[2012] 2 R.C.F. 48
IMM-5285-09
2010 CF 1024
Afshin Zare (demandeur)
c.
Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Zare c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Mandamin—Toronto, 22 juillet; Ottawa, 20 octobre 2010.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agente des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur parce que ce dernier avait omis de répondre à la demande de renseignements transmise par courriel — L’agente des visas avait transmis un courriel au mandataire du demandeur et avait reçu une notification d’état de remise indiquant que le courriel avait été acheminé — Le mandataire a déclaré qu’il n’a jamais reçu la demande envoyée par courriel — Il s’agissait de savoir si la transmission par courriel a privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale — Le demandeur n’avait pas reçu le courriel de l’agente des visas et n’avait pas été avisé de l’exigence de fournir des renseignements supplémentaires — La notification d’état de remise indiquait que le courriel avait été relayé et non pas reçu — Certains éléments de preuve en l’espèce indiquaient que la communication avait échoué — Le bureau des visas de Varsovie n’a pas mis en place de mesures de protection pour parer à la possibilité de défaillance de la transmission des courriels — L’omission de communiquer dûment la demande a donc entraîné un manquement à l’équité procédurale — Demande accueillie.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agente des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié du demandeur parce que ce dernier avait omis de répondre à la demande de renseignements que l’agente des visas avait transmise par courriel.
La demande de visa du demandeur a d’abord été traitée au bureau des visas de Damas, où des documents ont été échangés par courriel avec le mandataire du demandeur. Le dossier du demandeur a été transféré au bureau des visas à Varsovie, et une agente des visas de ce bureau a transmis un courriel au mandataire pour demander des renseignements supplémentaires concernant l’expérience de travail du demandeur et indiquant au mandataire que le dossier avait été transféré. Le bureau des visas de Varsovie a reçu une notification d’état de remise indiquant que le courriel avait été acheminé à l’adresse électronique du mandataire. Lorsqu’elle n’a pas reçu de réponse, l’agente des visas a rejeté la demande et a transmis par la poste la lettre de refus au mandataire. Celui-ci a déclaré qu’il n’a jamais reçu la demande envoyée par courriel et que ce n’est que lorsqu’il a reçu la lettre de refus de l’agente des visas qu’il a appris que le dossier avait été transféré.
La question à trancher était celle de savoir si la transmission par courriel de la demande de fournir des renseignements supplémentaires a privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale.
Jugement : la demande doit être accueillie.
Le mandataire, et par conséquent le demandeur, n’a pas reçu le courriel de l’agente des visas et il n’a pas été avisé de l’exigence de fournir des renseignements supplémentaires. Le libellé de la notification d’état ne signifiait pas que le message avait été reçu par le mandataire. Elle indiquait que le courriel avait été relayé et non pas reçu et elle ne pouvait donc pas être prise comme preuve de la remise du courriel. Bien que le risque de défaut de livraison repose sur les épaules du demandeur lorsqu’une lettre est envoyée correctement par un agent des visas à une adresse fournie par un demandeur et qu’il n’y a aucun indice de la possibilité que la communication ait échoué, certains éléments de preuve en l’espèce indiquaient que la communication avait échoué. Bien que l’agente des visas ait agi de bonne foi en envoyant la demande par courriel, le défendeur a l’obligation de traiter le demandeur avec équité, ce qui va au‑delà de simplement appuyer sur la touche d’envoi des courriels. Le protocole sur les communications par courriel avec les clients de Citoyenneté et Immigration Canada autorise la transmission de renseignements par courriel, mais il ne rend pas obligatoires les mesures visant à assurer la fiabilité des transmissions par courriel de communications cruciales. Le fait que les demandeurs se soustraient aux communications par courriel n’est pas la solution au risque de défaillance de transmission des courriels. Cela irait à l’encontre de l’objet du protocole visant l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et serait contraire à l’objet prévu par la loi de traitement efficace des demandes de visa exposé à l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La solution consiste à trouver une stratégie pour traiter les erreurs occasionnelles qui surviennent avec les courriels, notamment lorsqu’un demandeur a fait tout son possible pour s’adapter à ce type de communication. Le bureau des visas de Varsovie n’a pas mis en place de mesures de protection pour parer à la possibilité de défaillance de la transmission des courriels contrairement au bureau des visas de Damas qui avait auparavant à la fois envoyé par courriel et mis à la poste une demande visant à obtenir des documents. L’omission de communiquer dûment la demande a donc entraîné un manquement à l’équité procédurale.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 16, 72(1).
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 83.
