[2001] 3 C.F. 641
2001 CAF 220
A-555-00
Commissaire des Territoires du Nord-Ouest, Président de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest (appelants)
c.
Sa Majesté la Reine, Fédération Franco-ténoise, Éditions Franco-Ténoises/L’Aquilon, Fernand Denault, Suzanne Houde, Nadia Laquerre, André Légaré et Pierre Ranger (intimés)
et
Commissaire aux langues officielles du Canada (intervenante)
A-558-00
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
Fédération Franco-ténoise, Éditions Franco-Ténoises/L’Aquilon, Fernand Denault, Suzanne Houde, Nadia Laquerre, André Légaré, Pierre Ranger, Commissaire des Territoires du Nord-Ouest, Président de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest (intimés)
et
Commissaire aux langues officielles du Canada (intervenante)
Répertorié : Fédération Franco-ténoise c. Canada (C.A.)
Cour d’appel, juge en chef Richard et juges Décary et Létourneau, J.C.A.—Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest, 2 et 3 mai; Ottawa, 4 juillet 2001.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première instance — Action visant à obtenir des déclarations concernant les droits linguistiques de la minorité dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) — Appel formé contre le rejet par la Section de première instance de la Cour fédérale d’une requête visant à radier une action intentée contre le Commissaire des T.N.-O., l’Assemblée législative et le gouvernement des T.N.-O. pour cause d’absence de compétence à l’égard des défendeurs — L’art. 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que la Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans tous les cas de demande de réparation contre la Couronne — La « Couronne » vise la Couronne fédérale, ce qui désigne le pouvoir exécutif, et non pas le pouvoir législatif ou judiciaire — Le Président de l’Assemblée législative des T.N.-O. ne saurait être la « Couronne » aux fins de l’art. 17(1) — L’Assemblée législative des T.N.-O. est une créature législative et non pas une institution constitutionnelle comme le Parlement du Canada — Le Commissaire aux langues n’est pas non plus la Couronne — Il est nommé par le Commissaire des T.N.-O. — Il n’est pas le pouvoir exécutif — Le Commissaire des T.N.-O. n’est pas la Couronne — L’art. 17(2)b) accorde à la Cour une compétence concurrente en première instance lorsque la demande résulte d’un contrat conclu par ou pour la Couronne dans les cas où la Couronne est défenderesse selon l’art. 17(1) — Même si la Cour a compétence pour la partie de l’action qui se fonde sur l’accord en vertu duquel le gouvernement fédéral a convenu de financer le coût de la prestation de services en français par le gouvernement des T.N.-O., la Cour n’a pas pour autant compétence à l’égard des autres défendeurs — Les requêtes en rejet pour cause d’absence de compétence ont été accueillies.
Pratique — Suspension d’instance — Action en vue d’obtenir une déclaration concernant les droits linguistiques de la minorité dans les Territoires du Nord-Ouest — Appel formé contre le rejet par la Section de première instance de la Cour fédérale d’une requête visant à suspendre l’instance contre la Reine pour le motif qu’il serait plus approprié de saisir le seul tribunal ayant compétence pour trancher tout le litige — L’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale permet à la Cour de suspendre les procédures dans toute affaire au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal ou lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige — Même si aucune procédure n’a encore été instituée devant la Cour suprême des Territoires, cette cour aurait compétence relativement à tous les défendeurs et relativement à tous les remèdes recherchés — Comme la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard des défendeurs territoriaux, soit le Président de l’Assemblée législative, la Commissaire aux langues et le Commissaire des Territoires du Nord-Ouest, la demande de suspension d’instance aurait dû être accueillie — L’art. 50.1(1) sert de fondement à la suspension des procédures si la déclaration était amendée pour demander réparation seulement contre la Couronne.
Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — Statut des Territoires du Nord-Ouest — 1) Sur le plan constitutionnel, les Territoires n’ont pas le même statut que les provinces — Ils sont une créature fédérale, soumise en principe au bon vouloir du gouvernement du Canada — 2) Sur le plan législatif, ils ont la plénitude des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, s’arrêtant juste en deçà des pouvoirs associés à un gouvernement responsable souverain — Le Parlement a réservé au gouverneur en conseil le contrôle de l’exercice par le gouvernement des Territoires de son pouvoir législatif — Il a rappelé dans sa législation que les lois fédérales s’appliquaient aux institutions des Territoires à moins de dispositions contraires — 3) Sur le plan politique, le gouvernement du Canada traite avec les Territoires comme s’il traitait avec les provinces, mais cela ne change pas la réalité selon laquelle il n’existe pas, en droit, de Couronne « territoriale ».
Il s’agissait d’appels formés contre une décision par laquelle la Section de première instance a rejeté une requête en vue de la radiation de la déclaration et une requête en vue de la suspension de l’instance.
Les représentants de la communauté francophone des Territoires du Nord-Ouest (les Franco-ténois) se sont adressés à la Cour fédérale en vue d’obtenir des déclarations concernant leurs droits linguistiques, selon lesquelles notamment le gouvernement canadien ne respecterait pas ses responsabilités en vertu des articles 16 et 20 de la Charte et du principe fondamental sous-jacent de la Constitution de protection et de respect des droits des minorités, en déléguant une grande partie de sa compétence législative au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) sans exiger que son délégué respecte lui-même les droits linguistiques des citoyens canadiens résidant aux T.N.-O. Ils voulaient également obtenir une déclaration selon laquelle le Commissaire des T.N.-O., l’Assemblée législative et le gouvernement des T.N.-O. (les défendeurs territoriaux) sont assujettis aux articles 16 et 20 de la Charte et doivent respecter la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. Les défendeurs territoriaux demandaient par requête le rejet de la déclaration pour cause d’absence de compétence de la Cour fédérale à l’égard de chacun d’eux. Sa Majesté demandait par conséquent la suspension de l’instance, pour le motif que la Cour fédérale n’avait pas compétence sur tous les défendeurs et qu’il serait plus approprié de saisir le seul tribunal ayant compétence pour trancher tout le litige, soit la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest. Les deux requêtes ont été rejetées par le juge Rouleau, dont la décision est publiée à [2001] 1 C.F. 241
Les Franco-ténois s’appuyaient sur le paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale, qui prévoit que la Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne. Le paragraphe 17(2) énumère des cas précis où la Section de première instance a compétence concurrente en première instance, c’est-à-dire lorsque la demande résulte d’un contrat conclu par ou pour la Couronne, et le paragraphe 17(5) prévoit que la Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées au civil par la Couronne ou le procureur général.
Il s’agissait : 1) dans le dossier A-555-00, de savoir si la Cour fédérale a compétence à l’endroit des défendeurs territoriaux et 2), dans le dossier A-558-00, de savoir si l’action instituée contre Sa Majesté la Reine devrait être suspendue de manière à ce que l’action puisse se déplacer devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest.
Arrêt : les appels doivent être accueillis.
Sur le plan constitutionnel, les Territoires n’ont pas le même statut que les provinces. Ils sont une créature fédérale, soumise en principe au bon vouloir du gouvernement du Canada. Bien que des arrangements législatifs et politiques puissent avoir les apparences de conventions entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des Territoires, ces arrangements ne sauraient transformer les Territoires en province. Il n’est pas possible qu’un statut de province soit reconnu aux Territoires sans que soit modifiée la Constitution canadienne.
Sur le plan législatif, le Parlement du Canada a investi les Territoires des attributs d’un véritable gouvernement responsable et a confié à ce dernier la plénitude des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire que la Constitution du pays permettait au Parlement de déléguer, s’arrêtant juste en deçà de la plénitude des pouvoirs associée à un gouvernement responsable souverain, plénitude limitée par la Constitution au gouvernement du Canada et aux gouvernements provinciaux. Le Parlement a toutefois réservé au gouverneur en conseil le contrôle ultime de l’exercice par le gouvernement des Territoires de son pouvoir législatif et s’est fait fort de rappeler dans sa législation que les lois fédérales s’appliquaient aux institutions des Territoires à moins de dispositions contraires. Les Territoires n’ont pas le statut d’agent ou de mandataire du gouvernement fédéral. L’Assemblée législative des Territoires exerce un pouvoir législatif au même titre que le Parlement fédéral exerce les siens et elle agit pour elle-même et en son propre nom.
Sur le plan politique, le gouvernement du Canada traite avec les Territoires comme s’il traitait avec les provinces, jusqu’au maximum permis par la Constitution. Mais, quelles que soient les apparences politiques, il n’existe, en droit, ni Couronne « territoriale », ni province « territoriale », ni Sa Majesté la Reine « du chef des Territoires ».
1) En 1984, le gouvernement du Canada a signé avec le gouvernement des T.N.-O. un accord prévoyant que, en contrepartie de l’engagement du gouvernement des Territoires de faire adopter par le Commissaire en conseil une ordonnance sur les langues officielles garantissant la prestation de services en français par le gouvernement des Territoires, le gouvernement fédéral s’engagerait à financer les coûts associés à cette prestation. Le Commissaire des Territoires, avec le consentement de l’Assemblée législative, a ensuite édicté l’Ordinance sur les langues officielles des T.N.-O. En 1988, le Parlement a adopté la Loi sur les langues officielles qui modifiait la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de sorte que l’ordonnance des Territoires concernant les langues officielles ne pouvait être modifiée que si le Parlement donnait son agrément à cet effet. La Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral ne s’appliquait pas aux institutions des territoires du Nord-Ouest. L’Ordinance sur les langues officielles des Territoires a été modifiée afin de prévoir l’établissement du poste de Commissaire aux langues, qui est nommé par le Commissaire des Territoires.
