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     IMM-2499-01

    2001 CFPI 521

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (demandeur)

c.

Zu Fa Zhang (défendeur)

     IMM-2500-01

    2001 CFPI 522

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (demandeur)

c.

Ai-Ming Zhang (défendeur)

Répertorié: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)c. Zhang(1re   inst.)

Section de première instance, juge Pelletier-- Vancouver, 22 et 23 mai 2001.

Citoyenneté et Immigration -- Pratique en matière d'immigration -- Passagers clandestins retenus pour vérification de leur identité -- Contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre de mettre le défendeur en liberté sur fourniture d'un cautionnement par «n'importe quelle personne» -- Le défendeur avait été introduit en fraude au Canada par une organisation criminelle à qui il devait une grosse somme d'argent -- Thèse selon laquelle le cautionnement sert d'incitatif à l'observation des conditions de la mise en liberté -- Cependant, lorsqu'une organisation de passeurs avance de l'argent aux fins du cautionnement, le risque de perte financière ne découle pas de la confiscation du cautionnement, mais de la possibilité que le client soit renvoyé -- Il doit être tenu compte de l'effet du cautionnement dans le cadre de l'examen de la question de savoir si l'individu qui est sous garde obtempérera vraisemblablement à la mesure de renvoi -- Il faut d'autre part tenir compte des qualités de la caution -- Il était déraisonnable pour l'arbitre d'ordonner que le cautionnement soit fourni par «n'importe quelle personne» -- Si la fourniture d'une garantie était nécessaire, l'arbitre était tenu d'examiner la situation de la caution et ses relations avec l'individu qui était sous garde -- Si le représentant du ministre remet en question la légitimité de la caution, l'arbitre est tenu d'examiner la question -- Il incombe à l'individu qui est sous garde de convaincre l'arbitre que la caution proposée est acceptable -- Si le représentant du ministre s'oppose à ce que la personne proposée agisse comme caution, l'individu qui est sous garde peut soumettre une preuve en vue d'établir que la caution a les qualités requises, le représentant du ministre ayant alors la possibilité de présenter une preuve contraire -- Étant donné qu'il ne peut pas annuler sa propre décision, l'arbitre a eu raison de rejeter la demande de contre-interrogatoire de la caution après avoir fait connaître sa décision de mettre en liberté le défendeur.

Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Processus d'enquête en matière d'immigration -- Passagers clandestins retenus pour vérification de leur identité -- L'arbitre a commis une erreur en ordonnant la mise en liberté sur fourniture d'un cautionnement par «n'importe quelle personne» -- Le cautionnement vise à servir d'incitatif à l'observation des conditions de la mise en liberté -- Lorsque les passeurs fournissent le cautionnement, le risque couru ne découle pas de la confiscation du cautionnement, mais de la possibilité que le client soit renvoyé -- L'arbitre doit tenir compte de l'effet du cautionnement en déterminant si l'individu qui est sous garde obtempérera à la mesure de renvoi.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre de mettre le défendeur en liberté sur fourniture d'un cautionnement. Le défendeur faisait partie d'un groupe de 36 passagers clandestins qui avaient été découverts dans un conteneur d'expédition à Vancouver. Le conteneur devait être expédié en Californie. Le défendeur a été mis sous garde et il a été retenu conformément au paragraphe 103.1(1) de la Loi sur l'Immigration, qui autorise la détention d'une personne aux fins de la vérification de son identité. Après trois révisions hebdomadaires des motifs de la garde effectuées conformément au paragraphe 103.1(4), un avis a été donné selon lequel on devait demander la prolongation de la garde en vertu de l'article 103. Une audience a eu lieu, à la clôture de laquelle l'arbitre a rendu une ordonnance autorisant la mise en liberté du défendeur sur fourniture d'un cautionnement par [traduction] «n'importe quelle personne». L'arbitre a conclu que le défendeur obtempérerait vraisemblablement à la mesure de renvoi; que le défendeur n'avait pas d'emploi qui l'attendait aux États-Unis et qu'il pouvait rester chez une cousine de sa mère à Toronto. Il a conclu qu'il n'était pas dans l'intérêt du défendeur de vivre dans la clandestinité et de servir d'«apprenti» aux passeurs parce qu'il ne ferait pas beaucoup d'argent. Le représentant du ministre a fait des observations au sujet du montant des cautionnements, en soutenant qu'il devrait exister un rapport entre ces montants et le montant dû aux passeurs. L'arbitre a refusé de permettre au représentant du ministre de contre-interroger les cautions parce qu'il avait déjà pris sa décision. Il a accepté que des parents fourniraient le cautionnement, mais il a statué que n'importe quelle personne pouvait fournir le cautionnement.

