T-81-01
2001 CFPI 780
Moresby Explorers Ltd. et Douglas Gould (demandeurs)
c.
Le procureur général du Canada (défendeur)
Répertorié : Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général) (1re inst.)
Section de première instance, juge Pelletier— Vancouver, 25 mai, Ottawa, 9 juillet 2001.
Droit administratif — Contrôle judiciaire — Certiorari — Entente signée entre le Canada et la nation haïda en vue d’administrer une réserve de parc national dans les îles de la Reine-Charlotte et constituant un comité de gestion de l’archipel (CGA) chargé des permis de voyages commerciaux — Parcs Canada et le CGA ont élaboré une politique de quotas pour les permis de voyagistes — Les demandeurs ont installé sans autorisation un camp flottant sur le territoire du parc marin national proposé — Ils ont par la suite déménagé leur camp flottant à l’extérieur des limites du parc — Les demandeurs se sont vu refuser un quota pour des activités liées au camp flottant au motif qu’elles ne constituaient pas des activités acceptables selon le CGA et les politiques de Parcs Canada — La directrice du parc a également refusé leur demande de quota supplémentaire — Les décisions gouvernementales échappent à la compétence des tribunaux parce qu’elles engagent la responsabilité politique de ceux qui les prennent — Il n’y a pas eu délégation irrégulière parce que la directrice a continué à exercer sa charge en dépit de l’existence du CGA — La consultation n’équivaut pas à une entrave du pouvoir discrétionnaire tant que c’est le décideur qui prend la décision finale — La norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable simpliciter — Le mandat conféré par la Loi sur les parcs nationaux ne permet pas de réglementer pour des raisons de conservation, des activités se déroulant à l’extérieur des limites du parc par le biais du mécanisme des permis commerciaux — Le directeur d’un parc n’a pas le pouvoir de refuser catégoriquement de délivrer un permis autorisant les activités exercées depuis un camp flottant légitime situé à l’extérieur des limites du parc — La décision était déraisonnable et elle doit être annulée.
Peuples autochtones — Terres — Le Conseil de la nation haïda a soumis une revendication territoriale globale portant sur les îles de la Reine-Charlotte — Une réserve du parc national a été créée en attendant le règlement de la revendication territoriale des Haïdas — Le Canada et les Haïdas ont signé une entente en vue de la cogestion de la réserve du parc national par le biais d’un comité de gestion de l’archipel (CGA) — Les demandeurs ont demandé sans succès un quota pour les activités pour lesquelles ils utilisaient un camp flottant situé à l’extérieur de la réserve — Ils soutenaient que la directrice du parc n’était pas compétente pour déléguer ses pouvoirs au CGA — L’entente conclue entre le Canada et les Haïdas n’est pas suffisante sur le plan juridique pour justifier un transfert de pouvoirs au CGA — Compte tenu du fait que la nation haïda revendique ce territoire, elle ne délèguerait pas ses pouvoirs au CGA — La directrice a continué à exercer ses fonctions, malgré la création du CGA.
Environnement — Une réserve de parc national a été créée dans les îles de la Reine-Charlotte revendiquées par la nation haïda — L’exploitant d’un camp flottant situé à l’extérieur de la réserve s’est vu refuser un quota pour des activités de plongée et d’excursions en kayak — Le système de permis vise à bloquer le niveau des activités en attendant l’évaluation de la capacité de la réserve — L’intérêt légitime en ce qui concerne la préservation de l’intégrité écologique de la réserve ne confère pas le droit d’interdire des activités licites en assortissant un permis commercial dans le parc de certaines conditions pour des raisons de conservation.
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la directrice de la réserve du parc national des îles de la Reine-Charlotte, en Colombie-Britannique, a refusé d’attribuer aux demandeurs un quota d’utilisateur pour des activités associées à leur camp flottant. En juillet 1988, le Canada et la Colombie-Britannique ont signé une entente en vue de créer une réserve du parc national et un parc marin national dans les îles de la Reine-Charlotte. L’entente interdisait à la Colombie-Britannique de permettre l’existence de droits sur les réserves en question sans le consentement du Canada jusqu’au transfert de ces terres au Canada. Celui-ci a accepté le transfert de la gestion et du contrôle de la réserve du parc national de la Colombie-Britannique en mars 1995. En novembre 1980, le Conseil de la nation haïda a soumis au Canada une revendication territoriale globale sur les îles de la Reine-Charlotte et, conformément à la politique de Parcs Canada, une réserve de parc national a été créée en attendant le règlement de la revendication des Haidas. En janvier 1993, le Canada et la nation haïda ont signé une entente au sujet de la gestion et de l’exploitation de l’archipel où est située la réserve du parc national dans les îles de la Reine-Charlotte. Un comité de gestion de l’archipel composé de quatre personnes (CGA) a été mis sur pied. Conformément à l’entente, Parcs Canada et le CGA ont élaboré une politique de quotas pour le système de permis délivrés aux voyagistes. Un des objectifs du système de permis était de bloquer les activités commerciales à leur niveau actuel en attendant l’évaluation de leurs incidences sur l’intégrité culturelle et écologique du parc et de la qualité de l’expérience des visiteurs. En 1989, les demandeurs ont installé un camp flottant dans un lieu situé dans le parc marin national proposé. Parcs Canada a refusé leur demande en vue d’être enregistrés comme entrepreneurs commerciaux au motif qu’ils ne pouvaient exploiter des installations commerciales telles que le camp flottant dans la réserve du parc national ou le parc marin national proposés sans un plan de gestion prévoyant une telle utilisation. Le camp flottant des demandeurs a continué à occuper l’aire du parc marin national sans autorisation, ce qui a forcé des fonctionnaires de Parcs Canada à les aviser d’enlever les accessoires non autorisés du camp flottant. En 1998, les demandeurs ont déménagé le camp flottant dans le passage de Crescent, à l’extérieur des limites nord du parc marin national. À deux reprises, Parcs Canada a refusé la demande présentée par les demandeurs en vue d’obtenir un quota supplémentaire pour des activités liées au camp flottant au motif que celui-ci ne constituait pas une activité acceptable selon le CGA et les politiques de Parcs Canada. Ils ont présenté une nouvelle demande de quota supplémentaire pour la saison 2001; leur demande a de nouveau été refusée par la nouvelle directrice du parc, d’où la présente demande de contrôle judiciaire. La principale question en litige était de savoir si la directrice a agi illégalement ou si elle a outrepassé sa compétence en refusant d’attribuer aux demandeurs un quota d’utilisateur pour les activités associées à leur camp flottant.
Jugement : la demande doit être accueillie.
Les décisions de la directrice ne sont pas susceptibles d’appel, mais elles peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. La question soumise à la directrice était celle de savoir s’il y avait lieu d’attribuer un quota pour l’utilisation du parc comportant un camp flottant qui se trouve présentement en dehors des limites de toute réserve désignée comme parc. La directrice possède une compétence spécialisée relative plus poussée que celle de la Cour en ce qui concerne les questions qui doivent être abordées. Elle est « sur le terrain » dans la zone où la conservation est en jeu. Il est peu probable qu’il soit nécessaire que la décision en litige soit correcte. Les exigences divergentes des divers intérêts dont il faut tenir compte et les aspects de la compétence spécialisée relative plus poussée que possède la directrice militent en faveur d’une norme de contrôle moins élevée que celle de la décision correcte. La norme de contrôle du caractère raisonnable a l’avantage de respecter le fait que la directrice a une connaissance plus approfondie des réalités locales tout en reconnaissant que les aspects de sa décision qui supposent l’application d’une politique à une série de faits déterminés sont des questions au sujet desquelles la Cour possède sa propre compétence spécialisée. En conséquence, la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable simpliciter.
La demanderesse, Moresby, soutenait qu’en tant que personne déléguée pour exercer les pouvoirs du ministre, la directrice n’avait pas le droit de déléguer ses pouvoirs au CGA et qu’une telle délégation de pouvoirs allait à l’encontre de la maxime « delegatus non potest delegare». Toutes les démarches que Moresby a entreprises pour obtenir son permis commercial ont été effectuées par l’entremise du CGA. Le Canada soutenait que les décisions relatives à l’attribution de quotas sont des décisions administratives ou gouvernementales qui ne relèvent pas de la compétence des tribunaux. Les décisions purement gouvernementales échappent en règle générale à la compétence des tribunaux parce qu’elles engagent la responsabilité politique de ceux qui les prennent. Il n’existe pas au Canada de doctrine structurée de la séparation des pouvoirs entre les divers organes du gouvernement, mais dans l’ensemble, les tribunaux hésitent à intervenir dans les « décisions politiques » sauf lorsque leur constitutionnalité est contestée. Il n’appartient pas aux tribunaux d’évaluer la sagesse des politiques gouvernementales, que celles-ci soient exprimées dans un texte de loi ou dans des actes précis. Le moyen relatif à l’incompétence des tribunaux en la matière est par conséquent bien fondé dans cette mesure, mais cette immunité face au contrôle judiciaire n’est pas illimitée. Les allusions, à l’article 5 de la Loi sur les parcs nationaux, à l’utilisation par les visiteurs dans le contexte de la conservation du parc pour les générations à venir et de la protection de l’intégrité écologique des parcs sont suffisantes pour permettre à la directrice de restreindre l’accès au parc à ces fins. Il n’y a aucun obstacle à la mise en application d’un système de quotas visant à protéger le parc. C’est la Constitution, et non les principes du droit administratif, qui fait obstacle au transfert de compétence. Comme l’Entente de Gwaii Haanas n’est pas suffisante sur le plan juridique pour justifier un transfert de pouvoirs au CGA, la question qui se posait était de savoir comment les pouvoirs de gestion du parc pouvaient être transférés de la personne désignée par la loi, savoir la directrice, au CGA. Il est peu probable que le législateur fédéral autoriserait le gouverneur en conseil à réécrire la loi dans une entente conclue avec les Haïdas. Compte tenu du fait que la nation haïda revendique ce territoire, il serait contraire à la logique qui a conduit à la création du CGA de permettre à l’une ou l’autre partie de déléguer ses pouvoirs au CGA. Chacune doit être considérée comme agissant en vertu des pouvoirs qu’elle revendique. Le CGA fournit une structure administrative au sein de laquelle des questions sont débattues et des décisions sont prises et le fait qu’un des membres de son personnel pourrait transmettre des renseignements au sujet du système de permis commerciaux ou de la politique en matière de quotas ne signifie pas que le CGA dicte ses politiques à la directrice. La délégation irrégulière de pouvoirs n’était pas la question en cause, parce que la directrice a continué à exercer sa charge en dépit de l’existence du CGA. Toutes les questions qui devaient être décidées par la directrice ont été décidées par elle, bien qu’elles le fussent dans le cadre du CGA. Le fait que celui qui est chargé de prendre une décision discute de la question avec une autre personne ne signifie pas qu’il a renoncé à ses pouvoirs au profit de cette dernière. Si la décision doit être consensuelle, il faut que la directrice y ait donné son assentiment.
Les demandeurs soutenaient également que la directrice avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en acceptant de consulter la nation haïda, dans le cadre du CGA, et en essayant de dégager un consensus. Si l’on parvient à un consensus, celui-ci représente le libre exercice du pouvoir discrétionnaire de la directrice. Dans le cas contraire, la question est renvoyée à d’autres personnes et la directrice conserve le droit d’agir unilatéralement. L’attribution de quotas fait partie du permis qui a été délivré à Moresby. Pour que ce permis soit délivré, il fallait que la directrice soit d’accord. La consultation n’équivaut pas à une entrave du pouvoir discrétionnaire tant que c’est le décideur qui prend la décision finale. La directrice n’a pas illégalement délégué au CGA ses pouvoirs en matière de délivrance de permis. Le fait qu’une autre signature soit apposée sur le formulaire n’a pas pour effet d’invalider l’approbation de ce permis par la directrice.
La dernière question en litige était de savoir si la directrice a régulièrement exercé son pouvoir discrétionnaire en fixant les conditions du permis délivré à Moresby. La politique relative aux permis commerciaux était censée fixer le niveau d’activité dans la réserve du parc à son niveau historique en attendant que le plan de gestion du parc soit publié et que la capacité de charge du parc soit évaluée. Il n’y a aucune raison évidente pour laquelle l’opposition de la directrice et du CGA au camp flottant se traduirait nécessairement, en ce qui concerne l’établissement des quotas, par un refus d’utiliser le parc pour la plongée et les excursions en kayak. Les raisons pour lesquelles on ne pouvait tenir compte de l’usage associé à ces activités pour fixer le quota de Moresby ne sont pas évidentes. Cet usage faisait partie des niveaux d’utilisation historiques que le parc pouvait soutenir. La directrice n’a pas appliqué correctement sa propre politique dans le cas de Moresby. En refusant de reconnaître cette utilisation lors de la fixation des quotas, elle a confondu la question du camp flottant avec celle des niveaux historiques d’utilisation des installations du parc. En estimant que ces activités ne peuvent pas être reconnues parce que l’utilisation du camp flottant est une activité illégale, elle ne tenait pas compte du fait que le kayak et la plongée sont des activités parfaitement légales. La mission de préserver l’intégrité écologique des terres du parc qui est confiée au ministre et à la directrice leur confère un intérêt légitime en ce qui concerne le déroulement des activités dans des zones qui ont des incidences sur les terres des parcs. Mais un intérêt légitime n’est pas la même chose que le droit d’interdire des activités qui sont par ailleurs licites dans un secteur ne relevant pas de la compétence du parc au moyen de conditions dont est assorti un permis commercial dans le parc. Le camp flottant échappait de toute évidence au contrôle de la directrice une fois qu’il était réinstallé à l’extérieur des limites de la zone de conservation. Le mandat conféré par la Loi sur les parcs nationaux n’est pas large au point de permettre de réglementer pour des raisons de conservation des activités se déroulant à l’extérieur des limites du parc par le biais du mécanisme des permis commerciaux. La directrice avait le droit de refuser de délivrer un permis pour autoriser des activités provenant du camp flottant si elles n’étaient pas conformes à la législation et aux normes provinciales applicables et elle pouvait exiger la preuve de cette conformité avant de délivrer un permis. Le directeur d’un parc n’a cependant pas le pouvoir de refuser catégoriquement de délivrer un permis autorisant les activités exercées depuis un camp flottant légitime situé à l’extérieur des limites du parc. En refusant de créditer à Moresby des jours/nuitées-utilisateurs pour les activités exercées au camp flottant, la directrice a fait défaut de se conformer à ses propres politiques. Cette décision était déraisonnable et elle doit être annulée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Décret sur la réserve du parc national Gwaii Haanas, DORS/96-93.
