoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., Ottawa, pour Rogers Communications Inc.
Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP, Toronto, pour Canwest Television Limited Partnership.
Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l., Toronto, pour Shaw Communications Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] La juge Sharlow, J.C.A. : Dans l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010‑168 [Renvoi à la Cour d’appel fédérale – compétence du Conseil en vertu de la Loi sur la radiodiffusion de mettre en œuvre une solution négociée pour la compensation de la juste valeur des signaux locaux de télévision traditionnelle privée], le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes renvoie la question suivante à la Cour en vertu des paragraphes 18.3(1) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28] et 28(2) [mod., idem, art. 35] de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod., idem, art. 14)] :
Le Conseil a-t-il la compétence, en vertu du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion, pour établir un régime permettant aux stations privées de télévision locale de choisir de négocier avec les entreprises de distribution de radiodiffusion une juste valeur en échange de la distribution des services de programmation diffusée par ces stations de télévision locales?
Contexte
[2] Le régime auquel la question fait référence est parfois désigné sous le nom de régime « de compensation pour la valeur des signaux ». En termes généraux, le régime de compensation pour la valeur des signaux permettrait à une station privée de télévision locale de négocier avec des fournisseurs de service de télévision par câble (appelés « entreprises de distribution de radiodiffusion » ou « EDR ») une entente selon laquelle ces derniers lui verseraient une contrepartie en échange du droit de retransmettre ses signaux.
[3] Les exploitants de stations privées de télévision locale sont généralement favorables au régime proposé. Plusieurs d’entre eux, soit CTVglobemedia Inc., V Interactions Inc., Newfoundland Broadcasting Company Limited et Canwest Television Limited Partnership, ont fait valoir à l’audition du présent renvoi que la loi conférait au Conseil le pouvoir de mettre en œuvre un tel régime.
[4] De façon générale, les EDR sont contre le régime proposé. Plusieurs EDR, soit Bell Canada, Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, Cogeco Cable Inc., Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc. et TELUS Communications Co., ont fait valoir à l’audition que la loi ne conférait pas au Conseil le pouvoir de mettre en œuvre le régime.
[5] Selon le régime actuel, les EDR captent les signaux diffusés en direct par des stations privées de télévision locale et les retransmettent à leurs abonnés moyennant le paiement de certains frais. Le Conseil exige des EDR qu’elles accordent les avantages suivants aux stations privées de télévision locale pour ces signaux :
a) La distribution obligatoire : les EDR doivent distribuer à leurs abonnés les signaux de la station locale dans le marché local de cette station.
b) L’alignement des canaux prioritaires : les EDR doivent diffuser les signaux de la station locale sur le canal qui est le plus susceptible d’être sélectionné par les abonnés.
c) La substitution simultanée : lorsqu’une EDR retransmet une émission provenant d’une station locale en même temps qu’elle retransmet, sur un canal différent, la même émission provenant d’une station américaine, elle doit substituer les publicités de la station locale à celles apparaissant sur la station américaine.
d) Le fonds pour l’amélioration de la programmation locale : en vertu d’une initiative adoptée par le Conseil en 2008, les EDR doivent verser 1,5 p. 100 de leurs revenus bruts à un fonds d’amélioration de la programmation locale réservé aux stations locales opérant dans les marchés non métropolitains.
e) Les paiements pour la distribution des signaux éloignés : en vertu d’une autre initiative du Conseil, devant prendre effet le 31 août 2011, l’EDR qui souhaite distribuer les signaux d’une station de télévision locale à l’extérieur du marché local de la station doit obtenir, au terme d’une libre négociation commerciale pouvant mettre en jeu le versement d’une contrepartie, le consentement de la station. Par exemple, l’EDR devrait obtenir le consentement d’une station locale de Toronto pour transmettre le signal de cette station à ses abonnés de Halifax.
[6] Le Conseil a conclu que le modèle réglementaire existant ne répondait pas adéquatement aux changements récents survenus dans l’industrie de la radiodiffusion. Parmi les changements constatés par le Conseil, mentionnons le développement de services de radiodiffusion directe à domicile par satellite, le développement de canaux de télévision spécialisés qui sont autorisés à percevoir des frais directement des EDR qui les distribuent et l’adoption à grande échelle de nouvelles plateformes médiatiques. Par suite de ces changements, les stations de télévision locale ont subi une baisse de revenus de publicité alors que les EDR ont vu leurs revenus augmenter, ce qui s’est traduit par un changement important de leur position respective sur le marché et par une crise financière pour les stations privées de télévision locale. Le Conseil a conclu qu’il était possible d’éviter cette crise financière en adoptant un régime de compensation pour la valeur des signaux qui ferait intervenir les forces du marché.
[7] Le projet de régime de compensation pour la valeur des signaux est décrit en détail dans la politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167, intitulée Approche par groupe à l’attribution de licences aux services de télévision privée, publiée le 22 mars 2010 (que j’appellerai, par souci de commodité, la « politique de 2010 »).
[8] Les extraits pertinents de la politique de 2010 sont reproduits ci‑dessous, mais j’estime qu’il est utile de résumer les principales caractéristiques du régime de compensation pour la valeur des signaux :
• Une station privée de télévision locale pourrait choisir de négocier avec les EDR une entente qui prévoirait le versement d’une contrepartie en échange du droit de retransmettre ses signaux. Si aucune entente n’était conclue, la station pourrait empêcher les EDR de retransmettre ses signaux.
• La station privée de télévision locale qui déciderait de participer au régime de compensation pour la valeur des signaux renoncerait à toutes les protections réglementaires existantes, y compris la distribution obligatoire, l’alignement des canaux prioritaires et la substitution simultanée.
• La station privée de télévision locale qui déciderait de ne pas participer au régime de compensation pour la valeur des signaux continuerait de bénéficier des protections réglementaires (le cas échéant).
• Le Conseil n’interviendrait dans la négociation des ententes au titre du régime de compensation pour la valeur des signaux que dans les cas où les parties ne négocieraient pas de bonne foi ou lui demandaient d’agir comme arbitre.
[9] En somme, l’objection juridique que soulèvent les EDR à l’égard du régime de compensation pour la valeur des signaux repose sur le raisonnement suivant. La Loi sur le droit d’auteur [L.R.C. (1985), ch. C-42] est la seule à régir le droit d’un radiodiffuseur de contrôler la retransmission de ses signaux. La Loi sur le droit d’auteur empêche les stations privées de télévision locale d’exiger que les EDR leur paient une redevance en contrepartie du droit de retransmettre leurs signaux. Par conséquent, la loi confère aux EDR un droit d’utilisation qui leur permet de retransmettre les signaux d’une station privée de télévision locale sans payer de redevance. Il s’ensuit nécessairement que la compétence conférée au Conseil par la Loi sur la radiodiffusion [L.C. 1991, ch. 11] ne devrait pas être interprétée d’une manière qui permettrait aux stations privées de télévision locale d’empêcher les EDR qui refusent de verser une contrepartie de retransmettre leurs signaux.
[10] Les stations privées de télévision locale soutiennent que cet argument juridique est sans fondement et que la Loi sur le droit d’auteur n’empêche pas le Conseil de mettre en œuvre un régime de compensation pour la valeur des signaux.
Historique de la procédure
[11] Le litige dont est maintenant saisie la Cour est né dans le contexte d’une instance devant le Conseil à l’issue de laquelle celui‑ci a adopté la politique de 2010. Dans la politique de 2010, le Conseil énonce un certain nombre de décisions stratégiques ayant trait à l’attribution de licences aux services de télévision locale privée.
[12] Dans la politique de 2010, le Conseil a notamment déterminé que le régime de compensation pour la valeur des signaux était nécessaire à la réalisation des objectifs stratégiques énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion. La politique de 2010 expose également les principaux éléments du régime de compensation pour la valeur des signaux que le Conseil propose de mettre en œuvre si la Cour conclut qu’il en a la compétence.
[13] Aux paragraphes 151 à 168 de la politique de 2010, le Conseil expose son analyse et ses conclusions sur la question de la valeur des signaux. Ces paragraphes sont rédigés comme suit (notes en fin de texte omises) :
151. Dans l’avis public de radiodiffusion 2008-100, le Conseil s’est penché sur le bien-fondé d’accorder un tarif de distribution aux télédiffuseurs traditionnels et a décidé de ne pas le faire. Cependant, la question à considérer dans le cadre de la présente instance est considérablement différente. Le Conseil, examinant la question de la juste valeur négociée, s’interroge sur la possibilité de recourir aux forces du marché pour résoudre ce qui est devenu une source permanente de friction entre les télédiffuseurs traditionnels et les EDR.
152. Le Conseil s’est inspiré, dans son approche de la question, de certaines dispositions précises de la Loi. L’article 3(1)e) stipule que « tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne »; l’article 3(1)f), que « toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources […] canadiennes […] ».