Il s'agissait de savoir: 1) si l'arbitre avait commis une erreur de droit en écrivant [traduction] «n'importe quelle personne» dans la section du formulaire d'ordonnance où le nom de la personne fournissant le cautionnement devait être inscrit; 2) si la décision de l'arbitre était déraisonnable; 3) si le refus d'autoriser le représentant du ministre à contre-interroger les personnes qui devaient fournir les cautionnements constituait un déni de justice naturelle; 4) si l'arbitre est obligé d'examiner les qualités de la caution en décidant si l'individu concerné doit être mis en liberté et, dans l'affirmative; 5) quelle est la procédure à suivre à cet égard.

Jugement: la demande est accueillie.

1) En l'absence d'une disposition légale ayant pour effet de rendre le contenu d'un formulaire déterminant en ce qui concerne le droit positif, il ne devrait pas être statué sur cette affaire en se fondant sur la façon dont le formulaire renfermant l'ordonnance a été rempli.

2) La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Le ministre a soutenu que la décision était déraisonnable puisqu'il n'était pas tenu compte de la preuve relative aux liens que le défendeur avait aux États-Unis et que l'on s'était arrêté aux liens fort ténus qui existaient au Canada et qu'il n'était pas tenu compte de la preuve donnant à entendre qu'il était fort probable que l'individu en cause n'obtempère pas à la mesure de renvoi. L'arbitre a interprété la preuve d'une façon remarquablement généreuse, mais ses conclusions n'étaient pas déraisonnables. Les décisions concernant les individus qui font partie d'un groupe doivent néanmoins être prises sur la base de leurs situations individuelles. L'arbitre qui a vu et entendu le défendeur ne s'est pas montré déraisonnable en interprétant la preuve d'une façon qui correspondait à une idée individualisée du défendeur.

3) L'arbitre a eu raison de rejeter la demande de contreinterrogatoire de la caution présentée après qu'il eut fait connaître sa décision de mettre en liberté le défendeur. Si le contre-interrogatoire s'était avéré défavorable, l'arbitre n'aurait pas pu annuler sa propre décision. L'examen des qualités de la caution doit avoir lieu au moment où la preuve est présentée dans le cadre de la révision des motifs de la garde plutôt qu'après qu'une décision a été prise au sujet de la mise en liberté.

4) L'exigence relative à la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution est fondée sur l'idée selon laquelle la personne qui fournit le cautionnement ou la garantie court un risque suffisant pour avoir intérêt à faire en sorte que l'individu en cause observe les conditions de la mise en liberté et notamment qu'il obtempère à la mesure de renvoi. L'obligation personnelle que l'individu qui doit être mis en liberté a envers la caution devrait inciter celui-ci à observer les conditions. Cependant, cela n'est peut-être pas vrai dans le cas d'une opération organisée de trafic. On peut inférer du fait que des personnes versent de grosses sommes d'argent pour être introduites en fraude en Amérique du Nord que les chances de gagner de l'argent sont meilleures ici que dans leur pays d'origine. Les passeurs ne sont payés que lorsque leurs clients ont la chance de gagner plus d'argent. Ils ont donc intérêt à faire en sorte que leur client reste en Amérique du Nord. Dans ces conditions, il est logique qu'un passeur avance l'argent nécessaire aux fins du cautionnement de façon à aider ou à contraindre le client à vivre dans la clandestinité et à commencer à rembourser la dette. Le risque de perte financière ne découle pas de la confiscation du cautionnement, mais de la possibilité que le client soit renvoyé chez lui. Le fait que le client estime avoir une obligation envers le passeur ne l'incite pas à observer les conditions de la mise en liberté. C'est en fait le contraire qui se produit.

Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chen, le juge Nadon a statué qu'il faut déterminer si l'individu obtempérera vraisemblablement à la mesure de renvoi avant de tenir compte de la question du cautionnement. Cette approche est inacceptable. Si la fourniture d'un cautionnement ne changeait rien à la situation, il n'y aurait pas lieu d'en exiger un. Cependant, si cela changeait les choses, la question de la probabilité que les conditions de mise en liberté soient respectées devrait être examinée compte tenu de l'effet du cautionnement. Si l'on adoptait le raisonnement qui a été fait dans la décision Chen, seules les personnes qui réussissent à convaincre l'arbitre qu'elles obtempéreront à la mesure de renvoi sans qu'il soit nécessaire de fournir un cautionnement seraient admissibles à la mise en liberté, auquel cas ces personnes n'auraient pas à se voir imposer un cautionnement pour garantir l'observation des conditions de mise en liberté. Les dispositions relatives à la fourniture d'un cautionnement s'appliqueraient uniquement aux personnes pour qui ce n'est pas nécessaire. Il doit être tenu compte de l'effet du cautionnement dans le cadre de l'examen de la question de savoir si l'individu qui est sous garde obtempérera vraisemblablement à la mesure de renvoi. Il faut d'autre part tenir compte des qualités de la caution puisqu'il est possible que la fourniture d'un cautionnement par certains éléments de la société réduise les chances que l'individu en question obtempère à la mesure de renvoi. Par conséquent, il était déraisonnable pour l'arbitre de dire que le cautionnement pouvait être fourni par n'importe quelle personne. S'il croyait que la fourniture d'une garantie était nécessaire pour que le défendeur obtempère à la mesure de renvoi, l'arbitre était tenu d'examiner la situation de la caution et les relations que celle-ci entretenait avec le défendeur. Si le représentant du ministre avait été convaincu que la caution proposée avait les qualités requises, l'arbitre aurait eu le droit de se fonder sur l'avis donné par celui-ci. Cependant, si le représentant du ministre avait fait savoir qu'il s'opposait, alors l'arbitre aurait été tenu d'examiner la question.