Entente Gwaii Haanas, entre le gouvernement du Canada, représenté par le ministre de l’Environnement et le Conseil de la nation haïda et représenté par le vice-président du Conseil concernant les terres connues indifféremment sous les appellations de Gwaii Haanas et Moresby-Sud, et généralement appelée « l’archipel », Ottawa, janvier 1993, art. 1.1, 3.4, 4.1, 4.3, 4.4, 4.5, 5.1, 5.2, 5.3, 5.4, 5.5, 9.1, 9.2.
Environment and Land Use Act, R.S.B.C. 1996, ch. 117, art. 6.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91, 92.
Loi sur l’Agence Parcs Canada, L.C. 1998, ch. 31, art. 5(1),(2).
Loi sur les parcs nationaux, L.R.C. (1985), ch. N-14, art. 2 « directeur de parc » (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), c. 39, art. 1; L.C. 1998, ch. 31, art. 55), 4, 5 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 3; L.C. 1992, ch. 1, art. 100), 7(1) (mod. par. L.R.C. (1985) (4e suppl.), c. 39, art. 5), 8.2 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), c. 39, art. 7), 8.5(1) (édicté par L.C. 1992, ch 23, art. 1).
Park Act, R.S.B.C. 1996, ch. 344.
Règlement de 1998 sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux, DORS/98-455, art. 1 « commerce », « permis », 3, 5(1),(3).
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tarif B, colonne IV.
JURISPRUDENCE
décision appliquée :
Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201.
décisions examinées :
Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (1997), 155 D.L.R. (4th) 572; 221 N.R. 372 (C.A.); Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Renvoi relativement à la Loi sur l’organisation du marché des produtis agricoles, S.R.C. 1970, ch. A-7 et autres, [1978] 2 R.C.S. 1198; (1978), 84 D.L.R. (3d) 257; 19 N.R. 361; Brant Dairy Co. Ltd. et autre c. Milk Commission of Ontario et autre, [1973] R.C.S. 131; (1972), 30 D.L.R. (3d) 559; Baluyut c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 420 (1992), 56 F.T.R. 186 (C.F. 1re inst.); K.F. Evans Ltd. c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), [1997] 1 C.F. 405 (1996), 106 F.T.R. 210 (C.F. 1re inst.); Holland c. Canada (Procureur général) (2000), 188 F.T.R. 305 (C.F. 1re inst.).
décisions citées :
Moresby Explorers Ltd. c. Réserve de parc national Gwaii Haanas, [2000] F.C.J. no 1944 (1re inst.) (QL); Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500 (1980), 114 D.L.R. (3d) 634; 42 N.R. 312 (C.A.); P.E.I. Potato Marketing Board v. Willis, [1952] 2 R.C.S. 392; [1952] 4 D.L.R. 146.
DEMANDE de contrôle judiciaire d’une déci-sion par laquelle la directrice de la réserve du parc national des îles de la Reine-Charlotte, en Colombie- Britannique, a refusé d’attribuer aux demandeurs un quota d’utilisateur pour des activités associées à un camp flottant situé à l’extérieur de la réserve. Demande est accueillie.
ONT COMPARU :
Christopher Harvey pour les demandeurs.
Suzanne S. Williams pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fasken Martineau DuMoulin LLP, Vancouver, pour les demandeurs.
Miller Thomson LLP, Vancouver, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et ordonnance rendus par
[1] Le juge Pelletier : La présente instance fait suite à la décision rendue dans l’affaire Moresby Explorers Ltd. c. Réserve de parc national de Gwaii Haanas, [2000] F.C.J. no 1944 (QL), dans laquelle notre Cour a statué que la demande de contrôle judiciaire de Moresby Explorers Ltd.’s (Moresby) avait été présentée après l’expiration du délai prescrit. Une autre saison s’est écoulée, donnant lieu à une autre demande qui, à première vue, ne soulève pas de question de respect de délais. Je me suis largement inspiré des faits relatés dans la décision que j’ai rendue dans la première affaire pour exposer les faits, qui sont très longs.
[2] Le 12 juillet 1988, le Canada et la Colombie-Britannique ont signé un « protocole d’entente sur la création du parc national de l’île de Moresby-Sud et du parc marin national des îles de la Reine-Charlotte » (l’entente sur le parc), qui a servi de base à la création d’une réserve de parc national terrestre (la réserve du parc national) et d’une réserve de parc marin national (le parc marin national) dans les îles de la Reine-Charlotte.
[3] La Colombie-Britannique a transféré la gestion et le contrôle de la réserve du parc national au Canada le 27 mars 1992 ou vers cette date en vertu du décret no 438, modifié le 10 septembre 1992 par le décret no 1432 [voir Décret sur la réserve du parc national Gwaii Haanas, DORS/96-93].
[4] L’entente sur le parc abordait la question du laps de temps écoulé entre le transfert de la gestion et du contrôle de la réserve du parc national et du parc marin national de la Colombie-Britannique au Canada et la désignation subséquente de ces terres comme parc national. Les articles 23 et 24 de l’entente sur le parc :
a) interdisaient à la Colombie-Britannique de permettre l’existence de droits sur la réserve du parc national ou le parc marin national sans le consentement du Canada jusqu’au transfert de ces terres au Canada;
b) limitaient l’utilisation des terres par le Canada à des activités conformes à la Loi sur les parcs nationaux [L.R.C. (1985), ch. N-14] et à ses règlements d’application;
c) obligeaient la Colombie-Britannique à demander au Comité sur l’environnement et l’utilisation des terres, en vertu de l’Environment and Land Use Act, [R.S.B.C. 1996, ch. 117] de recommander la prise, par la Colombie-Britannique, d’un décret autorisant le Canada à exercer sa compétence sur la réserve du parc national au nom de la Colombie-Britannique;
d) obligeaient la Colombie-Britannique à examiner les demandes par lesquelles le Canada invitait la Colombie-Britannique à prendre des mesures pour corriger tout problème particulier concernant la réserve du parc national.
[5] Ainsi que le prévoyait l’article 24 de l’entente sur le parc et conformément à l’article 6 de l’Environment and Land Use Act (ELUC), la Colombie-Britannique a pris le décret no 586 le 19 avril 1989 ou vers cette date. Ce décret a eu pour effet de transférer les pouvoirs de gestion de la réserve du parc national au Service canadien des parcs, à son directeur général et à ses fonctionnaires et de les autoriser à gérer et à administrer ces terres au nom de la Colombie-Britannique comme si elles constituaient une zone touristique au sens de la loi provinciale sur les parcs [Park Act, R.S.B.C. 1996, ch. 344], ce qui a permis au directeur général de délivrer des permis pour les terres en question.
[6] Le Canada a accepté le transfert de la gestion et du contrôle de la réserve du parc national de la Colombie-Britannique le 28 mars 1995 par le décret C.P. 1995-3/534.
[7] La réserve du parc national a été officiellement constituée et est devenue assujettie à la Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d’application le 22 février 1996 ou vers cette date.
[8] Vers le mois de novembre 1980, le Conseil de la nation haïda (les Haïdas) a soumis au Canada une revendication territoriale globale sur les îles de la Reine-Charlotte. Le 30 juin 1983, le Canada a accepté de négocier avec les Haïdas. Conformément à la politique de Parcs Canada, le Canada a créé une réserve de parc national dans les îles de la Reine-Charlotte en attendant qu’une décision soit prise au sujet de la revendication territoriale des Haïdas.
[9] L’article 39 de l’entente de 1988 sur le parc prévoyait la participation des Haïdas à la planification et à la mise en oeuvre des mesures relatives à la réserve du parc national et au parc marin national, et c’est sur le fondement de ces dispositions que le Canada a pu négocier des ententes avec les Haïdas pour gérer les terres en question en collaboration avec ceux-ci.
[10] Le décret C.P. 1992-1591 du 16 juillet 1992 autorisait le ministre fédéral de l’Environnement à conclure une entente avec les Haïdas au nom du Canada au sujet de la gestion et de l’exploitation de l’archipel (où se trouve la réserve du parc national) dans les îles de la Reine-Charlotte.
[11] Le 30 janvier 1993 ou vers cette date, le Canada et les Haïdas ont signé l’entente de Gwaii Haanas/Moresby-Sud (l’Entente Gwaii Haanas [entre le gouvernement du Canada, représenté par le ministre de l’Environnement et le Conseil de la nation haïda et représenté par le vice-président du Conseil concernant les terres connues indifféremment sous les appellations de Gwaii Haanas et Moresby-Sud, et généralement appelées « l’archipel »]) (voir annexe A) en vue de la cogestion de l’archipel. La réserve du parc national se trouve dans l’archipel, qui a été désigné par les Haïdas comme un site patrimonial haïda.
[12] L’Entente Gwaii Haanas prévoit la constitution d’un comité de gestion de l’archipel composé de quatre personnes (le CGA) chargé d’« examiner toutes les initiatives et mesures visant la planification, l’exploitation et la gestion de l’archipel » dans un esprit de collaboration entre le Canada et les Haïdas. Le directeur de la réserve du parc national copréside le CGA pour le compte du Canada avec un représentant des Haïdas.
[13] Parmi les questions sur lesquelles le CGA se penche, mentionnons l’élaboration de lignes directrices ayant trait à la conservation, à la protection et à la jouissance de la réserve du parc national, notamment au moyen de la délivrance de permis à des voyagistes commerciaux.
[14] Aucune des dispositions de l’Entente Gwaii Haanas n’entrave ou ne limite les pouvoirs du directeur. Toutefois, avant de prendre quelque mesure que ce soit, le directeur doit d’abord s’efforcer de dégager un consensus parmi les membres du CGA.
[15] Conformément à l’Entente Gwaii Haanas, Parcs Canada et le CGA ont élaboré une politique de quotas pour le système de permis d’exploitation en vigueur dans la réserve du parc national.
[16] En 1995, le CGA a encouragé les voyagistes à tenir des registres au sujet de leurs excursions et de leurs clients et à adhérer à un système volontaire de permis d’exploitation en vertu duquel des quotas sont attribués aux voyagistes pour réglementer leur accès à la réserve du parc national.
[17] En 1996, après que la réserve du parc national eut été officiellement désignée comme réserve de parc national, un système de permis d’exploitation obligatoire a remplacé le système volontaire.
[18] Le système volontaire et le système obligatoire visaient tous les deux à réglementer l’accès des voyagistes à la réserve du parc national. Un des objectifs du système de permis obligatoire était de bloquer les activités commerciales à leur niveau actuel en attendant l’évaluation de leurs incidences sur l’intégrité culturelle et écologique du parc et de la qualité de l’expérience des visiteurs de la réserve du parc national.
[19] La politique de quotas contenait les éléments suivants :
a) Les quotas d’utilisateurs étaient calculés en fonction des renseignements fournis par les voyagistes au sujet des visites guidées effectuées dans la zone de la réserve du parc national avant que celle-ci ne soit classée réserve de parc national en 1996;
b) Aucun permis ou quota n’était accordé aux voyagistes qui n’exerçaient pas d’activités dans la réserve du parc national avant 1996;
c) Les entreprises existantes ne pouvaient modifier le type de service qu’elles fournissaient avant 1996 pour se rendre admissibles à un quota;
d) Les demandes présentées par de nouveaux voyagistes et les demandes de changement d’utilisation ne seraient examinées que lorsque le plan de gestion aurait été adopté pour la réserve du parc national pour s’assurer que la zone soit gérée conformément au plan de gestion;
e) Aucun quota ne serait attribué aux voyagistes dont les activités étaient incompatibles avec la politique sur les quotas ou avec la loi.
[20] Le quota de l’utilisateur dont les activités n’étaient pas incompatibles avec la politique sur les quotas ou avec la loi était calculé de la manière suivante :
a) le nombre le plus élevé d’excursions réalisées au cours de toute année antérieure à 1996;
multiplié par :
b) la capacité démontrée des excursions organisées par les voyagistes, en l’occurrence la moyenne des cinq excursions ayant comporté le nombre le plus élevé de personnes (clients et personnel) avant 1996;
multiplié par :
c) la durée des excursions réalisées au cours de l’année où le nombre le plus élevé d’excursions avait eu lieu.
[21] Dans le cadre de la gestion conjointe de la réserve du parc national par le Canada et les Haïdas en conformité avec l’Entente Gwaii Haanas, le CGA a examiné toutes les demandes de permis commerciaux visant à obtenir un quota d’utilisateur pour la réserve du parc national.
[22] Les permis commerciaux et les quotas d’utilisateurs ont par la suite été délivrés par le directeur conformément au Règlement de 1998 sur l’exploi-tation de commerces dans les parcs nationaux, DORS/198-455, pris en application de la Loi sur les parcs nationaux. (C’est la position adoptée par le défendeur au sujet de la délivrance des permis. La thèse de Moresby sera analysée plus loin.)
[23] En 1989, les demandeurs ont installé un camp flottant dans le passage De la Beche, qui est situé dans le parc marin national proposé.
[24] En 1990, les demandeurs ont présenté à Parcs Canada une demande en vue d’être enregistrés comme entrepreneurs commerciaux. Il s’agissait d’une procédure volontaire. Parcs Canada a refusé la demande au motif que les demandeurs ne pouvaient exploiter des installations commerciales telles que le camp flottant dans la réserve du parc national ou le parc marin national proposés sans un plan de gestion prévoyant une telle utilisation. Les fonctionnaires de Parcs Canada ont en outre avisé les demandeurs que le camp flottant ne conférait aucun droit de propriété qui pourrait donner lieu à une indemnité si les zones en question étaient classées comme réserve de parc national.
