A‑71‑06
2007 CAF 186
Skander Tourki (appelant)
c.
Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (intimé)
Répertorié : Tourki c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) (C.A.F.)
Cour d’appel fédérale, juges Desjardins, Noël et Pelletier, J.C.A.—Montréal, 7 février; Ottawa, 11 mai 2007.
Douanes et Accise — Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes — Appel de la décision de la Cour fédérale rejetant l’action instituée en vertu de l’art. 30 de la Loi pour contester la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile portant que l’appelant avait contrevenu à l’art. 12 (obligation de déclarer à l’agent des douanes l’importation ou l’exportation d’espèces d’une valeur supérieure au montant réglementaire) et la décision confirmant la confiscation des espèces parce que l’appelant a négligé de faire la déclaration requise — L’art. 30 permet d’interjeter appel de la décision du ministre prise en vertu de l’art. 27 par voie d’une action relative à l’existence ou non d’une contravention à l’art. 12 — L’appelant tentait d’interjeter appel de la décision du ministre rendue en application de l’art. 29 quant à la pénalité ou la saisie — Le contrôle judiciaire est le seul recours applicable relativement à une décision rendue en application de l’art. 29 — Appel rejeté.
Compétence de la Cour fédérale — Action instituée en vertu de l’art. 30 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes pour contester la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de confirmer la confiscation des espèces saisies parce que l’appelant a négligé d’en déclarer l’exportation, contrairement à l’art. 12 — L’art. 30 permet d’interjeter appel de la décision du ministre prise en vertu de l’art. 27 par voie d’une action devant la Cour fédérale quant à l’existence ou non d’une contravention à l’art. 12 — L’appelant contestait la décision que le ministre a prise en vertu de l’art. 29 pour confirmer la confiscation des espèces — La compétence de la Cour fédérale en vertu de l’art. 30 est restreinte à la révision de la décision prise en vertu de l’art. 27 — La décision rendue en application de l’art. 29 devrait être contestée au moyen d’une demande de contrôle judiciaire.
Interprétation des lois — L’art. 30 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes dispose que toute personne qui a demandé une décision du ministre en vertu de l’art. 25 relative à l’existence ou non d’une contravention à l’art. 12 peut en appeler de la décision par voie d’action devant la Cour fédérale dans les 90 jours suivant la communication de la décision — Le terme « décision » renvoie à la décision prise en application de l’art. 27 quant à l’existence ou non d’une contravention à l’art. 12.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — L’obligation imposée par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes de déclarer l’importation ou l’exportation d’espèces ou d’effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire n’engage pas l’art. 7 puisqu’il s’agit d’intérêts purement économiques ou de droits de propriété.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Fouilles, perquisitions ou saisies abusives — Application de l’arrêt R. c. Simmons, [1998] 2 R.C.S. 495 permettant la fouille d’un individu s’il y a « raisonnablement lieu de supposer » que des articles prohibés sont cachés sur lui — Les dispositions contestées de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ne portent pas atteinte à l’art. 8 de la Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures criminelles et pénales — Le processus relatif à la saisie et la confiscation mis en place par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes est un mécanisme de recouvrement civil qui ne vise pas à punir l’individu — L’art. 11d) de la Charte (présomption d’innocence) n’a donc pas été engagé puisqu’il ne vise que des procédures pénales.