5) Lorsqu'une révision des motifs de la garde est effectuée, il incombe au ministre de justifier la garde. Toutefois, en pratique, le ministre n'est pas en mesure de s'acquitter de son obligation quant à un examen des qualités de la caution puisque seul l'individu qui est sous garde peut proposer que cette personne agisse à titre de caution. Il incombe donc à l'individu en cause de convaincre l'arbitre que la caution proposée a les qualités requises. Si le représentant du ministre s'oppose à ce que la personne proposée agisse comme caution, l'avocat de l'individu qui est sous garde peut décider de soumettre une preuve tendant à établir que la caution a les qualités requises, le représentant du ministre ayant alors la possibilité de présenter la preuve du ministre. C'est à ce moment que la question du contre-interrogatoire de la caution proposée devrait se poser.

L'arbitre n'a pas tenu compte de la question des relations existant entre la caution et les défendeurs et semble s'être uniquement fondé sur le risque de confiscation. Étant donné qu'une opération criminelle de trafic était en cause, il s'agissait d'une erreur déraisonnable.

    lois et règlements

        Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 103 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 27; L.C. 1992, ch. 49, art. 94; 1995, ch. 15, art. 19), 103.1(1) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12; 1992, ch. 49, art. 95), (4) (édicté par L.R.C. (1985) (4e supp.), ch. 29, art. 12).

    jurisprudence

        décision non suivie:

        Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chen, [1999] A.C.F. no 1815 (1re inst.) (QL).

        décision citée:

        Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 214; (1994), 85 F.T.R. 99; 30 Imm. L.R. (2d) 33 (1re inst.).

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre de mettre le défendeur en liberté sur fourniture d'un cautionnement par «n'importe quelle personne». Demande accueillie.

    ont comparu:

    Mandana Namazi pour le demandeur.

    Antya Schrack pour le défendeur.

    avocats inscrits au dossier:

    Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

    Antya Schrack, Vancouver, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]Le juge Pelletier: Le 18 mai 2001, un arbitre a ordonné qu'Ai-Ming Zhang et Zu Fa Zhang soient mis en liberté sur fourniture d'un cautionnement par [traduction] «n'importe quelle personne», d'un montant de 5 000 $ dans le cas de Zu Fa Zhang et de 10 000 $ dans le cas d'Ai-Ming Zhang. Le même jour, le ministre a donné un avis de son intention de demander un sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par l'arbitre en faisant remarquer qu'il s'agissait d'un cas urgent parce que la révision suivante des motifs de la garde devait avoir lieu le 23 mai 2001; cependant, il ne s'est rien produit jusqu'au 22 mai 2001. Le 22 mai, l'avocat du ministre et l'avocat des défendeurs ont comparu. L'avocat du ministre a informé la Cour qu'étant donné que la révision suivante devait avoir lieu le lendemain, la Cour devait entendre la demande de sursis, la demande d'autorisation et la demande de contrôle judiciaire, puisqu'il n'existait aucune autre possibilité de mener l'instance à bonne fin avant que la révision qui devait être effectuée le lendemain rende ces demandes sans objet. L'avocat des défendeurs a accepté de procéder ainsi.

[2]De toute évidence, lorsque le ministre sollicite un sursis à l'exécution de la décision d'un arbitre de mettre un individu en liberté au moment de la révision des motifs de la garde effectuée dans les 48 heures conformément au paragraphe 103(6) de la Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 19)] (la Loi), la demande de sursis et la demande de contrôle judiciaire même doivent être entendues dans un délai de sept jours. Il en est ainsi parce qu'une autre révision des motifs de la garde doit avoir lieu dans les sept jours qui suivent la date de la première révision. Une fois que cette révision a lieu, l'ordonnance rendue après la révision qui doit avoir lieu dans un délai de 48 heures est sans effet et le contrôle judiciaire de cette ordonnance est sans objet. Dans ces conditions, il serait bon que l'avocat qui dépose l'avis de demande informe la Cour que le contrôle judiciaire doit être entendu dans le délai de sept jours.