[25] En 1995, Parcs Canada a mené un sondage auprès des visiteurs pour le compte de la réserve du parc national afin de connaître l’opinion du public. Le sondage contenait des questions se rapportant à des structures semblables au camp flottant des demandeurs. Les résultats du sondage de 1995 indiquaient que le public n’était pas en faveur de l’érection de camps flottants dans des zones devant être classées comme parc national.
[26] Le camp flottant des demandeurs a continué à occuper l’aire du parc marin national sans autorisation.
[27] Conformément à l’entente sur le parc, et à la demande du Canada, la Colombie-Britannique a, le 28 février 1996, sommé les demandeurs d’enlever toutes les améliorations érigées dans l’estran du passage De la Beche dans un délai de 60 jours.
[28] En mars et en mai 1996, des fonctionnaires de Parcs Canada ont avisé les demandeurs d’enlever les accessoires non autorisés du camp flottant, dont la conduite d’eau qui amenait de l’eau à partir de la réserve du parc national. Le camp flottant se trouvait toujours dans le passage De la Beche en mai 1996.
[29] Les demandeurs ont obtenu un quota leur permettant d’utiliser la réserve du parc national en 1996, mais uniquement pour des activités non liées au camp flottant, étant donné que la présence du camp dans le passage De la Beche n’était pas autorisé et qu’il n’était pas conforme aux utilisations acceptables ou aux politiques de Parcs Canada.
[30] Au printemps 1997, le directeur général des Parcs pour l’Ouest canadien a refusé la demande présentée par les demandeurs en vue d’obtenir un quota supplémentaire de 900 jours/nuitées-utilisateurs pour des activités liées au camp flottant au motif que celui-ci ne faisait pas l’objet d’un permis d’occupation et ne constituait pas une activité acceptable selon le CGA et les politiques de Parcs Canada. Les motifs de ce refus ont été communiqués aux demandeurs à plusieurs reprises au cours de l’année 1997.
[31] Le Canada a réclamé l’aide de la Colombie-Britannique au sujet du camp flottant, et le ministère provincial de l’Environnement, des Terres et des Parcs a envoyé aux demandeurs un avis d’intrusion en août 1997 pour leur demander d’enlever au plus tard le 30 septembre 1997 le camp flottant de la zone désignée comme réserve du parc national et parc marin national.
[32] À l’automne 1997, les demandeurs ont soumis d’autres renseignements au sujet des excursions effectuées dans la réserve du parc en 1988 (avant 1996). Les demandeurs ont obtenu un quota supplémentaire de 25 nuitées-utilisateurs pour les excursions en embarcation à moteur au cours desquelles le camp flottant n’était pas utilisé.
[33] En 1998, les demandeurs ont déménagé le camp flottant dans le passage de Crescent, à l’extérieur des limites nord du parc marin national (le camp flottant) et en octobre de la même année, ils ont demandé un permis commercial et un quota d’utilisateur pour l’année 1999.
[34] Le 30 novembre 1998, le directeur du parc, M. Stephen (Steve) Langdon, a, en vertu de la Loi sur les parcs nationaux et ses règlements d’application (la décision), délivré aux demandeurs un permis commercial assorti d’un quota d’utilisateur de 1 597 jours/nuitées-utilisateurs pour des excursions en embarcation à moteur et pour le transport dans la réserve du parc national.
[35] Les demandeurs ont contesté leur quota d’utilisateur de 1999 dans la lettre qu’ils ont adressée le 11 décembre 1998 au directeur. Ils se sont notamment plaints du fait qu’aucun quota d’utilisateur ne leur avait été accordé pour des activités liées au camp flottant. En réponse à cette protestation, le directeur a déclaré ce qui suit :
[traduction] Bien que je comprenne votre désir de diversifier vos activités, le Comité de gestion de l’archipel (CGA) a toujours maintenu que votre entreprise ne recevrait pas de quota pour les excursions au cours desquelles votre camp flottant serait utilisé tant que celui-ci sera situé dans le passage De la Beche. Suivant vos brochures d’excursion de plongée et de kayak, le camp flottant est utilisé au cours de ces excursions. Vous ne pouvez donc pas obtenir de quota pour vos excursions de plongée et de kayak d’après les politiques actuelles.
Le CGA ne peut accorder pour le moment à votre entreprise de quota commercial supplémentaire. Toutefois, lorsque l’élaboration du plan de gestion de l’arrière-pays sera terminée, vous aurez l’occasion de demander un quota supplémentaire si les programmes de contrôle des incidences indiquent que Gwaii Haanas peut tolérer des niveaux d’utilisation supérieurs. Je prévois que le plan provisoire de gestion de l’arrière-pays sera publié en mars 1999 en vue d’être examiné par le public et par les intervenants. Je vous encourage à continuer à participer aux discussions qui auront lieu lors de l’examen du plan provisoire et compte sur la poursuite de notre dialogue pour répondre à vos préoccupations.
[36] En mars 1999, la version définitive du plan de gestion de l’arrière-pays Gwaii Haanas a été publiée. Le plan exige que les activités qui se déroulent dans le parc soient conformes à la Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d’application, à l’Entente Gwaii Haanas, aux principes et politiques opérationnelles de Parcs Canada et aux principes directeurs et objectifs de gestion de Gwaii Haanas. La version définitive de ce plan a été produite en septembre 1999.
[37] En juin 1999, le demandeur a écrit de nouveau au directeur de Gwaii Haanas au sujet des quotas relatifs à ses activités au camp flottant. Le directeur intérimaire, M. Ronald Keith Hamilton, lui a répondu qu’il ne modifierait pas la décision :
[traduction] Ainsi que M. Steve Langdon vous l’a précisé dans sa lettre du 29 janvier 1999, le Comité de gestion de l’archipel (CGA) ne vous attribuera pas de quota pour les excursions qui ont lieu à votre camp flottant tant que celui-ci sera situé dans le passage De la Beche. Suivant vos brochures d’excursion de plongée et de kayak, le camp flottant est utilisé au cours de ces excursions. Vous ne pouvez donc pas obtenir de quota pour vos excursions de plongée et de kayak suivant les politiques actuelles.
[38] À la suite du rejet de sa demande de contrôle judiciaire, Moresby a présenté une nouvelle demande de quota supplémentaire pour la saison 2001. Cette demande a été refusée dans une lettre en date du 20 décembre 2000 signée par Mme Richelle Léonard, la nouvelle directrice du parc. La lettre était rédigée sur du papier à en-tête du Comité de gestion de l’archipel (CGA). Mme Léonard signait en sa qualité de directrice du parc et de coprésidente du CGA. Sa lettre était ainsi libellée :
[traduction] Aucun quota supplémentaire ne vous sera attribué pour des jours/nuitées-utilisateurs, conformément aux décisions antérieures suivant lesquelles l’existence du camp flottant ne confère aucun droit de propriété qui pourrait donner lieu à une indemnité et que son érection ne sera peut-être pas permise dans la réserve d’aire marine nationale de conservation proposée, une fois que celle-ci aura été créée.
[39] C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.
[40] Le permis lui-même a été délivré le 25 janvier 2001. Il était ainsi libellé :
[traduction]
RÉSERVE DU PARC NATIONAL GWAII
HANAAS/SITE PATRIMONIAL HAÏDA
Permis commercial 2001
Les propriétaires d’entreprises et leurs employés ont l’obligation permanente de réduire au minimum l’impact de leurs activités sur le parc de Gwaii Haanas. En étant conscients de ce qui constitue un comportement acceptable sur le territoire de Gwaii Haanas, les voyagistes donnent l’exemple et conscientisent les visiteurs par le biais de leurs pratiques commerciales. Ils ont eux aussi l’obligation de sensibiliser et d’informer les visiteurs au sujet des caractéristiques uniques du parc de Gwaii Haanas et de sa fragilité.
Il est interdit d’exploiter dans le parc national de Gwaii Haanas un commerce, une entreprise, une industrie, un métier ou une profession dans un but lucratif à moins d’être titulaire d’un permis annuel délivré en vertu de la Loi sur les parcs nationaux et du Règlement sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux et sous l’autorité du Conseil de la nation haïda.
Moresby Explorers Ltd et/ou Douglas Gould est(sont) par les présentes autorisé(s) à organiser des excursions et du transport en embarcations à moteur dans la réserve du parc national Gwaii Haanas et sur le site patrimonial haïda jusqu’au 31 décembre 2001 sous réserve de toutes les modalités énoncées à l’annexe A ci-jointe.
Approuvé en vertu de la Loi sur les parcs nationaux et du Règlement sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux. |
Approuvé sous l’autorité du Conseil de la nation haïda |
«Richelle Léonard» La Directrice |
[illisible] [signature] |
Le 25 janvier 2001 Date |
Le 26 janvier 2001 Date |
[…]
ANNEXE A
Permis commercial 2001 Réserve du parc national Gwaii Hanaas et site patrimonial haïda
[…]
7. Le titulaire du permis a droit à un maximum de 1 541 jours/nuitées-utilisateurs pour effectuer des excursions en embarcation à moteur sur le territoire du parc Gwaii Hanaas jusqu’au 31 décembre 2001.
[41] Les dispositions législatives relatives à la gestion des parcs nationaux sont reproduites à l’annexe B des présents motifs.
[42] La Loi sur les parcs nationaux confie la gestion des parcs nationaux au ministre (paragraphe 5(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 3]). Le gouverneur en conseil est autorisé à prendre des règlements pour « la réglementation des activités—notamment en matière de métiers, commerces, affaires […]—pouvant être exercées dans les parcs et le lieu d’exercice, ainsi que la perception de droits de permis à cet égard » (alinéa 7(1)p)). La Loi sur l’Agence Parcs Canada [L.C. 1998, ch. 31] prévoit que l’Agence peut exercer les attributions qui sont conférées au ministre sous le régime de la Loi sur les parcs nationaux et que ces attributions peuvent être exercées par les dirigeants ou employés de l’Agence « ayant, au sein de celle-ci, la compétence voulue pour exercer [ces] attributions » (paragraphes 5(1) et 5(2)). Le Règlement de 1998 sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux interdit à quiconque d’exploiter un commerce dans un parc à moins d’être titulaire d’un permis ou employé d’un tel titulaire. Pour décider s’il y a lieu de délivrer un permis, le directeur du parc peut tenir compte de « la préservation, la surveillance et l’administration » du parc (alinéa 5(1)d)). En plus de le délivrer, le directeur du parc peut assortir le permis de conditions « portant sur tout autre élément nécessaire à la préservation, à la surveillance et à l’administration du parc » (alinéa 5(3)d)).
[43] Moresby soutient qu’en tant que personne expressément déléguée par le Règlement de 1998 sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux pour exercer les pouvoirs du ministre, la directrice n’a pas le droit de déléguer ses pouvoirs au CGA. Il n’existe pas de disposition législative qui permette une telle délégation de pouvoirs qui, à première vue, va à l’encontre de la maxime « delegatus non potest delegare ». Les opinions sont partagées sur la question de savoir s’il est plus grave d’agir sans être autorisé par la loi ou d’aller contre une maxime latine. Tous les éléments de preuve tendant à démontrer que la directrice a délégué ses pouvoirs ou y a renoncé mettent en cause le CGA. Toutes les démarches que Moresby a entreprises pour obtenir son permis commercial ont été effectuées par l’entremise du CGA. Les demandes de renseignements sont adressées au personnel du CGA, qui se charge d’y répondre. La directrice signe les permis en tant que coprésidente du CGA et de représentante de la nation haïda. À divers moments, Moresby a été avisée par lettre que le CGA n’approuverait pas ou n’accorderait pas de quota supplémentaire.
[44] À titre d’exemple, dans une lettre datée du 15 avril 1996 écrite par M. Ron Hamilton, directeur de la Conservation des ressources patrimoniales, Moresby a été informée que :
[traduction] Le CGA reconnaît que votre camp flottant risque d’être incompatible avec le plan de gestion final, ce qui explique le présent avis de risque d’incompatibilité.
[45] En 1999, Moresby a été informée de ce qui suit dans une autre lettre de M. Hamilton :
[traduction] Le Comité de gestion de l’archipel (CGA) ne vous attribuera pas de quota pour les excursions qui ont lieu à votre camp flottant tant que celui-ci sera situé dans le passage De la Beche. Suivant vos brochures d’excursion de plongée et de kayak, le camp flottant est utilisé au cours de ces excursions. Vous ne pouvez donc pas obtenir de quota pour vos excursions de plongée et de kayak d’après les politiques actuelles.
[46] La décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire a été écrite sur du papier à en-tête du CGA et a été signée par Mme Richelle Léonard en sa qualité de coprésidente du CGA et de directrice du parc.
[47] Moresby souligne également qu’il ressort à l’évidence des dispositions ci-après citées de l’Entente Gwaii Haanas que le directeur doit soumettre au CGA toutes les questions relatives à la gestion du parc. Le président n’a pas la capacité de contrôler le CGA en raison de l’obligation que toutes les décisions soient prises par consensus. Il s’ensuit, aux yeux de Moresby, que c’est le CGA qui prend véritablement les décisions.
[48] Le deuxième moyen invoqué pour contester la décision est que la politique que le CGA a lui-même adoptée au sujet des « niveaux d’utilisation historiques » n’a pas été appliquée de façon régulière à Moresby parce qu’on a mal interprété la politique en tenant compte de considérations étrangères ou non pertinentes. L’illégalité du camp flottant dans le passage De la Beche et les allusions à la politique sur l’arrière-pays sont des exemples de considérations étrangères au droit de Moresby à un quota sur le fondement des niveaux d’utilisation historiques.
[49] Le Canada soutient d’abord et avant tout que les décisions relatives à l’attribution de quotas sont des décisions administratives ou gouvernementales qui ne relèvent donc pas de la compétence des tribunaux. Il invoque une série de décisions rendues au Canada et en Angleterre pour appuyer son argument que les politiques élaborées par les pouvoirs publics ne peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Un exemple qui illustre bien ces énoncés se trouve dans l’extrait suivant de l’arrêt Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.), au paragraphe 28 :
La mise en oeuvre d’une politique en matière de quotas (par opposition à la délivrance d’un permis particulier) est une décision discrétionnaire qui tient de la mesure législative ou stratégique.