153. En ce qui a trait au télédiffuseur public, le Conseil note que l’article 3(1)m)(vii) de la Loi prévoit que la programmation de la SRC devrait « être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens. » Tel qu’expliqué ci-dessous, le régime envisagé par le Conseil permettrait aux télédiffuseurs d’exiger la suppression d’émissions lors de leurs négociations pour la valeur juste de la distribution de leurs services de programmation. Le Conseil estime que de permettre à la SRC d’exiger d’une EDR la suppression de sa programmation, et d’ainsi empêcher le public de recevoir sa programmation, n’irait pas dans le sens de l’objectif ci-dessus. De plus, lors de sa comparution à l’audience, la SRC a indiqué qu’elle comprend tout à fait l’importance de son mandat et qu’elle est entièrement d’accord avec l’opinion du Conseil a cet égard, en affirmant spontanément qu’elle [traduction] « ne menacerait pas de retirer son signal ou de laisser son signal non négocié ou non distribué par l’EDR ». Par conséquent, le Conseil conclut que le régime par marchés énoncé ci-dessous ne s’’appliquera qu’aux stations privées de télévision locale. La question de la situation et des besoins uniques de la SRC sera traitée dans le cadre du prochain renouvellement de la licence du télédiffuseur public.
154. Dans l’avis public de radiodiffusion 2008-100, le Conseil a rappelé que la réglementation, lorsqu’elle était nécessaire, devrait être aussi ciblée que possible et imposer les restrictions les moins contraignantes, qu’il faudrait préférer à une intervention réglementaire les solutions de l’industrie, et enfin calibrer l’ensemble du système de radiodiffusion de telle sorte qu’aucun joueur ou groupe de joueurs ne puisse exercer une influence indue.
155. La partie de la politique réglementaire qui traite de l’attribution de licences par groupe s’est concentrée sur le maintien efficace d’une programmation canadienne vibrante et efficace dans le contexte des grands groupes qui forment aujourd’hui le paysage de la radiodiffusion canadienne. Reste à voir si tous les éléments du système de radiodiffusion contribuent à celui-ci de façon appropriée et si, compte tenu des changements gigantesques et accélérés du système, il vaut la peine de voir la relation entre les EDR et les télédiffuseurs avec un recul qui offrirait une autre vision de ce qui a été établi.
156. En 1971, le Conseil a publié un énoncé de politique sur la télévision par câble intitulé à juste titre « La radiodiffusion canadienne, “un système unique” ». Un des principes politiques les plus importants parmi ceux énoncés dans ce rapport indique que « les stations de télévision sont les fournisseurs et les systèmes de télévision par câble sont les usagers. Le principe fondamental en jeu ici est le suivant : chacun doit payer pour ce qu’il utilise dans l’exploitation de son entreprise ». Bien que cette politique n’ait pas été mise en œuvre à l’égard de la télévision traditionnelle en 1971 ou au cours des années suivantes, ce principe demeure valide aujourd’hui.
157. Les politiques adoptées dans le rapport de 1971 et mises en œuvre dans le contexte de la structure technologique et industrielle de l’époque ont inspiré depuis et nourri la relation entre les EDR et les télédiffuseurs. Quarante ans sont une éternité dans le monde de la radiodiffusion. Les concepts de distribution obligatoire, d’attribution de canaux préférentielle, d’accès communautaire et de substitution de signaux identiques ont tout d’abord été formulés dans cet énoncé, puis retravaillés et modifiés par la suite.
158. Bien que certains éléments de cet énoncé demeurent valides, plusieurs changements radicaux sont survenus depuis et continuent à survenir. Les services par satellite de radiodiffusion directe (SRD) autorisés en 1995 et en 1996 ont commencé leurs activités en 1997. Les premiers services spécialisés ont été autorisés en 1984 et les services spécialisés numériques de catégorie 1, en 2000. Pour protéger et promouvoir la croissance de ces services spécialisés embryonnaires, ceux-ci ont eu droit à une « protection de genre » qui leur assurait leur propre espace de développement, essentiellement libre de toute concurrence directe, et à une distribution garantie par les EDR. Fait très révélateur, ils ont obtenu le droit de recevoir des tarifs de gros des EDR qui les distribuaient. Ainsi le système a-t-il évolué vers un univers multicanal où différentes règles s’appliquaient à différents services de programmation surtout en fonction de la date de leur mise en exploitation. Il convient de noter que les services spécialisés de catégorie 2 ont eu droit à une protection de genre limitée, mais pas à une distribution garantie par les EDR, et qu’ils ont eu le droit de recevoir des tarifs de gros.
159. Plusieurs services spécialisés ont été très appréciés des auditoires canadiens. Tel que noté plus haut, l’accroissement de la fragmentation a malheureusement entraîné une baisse évidente du rendement des télédiffuseurs traditionnels. De plus, cette très grande fragmentation se poursuit alors que d’autres nouvelles plateformes médiatiques font fureur. Les télédiffuseurs en direct ont donc moins réussi à respecter efficacement les obligations qui leur avaient été fixées en vertu de la Loi de « contribuer à la création et à la présentation d’une programmation canadienne » de qualité.
160. Alors que la récente situation économique et les baisses des recettes publicitaires ont affaibli les télédiffuseurs traditionnels privés, les revenus des EDR ont continué de croître beaucoup plus rapidement que ceux des stations de télévision depuis 1971. Au cours de cette année, les revenus de la télévision privée ont totalisé 115,8 millions de dollars, une somme qui se compare très avantageusement avec les revenus du câble qui se sont établis à 66,6 millions de dollars. En 2009, ces chiffres étaient inversés : les revenus de base et supplémentaires des EDR par câble ont totalisé 5,1 milliards de dollars et ceux des services par SRD et des systèmes de distribution multipoint ont augmenté de 2,2 milliards de dollars supplémentaires, atteignant un total de 7,3 milliards de dollars. Les revenus de la télévision privée faisaient piètre figure avec 2,2 milliards de dollars. Ces chiffres ne présentent pas l’historique complet, mais la remarquable évolution des proportions trahit un changement marqué des forces du marché.
161. L’une des pièces importantes de ce casse-tête est que les EDR ne paient pas les signaux des télédiffuseurs traditionnels privés qu’elles distribuent alors qu’elles paient ceux des services spécialisés. À l’audience, les EDR ont souvent répété que même si elles font partie du système canadien unique de radiodiffusion tel que précisé à l’article 3(2) de la Loi, elles n’avaient pas l’intention de payer ces services ou de négocier leur juste valeur puisqu’elles pouvaient maintenant les recevoir et les diffuser gratuitement. Or, comme noté plus haut, les télédiffuseurs traditionnels privés consacrent de fortes sommes à l’acquisition d’émissions tant canadiennes qu’étrangères. Le Conseil a toujours entendu dire que la diffusion d’émissions étrangères était vitale pour les télédiffuseurs traditionnels, et il a fait sienne cette position.
162. Les droits de diffusion qu’acquièrent les télédiffuseurs sont presque toujours des droits territoriaux. Autrement dit, le télédiffuseur paie les droits exclusifs de diffuser une émission donnée, dans un territoire donné, pour une période de temps donnée. Certes, les modalités de ces ententes font l’objet d’une grande attention commerciale, et les résultats ne sont pas uniformes. Toutefois, quelles que soient les conditions négociées, les EDR ont actuellement le droit de distribuer les services de programmation des télédiffuseurs sans payer de droits de diffusion. Les EDR, cependant, sont obligées de fournir aux télédiffuseurs des avantages comme la distribution prioritaire et la substitution simultanée. Néanmoins, en 2010, ce système ne contribue guère à s’assurer que les télédiffuseurs traditionnels aient les moyens de continuer à respecter leurs obligations en vertu de la Loi.
163. Tel que note plus haut et énoncé dans l’avis public de radiodiffusion 2008-100, le Conseil n’était pas prêt à imposer un tarif de distribution. Le Conseil conclut néanmoins qu’afin d’atteindre les objectifs de politique énoncés à l’article 3(1) de la Loi, il faut corriger ce système pour permettre aux télédiffuseurs privés de négocier avec les EDR une juste valeur pour le produit qu’ils offrent aux EDR. Il faudrait un système où les télédiffuseurs privés qui détiennent des émissions ou ont payé des droits exclusifs de diffusion doivent pouvoir négocier des ententes de paiement avec les EDR qui pourront, à leur tour, distribuer ces émissions. Le système de radiodiffusion a tout à gagner d’un système qui permettrait aux forces du marché de fonctionner efficacement en reconnaissant la juste valeur des services de programmation. Cette approche est compatible avec les ententes commerciales qui prévalent de plus en plus sur toutes les autres plateformes, y compris les services facultatifs, les services de VSD et les plateformes en ligne et mobiles.
164. Le système que le Conseil propose de mettre en œuvre est décrit ci-dessous.
1. Les titulaires des stations privées de télévision locale pourront choisir soit i) de négocier avec les EDR la valeur de la distribution de leurs services de programmation, faute de quoi elles pourront exiger de retirer les émissions qu’elles détiennent, ou dont elles ont acquis les droits de diffusion, de tous les signaux distribués dans leur marché, soit ii) de continuer à bénéficier des protections réglementaires actuelles.
