T‑2176‑95
2007 CF 826
Le procureur général du Québec (demandeur)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
Répertorié : Québec (Procureur général) c. Canada (C.F.)
Cour fédérale, juge Lemieux—Montréal, 6, 7, 8, 9, 13, 14, 15, 16 et 17 décembre 2004, 5, 6 et 7 janvier, 18 avril, 24 mai, 22 juillet, 3, 4 et 5 octobre, 19, 20, 21 et 22 décembre 2005; Ottawa, 10 août 2007.
Droit administratif — Appels prévus par la loi — Action intentée en vertu de l’art. 19 de la Loi sur la Cour fédérale pour contester le rejet, par le ministre des Finances du Canada, de la demande de paiement de stabilisation des revenus du demandeur pour l’exercice 1991‑1992 — La demande a été rejetée par suite de corrections apportées au revenu sujet à stabilisation — Le demandeur a demandé des déclarations quant à la façon dont le ministre doit considérer diverses sources de revenu — Les paiements de stabilisation des revenus sont offerts par l’entremise du Programme de stabilisation des revenus prévu par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé et le Règlement de 1987 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces — Un paiement est versé à une province si son revenu sujet à stabilisation a diminué comparativement à l’année fiscale précédente dans la mesure où la baisse n’est pas attribuable à des changements dans les taux ou la structure des impôts de la province ou un autre mécanisme de prélèvement — Les déclarations suivantes ont été émises : la modification apportée à la législation pour que la taxe sur les produits et services soit comprise dans l’assiette de la taxe de vente du Québec constitue un changement à la structure fiscale de la province; les augmentations de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec et de la Société des loteries et courses du Québec sont des augmentations au sens de la Loi et du Règlement; la baisse des revenus qui résulte de l’entrée en vigueur du nouveau protocole Canada‑Québec de réciprocité fiscale ne constitue pas un changement fait par le demandeur dans la structure des mécanismes de prélèvement — Le ministre doit tenir compte de ces déclarations dans le calcul de la demande du demandeur — Le demandeur n’a pas droit à la prise en compte, par le ministre, de la baisse des revenus d’intérêts cotisés sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et des corporations et de la baisse des revenus de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires.
Interprétation des lois — Une action intentée en vertu de l’art. 19 de la Loi sur la Cour fédérale, qui confère à la Cour fédérale une compétence sur les contestations entre le Canada et une province; prend la forme d’un procès de novo plutôt que d’un contrôle judiciaire — Les contestations en l’espèce avaient trait aux corrections apportées à la demande de paiement de stabilisation des revenus du demandeur en application de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé (la Loi) et du Règlement de 1987 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces (le Règlement) — Interprétation des termes « changement » et « structure » qui se trouvent à l’art. 6 de la Loi et à l’art. 12(1)b) du Règlement – La modification apportée à la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail pour que la taxe de vente du Québec s’applique à la taxe sur les produits et services constitue un changement à la structure de l’un des mécanismes de prélèvement du Québec — Il n’y a aucune ambiguïté à l’art. 5(1)ee)(vii) du Règlement — L’assiette de revenus provinciaux divers comprend les revenus d’intérêts provenant de toutes taxes — Pour l’application du Programme de stabilisation des revenus, les impôts cotisés ne couvrent pas les intérêts sur ces impôts — De plus, l’art. 5(1)ee)(vi) du Règlement précise clairement que « les revenus classés par Statistique Canada comme revenus provenant de la vente de biens et services par une institution » doivent être considérés comme des revenus provinciaux divers.
Il s’agissait d’une action intentée (en vertu de l’article 19 de ce qui était alors la Loi sur la Cour fédérale) par le procureur général du Québec (le Québec) pour contester le rejet, en 1994, par le ministre des Finances du Canada (le ministre), de sa demande de paiement de stabilisation de ses revenus pour l’exercice 1991‑1992 (la demande). La demande a été rejetée au motif que le Québec était inadmissible au Programme de stabilisation des revenus (le programme) prévu par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé (la Loi) et le Règlement sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces (le Règlement).
Selon le programme, une province peut recevoir un paiement monétaire du gouvernement fédéral si son revenu sujet à stabilisation d’une année fiscale (l’année de référence) a diminué comparativement à l’année fiscale précédente. Cependant, suivant l’alinéa 12(1)b) du Règlement, la baisse ne doit pas être attribuable à des changements dans les taux ou la structure des impôts de la province ou un autre mécanisme de prélèvement. Le « revenu sujet à stabilisation », qui est défini au paragraphe 6(2) de la Loi, est donc ajusté conformément à l’alinéa 6(1)b) pour annuler l’impact de ces changements.
