A-493-11
2012 CAF 314
Aida Marième Seck (appelante)
c.
Procureur général du Canada (intimé)
Répertorié : Seck c. Canada (Procureur général)
Cour d’appel fédérale, juges Noël, Pelletier, Mainville, J.C.A.—Ottawa, 7 et 29 novembre 2012.
Fonction publique — Procédure de sélection — Concours — Appel d’une décision de la Cour fédérale rejetant le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de la fonction publique concluant que l’appelante avait commis une fraude en donnant de fausses références dans le cadre d’un processus de nomination au sein de la fonction publique — L’appelante a posé sa candidature à un poste au sein de la fonction publique fédérale — Elle a désigné Mme Rose M’Kounga comme sa supérieure hiérarchique dans un emploi antérieur — Mme M’Kounga a fourni une référence — La candidature de l’appelante n’a pas été retenue — À la suite de renseignements qu’elle a reçus, la Commission a déclenché une enquête concernant l’appelante en vertu de l’art. 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (Loi) — L’enquête a conclu que Mme M’Kounga n’avait pas été la supérieure hiérarchique de l’appelante et que les recommandations favorables de la référence avait été préparées par l’appelante et sa mère, d’où la fraude au sens de l’art. 69 de la Loi — La Commission a pris des mesures correctives à l’égard de l’appelante — L’appelante contestait le pouvoir de la Commission de mener une enquête à son égard et de prendre des mesures correctives — La Cour fédérale a conclu que l’art. 69 de la Loi accordait le pouvoir à la Commission de mener une enquête à l’égard de toute fraude dans un processus de nomination — Elle a aussi conclu que la Commission avait agi équitablement et qu’elle avait évalué et analysé la preuve de façon raisonnable — Il s’agissait de savoir 1) la portée de la compétence de la Commission 2) si la procédure suivie était équitable et 3) si l’analyse de la preuve par la Commission était raisonnable — Le pouvoir d’enquête de la Commission prévu à l’art. 69 de la Loi fait partie d’une vaste réforme cherchant à moderniser le système de dotation de la fonction publique — L’art. 69 doit être compris et interprété dans ce contexte — Il y a lieu d’utiliser la définition de la fraude établie dans l’arrêt R. c. Cuerrier — L’art. 69 n’exige pas qu’il y ait une nomination, réelle ou proposée, en cause pour qu’il y ait une enquête et des mesures correctives — La Commission a compétence d’enquête exclusive dans le cas de fraude — Les mesures correctives doivent être raisonnables — Dans le présent appel, elles le sont; elles relèvent de la compétence de la Commission et elles sont raisonnables à la lumière des circonstances en cause — Dans le cas de l’art. 69 de la Loi, puisque l’enquête vise à tirer des conclusions quant à une conduite frauduleuse, le devoir d’équité procédurale qui incombe à l’enquêteur est particulièrement élevé — La Commission et son enquêteur ont démontré un très haut niveau d’équité procédurale — La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur révisable en décidant que les conclusions de la Commission étaient raisonnables — Appel rejeté.
Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale rejetant la demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de la fonction publique (Commission) concluant que l’appelante avait commis une fraude en donnant de fausses références dans le cadre d’un processus de nomination au sein de la fonction publique.
L’appelante a posé sa candidature à un poste au sein de la fonction publique fédérale. Elle a désigné Mme Rose M’Kounga, une supérieure hiérarchique lors d’un emploi antérieur, à titre de répondante. Celle-ci a fourni des recommandations favorables aux responsables du concours concernant les compétences et les qualités de l’appelante. Malgré cela, la candidature de l’appelante n’a pas été retenue.
À la suite d’une enquête administrative dans un autre ministère dont les résultats furent communiqués à la Commission, celle-ci déclencha à son tour une enquête concernant l’appelante en vertu de l’article 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP ou Loi), lequel traite de la fraude dans un processus de nomination.
Après avoir convoqué et entendu divers témoins, dont l’appelante et Mme M’Kounga, l’enquêteur a conclu 1) que Mme M’Kounga n’avait pas été supérieure hiérarchique de l’appelante, 2) que les recommandations de MmeMme M’Kounga à l’égard de l’appelante avaient été préparées par l’appelante et sa mère, et 3) que Mme M’Kounga les avait simplement envoyées aux responsables du processus de nomination. Pour la Commission, il s’agissait là d’une fraude dans le processus de nomination.
La Commission a pris les mesures correctives suivantes : (a) pour une période de trois ans, l’appelante doit obtenir la permission écrite de la Commission avant d’accepter un poste au sein de la fonction publique fédérale, faute de quoi sa nomination sera révoquée (b) la décision et le rapport d’enquête seront transmis à l’employeur de l’appelante, et (c) à la Gendarmerie Royale du Canada.
Devant la Cour fédérale, l’appelante contestait le pouvoir de la Commission de mener une enquête à son égard et de prendre des mesures correctives en vertu de l’article 69 de la LEFP, compte tenu du fait que sa candidature n’avait pas été retenue. Elle soutenait que la Commission avait violé les principes de justice naturelle et de l’équipé procédurale et que la décision de la Commission n’était pas bien fondée, vu la preuve recueillie au cours de l’enquête. La Cour fédérale a conclu que l’article 69 de la Loi accordait à la Commission le pouvoir de mener une enquête à l’égard de toute fraude dans un processus de nomination à la fonction publique, et non seulement à l’égard d’une fraude ayant conduit à la nomination d’un candidat fautif. Elle a conclu que la Commission avait agi équitablement à l’égard de l’appelante et qu’elle avait évalué et analysé la preuve recueillie au cours de l’enquête de façon raisonnable. Elle a aussi jugé que la Commission avait conclu de façon raisonnable que les commentaires favorables à l’égard de l’appelante qu’avait envoyés Mme M’Kounga avaient été préparés par l’appelante et sa mère.
Les questions en litige étaient de savoir 1) la portée de la compétence de la Commission en vertu de l’article 69 de la Loi, 2) si la procédure suivie par la Commission était équitable, et 3) si l’analyse de la preuve effectuée par la Commission était raisonnable.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
L’article 69 doit être interprété d’une manière textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Le contexte législatif montre que la LEFP fait partie d’une loi-cadre qui effectue une réorganisation importante visant à moderniser le régime de l’emploi et des relations de travail dans la fonction publique fédérale. Le pouvoir d’enquête de la Commission en vertu de l’article 69 de la Loi fait partie de cette vaste réforme cherchant à moderniser le système de dotation de la fonction publique. L’article 69 doit donc être compris et interprété dans ce contexte.