2. Les titulaires des stations privées de télévision locale prendront leur décision à une date choisie par le Conseil, et leur choix sera valide pour une période de trois ans.
3. Si la titulaire d’une station privée de télévision locale opte pour l’option i) :
a) Elle renonce à toutes les protections réglementaires actuelles à l’égard de la distribution des signaux de télévision locale par les EDR, qu’elles soient imposées par voie réglementaire ou par conditions de licence, y compris à la distribution obligatoire et l’alignement des canaux prioritaires au service de base analogique, ainsi que la substitution simultanée.
b) Les EDR doivent, à la demande des stations privées de télévision locale, retirer toute émission détenue par la titulaire d’une station de télévision locale ou pour laquelle elle aurait acquis les droits contractuels exclusifs de diffusion.
c) Les retraits visent le signal de toute entreprise de programmation, canadienne ou étrangère, affiliée ou non, distribué par l’EDR, y compris celui de la station privée de la télévision locale à l’origine de la demande.
d) La titulaire peut négocier avec une EDR la juste valeur d’échange pour la distribution de son service de programmation au lieu des droits de retrait énoncés en b) et c). Cette compensation peut être financière, ou non (p. ex., la substitution simultanée ou non, les ententes de distribution, le marketing et la promotion), ou les deux, et peut être négociée soit sur une base individuelle, par station, soit lors de négociations élargies avec tous les groupes de propriété.
e) Lors de négociations, les parties disposent d’une période de temps fixe après la date à laquelle une station privée de télévision locale a choisi l’option i) pour conclure une entente. Au cours de cette période, les protections existantes de réglementation continuent à s’appliquer. Cette période peut être abrégée ou prolongée après entente entre les parties.
f) Le Conseil réduit sa participation dans l’élaboration des modalités et des conditions des ententes ainsi négociées. Il n’intervient que s’il existe une preuve de mauvaise foi dans les négociations, et peut alors jouer un rôle d’arbitrage, mais uniquement à la demande des deux parties.
4. Si la titulaire d’une station privée de télévision locale opte pour l’option ii), toutes les protections réglementaires des stations privées de télévision locale en vigueur au moment où elle fait ce choix, et modifiées pendant la durée de leur décision, demeurent en vigueur. Lorsqu’elles sont assurées par voie réglementaire ou par condition de licence, ces protections comprennent notamment la distribution obligatoire, l’alignement des canaux prioritaires au service de base analogique, le retrait d’émissions, la substitution simultanée ou non et toute somme versée à des stations individuelles ou à des fonds approuvés par le Conseil en remplacement de ces obligations, y compris des paiements pour la distribution de signaux éloignés tel que prévu dans l’avis public de radiodiffusion 2008-100.
165. Un obstacle de taille risque cependant d’entraver la mise en œuvre par le Conseil de cette décision basée sur les forces du marché. En réponse à l’avis de consultation de radiodiffusion 2009-411, le Conseil a reçu deux avis juridiques qui valaient tous deux la peine d’être étudiés. L’un soutenait que le Conseil avait la compétence nécessaire pour mettre en œuvre un système de réglementation de radiodiffusion ayant pour effet d’obliger les télédiffuseurs et les EDR à négocier des ententes appropriées, telles que celles décrites précédemment; l’autre, que les EDR avaient des droits continus de diffusion des signaux des télédiffuseurs en direct sans négociation ou contrepartie financière, en vertu des dispositions de la Loi sur le droit d’auteur.
166. Bien que le Conseil ait conclu qu’il y avait lieu d’accorder aux titulaires de stations privées de télévision traditionnelle locale le droit de négocier une juste valeur pour la distribution de leurs services par les EDR, il reconnaît qu’il existe un différend valide entre les parties quant à sa compétence légale d’imposer un tel système. Par conséquent, compte tenu de l’importance de la question de la compétence du Conseil à s’assurer que les objectifs de la Loi sont atteints, et compte tenu du besoin constant de certitude à l’avènement du traitement des renouvellements de licences selon une approche par groupe, le Conseil a décidé de référer de la question de sa compétence légale à la Cour d’appel fédérale (la Cour). Le Conseil demandera de traiter de la question dans des délais aussi brefs que possible.
167. En termes généraux, la question soumise à la Cour sera la suivante :
Le Conseil a-t-il la compétence, en vertu de son mandat énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, de mettre en œuvre un système permettant aux stations privées de télévision locale d’opter pour la négociation avec les entreprises de distribution de radiodiffusion d’une juste valeur en retour de la distribution des services de programmation diffusés par ces stations de télévision locale?
168. Dans l’ordonnance de radiodiffusion 2010-168, également publiée aujourd’hui, le Conseil renvoie cette question à la Cour pour audition et jugement dans des délais aussi brefs que possible.
[14] L’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, à laquelle renvoie le paragraphe 168 de la politique de 2010, fournit d’autres renseignements [aux paragraphes 1 à 6, 8] :
Introduction
1. En vertu de l’article 3(2) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique dont la réglementation doit être confiée à un seul organisme public autonome, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. L’article 5(1) de la Loi enjoint au Conseil de « réglemente[r] et surveille[r] tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion. »
2. En vertu de la Loi, le Conseil est investi de pouvoirs étendus pour remplir son mandat, y compris le pouvoir d’attribuer des licences de radiodiffusion sous des conditions qui semblent appropriées en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion énoncée à l’article 3(1) de la Loi et d’obliger les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) à offrir, selon des modalités et conditions qu’il juge appropriées, les services de programmation précisés par le Conseil. L’article 10 de la Loi permet également au Conseil d’adopter des règlements sur divers sujets, dont la fourniture par les entreprises de distribution des signaux étrangers et autres services de programmation, la résolution par la médiation ou autrement de différends concernant la fourniture de programmation et survenant entre les entreprises de programmation qui la transmettent et les entreprises de distribution, ainsi que toute autre question qu’il estime nécessaire à l’exécution de sa mission.
3. Pour remplir ce mandat, le Conseil a créé un régime de réglementation global afin de s’assurer que chaque secteur de l’industrie de la radiodiffusion contribue à l’atteinte des objectifs de politique énoncés dans la Loi. Par exemple, le Conseil a :
imposé une série d’obligations aux entreprises de programmation, dont des quotas pour la diffusion, ou les dépenses, à l’égard de la programmation canadienne;
élaboré des règles pour définir quels services de programmation les EDR ont l’obligation ou l’autorisation de distribuer, y compris l’obligation pour certaines EDR de distribuer des stations de télévision locales et d’autres services dans le service de base qu’elles offrent à tous les consommateurs (soit la distribution obligatoire);
imposé un tarif de gros pour la distribution de certains services spécialisés, dont le taux est fixé par le Conseil, dans certains cas, ou négocié entre les parties, dans d’autres cas;
créé un système pour protéger les droits exclusifs de radiodiffusion des stations de télévision locales dans leurs marchés en exigeant d’une EDR la suppression de tout service de programmation qu’elle distribue qui est comparable à celui d’une station locale de télévision (soit la suppression d’émissions) et, dans certains cas, la substitution de la programmation comparable de la télévision locale diffusée simultanément sur le signal supprimé (soit la substitution simultanée).
4. Le Conseil applique ces obligations réglementaires actuelles avec souplesse, à des degrés divers selon les cas, en s’ajustant aux circonstances particulières. Par exemple, le Conseil a permis aux parties, par condition de licence, de négocier d’autres solutions relatives aux obligations de suppression d’émissions qui ont été intégrées au régime de réglementation.
L’instance
5. Dans Instance de politique portant sur une approche par groupe de propriété à l’égard de l’attribution de licences à des services de télévision et sur certaines questions relatives à la télévision traditionnelle, avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2009-411, 6 juillet 2009 (avis de consultation de radiodiffusion 2009-411), tel que révisé par l’avis de consultation de radiodiffusion 2009-411-3, 11 août 2009, le Conseil a entrepris une instance en vue d’étudier une approche par groupe à l’égard de l’attribution de licences à des services de télévision, y compris un examen sur la pertinence de mettre en œuvre ou non une solution négociée pour la compensation de la juste valeur des signaux locaux de télévision traditionnelle privée. Dans le cadre de ce processus, le Conseil a reçu 289 observations qui traitaient de ces questions. Le Conseil a également reçu environ 12 000 observations dans le cadre de la campagne organisée par Rogers Communications Inc.
6. Parmi les questions soulevées lors de l’instance, l’une consiste à savoir si le Conseil a la compétence en vertu de la Loi de mettre en œuvre une solution négociée pour la compensation de la juste valeur des signaux locaux de télévision traditionnelle privée. Les EDR ont présenté un avis juridique qui indique que ce régime établira un nouveau droit d’auteur sur les signaux des stations locales de télévision privée et sera donc ultra vires relativement aux pouvoirs du Conseil. D’après les opinions juridiques déposées par les stations de télévision locales, un tel régime relève de la compétence légale du Conseil de superviser et de réglementer le système de radiodiffusion.