La première exigence pour asseoir la compétence de la Cour fédérale est l’attribution d’une compétence à cette Cour par une loi du Parlement. Comme il a été mentionné précédemment, les Franco-ténois se sont appuyés sur l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale. La Couronne que vise le paragraphe 17(1) est la Couronne fédérale, ce qui désigne le pouvoir exécutif, lequel est en pratique exercé par le premier ministre et son cabinet. L’expression ne vise ni le pouvoir législatif ni le pouvoir judiciaire. Ainsi, ni le Président de l’Assemblée législative des Territoires ni la Commissaire aux langues des Territoires ne sauraient être la « Couronne » aux fins du paragraphe 17(1). Au mieux, la Commissaire aux langues est un « office », mais le recours ne se fondait ni ne pourrait se fonder sur l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale puisque la définition même d’« office fédéral » à l’article 2 exclut un office constitué en vertu d’une ordonnance des Territoires. Si la Commissaire aux langues des Territoires était un « office fédéral », elle ne saurait être à la fois un « office fédéral » et « la Couronne » et ne pourrait donc être défenderesse dans une action instituée en vertu de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale. De plus, un jugement déclaratoire, selon les termes du paragraphe 18(3), ne peut être obtenu à l’encontre d’un office fédéral que par une demande de contrôle judiciaire, mais la procédure en cause ici était une action. Le juge de la Section de première instance a donc erré lorsqu’il a conclu que le paragraphe 17(1) attribuait une compétence à la Cour fédérale relativement à la demande de réparation faite contre le Président de l’Assemblée législative et contre la Commissaire aux langues.
Si le Commissaire des T.N.-O. était un « office fédéral », puisqu’il exerce « une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale » (la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest), il n’est pas la Couronne. La Cour fédérale aurait peut-être compétence s’il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18, mais il s’agit d’une demande de réparation contre la Couronne en vertu de l’article 17. S’il est assimilable à un chef de gouvernement, la comparaison se ferait avec un lieutenant-gouverneur, or la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard d’un lieutenant-gouverneur. Il n’est pas un employé de la Couronne fédérale selon la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest ainsi que la jurisprudence qui veut qu’en exerçant des pouvoirs délégués de gouvernement responsable, le Commissaire des Territoires jouit d’une pleine autonomie. Prétendre qu’il serait la Couronne le placerait dans l’étrange situation d’être passible d’une action en dommages en Cour fédérale pour les délits civils qu’il commettrait personnellement, mais pour les délits civils commis par un préposé, ce que prévoit pourtant l’alinéa 3a) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif puisque l’article 2 exclut de la définition de « préposés » les personnes nommées ou engagées sous le régime d’une ordonnance des Territoires du Nord-Ouest. Comme la demande en l’espèce contre la Couronne que vise le paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale est l’action en dommages-intérêts fondée sur la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif et comme la responsabilité du maître est généralement associée à celle de ses préposés, la Cour fédérale aurait compétence à l’égard d’un délit commis par le Commissaire à condition qu’aucun de ses préposés ne soit impliqué. C’est là un résultat impraticable que le Parlement ne peut avoir souhaité. Le même raisonnement vaut à l’égard de l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale, qui confère compétence à la Cour « dans les actions en réparation intentées […] contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits—actes ou omissions—survenus dans le cadre de ses fonctions ». Cet alinéa, par ses termes mêmes, renvoie à la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, laquelle ne s’applique pas aux employés des Territoires. Quel que soit l’angle sous lequel le statut du Commissaire des Territoires est envisagé, l’article 17 n’a aucun sens si le Commissaire est la Couronne.
Il y a une symétrie certaine dans une interprétation qui mène à la conclusion que le gouvernement des Territoires n’est pas davantage visé à l’article 17 que ne le sont ses institutions à l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. Aux fins de l’application de l’article 18, il a été jugé que les ministres et institutions des Territoires ne sont pas des « offices fédéraux » à l’égard desquels la Cour fédérale peut exercer un pouvoir de contrôle. Cette interprétation concilie aussi le mandat donné à la Cour fédérale de veiller à la légalité des actes posés par l’administration centrale et le statut de gouvernement responsable chargé de l’administration locale des Territoires qui est dorénavant reconnu au gouvernement des Territoires. Ce serait aller contre l’histoire politique et législative que de faire de la Cour fédérale, dans les Territoires, une sorte d’instrument de tutelle judiciaire fédérale à l’égard des activités de nature locale alors que les tutelles exécutive et législative fédérales sont à toutes fins utiles disparues.
De plus, il existe dans les Territoires une cour supérieure capable d’assurer la légalité des actes posés par le gouvernement des Territoires. En matière de droits linguistiques, la Loi sur les langues officielles des Territoires, une ordonnance non désavouée par le gouverneur en conseil, a établi l’office du Commissaire des langues officielles et permis expressément à ce dernier de s’adresser à la Cour suprême des Territoires pour faire respecter les droits linguistiques dans les Territoires. Il existe ainsi, pour les Territoires, l’équivalent de ce qui existe au niveau fédéral. Il y a une symétrie dans l’administration de la justice qui paraît voulue par le Parlement et par l’Assemblée législative des Territoires.
Les Franco-ténois s’appuient sur l’accord relatif aux droits linguistiques conclu entre le Gouvernement des Territoires et le Gouvernement du Canada. L’alinéa 17(2)b) de la Loi sur la Cour fédérale vise les cas où, selon le paragraphe 17(1), la Couronne est défenderesse. Si le paragraphe 17(2) confère compétence à la Cour fédérale relativement à cette partie de l’action qui se fonde sur l’accord et qui désigne Sa Majesté du chef du Canada comme partie défenderesse, la Cour n’a pas pour autant compétence à l’égard des autres défendeurs, lesquels ne sont pas la Couronne pour les fins du paragraphe 17(1).
La Cour fédérale n’avait pas non plus compétence à l’égard de l’action prise contre le Commissaire des Territoires. La requête en rejet des procédures pour défaut de compétence présentée par le Commissaire des Territoires, par le Président de l’Assemblée législative des Territoires et par la Commissaire aux langues des Territoires aurait dû être accueillie.
2) L’article 50 de la Loi sur la Cour fédérale permet à la Cour de suspendre les procédures dans toute affaire au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal ou lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige. La Cour peut suspendre une instance quand bien même aucune autre instance ne serait pendante devant un autre tribunal. Même si aucune procédure n’a encore été instituée devant la Cour suprême des Territoires, il existe dans les Territoires une cour supérieure qui aurait compétence relativement à tous les défendeurs et relativement à tous les remèdes recherchés. Comme la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard de l’action intentée contre chacun des trois défendeurs territoriaux, la demande de suspension d’instance devrait être accueillie.
Le paragraphe 50.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale exige que la Cour ordonne la suspension des procédures sur requête du procureur général du Canada lorsque la Couronne entend présenter une demande reconventionnelle ou procéder à une mise en cause pour lesquelles la Cour n’a pas compétence. Si la déclaration des Franco-ténois était amendée pour demander réparation seulement contre Sa Majesté, et que le procureur général du Canada en fasse la demande, la Cour devrait ordonner la suspension de l’instance.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 16, 20, 30, 31, 32.
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 123(1) (mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 89), 167(1) (mod., idem, item 90).
Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2.
Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 63 (mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 69), 66(1) (mod., idem, art. 70).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 101.
Loi constitutionnelle de 1871, 34 & 35 Vict., ch. 28 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 5) [L.R.C. (1985), appendice II, no 11], art. 4.
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 42(1), 44, 55.
Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 35 « loi provinciale » (mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 82), « lieutenant-gouverneur » (mod. idem), « lieutenant-gouverneur en conseil » (mod., idem), « province » (mod., idem).
Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 3.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2(1) « Couronne », « office fédéral » (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1), 17 (mod., idem, art. 3), 18 (mod., idem, art. 4), 50, 50.1 (édicté idem, art. 16).
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 2.
Loi sur la protection civile, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 6, art. 2.
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 3.
Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), art. 2 « préposés » (mod. par L.C. 1998, ch. 15, art. 21), 3a).
Loi sur le ministère de la Justice, L.R.T.N.-O. 1988, ch. 97 (Suppl.), art. 5(c).
Loi sur le multiculturalisme canadien, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 24, art. 2 « institution fédérale » (mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 16).
Loi sur le Nunavut, L.C. 1993, ch. 28.
Loi sur le statut de l’artiste, L.C. 1992, ch. 33, art. 6.
Loi sur les Archives nationales du Canada Act, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 1, art. 2.
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 3(1) « institutions fédérales » (mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 116), 7(3) (mod., idem, art. 117), 98.
Loi sur les langues officielles, L.R.T.N.-O. 1988, ch. O-1, art. 12 (mod. par L.R.T.N.-O. 1988, ch. 56 (Suppl.), art. 10), 13 (mod., idem, art. 11, 21), 18 (mod., idem, art. 15), 19 (mod., idem), 26 (mod., idem, art. 17, 18).
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 2.
Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, L.R.C. (1985), ch. N-27, art. 43.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 98), 43.2 (édicté, idem).
Ordinance sur les langues officielles, L.T.N.-O. 1984(2), ch. 2.
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 182.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Territoires du Nord-Ouest c. A.F.P.C. (1999), 183 D.L.R. (4th) 175; 180 F.T.R. 20 (C.F. 1re inst.); Morin v. Northwest Territories (1999), 14 Admin. L.R. (3d) 284; 29 C.P.C. (4th) 362 (C.S. T.N.-O.); ITO— International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; McArthur, Matthew v. The King, [1943] R.C.É. 77; [1943] 3 D.L.R. 225; Fortier Arctic Ltd. and Liquor Control Board of the Northwest Territories, (Re) (1971), 21 D.L.R. (3d) 619; [1971] 5 W.W.R. 63 (C. terr. T.N.-O.); Johnston c. Procureur général du Canada, [1977] 2 C.F. 301 (1977), 72 D.L.R. (3d) 615; 32 C.C.C. (2d) 463 (C.A.); Pfeiffer and Commissioner of the Northwest Territories (Re) (1977), 75 D.L.R. (3d) 407 (C.S. T.N.-O.).
DISTINCTION FAITE D’AVEC :
Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2001 CAF 162; [2001] A.C.F. no 791 (C.A.) (QL).
DÉCISIONS CITÉES :
Royal Bank of Canada v. Scott (1971), 20 D.L.R. (3d) 728; [1971] 4 W.W.R. 491 (C. terr. T.N.-O.); R. v. Lynn Holdings Ltd. (1969), 68 W.W.R. 64 (C. mag. Y.); Conseil canadien des relations du travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729; (1977), 76 D.L.R. (3d) 85; 77 CLLC 14,073; 14 N.R. 72; Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1996] 3 C.F. 182 (1996), 112 F.T.R. 167 (1re inst.); conf. par (1997), 208 N.R. 385 (C.A.F.); permission d’appeler rejetée, C.S.C. 25924, 28 août 1997; Le ministre du Revenu national et la Reine c. Creative Shoes Ltd., [1972] C.F. 993; (1972), 29 D.L.R. (3d) 89; 73 DTC 5127 (C.A.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1972] C.F. 1425.
