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IMM-4225-12

2013 CF 397

Raheal Habtenkiel (demanderesse)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Habtenkiel c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Heneghan—Winnipeg, 8 novembre 2012; Ottawa, 18 avril 2013.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire d’une décision prononcée par un agent des visas qui a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre du regroupement familial, car la demanderesse n’a pas été déclarée par son père lorsque la demande de celui-ci a été examinée — L’agent a également rejeté la requête de la demanderesse visant à obtenir l’accueil de sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire — Il s’agissait de savoir si la Cour était apte à connaître de la présente demande de contrôle judiciaire — La Cour a refusé d’appliquer les décisions Phung c. Canada (Citoyenneté et Immigration) et Huot c. Canada (Citoyenneté et Immigration) — La Cour a plutôt appliqué Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) — Le dispositif législatif exige que le répondant du demandeur interjette appel de la décision défavorable devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) avant que le demandeur lui-même ne puisse solliciter un contrôle judiciaire — Cette procédure n’autorise la SAI à prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire que si l’intéressé appartient à la catégorie du regroupement familial — En l’espèce, la demanderesse est exclue de la catégorie du regroupement familial — Quoi qu’il en soit, la décision de l’agent de rejeter la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre de motifs d’ordre humanitaire est raisonnable — Une question a été certifiée — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent des visas de rejeter la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre du « regroupement familial », parce qu’elle n’avait pas été déclarée par son père en tant que fille lorsque la demande de résidence permanente de celui-ci a été examinée. Ainsi, la demanderesse paraissait exclue de la catégorie du regroupement familial en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’agent a également rejeté la requête de la demanderesse tendant à obtenir l’accueil de sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire, car le fait pour le répondant de la demanderesse de ne pas avoir déclaré sa relation avec elle ne comportait pas de « circonstances atténuantes ».

La demanderesse a soutenu que l’agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en ne prenant pas en considération les éléments d’appréciation présentés et, en termes plus particuliers, en n’examinant pas sa demande sous l’angle de son intérêt supérieur en tant qu’enfant.

La question principale ici était de savoir si la Cour était apte à connaître de la demande de contrôle judiciaire.

Jugement : la demande doit être rejetée.

La demanderesse a invoqué les décisions Phung c. Canada (Citoyenneté et Immigration) et Huot c. Canada (Citoyenneté et Immigration) pour avancer que sa seule voie de recours contre la décision de l’agent était l’introduction d’une demande de contrôle judiciaire. Plus précisément, la demanderesse a fait valoir que, comme elle n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial, la Section d’appel de l’immigration (SAI) n’était pas compétente pour connaître d’une contestation de la décision défavorable de l’agent. Les décisions Phung et Huot, ainsi que la décision plus récente Kobita c. Canada (Citoyeneté et Immigration) ont conclu que le demandeur incapable d’invoquer des motifs d’ordre humanitaire devant la SAI parce qu’il n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial peut faire valoir ces motifs dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire formée sous le régime de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Cette approche n’a pas été appliquée en l’espèce. La Cour d’appel fédérale a affirmé dans l’arrêt Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) que le dispositif législatif que le législateur a adopté exige que le répondant du demandeur interjette appel de la décision défavorable devant la SAI avant que le demandeur lui-même ne puisse solliciter un contrôle judiciaire. Cette procédure n’autorise la SAI à prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire que si l’intéressé appartient à la catégorie du regroupement familial. Dans le cas présent, la demanderesse se trouvait exclue de la catégorie du regroupement familial.

Quoi qu’il en soit, le rejet par l’agent de la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre de motifs d’ordre humanitaire était raisonnable. Il a pris en considération la situation personnelle de la demanderesse, notamment le peu de contacts et l’absence de liens affectifs entre elle et son père. Le fait pour l’agent de ne pas avoir employé les termes « l’intérêt supérieur de l’enfant » ne signifie pas qu’il n’ait pas tenu compte de cet intérêt. Il a raisonnablement apprécié les éléments qui lui avaient été présentés.