JURISPRUDENCE CITÉE
décision appliquée :
Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 935.
décisions examinées :
Abboud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 876; Alavi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 969.
décisions citées :
Yazdani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 885; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Rahim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1252; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1284; Ilahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1399; Shah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 207; Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 124; Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 75.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agente des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié du demandeur parce que ce dernier avait omis de répondre à la demande de renseignements que l’agente des visas avait transmise par courriel. Demande accueillie.
ONT COMPARU
Max Chaudhary pour le demandeur.
Marina Stefanovic pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Chaudhary Law Office, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le juge Mandamin : Afshin Zare a demandé, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le contrôle judiciaire de la décision, datée du 27 août 2009, par laquelle une agente des visas a rejeté sa demande de visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié. L’agente des visas a rejeté la demande parce que le demandeur a omis de fournir certains documents exigés par la demande de renseignements que l’agente des visas a transmise par courriel.
[2] La présente affaire vise une demande de visa de résident permanent déposée par le demandeur au bureau des visas à l’ambassade du Canada à Damas. Le dossier de demande a été transféré du bureau des visas de Damas au bureau des visas de l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne. La question concerne le courriel du 26 juin 2009 de l’agente des visas à Varsovie demandant des renseignements supplémentaires concernant l’expérience professionnelle du demandeur à titre de pharmacien. Le demandeur n’y a pas répondu, mais il soutient que son mandataire n’a pas reçu la demande envoyée par courriel.
[3] La question vise la même situation que celle de six autres demandes de contrôle judiciaire récentes qui ont été réunies sous l’affaire Yazdani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 885, et sous deux autres affaires, Abboud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 876 et Alavi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 969. Toutes ces affaires visaient des courriels errants qui avaient été envoyés du bureau des visas à Varsovie et que les représentants respectifs des demandeurs n’avaient pas reçus.
[4] Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire.
Contexte
[5] Le 19 février 2004, le demandeur, Afshin Zare, a présenté, à l’ambassade du Canada à Damas, en Syrie, une demande de visa de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie « immigration économique ». Le bureau des visas de Damas a été avisé par télécopieur qu’Amirsalam & Damitz (le mandataire) étaient les nouveaux représentants du demandeur. Le mandataire a fourni une adresse d’affaires ainsi qu’une adresse électronique.
[6] Le 25 avril 2008, le mandataire a envoyé par courriel au bureau des visas de Damas un formulaire intitulé « Recours aux services d’un représentant » signé par le demandeur et qui incluait l’adresse électronique du mandataire. Le mandataire a fait part du souci du demandeur concernant la mise à jour des renseignements pour le joindre, a demandé la correction de l’adresse postale et du numéro de téléphone du demandeur et a demandé un accusé de réception du message.
[7] Le 5 juin 2008, le bureau des visas de Damas a répondu par courriel au mandataire que la demande était toujours à la phase préliminaire d’évaluation.
[8] Le 21 septembre 2008, l’agent des visas du bureau des visas de Damas a envoyé au mandataire, par courriel et par la poste, une demande mise à jour et des documents justificatifs. Le mandataire a présenté la mise à jour de la demande et les documents au bureau des visas de Damas le 24 décembre 2008.
[9] Le 26 mai 2009, le dossier du demandeur a été transféré du bureau des visas de Damas au bureau des visas de l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, dans le cadre des mesures prises par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en vue d’accélérer le traitement des dossiers accusant un grand retard. C’est le bureau des visas de Varsovie qui s’est occupé du traitement du dossier du demandeur à partir de ce moment-là.
[10] Le 26 juin 2009, l’agente des visas de Varsovie a constaté que le demandeur était un pharmacien autonome et a demandé des documents supplémentaires concernant son expérience professionnelle. L’agente a transmis une demande par courriel, à l’adresse électronique du mandataire, dans laquelle elle requérait du demandeur qu’il présente une preuve de l’existence de son entreprise et d’autres documents connexes.
[11] Dans le courriel du 26 juin 2009, l’agente des visas a indiqué que le dossier du demandeur avait été transféré au bureau des visas de Varsovie et a enjoint au demandeur de présenter les documents demandés dans un délai de 60 jours à compter de la date du courriel. L’agente a indiqué que si les renseignements n’étaient pas fournis, une décision serait prise en fonction des documents dont elle disposait.