La Loi ne définit pas la « fraude ». Il y a lieu d’utiliser pour l’article 69 de la Loi la définition de la « fraude » établie par le juge Cory dans l’arrêt R. c. Cuerrier. Ainsi, la fraude comporte deux éléments essentiels : 1) la malhonnêteté, qui peut comprendre la non‑divulgation de faits importants et, 2) la privation ou le risque de privation. La victime de la fraude n’est pas tenue de prouver que les actes frauduleux lui ont réellement causé un préjudice ou une perte. On conclura qu’il y a eu fraude au sens de l’article 69 de la Loi si la preuve établit selon la prépondérance des probabilités que l’appelante a sciemment fourni de fausses recommandations dans le but de tromper les responsables du processus de nomination afin d’accroître ses chances d’être nommée. Dans la plupart des cas visés par la Loi, il doit y avoir une nomination réelle ou proposée en cause pour qu’on puisse prendre des mesures correctives. Cependant, cette exigence n’a pas été ajoutée à l’article 69, qui porte sur la fraude. Il s’agit là manifestement d’un choix délibéré du législateur. Cet article vise le processus de nomination en soi, et non seulement le résultat qui en découle. La Commission peut donc mener une enquête et prendre des mesures correctives lorsqu’il y a fraude dans le processus de nomination, que cette fraude ait mené ou non à une nomination frauduleuse. Puisque l’article 69 vise à protéger contre la fraude le processus de nomination en soi, et non seulement le résultat du processus, le mot anglais « and » inséré entre les alinéas 69a) et b) doit être interprété comme disjonctif. La Commission a compétence d’enquête exclusive dans le cas de fraude.
En ce qui a trait aux mesures correctives de l’article 69, les principes juridiques propres au droit du travail, tels les principes de la proportionnalité et de la gradation des sanctions ne s’appliquent pas. Ces mesures correctives doivent plutôt être contrôlées en utilisant les principes du droit administratif, c’est‑à‑dire qu’elles doivent relever de la compétence de la Commission et être raisonnables. De même, les mesures correctives prévues à l’article 69 ne comprennent pas l’imposition de mesures pénales contre les fonctionnaires fautifs. Cette tâche appartient plutôt aux tribunaux de droit commun en vertu de l’article 133 de la Loi. Par contre, rien n’interdit à la Commission de remettre les conclusions de son enquête aux forces policières afin qu’elles puissent décider s’il y a lieu d’effectuer leur propre enquête. Dans ce cas‑ci, la Commission a remis son rapport à l’employeur et à la Gendarmerie royale du Canada, et elle a exigé que l’appelante obtienne, pendant une période de trois ans, sa permission écrite avant d’accepter un poste à la fonction publique fédérale. Ces mesures sont tout à fait conformes à la lettre et à l’esprit de l’article 69 de la Loi; elles relèvent de la compétence de la Commission et sont raisonnables à la lumière des circonstances en cause.
Quant au caractère équitable de la procédure suivie par la Commission, l’article 70 de la Loi prévoit que pour les besoins de toute enquête menée en vertu de l’article 69 de la Loi, la Commission dispose des pouvoirs d’un commissaire nommé au titre de la Loi sur les enquêtes. Puisque l’enquête vise, dans le cas de l’article 69 de la Loi, à tirer des conclusions quant à une conduite frauduleuse, le devoir d’équité procédurale qui incombe à l’enquêteur est particulièrement élevé. Dans le présent appel, la Commission et son enquêteur ont démontré un très haut niveau d’équité procédurale envers l’appelante, et ce, tout au long de l’enquête. La Commission a clairement informé l’appelante de la nature de l’enquête et des allégations contre elle, et ce, à toutes les étapes de l’enquête, et elle lui a donné l’occasion de se faire entendre et d’être représentée par un avocat. La Commission et son enquêteur n’ont pas contrevenu aux règles de l’équité procédurale pendant l’enquête.
En ce qui a trait à la question de savoir si la décision de la Commission était bien fondée, le rôle de la juge sur cette question se limitait à déterminer si les conclusions que la Commission a tirées de la preuve appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits constatés au cours de l’enquête. Vu la preuve au dossier et le caractère sensé des conclusions qu’en a tirées la Commission, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur révisable en décidant que ces conclusions étaient raisonnables.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11.
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5.
Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13, préambule, art. 2(1) « processus de nomination externe », « processus de nomination interne », 15(1),(3),(4),(5), 30(1),(2)a), 33, 34, 36, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 77, 133.
Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33.
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18, 18.1.
Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11, art. 2, 6, 13.
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2.
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; R. c. Cuerrier, [1998] 2 R.C.S. 371.
décisions examinées :
Samatar c. Canada (Procureur général), 2012 CF 1263, [2014] 2 R.C.F. 43; Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur le système d’approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440.
décisions citées :
Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 31, [2006] 3 R.C.F. 610; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41; R. c. Olan et autres, [1978] 2 R.C.S. 1175; R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 5; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hyde, 2006 CAF 379; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.
DOCTRINE CITÉE
Maxwell on the Interpretation of Statutes, 12e éd. par P. St. J. Langan. Londres : Sweet & Maxwell, 1969.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. Markham (Ont.) : LexisNexis Canada, 2008.
APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2011 CF 1355) rejetant une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Commission de la fonction publique concluant que l’appelante avait donné de fausses références constituant une fraude lors d’un processus de nomination. Appel rejeté.
ONT COMPARU
Séverin Ndema-Moussa pour l’appelante.
Agnieszka Zagorska pour l’intimé.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Ndema-Moussa Law Office, Ottawa, pour l’appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
[1] Le juge Mainville, J.C.A. : Nous sommes saisis d’un appel du jugement portant la référence Seck c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1355, par lequel la juge Bédard de la Cour fédérale (la juge) a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Commission de la fonction publique (la Commission). La Commission a conclu que l’appelante avait donné de fausses références lors d’un processus de nomination à la fonction publique fédérale et qu’il y avait donc eu fraude dans le processus en cause au sens de l’article 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la Loi).
Le contexte
[2] L’appelante a postulé pour un poste au ministère des Affaires étrangères lors d’un processus de nomination interne organisé par ce ministère conformément à la Loi. Comme l’exigeait le processus de nomination, l’appelante a désigné Mme Rose M’Kounga comme répondante à titre de supérieure hiérarchique lors d’un emploi antérieur. Mme M’Kounga a effectivement fourni aux responsables du concours des recommandations écrites exhaustives et très favorables concernant les compétences et les qualités de l’appelante. Malgré cela, sa candidature n’a pas été retenue.
[3] Par la suite, une enquête administrative interne du ministère des Ressources naturelles sur l’usage du système informatique par l’une de ses employés, Mme Gisèle Seck (la mère de l’appelante), révéla des faits troublants qui furent dénoncés à la Commission.
[4] Cette dernière déclencha à son tour une enquête concernant l’appelante en vertu de l’article 69 de la Loi, qui prévoit ce qui suit :
69. La Commission peut mener une enquête si elle a des motifs de croire qu’il pourrait y avoir eu fraude dans le processus de nomination; si elle est convaincue de l’existence de la fraude, elle peut : a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas; b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées. |
Fraude |
[5] Après avoir convoqué et entendu divers témoins, dont l’appelante et Mme M’Kounga, l’enquêteur désigné par la Commission a conclu : a) que Mme M’Kounga n’avait pas été supérieure hiérarchique de l’appelante; b) que les recommandations que Mme M’Kounga a fournies à l’égard de l’appelante avaient été préparées par l’appelante et sa mère, et que Mme M’Kounga les avait simplement envoyées aux responsables du processus de nomination. Pour la Commission, il s’agissait là d’une fraude dans le processus de nomination.