L’inadmissibilité du Québec était attribuable à certains ajustements apportés par le ministre à la demande du Québec, ajustements à la suite desquels le revenu du Québec sujet à stabilisation pour l’exercice 1991‑1992 était plus élevé que celui de l’exercice 1990‑1991. Plus particulièrement, le ministre a refusé de reconnaître les soustractions du Québec provenant de six sources de revenus réels sujets à stabilisation de la province au motif que le revenu réel avait changé en raison des efforts du Québec. Les sources en cause étaient : 1) les revenus provenant de l’application de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur la taxe sur les produits et services (TPS); 2) l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (SAQ); 3) l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des loteries et courses du Québec (Loto‑Québec); 4) l’annulation de l’accord Canada‑ Québec sur la réciprocité fiscale de 1987 et l’entrée en vigueur du protocole Canada‑Québec de réciprocité fiscale; 5) les revenus d’intérêts sur les impôts sur le revenu des particuliers et des corporations; et 6) les revenus de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (SOQUIA). Le Québec a soutenu que les ajustements apportés par le ministre sont le résultat d’une mauvaise interprétation et application des paragraphes 6(1) de la Loi (qui établit la méthode de calcul des paiements de stabilisation) et 12(1) du Règlement (qui prescrit la méthode de correction des revenus de l’année de référence). Il a demandé des déclarations quant à la façon dont les six sources de revenu susmentionnées doivent être considérées en vertu de la Loi et du Règlement, et que le ministre reconsidère la demande du Québec en tenant compte de ces conclusions.
Les points en litige ont été énoncés, par consentement, dans une ordonnance du juge Hugessen en date du 5 septembre 2001. Ils avaient trait aux conclusions du ministre relativement aux six sources de revenu susmentionnées. La solution aux questions soulevées dépendait grandement de l’interprétation de certains mots‑clés qui paraissent à l’article 6 de la Loi et à l’article 12 du Règlement, notamment la phrase « résultant de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux, soit des autres mécanismes de prélèvement sur le revenu de la province », ainsi que de l’expression « revenus et impôts provinciaux divers », qui se trouve dans la définition de « source de revenu ».
Jugement : les déclarations recherchées doivent être émises en partie.
Il ressort d’une étude de l’évolution historique de l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, qui confère à la Cour fédérale une compétence sur les contestations entre le Canada et une province, que la nature de cette compétence prend la forme d’un procès de novo plutôt que d’un contrôle judiciaire. Les six déterminations du ministre devaient être revues sur la base de la preuve admise au procès sans contrainte associée aux normes de contrôle applicables aux recours en contrôle judiciaire et sans contrainte associée à la règle de l’irrecevabilité de la preuve qui n’était pas devant le décideur. De nouveaux éléments de preuve pouvaient être produits dans la mesure où ils existaient avant la décision du ministre.
Avant l’entrée en vigueur de la TPS, la TVQ taxait l’ancienne taxe de vente fédérale (la TVF) parce que celle‑ci, une taxe indirecte, était cachée dans le prix de vente au détail payé par le consommateur. La TPS, elle, est une taxe directe qui est imposée sur le prix d’achat au détail. Pour s’assurer que la TVQ s’appliquait au prix d’achat et à la TPS, le Québec a modifié la définition de « prix de vente » de sa Loi concernant l’impôt sur la vente au détail (LIVD) pour spécifiquement faire mention de la TPS afin que celle‑ci soit comprise dans l’assiette de la TVQ. Le ministre a déclaré que ce changement ne constituait pas un changement apporté par le Québec à sa structure fiscale au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi et du sous‑alinéa 12(1)b)(i) du Règlement (l’introduction, entre autres, d’une nouvelle taxe).
En appliquant les principes d’interprétation des lois énoncés dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re) à la Loi et au Règlement, notamment aux termes « changement » et « structure » qui se trouvent à l’alinéa 12(1)b) du Règlement, en suivant leur sens ordinaire et grammatical, la modification de la LIVD pour permettre l’application de la TVQ sur la TPS représentait un changement dans la structure de l’un des modes de prélèvement du Québec. Le Québec avait donc droit à la déclaration recherchée, soit que la modification de la LIVD constitue un changement à la structure fiscale du Québec dont le ministre doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du Québec.