DOCTRINE
Beaudoin, Gérald-A. Le fédéralisme au Canada : les institutions, le partage des pouvoirs. Montréal : Wilson & Lafleur, 2000.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 3rd ed. Scarborough, Ont. : Carswell, 1992.
Hogg, Peter W. and Patrick J. Monahan. Liability of the Crown, 3rd ed. Scarborough, Ont. : Carswell, 2000.
Immarigeon, Henriette. La responsabilité extra-contractuelle de la Couronne au Canada. Montréal : Wilson et Lafleur, 1965.
Morin, Jacques-Yvan et José Woehrling. Les constitutions du Canada et du Québec : du régime français à nos jours. T. 1, Montréal : Éditions Thémis, 1994.
APPELS formé contre une ordonnance de la Section de première instance rejetant une requête en radiation de la déclaration et une requête en suspension d’instance (Fédération Franco-Ténoise c. Canada, [2001] 1 C.F. 241(1re inst.)). Appels accueillis.
ONT COMPARU :
Roger Tassé, c.r. et Maxime Faille pour les appelants dans le dossier A-555-00 et les intimés dans le dossier A-558-00, le Commissaire des Territoires du Nord-Ouest, le Président de l’Assemblée législative des Territoires du NordOuest et la Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest.
Alain Préfontaine et Cynthia C. Myslicki pour l’intimée dans le dossier A-555-00 et l’appelante dans le dossier A-558-00, Sa Majesté la Reine.
Peter B. Bergbusch et Roger J. F. Lepage pour les intimés dans les dossiers A-555-00 et A-558-00 la Fédération Franco-ténoise, les Éditions Franco-Ténoises/L’Aquilon, Fernand Denault, Suzanne Houde, Nadia Laquerre, André Légaré et Pierre Ranger.
Johane Tremblay pour l’intervenante dans les dossiers A-555-00 et A-558-00.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling Lafleur Henderson LLP, Ottawa, pour les appelants dans le dossier A-555-00 et les intimés dans le dossier A-558-00, le Commissaire des Territoires du Nord-Ouest, le Président de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et la Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée dans le dossier A-555-00 et l’appelante dans le dossier A-558-00, Sa Majesté la Reine.
Balfour Moss, Regina, pour les intimés dans les dossiers A-555-00 et A-558-00 la Fédération Franco-ténoise, les Éditions Franco-Ténoises/ L’Aquilon, Fernand Denault, Suzanne Houde, Nadia Laquerre, André Légaré et Pierre Ranger.
Le Bureau de la Commissaire aux langues officielles pour l’intervenante dans les dossiers A-555-00 et A-558-00.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
[1] Le juge Décary, J.C.A. : Ces deux appels résultent d’une action en déclaration de droits linguistiques assortie d’une réclamation en dommages qui a été instituée en Cour fédérale du Canada par la Fédération Franco-ténoise et des représentants de la communauté francophone des Territoires du Nord-Ouest (les Franco-ténois) contre Sa Majesté la Reine, le Commissaire des Territoires du Nord-Ouest (le Commissaire des Territoires), le Président de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest (le Président de l’Assemblée législative) et le Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest (le ou la Commissaire aux langues). Pour faciliter la lecture, j’utiliserai le mot Territoires pour désigner les Territoires du Nord-Ouest et je regrouperai à l’occasion le Commissaire des Territoires, le Président de l’Assemblée législative et la Commissaire aux langues sous l’expression « les défendeurs territoriaux ».
[2] Les deux appels ont été réunis pour fins d’audition et de motifs de jugement. Dans le dossier A-555-00, il s’agit essentiellement de décider si la Cour fédérale a compétence à l’endroit des défendeurs territoriaux. Dans le dossier A-558-00, il s’agit de décider si l’action validement instituée en Cour fédérale contre Sa Majesté la Reine ne devrait pas être suspendue de manière à ce que l’action puisse se déplacer devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest (la Cour suprême des Territoires).
A. Les procédures
[3] Le 25 janvier 2000, les Franco-ténois s’adressaient à la Cour fédérale du Canada par voie d’action pour obtenir en vertu de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 3)] les réparations suivantes :
Le gouvernement du Canada :
(a) une déclaration que le gouvernement canadien ne respecte pas ses responsabilités en vertu des articles 16 et 20 de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la « Charte ») et du principe fondamental sous-jacent de la Constitution de protection et de respect des droits des minorités, en déléguant une grande partie de sa compétence législative au gouvernement des T.N.-O. sans exiger ou s’assurer que son délégué respecte lui-même les droits linguistiques des citoyens canadiens résidant aux T.N.-O.;
(b) une déclaration qu’en abdiquant ses obligations linguistiques de la manière susmentionnée, le gouvernement canadien renie son engagement à favoriser l’épanouissement de la minorité francophone aux T.N.-O., à appuyer son développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français dans la société canadienne, tel que stipulé à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada;
(c) en raison de l’omission, depuis 1982, de Sa Majesté La Reine et du gouvernement du Canada d’assurer aux demandeurs le plein respect des droits linguistiques constitutionnels aux T.N.-O :
(i) dommages-intérêts généraux;
(ii) dommages-intérêts spéciaux;
(iii) dommages-intérêts punitifs;
[…]
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest :
(f) une déclaration que le Commissaire des T.N.-O., l’Assemblée législative, et le gouvernement des T.N.-O. sont assujettis aux articles 16 et 20 de la Charte et doivent respecter la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. et, sans limitation de la susdite, une déclaration que :
(i) le public a droit de communiquer en français avec le siège ou l’administration centrale de toutes les institutions du gouvernement des T.N.-O. ou pour en recevoir des services, en vertu des articles 16 et 20 de la Charte et l’article 14 de la Loi sur les langues officielles des T.N.-O.;
(ii) l’emploi du français dans les institutions suivantes du gouvernement des T.N.-O. fait l’objet d’une demande importante ou se justifie par la vocation du bureau, en vertu des articles 16 et 20 de la Charte et l’article 14 de la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. :
•€€ La Commissaire aux langues;
•€€ Le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation;
•€€ Le ministère des Finances;
•€€ Le ministère de la Justice;
•€€ Le ministère des Affaires communautaires et municipales;
•€€ Le ministère de la Santé et des Services sociaux;
•€€ Le ministère des Transports;
•€€ Le ministère des Travaux publics;
•€€ Le ministère des Ressources renouvelables, de la Faune et du Développement économique;
•€€ Les Conseils, commissions et agences des T.N.-O., notamment :
- Bureau territorial du crédit;
- Collège Aurora;
- Commission des eaux;
- Commission d’appel de l’assistance sociale;
- Commission des licences d’alcool;
- Commission des accidents du travail;
- Commission des services légaux;
- Commission des normes du travail;
- Commission du transport routier;
- Conseil territorial de révision;
- Conseil du statut de la femme;
- Conseil territorial du développement;
- Institut des sciences;
- Société d’énergie des T.N.-O.;
- Société d’habitation des T.N.-O.;
- Tribunal d’appel de l’évaluation;
- Secrétariat du bureau de gestion des finances;
(iii) ces institutions du gouvernement des T.N.-O. tenues de communiquer avec le public et lui offrir des services en français doivent faire une « offre active » en français, en vertu des articles 16 et 20 de la Charte et l’article 14 de la Loi sur les langues officielles des T.N.-O.;
(g) une déclaration que, dans leur intégralité, la politique et les lignes directrices du gouvernement des T.N.-O. émises comme mesure de mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. vont à l’encontre des articles 8, 10, 11 et 14 de ladite loi et des articles 16 et 20 de la Charte;
(h) une déclaration que l’Assemblée législative des T.N.-O. est assujettie à l’article 18 de la Charte;
(i) une déclaration que, dans la mesure où l’article 11 de la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. n’exige pas que tout acte écrit émanant de la Législature ou du gouvernement des T.N.-O. qui s’adresse au public soit établi en français, il est incompatible avec les articles 16 et 20 de la Charte et est nul et sans effet dans la mesure de cette incompatibilité;
(j) contre le Commissaire des T.N.-O., l’Assemblée législative des T.N.-O. et la Commissaire aux langues, une ordonnance de prendre, dans un délai raisonnable, les mesures nécessaires pour respecter leurs responsabilités en vertu de la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. et les articles 16 et 20 de la Charte, notamment :
(i) dans un délai d’un an, de respecter leurs obligations linguistiques institutionnelles concernant les services au public, notamment en créant et comblant des postes bilingues, au siège ou l’administration centrale de toutes les institutions du gouvernement des T.N.-O., et à chaque bureau où la communication et la prestation de services en français fait l’objet d’une demande importante ou se justifie par la vocation du bureau;
(ii) dorénavant, d’imprimer et de publier en français tous les actes écrits émanant de l’Assemblée législative ou du gouvernement des T.N.-O. qui s’adressent au public et, dans un délai d’un an, d’imprimer et de publier tous les actes écrits produit par lesdites entités depuis 1982; et
(iii) dorénavant, de communiquer en français de façon efficace, notamment en diffusant toutes annonces du gouvernement des T.N.-O. en français par les médias qui desservent les Franco-ténois, notamment le journal l’Aquillon;
(k) contre l’Assemblée législative des T.N.-O. une ordonnance de prendre, dans un délai raisonnable, les mesures nécessaires pour respecter ses responsabilités en vertu de l’article 18 de la Charte, notamment d’imprimer et de publier en français dorénavant toutes les archives, comptes rendus et procès-verbaux de l’Assemblée législative et, dans un délai d’un an, d’imprimer et de publier en français toutes les archives, comptes rendus et procès-verbaux de l’Assemblée législative depuis 1982;
(l) en raison de la violation flagrante et continue, depuis 1982, de leurs obligations linguistiques et des droits du public d’obtenir des services en français et de communiquer en français avec les instances de l’Assemblée et du gouvernement des T.N.-O. :
(i) dommages-intérêts généraux;
(ii) dommages-intérêts spéciaux;
(iii) dommages-intérêts punitifs;
[4] Le 9 mars 2000, Sa Majesté se prévalait des dispositions de la Règle 182 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106] (les Règles) et mettait en cause ses trois co-défendeurs dans l’action principale, soit les défendeurs territoriaux. Par cette mise en cause, Sa Majesté demandait à la Cour, dans l’éventualité où la demande de réparation visant Sa Majesté était accordée sur la base d’un manquement imputable à l’un desdits co-défendeurs, d’ordonner que le ou lesdits co-défendeurs indemnisent Sa Majesté.