[6] La Commission a donc pris les trois mesures correctives suivantes :
a. Pour une période de trois ans, l’appelante doit obtenir la permission écrite de la Commission avant d’accepter un poste à la fonction publique fédérale. Advenant qu’elle accepte une nomination pour une période déterminée ou indéterminée au sein de la fonction publique fédérale sans avoir préalablement obtenu une telle permission, sa nomination sera révoquée.
b. Une copie du rapport d’enquête et du rapport de décision, ainsi que toute information pertinente concernant l’appelante, ont été envoyées à son employeur, l’Agence du revenu du Canada.
c. Une copie du rapport d’enquête ainsi que toute information pertinente ont aussi été envoyées à la Gendarmerie royale du Canada, puisque l’article 133 de la Loi dispose que quiconque commet une fraude dans le cadre d’une procédure de nomination est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Le jugement de la Cour fédérale
[7] Trois questions furent soulevées devant la juge : a) La Commission pouvait‑elle mener une enquête et prendre des mesures correctives en vertu de l’article 69 de la Loi dans les circonstances en cause? b) La Commission avait‑elle violé les principes de la justice naturelle et de l’équité procédurale? c) La décision de la Commission était‑elle bien fondée, vu la preuve recueillie au cours de l’enquête?
[8] La juge a utilisé la norme de contrôle de la décision raisonnable pour examiner si la Commission était compétente pour mener l’enquête en cause compte tenue que la candidature de l’appelante n’avait pas été retenue suite au processus de sélection. Elle a conclu que l’article 69 de la Loi accordait à la Commission le pouvoir de mener une enquête à l’égard de toute fraude dans un processus de nomination à la fonction publique, et non seulement à l’égard d’une fraude ayant conduit à la nomination d’un candidat fautif.
[9] La juge a appliqué la norme de contrôle de la décision correcte pour examiner si la Commission avait agi équitablement. Elle a constaté que la Commission, par l’intermédiaire de son enquêteur, avait clairement informé l’appelante de la nature de l’enquête et des allégations contre elle, et ce, à toutes les étapes de l’enquête, et qu’elle lui avait donné l’occasion de se faire entendre et d’être représentée par un avocat.
[10] Enfin, la juge a conclu que la Commission avait évalué et analysé la preuve recueillie au cours de l’enquête de façon raisonnable. À cet égard, la juge a constaté que les faits présentés par l’appelante et par Mme M’Kounga étaient contradictoires et incohérents, au regard notamment de la période de temps au cours de laquelle l’appelante aurait travaillé sous la supervision de Mme M’Kounga et de l’endroit où ce travail aurait été effectué. En conséquence, la juge a statué qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que Mme M’Kounga n’avait pas supervisé l’appelante durant la période en cause.
[11] La juge a aussi statué que la Commission, en raison des nombreux courriels versés au dossier, avait conclu de façon raisonnable que les commentaires favorables à l’égard de l’appelante qu’avait envoyés Mme M’Kounga lors du processus de nomination en cause avaient été préparés par l’appelante et sa mère.
Les questions en litige dans le présent appel
[12] La question fondamentale soulevée par l’appelante dans le présent appel est celle de la portée de la compétence de la Commission en vertu de l’article 69 de la Loi. Il s’agit là de la principale question que notre Cour est appelée à examiner.
[13] Comme elle l’a fait en Cour fédérale, l’appelante conteste aussi en appel le caractère équitable de la procédure suivie par la Commission, et elle soutient toujours que l’analyse de la preuve par celle‑ci est déraisonnable.
La question principale : La portée de la compétence de la Commission pour mener une enquête et pour prendre des mesures correctives en vertu de l’article 69 de la Loi
a) La norme de contrôle
[14] Lors d’un appel d’une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit décider si la juge a choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée; si ce n’est pas le cas, notre Cour doit examiner la décision administrative contestée en tenant compte de la norme de contrôle applicable. Le choix par la juge de la norme de contrôle appropriée est lui‑même une question de droit assujettie à la norme de la décision correcte : Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 35; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 31, [2006] 3 R.C.F. 610, aux paragraphes 13 et 14.
[15] La juge a appliqué la norme de la décision raisonnable à la question principale soulevée par l’appelante, au motif qu’il s’agissait là d’une interprétation par la Commission de sa loi constitutive. À l’audience du présent appel, l’intimé a aussi soutenu que la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Toutefois, récemment, dans un autre appel lié à la présente affaire, soit la décision Samatar c. Canada (Procureur général), 2012 CF 1263, [2014] 2 F.C.R. 43 (Samatar), [cette décision sera publiée dans le Recueil des décisions des Cours fédérales] le juge Martineau de la Cour fédérale était saisi de la même question, et il s’est dit (aux paragraphes 35 et 75 à 93 de la décision Samatar) en désaccord avec la norme de contrôle appliquée par la juge. Pour le juge Martineau, la portée de l’article 69 de la Loi est une question de compétence ou une question de droit d’une importance capitale pour le processus de nomination de la fonction publique qui appelle la norme de la décision correcte.
[16] Comme le montre l’analyse qui suit, la question principale en litige soulève celle de la compétence de la Commission en vertu de l’article 69 eu égard aux compétences des administrateurs généraux et des gestionnaires en vertu du paragraphe 15(3) de la Loi et celle de la compétence du nouveau Tribunal de la dotation de la fonction publique. En effet, comme je le souligne plus bas, la compétence de la Commission sous l’article 69 de la Loi doit être établie eu égard au concept de « fraude » énoncé à cet article, ce qui permet d’en délimiter la compétence avec celle des administrateurs sous le paragraphe 15(3) eu égard à une « conduite irrégulière ». La délimitation des compétences respectives est une question qui appelle la norme de la décision correcte : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), au paragraphe 61.
[17] La juge a appliqué la norme de la décision raisonnable à la question de compétence qui lui avait été soumise, soit celle de savoir si la Commission pouvait déclencher une enquête en vertu de l’article 69 alors que l’appelante n’était pas candidate retenue ou nommée à l’issue du processus de sélection. Cette question soulevait le débat de ce qui constitue une « véritable » question de compétence au sens de l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 59, débat sur lequel s’interroge la Cour suprême du Canada : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, aux paragraphes 34 à 39. Il ne sera pas nécessaire de décider ici si nous sommes en présence ou non d’une « véritable » question de compétence qui appelle la norme de la décision correcte, ou d’une question d’interprétation d’une disposition législative qui appelle la norme de la décision raisonnable. En effet, le débat devant nous est plutôt engagé sur des questions de délimitation des compétences des agents administratifs en cause, ce qui appelle la norme de la décision correcte.