[50] On trouve la mise en garde suivante plus loin dans le même arrêt [au paragraphe 29] :
Les cours de révision saisies de la contestation d’une mesure administrative, soit la délivrance d’un permis, dont un élément est une mesure législative, soit l’élaboration d’une politique en matière de quotas, devraient prendre soin de ne pas appliquer à l’élément législatif la norme de contrôle applicable aux fonctions administratives. La distinction est peut-être ténue, mais chaque fois qu’une personne conteste indirectement une politique en matière de quotas en contestant directement la délivrance d’un permis, les tribunaux devraient isoler la contestation indirecte et l’assujettir aux normes applicables au contrôle d’une mesure législative qui ont été définies dans l’arrêt Maple Lodge Farms.
[51] Le Canada soutient que toute la question de la politique en matière de quotas, par opposition à celle de la délivrance d’un permis déterminé, déborde le cadre du pouvoir de contrôle judiciaire de notre Cour.
[52] Le Canada attire aussi l’attention sur la Loi sur les parcs nationaux qui, affirme-t-il, l’autorise— l’oblige en fait—à agir dans l’intérêt de la conservation et de la protection des zones naturelles. Il soutient qu’il est de ce fait habilité à assortir les permis commerciaux de conditions portant sur des aspects qui débordent les limites du parc. Tant les politiques de Parcs Canada que les conventions internationales obligent l’Agence à agir dans l’intérêt de l’environnement et du milieu local. Ces obligations justifient les préoccupations de la directrice au sujet de l’exploitation du camp flottant de Moresby.
[53] Il y a peut-être lieu d’examiner d’abord les arguments invoqués par le Canada pour affirmer que les décisions en matière d’attribution de quotas ne sont pas réglables par les voies de justice, car ces arguments se situent au coeur du débat. Il est incontestable que les décisions relevant uniquement de la politique échappent en règle générale à la compétence des tribunaux. Cette situation de fait tient à de nombreuses causes, mais en dernière analyse, la réticence des tribunaux à intervenir dans ces décisions est—ou devrait être—attribuable au fait que les décisions gouvernementales engagent la responsabilité politique de ceux qui les prennent. Il n’existe pas au Canada de doctrine structurée de la séparation des pouvoirs entre les divers organes du gouvernement, mais dans l’ensemble, les tribunaux hésitent à intervenir dans les « décisions politiques » sauf lorsque leur constitutionnalité est contestée. Voir l’analyse de la Cour suprême dans l’arrêt Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441 dans lequel, après un examen minutieux de la jurisprudence américaine et anglaise sur la question, la Cour conclut ce qui suit, à la page 472 :
En conséquence, s’il était simplement demandé à la Cour d’exprimer une opinion sur la sagesse de l’exercice des pouvoirs de l’Exécutif en matière de défense en l’espèce, la Cour devrait refuser d’y répondre. Elle ne peut substituer son opinion à celle de l’Exécutif à qui la Constitution attribue le pouvoir décisionnel. Comme l’effet de l’action des appelants est d’attaquer la sagesse de la politique du gouvernement en matière de défense, il est tentant de dire que la Cour devrait de la même façon refuser de s’en mêler. Toutefois, je pense que ce serait là une erreur, ce serait contourner la question dont nous sommes saisis. La question dont nous sommes saisis n’est pas de savoir si la politique du gouvernement en matière de défense est saine, mais plutôt de savoir si elle viole les droits des appelants que garantit l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[54] La question se posait dans un contexte constitutionnel, mais le débat est le même, que la question ressortisse au droit constitutionnel ou au droit administratif. Il n’appartient pas aux tribunaux d’évaluer la sagesse des politiques gouvernementales, que celles-ci soient exprimées dans un texte de loi ou dans des actes précis, tels qu’un accord international. Le moyen relatif à l’incompétence des tribunaux en la matière est par conséquent bien fondé dans cette mesure. Mais comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt Carpenter, cette immunité face au contrôle judiciaire n’est pas illimitée. Une politique peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire pour les motifs énumérés dans l’arrêt Maple Lodge Farms c. R., [1981] 1 C.F. 500 (C.A.).
[55] Moresby conteste le droit du ministre et de la directrice d’imposer une politique en matière de quotas, peu importe le contenu, en affirmant que ni l’un ni l’autre ne possède la compétence législative pour le faire. Le libellé des articles 4 et 5 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 3; L.C. 1992, ch. 1, art. 100] de la Loi sur les parcs nationaux, précitée, donne à penser que le ministre jouit d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation des parcs pour les générations à venir :
4. Les parcs sont créés à l’intention du peuple canadien afin que celui-ci puisse les utiliser pour son plaisir et l’enrichissement de ses connaissances, dans le cadre de la présente loi et de ses règlements; ils doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures.
5. (1) Sous réserve de l’article 8.2, les parcs sont placés sous l’autorité du ministre.
(1.1) Dans les cinq ans suivant la proclamation portant création d’un parc sous le régime d’une loi fédérale, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement un plan de gestion du parc en ce qui touche la protection des ressources, le zonage, les modalités d’utilisation par les visiteurs et toute autre question qu’il juge indiquée.
(1.2) En ce qui concerne le zonage du parc et l’utilisation par les visiteurs, il importe en premier lieu de préserver l’intégrité écologique et, à cette fin, de protéger les ressources naturelles. [Non souligné dans l’original.]
[56] Bien que Moresby attire notre attention sur des textes de loi précis qui, selon elle, établissent clairement le droit d’imposer des quotas, j’estime que c’est la nature du sujet qui commande le choix des mots appropriés pour créer le droit de contrôler l’accès au parc, car c’est bien ce que les quotas en litige sont censés faire. À mon avis, les allusions à l’utilisation par les visiteurs dans le contexte de la conservation du parc pour les générations à venir et de la protection de l’intégrité écologique des parcs sont suffisantes pour permettre à la directrice de restreindre l’accès au parc à ces fins. Je conclus qu’il n’y a aucun obstacle à la mise en application d’un système de quotas visant à protéger le parc. On ne m’a soumis aucun élément de preuve qui permettrait de penser que le système de quotas en litige est autre chose qu’un moyen de protéger l’intégrité écologique de la région de Gwaii Haanas.
[57] En conséquence, je suis d’accord pour dire que, bien que la sagesse d’une politique en matière de quotas ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire que dans les cas énumérés dans l’arrêt Maple Lodge Farms—c’est-à-dire mauvaise foi, considérations étrangères, etc.—, l’application de la politique à des cas précis d’attribution de permis est susceptible d’un contrôle judiciaire pour les motifs de contrôle judiciaire habituels, à condition qu’on prenne soin d’éviter d’intervenir dans les questions de politique gouvernementale que comporte nécessairement la décision de délivrer un permis.
[58] Pour ce qui est de la question de la délégation, l’analyse de Moresby repose sur certains arrêts de la Cour suprême du Canada portant sur une délégation de pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour faciliter la mise en oeuvre de systèmes de commercialisation interprovinciaux : Renvoi relativement à la Loi sur l’organisation du marché des produits agricoles et autres, S.R.C. 1970, chap. A-7 et autres, [1978] 2 R.C.S. 1198 et P.E.I. Potato Marketing Board v. Willis, [1952] 2 R.C.S. 392.
[59] La question de la délégation de pouvoirs revêt un aspect différent selon qu’elle se pose dans le contexte constitutionnel ou dans le domaine du droit administratif. Les litiges mettant en cause des offices de commercialisation font en règle générale suite à la contestation d’un régime déterminé fondé sur un « partage des pouvoirs » dans laquelle on accuse un ordre de gouvernement d’empiéter sur un domaine de compétence réservé à l’autre ordre de gouvernement aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict. ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]]. Ou, pour être un peu plus précis, ces différends naissent lorsqu’un citoyen se plaint que les deux ordres de gouvernement n’ont pas tenu compte des limites imposées par la Constitution dans leur empressement d’atteindre l’efficacité administrative. En pareil cas, la délégation est une question de partage des pouvoirs prévus aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 et non une question à juger selon les principes du droit administratif. Le bref extrait qui suit de l’arrêt rendu dans Renvoi relativement à la Loi sur l’organisation du marché des produits agricoles, sur lequel Moresby se fonde, illustre bien ce point, à la page 1232 :
Une entente fédérale-provinciale ne peut pas plus servir de base à l’élargissement des compétences législatives du Parlement que de celles d’une législature provinciale. Si le pouvoir revendiqué ne se trouve pas dans la Constitution, il ne peut être conféré par entente.
[60] Moresby se fonde sur ce passage pour affirmer que ni l’entente sur le parc ni l’entente de Gwaii Haanas ne peuvent conférer au CGA la compétence que les dispositions législatives applicables confèrent à d’autres. On constate toutefois à la lecture de cet extrait que c’est la Constitution, et non les principes du droit administratif, qui fait obstacle au transfert de compétence. L’accent qui est mis sur le partage des pouvoirs ressort de façon assez évidente de cet extrait, mais si des doutes subsistent, il suffit de prendre connaissance des deux phrases qui précèdent [aux pages 1231 et 1232] :
On suggère que, dans le cas d’un produit dans le commerce interprovincial et d’exportation et qui possède également un marché intra-provincial, un contrôle d’ensemble par voie réglementaire peut être exercé en vertu de la législation fédérale si c’est là le résultat d’une entente fédérale-provinciale à laquelle toutes les provinces sont parties. C’est adopter une conception élargie du pouvoir fédéral en matière d’échanges et de commerce qui n’a le soutien d’aucune autorité existante.
Il ressort à l’évidence de ces extraits que ces affaires ne traitent pas des questions que soulève la délégation irrégulière de pouvoirs en droit administratif.
[61] Moresby invoque également des décisions ayant trait à une délégation de pouvoirs d’un organisme à l’autre : Brant Dairy Co. Ltd. et autre c. Milk Commission of Ontario et autre, [1973] R.C.S. 131.
[62] Dans l’affaire Brant Dairy, un règlement provincial conférait à la Commission du lait de l’Ontario le pouvoir de fixer, d’annuler ou de diminuer les quotas de lait des producteurs. La Commission a adopté un règlement par lequel elle déléguait ce pouvoir à l’Office ontarien de commercialisation du lait, qui traitait ensuite des questions de quotas en son propre nom. La Cour suprême du Canada a statué que la délégation en bloc des pouvoirs de la Commission avait eu pour effet de transformer un pouvoir législatif en un pouvoir administratif et qu’il s’agissait d’une délégation interdite.
[63] Si, comme Moresby l’affirme, c’est le CGA qui a effectivement pris les décisions en l’espèce, quel est le fondement juridique de cette présumée compétence? Bien qu’on puisse remonter à la Loi sur les parcs nationaux pour confirmer la compétence de la directrice, il n’existe pas de texte aussi explicite conférant cette compétence au CGA. Le pouvoir de conclure l’Entente Gwaii Haanas trouve sa source au paragraphe 8.5(1) [édicté par L.C. 1992, ch. 23, art. 1] de la Loi sur les parcs nationaux, qui prévoit ce qui suit :
8.5 (1) Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à conclure un accord avec le Conseil de la nation haida concernant la gestion et l’exploitation des terres décrites à l’annexe VI—dans le présent article, l’archipel de Gwaii Haanas.
[64] Le problème réside dans le fait que, bien qu’une entente ait été signée, aucune autorisation n’a été accordée à son sujet par le gouverneur général en conseil, soit sous forme d’autorisation de conclure l’entente, soit sous forme de ratification de cette même entente. En conséquence, l’Entente Gwaii Haanas n’est pas suffisante sur le plan juridique pour justifier un transfert de pouvoirs au CGA.
[65] Si l’on suppose que cette conclusion étonnante s’explique par des recherches juridiques insuffisantes ou inadéquates et que la signature de l’Entente Gwaii Haanas ait été régulièrement autorisée, on ne sait toujours pas comment les pouvoirs de gestion du parc pouvaient être transférés de la personne désignée par la loi, savoir la directrice, au CGA. Il faudrait alors présumer qu’en prévoyant la possibilité d’une entente relative à la gestion du parc, le législateur fédéral a autorisé le Canada à négocier une entente prévoyant des modalités différentes de celles que renferme la Loi. Si tel n’était pas le cas, à quoi servirait une entente sur la gestion du parc? Il n’est pas nécessaire de négocier une entente pour faire exactement ce que la Loi prescrit de faire.
[66] L’idée que le législateur fédéral autoriserait le gouverneur en conseil à réécrire la loi dans une entente conclue avec les Haïdas est intrinsèquement improbable. Peu importe que l’on considère cette question comme un aspect du principe de la primauté du droit ou comme une question de responsabilité politique, le résultat est le même. Il est inconcevable, dans notre régime politique, d’envisager une situation dans laquelle les lois votées par le Parlement au terme d’un débat public sont modifiées ou annulées par le gouvernement par le biais d’une entente écrite. Même en supposant que ce soit possible, seuls les termes les plus explicites pourraient justifier une telle façon de faire. On ne s’attendrait pas à ce qu’une telle doctrine soit invoquée implicitement, comme il faudrait qu’elle le soit dans le présent cas.
[67] De plus, il n’est pas nécessaire de recourir à une telle théorie pour justifier la présente entente. L’Entente Gwaii Haanas se veut une solution au problème des revendications contradictoires sur le même territoire. Le Canada et la nation haïda revendiquent tous les deux le pouvoir de gérer la région de Gwaii Haanas. Le Canada invoque la Loi sur les parcs nationaux et des dispositions législatives portant expressément sur la réserve du parc national de Gwaii Haanas. La nation haïda se fonde sur les droits ancestraux qu’elle revendique sur son territoire ancestral. Il est dans l’intérêt des deux parties de se soumettre à une structure qui permet que des décisions soient prises sans qu’il soit nécessaire de décider de quelle autorité elles émanent. L’obligation de dégager un consensus sur toutes les décisions est un mécanisme qui permet que des décisions soient prises sans avoir à attribuer la compétence sur l’objet de la décision à l’une ou l’autre partie. Il est essentiel, dans l’intérêt des deux parties, que l’on puisse dire qu’une décision déterminée a été prise sous leur autorité. Pour cette raison, il serait contraire à la logique qui a conduit à la création du CGA de permettre à l’une ou l’autre partie de déléguer—ou d’être considérée comme ayant délégué—ses pouvoirs au CGA. Chacune doit être considérée comme agissant en vertu des pouvoirs qu’elle revendique.