[12] Après l’envoi du courriel, le bureau des visas de Varsovie a reçu une notification d’état de remise indiquant que le courriel du 26 juin 2009 avait été acheminé à l’adresse électronique du mandataire. La partie pertinente de cette notification prenait la forme suivante :
[traduction]
De : POSTMASTER (AITE)
Envoyé : 26 juin 2009 8 h 34
[…]
Objet : Notification d’état de remise (relais)
Pièces jointes : ATT343272.txt; FICHIER B046073226 NOMS : ZARE, AFSHIN
[…]
Cette notification d’état de remise est générée automatiquement.
Votre message a été correctement relayé aux destinataires suivants, mais il se peut que la destination ne génère pas les notifications d’état de remise demandées.
canimmig@idirect.com
[13] Ni le demandeur ni son mandataire n’ont répondu.
[14] Puisqu’il n’y a eu aucune réponse à la demande envoyée par courriel le 26 juin 2009, l’agente des visas a évalué la demande en fonction des renseignements versés au dossier. Le 27 août 2009, en partie en raison de l’omission de fournir les documents demandés concernant l’expérience professionnelle du demandeur, l’agente des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent. Elle a transmis par la poste la lettre de refus au mandataire expliquant l’évaluation défavorable.
[15] Le 23 septembre 2009, le mandataire a envoyé un courriel au bureau des visas de Damas pour savoir où en était le traitement de la demande du demandeur. Six jours plus tard, soit le 29 septembre 2009, le mandataire a reçu la lettre de refus de l’agente des visas qui avait été mise à la poste. Selon le mandataire, ce n’est qu’alors qu’il a appris que le dossier du demandeur avait été transféré au bureau des visas de l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne.
[16] Le mandataire déclare qu’il n’a jamais reçu la demande envoyée par courriel le 26 juin 2009. Il a demandé que l’agente des visas réexamine la demande, mais elle aurait refusé de le faire au motif qu’il avait reçu le courriel du 26 juin 2009.
La décision faisant l’objet du présent contrôle
[17] Voici des extraits de la lettre de refus de l’agente des visas, datée du 27 août 2009 :
[traduction] De plus, on vous a demandé, dans une lettre datée du 26 juin 2009, de fournir dans un délai de 60 jours des éléments de preuve supplémentaires concernant votre expérience professionnelle à titre de travailleur autonome. Nous n’avons cependant reçu aucune réponse de votre part. Compte tenu de votre omission de fournir les renseignements demandés par lettres en date du 21 septembre 2008 et du 26 juin 2009, je ne suis pas convaincue que vous répondez à la deuxième ou troisième partie des exigences susmentionnées concernant la profession de pharmacien (CNP 3131) que vous avez déclarée parce que les renseignements fournis ne me convainquent pas que vous répondez aux exigences minimales de l’article 75 du Règlement à l’égard de cette profession.
[…]
Après avoir examiné votre demande, je ne suis pas convaincue que vous répondez aux exigences de la Loi et du Règlement pour les motifs expliqués ci‑dessus. Je rejette donc votre demande.
[18] Il est clair que l’agente des visas jugeait que l’omission du demandeur de fournir les renseignements demandés dans le courriel du 26 juin 2009 constituait un élément important de la décision de refus.
Norme de contrôle
[19] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a dit que la cour de révision n’a pas toujours à se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle et qu’elle peut voir si la norme de contrôle a déjà été établie dans des décisions antérieures.
[20] La question de savoir si un agent d’immigration a donné au demandeur une possibilité réelle de répondre aux préoccupations de l’agent des visas est une question d’équité procédurale (Rahim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1252, au paragraphe 12).
[21] La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1284).
Disposition législative
[22] La disposition applicable de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) est rédigée comme suit :
16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis. |
Obligation du demandeur |
Question en litige
[23] J’estime que la question à trancher dans la présente demande est la suivante :
La transmission par courriel de la demande de fournir des renseignements supplémentaires a‑t‑elle privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale?
Analyse
[24] Pour les motifs qui suivent, je conclus que le courriel de Varsovie du 26 juin 2009 envoyé par l’agente des visas à Varsovie n’a pas été reçu par le mandataire.
[25] Le mandataire du demandeur a déclaré dans un affidavit qu’il n’a pas reçu le courriel du 26 juin 2009. Il a présenté une preuve d’expert à l’appui de sa demande.
[26] Ray Xiangyang Wang est un informaticien qui compte 10 années d’études universitaires dans le domaine des sciences informatiques et est titulaire d’un baccalauréat en sciences, d’une maîtrise en sciences et d’un doctorat. Il travaille dans le domaine depuis 17 ans et a occupé des postes de programmeur, gestionnaire de projets, analyste en informatique de gestion et consultant en applications. Ses titres de compétences n’ont pas été contestés et il n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit. Je suis disposé à l’accepter comme expert possédant des connaissances en sciences informatiques et il peut offrir un témoignage d’opinion à propos de l’utilisation des communications par courriel.