Il s’agissait d’un appel de la décision de la Cour fédérale rejetant l’action instituée par l’appelant en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la Loi). En 2003, l’appelant, qui est monté à bord d’un vol Montréal‑Paris, n’a pas déclaré qu’il transportait plus de 10 000 $CAN, contrairement à l’article 12 de la Loi. Les espèces ont été saisies en application de l’article 18 par des agents des douanes. L’appelant a intenté l’action pour contester les décisions du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile portant qu’il avait contrevenu à l’article 12 et confirmant la confiscation. De plus, l’appelant a soutenu que diverses dispositions de la Loi étaient incompatibles avec les articles 7 et 8 et l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour fédérale a rejeté l’action au motif qu’elle n’avait pas compétence pour réviser la décision du ministre de confirmer la confiscation d’une somme d’argent saisie en vertu de la Loi, la procédure appropriée étant la demande de contrôle judiciaire. En outre, la Cour fédérale a statué que l’appelant avait contrevenu à l’article 12 et que les dispositions contestées ne portaient pas atteinte à la Charte.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
L’article 30 de la Loi permet à toute personne qui a demandé une décision du ministre en vertu de l’article 25 d’en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale dans les 90 jours « suivant la communication de la décision ». La décision dont il est question est celle du ministre portant sur l’existence ou non d’une contravention au paragraphe 12(1), et elle est prise en vertu de l’article 27. Si le ministre décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), il doit alors décider, suivant l’article 29, s’il devrait restituer la totalité ou une partie des espèces ou effets saisis, avec ou sans pénalité, s’il devrait restituer la totalité ou une partie de la pénalité versée ou s’il devrait confirmer la confiscation des espèces et effets. Cette action, instituée en vertu de l’article 30, visait à contester la décision que le ministre a rendue en application de l’article 29, mais cette décision n’est pas visée par l’article 30. Comme il ressort de l’affaire Dokaj c. M.R.N., [2006] 2 R.C.F. 152 (C.F.), les décisions rendues par le ministre en application des articles 27 et 29 sont des décisions distinctes. Les termes « une décision » et « cette décision » employés à l’article 30 renvoient à la décision du ministre rendue en application de l’article 27 de la Loi. La compétence de la Cour fédérale en vertu de l’article 30 est donc restreinte à la révision de la décision du ministre rendue en application de l’article 27. Le recours approprié pour contester la décision du ministre rendue en application de l’article 29 est celui de la demande de contrôle judiciaire.
La Cour fédérale n’a commis aucune erreur en confirmant la décision du ministre portant que l’appelant avait contrevenu à l’article 12 de la Loi.
Les dispositions de la Loi traitant de son objet (article 3), l’obligation de déclarer (article 12), les saisies (articles 18 à 20), la confiscation (article 23), et la révision et l’appel (articles 24 à 30) ont été examinées et expliquées.
La Cour fédérale n’aurait pas dû ajouter, en obiter, qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de soupçonner que les espèces saisies étaient des produits de la criminalité puisque ce rôle n’était pas le sien.
L’arrêt R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, où la Cour suprême a statué que les dispositions relatives aux fouilles et aux perquisitions de la Loi sur les douanes (qui permettaient la fouille d’un individu si l’agent des douanes avait « raisonnablement lieu de supposer » que des articles prohibés étaient cachés sur lui) ne portaient pas atteinte à l’article 8 de la Charte, s’appliquait aux présentes. Les dispositions de la Loi ne portent pas atteinte à l’article 8 de la Charte. La présomption d’innocence protégée par l’alinéa 11d) de la Charte n’a pas été engagée puisqu’elle ne s’applique qu’à des procédures pénales où un individu fait face à des accusations criminelles, quasi‑criminelles ou de nature réglementaire. En l’espèce, l’appelant n’était pas un inculpé. Le processus relatif à la saisie et la confiscation mis en place par la Loi est un mécanisme de recouvrement civil qui ne vise pas à punir l’individu. Enfin, l’obligation de déclarer qu’impose la Loi et le mécanisme de saisie et de confiscation qu’elle prévoit n’engagent pas les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne qui sont garantis par l’article 7 de la Charte. Ce mécanisme engage des intérêts purement économiques ou des droits de propriété qui ne sont pas protégés par l’article 7.
lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 8, 11d).
Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l’impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence, L.C. 2006, ch. 12, art. 14, 16.
Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17, art. 1 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 48), 3 (mod., idem, art. 50), 12 (mod., idem, art. 54), 15 (mod., idem, art. 55), 16 (mod., idem, art. 56), 18 (mod., idem, art. 134), 19, 19.1, 20 (mod. par L.C. 2005, ch. 38, art. 127), 22 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 60), 23, 24, 25 (mod., idem, art. 61), 26 (mod. par L.C. 2005, ch. 38, art. 127), 27 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 62), 28, 29, 30 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 161).
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).
Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1.
Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F‑14, art. 72(1) (mod. par L.C. 1991, ch. 1, art. 21).
jurisprudence citée
décisions appliquées :
Dokaj c. M.R.N., [2006] 2 R.C.F. 152; 2005 CF 1437; R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495; R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652.
décisions examinées :
R. c. Ulybel Enterprises Ltd., [2001] 2 R.C.S. 867; 2001 CSC 56; R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606.
décisions citées :
Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235; 2002 CSC 33; Time Data Recorder International Ltd. c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 475 (C.A.) (QL); conf. [1993] A.C.F. no 768 (1re inst.) (QL); Nerguizian c. M.R.N., [1996] A.C.F. no 866 (1re inst.) (QL); He c. Canada, [2000] A.C.F. no 93 (1re inst.) (QL); Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Pham, 2007 CAF 141; Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; Québec (Procureur général) c. Laroche, [2002] 3 R.C.S. 708; 2002 CSC 72; R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281; R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541; Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500; Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737; 2004 CSC 81; Blencoe c. Colombie‑ Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307; 2000 CSC 44; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927; Siemens c. Manitoba (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 6; 2003 CSC 3.
doctrine citée
Black’s Law Dictionary, 8e éd., St. Paul, Minn. : West Group, 2004, « forfeiture ».