[68] De peur qu’on ne considère que je me livre à des conjectures extravagantes, je reproduis le préambule de l’Entente Gwaii Haanas, dans lequel on peut constater la position de chacune des parties au sujet de la réserve du parc :
La nation haida voit l’archipel comme une terre haïda, assujettie aux droits collectifs et individuels des citoyens haïdas, à la souveraineté des chefs héréditaires et à la compétence du Conseil de la nation haida. La nation haïda possède ses terres et ses eaux en vertu du droit héréditaire, assujetti aux lois de la Constitution de la nation haïda et à la compétence législative de l’Assemblée législative haïda.
Le gouvernement du Canada considère que l’archipel est une terre de la Couronne assujettie à certains droits ou intérêts privés ainsi qu’à la souveraineté de Sa Majesté la Reine et à la compétence législative du Parlement du Canada et de l’Assemblée législative de la province de la Colombie-Britannique.
Les haïdas ont désigné et géré l’archipel sous l’appellation de « Site du patrimoine Gwaii Haanas » et maintiendront ainsi la région à son état naturel tout en poursuivant leur mode de vie traditionnel comme ils le font depuis des générations. La nation haïda assurera ainsi la continuité de sa culture tout en permettant la jouissance des lieux par les visiteurs.
[…]
[69] Le CGA fournit une structure administrative au sein de laquelle des questions sont débattues et des décisions sont prises. Il est doté d’un personnel qui remplit quelques-unes des nombreuses fonctions associées à l’exploitation d’un parc. Le fait qu’un des membres de ce personnel pourrait transmettre des renseignements au sujet du système de permis commerciaux ou de la politique en matière de quotas ne signifie pas que le CGA dicte ses politiques à la directrice. Plus précisément, le fait que Mme Anna Gajda, organisatrice des activités de l’arrière-pays, a écrit en mars 1996 à Moresby pour l’informer notamment qu’aucun quota ne lui serait attribué pour l’utilisation de son camp flottant ne prouve pas que la directrice n’était pas responsable de cette décision. Ce fait démontre simplement que la directrice peut compter sur l’aide d’un personnel administratif pour la gestion du parc.
[70] Bien que cela puisse être vrai en théorie, Moresby signale un incident qui, affirme-t-elle, démontre que le CGA peut contredire la directrice. Moresby a convenu verbalement avec M. Ron Hamilton (qui était directeur à l’époque) qu’on lui donnerait un préavis d’un an pour démonter son camp flottant. L’année suivante, en 1996, il a reçu l’ordre de déplacer son camp flottant sans recevoir le préavis qu’on lui avait promis. La raison pour laquelle l’entente verbale n’a pas été respectée a été exposée dans la lettre suivante écrite le 28 mars 1996 par Mme Anna Gajda, sur du papier à en-tête du CGA :
[traduction] M. Hamilton vous a donné verbalement l’assurance, lors de la réunion tenue en octobre 1995 avec les exploitants commerciaux, qu’un préavis d’un an vous serait donné au sujet du démantèlement de votre camp flottant. Or, cette assurance vous a été donnée avant que M. Hamilton n’apprenne que vos activités contrevenaient à la Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d’application. À cet égard, veuillez vous reporter à la lettre à ce sujet qui vous est envoyée sous pli séparé.
[71] Dans sa lettre du 15 avril 1996, M. Hamilton énumère les violations des politiques et de la loi qui ont déclenché la demande de démantèlement :
[traduction] D’autres exploitants n’ont pas reçu le même avis d’« absence de droit de propriété » parce que leurs activités ne risquaient pas de contrevenir aux politiques de Parcs Canada comme c’est le cas pour votre camp flottant. Le camp flottant répond à la définition d’« auberge de l’arrière-pays » que l’on trouve à la directive de gestion 4.6.16 de Parcs Canada. Selon cette directive, l’érection d’une auberge de l’arrière-pays ne pourra être autorisée que lorsqu’elle respecte le plan de gestion approuvé du parc. La directive prévoit en outre que la construction de nouvelles auberges de l’arrière-pays ne peut être autorisée que si elle est prévue dans un plan de gestion de parc. Le CGA reconnaît que votre camp flottant peut être incompatible avec le plan de gestion définitif, d’où l’avis de risque d’incompatibilité.
[72] Ces deux lettres n’appuient aucunement la thèse que le CGA a contredit le directeur sur la question du préavis d’un an au sujet du démantèlement du camp flottant. Il est assez évident que l’engagement de donner un préavis d’un an n’a pas été respecté. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi il en est ainsi. Dans sa lettre, Mme Anna Gajda précise bien que M. Hamilton a changé d’avis lorsqu’il a été mis au courant de la situation juridique du camp flottant. Dans sa lettre, M. Hamilton n’aborde pas directement la question du préavis de démantèlement, mais il précise bien que le camp flottant n’est pas conforme aux politiques de Parcs Canada. Le fait que le CGA reconnaît la mention de l’incompatibilité entre le camp flottant et les politiques de Parcs Canada constitue plutôt une reconnaissance du fait que le CGA appliquait les politiques de Parcs Canada et non l’inverse. Le fait que l’engagement n’a pas été respecté ne démontre pas le bien-fondé de la thèse de Moresby au sujet des raisons pour lesquelles l’engagement n’a pas été respecté.
[73] La délégation irrégulière de pouvoirs n’est pas la question en cause en l’espèce, parce que la directrice a continué à exercer sa charge en dépit de l’existence du CGA. Les permis commerciaux, qui, selon le Règlement de 1998 sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux, sont délivrés par le directeur sont effectivement signés par lui. Il ne s’agit pas d’un cas dans lequel le directeur prétendrait attribuer ses pouvoirs au CGA, qui prendrait ensuite des décisions que seul le directeur peut prendre. Toutes les questions qui doivent être décidées par le directeur sont décidées par lui, bien qu’elles le soient dans le cadre du CGA.
[74] L’allégation de délégation illégale de Moresby repose plutôt sur l’obligation de se consulter et de dégager un consensus. Mais le fait que le directeur a un pouvoir discrétionnaire à exercer ne dicte pas la procédure qu’il doit suivre pour exercer ce pouvoir. Le fait que celui qui est chargé de prendre une décision discute de la question avec une autre personne ne signifie pas qu’il a renoncé à ses pouvoirs au profit de cette dernière. Le CGA offre un mécanisme de consultation avec la nation haïda qui a comme heureux résultat de regrouper des revendications de compétences opposées.
[75] Il est important de remarquer que l’article 9.2 de l’Entente Gwaii Haanas protégeait expressément le droit du Canada de faire valoir sa compétence :
[traduction] 9.2 Aucune disposition de cette entente ne doit entraver ou limiter ou être jugée comme entravant ou limitant d’aucune façon les droits, compétences, pouvoirs, obligations ou responsabilités de l’une ou l’autre partie ou des représentants, sauf dans la mesure où tous les efforts raisonnables doivent avoir été déployés pour dégager un consensus au moyen de processus énoncé à l’article 5 de cette entente.
Cette disposition ébranle également la théorie de la redistribution des pouvoirs législatifs par le biais d’une entente, étant donné qu’elle repose explicitement sur le texte actuel de la Loi, ce qui est incompatible avec une intention de modifier la Loi au moyen d’une entente.
[76] En fin de compte, c’est l’obligation de parvenir à un consensus qui est l’élément le plus révélateur qui milite contre l’argument de Moresby. Si la décision doit être consensuelle, alors, par définition, il faut que la directrice y ait donné son assentiment. Si les décisions étaient prises à la majorité, il serait possible de prouver que la directrice a cédé son pouvoir discrétionnaire sur une question déterminée en démontrant qu’elle a voté contre une résolution qu’elle a par la suite mise à exécution. En l’espèce, si la directrice n’est pas d’accord avec une décision, la question doit être déférée à d’autres personnes. Si, après d’autres consultations, on ne parvient pas à un accord, la directrice est habilitée à agir unilatéralement. Dans ces conditions, on ne peut démontrer qu’il y a eu délégation irrégulière.
[77] Dans une certaine mesure, on peut tenir le même raisonnement en ce qui concerne l’argument que la directrice a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en acceptant de consulter la nation haïda, dans le cadre du CGA, et en essayant de dégager un consensus. Si l’on parvient à un consensus, celui-ci représente le libre exercice du pouvoir discrétionnaire de la directrice. Dans le cas contraire, la question est renvoyée à d’autres personnes et la directrice conserve le droit d’agir unilatéralement. Moresby avancera qu’on ne peut présumer que la directrice impose ses vues personnelles, car c’est précisément la question que soulève la demande. Bien que cet argument puisse être fondé, il ne change rien au fait qu’il incombe à Moresby de démontrer le bien-fondé de sa cause. Elle ne peut se contenter d’affirmer que la directrice a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et forcer le ministre à prouver le contraire.
[78] Il existe une différence subtile entre l’acte positif de délivrer un permis et l’acte négatif de refuser d’attribuer un quota. Dans les cas où un consensus est exigé, tous doivent être d’accord pour qu’un changement se produise. Mais le désaccord d’une seule personne suffit à maintenir le statu quo. Moresby pourrait avancer que le fait que le quota a été refusé laisse ouverte la possibilité que la directrice soit empêchée de lui attribuer d’autres quotas en raison du désaccord qui existe au sein du CGA. Pour que cet argument soit retenu, il faudrait qu’il y ait des éléments de preuve permettant de conclure que la directrice n’était pas d’accord avec la diminution de quotas. Or, la preuve va tout à fait dans l’autre sens. Qui plus est, la dichotomie sur laquelle repose cet argument est fausse. L’attribution de quotas fait partie du permis qui a été délivré à Moresby. Pour que ce permis soit délivré, il fallait que la directrice soit d’accord. Il n’est pas possible de scinder les deux questions.
[79] Il existe certains précédents sur la question de la consultation comme forme d’entrave à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Ainsi, dans l’affaire Baluyut c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 420 (1re inst.), une agente des visas devait décider s’il y avait lieu d’interviewer la requérante hors de la présence de son conjoint, alors que le guide des politiques de l’immigration exigeait que les personnes à la charge des requérants soient présentes lors de l’entrevue. La requérante se trouvait aux États-Unis et devait être reçue en entrevue à Los Angeles. Son mari était aux Philippines et n’avait pas les moyens de se rendre à Los Angeles pour l’entrevue. Après avoir consulté ses supérieurs du consulat, l’agente des visas a décidé qu’elle ne pouvait interviewer la requérante en l’absence du mari de cette dernière. Le juge McGillis a décidé que l’agente des visas avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se contentant de suivre l’opinion de ses supérieurs du consulat [à la page 426] :
Les faits montrent que Mme Roa [l’agente des visas] a omis de faire preuve d’un jugement indépendant dans cette affaire et qu’elle a ainsi entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Confrontée à l’explication donnée par Mme Baluyut, à la date prévue pour l’entrevue, Mme Roa a consulté des supérieurs au consulat et a fait exactement ce qu’on lui a dit de faire.
[80] Cette décision n’est pas un précédent qui appuie la thèse que le fait de consulter d’autres personnes constitue nécessairement une entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, mais plutôt que le défaut de faire preuve d’un jugement indépendant après avoir consulté autrui peut équivaloir à une entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.
[81] Un autre cas de consultation et de renvoi s’est présenté dans l’affaire K.F. Evans Ltd. c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), [1997] 1 C.F. 405 (1re inst.). Les faits sont exposés dans le sommaire du jugement [aux pages 406 et 407] :
Il s’agit d’une demande d’annulation de la décision par laquelle le ministre a refusé, en vertu de l’article 7 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, de délivrer les licences que la requérante demandait en vue d’exporter du Canada une certaine quantité de billes non transformées parce qu’elle n’avait pas obtenu l’approbation du British Columbia Timber Export Advisory Committee (le comité consultatif). Le comité en question avait été constitué dans le but de conseiller le ministre des Forêts au sujet de l’opportunité de soustraire du bois à l’application de dispositions législatives exigeant que certains types de bois récolté en Colombie-Britannique soient transformés dans cette province. Bien qu’elles proviennent de terres privées et non de terres domaniales fédérales et qu’elles ne tombent pas sous le coup de la loi provinciale, les billes sont assujetties à l’article 7 de la Loi, qui interdit leur exportation à moins d’obtenir une licence du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international. Les billes ont été soumises au contrôle fédéral en matière d’exportation en 1940 (Loi des mesures de guerre) alors qu’on s’inquiétait de leur approvisionnement. La requérante a soumis des demandes de licences d’exportation au ministre sans avoir d’abord présenté de demande au ministère des Forêts de la Colombie-Britannique; elle a été informée que ses demandes étaient incomplètes parce qu’elle n’avait pas suivi la procédure du comité consultatif. Suivant cette procédure, le ministère des Forêts de la Colombie-Britannique envoie aux entreprises de transformation de la province qui désirent acheter les billes un avis de la demande présentée en vue d’obtenir la permission d’exporter les billes. Les offres reçues des entreprises intéressées sont transmises au comité consultatif pour qu’il détermine si elles sont valables. Si le comité consultatif détermine que les offres sont valables, on présume que l’approvisionnement est insuffisant en Colombie-Britannique, et les autorités fédérales n’accordent pas la permission d’exporter. La requérante a présenté une demande au ministère provincial des Forêts en précisant qu’elle le faisait contre son gré. Le comité consultatif a jugé valables les offres qui ont été reçues au sujet des billes de la requérante. Celle-ci aurait pu obtenir un prix beaucoup plus élevé sur le marché international.
[82] Au vu de ces faits, la requérante affirmait que le ministre avait fait défaut d’exercer son pouvoir discrétionnaire ou qu’il en avait entravé l’exercice. L’argument reposait sur le fait que le ministre avait considéré que, par sa décision, le comité consultatif avait tranché la question dont il était saisi. Le juge Reed a conclu que le ministre avait renoncé à son pouvoir décisionnel en se contentant d’adopter la position du comité consultatif sans tenir compte des circonstances de l’espèce [à la page 422] :
La décision que le ministre a prise plus d’une fois et, que ses fonctionnaires ont prise en leur qualité de délégués du ministre était que la procédure du comité consultatif s’appliquait. Ni le ministre ni ses délégués ne se sont eux-mêmes prononcés sur le bien-fondé des demandes de la requérante. Il ressort de documents qui exposent le rôle que joue la procédure du comité consultatif et qui sont antérieurs à la contestation de cette procédure que l’on considérait que c’était dans le cadre de cette procédure que l’on décidait s’il y avait lieu d’accorder ou de refuser une licence d’exportation.