[3]En résumé, les faits sont les suivants: les deux défendeurs faisaient partie d'un groupe de 36 passagers clandestins qui ont été découverts dans un conteneur d'expédition à bord du M.V. Pretty River, à Vancouver, le 10 avril 2001. Le conteneur dans lequel ces individus étaient cachés devait être expédié à Long Beach, en Californie, soit le point de destination final du voyage. Lorsqu'ils ont été découverts, les passagers clandestins ont été mis sous garde par des représentants de l'Immigration et ils ont été retenus conformément au paragraphe 103.1(1) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12; L.C. 1992, ch. 49, art. 95] de la Loi sur l'immigration, qui autorise la détention d'une personne aux fins de la vérification de son identité. Pendant qu'ils étaient retenus, les individus en question ont été interrogés à plusieurs reprises par des agents d'immigration qui ont tenté de confirmer leur identité ainsi que les circonstances dans lesquelles ils avaient quitté la Chine et le lieu de destination envisagé. Dans les deux cas qui nous occupent, les notes prises au moment des entrevues renfermaient tous les éléments ci-après énoncés ou presque tous les éléments ci-après énoncés, lesquels sont tirés du dossier d'Ai-Ming Zhang:

[traduction]

-- Le conteneur dans lequel il a été trouvé devait être expédié à Long Beach, en Californie.

-- Il a été découvert dans ce conteneur avant d'arriver au Canada parce qu'un membre de l'équipage du navire avait entendu des voix humaines provenant du conteneur.

-- Il a fait face à des conditions atroces pendant qu'il était enfermé dans un conteneur pour deux semaines afin d'aller aux États-Unis.

-- Il n'a pas d'argent pour subvenir à ses besoins. Il est arrivé avec uniquement (monnaie) [. . .]

-- Il a tenté d'entrer au Canada illégalement.

-- Il n'a pas présenté de demande en vue d'obtenir un visa canadien comme l'exige la Loi et il n'a pas obtenu pareil visa.

-- Il n'est pas en possession d'un passeport ou d'un document de voyage délivré par son pays d'origine.

-- Il s'en est remis à une organisation criminelle de passeurs afin d'effectuer son voyage.

[4]En ce qui concerne Ai-Ming Zhang, les notes qui se rapportent à lui personnellement sont les suivantes:

[traduction]

-- Il a déclaré qu'il avait l'intention d'aller aux États-Unis.

-- Il a un frère cadet et une soeur aux États-Unis.

-- Sa femme m'a dit que son frère cadet possède un restaurant aux États-Unis et qu'il veut qu'Ai-Ming Zhang aille l'y rejoindre pour travailler avec lui.

-- En Chine, il est en chômage.

-- Il a déclaré qu'il était venu afin de trouver un emploi et de faire de l'argent parce qu'il a beaucoup de dettes.

-- Sa femme m'a dit qu'il n'a pas de dettes.

-- Il doit 42 000 $US à l'organisation criminelle de passeurs.

-- Il a déjà été expulsé en Chine depuis le Japon, où il s'était également rendu illégalement.

[5]Quant à Zu Fa Zhang, les renseignements qui se rapportent à lui personnellement sont les suivants:

[traduction]

-- Il a remis sa carte d'identité de résident à un représentant de l'organisation criminelle de passeurs.

-- Il a un frère à New York, aux États-Unis, et il a essayé de dissimuler ce fait lors des entrevues préliminaires.

-- Son père m'a dit que M. Zhang allait rejoindre son frère à New York, où un emploi l'attend.

-- Son père m'a dit que M. Zhang a plusieurs autres parents aux États-Unis en plus de son frère, mais qu'il n'a au Canada que des parents éloignés.

-- Il doit 30 000 $US à l'organisation criminelle de passeurs, cette organisation ayant déjà communiqué avec sa famille en vue de se faire rembourser cette somme.

-- Il a déclaré savoir qu'il n'est pas admissible à titre de réfugié, mais il a néanmoins présenté une revendication.

[6]Après les révisions des motifs de la garde effectuées le 18 avril, le 25 avril et le 2 mai, conformément au paragraphe 103.1(4) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12] de la Loi, un avis a été donné le 15 mai, selon lequel on devait demander la prolongation de la garde en vertu de l'article 103 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 27; L.C. 1992, ch. 49, art. 94; 1995, ch. 15, art. 19] de la Loi. La garde, en vertu de l'article 103, est autorisée à certaines conditions:

103. [. . .]

(3) Dans le cas d'une personne devant faire l'objet d'une enquête ou d'une enquête complémentaire ou frappée par une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel, l'arbitre peut ordonner:

    a) soit de la mettre en liberté, aux conditions qu'il juge indiquées en l'espèce, notamment la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution;

    b) soit de la faire garder, s'il croit qu'elle constitue vraisemblablement une menace pour la sécurité publique ou qu'à défaut de cette mesure, elle se dérobera vraisemblablement à l'enquête ou à sa reprise ou n'obtempérera pas à la mesure de renvoi;

    c) soit de fixer les conditions qu'il juge indiquées en l'espèce, notamment la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution.