[5] Le 10 mars 2000, les défendeurs territoriaux, représentés chacun par le ministère de la Justice des Territoires, demandaient par requête le rejet de la déclaration pour cause d’absence de compétence de la Cour fédérale à l’égard de chacun d’eux. Dans l’hypothèse où la Cour en viendrait à la conclusion qu’elle a compétence à l’égard de l’un d’eux mais pas à l’égard de tous, la Cour était invitée à décliner juridiction de manière à permettre que les procédures soient instituées, plutôt, devant la Cour suprême des Territoires.
[6] Le 13 mars 2000, Sa Majesté, s’appuyant sur l’alinéa 50(l)b) de la Loi sur la Cour fédérale, demandait la suspension de l’instance, pour le motif que la Cour fédérale n’avait pas compétence sur tous les défendeurs et qu’il serait plus approprié de saisir le seul tribunal ayant compétence pour trancher tout le litige, soit la Cour suprême des Territoires.
[7] Le 8 septembre 2000, le juge Rouleau rejetait les deux requêtes (Fédération Franco-Ténoise c. Canada, [2001] 1 C.F. 241 (1re inst.)).
[8] En ce qui a trait à la requête en rejet présentée par les défendeurs territoriaux, le juge en vient à la conclusion que les conditions requises par la Cour suprême du Canada dans ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752, à la page 766, pour asseoir la compétence de la Cour fédérale sont ici rencontrées : les trois défendeurs territoriaux faisant à son avis partie de la « Couronne fédérale », il y a, par le biais de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, attribution de compétence à la Cour fédérale; les ordonnances édictées par le gouvernement des Territoires constituent des règles de droit fédéral; et la loi invoquée en l’espèce étant en fin de compte la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, L.R.C. (1985), ch. N-27, il s’agit là d’une loi du Canada au sens de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]].
[9] En ce qui a trait à la requête en suspension d’instance présentée par Sa Majesté, le juge se contente d’en disposer dans les termes suivants, au paragraphe 36 :
Étant donné la conclusion de la Cour quant à la question de la compétence, je suggère de rejeter la requête sur cette question.
[10] Les défendeurs territoriaux et Sa Majesté en ont appelé de l’ordonnance du juge Rouleau.
[11] Les motifs qui suivent renverront à l’occasion à des dispositions de textes constitutionnels antérieurs à la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] qui n’ont toujours pas de version française officielle. J’utiliserai les textes qu’a proposés en 1990 le rapport du comité de rédaction constitutionnelle française chargé d’établir, sous le régime de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, un projet de version française de certains textes constitutionnels [Rapport définitif du comité de rédaction constitutionnelle française chargé d’établir, à l’intention du ministre de la Justice du Canada, un projet de version française officielle de certains textes constitutionnelle].
[12] La Loi sur les territoires du Nord-Ouest appelle « ordonnance » ce que l’Assemblée législative des Territoires appelle « loi ». C’est le terme « ordonnance », bien sûr, qui est correct, mais rien ne découle en pratique de l’emploi de l’un ou l’autre des termes que ne désavoue d’ailleurs pas le Parlement du Canada. Je note que la Loi sur le Nunavut, sanctionnée en juin 1993 (L.C. 1993, ch. 28), emploie le terme « loi » pour désigner un texte législatif qu’adopte la législature du Nunavut.
B. Le cadre limité du débat devant la Cour dans le dossier A-555-00
[13] La Cour est appelée à qualifier le statut du Commissaire des Territoires, du Président de l’Assemblée législative et de la Commissaire aux langues aux seules fins de déterminer s’ils peuvent être poursuivis en Cour fédérale dans une action fondée sur l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale. Cet article se lit comme suit :
17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.
(2) La Section de première instance a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par :
a) la possession par la Couronne de terres, biens ou sommes d’argent appartenant à autrui;
b) un contrat conclu par ou pour la Couronne;
c) un trouble de jouissance dont la Couronne se rend coupable;
d) une demande en dommages-intérêts formée au titre de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif.
[…]
(5) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :
a) au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada;
b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits—actes ou omissions—survenus dans le cadre de ses fonctions.
[14] Il est acquis que la Cour fédérale a compétence relativement à cette partie de l’action qui vise Sa Majesté la Reine du chef du Canada.
[15] Il est admis que la Cour suprême des Territoires aurait compétence pour entendre l’affaire dans son intégralité, à l’égard des quatre co-défendeurs, si elle en était saisie.
[16] La Cour n’est pas saisie du mérite de la demande des Franco-ténois. Elle ne décide pas de la validité de la délégation qu’a faite le gouvernement du Canada de sa compétence législative relativement aux droits linguistiques des francophones des Territoires. Elle ne décide pas si les Territoires sont une « institution fédérale » au sens des articles 16 et 20 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte). Elle ne décide pas s’il y a violation par Sa Majesté ou par l’un ou l’autre des défendeurs territoriaux d’une obligation constitutionnelle ou législative en matière de droits linguistiques.
[17] La Cour doit aussi présumer, au stade de ces requêtes de nature interlocutoire, que les lois fédérales et les ordonnances territoriales invoquées par les parties sont valides.
[18] La Cour n’est pas appelée, non plus, à préjuger de la qualité des services en français que les Franco-ténois recevraient en Cour suprême des Territoires si l’action était ultimement décidée en cette Cour. L’article 12 [mod. par L.R.T.N.-O. 1988, ch. 56 (Suppl.), art. 10] de la Loi sur les langues officielles [L.R.T.N.-O. 1988, ch. O-1] des Territoires permet l’usage du français devant les tribunaux des Territoires ainsi que dans les actes de procédure et l’article 13 [mod., idem, art. 11, 21] de la Loi exige que les décisions définitives, exposé des motifs compris, soient rendues en français et en anglais. Nous devons donc supposer que le droit des Franco-ténois d’avoir un procès en français serait respecté si les procédures étaient éventuellement entamées devant la Cour suprême des Territoires.
[19] Je note au passage que l’action n’a pas été instituée contre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest proprement dit (auquel notre Cour a reconnu qualité pour ester en justice dans Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2001 CAF 162; [2001] A.C.F. no 791 (C.A.) (QL), paragraphe 15) non plus que contre le procureur général des Territoires (lequel, aux termes de l’alinéa 5c) de la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.T.N.-O. 1988, ch. 97 (Suppl.), « est chargé des intérêts du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ou de tout autre ministère dans tout litige où ils sont parties et portant sur des matières relevant de la compétence de la Législature »).
C. Le statut des Territoires
[20] Le procureur du gouvernement des Territoires ne prétend pas que les Territoires ont un statut constitutionnel équivalent à celui des provinces. Il est en effet certain, selon la jurisprudence, que tel n’est pas le cas : voir Morin v. Northwest Territories (1999), 14 Admin. L.R. (3d) 284 (C.S.T.N.-O.), juge Vertes; Royal Bank of Canada v. Scott (1971), 20 D.L.R. (3d) 728 (C. Terr. T.N.-O.), juge d’appel Morrow; R. v. Lynn Holdings Ltd. (1969), 68 W.W.R. 64 (C. mag. Y.), juge Varcoe; Conseil canadien des relations du travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729; Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1996] 3 C.F. 182 (1re inst.), conf. relativement à l’aspect juridictionnel par (1997), 208 N.R. 385 (C.A.F.), permission d’appeler rejetée, C.S.C. 25924, 28 août 1997. La doctrine va dans le même sens : voir Jacques-Yvan Morin et José Woehrling, Les constitutions du Canada et du Québec : du régime français à nos jours, t. 1, Éditions Thémis, 1994, page 406; Gérald-A. Beaudoin, Le fédéralisme au Canada : les institutions, le partage des pouvoirs, Wilson & Lafleur, 2000, page 894; Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 3e éd., Carswell, 1992, page 38).
[21] Le juge Dubé, dans Territoires du Nord-Ouest c. A.F.P.C. (1999), 183 D.L.R. (4th) 175, me paraît avoir bien décrit le statut des Territoires lorsqu’il s’est exprimé en ces termes, aux paragraphes 31 et 32 :
Je ne peux pas accepter l’argument du GTNO qu’il y a eu une évolution vers une Couronne distincte dans les TNO et que cette évolution vers un gouvernement responsable a donné lieu à une entité distincte, ce qui a mis les TNO sur un pied d’égalité avec les dix provinces canadiennes. Comme l’a mentionné l’avocat de la CCDP, cette théorie créerait un « darwinisme constitutionnel ». En biologie, la théorie de l’évolution enseigne qu’une espèce descend d’une espèce primitive et devient une entité différente et plus complexe.
Il ne fait aucun doute que les pouvoirs et la compétence législative du GTNO se sont accrus au fil des ans, mais leur source demeure la Couronne fédérale. La Couronne britannique a abandonné ses pouvoirs et sa compétence législative à l’égard du Canada en faveur du Parlement et des législatures provinciales, mais pas en faveur des territoires avant qu’ils n’aient atteint le statut de provinces à part entière. La Loi sur les Territoires du Nord-Ouest n’est qu’une loi fédérale prévoyant la création d’un gouvernement local dirigé par une personne nommée par le gouvernement fédéral. Les TNO ne sont pas devenus une province par évolution, mais sont toujours un territoire en vertu d’une simple délégation de pouvoir.