APPEL de la décision de la Cour fédérale (2006 CF 50) rejetant l’action instituée par l’appelant en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes au motif qu’elle n’avait pas compétence pour réviser la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de confirmer la confiscation d’une somme d’argent saisie à l’appelant. Appel rejeté.
ont comparu :
Jérôme Choquette, c.r. et Jean‑Stéphane Kourie pour l’appelant.
Jacques Mimar pour l’intimé.
avocats inscrits au dossier :
Choquette, Beaupré, Rhéaume, Montréal, pour l’appelant.
Le sous‑procureur général du Canada pour l’intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
[1]La juge Desjardins, J.C.A. : Il s’agit d’un appel de la décision de la Cour fédérale (le juge Harrington, 2006 FC 50) rejetant l’action instituée par l’appelant, M. Tourki, en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 [art. 1 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 47)] (la Loi). Le juge Harrington a conclu entre autres que dans le contexte d’une action fondée sur l’article 30 [art. 30(2) (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 161)] de la Loi, la Cour fédérale n’a pas compétence pour réviser la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) de confirmer la confiscation d’une somme d’argent saisie aux termes de la Loi, la procédure appropriée étant la demande de contrôle judiciaire.
Les faits
[2]Le 5 juillet 2003, l’appelant est monté à bord d’un vol Montréal‑Paris. La société privée qui était responsable du point de contrôle de sécurité avait avisé les douanes que M. Tourki leur avait affirmé que sa serviette contenait 25 000 $ en espèces suite à la vente d’une automobile. Avant le départ de l’avion, deux agents ont prié M. Tourki de descendre. Une fouille de sa personne et de ses bagages a révélé une serviette de billets représentant une somme de 102 642,33 $CAN. Les billets furent saisis et confisqués par une agente de douanes. Le ministre confirma subséquemment la confiscation.
[3]L’appelant a institué une action fondée sur l’article 30 de la Loi. Il a contesté la décision du ministre selon laquelle l’appelant avait contrevenu à l’article 12 [mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 54] de la Loi, ainsi que la décision du ministre de confirmer la confiscation des billets. L’appelant a aussi contesté la validité des articles 12, 15 [mod., idem, art. 55], 16 [mod., idem, art. 56], 18 [mod., idem, art 134], 19 et 22 à 29 [art. 22 (mod., idem, art. 60), 25 (mod., idem, art. 61), 26 (mod. par L.C. 2005, ch. 38, art. 127), 27 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 62)] de la Loi prétendant que ceux‑ci sont incompatibles avec les articles 7, 8 et du paragraphe 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte).
[4]Le premier juge a rejeté l’action. Il a conclu que dans le contexte d’une action fondée sur l’article 30 de la Loi, la Cour fédérale n’a pas compétence pour réviser la décision du ministre de confirmer la confiscation des espèces. En plus, le premier juge fut d’avis que l’appelant avait contrevenu à l’article 12 de la Loi en omettant de déclarer aux douanes l’exportation d’une somme d’argent supérieure à 10 000 $. Il a conclu également que la Loi ne portait pas atteinte aux droits protégés par les articles 7, 8 et le paragraphe 11d) de la Charte.
Les dispositions législatives pertinentes
[5]Je reproduis d’abord les articles pertinents de la Loi [art. 3 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 50)] :
3. La présente loi a pour objet :
a) de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment :
(i) imposer des obligations de tenue de documents et d’identification des clients aux fournisseurs de services financiers et autres personnes ou entités qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou d’activités susceptibles d’être utilisées pour le recyclage des produits de la criminalité ou pour le financement des activités terroristes,
(ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets,
(iii) constituer un organisme chargé de l’examen de renseignements, notamment ceux portés à son attention en application du sous‑alinéa (ii);
b) de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en assurant la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant;
c) d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité, et la lutte contre les activités terroristes.
[. . .]
12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.
[. . .]