[27] M. Wang a déclaré qu’un courriel est livré par protocole SMTP [protocole de transfert de courrier simple] par l’entremise de fournisseurs d’accès Internet. Selon lui, [traduction] « [o]n sait fort bien que le service de courrier initial offre des mécanismes limités pour assurer le suivi d’un message transmis et n’offre aucun mécanisme pour vérifier qu’il a été remis ou lu. Ainsi, chaque serveur de courrier doit poursuivre l’envoi ou envoyer un avis d’échec (avis de non‑livraison), mais les bogues logiciels et les défaillances du système peuvent tous deux causer la perte des messages. »
[28] Le défendeur a fourni un affidavit souscrit par l’agente des visas qui a déclaré que CIC a mis en œuvre un protocole sur les communications par courriel avec les clients et qu’il (vraisemblablement le bureau des visas de Varsovie) utilisait des courriels pour correspondre avec les clients depuis 2006. Les courriels sont le moyen de communication privilégié lorsqu’une adresse électronique est fournie par les clients parce qu’ils sont rapides et économiques. L’agente des visas soutient qu’à l’envoi d’un courriel, le bureau des visas demande un avis de livraison; il s’agit d’une notification d’état de remise.
[29] L’agente soutient qu’elle est conseillée par le personnel chargé de la TI et qu’elle croit sincèrement que les renseignements et opinions donnés sont véridiques. Elle répète alors certains renseignements fournis par le personnel chargé de la TI :
[traduction] Je suis conseillée par les membres de notre personnel chargé de la TI et je crois sincèrement que si notre courriel n’est pas remis, nous recevons habituellement un courriel indiquant que le message n’a pas été remis […]
Les membres de notre personnel chargé de la TI m’ont dit, et je crois sincèrement, que la notification d’état de remise signifie que le courriel a été reçu par le serveur du demandeur pour envoi à l’adresse canimmig@direct.com.
[30] Dans une demande telle que la présente, l’auteur d’un affidavit doit pouvoir être interrogé sur son affidavit, comme le prévoit la règle 83 des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] qui exige que l’auteur d’un affidavit puisse être contre‑interrogé. La personne qui est la source de l’opinion d’expert, le spécialiste de la TI, devrait pouvoir être contre‑interrogée sur l’affidavit, mais en l’espèce, la source de cette opinion d’expert ne peut être interrogée. Cette façon indirecte de présenter un témoignage d’opinion d’expert au moyen de renseignements et de croyances dans un affidavit est inadmissible puisqu’il est impossible de déterminer les connaissances que possède l’expert ou de mettre à l’épreuve les faits sur lesquels se fonde l’opinion d’expert.
[31] Par conséquent, l’opinion d’expert de M. Wang n’est pas contestée. D’après son témoignage, des courriels peuvent être perdus sans être remis aux destinataires ou sans qu’un avis d’échec soit envoyé à l’expéditeur.
[32] De plus, il est possible de tenir compte du libellé de la notification d’état de remise. Le fait que le défendeur s’appuie sur celle‑ci comme preuve de remise n’est pas étayé par le libellé de la notification d’état de remise elle‑même. Il ressort clairement du libellé que la notification d’état de remise du 26 juin 2009 reçue en réponse ne signifiait pas que le message avait été reçu par le mandataire. Cette notification indique que le courriel a été relayé et non pas reçu. Elle ne peut pas, sans plus d’indications, être prise comme preuve de la remise du courriel à l’adresse électronique du destinataire.
[33] Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le mandataire n’a pas reçu la demande envoyée par courriel le 26 juin 2009 pour les raisons suivantes :
a. le mandataire a auparavant correspondu avec succès par courriel avec le bureau des visas de Damas;
b. le mandataire a transmis au bureau des visas de Damas le souci du demandeur concernant le maintien de la mise à jour des renseignements pour le joindre;
c. le mandataire a répondu au courriel du 26 septembre 2008 envoyé par le bureau des visas de Damas et à la demande transmise par la poste visant à obtenir une mise à jour de la demande et des documents;
d. le mandataire attendait des renseignements supplémentaires à propos de la demande, comme le montre son courriel envoyé au bureau des visas de Damas le 23 septembre 2009, qui visait à savoir où en était le traitement de la demande du demandeur (ce courriel a été envoyé avant la réception, le 29 septembre 2009, de la lettre de refus de l’agente des visas de Varsovie envoyée par la poste);
e. le mandataire déclare dans un affidavit qu’il n’a jamais reçu le courriel du 26 juin 2009, et cette affirmation n’a pas été contestée par un contre‑interrogatoire sur son affidavit;
f. le libellé de la notification d’état de remise indique, au mieux, que le courriel a été relayé mais ne confirme pas que le courriel a été reçu;
g. l’expert du demandeur était d’avis que les courriels peuvent se perdre en raison de bogues logiciels et de défaillances du système sans qu’un avis d’échec de remise soit envoyé à l’expéditeur.