[83] Une affaire qui porte directement sur la question de la consultation est l’affaire Holland c. Canada (Procureur général) (2000), 188 F.T.R. 305 (C.F. 1re inst.), qui concernait une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada avait refusé de délivrer au requérant un permis de port d’arme à autorisation restreinte. Cette décision était contestée au motif que le commissaire avait consulté diverses personnes avant de prendre sa décision. Le juge MacKay a statué, au paragraphe 23, que cette façon de procéder n’entachait pas la décision d’une erreur fatale :
Vu le but visé par le législateur et le large pouvoir discrétionnaire dont le commissaire est investi en la matière, la Cour n’interviendra que dans les rares cas où il est clair que la volonté du législateur a été ignorée, les cas où d’autres considérations ont pesé indûment dans la balance, ou encore les cas où il y a eu grave iniquité procédurale. En l’espèce, il ressort du dossier que le commissaire a consulté d’autres parties et a compté sur certains responsables au sein de la G.R.C. pour lui soumettre des éléments d’information relatifs à la demande en question. À mon avis, il n’y a pas limitation de l’exercice du pouvoir discrétionnaire tant que la décision finale est le fait de l’autorité compétente. Le commissaire de la G.R.C. a de nombreuses responsabilités. Il est raisonnable de sa part de se faire assister des membres de la G.R.C. pour s’acquitter de ces responsabilités, ce qui s’entend, dans les circonstances de la cause, du fait de demander une instruction préliminaire de la demande, avec avis des autorités municipales et provinciales sur le risque de danger de mort invoqué et sur l’opportunité de la délivrance d’un permis de port d’arme dissimulée. La mention faite par le commissaire des éléments d’information obtenus de ces sources ne constitue pas une limitation de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire dans cette décision, ni une délégation illégale de ce pouvoir. Il faut se rappeler que le demandeur n’a pas produit les renseignements qu’avait demandés le commissaire avant sa décision.
[84] La différence entre l’affaire Holland et la présente espèce est le fait que, dans l’affaire Holland, la consultation était une procédure distincte se rapportant à une demande déterminée, tandis qu’en l’espèce, le processus de consultation est structuré et s’applique à une large gamme de questions, dont celle des conditions du permis de Moresby. Mais cela ne change rien au principe que la consultation n’équivaut pas à une entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire tant que c’est la personne chargée de prendre la décision qui prend la décision finale.
[85] En fin de compte, je ne suis pas convaincu que la directrice a illégalement délégué au CGA ses pouvoirs en matière de délivrance de permis. Les permis (assortis de conditions) ont été délivrés et signés par la directrice. Le fait qu’une autre signature soit apposée sur le formulaire n’a pas pour effet d’invalider l’approbation de ce permis par la directrice. La structure du CGA fait en sorte que le permis ne pouvait être délivré que si la directrice convenait qu’il devait l’être.
[86] Il nous reste à décider si la directrice a régulièrement exercé son pouvoir discrétionnaire en fixant les conditions dont elle a assorti le permis délivré à Moresby. Moresby affirme que la directrice n’a pas exercé son pouvoir de façon régulière. En premier lieu, la directrice n’a pas le pouvoir de mettre en application un système de quotas si le pouvoir spécifique de le faire ne lui a pas été conféré. Même si ce pouvoir lui a été conféré, elle ne l’a pas appliqué de façon équitable dans le cas de Moresby. Et finalement, la directrice s’est fondée sur des facteurs non pertinents pour exercer son pouvoir discrétionnaire comme elle l’a fait.
[87] Comme il s’agit de l’examen de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, il faut aborder la question de la norme de contrôle applicable. Le cadre d’analyse se trouve dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.
[88] Les décisions de la directrice ne sont pas susceptibles d’appel, mais elles peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
[89] La question est en grande partie une question de fait. La décision porte sur l’utilisation et la protection des ressources de la réserve du parc. La question que la directrice est appelée à trancher est celle de savoir s’il y a lieu d’attribuer un quota pour l’utilisation du parc comportant un camp flottant qui se trouve présentement en dehors des limites de toute réserve désignée comme parc. Pour ce faire, il faut examiner les incidences du camp flottant sur le milieu naturel du parc et les conséquences de son utilisation sur les modes d’utilisation durables.
[90] La directrice possède une compétence spécialisée relative plus poussée que celle de la Cour en ce qui concerne les questions qui doivent être abordées. Elle est « sur le terrain » dans la zone où la conservation est en jeu. Son processus de prise de décisions comporte un aspect polycentrique, étant donné qu’elle doit soupeser les besoins de l’environnement et ceux des Haïdas, mais il comporte aussi un aspect d’admissibilité, en ce sens qu’elle doit appliquer des principes généraux à des faits précis. Sur ce dernier aspect, la directrice n’a pas une compétence spécialisée plus poussée que celle que possède la Cour.
[91] Dans ces conditions, il est peu probable qu’il soit nécessaire que la décision en litige soit correcte. Les exigences divergentes des divers intérêts dont il faut tenir compte et les aspects de la compétence spécialisée relative plus poussée que possède la directrice militent en faveur d’une norme de contrôle moins élevée que celle de la décision correcte. En revanche, la différence en ce qui concerne la compétence spécialisée n’est pas à ce point marquée pour que la Cour limite son intervention aux cas de décisions manifestement déraisonnables. La norme de contrôle du caractère raisonnable a l’avantage de respecter le fait que la directrice a une connaissance plus approfondie des réalités locales tout en reconnaissant que les aspects de sa décision qui supposent l’application d’une politique à une série de faits déterminés sont des questions au sujet desquelles la Cour possède sa propre compétence spécialisée. En conséquence, je conclus que la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable simpliciter.
[92] La raison d’être de la politique en matière de quotas était de bloquer l’utilisation des ressources du parc aux niveaux existants en attendant la publication du plan de gestion du parc :
[traduction] 8. Mon rôle d’assistante aux activités de consultation du public a été élargi en 1995 lorsque j’ai participé à l’élaboration d’un système de permis commerciaux visant à réglementer l’accès des voyagistes commerciaux à la réserve du parc national. Un des objectifs du système était de bloquer les activités commerciales à leur niveau actuel en attendant d’évaluer leurs incidences sur l’intégrité écologique et culturelle du parc, de même que la qualité de l’expérience des visiteurs. [Affidavit souscrit par Mme Anna Gajda le 27 août 1999.]
[93] Depuis l’adoption du plan de gestion de l’arrière-pays, le niveau des quotas a été rajusté pour tenir compte d’autres facteurs :
[traduction] 19. Un système de quotas a été utilisé à Gwaii Haanas pour réglementer l’utilisation du secteur en conformité avec les politiques de Parcs Canada. Dans un premier temps, le niveau des quotas a été bloqué pour maintenir les quotas des utilisateurs et les types d’activités en fonction de la situation qui existait avant 1996. Ce blocage a été mis en place en attendant la publication d’un plan de gestion de l’arrière-pays de la réserve du parc national.
20. Depuis la publication du plan de gestion de l’arrière-pays, en 1999, les quotas ont fait l’objet d’un examen et d’une révision.
21. Par exemple, en 1999, la limite quotidienne de voyageurs indépendants à Gwaii Haanas a été augmentée de 25 personnes par jour et en l’an 2000, cette limite a de nouveau été augmentée, conformément au plan de gestion de l’arrière-pays. [Affidavit souscrit par Mme Anna Gajda le 28 février 2001.]
[94] Parmi les activités exercées par Moresby avant la mise en place du système de quotas, mentionnons la location de kayaks, le transport, les excursions avec nuitée, les excursions guidées en kayak et la plongée. (Affidavit souscrit par M. Douglas Gould le 16 janvier 2001 (paragraphe 4)).
[95] Aucun quota n’a été attribué à Moresby pour ses activités de plongée et de kayak :
[traduction] […] le Comité de gestion de l’archipel (CGA) a toujours maintenu que votre entreprise ne recevrait pas de quota pour les excursions au cours desquelles votre camp flottant serait utilisé tant que celui-ci serait situé dans le passage De la Beche. Suivant vos brochures d’excursions de plongée et de kayak, le camp flottant est utilisé au cours de ces excursions. Vous ne pouvez donc pas obtenir de quota pour vos excursions de plongée et de kayak d’après les politiques actuelles. [Lettre de M. Steve Langdon, coprésident du Comité de gestion de l’Archipel, en date du 29 janvier 1999 (annexe P de l’affidavit souscrit par M. Douglas Gould le 16 janvier 2001).]
[96] Voici les raisons invoquées pour justifier le refus d’attribuer des quotas pour ces activités, en faisant abstraction de la question du camp flottant lui-même :
[traduction] […] les nuitées-utilisateurs associées au camp flottant ne peuvent être appliquées à votre quota. De plus, les nuitées-utilisateurs ne peuvent être converties en quotas de jours-utilisateurs (ou vice-versa) car cela constituerait un changement de service interdit par les conditions de tous les permis commerciaux. [Lettre écrite le 9 mai 1996 par M. Ron Hamilton, directeur de la protection des ressources patrimoniales (annexe H de l’affidavit souscrit par M. Douglas Gould le 16 janvier 2001).]
[97] Dans un document rédigé en mars 1998 pour expliquer au public la politique de délivrance de permis commerciaux, Mme Anna Gajda précise les paramètres des permis à délivrer :
[traduction] 3. Seules les entreprises qui ont exercé des activités à Gwaii Haanas au cours des années précédentes auront la possibilité de demander un permis commercial pour Gwaii Haanas pour exploiter le même type d’entreprise qu’auparavant (c.-à-d. sans changement de vocation des activités exercées). L’objectif visé n’est pas de pénaliser les propriétaires d’entreprises, mais de bloquer les activités à leur « meilleur » niveau antérieur tant que l’évaluation du préjudice causé à l’environnement n’aura pas été effectuée et tant qu’un plan de gestion n’aura pas été adopté pour orienter toute expansion des visites dans le secteur.
[…]
5. Une entreprise n’obtiendra pas nécessairement un permis commercial si ses activités sont incompatibles avec le projet de plan de gestion de Gwaii Haanas ou avec les dispositions législatives applicables.
[98] Il ressort de ces textes que la politique relative aux permis commerciaux était censée fixer le niveau d’activité dans la réserve du parc à son niveau historique en attendant que le plan de gestion du parc soit publié et que la capacité de charge du parc soit évaluée. Il n’y avait pas à cette étape-là de volonté d’écarter certains types d’activités déterminées qui avaient été exercées dans le passé. Les restrictions interdisant le changement de vocation visaient à empêcher l’« amorçage », c’est-à-dire le fait pour les exploitants de se lancer dans de nouvelles activités dans le seul but d’obtenir des quotas pour ces activités. Il ne s’agissait pas de pénaliser les exploitants ou de limiter leurs activités, mais seulement de maintenir le statu quo.
[99] Comme nous l’avons déjà vu, il existait des dispositions législatives qui justifiaient l’établissement d’un quota en attendant l’élaboration d’un plan de gestion en conformité avec la Loi. Dans le cas de Moresby, le statu quo était inacceptable aux yeux de la directrice, étant donné qu’il supposait le maintien du camp flottant. Mais l’utilisation du camp flottant constitue une question différente de celle du niveau d’utilisation historique des installations du parc. On ne m’a soumis aucun élément de preuve qui tendrait à démontrer que la plongée et les excursions en kayak ne pouvaient pas se faire sans utiliser le camp flottant. Je ne doute pas que la logistique s’en trouverait compliquée, mais il n’y a rien qui me justifie de penser qu’il devient impossible de conserver ces activités sans recourir à un point d’attache comme un camp flottant. En conséquence, il n’y a aucune raison évidente pour laquelle l’opposition de la directrice (et du CGA) au camp flottant se traduirait nécessairement, en ce qui concerne l’établissement des quotas, par un refus d’utiliser le parc pour la plongée et les excursions en kayak. Aux fins de la discussion, la directrice pouvait prendre les mesures qu’elle estimait appropriées au sujet du camp flottant tout en continuant à calculer les jours et nuitées associés à la plongée et aux excursions en kayak pour fixer les quotas à attribuer à Moresby.
[100] Même s’il était démontré que la plongée et les excursions en kayak ne pouvaient être réalisées sans un point d’attache, les raisons pour lesquelles on ne pouvait tenir compte de l’usage associé à ces activités pour fixer le quota de Moresby ne sont pas évidentes. Cet usage faisait partie des niveaux d’utilisation historiques que le parc pouvait soutenir. Le raisonnement que le fait de tenir compte de ces jours/nuitées-utilisateurs pour d’autres activités équivaudrait à un changement de vocation porte à faux, car la politique relative au changement de vocation visait à empêcher l’acquisition de nouveaux quotas. Elle n’était pas conçue pour causer une perte de quotas, qui est l’effet que l’application de cette politique a eu en l’espèce.
[101] À mon avis, la directrice n’a pas appliqué correctement sa propre politique dans le cas de Moresby. Les activités d’excursions en kayak et de plongée qui avaient auparavant été exercées à partir du camp flottant constituaient une utilisation légitime du parc avant l’entrée en vigueur du système de permis. En refusant de reconnaître cette utilisation lors de la fixation des quotas, on confondait la question du camp flottant avec celle des niveaux historiques d’utilisation des installations du parc. En estimant que ces activités ne peuvent pas être reconnues parce que l’utilisation du camp est une activité illégale, on ne tient pas compte du fait que le kayak et la plongée sont des activités parfaitement légales. La question des mesures à prendre au sujet d’un camp flottant non désiré est une question distincte de celle des niveaux historiques d’utilisation des installations et services du parc.