(3) Le déclarant est, selon le cas :
a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages les espèces ou effets se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle est arrivée au Canada ou a quitté le pays ou la personne qui, dans les circonstances réglementaires, est responsable du moyen de transport;
[. . .]
18. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.
(2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.
3) L’agent qui procède à la saisie‑confiscation prévue au paragraphe (1) :
a) donne au saisi, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés autrement que par courrier, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30;
b) donne à l’exportateur, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés par courrier et son adresse est connue, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30;
c) prend les mesures convenables, eu égard aux circonstances, pour aviser de la saisie toute personne dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle est recevable à présenter, à l’égard des espèces ou effets saisis, la requête visée à l’article 32.
[. . .]
19. L’agent peut requérir main‑forte pour se faire assister dans l’exercice des pouvoirs de fouille, de rétention ou de saisie que lui confère la présente partie. Toute personne ainsi requise est autorisée à exercer ces pouvoirs.
19.1 L’agent qui décide d’exercer les attributions conférées par le paragraphe 18(1) est tenu de consigner par écrit les motifs à l’appui de sa décision.
[. . .]
22. (1) En cas de confiscation aux termes du paragraphe 14(5) des espèces ou effets retenus, l’agent les remet au ministre des Travaux publics et des Services gouverne-mentaux.
(2) En cas de saisie d’espèces ou d’effets ou de paiement d’une pénalité réglementaire aux termes du paragraphe 18(2), l’agent les remet au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
23. Sous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces ou effets saisis en application du paragraphe 18(1) sont confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n’est assujettie à aucune autre formalité.
24. La confiscation d’espèces ou d’effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.
25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.
26. (1) Le président signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l’article 25 un avis exposant les circonstances de la saisie à l’origine de la demande.
(2) Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l’avis pour produire tous moyens de preuve à l’appui de ses prétentions.
27. (1) Dans les quatre‑vingt‑dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).
(2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle‑ci doit être prise dans les trente jours suivant l’issue des poursuites.
(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui.
28. Si le ministre décide qu’il n’y a pas eu de contravention au paragraphe 12(1), le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il est informé de la décision du ministre, restitue la valeur de la pénalité réglementaire, les espèces ou effets ou la valeur de ceux‑ci au moment de la saisie, selon le cas.
29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre, aux conditions qu’il fixe :
a) soit décide de restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux‑ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;
b) soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);
c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.
Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).
(2) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l’alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué.
30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l’article 25 peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.
(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s’appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), avec les adaptations nécessaires occasionnées par les règles propres à ces actions.
(3) Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en a été informé, prend les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour. [Je souligne.]
La norme de contrôle
[6]La compétence de la Cour fédérale selon l’article 30 de la Loi est une question d’interprétation de la Loi laquelle est révisable selon la norme de la décision correcte. La question de savoir si l’appelant a contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi est une question mixte de fait et de droit révisable selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235.
La compétence de la Cour fédérale selon l’article 30 de la Loi
[7]L’article 24 de la Loi contient la clause privative suivante :
24. La confiscation d’espèces ou d’effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.
[8]Cet article prévoit que la confiscation d’espèces saisies peut être révisée, par voie d’action, selon l’article 30 de la Loi. La version anglaise de l’article 24 est également très explicite à ce sujet.
[9]Le mot « confiscation » (forfeiture) s’entend légalement du [traduction] « retranchement d’un bien ou droit de propriété particulière sans indemnité » (a divestiture of specific property without compensation) (Black’s Law Dictionary, 8e éd. 2004, à la page 667). Cette définition fut retenue par la Cour suprême du Canada dans R. c. Ulybel Enterprises Ltd., [2001] 2 R.C.S. 867, au paragraphe 44, qui traitait du mot « confiscation » (forfeiture) aux termes du paragraphe 72(1) [mod. par L.C. 1991, ch. 1, art. 21] de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F‑14.
[10]L’article 30 de la Loi, pour sa part, stipule cependant :
30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l’article 25 peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.
(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s’appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), avec les adaptations nécessaires occasionnées par les règles propres à ces actions.
(3) Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en a été informé, prend les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour. [Je souligne.]
[11]Cet article permet à toute personne qui a présenté une demande en vertu de l’article 25 d’en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale à titre de demandeur dans les 90 jours « suivant la communication de la décision ». La Loi ne précise pas laquelle décision. Le paragraphe 30(1) se réfère cependant à une demande en vertu de l’article 25, lequel déclare :
25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie. [Je souligne.]