[34] Je suis convaincu que le courriel du mandataire fonctionnait adéquatement et que le mandataire s’occupait adéquatement de la demande de visa de résident permanent du demandeur. Je conclus que le mandataire, et par conséquent le demandeur, n’a pas reçu le courriel du 26 juin 2009 et qu’il n’a donc pas été avisé de l’exigence de fournir des renseignements supplémentaires.
[35] Une demande de renseignements supplémentaires formulée par un agent des visas constitue une étape importante du processus de demande de visa. Le paragraphe 16(1) de la LIPR prévoit ce qui suit : « L’auteur d’une demande [...] doit [...] donner [...] tous éléments de preuve pertinents et [...] documents requis. » En omettant de répondre à une demande, un demandeur ne se conforme pas à la Loi.
[36] La jurisprudence relative aux courriels suit la jurisprudence établie à l’égard des transmissions par courrier et par télécopieur. Le demandeur a le fardeau d’assurer que sa demande est complète et, lorsqu’il fournit une adresse, qu’il s’agisse d’une adresse postale, d’un numéro de télécopieur ou d’un courriel, le demandeur assume le risque de défaut de livraison pourvu que rien ne tende à indiquer que la communication a échoué (Ilahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1399; Shah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 207; Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 124; Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 935; Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 75).
[37] Dans les affaires susmentionnées, le litige repose sur une conclusion de faute de la part de l’une des parties. Dans les cas où l’agent des visas n’était pas en mesure de prouver qu’il avait envoyé l’avis en question, le défendeur devait assumer les risques des communications non reçues (Ilahi). Dans les cas où l’agent des visas avait prouvé qu’il avait envoyé l’avis, mais que la communication avait échoué en raison d’une erreur de la part du demandeur (tel qu’un changement d’adresse électronique ou le blocage par un filtre de pourriel), le demandeur devait assumer le risque (Kaur).
[38] La décision Kaur concernait des communications par courriel. Dans cette affaire, le juge Barnes a énoncé une réserve à l’égard du fardeau du demandeur. Il a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :
En résumé, lorsqu’une lettre est envoyée correctement par un agent des visas à une adresse (électronique ou autre) fournie par un demandeur, que cette adresse n’a pas fait l’objet d’une révocation ou d’une révision, et qu’on n’a reçu aucun indice de la possibilité que la communication ait échoué, le risque de défaut de livraison repose sur les épaules du demandeur, et non du défendeur. [Non souligné dans l’original.]
Dans la présente affaire, certains éléments de preuve tendent à indiquer que la communication cruciale du 26 juin 2009 par courriel a échoué.
[39] Faisant valoir qu’il ne devrait pas assumer le risque d’une défaillance d’une communication par courriel, le défendeur soutient que l’obligation d’équité procédurale se limite aux cas des demandes de visa de résident permanent présentées à l’extérieur du Canada qui indiquent que l’article 16 de la LIPR exige qu’une personne qui cherche à obtenir un visa d’entrée fournisse tous les documents pertinents requis. Cette exigence s’appuie toutefois sur la prémisse que le demandeur a réellement reçu la demande de l’agente.
[40] Il se peut que l’agente ait envoyé le courriel, mais j’ai conclu que la preuve n’établit pas qu’il est parvenu au demandeur. Bien que je sois convaincu que l’agente des visas a agi de bonne foi en envoyant la demande par courriel, le défendeur a l’obligation de traiter le demandeur avec équité, ce qui va au‑delà de simplement appuyer sur la touche d’envoi des courriels.
[41] Le défendeur soutient que, compte tenu des pratiques relatives à l’équité procédurale, il faut prendre en considération le nombre considérable de demandes de visa traitées par les bureaux des visas comme l’a souligné le juge Barnes dans la décision Zhang. Le défendeur affirme que le risque pourrait être réduit si un demandeur ou son représentant choisissait de ne pas communiquer par courriel.