Devant l’annonce de l’abolition de la TVF et de l’entrée en vigueur de la TPS, la SAQ a révisé à la hausse sa structure de majoration afin de maintenir ses bénéfices et le niveau de dividende à son actionnaire, le ministre des Finances du Québec. Par conséquent, le Québec a apporté une correction aux revenus réels de 1991‑1992 provenant des produits vendus par la SAQ pour refléter l’impact financier découlant de l’augmentation de la marge de bénéfice. Cependant, le ministre a conclu que la preuve apportée par le Québec ne faisait état d’aucune augmentation de la marge de bénéfice de la SAQ au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi et du sous‑alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement.
Le Canada a soutenu que le Québec devait démontrer que la province avait, avant l’année de la demande, légiféré une augmentation de la marge de bénéfice de la SAQ. Selon le Canada, la formule utilisée par le Québec pour établir cette hausse a donné lieu à un taux ex post facto qui n’était pas valable pour démontrer une augmentation légiférée par la SAQ afin d’augmenter sa marge de bénéfice.
La preuve soumise par le Québec démontrait que la SAQ avait adopté une nouvelle structure de majoration avant l’entrée en vigueur de la TPS. Par conséquent, le Québec avait droit à une déclaration précisant que l’augmentation de la marge bénéficiaire de la SAQ pour l’exercice 1991‑1992 constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi et du sous‑alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement dont le ministre doit tenir compte dans son calcul de la demande du Québec.
Le Québec a inclus les revenus de loteries dans sa demande, mais y a apporté une correction pour l’exercice 1991‑1992, soustrayant la somme qu’il a déterminé être l’impact de l’augmentation de la marge de bénéfice sur les loteries vendues au public par Loto‑Québec. Le ministre n’a pas tenu compte de cette correction. Il a conclu que l’augmentation du taux de la marge de bénéfice ne correspondait pas à une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi et du sous‑alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement.
De nouveaux éléments de preuve ont été produits pour démontrer que pour chaque loterie identifiée il y avait une volonté a priori du conseil d’administration de Loto‑Québec d’augmenter la marge de bénéfice sur chaque produit avant que ce produit ne soit vendu au public. Les conclusions qui s’appliquaient à la SAQ s’appliquaient aussi à Loto‑Québec. Le Québec avait droit à une déclaration précisant que l’augmentation de la marge bénéficiaire de Loto‑Québec constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi et du sous‑alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement dont le ministre doit tenir compte dans son calcul de la demande du Québec.
Dans sa demande, le Québec a voulu tenir compte de la baisse de ses revenus provenant de la TVQ résultant de la résiliation de l’accord de réciprocité fiscale Canada‑Québec de 1987 (l’accord de 1987), qui a été remplacé par un protocole d’accord de réciprocité fiscale en décembre 1990 (l’accord de 1990). Selon l’accord de 1987, le Canada s’engageait à remettre au gouvernement du Québec la TVQ sur les achats effectués par ses ministères et sociétés d’État désignées. En contrepartie, le Québec s’engageait à remettre au Canada la TVF provenant de ses achats et ceux de ses sociétés d’État désignées. Le ministre a refusé de reconnaître l’ajustement apporté par le Québec au motif que la révocation de l’accord de 1987 était le résultat d’un changement fait par le Québec au sens de la Loi et du Règlement.
Un accord de réciprocité fiscale n’est pas un mécanisme de prélèvement au sens de l’article 12 du Règlement parce qu’il ne peut pas être mis en application unilatéralement ou indépendamment de la volonté du Canada. En outre, les revenus provenant des accords fiscaux ne sont pas exclus du revenu sujet à stabilisation à l’alinéa 6(1)b) de la Loi, et la source des revenus provenant de l’accord de 1987 est celle de la taxe de vente visée par l’alinéa d) de la définition de « source de revenu » au paragraphe 4(2) de la Loi. Le Québec avait droit à une déclaration précisant que la baisse des revenus provenant de la taxe sur les ventes au détail qui résulte de l’entrée en vigueur de l’accord de réciprocité fiscale de 1990 ne constitue pas un changement fait par le Québec dans la structure de mécanismes de prélèvement de la province au sens des alinéas 6(1)b) de la Loi et 12(1)a) du Règlement et doit être pris en compte par le ministre dans le calcul du revenu sujet à stabilisation du Québec.