[12]L’article 25 se rapporte à la décision du ministre portant sur l’existence ou non d’une contravention au paragraphe 12(1) de la Loi. C’est donc de cette décision dont il est question au paragraphe 30(1). Cette décision du ministre est prise en vertu de l’article 27 de la Loi, qui stipule :
27. (1) Dans les quatre‑vingt‑dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).
(2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle‑ci doit être prise dans les trente jours suivant l’issue des poursuites.
(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui. [Je souligne.]
[13]Il ne fait aucun doute que le recours par voie d’action vise la décision du ministre prise en vertu de l’article 27.
[14]S’il décide qu’il y a contravention au paragraphe 12(1) de la Loi, le ministre doit ensuite, proprio motu, prendre une autre décision. L’article 29 prévoit en effet ce qui suit :
29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre, aux conditions qu’il fixe :
a) soit décide de restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux‑ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;
b) soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);
c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.
Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).
(2) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l’alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué. [Je souligne.]
[15]Cette seconde décision est‑elle aussi couverte par l’article 30?
[16]Dans Dokaj c. M.R.N., [2006] 2 R.C.F. 152 (C.F.), la juge Layden‑Stevenson a répondu à cette question par la négative. Elle affirme aux paragraphes 35 et 37 :
Les décisions rendues par le ministre en application des articles 27 et 29 sont des décisions distinctes. L’une a trait à la contravention, tandis que l’autre porte sur la pénalité et la confiscation. L’article 27 énonce que le ministre doit décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), c’est‑à‑dire à l’obligation de déclarer les espèces ou effets. Le libellé est non équivoque et ne laisse aucun doute quant à sa signification. L’article 29 prévoit que, dans le cas où le ministre détermine que la personne a négligé de faire la déclaration requise, le ministre doit décider si le montant de la pénalité imposée par l’agent des douanes en application du paragraphe 18(2) était approprié, à savoir la confiscation entière des espèces ou une pénalité allant de 250 à 5 000 $. Le ministre peut confirmer la décision de l’agent des douanes eu égard à la pénalité ou ordonner la restitution d’une partie plus ou moins importante de celle‑ci.
[. . .]
Le libellé des dispositions est clair. La Loi permet d’interjeter appel de la décision du ministre fondée sur l’article 25. Cet article vise uniquement une décision sur la question de savoir s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), qui énonce l’obligation de faire une déclaration. Il s’ensuit que les termes « une demande » et « la décision » employés à l’article 30 renvoient à la décision du ministre en application de l’article 27. À mon avis, il s’agit de la seule interprétation raisonnable. La compétence de la Cour fédérale en vertu de l’article 30 de la Loi est donc restreinte à la révision de la décision rendue en application de l’article 27 de la Loi. Cette décision vise à déterminer s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).
[17]Je partage cette opinion. La distinction qu’elle fait entre la décision en application de l’article 27 (la contravention ou la déclaration) et celle en application de l’article 29 (la pénalité et la confiscation) se fonde, comme elle l’a démontré, sur la jurisprudence entérinée par notre Cour concernant le processus de révision et d’appel des saisies que l’on retrouve dans la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, processus similaire à celui que l’on retrouve dans la Loi (voir Time Data Recorder International Ltd. c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 475 (C.A.) (QL), confirmant [1993] A.C.F. no 768 (1re inst.) (QL); Nerguizian c. M.R.N., [1996] A.C.F. no 866 (1re inst.) (QL); He c. Canada, [2000] A.C.F. no 93 (1re inst.) (QL).
[18]Il s’ensuit que toute contestation de la décision portant sur la pénalité et la confiscation ne peut se faire par voie d’action suivant l’article 30 de la Loi. Le recours approprié est celui de la demande de contrôle judiciaire selon l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)].
[19]L’intimé a porté à notre connaissance la Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l’impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence, L.C. 2006, ch. 12, dont les articles 14 et 16, entre autres, sont entrés en vigueur le 10 février 2007 (décret C.P. 2007‑142 (enregistrement TR/2007‑ 18)). Ces modifications n’ont aucun caractère rétroactif et ne sont pas pertinentes pour les fins de cet appel. Il n’appartient pas à la Cour, dans le contexte de cette affaire, de se prononcer sur l’effet des modifications pour l’avenir. Dans l’affaire Canada (Ministre de la Sécurité publique et la Protection civile) c. Pham, 2007 CAF 141, notre Cour y a apporté des commentaires (au paragraphe 23).