[Paragraphe 7 omis; une répétition du paragraphe 164 de la politique de 2010.]
8. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-167, le Conseil n’a pas statué sur la question de savoir s’il a la compétence en vertu de la Loi d’instaurer un tel régime. En revanche, le Conseil a déclaré qu’il porterait cette affaire devant la Cour d’appel fédérale pour jugement. Par conséquent, la décision d’instaurer le régime ne pourra être prise avant que la Cour ne se soit prononcée.
Le mandat du Conseil
[15] Le législateur a donné au Conseil le mandat de réglementer et de surveiller tous les aspects du système canadien de radiodiffusion. Ce mandat est énoncé au paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion, lequel est rédigé comme suit :
5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, ainsi que de la Loi sur la radiocommunication et des instructions qui lui sont données par le gouverneur en conseil sous le régime de la présente loi, le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion. |
Mission
|
[16] L’expression « système canadien de radiodiffusion » n’est pas définie dans la Loi sur la radiodiffusion, mais il est possible d’en dégager le sens à partir des définitions qui y figurent. Les termes « radiodiffusion » et « émission » sont définis comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion :
2. (1) […] |
Définitions |
« émission » Les sons ou les images — ou leur combinaison — destinés à informer ou divertir, à l’exception des images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres. […] |
« émission » “program” |
« radiodiffusion » Transmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d’émissions encodées ou non et destinées à être reçues par le public à l’aide d’un récepteur, à l’exception de celle qui est destinée à la présentation dans un lieu public seulement. |
« radiodiffusion » “broadcasting” |
[17] Les termes « ondes radioélectriques » et « moyens de télécommunication » sont définis comme suit aux paragraphes 2(1) et 2(2) de la Loi sur la radiodiffusion :
2. (1) […] |
Définitions |
« ondes radioélectriques » Ondes électromagnétiques de fréquences inférieures à 3 000 GHz transmises dans l’espace sans guide artificiel. […] |
« ondes radioélectriques » “radio waves” |
(2) Pour l’application de la présente loi, sont inclus dans les moyens de télécommunication les systèmes électromagnétiques — notamment les fils, les câbles et les systèmes radio ou optiques —, ainsi que les autres procédés techniques semblables. |
Moyen de télécommunication |
[18] Les émissions sont diffusées au Canada par des « entreprises de radiodiffusion ». Selon le paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion, une entreprise de radiodiffusion s’entend notamment d’une « entreprise de distribution », d’une « entreprise de programmation » ou d’un « réseau ». Ces termes sont définis comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion :
2. (1) […] |
Définitions |
« entreprise de distribution » Entreprise de réception de radiodiffusion pour retransmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, en vue de sa réception dans plusieurs résidences permanentes ou temporaires ou locaux d’habitation, ou en vue de sa réception par une autre entreprise semblable. |
« entreprise de distribution » “distribution undertaking” |
« entreprise de programmation » Entreprise de transmission d’émissions soit directement à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, soit par l’intermédiaire d’une entreprise de distribution, en vue de leur réception par le public à l’aide d’un récepteur. […] |
« entreprise de programmation » “programming undertaking” |
« réseau » Est assimilée à un réseau toute exploitation où le contrôle de tout ou partie des émissions ou de la programmation d’une ou plusieurs entreprises de radiodiffusion est délégué à une autre entreprise ou personne. |
« réseau » “network” |
[19] La lecture de l’ensemble de ces définitions m’amène à conclure que toute activité de radiodiffusion exercée au Canada par une entreprise de distribution, une entreprise de programmation ou un réseau fait partie du système canadien de radiodiffusion et est par conséquent assujettie à la réglementation et à la surveillance du Conseil conformément au paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion. Il ne fait aucun doute qu’en font partie les activités de radiodiffusion exercées au Canada par toute station privée de télévision locale (entreprise de programmation) et par toute EDR (entreprise de distribution) qui seraient assujetties au projet de régime de compensation pour la valeur des signaux, s’il est adopté.
[20] Quoique le mandat confié au Conseil en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion soit large et détaillé, il est expressément limité à certains égards. Premièrement, le paragraphe 5(1) prévoit que le Conseil doit agir conformément à la Loi sur la radiodiffusion, à la Loi sur la radiocommunication [L.R.C. (1985), ch. R-2, art. 1 (mod. par L.C. 1989, ch. 17, art. 1)] et aux instructions données par le gouverneur en conseil sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion. (Aucune disposition de la Loi sur la radiocommunication et aucune instruction du gouverneur en conseil ne sont pertinentes pour le présent renvoi.)
[21] Deuxièmement, le paragraphe 5(1) prévoit que le Conseil doit agir en vue de mettre en œuvre la politique de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion, lequel est rédigé comme suit :
3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion : a) le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle; b) le système canadien de radiodiffusion, composé d’éléments publics, privés et communautaires, utilise des fréquences qui sont du domaine public et offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle; c) les radiodiffusions de langues française et anglaise, malgré certains points communs, diffèrent quant à leurs conditions d’exploitation et, éventuellement, quant à leurs besoins; d) le système canadien de radiodiffusion devrait : (i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada, (ii) favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l’information et de l’analyse concernant le Canada et l’étranger considérés d’un point de vue canadien, (iii) par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d’emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l’égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu’y occupent les peuples autochtones, (iv) demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques; e) tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne; f) toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature du service — notamment, son contenu ou format spécialisé ou l’utilisation qui y est faite de langues autres que le français ou l’anglais — qu’elles fournissent, auquel cas elles devront faire appel aux ressources en question dans toute la mesure du possible; g) la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité; h) les titulaires de licences d’exploitation d’entreprises de radiodiffusion assument la responsabilité de leurs émissions; i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois : (i) être variée et aussi large que possible en offrant à l’intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit, (ii) puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales, (iii) renfermer des émissions éducatives et communautaires, (iv) dans la mesure du possible, offrir au public l’occasion de prendre connaissance d’opinions divergentes sur des sujets qui l’intéressent, (v) faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants; j) la programmation éducative, notamment celle qui est fournie au moyen d’installations d’un organisme éducatif indépendant, fait partie intégrante du système canadien de radiodiffusion; k) une gamme de services de radiodiffusion en français et en anglais doit être progressivement offerte à tous les Canadiens, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens; l) la Société Radio-Canada, à titre de radiodiffuseur public national, devrait offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit; m) la programmation de la Société devrait à la fois : (i) être principalement et typiquement canadienne, (ii) refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions, (iii) contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre, (iv) être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue, (v) chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais, (vi) contribuer au partage d’une conscience et d’une identité nationales, (vii) être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens, (viii) refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada; n) les conflits entre les objectifs de la Société énumérés aux alinéas l) et m) et les intérêts de toute autre entreprise de radiodiffusion du système canadien de radiodiffusion doivent être résolus dans le sens de l’intérêt public ou, si l’intérêt public est également assuré, en faveur des objectifs énumérés aux alinéas l) et m); o) le système canadien de radiodiffusion devrait offrir une programmation qui reflète les cultures autochtones du Canada, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens; p) le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens; q) sans qu’il soit porté atteinte à l’obligation qu’ont les entreprises de radiodiffusion de fournir la programmation visée à l’alinéa i), des services de programmation télévisée complémentaires, en anglais et en français, devraient au besoin être offerts afin que le système canadien de radiodiffusion puisse se conformer à cet alinéa; r) la programmation offerte par ces services devrait à la fois : (i) être innovatrice et compléter celle qui est offerte au grand public, (ii) répondre aux intérêts et goûts de ceux que la programmation offerte au grand public laisse insatisfaits et comprendre des émissions consacrées aux arts et à la culture, (iii) refléter le caractère multiculturel du Canada et rendre compte de sa diversité régionale, (iv) comporter, autant que possible, des acquisitions plutôt que des productions propres, (v) être offerte partout au Canada de la manière la plus rentable, compte tenu de la qualité; s) les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d’une programmation canadienne tout en demeurant réceptifs à l’évolution de la demande du public; t) les entreprises de distribution : (i) devraient donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne, et ce en particulier par les stations locales canadiennes, (ii) devraient assurer efficacement, à l’aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables, (iii) devraient offrir des conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation qui leur sont fournis, aux termes d’un contrat, par les entreprises de radiodiffusion, (iv) peuvent, si le Conseil le juge opportun, créer une programmation — locale ou autre — de nature à favoriser la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, et en particulier à permettre aux minorités linguistiques et culturelles mal desservies d’avoir accès aux services de radiodiffusion. |
Politique canadienne de radiodiffusion |
[22] L’énoncé de la politique canadienne de radiodiffusion, au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion, doit être interprété en parallèle avec le paragraphe 3(2), qui est ainsi rédigé :
3. […] |
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(2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome. |
Déclaration |
[23] Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion prévoit également que le Conseil doit tenir compte de la politique de réglementation énoncée au paragraphe 5(2) de la Loi sur la radiodiffusion, que voici :
5. […] |
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(2) La réglementation et la surveillance du système devraient être souples et à la fois : a) tenir compte des caractéristiques de la radiodiffusion dans les langues française et anglaise et des conditions différentes d’exploitation auxquelles sont soumises les entreprises de radiodiffusion qui diffusent la programmation dans l’une ou l’autre langue; b) tenir compte des préoccupations et des besoins régionaux; c) pouvoir aisément s’adapter aux progrès scientifiques et techniques; d) favoriser la radiodiffusion à l’intention des Canadiens; e) favoriser la présentation d’émissions canadiennes aux Canadiens; f) permettre la mise au point de techniques d’information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens des services qui en découlent; g) tenir compte du fardeau administratif qu’elles sont susceptibles d’imposer aux exploitants d’entreprises de radiodiffusion. |
Réglementation et surveillance |
[24] Advenant un conflit entre la politique de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion et la politique de réglementation au paragraphe 5(2), la politique de radiodiffusion a préséance. Il en est ainsi en raison du paragraphe 5(3), lequel est rédigé comme suit :
5. […] |
|
(3) Le Conseil privilégie, dans les affaires dont il connaît, les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion en cas de conflit avec ceux prévus au paragraphe (2). |
Conflit |
[25] Généralement, le Conseil exerce son pouvoir en prenant des règlements en vertu de l’article 10 de la Loi sur la radiodiffusion et en imposant des conditions dans les licences de radiodiffusion qu’il attribue en vertu de l’article 9 [art. 9(4) (mod. par L.C. 1994, ch. 26, art. 10(F))] de la Loi sur la radiodiffusion. Selon l’alinéa 9(1)b) de la Loi sur la radiodiffusion, les conditions imposées dans une licence sont celles que le Conseil estime indiquées pour la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion.