Dans sa demande, le Québec a inclus la baisse des revenus d’intérêts cotisés sur les impôts cotisés des particuliers et des corporations dans son calcul des revenus sujets à stabilisation. Le ministre a refusé de tenir compte de cette baisse au motif qu’il s’agissait de revenus divers exclus du calcul du revenu sujet à stabilisation.
Il n’y a aucune ambiguïté dans le Règlement. L’intention du législateur était d’inclure dans l’assiette de revenus provinciaux divers les revenus d’intérêts provenant de toutes taxes. Les notions d’impôts cotisés et d’intérêts cotisés sont distinctes, menant à la conclusion que pour les fins du programme les impôts cotisés ne couvrent pas les intérêts sur ces impôts. Le Québec n’avait pas droit à une déclaration précisant que la baisse des revenus d’intérêts perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des corporations doit être prise en compte par le ministre dans le calcul du revenu sujet à stabilisation du Québec.
Le Québec a inclus dans sa demande la baisse du dividende reçu de la SOQUIA en 1991‑1992. Le ministre n’a pas tenu compte de cette baisse parce qu’il a déterminé que les bénéfices de la SOQUIA étaient classés par Statistique Canada comme des « revenus provinciaux divers » et étaient donc spécifiquement exclus du revenu sujet à stabilisation.
Le but de l’article 5 du Règlement est de définir ou d’étoffer la notion de « revenus et impôts provinciaux divers ». Au sous‑alinéa 5(1)ee)(vi) du Règlement, le législateur s’est clairement exprimé à l’effet que « les revenus classés par Statistique Canada comme revenus provenant de la vente de services par une institution » doivent être considérés comme des revenus provinciaux divers. Tel était le cas de la SOQUIA en 1994 lors de l’étude de la demande du Québec. En conséquence, le Québec n’avait pas droit à une déclaration précisant que les revenus de la SOQUIA sont des revenus d’une entreprise commerciale au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi et du sous‑alinéa 5(1)b)(ii) du Règlement dont le ministre doit tenir compte dans son calcul du revenu sujet à stabilisation du Québec.
lois et règlements cités
Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, 30 octobre 1947, [1948] R.T. Can. no 31.
Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, S.C. 1875, ch. 11, art. 54.
Acte des cours Suprême et de l’Échiquier, S.R.C. 1886, ch. 135, art. 72.
Loi concernant la Cour suprême du Canada et la Cour de l’échiquier du Canada, S.Q. 1906, ch. 6, art. 1, 2, 3.
Loi concernant l’impôt sur la vente en détail, L.R.Q., ch. I‑1, art. 2(7) « prix de vente » (mod. par L.Q. 1990, ch. 60, art. 1).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.‑U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 125.
Loi de la cour de l’Échiquier, S.R.C. 1906, ch. 140, art. 32.
Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente en détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal, L.Q. 1990, ch. 60.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 17 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 3), 18 (mod., idem, art. 26), 19, 28 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e supp.), ch. 10, art. 19.
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑5, art. 37, 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, art. 5(F)).
Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E‑15.
Loi sur les arrangements entre le Canada et les provinces relativement au partage d’impôts, S.C. 1956, ch. 29.
Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, L.R.C. (1985), ch. F‑8, art. 1 (mod. par L.C. 1995, ch. 17, art. 45).
Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé, L.R.C. (1985), ch. F‑8, art. 4(2) « source de revenu », 5, 6 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 11, art. 5).
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 19 (mod., idem, art. 28).
Loi sur les impôts, L.R.Q., ch. I‑3, art. 1039.
Loi sur les normes d’emploi, L.R.O. 1980, ch. 137, art. 40 (mod. par L.O. 1987, ch. 30, art. 4), 40a(1a) (édicté par L.O. 1981, ch. 22, art. 2; 1987, ch. 30, art. 5).
Règlement de 1987 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, DORS/87‑240, art. 5(1) (mod. par DORS/91‑147, art. 1), (2), 12(1), 13(1), 17.
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98‑106.
jurisprudence citée
décision appliquée :
Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27.
décisions examinées :
Attorney‑General of Ontario v. Attorney‑General of Canada (1907), 39 R.C.S. 14; Ontario, Province of v. Dominion of Canada (1909), 42 R.C.S. 1; Canada (Dominion of) v. Ontario (Province of), [1910] A.C. 637 (P.C.); R. (Canada) c. R. (Î.‑P.‑É.), [1978] 1 C.F. 533 (C.A.); inf. [1976] 2 C.F. 712 (1re inst.).
doctrine citée
Black’s Law Dictionary, 8e éd. St. Paul, Minn.: West, 2004, « change ».