Le paragraphe 12(1) de la Loi
[20]L’appelant plaide qu’il n’a pas contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi. Il affirme, et l’agent de douane J. C. Prémont l’a reconnu à l’audience devant le premier juge, avoir signé une déclaration avant de quitter l’aéroport tôt le matin du 6 juillet 2003.
[21]Le premier juge a pris bonne note de cette affirmation. Il a néanmoins conclu que le formulaire signé par M. Tourki ne constituait pas une déclaration pouvant satisfaire à l’obligation que lui imposait le paragraphe 12(1) de la Loi. Il était trop tard pour ce faire puisqu’il était installé dans l’avion, au sol, lorsqu’il fut intercepté.
[22]Le premier juge n’a commis aucune erreur en décidant que le ministre avait raison de conclure que l’appelant avait contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi.
Lien entre la confiscation et la déclaration
[23]Un des objets de la Loi est d’établir « un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets » (sous‑alinéa 3a)(ii)). Comme l’a expliqué la juge Layden‑Stevenson au paragraphe 26 de ses motifs, cet objet est mis en œuvre à la partie 2 de la Loi qui établit un régime en vertu duquel les importateurs et les exportateurs doivent déclarer aux agents des douanes toute importation ou exportation de quantités importan-tes d’espèces ou d’effets à destination ou au départ du Canada. L’obligation de déclarer constitue la pierre angulaire du régime de surveillance des mouvements transfrontaliers.
[24]Il importe ainsi de noter que la révision de la décision du ministre, autant sur la contravention que sur la pénalité ou la confiscation, passe nécessairement par l’article 25 de la Loi. Il importe également de noter que le paragraphe 26(2), qui est relié à la demande suivant l’article 25, est le seul article de la Loi qui donne au saisi l’occasion de présenter sa preuve à la fois sur la question de la contravention et sur celle de la confiscation.
[25]Les articles 18 à 20 de la Loi se trouvent au titre « Saisie ». La Loi dispose que « [s]’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets » [je souligne] (paragraphe 18(1) de la Loi). « L’agent qui décide d’exercer les attributions conférées par le paragraphe 18(1) est tenu de consigner par écrit les motifs à l’appui de sa décision » (article 19.1 de la Loi). L’agent qui procède à la saisie‑confiscation prévue au paragraphe 18(1) de la Loi donne au saisi un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30 de la Loi (alinéa 18(3)a) de la Loi). « Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi [. . .] les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes » [je souligne] (paragraphe 18(2) de la Loi). L’agent qui a saisi les espèces ou effets en vertu de l’article 18 fait aussitôt un rapport au président de l’Agence des services frontaliers du Canada et au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada sur les circonstances de la saisie (article 20 [mod. par L.C. 2005, ch. 38, art. 127]).
[26]Au titre « Confiscation », l’article 23 de la Loi prévoit que, « [s]ous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces ou effets saisies en application du paragraphe 18(1) sont confisquées au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n’est assujettie à aucune formalité ».
[27]La Loi prévoit alors, au titre « Révision et appel », que la confiscation est définitive et n’est susceptible de révision que dans la mesure et selon les formalités prévues aux articles 25 à 30 de la Loi (article 24 de la Loi).
[28]La Loi prévoit ensuite que le saisi ou le « propriétaire légitime peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui a saisi ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie » (article 25). « Le président signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l’article 25 un avis exposant les circonstances de la saisie à l’origine de la demande » (paragraphe 26(1)). « Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l’avis pour produire tous les moyens de preuve à l’appui de ses prétentions » [je souligne] (paragraphe 26(2)). Le ministre, dans les 90 jours qui suivent, décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) (paragraphe 27(1)). Il dispose de plus de temps si des poursuites pénales ont été intentées (paragraphe 27(2)). À l’expiration des délais prévus par la Loi, le ministre, par écrit, « signifie sans délai à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui » (paragraphe 27(3)).
[29]Le ministre, s’il décide qu’il y a contravention au paragraphe 12(1) de la Loi, soit : a) « décide de restituer les espèces ou effets » (alinéa 29(1)a)); b) « soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2) » (alinéa 29(1)b)); c) « soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada » (alinéa 29(1)c)). La Loi n’oblige pas le ministre à motiver sa décision. Elle ne dit pas non plus sur quelle base il décide. Il est certain qu’il a cependant devant lui les motifs consignés par l’agent qui a exercé les attributions conférées par le paragraphe 18(1). Il a également la preuve que lui a présentée le saisi en application du paragraphe 26(2).