[18] Cela suffit pour disposer de la question de la norme applicable. Comme le laisse comprendre tout l’arrêt Dunsmuir, et comme le souligne si bien le juge Rothstein dans l’arrêt précité Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, au paragraphe 38, les tribunaux devraient tenter d’éviter, dans la mesure du possible, de débattre longuement de la norme de contrôle et chercher plutôt à aborder sur le fond les questions qui intéressent véritablement les parties et le public canadien.
b) La décision de la Commission concernant sa juridiction
[19] L’appelante a soutenu devant la Commission que cette dernière pouvait mener une enquête et prendre des mesures correctives en vertu de l’article 69 de la Loi que s’il y avait eu une nomination obtenue par la fraude. Elle appuyait ses prétentions notamment sur le fait que les faits allégués ne constituaient pas de la fraude. Elle soutenait aussi que la Commission ne pouvait agir sous cet article que dans la mesure où elle cherchait à révoquer ou éviter une nomination. Puisque les gestes reprochés à l’appelante ne constituaient pas une fraude, puisque la candidature de l’appelante n’avait pas été retenue lors du processus de nomination en cause, et puisqu’ainsi aucune nomination n’aurait pu être révoquée ou ne pas être faite, la Commission n’était pas compétente pour mener une enquête et pour prendre des mesures correctives.
[20] L’enquêteur de la Commission n’a pas fait d’analyse textuelle ou contextuelle de l’article 69. L’enquêteur a néanmoins rejeté l’objection de l’appelante à la compétence de la Commission pour les motifs suivants énoncés aux paragraphes 44 à 46 de son rapport d’enquête :
[traduction]
Le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary définit le mot « fraud » (« fraude ») comme suit :
L’acte ou le fait de tromper quelqu’un afin d’obtenir illégalement un avantage, notamment pécuniaire. Une personne ou chose qui n’est pas ce qu’on prétend ou ce qu’on attend. Une tromperie ou un stratagème malhonnête.
[…]
Selon cette définition, la fraude comprend un élément délibéré; la personne commettant un geste de fraude le fait dans l’espoir d’obtenir quelque chose. L’intention de commettre une fraude peut aussi s’inférer des circonstances. Afin de conclure qu’il y a eu fraude pendant le processus de nomination, la preuve doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que Rose M’Kounga a donné de fausses recommandations pour Marième Seck.
[…] L’objet de l’article 69 de la Loi est d’établir si une fraude a eu lieu au cours d’un processus de nomination, que la personne qui aurait fait l’acte frauduleux ait été nommée au poste ou non. Souvent, on découvre la fraude avant la fin du processus de nomination et la personne n’est jamais nommée. Cela ne signifie pas que l’allégation de fraude ne peut pas et ne doit pas faire l’objet d’une enquête.
c) La méthode moderne d’interprétation
[21] L’article 69 doit être interprété d’une manière textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. La méthode moderne d’interprétation des lois a été décrite en ces termes par la juge en chef McLachlin et le juge Major dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10 :
Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.
[22] C’est donc dire que, selon la méthode contextuelle moderne d’interprétation des lois, le sens grammatical et ordinaire d’une disposition n’en détermine pas nécessairement la portée. Il faut tenir compte non seulement du sens ordinaire et naturel des mots, mais aussi du contexte dans lequel ceux-ci sont employés et de l’objet de la disposition considérée dans le cadre législatif plus large dans lequel elle s’inscrit : Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 27. L’élément le plus important de cette analyse demeure la détermination de l’intention du législateur : R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, au paragraphe 26.
d) Le contexte législatif
[23] La Loi fait partie d’une loi‑cadre, soit L.C. 2003, ch. 22, qui effectue une réorganisation importante visant à moderniser le régime de l’emploi et des relations de travail dans la fonction publique fédérale. La loi‑cadre a édicté une nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, qui institue un régime de relations de travail fondé sur une collaboration et une consultation accrues entre l’employeur et les agents négociateurs. Elle a aussi modifié la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11, afin de confier directement aux administrateurs généraux certaines responsabilités en matière de gestion des ressources humaines, sous réserve des lignes directrices et des directives du Conseil du Trésor. Elle a modifié la structure du Centre canadien de gestion afin d’en faire l’École de la fonction publique du Canada, responsable des activités d’apprentissage et de perfectionnement des fonctionnaires. Enfin, elle a remplacé l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑33, par une nouvelle loi ayant le même titre — la Loi en cause dans le présent appel — qui vise à moderniser le régime de dotation dans la fonction publique.
[24] Le préambule de la Loi décrit les valeurs fondamentales de la fonction publique fédérale. À cet égard, le préambule énonce que la fonction publique doit être non partisane et axée sur le mérite et que ces deux valeurs fondamentales doivent être protégées de façon indépendante. La fonction publique doit aussi être vouée à l’excellence, représentative de la diversité canadienne et capable de servir la population avec intégrité et dans la langue officielle de son choix. Le préambule énonce aussi le principe que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens.
[25] La partie 1 de la Loi maintient la Commission de la fonction publique, mais donne à celle‑ci une mission très différente de celle qu’elle avait avant l’adoption de la loi‑cadre. La Commission a toujours pour mission de faire les nominations à la fonction publique, mais la Loi prévoit maintenant clairement que ce pouvoir sera délégué aux administrateurs généraux, qui peuvent à leur tour le déléguer aux gestionnaires de leurs administrations respectives. La Commission peut aussi effectuer des enquêtes et des vérifications conformément à la Loi, mais sa compétence à l’égard de la plupart des plaintes liées à la dotation est largement déplacée au profit des gestionnaires et d’un nouveau tribunal administratif, le Tribunal de la dotation de la fonction publique.
[26] La partie 2 de la Loi régit les nominations à la fonction publique. Celles‑ci doivent être « fondées sur le mérite » (paragraphe 30(1)). Pour être fondée sur le mérite, une nomination doit viser une personne qui « possède les qualifications essentielles […] établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir » (alinéa 30(2)a)). Les gestionnaires ont de larges pouvoirs de nomination, et ils peuvent à ces fins utiliser des processus annoncés ou non annoncés (article 33), définir des zones de sélection (article 34), et avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment la prise en compte des réalisations et du rendement antérieur — pour décider si une personne possède les qualifications requises (article 36).
[27] La partie 3 de la Loi énonce les pouvoirs et les obligations liés à la mutation des fonctionnaires au sein de l’administration publique. La partie 4 précise les modalités d’emploi dans la fonction publique, notamment l’obligation de prêter serment de remplir fidèlement et honnêtement ses fonctions, la date de prise d’effet d’une nomination, la durée des fonctions, les périodes probatoires, le taux de rémunération lors de la nomination, et les règles relatives à la mise en disponibilité d’un fonctionnaire.
[28] La partie 5 de la Loi concerne les enquêtes et les plaintes relatives aux nominations. On y décrit les responsabilités et la compétence de la Commission en matière d’enquête ainsi que celles du nouveau Tribunal de la dotation de la fonction publique.