[102] Ce qui nous amène à la question de la position adoptée par l’administration du parc au sujet du camp flottant. La thèse du Canada est que sa mission de protéger l’environnement du parc et l’écologie l’autorise ou l’oblige à tenir compte des effets nocifs possibles du camp flottant sur l’environnement du parc même lorsqu’il est situé à l’extérieur des limites du parc et des limites de l’aire marine de conservation projetée. Le Canada a cité à la Cour de longs extraits de politiques de Parcs Canada et de conventions internationales à l’appui de son droit d’agir de manière à protéger l’écologie du parc en limitant les activités exercées dans les zones environnantes dans la mesure où il le peut par le biais du système de délivrance de permis.
[103] Il n’y a aucun doute que la directrice se voit confier un vaste mandat qui lui permet de faire le nécessaire pour protéger et conserver la splendeur naturelle de la région de Gwaii Haanas pour le profit des générations à venir, mais il ne s’ensuit pas que toute activité exercée à proximité du parc est par le fait même assujettie au contrôle de l’administration du parc par le biais du mécanisme de la délivrance de permis et du contrôle de l’accès.
[104] Le message implicite de l’argument de Moresby est que l’opposition à son camp flottant tient davantage à des raisons historiques qu’à sa prétendue illégalité. En 1989, année où Moresby a commencé ses activités au camp flottant, M. Ron Hooper, qui était alors directeur de la réserve du parc national de Moresby-Sud, a rédigé un document dans lequel étaient examinées les activités projetées de Moresby. Voici comment la question en jeu était définie dans ce document :
[traduction] Des entrepreneurs locaux, MM. Doug Gould et Bill Blount, sont en train d’ériger un camp flottant qui sera mis à l’ancre dans le passage De la Beche. La législation fédérale et provinciale actuelle ne permet pas d’empêcher l’établissement de cette entreprise. Cette situation crée un précédent regrettable, fait l’objet d’une opposition de la part de représentants du Conseil de la nation haïda et provoquerait à l’avenir des difficultés une fois que le parc marin national sera créé.
[…]
Des représentants du Conseil de la nation haïda ont exprimé leurs préoccupations à ce sujet et suggèrent que le SCP [Service canadien des parcs?] intervienne. Ils ont indiqué que si le « gouvernement » (sous réserve de l’intervention des autorités fédérales ou provinciales compétentes) n’est pas en mesure d’intervenir, ils devront prendre les mesures nécessaires pour assurer le contrôle de la gestion.
Mesures recommandées
1. Le SCP ne peut pas intervenir directement pour empêcher les activités au camp flottant tant que la réserve du parc marin ne sera pas créée.
2. Une fois que le camp flottant aura été érigé, une lettre devrait être envoyée à MM. Blount et Gould pour les informer que leurs activités ne seront peut-être plus autorisées une fois que la réserve du parc marin aura été créée et que l’existence du camp dans l’intervalle ne leur confère aucun droit de propriété. Il faudra consulter Le MJ [ministère de la Justice?] au sujet du libellé précis de la lettre. [Annexe B de l’affidavit souscrit le 27 août 1999 par Mme Anna Gajda.]
[105] Il est à peu près hors de doute que le camp flottant était inacceptable aux yeux des deux groupes qui constituaient le CGA dès la date de la création de ce dernier. La licéité du camp flottant est, à mon avis, secondaire par rapport au fait que, pour diverses raisons, les intérêts des bureaucrates de Parcs Canada et ceux de la nation haïda coïncidaient, en ce sens que tous souhaitaient le démantèlement du camp flottant.
[106] La directrice a le droit d’examiner la légalité du camp flottant. Cependant, la notion d’illégalité ne saurait s’entendre du fait de faire fi de l’autorité que prétend exercer le CGA (ou la directrice) sur des zones où ils n’ont pas compétence. On trouve un exemple utile de cette dernière situation dans la position adoptée par le CGA au sujet du mouillage des paquebots de croisière. En janvier 1998, une demande de renseignements a été soumise par une petite compagnie de paquebots de croisière qui envisageait la possibilité de jeter l’ancre pendant de longues périodes dans des zones donnant facilement accès au parc. On a demandé au CGA de faire connaître sa position à l’égard de ces activités. Après avoir conclu qu’il ne disposait pour le moment d’aucun moyen de réglementer une telle activité, le CGA a adopté cette mesure de suivi :
[traduction] Adopter officiellement une politique interdisant aux navires de mouiller dans la même baie, le même passage ou la même anse pendant plus de trois nuits consécutives. Bien que l’observation de cette politique ne pourrait pas être assurée en vertu de la Loi sur les parcs nationaux ou de la Loi sur les aires marines de conservation (dans un premier temps), elle aurait pour effet d’aviser les utilisateurs que le CGA a l’intention de formuler un tel règlement en application de la Loi sur les aires marines de conservation. On pourrait tenir des statistiques au sujet des particuliers ou des exploitants qui ne se conforment pas à cette politique de sorte que lorsque le règlement entrera en vigueur, des antécédents de violation du règlement pourront être invoqués. [Annexe X de l’affidavit souscrit par Mme Anna Gajda le 27 août 1999.]
[107] Il n’existe pas de principe de droit administratif qui permette à un décisionnaire de revendiquer des pouvoirs sur un territoire sur lequel il n’a pas compétence pour ensuite se servir de la contestation de cette revendication de pouvoirs par un citoyen comme base des futures relations avec le récalcitrant. Si de telles considérations ont influencé le refus d’attribuer des quotas pour les activités associées au camp flottant, elles constitueraient des considérations étrangères et entraîneraient l’annulation de la décision. Il n’y a pas d’élément de preuve démontrant que tel est le cas et il n’y a donc plus lieu d’en parler, sauf comme exemple de considérations qui sont étrangères et, partant, interdites.
[108] Tout cela n’enlève rien au fait que l’exploitation non réglementée d’un camp flottant dans des zones éloignées qui sont contiguës à un parc soulève des questions de conservation et d’écologie légitimes. La mission de préserver l’intégrité écologique des terres du parc qui est confiée au ministre et à la directrice leur confère un intérêt légitime en ce qui concerne le déroulement des activités dans des zones qui ont des incidences sur les terres des parcs. Mais un intérêt légitime n’est pas la même chose que le droit d’interdire des activités qui sont par ailleurs licites dans un secteur ne relevant pas de la compétence du parc au moyen de conditions dont est assorti un permis commercial dans le parc. Indépendamment de la situation du camp flottant vis-à-vis de l’administration du parc alors qu’il se trouvait dans le passage De la Beche, lequel est situé dans l’aire marine de conservation projetée, le camp flottant échappait de toute évidence au contrôle de la directrice une fois qu’il était réinstallé à l’extérieur des limites de la zone de conservation. À mon avis, le mandat conféré par la Loi sur les parcs nationaux n’est pas large au point de permettre de réglementer pour des raisons de conservation des activités se déroulant à l’extérieur des limites du parc par le biais du mécanisme des permis commerciaux.
[109] Le Canada a avancé l’argument que le camp flottant était interdit par le plan de gestion de l’arrière-pays. Comme le camp flottant est situé à l’extérieur des limites du parc, le plan de gestion ne saurait le réglementer. Là encore, cela ne veut pas dire que ces activités n’ont pas besoin d’être réglementées. Elles en ont incontestablement besoin et il existe probablement des lois provinciales qui s’y appliquent. L’application de ces lois relève de la province.
[110] Ce qui m’amène à l’argument qui est le plus souvent invoqué à l’encontre de l’attribution de quotas pour des activités associées au camp flottant, en l’occurrence l’argument que le camp flottant ne respectait pas la législation provinciale et était par conséquent illicite. On a beaucoup insisté sur le fait qu’on ne pouvait concevoir que l’administration du parc accorde un permis autorisant une activité illégale.
[111] Le Règlement de 1998 sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux donne des repères en ce qui concerne les facteurs dont le directeur doit tenir compte avant d’accorder un permis commercial :
3. Il est interdit d’exploiter un commerce dans un parc à moins d’être le titulaire d’un permis ou l’employé d’un tel titulaire.
[…]
5. (1) Le directeur du parc doit, pour décider s’il y a lieu de délivrer un permis et, le cas échéant, en déterminer les conditions, prendre en considération les conséquences de l’exploitation du commerce sur les éléments suivants :
a) les ressources naturelles et culturelles du parc;
b) la sécurité, la santé et l’agrément des visiteurs et des résidents du parc;
c) la sécurité et la santé des personnes qui se prévalent des biens ou services offerts par le commerce;
d) la préservation, la surveillance et l’administration du parc.
(2) Le directeur du parc doit indiquer à titre de condition dans le permis :
a) les types de biens et services qu’offrira le commerce;
b) l’adresse du commerce, le cas échéant, ou une description des lieux du parc où il sera exploité.
(3) Compte tenu du type de commerce visé, le directeur du parc peut, en sus des conditions visées au paragraphe (2), assortir le permis de conditions portant sur ce qui suit :
a) les heures d’ouverture;
b) l’équipement à utiliser;
c) les exigences visant la santé, la sécurité, la prévention des incendies et la protection de l’environnement;
d) tout autre élément nécessaire à la préservation, à la surveillance et à l’administration du parc.
6. Avant de délivrer un permis pour un commerce, le directeur du parc peut exiger que le demandeur fournisse un certificat délivré par un médecin hygiéniste ou par un inspecteur sanitaire, ou par les deux, attestant que les locaux dans lesquels le commerce sera exploité sont salubres.
[112] Compte tenu de la mention des « exigences visant la santé, la sécurité, la prévention des incendies et la protection de l’environnement », il est raisonnable de la part de l’administration du parc d’insister pour que les installations qui seront utilisées pour l’exploitation d’un commerce pour lequel un permis est délivré respectent les normes applicables à ces installations, que celles-ci soient situées à l’intérieur ou à l’extérieur du parc lui-même. Mais l’administration du parc n’est pas pour autant autorisée à promulguer des normes applicables à des installations situées à l’extérieur du parc. L’administration du parc a le droit de refuser de délivrer un permis pour des activités qui proviennent d’installations qui ne sont pas conformes aux lois applicables à ces installations. Mais si elles sont conformes à ces normes, l’analyse se termine là. Les autorités du parc n’ont pas le droit d’édicter des normes visant des installations se trouvant à l’extérieur du parc pour la simple raison que la compétence du directeur est une compétence territoriale.
[113] Il me semble que ces considérations n’ont rien à voir avec les questions de principe sous-jacentes au système de quotas. Le litige concerne, premièrement, l’application du système de quotas à Moresby en ce qui a trait au calcul des quotas relatifs à son permis et, deuxièmement, l’interdiction d’utiliser le camp flottant de Moresby. Le premier point soulève des questions relatives au contrôle judiciaire normal des décisions administratives, tandis que le second soulève des questions de compétence et de considérations étrangères. Ni l’un ni l’autre de ces aspects n’est visé par l’immunité dont les décisions gouvernementales jouissent en ce qui concerne le contrôle judiciaire.
[114] Je conclus que la directrice a le droit de refuser de délivrer un permis pour autoriser des activités provenant du camp flottant de Moresby, à condition que le camp ne soit pas conforme à la législation et aux normes provinciales applicables. Je conclus également que la directrice peut exiger la preuve de cette conformité avant de délivrer un permis. Mais une fois que la conformité à la législation et aux normes provinciales applicables a été démontrée, l’existence de l’installation elle-même ne constitue pas un motif justifiant le refus de délivrer un permis autorisant les activités exercées à cet endroit. En d’autres termes, le directeur d’un parc n’a pas le pouvoir de refuser catégoriquement de délivrer un permis autorisant les activités exercées depuis un camp flottant légitime situé à l’extérieur des limites du parc.
[115] Je conclus également qu’en refusant de créditer à Moresby des jours/nuitées-utilisateurs pour les activités exercées au camp flottant, la directrice a fait défaut de se conformer à ses propres politiques, étant donné qu’elle n’avait pas compétence avant 1996 pour intervenir dans ce type d’activités. Le kayak et la plongée étaient en soi des activités licites et ils faisaient partie des niveaux d’utilisation historiques des installations du parc par Moresby. Compte tenu du fait que la non-reconnaissance de ces activités lors de la fixation des quotas et le refus de permettre que ces jours/nuitées-utilisateurs soient utilisés pour des activités effectivement reconnues ont eu pour effet de priver Moresby d’une partie de ses activités commerciales, je conclus que les décisions ont été prises de façon déraisonnable et qu’elles devraient être annulées.
[116] Ayant conclu que la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable, peut-on qualifier la décision de la directrice de déraisonnable? Il y a lieu de tenir compte du contexte pour décider si la norme de contrôle applicable a été respectée. Lorsqu’une décision comporte de graves conséquences, il est plus facile de conclure qu’elle est déraisonnable que lorsque ses conséquences sont plus modérées. En l’espèce, les décisions prises par la directrice ont, pour reprendre l’expression employée par l’avocat, eu pour effet d’exproprier une partie du fonds de commerce de Moresby. L’équité commande qu’on fasse preuve de beaucoup de prudence lorsqu’on prend une décision qui a une incidence sur le gagne-pain d’une personne. Dans ces conditions, je conclus que la décision était déraisonnable et qu’elle était par conséquent susceptible d’être annulée.
ORDONNANCE
Pour ces motifs, la Cour :
a) ANNULE la décision en date du 20 décembre 2000 par laquelle la directrice a refusé d’attribuer aux demandeurs des quotas pour les activités liées à leur camp flottant;
b) RENVOIE l’affaire à la directrice pour qu’elle attribue des quotas aux demandeurs en conformité avec les présents motifs. Si le calcul des quotas soulève des difficultés, il sera loisible aux parties de demander des directives à la Cour;
c) STATUE que la délivrance d’un permis pour les activités liées au camp flottant des demandeurs doit être examinée en conformité avec les motifs de la présente décision;
d) ADJUGE aux demandeurs une série de dépens qui devront être taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne IV [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tarif B].