[30]La décision du ministre de confirmer la confiscation rend celle‑ci définitive sujet à la révision judiciaire tel que dit précédemment.
[31]En l’espèce, la décision du ministre sur l’article 27 et sur l’article 29 fut la suivante (D.A., vol. II, page 273) :
Décision
Après avoir étudié toutes les circonstances de l’affaire, j’en conclus qu’en vertu de l’article 27 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le motif d’infraction a valablement été retenu pour justifier la saisie des espèces.
En vertu de l’article 29 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, les espèces saisies sont retenues à titre de confiscation.
Motifs
Comme les espèces n’ont pas été dûment déclarées aux Douanes, elles ont été saisies à titre de confiscation. La confiscation des espèces sans conditions de mainlevées est en accord avec la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
La confiscation des effets en l’espèce
[32]L’appelant plaide que le premier juge a reconnu que les biens saisis n’étaient pas le produit de la criminalité.
[33]Le juge Harrington a en effet ajouté en obiter, au paragraphe 59 de ses motifs :
Cela dit, s’il advenait que j’aie tort et que la décision du ministre de confirmer la confiscation fasse également l’objet du présent appel, je suis d’avis, compte tenu de la preuve produite au procès, qu’il n’y a aucun motif raisonnable de soupçonner que la somme de 102 642,33 $ était, en tout ou en partie, des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel. En formulant cette opinion, je n’ai examiné ni le fardeau de la preuve, ni la valeur probante que doit avoir une telle preuve pour qu’on puisse dire que les soupçons sont fondés sur des motifs raisonnables.
[34]Vu la conclusion à laquelle il en arrivait, à savoir que la révision de la décision du ministre de confirmer la confiscation devait se faire par voie de contrôle judiciaire, le premier juge n’avait pas à s’interroger sur le « motif raisonnable de soupçonner que ». Ce rôle n’était pas le sien.
Les articles 7, 8 et l’alinéa 11d) de la Charte
[35]Devant le premier juge, l’appelant a contesté la validité constitutionnelle des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 22 à 29 de la Loi, et plus particulièrement : 1) l’obligation faite à une personne en vertu de l’article 12 de la Loi de déclarer des sommes ou devises qui ne sont pas des produits de la criminalité ou destinées au financement des activités terroristes; 2) le droit pour un agent de saisir et confisquer sur des simples soupçons des espèces qui ne constituent pas un produit de la criminalité ou qui ne doivent pas servir au financement d’activités terroristes; et 3) les pouvoirs d’ordonner la saisie et la confiscation de devises pour le seul défaut de déclarer, sur la base de simples soupçons, sans autre preuve de leur origine ou de leur destination illégale.
[36]Selon l’appelant, l’article 12 de la Loi crée une présomption selon laquelle les devises non déclarées dépassant une valeur de 10 000 $ sont des produits de la criminalité ou destinées au financement d’activités terroristes, permettant que celles‑ci fassent l’objet de saisie et confiscation. Cette présomption est inconstitu-tionnelle, ultra vires, nulle et non avenue, selon l’appelant, comme étant contraire à l’articles 8 et à l’alinéa 11d) de la Charte. Elle a pour effet d’opérer un renversement du fardeau de la preuve. De plus, il est inconcevable que le droit de confisquer puisse reposer sur de simples soupçons.
[37]Devant le premier juge, l’appelant a aussi soulevé l’article 7 de la Charte en se référant à R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada a reconnu l’existence d’un principe de justice fondamentale selon lequel les lois ne doivent pas être imprécises au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire. Devant nous, l’appelant soumet que la Loi crée une présomption qui a caractère abusif, excessif et illogique de par l’utili-sation des désignations « produits de la criminalité » et de « financement d’activités terroristes », expressions qui sont « trop vagues et trop générales ».
[38]L’article 8 de la Charte protège les expectatives raisonnables en matière de vie privée : Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. Il s’agit d’une disposition axée sur la protection de la vie privée de la personne et non d’une garantie constitutionnelle du droit de propriété : Québec (Procureur général) c. Laroche, [2002] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 52. Voir aussi R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, à la page 291.