[22] Cette interprétation est d’ailleurs celle que le gouvernement canadien adopte dans ses relations avec les Territoires, tel qu’il appert d’une instruction donnée au Commissaire des Territoires, le 29 mars 2000, par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Bien que cette instruction n’ait pas été déposée devant le juge Rouleau, la Cour accepte qu’elle soit déposée en appel. Il s’agit en effet d’un document public qui éclaire le débat et qui fait partie de la trame historique dans le cadre de laquelle le statut des Territoires doit être déterminé. Je crois utile de reproduire certains extraits de cette instruction :
Le gouvernement du Canada maintient son engagement à l’égard des principes d’un gouvernement représentatif et responsable dans les Territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest tient ses pouvoirs de l’autorité constitutionnelle fédérale. Il a été établi pour représenter et servir tous les résidents conformément à la Charte des droits et libertés. Le cadre juridique de sa structure gouvernementale fondamentale est précisé dans la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest.
La charge de commissaire est abordée principalement dans les articles 3 à 5 inclusivement de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. En particulier, l’article 3 crée le poste de commissaire, tandis que l’article 5 exige du commissaire qu’il « exerce le gouvernement des Territoires suivant les instructions du gouverneur en conseil ou du ministre ». Vous devez agir conformément aux instructions données par les ministres antérieurs mais, en cas de conflit, la présente lettre remplace toutes les instructions précédentes.
[…]
Il est opportun que le rôle du commissaire continue d’évoluer à l’appui d’un gouvernement responsable dans les Territoires du Nord-Ouest. Les grandes lignes des rapports susmentionnés se trouvent dans les dispositions pertinentes de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest et les conventions applicables à un gouvernement responsable. À titre de lignes de conduite générales, et compte tenu des différences constitutionnelles entre les territoires et les provinces, vous devez exercer vos fonctions de commissaire, sur le plan pratique, d’une façon semblable aux fonctions d’un lieutenant gouverneur d’une province.
Le Conseil exécutif est l’institution suprême pour l’exercice des pouvoirs exécutifs au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Il est établi par l’article 9 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. Conformément aux conventions constitutionnelles du Canada, vous devez agir selon l’avis de votre premier ministre et du Conseil exécutif pour toutes les questions touchant la politique territoriale et les décisions administratives relevant de votre compétence. Il n’existe que quelques cas où votre premier ministre a seul la capacité de décider ou encore où vous pouvez vous servir de vos prérogatives, lesquelles sont semblables à celles des lieutenants gouverneurs provinciaux.
[23] Le procureur du gouvernement des Territoires soutient cependant que la Loi sur la Cour fédérale devrait s’interpréter de manière à ce que la compétence de la Cour relativement à l’administration fédérale ne s’étende pas à une administration territoriale qui tient davantage d’une administration provinciale que de l’administration fédérale. Il fait grand état de ce que le Parlement du Canada a, dans la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, assimilé les Territoires à une province et qu’il s’est par ailleurs assuré que certaines lois fédérales d’importance ne s’appliquent pas aux Territoires.
[24] L’article 35 de la Loi d’interprétation stipule en effet que dans tous les textes fédéraux—sous réserve, bien sûr, de dispositions particulières dans un texte donné—l’expression « province » [mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 82] vise les Territoires du Nord-Ouest et que les expressions « lieutenant-gouverneur » [mod., idem] et « lieutenant-gouverneur en conseil » [mod., idem] visent le Commissaire des Territoires. Ce même article 35 précise que l’expression « loi provinciale » [mod., idem] utilisée dans tout texte fédéral comprend les ordonnances des Territoires.
[25] La Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 précise, à l’article 2 [mod. par L.C. 1998, ch. 15, art. 21], que les préposés et mandataires de l’État fédéral ne comprennent pas « les personnes nommées ou engagées sous le régime d’une ordonnance […] des Territoires du Nord-Ouest ».
[26] Le paragraphe 3(1) [mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 116] de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31 et l’article 2 [mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 16] de la Loi sur le multiculturalisme canadien, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 24 précisent que l’expression « institutions fédérales » ne comprend pas, pour les fins d’application de ces lois, « les institutions du conseil ou de l’administration […] des Territoires du Nord-Ouest ». Le paragraphe 7(3) [mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 117] de la Loi sur les langues officielles énonce, par ailleurs, que les ordonnances des Territoires et les actes en découlant ne sont pas sujets aux exigences de bilinguisme qui s’appliquent aux actes pris dans l’exercice d’un pouvoir législatif par le gouverneur en conseil ou par un ministre fédéral.
[27] Un amendement apporté en 1993 (ch. 28, art. 78, ann. III, art. 69) à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, prévoit, à l’article 63, que « les plaintes déposées sous le régime de la présente partie [la partie III, Actes discriminatoires et Dispositions générales] qui portent sur des actions ou omissions survenues dans […] les Territoires du Nord-Ouest […] ne sont recevables sous ce régime que dans la mesure où elles le seraient dans les provinces ». Par ailleurs, le paragraphe 66(1) [mod., idem, art. 70] de cette Loi précise que « la présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada sauf en ce qui concerne les gouvernements […] des Territoires du Nord-Ouest ».
[28] Le Code canadien du travail [L.R.C. (1985), ch. L-2] prévoit, aux paragraphes 123(1) [mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78, ann. III, art. 89] et 167(1) [mod., idem, art. 90], que la partie II du Code (Sécurité et Santé au travail) et la partie III du Code (Durée normale du travail, salaire, congés et jours fériés) ne s’appliquent pas à l’emploi dans le cadre d’une entreprise de nature locale ou privée dans les Territoires.
[29] De nombreuses lois contiennent des définitions ou des listes d’institutions fédérales qui excluent expressément ou implicitement les ministères et institutions des Territoires :
•€€€€€€ Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 3;
•€€€€€€ Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 3;
•€€€€€€ Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 2;
•€€€€€€ Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2;
•€€€€€€ Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 2;
•€€€€€€ Loi sur les Archives nationales du Canada, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 1, art. 2;
•€€€€€€ Loi sur le statut de l’artiste, L.C. 1992, ch. 33, art. 6;
•€€€€€€ Loi sur la protection civile, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 6, art. 2.
[30] Ces lois établissent très certainement que le Parlement a pleinement exercé le pouvoir que lui a conféré l’article 4 de la Loi constitutionnelle de 1871 [34 & 35 Vict., ch. 28 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 5) [L.R.C. (1985), appendice II, no 11] de « prendre des mesures relatives à l’administration des territoires non compris dans les provinces existantes, à la paix et à l’ordre dans leurs limites ainsi qu’à leur bon gouvernement ». Le Parlement me semble avoir fait le maximum de ce que lui permet la Constitution pour donner aux Territoires du Nord-Ouest un statut se rapprochant de celui des provinces mais ne l’égalant pas.
[31] Ces lois viennent aussi rappeler, du simple fait qu’elles existent, qu’il est nécessaire, pour que les lois fédérales ne s’appliquent pas aux Territoires, qu’elles le disent directement, comme dans le cas de la Loi sur les langues officielles, ou indirectement, comme par l’application de l’article 35 de la Loi d’interprétation.
[32] Le procureur a aussi porté à notre attention l’article 30 et le paragraphe 32(1) de la Charte, lesquels se lisent comme suit :
30. Dans la présente charte, les dispositions qui visent les provinces, leur législature ou leur assemblée législative visent également le territoire du Yukon, les territoires du Nord-Ouest ou leurs autorités législatives compétentes.
[…]
32. (1) La présente charte s’applique
a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement, y compris ceux qui concernent le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest;
b) à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature.
[33] Je comprends de l’article 30 qu’il établit la même corrélation, pour les fins de l’application de la Charte, entre les provinces et les Territoires, qu’établit l’article 35 de la Loi d’interprétation entre les provinces et les Territoires pour les fins de l’application des lois fédérales. Cet article doit être lu de concert avec l’article 31, qui précise que la Charte « n’élargit pas les compétences législatives de quelque organisme ou autorité que ce soit ». Ce n’est donc pas parce que les Territoires sont à certaines fins assimilés à des provinces que leurs compétences législatives sont élargies par la Charte et qu’ils peuvent se dire les égaux, sur le plan des compétences législatives, des provinces.
[34] Je comprends de l’article 32—lequel se trouve sous le titre « Application de la charte »—qu’il vise à s’assurer que tous les champs de compétence législative prévus par la Constitution sont couverts par la Charte, peu importe que ces compétences soient exercées par le gouvernement fédéral, par les gouvernements provinciaux ou par les gouvernements territoriaux du Nord-Ouest et du Yukon. Je ne partage pas l’avis du procureur des Franco-ténois selon qui l’article 32 viendrait diluer la portée de l’article 30. L’article 32 dit simplement que la Charte s’applique aux champs de compétence exercés par les Territoires, lesquels sont attribués au Parlement du Canada par la Constitution. La Charte, en somme, s’applique à tous les champs de compétence, même ceux dont l’exercice est délégué aux Territoires par le Parlement.
[35] La partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 est aussi pertinente en l’espèce. Elle définit la procédure de modification de la Constitution du Canada et prévoit aux alinéas 42(1)e) et f) que :
42. (1) Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait conformément au paragraphe 38(1) :
[…]
e) le rattachement aux provinces existantes de tout ou partie des territoires;
f) par dérogation à toute autre loi ou usage, la création de provinces.
L’article 44 vient préciser que :
44. Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.
[36] Cette procédure de modification constitutionnelle établit sans l’ombre d’un doute non seulement que les Territoires ne sont pas une province, mais aussi que le Parlement fédéral ne peut sans le consentement des provinces transformer les Territoires en province.
[37] Le procureur des Franco-ténois soutient de son côté que les Territoires, du fait qu’ils constituent un gouvernement délégué sous la tutelle, à la limite, du gouvernement fédéral, ont le statut d’agent ou de mandataire du gouvernement fédéral. Cette prétention est sans fondement. Les Territoires se situent, par rapport au Parlement du Canada, dans une situation analogue à celle dans laquelle se trouvent les municipalités par rapport à la législature provinciale ou les colonies britanniques par rapport au Parlement impérial : sous réserve du pouvoir ultime de contrôle que s’est réservé le Parlement du Canada et pour peu qu’elle agisse dans les limites de sa compétence, l’Assemblée législative des Territoires exerce un pouvoir législatif au même titre que le Parlement fédéral exerce les siens et elle agit pour elle-même et en son propre nom. Ainsi que le note le juge Vertes, dans Morin v. Northwest Territories (supra, au paragraphe 20), au paragraphe 53 :
[traduction] Il est reconnu depuis longtemps que les assemblées territoriales, qu’il s’agisse de celle des Territoires du Nord-Ouest ou du Yukon, n’agissent pas à titre de mandataires ou de délégataires du Parlement fédéral lorsqu’elles légifèrent dans leur domaine de compétence. En ce sens, elles sont de la nature d’un organisme législatif souverain. C’est ce que la Cour d’appel du Yukon a fait remarquer dans l’arrêt R. v. Chamberlist (1970), 72 W.W.R. 746 (C.A.Y.) en parlant des pouvoirs du Commissaire en conseil du Yukon (juge Morrow, aux pages 749 et 750) :
Les pouvoirs conférés peuvent être expressément restreints, mais il est néanmoins tout à fait possible pour un parlement comme celui du Canada de transmettre le pouvoir de légiférer à un autre organisme législatif dans la mesure où ce pouvoir n’excède pas le sien.