ANNEXE A
Entente Gwaii Haanas
1.1 Les parties maintiennent au sujet de l’archipel des points de vue convergents pour ce qui est des objectifs de gérance, de protection et de jouissance de l’archipel, énoncés au paragraphe 1.2 ci-dessous; et qui sont divergents en ce qui touche la souveraineté, le titre ou le droit de propriété, de la façon suivante :
La nation haïda voit L’archipel comme une terre haïda, assujettie aux droits collectifs et individuels des citoyens haidas, à la souveraineté des chefs héréditaires et à la compétence du Conseil de la nation haïda. La nation haïda possède ses terres et ses eaux en vertu du droit héréditaire, assujetti aux lois de la Constitution de la nation haïda et à la compétence législative de l’Assemblée législative haïda.
Les haidas ont désigné et géré l’archipel sous l’appellation de « Site du patrimoine Gwaii Haanas » et maintiendront ainsi la région à son état naturel tout en poursuivant leur mode de vie traditionnel comme ils le font depuis des générations. La nation haïda assurera ainsi la continuité de sa culture tout en permettant la jouissance des lieux par les visiteurs.
« Haïda » signifie toute personne d’ascendance haïda.
Le gouvernement du Canada considère que l’archipel est une terre de la Couronne assujettie à certains droit ou intérêts privés ainsi qu’à la souveraineté de Sa Majesté la Reine et à la compétence législative du Parlement du Canada et de l’Assemblée législative de la province de la Colombie-Britannique.
En vertu de ce qui précède et des lois constitutionnelles et, plus précisément, d’une entente entre le gouvernement du gouvernement du Canada et la province de la Colombie-Britannique en date du 12 juillet 1988, la Couronne du chef du Canada est ou deviendra le propriétaire de l’archipel et de la région au sein de la région du parc marin de l’archipel afin que ces terres puissent constituer une réserve de parc marin national du Canada, à laquelle s’appliquera la Loi sur les parcs nationaux. Le gouvernement du Canada entend y établir des réserves de parc en attendant le règlement de toute revendication des Haïdas à tous droits, titres ou intérêts à l’égard des terres telles que signalées dans cette entente.
Pour les fins de l’autorisation et se mise en oeuvre de cette entente par le gouvernement du Canada « Haidas » désigne les aborigènes de Haïda Gwaii à qui s’applique le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
[…]
3.4 La présente entente prévoit la mise sur pied d’un comité de gestion tel qu’indiqué à l’article 4 ci-dessous, au moyen duquel les deux parties participeront et, collaboreront à la planification, au fonctionnement et à la gestion de l’archipel en ce qui touche les désignations des deux parties en vertu de la présente entente.
[…]
4.1 Pendant l’exécution de cette entente, les parties établiront le Comité de gestion de l’archipel « CGA », dont la fonction sera d’examiner toutes les initiatives et entreprises visant la planification, le fonctionnement et la gestion de l’archipel.
[…]
4.3 Les question sur lesquelles se penchera le CGA comprendront, sans s’y limiter, les points suivants :
a) achèvement d’une déclaration conjointe des buts et objectifs et d’un plan de gestion, en consultation avec le public, et modifications si jugées nécessaires par les deux parties;
b) les activités culturelles et traditionnelles d’exploitation des ressources renouvelables des Haïdas énoncées au paragraphe 6.1 ci-dessous.
i) l’examen de leur étendue et leur portée;
ii) toute proposition de constructions connexe y compris toute coupe d’arbres qui sont essentiels à cette fin et pour laquelle il n’existe aucune autre source raisonnable de matériaux à l’extérieur de l’archipel;
iii) tout règlement, ligne directrice ou directive à décréter, ayant trait particulièrement à la conservation des ressources naturelles et des caractéristiques culturelles ainsi qu’à l’harmonisation des activités des visiteurs dans l’archipel avec ces activités des Haïdas;
c) identification des sites d’importance spirituelle/culturelle particulière pour les Haïdas au sein de l’archipel, y compris les sites historiques d’habitation et d’enterrement et plus précisément les terres connues indifféremment sous les noms de « Gandle k’in, » et « île Hotspring » ainsi que les terres connues indifféremment sous les noms de « SGaang Gwaii » et « île Anthony », et gestion de ces sites en fonction de chaque cas, tout en tenant compte des exigences de protection des ressources naturelles et des caractéristiques culturelles pour les activités culturelles des Haïdas et leurs activités traditionnelles d’exploitation des ressources naturelles énoncées au paragraphe 6.1, et pour les connaissance et la jouissance des visiteurs;
d) communications avec d’autres ministères et organismes des parties qui dirigent ou autorisent les activités influant sur la planification, le fonctionnement et la gestion de l’archipel;
e) lignes directrices, y compris leur application en fonction de chaque cas pour le maintien la protection et la jouissance de l’archipel en ce qui concerne, entre autres,
i) les permis ou licences visant les voyages organisés, les recherches ou d’autres activités;
ii) l’accès et l’utilisation par les pêcheurs, en vertu du paragraphe 7.2 ci-dessous.
f) plans de travail annuels énonçant le travail à effectuer et la façon dont il doit être accompli, y compris les besoins en personnel, budgets et dépenses des deux parties pour la planification, le fonctionnement et la gestion de l’archipel;
g) formulation à l’avance de procédures en vue d’urgences éventuelles concernant la sûreté et la sécurité du public et les menaces aux ressources naturelles et aux caractéristiques culturelles de l’archipel, tout en reconnaissant qu’aucune disposition de cette entente ne peut empêcher l’une ou l’autre des parties de prendre les mesures appropriées dans un cas d’urgence;
h) stratégies visant à assister les particuliers et les organismes haidas pour qu’ils puissent profiter de toute la gramme des possibilités économiques et d’emplois liées à la planification, au fonctionnement et à la gestion de l’archipel, en tenant compte des entreprises des parties énoncées à l’appendice 4; et
i) procédures visant l’administration des affaires du CGA, en conformité avec l’entente.
4.4 Au début, le CGA comprendra deux (2) représentants du gouvernement du Canada et deux (2) représentants du Conseil de la nation haïda, pour un total de quatre (4) membres; le nombre total de membres peut être augmenté ou diminué par entente mutuelle entre les parties, pour autant que l’on maintienne une représentation égale.
4.5 Chaque partie désignera un de ses membres du CGA à titre de coprésident et chacun aura la responsabilité conjointe de convoquer des réunions et d’approuver les procèsverbaux. Les coprésidents peuvent cependant convenir que les responsabilités du président alterneront entre les coprésidents.
[…]
5.1 On s’efforcera de mener d’une manière concertée et constructive les délibérations du CGA sur toute proposition ou initiative en vue de dégager des décisions par consensus, lesquelles seront considérées comme des recommandations au gouvernement du Canada et au Conseil de la nation haida, par renvoi à leurs représentants désignés, organismes ou ministères, selon ce qu’en jugera chaque partie.
5.2 Quand les membres du CGA prendront une décision par consensus sur une question, tout renvoi ou toute démarche visant à autoriser la mise en oeuvre de cette décision sera notée à ce moment-là dans le procès-verbal. Durant le processus de renvoi, le CGA discutera de cette question plus à fond si l’une ou l’autre des parties le demande. Une fois achevé le processus de renvoi, et si aucune des parties ne s’y objecte, la décision sera considérée comme approuvée et, dès lors, la voie sera libre et dégagée pour que la (les) partie(s) puisse(nt) rendre cette décision effective.
5.3 Dans les cas où les membres du CGA seront clairement et décidément en désaccord sur une question, les décisions connexes et toute mesure qui en découle seront tenues en suspens et seront renvoyées au Conseil de la nation haïda et au gouvernement du Canada qui tenteront de s’entendre sur cette question en faisant preuve de bonne foi. Les parties peuvent convenir d’une (de) tierce(s) partie(s) à qui elles demanderont de l’aide pour en arriver à une entente.
5.4 Les questions tenues en suspens en vertu du paragraphe 5.3 seront retirées du cours normal des affaires du CGA jusqu’au moment où les membres recevront des instructions du gouvernement du Canada et du Conseil de nation haïda concernant leur entente sur la question.
5.5 Les questions mises de côté en vertu du paragraphe 5.4 ne réduiront ou n’entraveront pas l’obligation et la capacité du CGA de continuer à délibérer de bonne foi et à tenter de dégager des décisions par consensus sur d’autres propositions et initiatives conformément à l’article 5.0.
[…]
9.1 Cette entente représente le consentement des deux parties à faire preuve de bonne foi et à faire cause commune pour la protection et la préservation de l’archipel, et elle est sans préjudice au point de vue de l’une ou l’autre partie concernant la souveraineté, les titres ou les droits de propriété. Cette entente ne constitue pas ou ne sera pas considérée comme constituant un règlement de revendications territoriale ou un traité au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; elle ne sera pas interprétée comme créant, affirmant, reconnaissant ou contestant tout droit aborigène ou découlant d’un traité ou comme transférant toute juridiction de l’une ou l’autre partie, et il en sera de même pour toute mesure prise en vertu de cette loi.
9.2 Aucune disposition de cette entente ne doit entraver ou limiter ou être jugée comme entravant ou limitant d’aucune façon les droits, compétences, pouvoirs, obligations ou responsabilités de l’une ou l’autre partie ou des représentants, sauf dans la mesure où tous les efforts raisonnables doivent avoir été déployés pour dégager un consensus au moyen du processus énoncé à l’article 5 de cette entente.
ANNEXE B
Loi sur les parcs nationaux [« directeur de parc » (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 1; L.C. 1998, ch. 31, art. 55), 7(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 5), 8.2 (édicté, idem, art. 7)]
2. […]
« directeur de parc » Personne nommée à ce titre en vertu de la Loi sur l’Agence Parcs Canada ainsi que toute autre personne, nommée en vertu de cette loi, qu’elle autorise à agir en son nom.
[…]
4. Les parcs sont créés à l’intention du peuple canadien afin que celui-ci puisse les utiliser pour son plaisir et l’enrichissement de ses connaissances, dans le cadre de la présente loi et de ses règlements; ils doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures.
5. (1) Sous réserve de l’article 8.2, les parcs sont placés sous l’autorité du ministre.
(1.1) Dans les cinq ans suivant la proclamation portant création d’un parc sous le régime d’une loi fédérale, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement un plan de gestion du parc en ce qui touche la protection des ressources, le zonage, les modalités d’utilisation par les visiteurs et toute autre question qu’il juge indiquée.
(1.2) En ce qui concerne le zonage du parc et l’utilisation par les visiteurs, il importe en premier lieu de préserver l’intégrité écologique et, à cette fin, de protéger les ressources naturelles.
[…]
7. (1) Le gouverneur en conseil peut prendre les règlements qu’il juge utiles pour :
a) la préservation, la surveillance et l’administration des parcs;
b) la protection de la flore, du sol, des eaux, des fossiles, de la topographie, de la qualité de l’air et des ressources culturelles, historiques et archéologiques;
c) la protection de la faune et la destruction ou l’enlèvement d’animaux sauvages dangereux ou en surnombre, ainsi que la capture d’animaux sauvages à des fins scientifiques ou de reproduction;
[…]
p) la réglementation des activités—notamment en matière de métiers, commerces, affaires et divertissements— pouvant être exercées dans les parcs et leur lieu d’exercice, ainsi que la perception de droits de permis à cet égard;
[…]
8.2 Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à conclure une entente avec le gouvernement de l’Alberta pour l’établissement d’une administration locale autonome pour chacun des périmètres urbains de Banff et de Jasper et confier à celle-ci les fonctions municipales prévues à l’entente.
[…]
8.5 (1) Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à conclure un accord avec le Conseil de la nation haïda concernant la gestion et l’exploitation des terres décrites à l’annexe VI—dans le présent article, l’archipel de Gwaii Haanas.
(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, constituer en réserve foncière à vocation de parc national—et y ajouter par la suite—toute partie de l’archipel de Gwaii Haanas en attendant le règlement des litiges entre la nation haïda et le gouvernement fédéral en ce qui touche leurs droits ou titres sur cet archipel.
(3) La présente loi s’applique à la réserve, sous réserve des règlements d’application du paragraphe 4.
(4) Le gouverneur en conseil peut, pour la mise en oeuvre de l’accord visé au paragraphe (1), prendre, en ce qui touche la réserve, des règlements concernant la poursuite d’activités traditionnelles—exploitation des ressources renouvelables ou activités culturelles propres aux Haïdas—par les membres de la nation haïda visés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Loi sur l’agence parcs Canada
5. (1) Sous réserve des instructions que peut donner le ministre, l’Agence exerce les attributions qui sont conférées, déléguées ou transférées à celui-ci sous le régime d’une loi ou de règlements dans le domaine des parcs nationaux, des lieux historiques nationaux, des autres lieux patrimoniaux protégés et des programmes de protection du patrimoine.
(2) Les dirigeants ou employés de l’Agence ayant, au sein de celle-ci, la compétence voulue peuvent exercer les attributions visées au paragraphe (1); le cas échéant, ils se conforment aux instructions générales ou particulières du ministre.
Règlement de 1998 sur l’exploitation de commerces dans les parcs Nationaux
1. […]
« commerce » Métier, industrie, emploi, profession, activité ou événement spécial exercé dans un parc en vue d’un profit, d’une collecte de fonds ou d’une promotion commerciale, y compris les commerces exploités par des oeuvres de bienfaisance.
[…]
« permis » Permis délivré par le directeur de parc en vertu de l’article 5.
[…]
3. Il est interdit d’exploiter un commerce dans un parc à moins d’être le titulaire d’un permis ou l’employé d’un tel titulaire.
[…]
5. (1) Le directeur du parc doit, pour décider s’il y a lieu de délivrer un permis et, le cas échéant, en déterminer les conditions, prendre en considération les conséquences de l’exploitation du commerce sur les éléments suivants :
a) les ressources naturelles et culturelles du parc;
b) la sécurité, la santé et l’agrément des visiteurs et des résidents du parc;
c) la sécurité et la santé des personnes qui se prévalent des biens ou services offerts par le commerce;
d) la préservation, la surveillance et l’administration du parc.
[…]
(3) Compte tenu du type de commerce visé, le directeur du parc peut, en sus des conditions visées au paragraphe (2), assortir le permis de conditions portant sur ce qui suit :
a) les heures d’ouverture;
b) l’équipement à utiliser;
c) les exigences visant la santé, la sécurité, la prévention des incendies et la protection de l’environnement;
d) tout autre élément nécessaire à la préservation, à la surveillance et à l’administration du parc.