Le Nouveau Petit Robert : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paris : Dictionnaires Le Robert, 1993, « changement », « structure ».
Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle. Paris : Édition du Centre national de la recherche scientifique, 1986, « changement », « structure ».
ACTION intentée en vertu de l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale pour contester le rejet de la demande de paiement de stabilisation des revenus du demandeur en vertu de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseigne-ment postsecondaire et de santé et le Règlement de 1987 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, et demander certaines déclarations ayant trait à cette demande. Déclarations accordées en partie.
ont comparu :
Réal A. Forest, Dominique Gibbens, Stéphanie Lavallée et Bertrand Roy pour le demandeur.
Raynold Langlois, Chantal Chatelain et Delbie Desharnais pour la défenderesse.
avocats inscrits au dossier :
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal, pour le demandeur.
Langlois Kronström Desjardins, Montréal, pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement et le jugement rendus en français par
Le juge Lemieux :
1. Introduction
[1]En vertu des dispositions de l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7], le procureur général du Québec (le Québec), au moyen d’une action intentée le 17 octobre 1995 contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada (le Canada), conteste la décision du 29 novembre 1994 (la décision) du ministre des Finances du Canada (le ministre), refusant la demande du Québec en date du 28 septembre 1993 d’un paiement de stabilisation de ses revenus pour l’exercice financier 1991‑1992. Dans cette décision, le ministre a déterminé que le Québec était inadmissible au Programme de stabilisation des revenus (le Programme) [ou Programme de stabilisation], prévu par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé, L.R.C. (1985), ch. F‑8 (la Loi) ainsi que par son Règlement d’application, le Règlement de 1987 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, DORS/87‑240 (le Règlement), tels que modifiés et en vigueur durant l’exercice financier 1991‑1992.
[2]Selon le Canada, cette inadmissibilité au Programme est due à certains ajustements apportés par le ministre à la demande du Québec, ajustements à la suite desquels le revenu du Québec sujet à stabilisation pour l’exercice financier 1991‑1992, selon celui‑ci, était plus élevé que celui de l’exercice financier 1990‑91.
[3]En 1994, l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale [maintenant la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)] se lisait :
19. Lorsque l’assemblée législative d’une province a adopté une loi reconnaissant sa fcompétenhce en l’espèce, qu’elle y soit désignée sous son nouvgeau nom ou celui de Cour de L’échiquier du Canada, la Cour fédérale est saisie des cas de litige :
a) entre le Canada et cette province;
b) entre cette province et une ou plusieurs autres provinces ayant adopté une loi semblable.
C’est la Section de première instance qui connaît de ces affaires. [Je souligne.]
[4]Il convient de mentionner que le présent recours ne vise que six sources ou catégories de revenu provincial et les ajustements apportés par le ministre, refusant les corrections du Québec à leurs revenus réels pour l’exercice financier de 1991‑1992, provenant des sources qui suivent :
· Ventes au détail—revenus provenant de l’application de la Taxe de vente québécoise (TVQ) sur la Taxe sur les produits et services (TPS) en vigueur le 1er janvier 1991. Ajustement fédéral + 168 248 000 $;
· Boissons alcooliques—l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (SAQ). Ajustement fédéral : + 105 390 000 $;
· Loteries—l’augmentation de la marge bénéficiaire de Loto‑Québec [Société des loteries et courses du Québec]. Ajustement fédéral : + 11 927 637 $;
· Ventes au détail—l’annulation de l’accord Canada‑Québec sur la réciprocité fiscale de 1987 et l’entrée en vigueur le 1er janvier 1991 du protocole Canada‑Québec. Ajustement fédéral : + 36 456 000 $;
· Impôts du Québec sur les particuliers et les corporations—revenus d’intérêt sur les impôts québécois cotisés. Ajustement fédéral : + 20 429 000 $;
· Revenus d’entreprises publiques—la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (SOQUIA). Ajustement fédéral : + 3 000 000 $.
[5]Le Québec prétend que les ajustements apportés par le ministre sujet à stabilisation pour l’année fiscale 1991‑1992, provenant de ces six sources, sont le résultat d’une mauvaise interprétation et application des paragraphes 6(1) [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 11, art. 5] de la Loi et 12(1) du Règlement et qu’ils sont à l’effet de priver le Québec d’un paiement de stabilisation s’élevant à 126 000 749 $.