[26] Comme je l’ai déjà dit, le Conseil a conclu dans la politique de 2010 que le régime de compensation pour la valeur des signaux était nécessaire pour réaliser les objectifs de la politique de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion. Selon le paragraphe 152 de la politique de 2010, cette conclusion repose expressément sur les alinéas 3(1)e) et 3(1)f) de la Loi sur la radiodiffusion. Par souci de commodité, ces dispositions sont reproduites ci‑dessous, les extraits cités par le Conseil étant en italique :
3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion : […] e) tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne; f) toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature du service — notamment, son contenu ou format spécialisé ou l’utilisation qui y est faite de langues autres que le français ou l’anglais — qu’elles fournissent, auquel cas elles devront faire appel aux ressources en question dans toute la mesure du possible; |
Politique canadienne de radiodiffusion |
[27] Les EDR ne contestent pas le bien‑fondé de l’analyse du Conseil, sa compréhension des faits pertinents, sa conclusion selon laquelle la mise en œuvre d’un régime de compensation pour la valeur des signaux se justifie par les objectifs stratégiques énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion, ni même le caractère raisonnable du projet de régime de compensation pour la valeur des signaux (en supposant que le Conseil a le pouvoir de le mettre en œuvre).
[28] Compte tenu de l’analyse du Conseil dans la politique de 2010 et des dispositions législatives susmentionnées, je conclus que la mise en œuvre du projet de régime de compensation pour la valeur des signaux relève de la compétence du Conseil, sous réserve seulement des objections juridiques soulevées par les EDR dans le présent renvoi qui sont fondées sur la Loi sur le droit d’auteur et sur son historique législatif. J’examinerai maintenant ces arguments.
L’objection relative au droit d’auteur
[29] La Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur la radiodiffusion font partie de la politique culturelle canadienne. On peut considérer qu’elles se recoupent à certains égards, en ce sens qu’elles portent toutes deux, dans une certaine mesure, sur le droit des émetteurs de signaux de télévision de tirer un avantage économique de leur travail et sur l’intérêt du public d’avoir accès aux signaux de télévision. Les deux lois visent à établir un juste équilibre entre ces intérêts concurrents. Leur application conjointe est actuellement harmonieuse, mais je suis prête à présumer, sans me prononcer sur la question, qu’elle puisse, en théorie, être source de conflit.
[30] Il s’agit en l’espèce de déterminer si, comme les EDR le prétendent, le projet de régime de compensation pour la valeur des signaux est nécessairement incompatible avec la Loi sur le droit d’auteur, de sorte que la Cour devrait conclure que, même si la Loi sur la radiodiffusion, à sa seule lecture, autorise le Conseil à l’adopter, la Loi sur la radiodiffusion devrait être interprétée de façon à l’en empêcher.
[31] Une partie de l’argument juridique des EDR n’est pas controversée. Je conviens avec eux que selon les principes d’interprétation législative, les lois portant sur les droits et les obligations relatifs à la retransmission des signaux de télévision doivent faire l’objet d’une interprétation harmonieuse, cohérente et uniforme.
[32] La question, toutefois, est celle de savoir s’il existe quelque fondement à l’argument des EDR selon lequel la mise en œuvre du projet de régime de compensation pour la valeur des signaux est nécessairement incompatible avec les droits que confère la Loi sur le droit d’auteur aux EDR, dans la mesure où le régime donnerait à chaque station privée de télévision locale le droit d’empêcher les EDR de retransmettre ses signaux en l’absence d’un contrat prévoyant le versement d’une compensation.
[33] Les EDR invoquent principalement le paragraphe 21(1) [édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 14] et l’article 31 [anciennement l’art. 28.01, édicté par L.C. 1988, ch. 65, art. 63; devient l’art. 31 par L.C. 1997, ch. 24, art. 16, 52(F); 2002, ch. 26, art. 2] de la Loi sur le droit d’auteur. Les parties s’entendent pour dire que le paragraphe 21(1), et en particulier l’alinéa 21(1)c), confère à la station privée de télévision locale un droit d’auteur à l’égard des signaux qu’elle émet et que ce droit d’auteur comporte le droit exclusif d’autoriser une EDR à retransmettre ces signaux au public simultanément à son émission. Le paragraphe 21(1) est rédigé comme suit :
21. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le radiodiffuseur a un droit d’auteur qui comporte le droit exclusif, à l’égard du signal de communication qu’il émet ou de toute partie importante de celui-ci : a) de le fixer; b) d’en reproduire toute fixation faite sans son autorisation; c) d’autoriser un autre radiodiffuseur à le retransmettre au public simultanément à son émission; d) d’exécuter en public un signal de communication télévisuel en un lieu accessible au public moyennant droit d’entrée. Il a aussi le droit d’autoriser les actes visés aux alinéas a), b) et d). |
Droit d’auteur sur le signal de communication |
[34] Les droits conférés par l’article 21 aux radiodiffuseurs sont touchés de façon importante par l’article 31 de la Loi sur le droit d’auteur, dont voici les extraits pertinents :
31. […] |
|
(2) Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour le retransmetteur, de communiquer une œuvre au public par télécommunication si, à la fois : a) la communication consiste en la retransmission d’un signal local ou éloigné, selon le cas; b) la retransmission est licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion; c) le signal est retransmis, sauf obligation ou permission légale ou réglementaire, simultanément et sans modification; d) dans le cas de la retransmission d’un signal éloigné, le retransmetteur a acquitté les redevances et respecté les modalités fixées sous le régime de la présente loi; e) le retransmetteur respecte les conditions applicables, le cas échéant, visées à l’alinéa (3)b). |
Retransmission d’un signal local ou éloigné |
(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement : a) définir « signal local » et « signal éloigné » pour l’application du paragraphe (2); b) fixer des conditions pour l’application de l’alinéa (2)e) et, le cas échéant, prévoir si elles s’appliquent à l’ensemble des retransmetteurs ou à une catégorie de ceux-ci. |
Règlements |
[35] Un règlement a été pris en vertu de l’alinéa 31(3)a) de la Loi sur le droit d’auteur afin de définir le « signal local » et le « signal éloigné » (voir le Règlement sur la définition de signal local et de signal éloigné, DORS/89-254 [mod. par DORS/2004-33, art. 2]), mais aucune condition n’a été fixée en vertu de l’alinéa 31(3)b). De façon générale, les signaux émis par une station privée de télévision locale sont des « signa[ux] loca[ux] » [art. 3a) (mod., idem)] et non des « signa[ux] éloigné[s] » [art. 3b) (mod., idem)] au sens du Règlement sur la définition de signal local et de signal éloigné.
[36] Les EDR qui seraient touchées par le projet de régime de compensation pour la valeur des signaux sont des « retransmetteurs », de sorte qu’elles peuvent se prévaloir du paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur. Le paragraphe 31(2) fait en sorte que l’EDR ne viole pas le droit d’auteur qui est reconnu par l’article 21 à la station privée de télévision locale lorsqu’elle retransmet les signaux locaux de la station, si la retransmission est licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et respecte les règlements pris en vertu de l’alinéa 31(3)b) de la Loi sur le droit d’auteur, et que les signaux sont retransmis, sauf obligation ou permission légale ou réglementaire, simultanément et sans modification.