Ainsi, en parlant de la question de la délégation d’un pouvoir législatif relativement à l’Indian Councils Act, 1861, 24 & 25 Vict., ch. 67 lord Selborne dit ce qui suit, dans l’arrêt Reg. v. Burah (1873) 3 App Cas 889, à la page 904 :
« […] Les pouvoirs de l’assemblée législative indienne sont expressément limités par la loi du Parlement impérial qui a créé cette assemblée; bien sûr, l’assemblée législative ne peut pas excéder les limites de ses attributions. Cependant, lorsqu’elle agit dans les limites de ses attributions, elle n’est aucunement un agent ou un délégataire du Parlement impérial, mais elle possède, et le Parlement voulait qu’elle possède, de pleins pouvoirs en ce qui concerne la législation dans son ensemble, lesquels sont de la même nature que ceux du Parlement lui-même. »
[38] De cet aperçu constitutionnel, législatif et jurisprudentiel, il est permis de tirer les conclusions que voici :
a) Au point de vue constitutionnel
[39] Sur le plan constitutionnel, les Territoires n’ont pas le même statut que les provinces. Ils demeurent une créature fédérale, soumise en principe au bon vouloir du gouvernement du Canada. Sa Majesté la Reine, dans les Territoires, est Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Bien que des arrangements législatifs et politiques puissent avoir les apparences de conventions entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des Territoires, ces arrangements ne sauraient transformer les Territoires en province : il n’est en effet pas possible qu’un statut de province soit reconnu aux Territoires sans que soit modifiée en ce sens, selon la méthode prévue par elle, la Constitution canadienne.
b) Au point de vue législatif
[40] Sur le plan législatif, le Parlement du Canada a investi les Territoires des attributs d’un véritable gouvernement responsable et a confié à ce dernier la plénitude des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire que la Constitution du pays permettait au Parlement de déléguer, s’arrêtant juste en deçà de la plénitude des pouvoirs associée à un gouvernement responsable souverain, plénitude limitée par la Constitution au gouvernement du Canada et aux gouvernements provinciaux.
[41] Le Parlement a toutefois réservé au gouverneur en conseil le contrôle ultime de l’exercice par le gouvernement des Territoires de son pouvoir législatif. Le Parlement s’est par ailleurs fait fort de rappeler dans sa législation que les lois fédérales s’appliquaient aux institutions des Territoires à moins de dispositions contraires.
[42] Bien que toute comparaison entre les territoires et les municipalités soit injuste envers les Territoires puisque leur statut s’apparente davantage à celui d’une province qu’à celui d’une municipalité, il est permis de dire que les Territoires, pas plus que les municipalités, ne sont les mandataires de leurs créateurs respectifs lorsqu’ils administrent le territoire dont la gestion leur a été confiée.
c) Au point de vue politique
[43] Sur le plan politique, le gouvernement du Canada traite avec les Territoires comme s’il traitait avec les provinces, jusqu’au maximum, me semble-t-il, permis par la Constitution. La réalité politique peut éclairer le débat juridique; elle ne peut toutefois le fausser : quelles que soient les apparences politiques, il n’existe, en droit, ni Couronne « territoriale », ni province « territoriale », ni Sa Majesté la Reine « du chef des Territoires ».
D. Le statut des Territoires pour les fins de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale
[44] Il sera utile, à ce stade, de dire un mot de la jurisprudence qui s’est penchée sur le statut des Territoires aux fins de l’application de l’article 18 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4] de la Loi sur la Cour fédérale. Cet article permet de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision rendue par un « office fédéral ». La Loi sur la Cour fédérale, au paragraphe 2(1) [mod., idem, art. 1 définit « office fédéral » (federal board, commission or other tribunal) comme suit :
2. (1) […]
« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.
[45] Dans Fortier Arctic Ltd. and Liquor Control Board of the Northwest Territories, (Re) (1971), 21 D.L.R. (3d) 619 [aux pages 626 à 628], le juge Morrow, de la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest, décidait que le Liquor Control Board des Territoires n’était pas un « office fédéral » au sens de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale :
[traduction] En l’espèce, il est soutenu que la Commission est un organisme exerçant ses pouvoirs en vertu de la Liquor Ordinance qui, de son côté, a été prise en vertu de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, S.R.C. 1952, ch. 331, art. 13 [mod. 1966-67, ch. 22, art. 4 (maintenant S.R.C. 1970, ch. N-22]. La Commission est donc un « office fédéral » au sens de l’alinéa 2g) susmentionné puisque la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest est une loi du Parlement du Canada; par conséquent, compte tenu de l’al. 18a) susmentionné, l’instance aurait dû être engagée devant la Cour fédérale qui vient d’être créée.
[…]
En vertu du par. 3(1) de la Loi d’interprétation, 1967-68 (Can.), ch. 7 [maintenant S.R.C. 1970, ch. I-23], il faut donner effet à l’art. 28 lorsque le sens de l’al. 2g) de la Loi sur la Cour fédérale est en cause. Or, le par. 28(29) de la Loi d’interprétation prévoit ce qui suit :
28. Dans chaque texte législatif,
(29) « province » signifie une province du Canada et comprend le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest.
Si le mot « province » est employé dans le sens précité, les exceptions pertinentes énoncées à l’al. 2g) de la Loi sur la Cour fédérale peuvent à juste titre être interprétées comme s’appliquant a « un organisme constitué ou établi par une loi des Territoires du Nord-Ouest […] ». À mon avis, si une autre interprétation était adoptée, il existerait de l’incertitude au sujet des textes législatifs du commissaire en conseil; or, à moins que le libellé ne le dise clairement, une cour devrait éviter pareille interprétation. À cet égard, je souscris aux observations que C. R. O. Munro, c.r., a faites dans l’exposé qu’il a soumis pour le compte du procureur général du Canada, à savoir :
Tout argument contraire est fondé sur la thèse selon laquelle il n’y a pas de loi des Territoires du Nord-Ouest. Or, pareille thèse va à l’encontre du sens commun, et elle n’est pas conforme à l’article 13 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, qui confère au commissaire en conseil le pouvoir de légiférer au nom du gouvernement des Territoires, pouvoir dont l’étendue est semblable à celle des pouvoirs législatifs des provinces. En effet, cet argument élève au niveau d’une question constitutionnelle ce qui est en réalité une question de sémantique. Il est vrai que toutes les ordonnances des Territoires du Nord-Ouest sont prises avec l’autorisation du Parlement; en ce sens, elles pourraient être définies comme étant des lois du Canada. Toutefois, elles sont établies par l’assemblée législative qui a été constituée pour les Territoires et, partant, il s’agit de lois des Territoires. La question de savoir si elles doivent être considérées d’une façon plutôt que de l’autre n’est pas une question constitutionnelle, mais il s’agit plutôt de définir les termes en cause.
[46] Dans Johnston c. Procureur général du Canada, [1977] 72 C.F. 301, la Cour d’appel fédérale [aux pages 304 et 305], par la voix du juge en chef Jackett, laissait entendre que le procureur général des Territoires du Nord-Ouest n’était pas un « office fédéral » au sens de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale :
Quant à la première de ces questions, la définition donnée à l’article 2 de Loi sur la Cour fédérale, aux fins de ladite loi, des mots « office, commission ou autre tribunal fédéral », exclut « des personnes nommées en vertu ou en conformité du droit d’une province … .» Donc, si la question se posait dans l’une des dix provinces du Canada, j’aurais pensé que l’on pouvait admettre de plein droit que le mot « poursuivant » n’entrait pas dans cette définition statutaire d’« office, commission ou autre tribunal fédéral ». Eu égard au fait que l’article 28 de Loi d’interprétation, prescrit que le mot « province » dans une loi fédérale comprend les territoires du Nord-Ouest, j’aurais pensé qu’il aurait fallu étudier le même aspect dans une affaire survenant dans ces territoires. Cependant, il me semble qu’il n’y a pas assez de faits au dossier pour permettre de se prononcer sur ce point.
[47] Dans Pfeiffer and Commissioner of the Northwest Territories (Re) (1977), 75 D.L.R. (3d) 407, le juge Tallis, de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, décidait que le Commissaire des Territoires n’était pas un « office fédéral » au sens de la Loi sur la Cour fédérale non plus qu’un préposé de la Couronne lorsqu’il prorogeait, en vertu d’une ordonnance des Territoires, les délais impartis pour la tenue d’élections municipales. Il s’appuyait notamment sur la décision du juge Morrow dans Fortier Arctic Ltd. et sur celle de la Cour d’appel fédérale dans Johnston.
[48] Ces décisions sont à mon avis bien fondées. Les ministres et institutions des Territoires ne sont pas des « offices fédéraux » à l’égard desquels la Cour fédérale peut exercer un pouvoir de contrôle.
E. Les droits linguistiques dans les Territoires du Nord-Ouest
[49] Les parties ont reconnu dans leurs procédures—malheureusement les dossiers d’appel ne contiennent rien à ce sujet—qu’en mai 1984, le gouvernement du Canada avait déposé un projet de loi, le projet C-26, qui visait à modifier la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de manière à instaurer dans les Territoires un régime de bilinguisme législatif et judiciaire. Face à l’opposition du gouvernement des Territoires, le gouvernement du Canada a renoncé au projet de loi C-26, mais seulement après avoir conclu l’accord suivant avec le gouvernement des Territoires : en contrepartie de l’engagement ferme du gouvernement des Territoires de faire adopter par le Commissaire en conseil une ordonnance sur les langues officielles garantissant la prestation de services en français par le gouvernement des Territoires, le gouvernement fédéral s’engageait à financer les coûts associés à cette prestation.