[7]Les conditions régissant la mise en liberté sont énoncées au paragraphe 103(7):

103. [. . .]

(7) S'il est convaincu qu'il ne constitue vraisemblablement pas une menace pour la sécurité publique et qu'il ne se dérobera vraisemblablement pas à l'interrogatoire, à l'enquête ou au renvoi, l'arbitre chargé de l'examen prévu au paragraphe (6) ordonne la mise en liberté de l'intéressé, aux conditions qu'il juge indiquées en l'espèce, notamment la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution.

[8]Le paragraphe 103(6) prévoit à quels moments les révisions des motifs de la garde doivent avoir lieu:

103. [. . .]

(6) Si l'interrogatoire, l'enquête ou le renvoi aux fins desquels il est gardé n'ont pas lieu dans les quarante-huit heures, ou si la décision n'est pas prise aux termes du paragraphe 27(4) dans ce délai, l'intéressé est amené, dès l'expiration de ce délai, devant un arbitre pour examen des motifs qui pourraient justifier une prolongation de sa garde; par la suite, il comparaît devant un arbitre aux mêmes fins au moins une fois_:

    a) dans la période de sept jours qui suit l'expiration de ce délai;

    b) tous les trente jours après l'examen effectué pendant cette période.

[9]Par conséquent, à la suite de l'avis indiquant que l'on demanderait la garde en vertu de l'article 103, une audience a eu lieu les 16 et 18 mai, à la clôture de laquelle l'arbitre a rendu une ordonnance autorisant la mise en liberté des défendeurs. La Cour ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet de l'audience tenue par l'arbitre, aucune transcription n'ayant été produite. La Cour a devant elle une transcription d'un enregistrement des motifs prononcés par l'arbitre, lesquels ont environ 19 pages.

[10]Les conclusions que l'arbitre a tirées et qui sont ici pertinentes sont ci-après énoncées:

-- Il a conclu qu'Ai-Ming Zhang et Zu Fa Zhang obtempéreraient vraisemblablement (à la mesure de renvoi) et que, cela étant, il ordonnerait leur mise en liberté.

-- Le critère à appliquer est celui de la prépondérance des probabilités.

-- Il a apprécié la crédibilité des deux individus et a conclu que rien ne montrait qu'ils ne disaient pas la vérité ou qu'ils cherchaient à l'induire en erreur.

-- Il a rejeté la preuve fournie par le ministre, laquelle tendait à montrer que les personnes venant de cette région de la Chine risquent davantage de ne pas comparaître que d'autres demandeurs du statut de réfugié venant d'ailleurs. Il a rejeté la preuve selon laquelle dans les cinq cas où des groupes d'immigrants étaient arrivés par mer au Canada depuis 1999, 167 des 267 personnes qui avaient été mises en liberté avaient disparu, en disant que le sens du mot [traduction] «disparu» n'était pas clair et que la preuve était fondée sur un simple tableau plutôt que sur des statistiques.

-- Il a remis en question l'idée selon laquelle toute personne qui appartient à un groupe particulier aborde les choses d'une certaine façon.

-- Il a conclu que l'objectif général des passagers était de s'enfuir de la Chine plutôt que d'aller aux États-Unis. S'ils arrivaient au Canada, eh bien soit. S'ils arrivaient aux États-Unis, eh bien soit.

-- Le fait que les individus en cause craignent de retourner en Chine confirme simplement qu'il s'agit de réfugiés; cela ne veut pas dire qu'ils n'obtempéreront pas à une mesure de renvoi.

-- Il a conclu que le Canada plaisait à Zu Fa Zhang et il a cru celui-ci lorsqu'il a affirmé ne pas avoir d'emploi qui l'attendait aux États-Unis.

-- Il a conclu que Zu Fa Zhang avait à Toronto plusieurs amis chez qui il pouvait rester et une cousine de sa mère qui pouvait l'aider.

-- Il a conclu qu'Ai-Ming Zhang était un individu digne de foi parce qu'il avait de son plein gré quitté le Japon, où il s'était rendu, lorsque sa revendication avait été refusée.

-- Il a conclu qu'il n'était pas dans l'intérêt des défendeurs de vivre dans la clandestinité et de servir d'«apprentis» auprès des Snakeheads, parce qu'ils ne feraient pas beaucoup d'argent (ce que connote le mot apprenti) alors que, si les défendeurs avaient des permis de travail au Canada, ils pourraient travailler légalement et gagner davantage d'argent et être en mesure de rembourser leur dette plus rapidement. De plus, ils seraient admissibles aux prestations sociales.