[6]Le Québec ne conteste ni les données de base ni les calculs effectués par les fonctionnaires du ministre des Finances à Ottawa. Dans le cadre du présent recours, il demande plutôt à cette Cour d’émettre certaines déclarations relativement aux six éléments en litige. Plus précisément, le Québec requiert de cette Cour qu’elle déclare de quelles façons ces six éléments doivent être considérés aux termes de la Loi et du Règlement, et que le ministre doit reconsidérer la demande du Québec en tenant compte des conclusions de cette Cour quant à ces éléments. Autrement dit, le Québec demande donc à la Cour de se limiter à émettre des déclarations sur des points de droit et de retourner la détermination du quantum de la réclamation au ministre pour qu’il reconsidère le dossier à la lumière des directives formulées par la Cour.
[7]L’approche du Québec a beaucoup de mérite. Comme nous le verrons, la Loi et le Règlement exigent que les revenus réels de la province pour 1991-1992, provenant d’une source de revenus sujets à stabilisation, soient corrigés, à la hausse ou à la baisse, afin d’annuler l’impact financier de chaque changement fait par la province à ses taux ou à sa structure fiscale.
[8]Isoler l’impact financier d’un changement fait par la province à ses taux ou mécanismes de prélèvement est un exercice d’une certaine complexité basé sur des projections de ce que les revenus réels auraient été sans le changement. Les déclarations recherchées par le Québec respectent la compétence du ministre dans ce domaine, la Cour n’ayant reçu aucune preuve sur l’impact financier de chaque déclaration recherchée.
[9]En d’autres mots, le Québec ne demande pas à cette Cour de statuer sur le montant financier auquel le Québec aurait droit relativement à chacun des six éléments contestés.
[10]Les déclarations recherchées sont les suivantes :
DÉCLARE QUE la modification législative effectuée par le Québec par l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal, L.Q., 1990, c. 60, aux fins de permettre l’application de la TVQ sur la TPS, constitue un changement apporté par le Québec à sa structure fiscale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(i) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
DÉCLARE QUE l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (SAQ) pour l’exercice 1991‑1992, constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
DÉCLARE QUE la baisse des revenus provenant de la taxe sur les ventes au détail pour l’exercice 1991‑1992 qui résulte de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1991, du Protocole d’accord de réciprocité fiscale intervenu entre le Canada et le Québec le 21 décembre 1990, ne constitue pas un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)a) du Règlement de 1987, [et] doit être prise en compte par le ministre des Finances du Canada dans le calcul du revenu soumis à stabilisation pour cet exercice;
DÉCLARE QUE la baisse des revenus d’intérêt perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des corporations, qui sont une source de revenu au sens des alinéas a) et b) de l’article 4(2) de la Loi sur les arrangements fiscaux et ne sont par visés par la définition de « revenus divers » prévue par l’article 4(2)ff) de la Loi sur les arrangements fiscaux et par l’article 5(1)ee)[vii] [sic] du Règlement de 1987, doit être prise en compte par le ministre des Finances du Canada dans le calcul du revenu sujet à stabilisation pour l’exercice 1991‑1992;
DÉCLARE QUE l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des loteries et courses du Québec (Loto-Québec) (SAQ) pour l’exercice 1991‑1992, constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b) (viii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
DÉCLARE QUE les revenus de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (SOQUIA) sont des revenus d’une entreprise commerciale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 5(1)b)(ii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances doit tenir compte dans son calcul du revenu soumis à stabilisation pour l’exercice 1991‑1992;
DÉCLARE QUE le ministre des Finances du Canada doit considérer la demande d’un paiement de stabilisation du gouvernement du Québec en tenant compte des conclusions de cette Cour sur les questions soumises;
LE TOUT AVEC DÉPENS. [Je souligne.]
[11]Le Canada quant à lui soutient que les déterminations du ministre à l’égard des six éléments de la demande étaient justifiées et qu’elles ne sont pas révisables par cette Cour. Qui plus est, le Canada prétend que, même si le Québec avait gain de cause quant aux éléments en litige, « l’impact financier » des déterminations, rajustements et corrections effectués par le ministre des Finances du Canada n’aurait pas l’effet allégué par le Québec sur le montant du paiement de stabilisation. En effet, le Canada soumet que, si le Québec obtient gain de cause à la suite de ce recours, les montants allégués par celui‑ci ne représentent pas le véritable impact financier de l’augmentation de la marge de bénéfice de la SAQ, par exemple, ou de l’inclusion des revenus d’intérêts cotisés par le Québec sur le revenu des particuliers et des sociétés. Le ministre, dans un tel cas, devrait retourner à sa planche à dessin et calculer le montant des corrections requises.