[39]La Cour suprême du Canada, dans R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, a statué que les dispositions relatives aux fouilles et aux perquisitions de la Loi sur les douanes, dispositions qui permettaient la fouille d’un individu si l’agent des douanes a « raisonnablement lieu de supposer » que des articles prohibés sont cachés sur lui, ne portent pas atteinte à l’article 8 de la Charte. La Cour a expliqué, à la page 528 de ses motifs :
J’accepte la proposition de la poursuite que les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans la plupart des autres situations. En effet, les gens ne s’attendent pas à traverser les frontières internationales sans faire l’objet d’une vérification. Il est communément reconnu que les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les effets qui entrent dans leur territoire. On s’attend à ce que l’État joue ce rôle pour le bien‑être général de la nation. Or, s’il était incapable d’établir que tous ceux qui cherchent à traverser ses frontières ainsi que leurs effets peuvent légalement pénétrer dans son territoire, l’État ne pourrait pas remplir cette fonction éminemment importante. Conséquemment, les voyageurs qui cherchent à traverser des frontières internationales s’attendent parfaitement à faire l’objet d’un processus d’examen. Ce processus se caractérise par la production des pièces d’identité et des documents de voyage requis, et il implique une fouille qui commence par la déclaration de tous les effets apportés dans le pays concerné. L’examen des bagages et des personnes est un aspect accepté du processus de fouille lorsqu’il existe des motifs de soupçonner qu’une personne a fait une fausse déclaration et transporte avec elle des effets prohibés. [Je souligne.]
[40]La Cour suprême du Canada a de plus confirmé, dans R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, au paragraphe 37, que le raisonnement dans Simmons s’applique malgré des amendements portés à la Loi sur les douanes qui permettent la fouille sur la base de motifs raisonnables de soupçonner.
[41]Les dispositions de la Loi en question ne portent donc pas atteinte à l’article 8 de la Charte. Le premier juge n’a fait aucune erreur en constatant que [au paragraphe 55] « [l]’examen des bagages et des personnes est un aspect accepté du processus de fouille lorsqu’il existe des motifs de soupçonner qu’une personne a fait une fausse déclaration ou transporte avec elle des effets prohibés » et en concluant que les dispositions en cause ne sont pas déraisonnables.
[42]Par ailleurs, la présomption d’innocence protégée par l’alinéa 11d) de la Charte ne s’applique qu’à un inculpé, c’est‑à‑dire, un individu qui fait face à des accusations criminelles, quasi‑criminelles ou de nature réglementaire : voir, par exemple, R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541, à la page 554; Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500.
[43]L’appelant n’est pas un inculpé. Il n’est accusé d’aucune infraction criminelle, quasi‑criminelle ou de nature réglementaire. Que sa conduite puisse entraîner des poursuites criminelles ne permet pas pour autant de qualifier de recours pénal le mécanisme de confiscation prévu par la Loi. Le critère approprié est celui de la nature des procédures et non celui de la nature de l’acte : Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737, au paragraphe 31. Le processus relatif à la saisie et la confiscation mis en place par la Loi est un mécanisme de recouvrement civil qui ne vise pas à punir l’individu : voir Martineau, aux paragraphes 22 et 23; Wigglesworth, à la page 560.
[44]L’alinéa 11d) de la Charte n’est donc pas engagé. Le premier juge n’a commis aucune erreur en décrivant la confiscation prévue à la Loi comme étant un mécanisme civil qui vise un objet et non une personne et en concluant que cette disposition n’a aucune application puisqu’aucune accusation n’a été portée contre M. Tourki.
[45]L’article 7 n’est pas engagé non plus. Avant même que l’on puisse se demander si les droits garantis par l’article 7 ont fait l’objet d’une atteinte non conforme aux principes de justice fondamentale, il faut d’abord démontrer qu’il y a eu atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne : Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 47.
[46]L’obligation de déclarer qu’impose la Loi et le mécanisme de saisie et de confiscation qu’elle prévoit n’engagent pas le droit à la vie, liberté et sécurité de la personne. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques ou des droits de propriété : Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, aux pages 1003 et 1004; Siemens c. Manitoba (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 6, au paragraphe 45.
[47]Le premier juge, au paragraphe 56 de ses motifs, a conclu que « la Loi [. . .] est tout à fait claire. Si le voyageur ne fait pas de déclaration, l’agent des douanes peut confisquer ce qui aurait dû être déclaré. C’est aussi simple que cela ». Il n’était pas nécessaire d’examiner l’argument de l’appelant basé sur l’imprécision de la Loi puisque la situation de l’appelant n’engage pas l’article 7.
Conclusion
[48]Je rejetterais l’appel avec dépens.
Le juge Noël, J.C.A. : Je suis d’accord.
Le juge Pelletier, J.C.A. : Je suis d’accord.