[11]Les passages suivants sont suffisamment importants pour être cités textuellement:

[traduction] En fait, ce n'est pas la seule chose que vous pouvez faire [vivre dans la clandestinité aux États-Unis]; je crois qu'étant donné que vous vous présenterez tous les deux en temps voulu, je vous donnerai cette possibilité. Je suis convaincu que votre profil ne correspond ni dans un cas ni dans l'autre au profil général qui a été décrit. Vous avez tous deux des endroits où aller et des gens qui peuvent vous aider. Dans les deux cas, on a offert de vous héberger. À mon avis, la fourniture d'un cautionnement est un moyen acceptable de vous inciter à observer les conditions. Par conséquent, ce sont toutes les conditions ensemble qui m'amènent à tirer la conclusion à laquelle je suis aujourd'hui arrivé.

[12]À la suite de cette conclusion, le représentant du ministre a fait des observations au sujet du montant des cautionnements, en soutenant qu'il devrait exister un rapport entre ces montants et le montant dû aux Snakeheads, et il a déclaré qu'il voulait contre-interroger les personnes qui fournissaient le cautionnement (les cautions). L'avocat des défendeurs a fait valoir que chaque défendeur avait aux États-Unis un frère qui fournirait les sommes nécessaires aux fins du cautionnement. On a fait remarquer que Zu Fa Zhang ne connaissait pas en fait le nom de la cousine de sa mère et qu'il n'avait pas son numéro de téléphone à Toronto, mais qu'il avait le numéro d'un ami. L'arbitre a ensuite examiné les questions suivantes:

[traduction] L'avocat du ministre a affirmé qu'il voulait avoir la possibilité de contre-interroger les cautions. La Loi sur l'immigration m'autorise à déterminer les procédures applicables en l'espèce. Bien sûr, conformément aux règles de justice naturelle et ainsi de suite, M. Starr a eu la possibilité, dans sa réponse, d'aborder pareilles questions. Tel est le fondement de ma décision. Il a décidé de ne pas se prévaloir de cette possibilité. Il a demandé à contre-interroger les cautions après que j'eus pris ma décision. Il ne s'agit clairement pas du moment approprié pour effectuer un contre-interrogatoire. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu, sans m'attarder en détail aux antécédents des cautions et ainsi de suite, que ces deux individus vraisemblablement se présenteront en temps voulu. À mon avis, en plus d'avoir établi l'existence de liens fort étroits avec les cautions et ainsi de suite, il s'agit d'individus crédibles qui respecteront probablement leurs obligations. Je ne traiterai pas ici des relations qu'ils ont avec les cautions. Il ne servirait à rien d'interroger les cautions. On m'a signalé que les sommes nécessaires seront fournies par des parents et j'accepte la chose. [. . .] N'importe quelle personne peut fournir le cautionnement en faveur de ces individus.

[13]On a invoqué devant moi comme motif d'examen le fait que le formulaire d'ordonnance qui a été rempli par l'arbitre renfermait une erreur de droit parce que, dans la section où le nom de la personne fournissant le cautionnement devait être inscrit, l'arbitre a écrit [traduction] «n'importe quelle personne». Deuxièmement, que la décision équivalait à un déni de justice naturelle parce que le représentant du ministre n'avait pas été autorisé à contre-interroger les personnes qui devaient fournir les cautionnements. Enfin, il a été soutenu que la décision était déraisonnable puisqu'il n'était pas tenu compte de la preuve relative aux liens que les défendeurs avaient aux États-Unis et que l'on s'était arrêté aux liens fort ténus qui existaient au Canada, qu'il n'était pas tenu compte de la preuve donnant à entendre qu'il était fort probable que les individus en cause n'obtempèrent pas à la mesure de renvoi et qu'il n'était pas tenu compte de la preuve relative aux tentatives de tromperie qui avaient été notées par l'agent d'immigration qui avait eu une entrevue avec les individus en question.

[14]Étant donné qu'on ne m'a renvoyé à aucune disposition légale ayant pour effet de rendre le contenu d'un formulaire déterminant en ce qui concerne le droit positif s'appliquant à un point particulier, je ne suis pas prêt à statuer sur cette affaire en me fondant sur la façon dont le formulaire renfermant l'ordonnance a été rempli. L'avocat du ministre n'a pas pu me référer à une telle disposition.

[15]La norme de contrôle applicable à la décision de l'arbitre est celle de la décision raisonnable, rien de moins. Je conclus que l'arbitre a interprété d'une façon remarquablement généreuse la preuve dont il disposait. À mon avis, il est peu probable qu'il ait été ou qu'il soit un jour employé à titre de gérant du crédit. Cependant, j'hésite à dire que ses conclusions étaient déraisonnables, et ce, parce qu'il est difficile de considérer des personnes dans la situation des présents défendeurs sur une base individuelle. Si la position prise par le ministre était retenue, on n'envisagerait jamais sérieusement de mettre en liberté ces visiteurs venus de la mer. Le fait que les individus ici en cause faisaient partie d'un groupe nous amène à croire à l'existence d'un but commun, qui doit être déterminé compte tenu des facteurs qui sont communs au groupe. Cependant, les décisions concernant ces individus doivent être prises sur la base de leurs situations individuelles. J'hésite donc à dire que l'arbitre qui les a vus et qui les a entendus s'est montré déraisonnable en interprétant la preuve d'une façon qui correspondait à une idée individualisée des défendeurs. Dans ce genre de cas, il est trop facile de conclure qu'une décision est déraisonnable simplement parce qu'elle favorise les défendeurs. Ceci dit, la générosité d'esprit de quelqu'un peut à un certain point lui faire prendre ses désirs pour la réalité. Dans ce cas-ci, l'arbitre n'était pas loin de là.