2. Le Programme de stabilisation des revenus
[12]En 1956, le Parlement fédéral a adopté la Loi sur les arrangements entre le Canada et les provinces relativement au partage d’impôts [S.C. 1956, ch. 29]. Cette Loi prévoyait que le Ministre pouvait verser à une province, à partir du 1er avril 1957 et jusqu’au 31 mars 1962, un paiement de péréquation, un paiement de location des domaines fiscaux et un paiement de stabilisation n’excédant pas le plafond inséré dans la Loi. Le Programme de stabilisation des revenus a été renouvelé tous les cinq ans de 1962 à 1982 par le Parlement fédéral à la suite de négociations fédérales‑provinciales sur les arrangements fiscaux. En 1982, le Parlement fédéral a éliminé la date d’échéance du Programme.
[13]Le Programme de stabilisation a mis en place un mécanisme suivant lequel une province reçoit un paiement monétaire du gouvernement fédéral pour compenser une baisse de son revenu sujet à stabilisation d’une année fiscale, en l’occurrence 1991‑1992 (l’année de référence), comparé à celui de l’année fiscale précédente (en l’occurrence 1990‑1991), dans la mesure où la baisse de revenus provinciaux durant l’année de référence n’est pas attribuable à des changements dans les taux ou la structure de ses propres impôts ou autre mécanisme de prélèvement provincial. Autrement dit, le Programme de stabilisation n’entend pas compenser les provinces pour les variations de revenus résultant de leur propre démarche. Une province ne saurait donc faire en sorte de diminuer son revenu, pour ensuite demander un paiement de stabilisation du fédéral au terme du Programme pour compenser cette diminution. À l’inverse, une province ne saurait être pénalisée si elle pose des gestes ayant pour effet d’augmenter son revenu sujet à stabilisation ou d’en éviter une baisse. La Loi et le Règlement prévoient donc des ajustements qui visent à permettre au ministre de comparer les recettes d’une province d’une année à l’autre à structure fiscale constante.
[14]Le Canada, dans son mémoire, caractérise la nature des paiements de stabilisation comme découlant « d’une initiative fédérale ayant pour but de dédommager les provinces dont les recettes chutent d’une année à l’autre en raison de la conjoncture économique ». Essentiellement, aux termes du Programme, une province est admissible à un paiement de stabilisation lorsque son « revenu sujet à stabilisation » pour l’année de référence (1991‑1992)—corrigé conformément au mécanisme d’ajustement prévu par la Loi et le Règlement—est inférieur à celui de l’année précédente (1990‑1991).
[15]Pour déterminer si une province est admissible à un paiement de stabilisation de ses revenus, le ministre doit :
1. Premièrement, déterminer quel a été le « revenu sujet à stabilisation » de la province durant l’année de référence et l’année précédente;
2. Ensuite, corriger le revenu sujet à stabilisation de l’année de référence de manière à annuler les effets des changements faits par la province à ses taux ou à sa structure fiscale; et
3. Enfin, comparer le revenu corrigé de la province pour l’année de référence à celui de l’année précédente, pour déterminer si la province a subi une baisse ou une augmentation de ce revenu corrigé.
[16]La notion du « revenu sujet à stabilisation » est définie au paragraphe 6(2) [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 11, art. 5] de la Loi. Le Canada et le Québec conviennent qu’il s’agit de l’ensemble des revenus qu’une province retire de la quasi‑totalité des « source[s] de revenu » énumérées au paragraphe 4(2) de la Loi et plus amplement définies aux paragraphes 5(1) [mod. par DORS/91-147, art, 1] et (2) du Règlement. Ainsi, le revenu sujet à stabilisation inclut presque toutes les recettes d’une province, soit les taxes, les impôts, les dividendes des sociétés d’État, certains droits et permis ainsi que les revenus de transfert fédéraux, etc.
[17]Pour déterminer si une province a subi une baisse de son « revenu sujet à stabilisation » durant l’année de référence par rapport à l’année précédente, le ministre doit, conformément à l’alinéa 6(1)b) de la Loi, « corriger » le revenu sujet à stabilisation de la province pour l’année de référence de manière à compenser les effets, tant de la baisse que de l’augmentation de revenus résultant « des changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement ». Cette correction du ministre est apportée en analysant et en ajustant, soit à la hausse ou à la baisse, les revenus réels de la province durant l’année de référence provenant de chacune des sources de revenu sujet à stabilisation.