La question de savoir si le demandeur qui a fait une demande de parrainage au titre du regroupement familial dans laquelle il a demandé que soient pris en considération des motifs d’ordre humanitaire doit nécessairement épuiser ses voies d’appel auprès de la SAI, lors même que ces voies d’appel sont restreintes par l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés avant d’être admissible à déposer une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale a été certifiée.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(1)d), 12(1), 62, 63, 65, 72(2)a).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 2 « enfant à charge », 116, 117(1)b),(9).

JURISPRUDENCE CITÉE

décision suivie :

Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 R.C.F. 26, confirmant 2008 CF 1356, [2009] 4 R.C.F. 91.

décisions non suivies :

Phung c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 585, [2014] 1 R.C.F. 3; Huot c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 180; Kobita c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1479.

décisions citées :

Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189; Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant une décision prononcée par un agent des visas qui a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre du regroupement familial. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Bashir A. Khan pour la demanderesse.

Alexander Menticoglou pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Bashir A. Khan, Winnipeg, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La juge Heneghan : Mme Raheal Habtenkiel (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision prononcée par un agent des visas. Dans cette décision, du 7 mars 2012, l’agent des visas a rejeté sa demande de résidence permanente au titre du « regroupement familial », au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

[2]        La demanderesse, citoyenne érythréenne, est la fille d’Issak Gerensea Habtenkiel, qui a obtenu la résidence permanente au Canada le 28 janvier 2009. Le père, dans sa demande de résidence permanente, n’a pas déclaré la demanderesse comme membre de la famille qui ne l’accompagnait pas.

[3]        M. Habtenkiel a présenté une demande de parrainage, reçue le 18 janvier 2011 ou vers cette date, de la demande de résidence permanente de la demanderesse. Par lettre en date du 26 janvier 2011, il a été avisé qu’il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour le parrainage, au motif que la demanderesse paraissait exclue de la catégorie du regroupement familial en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

[4]        La demande de résidence permanente de Mme Habtenkiel a été transmise pour examen au bureau des visas, qui l’a reçue le 25 février 2011. La demanderesse a indiqué dans son formulaire de demande qu’elle sollicitait la résidence permanente à titre de membre de la catégorie « autre », spécifiant qu’elle invoquait des motifs d’ordre humanitaire. Son père précisait ces motifs dans un exposé circonstancié.

[5]        M. Habtenkiel n’avait pas inclus la demanderesse dans sa demande de résidence permanente parce qu’elle était une enfant naturelle et que son épouse actuelle se montrait alors peu disposée à la reconnaître. En outre, la demanderesse avait grandi sans guère de contacts avec lui. La demande de résidence permanente de la demanderesse, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, était appuyée par la femme de son père, qui regrettait maintenant de s’être opposée à l’inclusion de la jeune fille dans la demande de résidence permanente de la famille.

[6]        En plus des lettres de son père et de la femme de ce dernier, la demanderesse a produit une lettre du frère de son père, une autre du chef spirituel de l’Église dont son père fait partie à Winnipeg, des copies de courriels de ses demi‑frères et sœurs, une lettre de son école à Khartoum et un document présenté comme étant un acte par lequel sa mère transmettait la tutelle à son père. La demanderesse a été reçue en entretien à Khartoum par un agent des visas. Les notes que celui‑ci a prises relativement à cet entretien sont datées du 22 février 2012.

[7]        Par lettre en date du 7 mars 2012, l’agent des visas a communiqué à la demanderesse sa conclusion selon laquelle elle n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial, au motif que son père ne l’avait pas déclarée comme étant sa fille et qu’elle n’avait pas fait l’objet d’un contrôle au moment de l’examen de la demande de résidence permanente de son père. L’agent analysait ensuite dans cette lettre la requête de la demanderesse tendant à obtenir l’accueil de sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a conclu que le fait pour le répondant de la demanderesse (c’est‑à‑dire son père) de ne pas avoir déclaré sa relation avec elle au moment où il avait obtenu la résidence permanente au Canada ne comportait pas de [TRADUCTION] « circonstances atténuantes ».