[42] Dans Abboud, décision rendue après la présentation des observations du défendeur, la juge Tremblay‑Lamer a statué, compte tenu de la preuve dont elle était saisie, qu’elle n’était pas convaincue que la demande de renseignements supplémentaires avait bien été envoyée. Elle a reconnu que la notification d’état de remise ne constituait pas une preuve que le message s’était vraiment rendu au destinataire et a accueilli la demande de contrôle judiciaire en raison d’un manquement à l’équité procédurale.
[43] Le défendeur a cherché à établir une distinction avec cette affaire en soutenant que la preuve d’expert dans la décision Abboud consistait à montrer que le courriel n’avait pas été reçu à destination, alors qu’en l’espèce, le demandeur prétend uniquement que la notification d’état de remise ne constitue pas une façon sûre de s’assurer que le courriel a été reçu. Selon le défendeur, l’agent des visas a compris à juste titre que la notification d’état de remise était un indice que le message avait bien été envoyé. Le défendeur poursuit en disant que cela n’est pas différent du courrier mis à la poste par opposition au courrier recommandé et déclare que, selon la jurisprudence, le risque de défaut de réception des lettres selon le mode de communication repose sur les épaules du demandeur et le défendeur n’a aucunement le fardeau de s’assurer que les lettres ont bel et bien été reçues.
[44] La distinction que le défendeur tente de faire à l’égard de la preuve concernant la signification de la notification de l’état de remise ne tient pas compte tenu de la preuve. En l’espèce, le mandataire a témoigné qu’il n’a pas reçu la demande du 26 juin 2009 envoyée par courriel et le témoin expert, M. Wang, a déclaré qu’il était possible que des courriels ne soient pas remis en raison de bogues logiciels ou de défaillances du système. La notification d’état de remise elle‑même indique uniquement que les courriels ont été relayés et non qu’ils ont été reçus. Enfin, la souscriptrice de l’affidavit du défendeur, l’agente des visas, n’est pas compétente pour présenter une opinion d’expert selon laquelle une notification d’état de remise confirme qu’un courriel a été relayé avec succès au serveur du destinataire. Pour répondre à l’argument du défendeur, je suis saisi d’éléments de preuve que j’ai admis selon lesquels le courriel n’a pas été reçu par le mandataire.
[45] Dans la décision Alavi, le juge Hughes, ayant le bénéfice des décisions qui précèdent, a déclaré ce qui suit [au paragraphe 5] :
[traduction] Le principe qui se dégage de ces décisions, qui visent toutes des communications envoyées par l’ambassade traitant la demande au demandeur ou au représentant du demandeur, est que le prétendu « risque » présenté par le défaut d’envoi de la communication doit être assumé par le ministre s’il ne peut pas prouver que la communication en cause a été envoyée par ses représentants. Cependant, une fois que le ministre prouve que la communication a bien été envoyée, le demandeur assume le risque présenté par le défaut de réception de la communication.
[46] Le juge Hughes a poursuivi en disant ce qui suit [au paragraphe 7] :
[traduction] Un document qui prétend être une notification d’état de remise de courriel tel que celui qui concerne les fichiers ne constitue pas en soi une preuve de remise, il prouve uniquement l’existence d’un tel document dans les archives. En cas de litige, comme en l’espèce, une preuve adéquate au moyen d’un affidavit souscrit par une personne qui connaît la question est nécessaire pour prouver les faits.
[47] Il est allé plus loin et a conclu ceci, eu égard à la preuve [au paragraphe 11] : [traduction] « Compte tenu du témoignage assermenté favorable présenté pour le compte de la demanderesse et de l’absence de preuve de la part du défendeur, je peux uniquement conclure que la communication du 29 juin 2009 n’a jamais été reçue par M. Green et que rien ne démontre qu’elle a été envoyée. »
[48] À mon avis, une partie du débat à l’égard de ces questions découle de la signification attribuée au mot « envoyé ». Dans le présent contexte, j’estime qu’« envoyer » veut dire transmettre un message au destinataire prévu avec l’attente raisonnable que le message arrivera à destination. Pour reprendre l’analogie présentée plus tôt par le défendeur, lorsqu’une lettre est mise à la poste, il y a une attente raisonnable qu’elle sera livrée. Toutefois, si le bureau de poste local est détruit dans un incendie, l’attente de livraison ne se réalisera pas. Lorsqu’un agent des visas envoie un courriel à un demandeur qui a fourni une adresse électronique, il existe une présomption que le courriel a été acheminé au destinataire prévu. Toutefois, lorsque le demandeur prouve au moyen d’éléments de preuve crédibles que le courriel n’a pas été reçu, la présomption est réfutée et il faut plus d’éléments pour établir que la demande envoyée par courriel a été communiquée ou dûment envoyée.