[16]À mon avis, l'argument du ministre qu'il faut retenir se rapporte à la question du cautionnement. Deux questions connexes se posent en l'espèce, l'une que le ministre a plaidée et l'autre qui est ressortie au cours de l'argumentation. La question qui a été plaidée par le ministre est qu'il y a eu déni de justice naturelle lorsqu'on a rejeté la demande d'autorisation du représentant du ministre de contre-interroger les cautions. Au cours de l'argumentation, la question de permettre à n'importe quelle personne de fournir le cautionnement est ressortie. L'avocat du ministre a soutenu que l'arbitre était obligé d'examiner les qualités de la caution dans le cas où un cautionnement devait être fourni.

[17]À mon avis, l'arbitre a eu raison de rejeter la demande de contre-interrogatoire présentée après qu'il eut fait connaître sa décision de mettre en liberté les défendeurs. Si le représentant du ministre avait obtenu l'autorisation de procéder à un contre-interrogatoire à ce moment-là, la décision aurait pu être annulée si le contre-interrogatoire s'était avéré défavorable. Cependant, l'arbitre ne peut pas annuler sa propre décision. L'examen des qualités de la caution doit avoir lieu au moment où la preuve est présentée dans le cadre de la révision des motifs de la garde plutôt qu'après qu'une décision a été prise au sujet de la mise en liberté.

[18]Il me semble qu'il s'agit en fait de savoir si l'arbitre est obligé d'examiner les qualités de la caution lorsqu'il doit décider si l'individu concerné doit être mis en liberté et, dans l'affirmative, quelle est la procédure à suivre à cet égard.

[19]Il semble que l'exigence relative à la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution est fondée sur l'idée selon laquelle la personne qui fournit le cautionnement ou la garantie court un risque suffisant pour avoir intérêt à faire en sorte que l'individu en cause observe les conditions de la mise en liberté et notamment qu'il obtempère à la mesure de renvoi. L'obligation personnelle que l'individu qui doit être mis en liberté a envers la caution devrait inciter celui-ci à observer les conditions. Cela est peut-être vrai en général, mais il n'en va pas nécessairement de même dans le cas d'une opération organisée de trafic mettant en cause d'importantes sommes d'argent. On peut inférer du fait que des personnes versent de grosses sommes d'argent pour être introduites en fraude en Amérique du Nord que les chances de gagner de l'argent sont meilleures ici que dans leur pays d'origine. Les passeurs ne sont payés que lorsque leurs clients ont la chance de gagner plus d'argent. Ils ont donc intérêt à faire en sorte que leur client reste en Amérique du Nord. Dans ces conditions, il est logique qu'un passeur avance l'argent nécessaire aux fins du cautionnement de façon à aider ou à contraindre le client à vivre dans la clandestinité et à commencer à rembourser la dette. Le risque de perte financière, en pareil cas, ne découle pas de la confiscation du cautionnement, mais de la possibilité que le client soit renvoyé chez lui. Le fait que le client estime avoir une obligation envers le passeur ne l'incite pas à observer les conditions de la mise en liberté. C'est en fait le contraire qui se produit.

[20]Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chen, [1999] A.C.F. no 1815 (1re inst.) (QL), le juge Nadon a conclu qu'il faut déterminer tout d'abord si l'individu obtempérera vraisemblablement à la mesure de renvoi avant de tenir compte de la question du cautionnement ou de la caution [au paragraphe 15]:

Si je comprends bien l'alinéa 103(3)b) et le paragraphe 103(7), un arbitre doit ordonner la mise en liberté de l'intéressé «aux conditions qu'il juge indiquées en l'espèce, notamment la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution» s'il est convaincu que la personne sous garde ne se dérobera vraisemblablement pas au renvoi. Autrement dit, si l'arbitre est convaincu, compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés, que la personne sous garde ne se soustraira pas à la justice, il doit alors ordonner la mise en liberté de cette personne et il peut l'assortir de conditions, dont notamment la fourniture d'un cautionnement. Le dépôt d'un cautionnement et le montant de celui-ci ne font pas partie des éléments de preuve pertinents quant à la décision que l'arbitre doit rendre relativement à la vraisemblance que la personne ne se dérobera pas à son renvoi. En conséquence, si je comprends bien les dispositions en question, l'arbitre doit décider de la vraisemblance que la personne se soustraira à la justice ou qu'elle ne se dérobera pas au renvoi, en fonction des éléments de preuve, sans tenir compte du cautionnement qu'il pourrait imposer s'il était convaincu que la personne sous garde ne se dérobera vraisemblablement pas au renvoi.