[8]        L’agent des visas faisait remarquer que la demanderesse avait presque 17 ans et n’avait jamais vécu avec son père. Il soulignait également l’insuffisance d’éléments tendant à établir que celui‑ci n’eût [TRADUCTION] « jamais [manifesté] un intérêt sérieux » pour elle, ainsi que l’absence de la part de la demanderesse de preuves de liens affectifs avec lui.

[9]        La demanderesse soutient que l’agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en ne prenant pas en considération les éléments d’appréciation présentés et, en termes plus particuliers, en n’examinant pas sa demande sous l’angle de son intérêt supérieur en tant qu’enfant. Bien que la Loi ne définisse pas le terme « enfant », fait valoir la demanderesse, comme elle avait moins de 17 ans au moment de l’examen de sa demande, elle n’était pas alors une adulte, et elle devrait être considérée comme une enfant dont l’intérêt supérieur commande qu’elle soit réunie avec sa famille, conformément à l’objectif de la Loi spécifié à son alinéa 3(1)d).

[10]      Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient quant à lui que la décision de l’agent des visas remplit la norme de contrôle applicable, soit celle du caractère raisonnable, et que rien ne justifierait la conclusion qu’il a omis de prendre en considération ou mal compris les éléments d’appréciation présentés par la demanderesse.

[11]      La première question à examiner est l’aptitude de notre Cour à connaître de la présente demande de contrôle judiciaire.

[12]      Le défendeur a soulevé une exception d’incompétence dans son premier mémoire, faisant valoir que la demanderesse n’avait pas usé du droit d’appel devant la Section d’appel de l’immigration (la SAI) prévu à l’article 63 de la Loi. Il a par la suite retiré cette exception en réaction aux conclusions en réplique de la demanderesse, où elle faisait valoir que, comme elle n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial, la SAI n’était pas compétente pour connaître d’une contestation de la décision défavorable de l’agent. Invoquant les décisions récentes Phung c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 585, [2014] 1 R.C.F. 3; et Huot c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 180, la demanderesse avançait que sa seule voie de recours contre la décision de l’agent était l’introduction d’une demande de contrôle judiciaire devant notre Cour. Le défendeur a reconnu le bien‑fondé de ces arguments.

[13]      Les décisions Phung et Huot, précitées, semblent contredire l’arrêt Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 R.C.F. 26, dans lequel la Cour d’appel fédérale formule les observations suivantes aux paragraphes 21 à 24 :

Dans la LIPR, le législateur a établi une procédure exhaustive et indépendante dotée de règles précises pour traiter l’admission de ressortissants étrangers à titre de membres de la catégorie du regroupement familial. Le droit d’appel accordé au répondant pour contester en son nom la décision de l’agent des visas au profit du ressortissant étranger, de même que l’interdiction du contrôle judiciaire formulée dans la LIPR tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées, sont des traits distinctifs de cette nouvelle procédure. Ils rendent obsolète la jurisprudence antérieure sur laquelle s’appuie l’appelant.

Le législateur a décidé du parcours que doivent suivre les demandes de parrainage familial, lequel se termine, après un appel, par la possibilité pour le répondant de demander réparation devant la Cour fédérale. L’intention du législateur d’inscrire dans la LIPR un ensemble complet de règles régissant les demandes de parrainage visant un regroupement familial est confirmée par l’alinéa 72(2)a) et le paragraphe 75(2) [mod. par L.C. 2002, c. 8, art. 194].

On trouve maintenant dans la loi habilitante l’interdiction générale de l’alinéa 72(2)a) de recourir au contrôle judiciaire tant que « les » voies d’appel ne sont pas épuisées, par opposition à l’interdiction plus limitée prévue à l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales.