[50] En 1984, dans la foulée de cet accord, le Commissaire des Territoires, sur l’avis et avec le consentement de l’Assemblée législative, édictait l’Ordinance sur les langues officielles, L.T.N.-O. 1984(2), ch. 2.
[51] En 1988, le Parlement du Canada adoptait la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31. Par l’article 98 de cette Loi, la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest était modifiée par l’insertion de la partie II.1, intitulée « Langues officielles » et comprenant les articles 43.1 et 43.2 :
43.1 Sous réserve de l’article 43.2, le commissaire en conseil ne peut modifier ou abroger l’ordonnance sur les langues officielles prise par lui le 28 juin 1984, et modifiée le 26 juin 1986, que si le Parlement donne son agrément à cet effet par voie de modification de la présente loi.
43.2 La présente partie n’a pas pour effet d’empêcher le commissaire, le commissaire en conseil ou le gouvernement des territoires d’accorder des droits à l’égard du français et de l’anglais ou des langues des peuples autochtones du Canada ou de fournir des services dans ces langues, en plus des droit et services prévus par l’ordonnance mentionnée à l’article 43.1, que ce soit par modification de celle-ci, sans le concours du Parlement, ou par tout autre moyen.
[52] Du même souffle, le paragraphe 3(1) de la Loi sur les langues officielles de 1988 écartait des « institutions fédérales » auxquelles elle devait s’appliquer « les institutions du conseil ou de l’administration des territoires du Nord-Ouest » (voir supra, paragraphe 26).
[53] En 1988 (L.R.T.N.-O. 1988, ch. O-1), le Commissaire des Territoires modifiait l’Ordinance sur les langues officielles de 1984 de manière à y ajouter la partie II, qui établit le poste de Commissaire aux langues, et la partie III, qui énonce des dispositions générales. Selon l’article 18 [mod. par L.R.T.N.-O. 1988, c. 56 (Suppl.), art. 15], le Commissaire aux langues est nommé par le Commissaire des Territoires « après qu’une résolution de l’Assemblée législative approuve sa nomination » (paragraphe 18(1)). Le Commissaire aux langues est nommé à titre inamovible pour un mandat de quatre ans, « sauf révocation par le commissaire [des Territoires] sur adresse de l’Assemblée législative » (paragraphe 18(2)). Le Commissaire aux langues « a rang et pouvoir de sous-ministre » (paragraphe 19(3) [mod., idem]) et se voit confier des pouvoirs d’enquête qui s’apparentent à ceux que possède le Commissaire aux langues officielles du Canada.
[54] L’article 26 [mod., idem, art. 17, 18], à la partie III, prévoit :
26. (1) Toute personne lésée dans les droits que lui confèrent la présente loi et ses règlements peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
(2) Le commissaire aux langues peut, selon le cas :
a) comparaître devant la Cour suprême au nom de toute personne qui présente une demande de réparation en application du paragraphe (1);
b) avec l’autorisation de la Cour suprême, comparaître à titre de partie à toute instance introduite en application du paragraphe (1).
[55] Le procureur des Franco-ténois a informé la Cour, à l’audience, que les modifications apportées à la Loi sur les langues officielles des Territoires en 1988 n’ont pas reçu l’aval et n’avaient pas, selon lui, besoin de recevoir l’aval du Parlement canadien pour la raison qu’elles étaient considérées comme une bonification des dispositions en place. L’article 43.2 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (supra, paragraphe 51) prévoit en effet que le Commissaire, le Commissaire en conseil ou le gouvernement des Territoires peut accorder des droits ou offrir des services supplémentaires « sans le concours du Parlement ». Il ne m’appartient pas ici de décider si le procureur a raison de penser que ces modifications pouvaient être faites sans le concours du Parlement.
F. La requête en rejet pour absence de compétence de la Cour fédérale présentée par les trois défendeurs territoriaux (dossier A-555-00)
[56] La première exigence que pose l’arrêt ITO pour asseoir la compétence de la Cour fédérale est l’attribution d’une compétence à cette Cour par une loi du Parlement.
[57] En l’espèce, les Franco-ténois s’appuient principalement sur le paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale, que j’ai reproduit au paragraphe 13 de ces motifs mais qu’il sera utile de reproduire de nouveau :
17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.
[58] La Couronne que vise ce paragraphe est la Couronne fédérale. La « Couronne fédérale » est une expression utilisée pour désigner le pouvoir exécutif, lequel est en pratique exercé par le premier ministre et son cabinet. L’expression ne vise pas le pouvoir législatif; elle ne vise pas non plus le pouvoir judiciaire (McArthur, Matthew v. The King, [1943] R.C.É. 77, président Thorson, à la page 104) :
[traduction] Quand dans un statut il est fait mention de la Couronne, le terme désigne symboliquement le pouvoir exécutif et se rapporte au Souverain exerçant ledit pouvoir, autrement dit, le gouvernement.
(voir, aussi, Liability of the Crown, Hogg & Monahan, 3e éd., Carswell, 2000, à la page 11; La responsabilité extra-contractuelle de la Couronne au Canada, Henriette Immarigeon, (Collection des travaux de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa) (Montréal : Wilson et Lafleur, 1965), pages 24 et 25).
[59] Il s’ensuit qu’à sa face même le président de l’Assemblée législative des Territoires ne peut être la « Couronne » au sens du paragraphe 17(1). Le fait que l’Assemblée législative des Territoires soit une créature législative plutôt qu’une institution constitutionnelle comme le Parlement du Canada ne fait pas de cette Assemblée une composante du pouvoir exécutif territorial, non plus qu’une composante du pouvoir exécutif fédéral.
[60] Il s’ensuit aussi que la Commissaire aux langues des Territoires ne saurait être la « Couronne » aux fins du paragraphe 17(1). La Commissaire aux langues est nommée par le Commissaire des Territoires après résolution de l’Assemblée législative. Elle est nommée à titre inamovible pour un mandat de quatre ans, sauf révocation par le Commissaire des Territoires sur adresse de l’Assemblée législative. Il est vrai qu’elle « a rang et pouvoir de sous-ministre » (voir le paragraphe 53 de ces motifs), mais d’aucune manière peut-on dire qu’elle exerce le pouvoir exécutif ou qu’elle est un mandataire du pouvoir exécutif. La Commissaire aux langues des Territoires n’est pas plus « la Couronne » que ne l’est le Commissaire aux langues officielles du Canada.
[61] Au mieux, la Commissaire serait un « office », ce qui ne saurait être d’aucune utilité aux Franco-ténois. D’une part, en effet, leur recours ne se fonde pas sur l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale (cet article confère compétence exclusive à la Cour fédérale relativement au contrôle judiciaire de l’administration fédérale). D’autre part, comme je l’ai déjà dit plus haut (paragraphe 48), leur recours ne pourrait pas de toute façon se fonder sur l’article 18 puisque la définition même d’« office fédéral » au paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale exclut un office constitué en vertu d’une ordonnance des Territoires. Il suffit d’ailleurs de consulter la liste des « offices » énumérés dans la déclaration (voir le paragraphe 3, supra) pour se convaincre du bien-fondé de cette jurisprudence : qui prétendrait, par exemple, que sont des « offices fédéraux » assujettis au pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour fédérale des offices tels la Commission du transport routier des Territoires ou la Commission d’appel de l’assistance sociale des Territoires?
[62] Qui plus est, quand bien même la Commissaire aux langues des Territoires serait un « office fédéral », elle ne saurait être à la fois un « office fédéral » et « la Couronne » (voir Le ministre du Revenu national et la Reine c. Creative Shoes Ltd., [1972] C.F. 993 (C.A.), autorisation de pourvoi auprès de la C.S.C. refusée, [1972] C.F. 1425) et ne pourrait donc être défenderesse dans une action instituée en vertu de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale. Pis encore, un jugement déclaratoire, selon les termes du paragraphe 18(3) de la Loi sur la Cour fédérale, ne peut être obtenu à l’encontre d’un office fédéral que par une demande de contrôle judiciaire; or, la procédure en cause, ici, est une action.
[63] Le juge de première instance a donc erré lorsqu’il a conclu que le paragraphe 17(1) attribuait une compétence à la Cour fédérale relativement à la demande de réparation faite contre le président de l’Assemblée législative des Territoires et contre la Commissaire aux langues des Territoires.
[64] Qu’en est-il, maintenant, du Commissaire des Territoires du Nord-Ouest? En tant que titulaire du pouvoir exécutif des Territoires, mais sous tutelle fédérale, peut-il être « la Couronne » pour les fins du paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale?
[65] Le paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale définit « Couronne » comme étant « Sa Majesté du chef du Canada ». Il fallait que cela soit dit, pour s’assurer que la Cour fédérale n’ait pas compétence à l’égard de Sa Majesté du chef d’une province. Il ne s’ensuit pas pour autant, pour les raisons exposées plus tôt, qu’en employant le mot « Couronne » pour viser l’État fédéral, le Parlement ait aussi voulu viser le gouvernement des Territoires. Bien au contraire, une lecture attentive des articles 17 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale me mène à conclure que le Parlement n’a pas voulu que la Cour fédérale ait compétence à l’égard du Commissaire des Territoires de quelque manière qu’on qualifie son statut.
[66] S’il est « office fédéral », ce qui n’est pas impossible puisqu’il exerce « une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale, cette « loi fédérale » étant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, il n’est pas la Couronne. La Cour fédérale aurait peut-être compétence s’il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18. Elle ne l’a certainement pas quand il s’agit d’une demande de réparation contre la Couronne en vertu de l’article 17.
[67] S’il est assimilable à un chef de gouvernement, la comparaison se ferait, non pas avec le gouverneur général, mais avec un lieutenant-gouverneur, une comparaison qui cadrerait bien avec l’article 35 de la Loi d’interprétation. Or, il est certain que la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard d’un lieutenant-gouverneur.
[68] Prétendre qu’il est un employé de la Couronne fédérale irait à l’encontre des termes et de l’esprit de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest ainsi qu’à l’encontre de cette jurisprudence qui veut qu’en exerçant des pouvoirs délégués de gouvernement responsable, le Commissaire des Territoires jouit d’une pleine autonomie.