[29] La compétence de la Commission pour mener une enquête et prendre des mesures correctives se limite pour l’essentiel aux processus de nomination externe (article 66). Les enquêtes et les mesures correctives à l’égard d’un processus de nomination interne relèvent des administrateurs généraux (paragraphe 15(3)). La Commission ne peut donc enquêter sur un processus de nomination interne que si l’administrateur général qui en est responsable le lui demande ou dans les rares cas où le pouvoir de nomination n’a pas été délégué à un administrateur général (article 67), dans les cas où elle a des raisons de croire que la nomination ou proposition de nomination résulte de l’exercice d’une influence politique (article 68), ou lorsqu’elle a des motifs de croire qu’il pourrait y avoir eu fraude dans le processus de nomination (article 69).
[30] La plupart des plaintes relatives à un processus de nomination interne sont dorénavant traitées par le nouveau Tribunal de la dotation de la fonction publique visé par la partie 6 de la Loi. Ce Tribunal instruit en effet les plaintes des fonctionnaires concernant une révocation de nomination (article 74), ou un refus de nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne (article 77), sauf s’il y a allégation de fraude ou d’influence politique (paragraphe 77(3)).
[31] La partie 7 de la Loi régit les activités politiques des fonctionnaires et les pouvoirs de la Commission de prendre des mesures et de mener des enquêtes à ces égards. Enfin, la partie 8 de la Loi comprend des dispositions générales, dont l’article 133, qui crée la seule infraction pénale en vertu de la Loi, soit celle de commettre une fraude dans le cadre d’une procédure de nomination.
[32] Le pouvoir d’enquête de la Commission en vertu de l’article 69 de la Loi fait donc partie d’une vaste réforme cherchant à moderniser le système de dotation de la fonction publique, notamment en déléguant la plupart des décisions de dotation à l’échelon le plus bas possible. Cette réforme cherche par contre à maintenir et à protéger les valeurs fondamentales de la fonction publique, notamment celles voulant que les nominations à la fonction publique soient non partisanes et axées sur le mérite. L’article 69 doit donc être compris et interprété dans ce contexte.
[33] Eu égard au contexte législatif en cause, il y a trois aspects de l’article 69 qui doivent être examinés dans le présent appel : 1) le concept de la « fraude » énoncé à l’article 69, et la façon dont il se distingue de la « conduite irrégulière » énoncée au paragraphe 15(3) de la Loi, à l’égard de laquelle les administrateurs généraux ont le droit de mener des enquêtes et de prendre des mesures correctives dans le cas d’un processus de nomination interne; 2) la question de savoir si une nomination doit être en cause pour pouvoir mener une enquête et prendre des mesures correctives en vertu de l’article 69; 3) le concept des « mesures correctives » et la façon dont ces mesures se distinguent des mesures « disciplinaires » relevant des gestionnaires et des mesures « pénales » relevant des tribunaux de droit commun.
e) Le concept de la fraude énoncé à l’article 69 de la Loi
[34] Comme je l’ai signalé plus haut, la nouvelle Loi a largement modifié la mission de la Commission; de façon générale, les pouvoirs de dotation antérieurement dévolus à la Commission sont maintenant exercés en grande partie par les gestionnaires de l’administration publique. Ainsi, sauf exceptions, les enquêtes et les mesures correctives à l’égard d’un processus de nomination interne ne relèvent pas de la Commission. À cet égard, les paragraphes 15(3), (4) et (5) de la Loi énoncent ce qui suit :
15. […] |
|
(3) Dans les cas où la Commission autorise un administrateur général à exercer le pouvoir de faire des nominations dans le cadre d’un processus de nomination interne, l’autorisation doit comprendre le pouvoir de révoquer ces nominations — et de prendre des mesures correctives à leur égard — dans les cas où, après avoir mené une enquête, il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée. |
Révocation |
(4) Le paragraphe (3) n’oblige pas la Commission à inclure dans l’autorisation le pouvoir de révoquer ou de prendre des mesures correctives dans les cas prévus aux articles 68 [nomination fondée sur des motifs d’ordre politique] et 69 [fraude]. |
Exception |
(5) La Commission ne peut exercer le pouvoir de révocation ni celui de prendre des mesures correctives à l’égard d’une nomination visée au paragraphe (3), sauf dans les cas prévus aux articles 68 et 69. |
Compétence de la Commission |
[35] Ainsi, la distinction entre la compétence de la Commission et celle des administrateurs généraux au regard des enquêtes et des mesures correctives à la suite d’un processus de nomination interne dépend de la question de savoir s’il y a eu une « conduite irrégulière » visée au paragraphe 15(3) de la Loi ou une « fraude » visée à l’article 69 de celle‑ci. La Commission n’est pas compétente dans le cas de « conduite irrégulière » dans le cadre d’un processus de nomination interne, alors qu’elle a compétence d’enquête exclusive dans le cas de « fraude ».
[36] La distinction est importante, car si la révocation d’une nomination est fondée sur une conduite irrégulière, le fonctionnaire touché peut présenter une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique, qui décidera si la révocation était raisonnable (paragraphes 15(3) et 67(2) et article 74). Un tel recours n’est pas possible en cas de fraude (paragraphe 77(3)). En cas de fraude, la décision de la Commission en vertu de l’article 69 est définitive, sous réserve d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, articles 18 et 18.1.
[37] La Loi ne définit ni la « fraude », ni la « conduite irrégulière ». Puisque la « fraude » est une forme de « conduite irrégulière », il suffit, dans le présent appel, de cerner le concept de fraude pour délimiter la compétence de la Commission.
[38] Je note que la seule infraction pénale créée par la Loi est la « fraude dans le cadre d’une procédure de nomination » (article 133). La distinction entre les articles 69 et 133 de la Loi est donc le fardeau de la preuve applicable afin d’établir la fraude plutôt que la définition même de la fraude. Lorsque la Commission mène une enquête en vertu de l’article 69, la norme de la preuve qui s’applique est celle de la prépondérance des probabilités (voir F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, aux paragraphes 40 et 49), tandis qu’un tribunal de droit commun qui instruit une accusation en vertu de l’article 133 applique la norme plus stricte de la preuve « hors de tout doute raisonnable » propre au droit pénal.
[39] Il y a lieu, à mon avis, d’utiliser pour l’article 69 de la Loi la définition de la « fraude » établie par le juge Cory dans l’arrêt R. c. Cuerrier, [1998] 2 R.C.S. 371 (Cuerrier), aux paragraphes 110 à 116. Ainsi, la fraude comporte deux éléments essentiels : 1) la malhonnêteté, qui peut comprendre la non‑divulgation de faits importants; 2) la privation ou le risque de privation.
[40] La malhonnêteté est établie lorsqu’on a sciemment employé la supercherie, le mensonge ou un autre moyen dolosif dans le cadre d’une procédure de nomination, ce qui peut également comprendre la non‑divulgation ou la dissimulation de faits importants dans des circonstances où elle serait considérée comme malhonnête par une personne raisonnable.