D’ailleurs, le paragraphe 75(2) de la LIPR indique clairement qu’en cas d’incompatibilité entre la Section 8 — Contrôle judiciaire, de la LIPR, et les dispositions de la Loi sur les Cours fédérales, les dispositions de la Section 8 l’emportent. Autrement dit, l’interdiction prévue à l’alinéa 72(2)a) l’emporte sur l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales qui accorde le droit de demander un contrôle judiciaire. [Souligné dans l’original.]

[14]      Le paragraphe 12(1) de la Loi définit comme suit la catégorie « regroupement familial » :

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

Regroupement familial

[15]      La première section de la partie 7 du Règlement (qui comprend les articles 116 à 122 inclus) porte spécialement sur la catégorie du regroupement familial. L’article 116 et l’alinéa 117(1)b) du même Règlement, libellés comme suit, se révèlent pertinents pour la présente instance :

116. Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, la catégorie du regroupement familial est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

Catégorie

117. (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

[…]

b) ses enfants à charge.

Regroupement familial

[16]      L’expression « enfant à charge » est définie comme suit à l’article 2 du Règlement :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

[…]

Définitions

« enfant à charge » L’enfant qui :

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

(i) il est âgé de moins de vingt‑deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui‑ci,

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

(iii) il est âgé de vingt‑deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

« enfant à charge » “dependent child

[17]      La demanderesse a moins de 22 ans et est l’enfant biologique de son répondant, Issak Gerensea Habtenkiel. De plus, il avait été produit devant l’agent des visas des éléments tendant à établir qu’elle recevait un soutien pécuniaire de son père.

[18]      Cependant, la demanderesse est exclue de la catégorie du regroupement familial au motif que, à l’époque où son répondant est devenu résident permanent, elle était un membre de sa famille ne l’accompagnant pas et n’a pas fait l’objet d’un contrôle. Ce fait découle de l’alinéa 117(9)d) du Règlement, lequel dispose :

117. […]

Regroupement familial

(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[…]

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

Restrictions

[19]      La demanderesse fait valoir que, étant donné qu’elle n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial, la SAI ne pourrait exercer sa compétence d’examen des motifs d’ordre humanitaire dans l’instruction d’un appel formé par elle parce que l’article 65 de la Loi, reproduit ci‑dessous, exclut cette possibilité :

65. Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

Motifs d’ordre humanitaires

[20]      L’inaccessibilité à la compétence d’examen des motifs d’ordre humanitaire conférée à la SAI n’est pas en soi une raison pour l’intéressé de contourner cette dernière. Aux termes de l’article 62, la SAI est l’instance compétente pour connaître de « l’appel visé à la présente section ». Or l’article 62 se trouve dans la section 7 de la partie 1 de la Loi. Cette partie, qui comprend 10 sections, est intitulée « Immigration au Canada ». La section 7 est intitulée « Droit d’appel » et réunit les articles 62 à 71 inclusivement.

[21]      L’article 63 énumère les catégories de décisions dont il peut être interjeté appel. Le paragraphe 63(1) se révèle pertinent pour la présente demande. Il est ainsi libellé :

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

Droit d’appel : visa

[22]      Le juge saisi avait examiné les dispositions applicables de la Loi dans la décision de première instance qui a fait l’objet de l’arrêt Somodi, précité, de la Cour d’appel fédérale. Il avait fait observer que le droit d’appel, dans le cas d’un parrainage, appartient au répondant et non à la personne dont la demande de résidence permanente a été rejetée. Il avait conclu que « pour contester la décision d’un agent d’immigration, il faut passer par un appel du répondant, qui est citoyen ou résident permanent du Canada »; voir la décision Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1356, [2009] 4 R.C.F. 91, au paragraphe 34. Cette décision de première instance a été confirmée en appel (2009 CAF 288 [précité]).