[69] Prétendre qu’il serait la Couronne le placerait dans une étrange situation. La Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif lui serait applicable, mais cette Loi, à l’article 2, prend bien soin d’exclure de la définition de « préposé »
2. […]
[…] les personnes nommées ou engagées sous le régime d’une ordonnance […] des Territoires du Nord-Ouest […]
Le Commissaire des Territoires serait ainsi passible d’une action en dommages en Cour fédérale pour les délits civils qu’il commettrait personnellement, mais il ne serait pas passible d’une telle action pour les délits civils commis par un préposé, ce que prévoit pourtant l’alinéa 3a) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif. Comme la demande par excellence de réparation contre la Couronne que vise le paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale est l’action en dommages-intérêts fondée sur la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (voir l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la Cour fédérale) et comme la responsabilité du maître est généralement associée à celle de ses préposés, la Cour fédérale aurait compétence à l’égard d’un délit commis par le Commissaire à condition qu’aucun de ses préposés ne soit impliqué. C’est là un résultat impraticable que le Parlement ne peut avoir souhaité.
[70] Le même raisonnement vaut à l’égard de l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale, qui confère compétence à la Cour « dans les actions en réparation intentées […] contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits—actes ou omissions—survenus dans le cadre de ses fonctions ». Cet alinéa, par ses termes mêmes, renvoie à la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, laquelle, on le sait, ne s’applique pas aux employés des Territoires.
[71] Bref, quel que soit l’angle sous lequel le statut du Commissaire des Territoires est envisagé, l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale n’a aucun sens si le Commissaire est la Couronne.
[72] J’ajouterai que la lecture que je fais de l’article 17 cadre bien avec la seule lecture que l’on puisse faire de l’article 18. L’article 18, je l’ai dit déjà, ne permet pas à la Cour fédérale de contrôler l’Administration des Territoires. Il y a une corrélation évidente et nécessaire entre les articles 17 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale : les « offices » visés par l’article 18 sont ceux constitués par le gouvernement visé à l’article 17. Il y a une symétrie certaine dans une interprétation qui mène à la conclusion que le gouvernement des Territoires n’est pas davantage visé à l’article 17 que ne le sont ses institutions à l’article 18.
[73] L’interprétation que je retiens a aussi l’avantage de concilier, d’une part, le mandat donné à la Cour fédérale de veiller à la légalité des actes posés par l’administration centrale et, d’autre part, le statut de gouvernement responsable chargé de l’administration locale des Territoires qui est dorénavant reconnu au gouvernement des Territoires. Ce serait aller contre l’histoire politique et législative que de faire de la Cour fédérale, dans les Territoires, une sorte d’instrument de tutelle judiciaire fédérale à l’égard des activités de nature locale dans les Territoires alors que les tutelles exécutive et législative fédérales sont à toutes fins utiles disparues.
[74] De plus, il existe dans les Territoires une cour supérieure capable d’assurer la légalité des actes posés par le gouvernement des Territoires de la même manière qu’il existe dans les provinces des cours supérieures capables d’assurer la légalité des actes posés par les gouvernements provinciaux. La Cour fédérale trahirait sa vocation de « tribunal additionnel propre à améliorer l’application des lois du Canada » (article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867) si elle s’avisait de contrôler l’application des lois des Territoires. Je rappelle qu’en matière de droits linguistiques, la Loi sur les langues officielles des Territoires, une ordonnance non désavouée par le gouverneur en conseil, a établi l’office du Commissaire des langues officielles et permis expressément à ce dernier de s’adresser à la Cour suprême des Territoires pour faire respecter les droits linguistiques dans les Territoires. Il existe ainsi, pour les Territoires, l’équivalent de ce qui existe au niveau fédéral, à cette différence près qu’au niveau fédéral c’est le Commissaire aux langues officielles du Canada et la Cour fédérale du Canada qui veillent au respect des langues officielles du Canada. Il y a, ici encore, une symétrie dans l’administration de la justice qui me paraît voulue par le Parlement et par l’Assemblée législative des Territoires.
[75] Les Franco-Ténois s’appuient également, pour partie de leur déclaration, sur l’accord relatif aux droits linguistiques conclu entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des Territoires le 28 juin 1984. L’alinéa 17(2)b) de la Loi sur la Cour fédérale, que j’ai déjà reproduit au paragraphe 13, prescrit en effet ce qui suit :
17. (1) […]
(2) La Section de première instance a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivée par :
[…]
b) un contrat conclu par ou pour la Couronne;
[76] Il faut prendre garde de lire le paragraphe 17(2) hors contexte. Ce paragraphe vise les cas où, selon le paragraphe 17(1), la Couronne est défenderesse. Si le paragraphe 17(2) confère compétence à la Cour fédérale relativement à cette partie de l’action qui se fonde sur l’accord et qui désigne Sa Majesté du chef du Canada comme partie défenderesse, la Cour n’a pas pour autant compétence à l’égard des autres défendeurs lesquels, on l’a vu, ne sont pas la Couronne pour les fins du paragraphe 17(1). Le paragraphe 17(2) n’est d’aucune utilité aux Franco-ténois.
[77] J’en arrive ainsi à la conclusion que la Cour fédérale n’a pas non plus compétence, en l’espèce, à l’égard de l’action prise contre le Commissaire des Territoires.
[78] Il s’ensuit que la requête en rejet des procédures pour défaut de compétence présentée par le Commissaire des Territoires, par le président de l’Assemblée législative des Territoires et par la Commissaire aux langues des Territoires aurait dû être accueillie.
G. La demande de suspension d’instance présentée sous forme d’alternative par les défendeurs territoriaux (dossier A-555-00)
[79] Dans l’hypothèse où ma conclusion serait erronée et où la Cour fédérale aurait compétence sur l’un ou l’autre des défendeurs territoriaux, il me faudrait alors examiner le volet de la requête de ces défendeurs qui demande la suspension des procédures en Cour fédérale.
[80] L’article 50 de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit :
50. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :
a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;
b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.
(2) Sur demande du procureur général du Canada, la Cour suspend les procédures dans toute affaire relative à une demande contre la Couronne s’il apparaît que le demandeur a intenté, devant un autre tribunal, une procédure relative à la même demande contre une personne qui, à la survenance du fait générateur allégué dans la procédure, agissait en l’occurrence de telle façon qu’elle engageait la responsabilité de la Couronne.
(3) La suspension peut ultérieurement être levée à l’appréciation de la Cour.
[81] Il ressort clairement de la lecture combinée des alinéas 50(1)a) et b) que la Cour peut ordonner la suspension d’une instance quand bien même aucune autre instance ne serait pendante devant un autre tribunal. On sait qu’en l’espèce aucune procédure n’a à ce jour été instituée devant la Cour suprême des Territoires.
[82] Je n’aurais aucune hésitation à ordonner la suspension de l’instance si j’avais à décider de la question. Il existe dans les Territoires une cour supérieure qui aurait compétence relativement à tous les défendeurs et relativement à tous les remèdes recherchés. Aucun problème de compétence, de qualité pour agir, de véhicule procédural, de choix de remède ne se poserait devant la Cour suprême des Territoires. L’action pourrait y être menée à terme sans les recours interlocutoires qui ont déjà retardé le déroulement des procédures en Cour fédérale et qui ne sont vraisemblablement pas encore épuisés.
H. La demande de suspension de l’instance présentée par Sa Majesté la Reine (dossier A-558-00)
[83] En présentant sa demande de suspension, Sa Majesté tenait pour acquis qu’il n’était pas « évident et manifeste » que la Cour fédérale n’avait pas compétence et évitait ainsi de prendre position sur la question de compétence. Elle soutenait cependant que la Cour suprême des Territoires constituerait un forum plus approprié puisqu’aucun argument de nature juridictionnelle ou procédurale ne pourrait y entraver le déroulement des procédures.
[84] Vu la conclusion à laquelle j’en suis arrivé, à savoir que la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard de l’action intentée contre chacun des trois défendeurs territoriaux, la demande de suspension d’instance présentée par Sa Majesté prend un tout autre éclairage.
[85] Il va de soi, pour les raisons que j’exposais au paragraphe 82, que la demande de Sa Majesté devrait être accueillie.
[86] Il y a davantage. Dans l’hypothèse où les Franco-ténois décidaient d’amender leur déclaration et de ne chercher de remède qu’à l’encontre de Sa Majesté, celle-ci pourrait se prévaloir du paragraphe 50.1(1) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 16] de la Loi sur la Cour fédérale, lequel se lit comme suit :
50.1 (1) Sur requête du procureur général du Canada, la Cour ordonne la suspension des procédures relatives à toute réclamation contre la Couronne à l’égard de laquelle cette dernière entend présenter une demande reconventionnelle ou procéder à une mise en cause pour lesquelles la Cour n’a pas compétence.
[87] La Cour n’aurait alors d’autre choix que d’ordonner la suspension des procédures dès que le procureur général du Canada lui en ferait la demande. Comme on devine aisément à la lumière de la mise en cause déjà déposée dans la procédure actuelle que le procureur général du Canada présenterait une requête en vertu du paragraphe 50.1(1) même si la déclaration des Franco-ténois était amendée, la suspension de l’instance actuelle me paraît à toutes fins utiles inévitable. Mieux vaut s’y résigner dès maintenant.
DISPOSITIF
Dossier A-555-00
[88] L’appel devrait être accueilli, le jugement de première instance infirmé, la requête en rejet des procédures pour défaut de compétence accueillie et l’action instituée contre le Commissaire des Territoires du Nord-Ouest, le président de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et la Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest rejetée. Aucuns dépens ne devraient être adjugés dans les circonstances, ni en appel ni en première instance.
Dossier A-558-00
[89] L’appel devrait être accueilli, le jugement de première instance infirmé, la demande de suspension d’instance accueillie et l’action instituée contre Sa Majesté la Reine suspendue, sans préjudice au droit des demandeurs d’entreprendre une nouvelle instance devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest. Aucuns dépens ne devraient être adjugés dans les circonstances, ni en appel ni en première instance.
Le juge en chef Richard : Je suis d’accord.
Le juge Létourneau, J.C.A. : Je suis d’accord.