[49] L’article 16 de la LIPR vise la demande d’un agent des visas faite à un demandeur. Une demande envoyée par courriel qui se perd n’est pas une demande faite à un demandeur au sens de l’article 16. Il est possible d’affirmer, comme je le fais, que la demande n’a pas été dûment envoyée.
[50] De plus, une autre considération découle de la décision de CIC d’utiliser les communications par courriel dans le traitement des demandes d’immigration.
[51] Les objets prévus par la LIPR, plus particulièrement l’alinéa 3(1)f), sont rédigés comme suit :
3. (1) […] f) d’atteindre, par la prise de normes uniformes et l’application d’un traitement efficace, les objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral après consultation des provinces; |
Objet en matière d’immigration |
[52] CIC a un protocole sur les communications par courriel avec les clients. Les objectifs du protocole concordent avec les objectifs prévus par la LIPR. Le protocole prévoit ce qui suit :
Le but de ce protocole consiste à créer un cadre de mise en œuvre pour les communications par courriel avec les clients, qui n’aura pas une incidence négative sur la protection des renseignements personnels des clients ou des employés et qui ne mettra pas inutilement à contribution les ressources de CIC.
[…] le présent Protocole sur les communications par courriel avec les clients cherche également à améliorer le service à la clientèle en offrant, entre autres :
• de meilleurs délais de réponse aux demandes de renseignements des clients;
• des temps de réponse plus courts en matière de demandes de renseignements;
• une efficacité opérationnelle accrue.
Le protocole de CIC reconnaît que les communications par courriel avec les clients constituent un avantage pour le défendeur ainsi que pour les demandeurs en ce qu’elles améliorent les taux de réponse, raccourcissent les délais de réponse et favorisent l’efficacité opérationnelle.
[53] Le protocole de courriel de CIC prévoit également ce qui suit :
• Le protocole porte sur les communications par courriel entre CIC et ses clients individuels ou leurs représentants autorisés seulement.
• Les bureaux de CIC peuvent communiquer par voie électronique avec l’agrément du client, qui le donne en fournissant une adresse électronique.
• Les bureaux de CIC doivent être équipés pour être en mesure de recevoir les demandes de renseignements des clients par courriel.
• Les sites Web qui permettent les demandes d’information des clients par courriel doivent contenir des clauses de dénégation de responsabilité qui avertissent les clients que le courriel n’est pas une voie de communication protégée, que CIC se décharge de toute responsabilité pour ce qui est de la divulgation non autorisée de renseignements personnels à une tierce partie ou de la mauvaise utilisation de ces renseignements par une tierce partie.
• Les bureaux qui ouvrent une voie de communication par courriel doivent fournir des instructions claires aux clients concernant l’adresse électronique à utiliser et les renseignements devant figurer obligatoirement.
• Pour réduire au minimum le nombre de problèmes en matière d’envoi de messages par courriel, les sites Web de CIC devraient conseiller aux clients d’inclure l’adresse de courriel de leur bureau de CIC dans leur liste d’adresses électroniques (afin d’éviter les logiciels antipourriel, les pare‑feu, le fractionnement des pièces jointes, etc.) qui pourraient entraver ou empêcher l’envoi par CIC d’un message par courriel (exigence facultative).
Le protocole de CIC autorise expressément la transmission de renseignements propres à un client ou à une affaire, y compris des demandes de renseignements par courriel. Cependant, le protocole de CIC prévoit que les agents des visas doivent veiller à la mise en œuvre de mesures de protection de la vie privée, mais celles‑ci ne sont pas obligatoires pour assurer la fiabilité des transmissions par courriel de communications cruciales, à savoir les demandes de renseignements prévues par la LIPR.
[54] Je n’accepte pas l’observation du défendeur selon laquelle la façon, pour les demandeurs et leurs représentants, de se prémunir contre le risque de défaillance de transmission des courriels consiste à se soustraire aux communications par courriel. À mon avis, le choix des demandeurs de ne pas utiliser la communication par courriel irait à l’encontre de l’objet du protocole visant l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et serait contraire à l’objet de la LIPR d’assurer le traitement efficace des demandes de visas.
[55] Comme je l’ai déclaré dans la décision Yazdani, la solution ne semble donc pas consister à mettre en garde les demandeurs contre l’utilisation des communications par courriel ou de les décourager à utiliser ce moyen de communication, mais plutôt à trouver une stratégie pour traiter les erreurs occasionnelles qui surviennent avec les courriels, notamment lorsqu’un demandeur a fait tout son possible pour s’adapter à ce type de communication.