[37] Comme le paragraphe 31(2) ne prévoit le paiement d’une redevance que pour la retransmission des signaux éloignés (qui, par définition, ne comprennent pas les signaux des stations privées de télévision locale), une station privée de télévision locale n’a pas le droit, en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, d’exiger d’une EDR qu’elle lui verse une redevance pour la retransmission de ses signaux. C’est pourquoi les EDR soutiennent que le paragraphe 31(2) leur confère un droit, qui s’apparente au droit d’utilisation visé par la disposition sur l’utilisation équitable de la Loi sur le droit d’auteur (voir CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 48) leur permettant de retransmettre les signaux locaux d’une station privée de télévision locale sans payer de redevance. Je suis d’accord, pourvu que la retransmission respecte les conditions énoncées au paragraphe 31(2).
[38] Cependant, les conditions prévues au paragraphe 31(2) sont importantes. En particulier, l’alinéa 31(2)b) exige que toute retransmission d’un signal local soit licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Il en découle nécessairement que la EDR qui souhaite se prévaloir du droit d’utilisation prévu au paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit se conformer à la Loi sur la radiodiffusion, à tout règlement pris en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et aux conditions dont le Conseil a assorti la licence de radiodiffusion du retransmetteur.
[39] L’alinéa 31(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur marque l’intersection entre les deux régimes législatifs — l’un qui met en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion et l’autre, la politique canadienne sur le droit d’auteur. À l’alinéa 31(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur, le législateur permet au Conseil de limiter les droits de transmission prévus au paragraphe 31(2) en imposant toute condition réglementaire ou d’attribution de licence compatible avec le mandat conféré au Conseil par la Loi sur la radiodiffusion.
[40] Autrement dit, en assujettissant les droits de retransmission accordés aux EDR par le paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur à l’alinéa 31(2)b), le législateur donne préséance aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Je ne vois rien dans la Loi sur le droit d’auteur qui justifierait de renverser cette priorité si le Conseil détermine que les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion l’obligent à prendre un règlement ou à imposer une condition d’attribution de licence qui permettrait à une station privée de télévision locale d’exiger d’une EDR une contrepartie en espèce ou autre en échange du droit de retransmettre ses signaux.
[41] Essentiellement pour les mêmes raisons, je conclus qu’il est loisible au Conseil de prendre un règlement ou d’imposer une condition d’attribution de licence qui obligerait une EDR à verser une contrepartie en espèce à une station privée de télévision locale en échange du droit de retransmettre ses signaux, pourvu que le Conseil détermine que l’imposition d’une telle obligation est nécessaire pour réaliser les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion.
[42] À mon avis, il importe peu qu’une telle obligation puisse être qualifiée d’obligation de payer une redevance. Même aujourd’hui, le Conseil exige des EDR qu’elles compensent les stations privées de télévision locale pour la retransmission de leurs signaux, et personne ne prétend que cette obligation est injustifiée. Une partie de la compensation exigée n’est pas monétaire (la distribution obligatoire, l’alignement des canaux prioritaires et la substitution simultanée), mais représente quand même une certaine valeur pour la station de télévision qui la reçoit de l’EDR. La compensation exigée est en partie monétaire (la contribution de 1,5 p. 100 des revenus bruts au fonds pour l’amélioration de la programmation locale et, potentiellement (à partir d’août 2011), une contrepartie contractuelle pour la retransmission d’un signal de télévision locale à l’extérieur du marché local de la station). Il me semble que la différence du projet de régime de compensation pour la valeur du signal en est une de degré, et non de nature, de substance ou de fonction.
[43] Les EDR font valoir un autre argument fondé sur l’historique long et complexe des diverses propositions qui ont été présentées, et rejetées, en vue de modifier la Loi sur le droit d’auteur, et d’accorder aux stations de télévision un droit de percevoir une redevance ou des frais de retransmission semblables. Selon elles, il faut comprendre qu’au bout du compte le législateur a adopté une politique législative délibérée, qui serait mise en échec par le projet de régime de compensation pour la valeur des signaux. Je ne peux accepter cet argument.
[44] Il se peut bien que le législateur ait décidé, pour diverses raisons liées à la politique canadienne sur le droit d’auteur, que la Loi sur le droit d’auteur ne devait pas être modifiée afin de conférer aux stations privées de télévision locale un droit de percevoir une redevance pour la retransmission de signaux locaux. Cependant, il ne s’ensuit pas que cette même décision implique nécessairement que le législateur voulait empêcher le Conseil d’adopter le régime de compensation pour la valeur des signaux pour protéger la politique canadienne de radiodiffusion. En fait, l’adoption par le Conseil d’un régime de compensation pour la valeur des signaux est à l’étude depuis un certain temps, mais rien n’indique que le législateur ou le gouvernement du Canada considère qu’il s’agirait là d’une intrusion inappropriée ou non souhaitable dans la politique sur le droit d’auteur.
[45] Je ne suis pas convaincue non plus du bien-fondé de l’observation des EDR selon laquelle le projet de régime de compensation pour la valeur des signaux nuirait à la position adoptée par le Canada à l’égard des récents travaux (2001) du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Certes, le Canada n’a fait valoir cette position devant le Conseil ou dans le présent renvoi. En fait, le Canada a choisi de ne pas participer au présent renvoi.
[46] Enfin, je souligne que les EDR s’appuient sur des déclarations antérieures du Conseil (1993, 1999, 2001 et 2003) selon lesquelles la question de la compensation des droits de retransmission locale devrait relever de la politique sur le droit d’auteur, et non de la politique sur la radiodiffusion. Je n’accorde aucun poids à ces déclarations, en particulier parce que le Conseil a introduit le présent renvoi afin que l’étendue de ses pouvoirs soit déterminée sur le plan juridique.
[47] Je conclus que rien dans la Loi sur le droit d’auteur ou dans son historique législatif n’empêche le Conseil d’adopter le régime de compensation pour la valeur des signaux.
Conclusion
[48] Je répondrais comme suit à la question faisant l’objet du renvoi :
La Loi sur la radiodiffusion confie au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le pouvoir d’établir un régime permettant aux stations privées de télévision locale de choisir de négocier avec les entreprises de distribution de radiodiffusion une juste valeur en échange de la distribution des services de programmation diffusée par ces stations de télévision locales.
La juge Layden-Stevenson, J.C.A. : Je suis d’accord.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[49] Le juge Nadon, J.C.A. (dissident) : J’ai eu l’avantage de lire les motifs de ma collègue, la juge Sharlow, mais je ne puis malheureusement pas souscrire à sa décision. À mon avis, le régime de compensation pour la valeur des signaux (le régime CVS) proposé dans l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168 (l’ordonnance) excède la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Je conclus ainsi parce que le régime CVS est incompatible avec l’énoncé clair du législateur à l’alinéa 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur selon lequel des redevances ne doivent être payées que pour la retransmission des signaux éloignés, et non pour la retransmission des signaux locaux.
[50] Il ne m’est pas nécessaire de répéter les faits et les observations des parties que la juge Sharlow a rigoureusement examinés dans ses motifs.
[51] Il convient d’abord de signaler, comme la juge Sharlow le fait au paragraphe 35 de ses motifs, que les signaux en cause dans le présent renvoi sont des « signaux locaux » au sens de l’alinéa 2(1)a) du Règlement modifiant le Règlement sur la définition de signal local et signal éloigné, DORS/2004-33 (le Règlement). Les radiodiffuseurs locaux, comme CTVglobemedia Inc. et Canwest Television Limited Partnership, veulent que les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR), comme Bell Canada et Rogers Communications Inc., leur versent une redevance en échange du droit de capter et de retransmettre leurs signaux de radiodiffusion locaux aux abonnés des EDR.
[52] La principale prétention des EDR est que le paragraphe 31(2) de la Loi empêche le CRTC d’adopter le régime CVS. Selon le paragraphe 31(2), le retransmetteur ne viole pas le droit d’auteur s’il satisfait à cinq conditions. Les EDR ont besoin de cette protection parce que les signaux locaux qu’ils retransmettent contiennent des œuvres protégées par le droit d’auteur. Il est probable que les radiodiffuseurs locaux soient titulaires des droits d’auteur sur les œuvres qu’ils diffusent, ou des licences d’utilisation de ces œuvres, en vertu de contrats avec les créateurs de ces œuvres. De tels contrats sont monnaie courante dans ce secteur d’activité (Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559 (Bell ExpressVu), au paragraphe 51).