[41] Comme le souligne le juge Cory aux paragraphes 113 et 114 de l’arrêt Cuerrier — il s’appuie à cet égard sur les arrêts R. c. Olan et autres, [1978] 2 R.C.S. 1175, à la page 1182, et R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 5, aux pages 25 et 26 — la victime de la fraude n’est pas tenue de prouver que les actes frauduleux lui ont réellement causé un préjudice ou une perte. Dans le cas de l’article 69 de la Loi, il suffit donc d’établir, pour satisfaire au second élément, que le processus de nomination aurait pu être compromis.
[42] Si on applique ces principes à l’espèce, on conclura qu’il y a eu fraude au sens de l’article 69 de la Loi si la preuve établit selon la prépondérance des probabilités que l’appelante a sciemment fourni de fausses recommandations dans le but de tromper les responsables du processus de nomination afin d’accroître ses chances d’être nommée. Le fait de fournir de fausses recommandations met en péril le processus de nomination; même si l’auteur de la fraude n’obtient pas la nomination, les éléments constitutifs de la fraude sont néanmoins établis.
f) Une nomination doit-elle être en cause afin de mener une enquête et prendre des mesures correctives en vertu de l’article 69?
[43] Comme je viens de le conclure, pour qu’il y ait fraude au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire qu’une nomination découle des actes frauduleux. Cependant, l’appelante affirme que le texte même de l’article 69 comprend cette exigence puisque, selon elle, les alinéas a) et b) de cet article sont conjonctifs, c’est‑à‑dire que les mesures correctives prévues à l’alinéa b) ne peuvent être prises que si la Commission révoque une nomination ou ne fait pas de nomination en vertu de l’alinéa a). L’appelante invoque à l’appui de sa thèse le terme conjonctif « and » (« et ») qui apparaît entre les alinéas a) et b) dans la version anglaise de l’article.
[44] Dans la plupart des cas visés par la Loi, il doit y avoir une nomination réelle ou proposée en cause pour qu’on puisse prendre des mesures correctives. Ainsi, c’est seulement si la Commission ou l’administrateur général « est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée » lors d’un processus de nomination interne qu’on peut révoquer la nomination et prendre des mesures correctives (paragraphe 15(3) et article 67). De même, ce n’est que si, dans le cas d’un processus de nomination externe, « la nomination ou la proposition de nomination n’a pas été fondée sur le mérite ou qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée » que la Commission peut intervenir en vertu de l’article 66 de la Loi. Pareillement, ce n’est que « si elle est convaincue que la nomination ou proposition de nomination ne s’est pas faite indépendamment de toute influence politique » que la Commission peut intervenir en vertu de l’article 68 de la Loi.
[45] En vertu de toutes ces dispositions, il doit y avoir une nomination, réelle ou proposée, en cause pour que l’administrateur ou la Commission puisse intervenir. Cependant, cette exigence n’a pas été ajoutée à l’article 69, qui porte sur la fraude. Il s’agit là manifestement d’un choix délibéré du législateur. Ainsi, en vertu de l’article 69, la Commission « peut mener une enquête si elle a des motifs de croire qu’il pourrait y avoir eu fraude dans le processus de nomination ». Contrairement au paragraphe 15(3) et aux articles 66, 67 et 68 de la Loi, l’article 69 n’exige pas qu’il y ait une nomination, réelle ou proposée, en cause pour qu’il y ait une enquête et des mesures correctives. Cet article vise le processus de nomination en soi, et non seulement le résultat qui en découle.
[46] Le législateur cherche donc à assurer la probité du processus de nomination à la fonction publique fédérale. L’absence de fraude lors du processus de nomination est donc une valeur fondamentale que le législateur cherche à défendre par les articles 69 et 133 de la Loi. La Commission peut donc mener une enquête et prendre des mesures correctives lorsqu’il y a fraude dans le processus de nomination, que cette fraude ait mené ou non à une nomination frauduleuse.
[47] Quant au mot « and » à la version anglaise de l’article 69, il doit être interprété comme disjonctif. Le mot anglais « and » peut en effet être conjonctif ou disjonctif suivant le contexte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hyde, 2006 CAF 379, au paragraphe 22; P. St. J. Langan, Maxwell on the Interpretation of Statutes, 12e éd. (Londres, Sweet & Maxwell, 1969), aux pages 232 à 234; R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham (Ont.) : LexisNexis Canada, 2008), aux pages 81 à 84. Puisque l’article 69 vise à protéger contre la fraude le processus de nomination en soi, et non seulement le résultat du processus, le mot anglais « and » inséré entre les alinéas 69a) et b) doit être interprété comme disjonctif.
g) Les mesures correctives de l’article 69
[48] Dans le cas de fraude dans le processus de nomination, la Commission peut : a) « révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination »; b) « prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées ». Il s’agit là de mesures administratives visant à assurer la probité du processus de nomination à la fonction publique fédérale, et non pas à proprement parler de mesures disciplinaires. Cette distinction est importante, tant afin de cerner les limites des mesures que peut prendre la Commission en vertu de l’article en cause qu’afin de préciser le devoir de la Commission d’agir équitablement envers ceux qui font l’objet de l’enquête.
[49] Les employeurs des fonctionnaires sont responsables des mesures disciplinaires envers eux, et celles‑ci sont régies par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La Commission ne peut donc prendre de mesures disciplinaires en vertu de l’article 69 de la Loi. Elle peut tout au plus, comme elle l’a fait dans le cas de l’appelante, remettre à l’employeur l’information pertinente constatée au cours de son enquête. Il appartiendra à celui‑ci, s’il le juge opportun, d’entamer les mesures disciplinaires qui s’imposent. Le rôle et le mandat de la Commission portent sur la probité du processus de nomination à la fonction publique plutôt que sur la discipline des fonctionnaires fautifs.
[50] La révocation d’une nomination par la Commission en vertu de l’article 69 n’est donc pas une mesure disciplinaire, car une telle nomination est nulle ab initio. Il ne s’agit pas là d’un congédiement ou d’un licenciement qui peut faire l’objet d’un grief. Les autres mesures correctives que peut prendre la Commission ne peuvent non plus faire l’objet d’un grief.
[51] Si la Commission ne peut prendre de mesures disciplinaires en vertu de l’article 69, les mesures correctives qu’elle prend en vertu de cet article ne peuvent être contestées par un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le recours approprié est plutôt une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Il n’est donc pas question d’appliquer aux mesures correctives en vertu de l’article 69 les principes juridiques propres au droit du travail, tels les principes de la proportionnalité et de la gradation des sanctions. Ces mesures correctives doivent plutôt être contrôlées en utilisant les principes du droit administratif, c’est‑à‑dire qu’elles doivent relever de la compétence de la Commission et être raisonnables.