[23]      Je prends acte des décisions Huot et Phung, précitées, ainsi que de la décision plus récente Kobita c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1479, rendues par mes collègues. Ces décisions posent que le demandeur incapable d’invoquer des motifs d’ordre humanitaire devant la SAI parce qu’il n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial peut faire valoir ces motifs dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire formée sous le régime de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7.

[24]      Cependant, je refuse d’appliquer cette démarche. Comme on l’a vu plus haut, la Cour d’appel fédérale affirme dans l’arrêt Somodi, précité, que le législateur a fixé la voie que doivent suivre les demandes de parrainage familial. Le dispositif législatif qu’il a adopté exige que le répondant du demandeur interjette appel de la décision défavorable devant la SAI avant que le demandeur lui‑même ne puisse solliciter un contrôle judiciaire. Cette procédure est prescrite par les dispositions législatives applicables, dont l’article 65, qui n’autorise la SAI à prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire que si l’intéressé appartient à la catégorie du regroupement familial.

[25]      Autrement dit, la personne qui se trouve exclue de la catégorie du regroupement familial en application du paragraphe 117(9) du Règlement ne peut bénéficier du pouvoir discrétionnaire conféré à la SAI de prononcer réparation sur la base de motifs d’ordre humanitaire. Or il est acquis aux débats que la demanderesse à la présente instance est exclue de la catégorie du regroupement familial en application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Je reconnais que ce résultat procédural pèche peut‑être par manque d’efficacité, mais c’est au législateur, et non à notre Cour, qu’il appartient de remédier à la situation.

[26]      Pour le cas où je me tromperais et où notre Cour aurait compétence pour connaître de la présente demande de contrôle judiciaire, j’examinerai celle‑ci au fond. Il est de jurisprudence constante que la norme de contrôle applicable aux décisions touchant les motifs d’ordre humanitaire est celle du caractère raisonnable (Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189), au paragraphe 18).

[27]      Le rejet par l’agent de la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre de motifs d’ordre humanitaire me paraît raisonnable. Il a pris en considération la situation personnelle de la demanderesse, notamment le peu de contacts et l’absence de liens affectifs entre elle et son père. J’estime que le fait pour l’agent de ne pas avoir employé les termes « l’intérêt supérieur de l’enfant » ne signifie pas qu’il n’ait pas tenu compte de cet intérêt. Il a raisonnablement apprécié les éléments qui lui avaient été présentés.

[28]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[29]      L’avocat de la demanderesse a proposé une question à la certification, soit celle qu’avait présentée l’avocat des demandeurs dans la décision Phung, précitée.

[30]      Cette question me paraît remplir la norme de certification, c’est‑à‑dire qu’il s’agit selon moi d’une question grave de portée générale qui trancherait un appel; voir la décision Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, au paragraphe 11. La question suivante, qui reprend les termes mêmes de celle proposée mais non certifiée dans la décision Phung, précitée, sera donc ici certifiée :

Compte tenu de l’alinéa 72(2)a), du paragraphe 63(1) et de l’article 65 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et de l’arrêt Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 R.C.F. 26, lorsque le demandeur a fait une demande de parrainage au titre du regroupement familial dans laquelle il a demandé que soient pris en considération des motifs d’ordre humanitaire, le demandeur doit‑il nécessairement épuiser ses voies d’appel auprès de la Section d’appel de l’immigration, lors même que ces voies d’appel sont restreintes par l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, avant d’être admissible à déposer une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale?

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante est certifiée :

Compte tenu de l’alinéa 72(2)a), du paragraphe 63(1) et de l’article 65 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et de l’arrêt Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 R.C.F. 26, lorsque le demandeur a fait une demande de parrainage au titre du regroupement familial dans laquelle il a demandé que soient pris en considération des motifs d’ordre humanitaire, le demandeur doit‑il nécessairement épuiser ses voies d’appel auprès de la Section d’appel de l’immigration, lors même que ces voies d’appel sont restreintes par l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, avant d’être admissible à déposer une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale?

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