[21]Malgré tout le respect que j'ai pour mon collègue, je ne souscris pas à son avis. Le cautionnement ou la garantie de bonne exécution vise à motiver l'individu concerné à observer les conditions de sa mise en liberté. Comme je l'ai dit ci-dessus, la fourniture d'un cautionnement est fondée sur l'idée selon laquelle le cautionnement sert d'incitatif à l'observation des conditions de la mise en liberté. Si la fourniture d'un cautionnement ne changeait rien à la situation, il n'y aurait pas lieu d'en exiger un. Cependant, si cela change les choses, la question de la probabilité que les conditions de mise en liberté soient respectées devrait être examinée compte tenu de l'effet du cautionnement. Si l'on adoptait le raisonnement qui a été suivi dans la décision Chen, précitée, seules les personnes qui réussissent à convaincre l'arbitre qu'elles obtempéreront à la mesure de renvoi sans qu'il soit nécessaire de fournir un cautionnement seraient admissibles à la mise en liberté, auquel cas ces personnes n'auraient pas à se voir imposer un cautionnement pour garantir l'observation des conditions de mise en liberté. Les dispositions relatives à la fourniture d'un cautionnement s'appliqueraient uniquement aux personnes pour qui ce n'est pas nécessaire.

[22]À mon avis, il doit être tenu compte de l'effet du cautionnement dans le cadre de l'examen de la question de savoir si l'individu qui est sous garde obtempérera vraisemblablement à la mesure de renvoi. Il faut d'autre part tenir compte aussi des qualités de la caution puisqu'il est possible que la fourniture d'un cautionnement par certains éléments de la société réduise les chances que l'individu en question obtempère à la mesure de renvoi. Par conséquent, il était déraisonnable pour l'arbitre de dire que, dans ce cas-ci, le cautionnement pouvait être fourni par n'importe quelle personne. S'il croyait que la fourniture d'une garantie était nécessaire pour que les défendeurs obtempèrent à la mesure de renvoi, l'arbitre était tenu d'examiner la situation de la caution et les relations que celle-ci entretenait avec les défendeurs. Si le représentant du ministre avait été convaincu que la caution proposée avait les qualités requises, l'arbitre aurait eu le droit de se fonder sur l'avis donné par celui-ci. Cependant, si le représentant du ministre avait fait savoir qu'il s'opposait, alors l'arbitre aurait été tenu d'examiner la question.

[23]Cela m'amène à la question de savoir de quelle façon il faut procéder en vue d'éviter la situation qui est survenue au cours de cette audience. Il appartient à la section d'arbitrage d'élaborer sa propre procédure. La Cour peut uniquement faire des remarques au sujet de la charge de la preuve. Lorsqu'une révision des motifs de la garde est effectuée, il incombe éventuellement au ministre de justifier la garde. Voir Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration),[1995] 1 C.F. 214 (1re inst.). Toutefois, en pratique, le ministre n'est pas en mesure de s'acquitter de son obligation quant à un examen des qualités de la caution puisque seul l'individu qui est sous garde peut proposer que cette personne agisse à titre de caution. Il incombe donc à l'individu en cause de convaincre l'arbitre que la caution proposée a les qualités requises. Si l'avocat de cet individu donne au représentant du ministre un avis suffisant du nom de la caution proposée et des relations que celle-ci entretient avec l'individu, une bonne partie du travail peut se faire sans formalité. Si le représentant du ministre s'oppose à ce que la personne proposée agisse comme caution, l'avocat de l'individu qui est sous garde peut décider de soumettre une preuve tendant à établir que la caution a les qualités requises, le représentant du ministre ayant alors la possibilité de présenter la preuve du ministre. C'est à ce moment que la question du contre-interrogatoire de la caution proposée devrait se poser.

[24]Pour le compte des défendeurs, il faut dire que toutes les personnes concernées savaient que l'argent était fourni par le frère que chaque défendeur a aux États-Unis, de sorte que la référence à n'importe quelle personne renvoyait en fait à ces frères. La lecture de la décision de l'arbitre montre qu'il n'a pas tenu compte de la question des relations existant entre la caution et les défendeurs et qu'il semble s'être uniquement fondé sur le risque de confiscation. Étant donné qu'une opération criminelle de trafic était en cause, il s'agissait d'une erreur déraisonnable.

[25]Pour ces motifs, la décision qu'a prise l'arbitre de permettre que le cautionnement soit versé par n'importe quelle personne était déraisonnable et la décision doit être infirmée.

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