[52] De même, les mesures correctives prévues à l’article 69 ne comprennent pas l’imposition de mesures pénales contre les fonctionnaires fautifs. Cette tâche appartient plutôt aux tribunaux de droit commun en vertu de l’article 133 de la Loi. Par contre, rien n’interdit à la Commission de remettre les conclusions de son enquête aux forces policières afin qu’elles puissent décider s’il y a lieu d’effectuer leur propre enquête et, le cas échéant, de déposer une accusation en vertu de l’article 133, en tenant compte de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑5, de l’article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle e 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], et du fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable propre au droit pénal.
[53] Dans ce cas‑ci, la Commission a remis son rapport à l’employeur et à la Gendarmerie royale du Canada, et elle a exigé que l’appelante obtienne, pendant une période de trois ans, sa permission écrite avant d’accepter un poste à la fonction publique fédérale. Ces mesures m’apparaissent tout à fait conformes à la lettre et à l’esprit de l’article 69 de la Loi; elles relèvent de la compétence de la Commission et sont raisonnables à la lumière des circonstances en cause.
[54] Les mesures prises par la Commission n’empêchent pas l’appelante de postuler à d’autres postes à la fonction publique fédérale. Si l’appelante doit obtenir la permission préalable de la Commission, cela a pour but d’assurer la probité du processus de nomination en permettant à la Commission de porter un regard plus attentif à sa candidature éventuelle afin, entre autres, de vérifier qu’il n’y a pas de fraude. La Commission se réserve aussi le droit, pendant trois ans, de ne pas consentir à ce que l’appelante accepte un poste au sein de la fonction publique. Il s’agit là d’une mesure corrective additionnelle qui vise à défendre la probité du processus de nomination à la fonction publique. L’appelante n’a en effet aucun droit à une nouvelle nomination à la fonction publique, et le public canadien est en droit de s’attendre à ce que ceux qui commettent une fraude soient écartés du système de nomination, du moins pour une période raisonnable de temps. Il en va de la crédibilité même du processus de nomination selon le mérite, qui reste toujours une des valeurs fondamentales de la fonction publique fédérale.
Deuxième question : Le caractère équitable de la procédure suivie par la Commission
[55] Comme la juge l’a indiqué, les questions qui portent sur le devoir d’agir équitablement doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43.
[56] L’article 70 de la Loi prévoit que pour les besoins de toute enquête menée en vertu de l’article 69 de la Loi, la Commission dispose des pouvoirs d’un commissaire nommé au titre de la partie II de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I‑11. Cette loi prévoit deux types d’enquêtes. Le premier est décrit à la partie I de la Loi sur les enquêtes et concerne les enquêtes que demande le gouverneur en conseil « sur toute question touchant le bon gouvernement du Canada ou la gestion des affaires publiques » (article 2 de la Loi sur les enquêtes). Le deuxième type d’enquête est décrit à la partie II de cette loi et concerne les enquêtes touchant l’état et l’administration des affaires d’un ministère et la conduite, en ce qui a trait à ses fonctions officielles, de toute personne y travaillant (article 6 de la Loi sur les enquêtes). Comme le signalait le juge Cory dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur le système d’approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440, au paragraphe 36 : « C’est ce deuxième type d’enquête qui, le plus souvent, porte expressément sur la conduite des particuliers. »
[57] Puisque ce deuxième type d’enquête porte expressément sur la conduite de particuliers et qu’il vise, dans le cas de l’article 69 de la Loi, à tirer des conclusions quant à une conduite frauduleuse, le devoir d’équité procédurale qui incombe à l’enquêteur est particulièrement élevé, et ce, même si les conclusions d’une telle enquête mènent à des mesures correctives qui ne peuvent être ni des mesures disciplinaires, ni des mesures pénales.
[58] L’article 72 de la Loi confère d’ailleurs à la personne dont la nomination est en cause le droit de présenter ses observations à la personne chargée de l’enquête. L’article 13 de la Loi sur les enquêtes prévoit en outre un devoir minimal d’équité procédurale envers tous ceux visés par une enquête :
13. La rédaction d’un rapport défavorable ne saurait intervenir sans qu’auparavant la personne incriminée ait été informée par un préavis suffisant de la faute qui lui est imputée et qu’elle ait eu la possibilité de se faire entendre en personne ou par le ministère d’un avocat. |
Préavis |
[59] Il est possible que, dans le cas d’une enquête menée en vertu de l’article 69 de la Loi, le devoir d’équité exige davantage que les exigences minimales énoncées à l’article 13 de la Loi sur les enquêtes et à l’article 72 de la Loi. Il appartiendra aux cours fédérales de préciser ce devoir en temps opportun dans des causes appropriées. Il suffit, dans le présent appel, de constater que la Commission et son enquêteur ont démontré un très haut niveau d’équité procédurale envers l’appelante, et ce, tout au long de l’enquête.
[60] Ainsi, l’appelante fut informée dès le début, par une lettre du 5 juin 2009, que la Commission mènerait une enquête et qu’il y avait des raisons de croire qu’elle avait rédigé en tout ou en partie les recommandations données parMme M’Kounga. Une copie des renseignements qu’avait reçus la Commission à ce sujet fut d’ailleurs remise à l’appelante à cette occasion.
[61] La Commission a aussi informé l’appelante qu’elle avait le droit d’être accompagnée d’une personne de son choix pendant l’enquête, droit dont elle s’est prévalue en retenant les services d’un avocat. Je souligne à cet égard que le dossier ne montre pas que l’appelante ait demandé à être autorisée à contre‑interroger les témoins qui participaient à l’enquête.
[62] L’enquêteur a également remis à l’appelante une copie des courriels compromettants la concernant et elle l’a invitée à faire des commentaires à leur égard. L’appelante a eu l’occasion de présenter sa version des évènements avant que l’enquêteur ne rédige son rapport sur les faits, et elle a rencontré l’enquêteur alors qu’elle était accompagnée de son avocat. L’appelante a reçu une copie du rapport provisoire de l’enquêteur sur les faits le 28 janvier 2010, et elle a eu l’occasion de faire des commentaires à cet égard. L’appelante a également reçu une copie du rapport d’enquête définitif. L’appelante a aussi eu l’occasion de faire des commentaires à l’égard des mesures correctives qui découlaient du rapport.
[63] La juge n’a donc pas fait d’erreur en décidant que la Commission et son enquêteur n’avaient pas contrevenu aux règles de l’équité procédurale pendant l’enquête.
Troisième question : La décision de la Commission était‑elle bien fondée, vu la preuve recueillie lors de l’enquête?
[64] Comme l’a souligné la juge, la norme de contrôle qui s’applique à l’analyse de la preuve par la Commission est celle de la décision raisonnable : Dunsmuir, au paragraphe 53.
[65] Dans ce cas‑ci, la preuve au dossier appuie les conclusions de la Commission. L’appelante etMme M’Kounga n’ont pu dire clairement où elles travaillaient ensemble, et les courriels déposés au dossier montrent que l’appelante et sa mère ont travaillé à la rédaction des commentaires favorables donnés parMme M’Kounga au sujet de l’appelante.