[56] Les communications par courriel dans le cas des demandes de visa vont augmenter. La technologie associée aux courriels (matériel informatique et logiciels) connaîtra des changements et progressera à des vitesses variables selon les pays. Des erreurs inexpliquées dans la transmission des courriels, comme c’est le cas dans la présente affaire, surviendront sans aucun doute à l’avenir. Vu la possibilité de défaillance occasionnelle des communications par courriel, j’estime que le défendeur est tenu de faire preuve de diligence lorsqu’il envoie des communications importantes par courriel dans le cadre d’une demande de visa et de mettre en œuvre un processus de réexamen s’il appert qu’il y a eu une défaillance dans la transmission d’un courriel.
[57] En l’espèce, le défendeur a choisi de transférer le dossier du demandeur du bureau des visas de Damas au bureau des visas de Varsovie pour son traitement. Il n’y a aucun antécédent de communications par courriel antérieures réussies entre le bureau des visas de Varsovie et le bureau du mandataire. Je souligne particulièrement que le bureau des visas de Varsovie n’a pas mis en place de mesures de protection pour parer à la possibilité de défaillance de la transmission des courriels. Cela contraste avec le bureau des visas de Damas qui avait auparavant à la fois envoyé par courriel et mis à la poste une demande visant à obtenir la mise à jour de la demande de visa et des documents.
[58] De plus, il existe maintenant huit décisions publiées, neuf en comptant la présente affaire, concernant l’échec de communications par courriel provenant toutes du bureau des visas de Varsovie. Les communications par courriel faisant l’objet d’une défaillance visaient toutes des dossiers transférés du bureau des visas de Damas et avaient toutes été envoyées à peu près à la même période. Avec un tel nombre de cas de défaillance de la transmission de communications par courriel, on ne parle plus de coïncidence. Étant donné que je suis convaincu que l’agente des visas a agi de bonne foi, je conclus qu’il y avait une défaillance du système de communications par courriel de CIC à Varsovie.
[59] La question qui se pose est : combien d’autres cas semblables y a-t-il? À mon avis, continuer d’insister qu’il n’existe aucun problème avec les courriels envoyés du bureau des visas en cause dans de multiples demandes identiques dont la Cour est saisie consiste à imposer un fardeau inutile sur les ressources limitées de la Cour à propos d’une question à l’égard de laquelle une réponse a déjà été donnée.
[60] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le défendeur n’a pas établi qu’il avait dûment envoyé par courriel la demande au mandataire du demandeur. L’omission de communiquer dûment la demande a entraîné un manquement à l’équité procédurale, l’agente des visas ayant rejeté la demande de visa de résident permanent parce que le demandeur n’avait pas répondu au courriel égaré.
Conclusion
[61] Vu la preuve produite dans la présente affaire, j’accueille la demande de contrôle judiciaire.
[62] La demande de visa de résidence permanente doit être renvoyée à un agent des visas différent pour réévaluation une fois que le demandeur aura eu l’occasion de présenter les documents demandés dans la demande envoyée par courriel le 26 juin 2009 ainsi que tout autre renseignement pour la mise à jour de sa demande compte tenu du temps qui s’est écoulé.
[63] Le défendeur propose la question de portée générale qui suit aux fins de certification :
[traduction] Dans le cas où l’agent envoie dûment une lettre à un demandeur lui demandant des renseignements supplémentaires et que le demandeur allègue ne pas avoir reçu la lettre, quelle partie assume le risque de la non‑réception?
[64] La question proposée ne correspond pas aux faits dont j’ai été saisi dans la présente demande. De plus, il s’agit d’une généralisation et la question ne vise pas la question fondamentale, soit l’utilisation de courriels pour envoyer des demandes de renseignements prévues par la loi lorsque l’absence de réponse entraîne d’importantes conséquences défavorables pour le demandeur. Enfin, le défendeur n’a pas présenté une preuve d’expert adéquate concernant la question de la fiabilité des communications par courriel. Étant donné ces lacunes, je suis d’avis que la question proposée ne se prête pas à la certification et je ne la certifie pas.
JUGEMENT
LA COUR STATUE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. La demande de visa de résidence permanente doit être renvoyée à un agent des visas différent pour réévaluation une fois que le demandeur aura eu l’occasion de présenter les documents demandés dans la demande envoyée par courriel le 26 juin 2009 et de mettre sa demande à jour si cela est nécessaire.
3. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.
4. Aucuns dépens ne sont adjugés.