[53] Les conditions énoncées au paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur sont les suivantes :
31. […] |
|
(2) […] a) la communication consiste en la retransmission d’un signal local ou éloigné, selon le cas; b) la retransmission est licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion; c) le signal est retransmis, sauf obligation ou permission légale ou réglementaire, simultanément et sans modification; d) dans le cas de la retransmission d’un signal éloigné, le retransmetteur a acquitté les redevances et respecté les modalités fixées sous le régime de la présente loi; e) le retransmetteur respecte les conditions applicables, le cas échéant [fixer par le gouverneur en conseil] […] |
Retransmission d’un signal local ou éloigné |
[54] Dans leur mémoire des faits et du droit, les EDR ne s’intéressent pas directement au sens du mot « licite » figurant à l’alinéa 31(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur. Cependant, les radiodiffuseurs locaux présentent, au paragraphe 69 de leur mémoire conjoint, une analyse convaincante de la réglementation applicable aux EDR. Les radiodiffuseurs y expliquent comment les EDR exercent leurs activités en étant assujetties à deux régimes législatifs différents qui s’appliquent à deux aspects différents de la même activité.
[55] D’une part, il y a le régime du droit d’auteur en vertu duquel des licences obligatoires sont accordées conformément au paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur, de manière à permettre aux EDR d’utiliser les œuvres protégées par le droit d’auteur transmises par les signaux des radiodiffuseurs locaux sans la permission des titulaires des droits d’auteur.
[56] D’autre part, il y a le régime de réglementation et d’attribution de licences de radiodiffusion en vertu duquel le CRTC établit les conditions auxquelles les EDR doivent satisfaire pour être légitiment autorisées à transmettre les signaux des radiodiffuseurs locaux qui contiennent les œuvres protégées par le droit d’auteur.
[57] Bref, pour être légitimement autorisées à retransmettre la programmation des radiodiffuseurs locaux, les EDR doivent détenir une licence leur permettant d’accéder aux ondes sur lesquelles cette programmation est transmise ainsi qu’une licence leur permettant d’accéder aux œuvres protégées par le droit d’auteur contenues dans cette programmation.
[58] Que signifie être « légitimement » autorisé à avoir accès aux signaux locaux en vertu de la Loi sur le droit d’auteur? Le terme « légitimement » n’est défini ni dans la Loi sur le droit d’auteur ni dans la Loi sur la radiodiffusion. L’arrêt Bell ExpressVu de la Cour suprême du Canada aide à définir ce terme. Dans cet arrêt, la Cour suprême analyse le terme « légitimement autorisé » dans le contexte de l’article 2 [de la définition du terme « distributeur légitime » (édicté par L.C. 1991, ch. 11, art. 81)] de la Loi sur la radiocommunication, que voici :
2. […] |
Définitions |
« distributeur légitime » La personne légitimement autorisée, au Canada, à transmettre un signal d’abonnement ou une alimentation réseau, en situation d’encodage, et à en permettre le décodage. [Non souligné dans l’original.] |
« distributeur légitime » “lawful distributor” |
[59] La Cour suprême était appelée à déterminer si une entreprise qui vendait des décodeurs de signaux encodés transmis par satellite était un « distributeur légitime ». À cette fin, elle devait interpréter les mots « légitimement autorisée ». Au paragraphe 42 de sa décision, la Cour suprême a confirmé l’interprétation du juge Létourneau de notre Cour [dans l’arrêt ExpressVu c. Nii Norsat International Inc., 1997 CanLII 5676, au paragraphe 4], lequel a écrit ce qui suit :
La personne « légitimement autorisée » est celle qui possède les droits réglementaires en vertu de la licence qui lui est régulièrement délivrée conformément à la Loi, l’autorisation du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes ainsi que les droits contractuels et les droits d’auteur se rapportant nécessairement au contenu qu’implique la transmission d’un signal d’abonnement ou d’une alimentation réseau.
[60] Autrement dit, la personne « légitimement autorisée » relativement à un aspect particulier de la radiodiffusion, possède quatre choses : une licence en bonne et due forme délivrée en vertu de la loi pertinente, une autorisation dûment délivrée par l’organisme concerné, un quelconque droit contractuel d’utilisation du bien et les droits d’auteur nécessaires à l’utilisation du bien.
[61] À mon avis, les termes visés par les deux affaires et le contexte de celles‑ci présentent suffisamment d’analogies pour que l’on puisse appliquer à l’alinéa 31(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur l’interprétation que donne la Cour suprême du terme « légitimement autorisée » dans Bell ExpressVu .
[62] L’application à l’alinéa 31(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur de l’interprétation du terme « légitimement » tirée de l’arrêt Bell ExpressVu laisse croire que les EDR doivent se conformer aux règlements du CRTC ou aux conditions imposées en vertu de la Loi sur la radiodiffusion pour pouvoir soulever une exception fondée sur le paragraphe 31(2) à la violation du droit d’auteur.
[63] À ce stade, j’estime utile de mentionner certaines caractéristiques de la Loi sur le droit d’auteur. Le législateur énonce expressément à l’alinéa 31(2)a) qu’une exception à la violation du droit d’auteur peut s’appliquer à un « signal local ou éloigné ». L’alinéa 31(3)a) confère au Cabinet le pouvoir de « définir “signal local” et “signal éloigné” pour l’application du paragraphe (2) ». Comme je l’ai mentionné, chaque signal fait l’objet d’une définition différente dans le Règlement.
[64] De plus, à l’alinéa 31(2)d), le législateur précise que « dans le cas de la retransmission d’un signal éloigné », le retransmetteur doit acquitter les redevances et respecter les modalités fixées sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur. La Loi n’impose pas de telles obligations aux personnes qui retransmettent des signaux locaux.
[65] Je tire deux conclusions de ce qui précède. Premièrement, le législateur entendait que les signaux locaux et les signaux éloignés soient traités différemment. Deuxièmement, l’un des aspects de cette différence de traitement est que des redevances peuvent être imposées aux personnes qui retransmettent des signaux éloignés, mais non aux personnes qui retransmettent des signaux locaux.
[66] J’estime qu’il s’agit là d’une interprétation correcte de la Loi et ce, pour quatre raisons. Premièrement, au paragraphe 52 de l’arrêt Bell ExpressVu, la Cour suprême a dit que le paragraphe 31(2) comprenait deux régimes différents. Selon elle, l’article 21 de la Loi sur le droit d’auteur confère aux radiodiffuseurs locaux un droit d’auteur à l’égard de leurs signaux « sous réserve des exceptions prévues au par. 31(2) » (non souligné dans l’original).
[67] Tous les éléments du paragraphe 31(2) de la Loi sur le droit d’auteur doivent être réunis avant que l’on puisse se prévaloir d’une exception à la violation du droit d’auteur, à cause de la locution conjonctive « à la fois » employée pour relier les alinéas. Par conséquent, la seule raison pour laquelle la Cour suprême a pu conclure que le paragraphe 31(2) prévoyait plus d’une exception était qu’elle pensait que les signaux locaux et les signaux éloignés devaient être traités différemment.
[68] Deuxièmement, une interprétation de l’alinéa d) qui exclurait les signaux éloignés ne ferait que rendre redondante la locution conjonctive « ou » à l’alinéa a). Les alinéas a), b), c) et e) n’établissent pas de distinction entre les signaux locaux et les signaux éloignés. La seule différence entre les deux types de signaux au paragraphe 31(2) est exprimée à l’alinéa d). C’est donc dire que le législateur a établi une distinction entre les types de signaux à l’alinéa a), puisqu’ils sont traités différemment à l’alinéa d).
[69] Troisièmement, la règle d’interprétation législative expressio unius est exclusio alterius laisse croire que, puisque le législateur a dit expressément que des redevances devaient être versées pour la retransmission de signaux éloignés, il voulait également dire qu’aucune redevance ne devait être versée pour les signaux locaux.
[70] Quatrièmement, la Loi sur le droit d’auteur utilise le terme « redevance » (ou « redevances ») abondamment — plus de 60 fois. Si le législateur avait voulu que des redevances soient versées pour la retransmission des signaux locaux, il aurait pu facilement l’indiquer. Il ne l’a pas fait.
[71] Je conclus donc que l’intention du législateur était que les redevances dont il est question à l’alinéa 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur ne visent que les signaux éloignés, et non les signaux locaux.
[72] Compte tenu de cette conclusion, j’estime que l’ordonnance du CRTC est ultra vires. Le législateur a délégué des pouvoirs au CRTC lorsqu’il a adopté la Loi sur la radiodiffusion. Or, cette délégation de pouvoirs n’est pas absolue : « Le délégataire est naturellement toujours subordonné parce que la délégation peut être limitée et retirée » (R. c. Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89, à la page 104; voir aussi Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc., 2001 CSC 92, [2001] 3 R.C.S. 978, au paragraphe 17).
[73] L’intention du législateur, énoncée expressément à l’alinéa 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur, voulant que des redevances soient versées pour la retransmission des signaux éloignés et, implicitement qu’aucune redevance ne soit versée pour la retransmission des signaux locaux, vient clairement limiter le pouvoir du CRTC d’imposer des conditions en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Ainsi, puisque l’ordonnance contrevient à l’intention du législateur, elle excède la compétence du CRTC.