[66] L’appelante invite la Cour à analyser à nouveau ces courriels afin d’en tirer ses propres conclusions sur les faits. Ce n’est pas le rôle d’une cour de révision. Dans ce cas‑ci, le rôle de la juge sur cette question se limitait à déterminer si les conclusions que la Commission a tirées de la preuve appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits constatés au cours de l’enquête. Vu la preuve au dossier et le caractère sensé des conclusions qu’en a tirées la Commission, la juge n’a pas commis d’erreur révisable en décidant que ces conclusions étaient raisonnables.
Autres questions
[67] L’appelante a soulevé pendant l’appel deux nouvelles questions qu’elle n’avait pas soulevées devant la Cour fédérale, soit le fardeau de la preuve applicable et le caractère déraisonnable des mesures correctives imposées par la Commission. L’intimé s’est opposé à ce que la Cour examine ces deux questions.
[68] Les motifs qui précèdent tranchent ces deux questions, que notre Cour en soit saisie ou non. Comme je l’ai déjà signalé, le fardeau de la preuve applicable est celui de la prépondérance des probabilités, et les mesures correctives en cause ne peuvent être assimilées à des mesures disciplinaires auxquelles s’appliquent les principes de la proportionnalité et de la gradation des sanctions propres au droit des relations de travail. Les motifs d’appel supplémentaires soulevés par l’appelante n’auraient donc aucun fondement, que nous en étions saisis ou non.
Dispositif
[69] En conclusion, pour les motifs exposés ci-dessus, je rejetterais l’appel avec dépens.
Le juge Noël, J.C.A. : Je suis d’accord.
Le juge Pelletier, J.C.A. : Je suis d’accord.
ANNEXE
Extraits de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13
[…] qu’il demeure avantageux pour le Canada de pouvoir compter sur une fonction publique non partisane et axée sur le mérite et que ces valeurs doivent être protégées de façon indépendante; qu’il demeure aussi avantageux pour le Canada de pouvoir compter sur une fonction publique vouée à l’excellence, représentative de la diversité canadienne et capable de servir la population avec intégrité et dans la langue officielle de son choix; […] que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens; […] |
Attendu : |
2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. […] |
Définitions |
« processus de nomination externe » Processus de nomination dans lequel peuvent être prises en compte tant les personnes appartenant à la fonction publique que les autres. |
« processus de nomiation externe » “external appointment process” |
« processus de nomination interne » Processus de nomination dans lequel seules peuvent être prises en compte les personnes employées dans la fonction publique. […] |
« processus de nomination interne » “internal appointment process” |
15. (1) La Commission peut, selon les modalités et aux conditions qu’elle fixe, autoriser l’administrateur général à exercer à l’égard de l’administration dont il est responsable toutes attributions que lui confère la présente loi, sauf en ce qui concerne les attributions prévues aux articles 17, 20 et 22, les pouvoirs d’enquête prévus aux articles 66 à 69 et les attributions prévues à la partie 7. […] |
Délégation à un administrateur général |
(3) Dans les cas où la Commission autorise un administrateur général à exercer le pouvoir de faire des nominations dans le cadre d’un processus de nomination interne, l’autorisation doit comprendre le pouvoir de révoquer ces nominations — et de prendre des mesures correctives à leur égard — dans les cas où, après avoir mené une enquête, il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée. |
Révocation |
(4) Le paragraphe (3) n’oblige pas la Commission à inclure dans l’autorisation le pouvoir de révoquer ou de prendre des mesures correctives dans les cas prévus aux articles 68 et 69. |
Exception |
(5) La Commission ne peut exercer le pouvoir de révocation ni celui de prendre des mesures correctives à l’égard d’une nomination visée au paragraphe (3), sauf dans les cas prévus aux articles 68 et 69. […] |
Compétence de la Commission |
30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique. […] |
Principes |
66. La Commission peut mener une enquête sur tout processus de nomination externe; si elle est convaincue que la nomination ou la proposition de nomination n’a pas été fondée sur le mérite ou qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, la Commission peut : a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas; b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées. |
Nominations externes |
67. (1) La Commission peut mener une enquête sur tout processus de nomination interne, sauf dans le cas d’un processus de nomination entrepris par l’administrateur général dans le cadre du paragraphe 15(1); si elle est convaincue qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, la Commission peut : a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas; b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées. |
Nominations internes — absence d’autorisation |
(2) La Commission peut, sur demande de l’administrateur général, mener une enquête sur le processus de nomination interne entrepris par celui‑ci dans le cadre du paragraphe 15(1), et lui présenter un rapport sur ses conclusions; s’il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, l’administrateur général peut : a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas; b) prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées. |
Nominations internes — délégation |
68. La Commission peut mener une enquête si elle a des raisons de croire que la nomination ou proposition de nomination pourrait avoir résulté de l’exercice d’une influence politique; si elle est convaincue que la nomination ou proposition de nomination ne s’est pas faite indépendamment de toute influence politique, elle peut : a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas; b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées. |
Nomination fondée sur des motifs d’ordre politique |
69. La Commission peut mener une enquête si elle a des motifs de croire qu’il pourrait y avoir eu fraude dans le processus de nomination; si elle est convaincue de l’existence de la fraude, elle peut : a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas; b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées. |
Fraude |
70. (1) Pour les besoins de toute enquête qu’elle mène sous le régime de la présente partie, la Commission dispose des pouvoirs d’un commissaire nommé au titre de la partie II de la Loi sur les enquêtes. |
Pouvoirs de la Commission |
(2) Les enquêtes sont menées par la Commission dans la mesure du possible sans formalisme et avec célérité. |
Absence de formalisme |
71. (1) La Commission peut désigner, pour mener tout ou partie d’une enquête visée à la présente partie, un ou plusieurs commissaires ou autres personnes. |
Représentants de la Commission |
(2) Le commissaire désigné au titre du paragraphe (1) dispose, relativement à la question dont il est saisi, des pouvoirs attribués à la Commission par l’article 70. |
Pouvoirs du commissaire |
(3) La personne désignée au titre du paragraphe (1) qui n’est pas commissaire dispose, relativement à la question dont elle est saisie, des pouvoirs attribués à la Commission par l’article 70, dans les limites que celle‑ci fixe. |
Pouvoirs d’une personne autre qu’un commissaire |
72. La personne dont la nomination ou la proposition de nomination est en cause dans le cadre d’une enquête visée à la présente partie et l’administrateur général concerné, ou leurs représentants, ont le droit de présenter leurs observations à la Commission ou, si une personne a été chargée de l’enquête, à celle‑ci. […] |
Droit de présenter des observations |
74. La personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu des paragraphes 15(3) ou 67(2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle la révocation n’était pas raisonnable. […] |
Plaintes au Tribunal |
77. […] |
|
(3) Le Tribunal ne peut entendre les allégations portant qu’il y a eu fraude dans le processus de nomination ou que la nomination ou la proposition de nomination a résulté de l’exercice d’une influence politique. […] |
Exclusion |
133. Quiconque commet une fraude dans le cadre d’une procédure de nomination est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. |
Fraude |