[74] Je commenterai maintenant deux déclarations de ma collègue. Premièrement, elle conclut qu’à l’alinéa 31(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur, le législateur a conféré au CRTC le pouvoir de limiter les droits de transmission visés au paragraphe 31(2) en précisant que ces transmissions doivent être « licite[s] en vertu de la Loi sur la radiodiffusion ». Si les EDR ne respectent pas les conditions imposées par le CRTC, y compris le régime CVS, elles cessent alors d’avoir légitimement accès aux ondes. Selon ma collègue, il ressort également de la disposition que le législateur a fait passer les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion avant les droits de retransmission créés en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.
[75] Avec déférence, je ne suis pas d’accord. Les alinéas b) et d) du paragraphe 31(2) sont reliés par la locution conjonctive « à la fois ». À mon avis, le libellé et la structure de cette disposition indiquent qu’il s’agit de conditions égales auxquelles il faut toutes deux satisfaire avant qu’une exception à la violation du droit d’auteur soit reconnue. Rien n’indique cependant que l’on puisse interpréter l’alinéa b) comme s’il avait préséance sur l’alinéa d). Les deux dispositions s’appliquent avec une force égale.
[76] Autrement dit, le CRTC ne pouvait pas exercer le pouvoir de réglementer le caractère licite d’une retransmission que lui confère la Loi sur la radiodiffusion afin d’accorder une exception à la violation du droit d’auteur pour des retransmissions non simultanées, contrairement à l’alinéa c). De même, le CRTC ne pouvait pas exercer son pouvoir sur la radiodiffusion pour déclarer qu’aucune redevance ne devait être versée pour la retransmission de signaux éloignés, contrairement à l’alinéa d). J’estime que cette interprétation est bien fondée parce qu’il serait contraire au principe de la souveraineté du Parlement qu’un organisme de réglementation puisse exercer un pouvoir qui lui a été délégué pour déroger à un énoncé législatif clair du législateur.
[77] L’interprétation que donne la juge Sharlow de l’alinéa 31(2)b) fait en sorte que l’alinéa 31(2)d) permettrait uniquement l’imposition de redevances pour la retransmission de signaux éloignés et non pour la retransmission de signaux locaux, à moins que le CRTC n’en décide autrement. Avec déférence, cette interprétation est erronée.
[78] De plus, le régime CVS ressemble, à plusieurs égards, au régime de paiement de redevances pour les signaux éloignés. Les deux régimes prévoient le versement d’une redevance — c’est-à-dire qu’il y a une contrepartie pour l’usage d’un bien : voir Mobil Oil Canada, Ltd. c. Canada, 2001 CAF 333, aux paragraphes 17 et 18. Sous le régime CVS, cette contrepartie est négociée sur une base individuelle entre chaque radiodiffuseur local et chaque EDR : ordonnance, au paragraphe 7. S’agissant du régime des signaux éloignés, les redevances sont déterminées soit au moyen d’un tarif déposé par la société de gestion qui représente les radiodiffuseurs, soit au moyen d’une entente négociée, sur une base individuelle, entre la société de gestion et les retransmetteurs : la Loi sur le droit d’auteur, alinéa 70.1c) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 10, art. 16; 1997, ch. 24, art. 46] et articles 70.13 [édicté, idem] et 70.191 [édicté, idem].
[79] Dans les deux régimes, le bénéficiaire et le payeur sont les mêmes. Sous le régime CVS, les radiodiffuseurs locaux sont payés pour leurs signaux par les EDR, ou ils reçoivent de celles‑ci d’autres contreparties de valeur : ordonnance, au paragraphe 7. Sous le régime des signaux éloignés, le « radiodiffuseur » reçoit la redevance fixée en vertu de l’alinéa 31(2)d), ou l’autre contrepartie en vertu d’une entente distincte, parce que le radiodiffuseur a le droit exclusif d’autoriser une autre personne à reproduire son signal : la Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 21(1) et alinéa 31(2)d). Le payeur est le retransmetteur.
[80] Dans les deux régimes, l’obligation de payer porte sur la même activité. Sous le régime CVS, l’EDR est tenue de payer parce qu’elle retransmet le signal des radiodiffuseurs locaux : ordonnance, au paragraphe 7. Sous le régime des signaux éloignés, le retransmetteur est tenu de payer parce qu’il retransmet le signal du radiodiffuseur : la Loi sur le droit d’auteur, paragraphes 21(1) et 31(2).
[81] Dans les deux régimes, le bien protégé est le même. Sous le régime CVS, ce sont les signaux des radiodiffuseurs locaux qui font l’objet du paiement : ordonnance, au paragraphe 7. Sous le régime des signaux éloignés, le retransmetteur paie pour avoir accès au signal du radiodiffuseur : la Loi sur le droit d’auteur, paragraphes 21(1) et 31(2).
[82] Il existe par ailleurs des différences entre les deux régimes. Sous le régime CVS, la redevance est établie à l’issue d’une négociation directe entre chaque radiodiffuseur local et chaque EDR : ordonnance, au paragraphe 7. Par conséquent, le type de contrepartie peut, théoriquement, varier d’une entente à l’autre. Sous le régime des signaux éloignés, la société de gestion peut ou bien déposer un tarif qui s’applique à tous les utilisateurs, ou bien conclure une entente avec chaque utilisateur : la Loi sur le droit d’auteur, articles 70.12 [édicté, idem] et 70.191 [édicté, idem]. Il s’ensuit que la contrepartie peut être la même, si le tarif s’applique, ou différer, si des ententes individuelles sont conclues. Cette différence est principalement une différence de forme et est donc sans importance, si l’on considère le grand nombre de ressemblances substantielles entre les deux régimes.
[83] Une deuxième différence (potentielle) est la distinction que la juge Sharlow établit entre la politique canadienne de radiodiffusion et la politique canadienne sur le droit d’auteur. Selon elle, l’alinéa 31(2)b) est une expression de la politique de radiodiffusion alors que l’alinéa 31(2)d) est une expression de la politique sur le droit d’auteur : motifs, aux paragraphes 38 à 40, 43 et 44. Elle estime donc que même si le régime CVS établit essentiellement des redevances pour les signaux locaux, ces redevances constituent une expression de la politique de radiodiffusion et ne sauraient contrevenir à la politique sur le droit d’auteur exprimée par le législateur.
[84] Avec le plus grand des respects, je ne suis pas d’accord. L’analyse ci-dessus montre, à mon avis, que le régime CVS ressemble beaucoup plus au régime des signaux éloignés établi par la Loi sur le droit d’auteur qu’il n’en diffère. Les deux régimes prévoient le versement d’une redevance entre les mêmes parties pour la même activité qui a trait au même bien protégé. Ils sont fonctionnellement équivalents, malgré leurs légères différences de forme.
[85] Il résulte de cette équivalence fonctionnelle que le régime CVS excède la compétence du CRTC. Dans l’arrêt Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, [2002] 2 R.C.S. 336, la Cour suprême a dit, au paragraphe 5, que « [d]ans notre pays, le droit d’auteur tire son origine de la loi, et les droits et recours que celle‑ci prévoit sont exhaustifs » : voir aussi la Loi sur le droit d’auteur, article 89 [édicté, idem, art. 50]. Malgré l’exhaustivité du régime législatif sur le droit d’auteur, le CRTC, par son ordonnance, tente de créer une redevance qui, essentiellement, est celle que le législateur a de fait interdite à l’alinéa 31(2)d) de la Loi sur le droit d’auteur. Étant donné cette incompatibilité entre la Loi sur le droit d’auteur et l’ordonnance du CRTC, cette dernière doit céder le pas.
[86] J’aimerais également commenter les remarques formulées par ma collègue au paragraphe 42 de ses motifs, où elle dit « il importe peu [que le régime CVS] puisse être [qualifié] d’obligation de payer une redevance ». À l’appui de cette proposition, la juge Sharlow dit que les EDR n’ont pas contesté le pouvoir du CRTC de leur imposer la série d’obligations réglementaires qui leur incombent, notamment le versement d’une contrepartie non monétaire ainsi que monétaire. À son avis, comme ces règlements sont probablement valides et que les obligations imposées par le régime CVS diffèrent de ces obligations réglementaires seulement quant à la forme et non au fond, le régime CVS doit être valide.
[87] Je ne suis pas d’accord. Nous ne sommes pas saisis de la question de la validité des règlements actuels du CRTC. Le présent renvoi a été soumis à la Cour directement par le CRTC et ne vise qu’à déterminer si l’adoption du régime CVS par le CRTC est valide. Par conséquent, les règlements actuels excèdent le cadre du renvoi. Autrement dit, la question de savoir si les règlements actuels sont valides n’est pas pertinente pour répondre à la question posée par le CRTC.
[88] Je répondrais par conséquent à la question posée par le CRTC de la manière suivante :
La Loi sur la radiodiffusion ne confie pas au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le pouvoir d’établir un régime permettant aux stations privées de télévision locale de choisir de négocier avec les entreprises de distribution de radiodiffusion une juste valeur en échange de la distribution des services de programmation diffusée par ces stations de télévision locales.