[18]À la connaissance de la Cour, il n’existe seulement qu’une décision interprétant les dispositions sur les paiements de stabilisation de la Loi suite à un arbitrage entre le Canada et l’Alberta présidé par l’ancien juge de la Cour Suprême du Canada, l’honorable William McIntyre, appuyé de deux avocats de grande renommée, MM. John F. Howard et Harold H. MacKay. La question en litige était de savoir si un crédit consenti par l’Alberta à certaines compagnies pétrolières devait être classé sous la source de revenu « impôt sur les sociétés » ou une source de revenu liée à une ressource non‑renouvelable.
[19]De ce jugement arbitral, je déduis les principes suivants :
1. Un paiement de stabilisation est fait à une province si celle‑ci éprouve un déclin dans ses revenus éligibles d’une année à l’autre.
2. Le Programme de stabilisation n’envisage aucun paiement si le déclin dans les revenus provinciaux résulte de changements faits par une province à sa politique fiscale.
[traduction]
3. « La Loi sur les arrangements fiscaux et le Règlement pris en vertu de cette loi constituent un cadre complexe et exhaustif dans lequel les revenus [traduction] perçus par le gouvernement fédéral peuvent être dirigés vers les provinces pour qu’elles les utilisent dans le financement des services publics offerts dans les limites de leurs sphères d’activité. »
4. « Le droit d’une province à la stabilisation est déterminé conformément à l’article 6 de la Loi sur les arrangements fiscaux par une détermination faite par le ministre des Finances du Canada (le ministre) du montant du revenu sujet à la stabilisation pour l’exercice précédent. Le terme revenu sujet à la stabilisation est défini au pragraphe 6(2) de la Loi sur les arrangements fiscaux, par le renvoi à l’expression source de revenu définie au paragraphe 4(2) de cette loi. L’article 6 exige que le ministre, lorsqu’il fait une détermination, fasse des ajustements pour compenser des changements survenus quant aux taux ou quant à la strucutre des impôts provinciaux ou d’autres revenus. Cela assure une mesure précise du flux des recettes comparables au cours des deux années, indépendamment des changements survenus dans la politique fiscale provinciale. »
5. « Aux fins de détermination du revenu tiré d’une source de revenu à fins de stabilisation fiscale, le Règlement exige que le ministre fasse deux ensembles d’ajustements aux montants certifiés par le statisticien en chef du Canada :
a) [. . .]
b) Conformément à l’article 12 du Règlement : des ajustements faits pour compenser des changements survenus quant aux taux ou à la structure des impôts provinciaux conformément au concept général énoncé au paragraphe 6(1) de la Loi sur les arrangements fiscaux.
L’objet évident ce ces ajustements est de s’assurer que les montants à comparer quant aux deux années sous-tendant la détermination de la stabilisation seront équivalents à tous égards importants. Il permettent de demander des paiements de stabilisation seulement dans les cas où il y a, selon les principes de la Loi sur les arrangements fiscaux et le Règlement, un véritable déclin des revenus provinciaux en termes absolus, mesuré de façon précise, après que l’effet des changements dans la politique provinciale a été éliminé. Il convient de noter que par cette disposition, la Loi exige que le déclin soit mesuré à l’égard de chaque source de revenu sous examen et non sur une base générale ou d’ensemble. Cela est d’une importance particulière parce que, comme cela est expliqué ci-après, en vertu de la Loi, différentes règles s’appliqnet à différentes sources de revenu de stabilisation. »
6. « Le droit à la stabilisation est alors calculé sur la base de la comparaison du flux des recettes des deux années, selon ce qui a été déterminé. »
7. « Dans la Loi sur les arrangements fiscaux et le Règlement, il y a de façon répétée, comme il a été mentionné, un accent sur la nature distincte de chacune des 32 sources de revenu et sur l’importance du calcul séparé et précis à l’égard de chacune. Cela est d’une importance fondamentale pour la résolution de la question qui nous est soumise parce que la Loi et le Règlement prévoient un ensemble de règles conçues afin de s’assurer de faire des comparaisons précises et d’éviter des résultats artificiels ou faussés dans les calculs, y compris les crédits ou les réductions quant aux sources de revenu. Il s’agit du cadre législatif de la Loi sur les arrangements fiscaux. »
8. « Dans le contexte, notre opinion est que par l’application de l’alinéa 5(5)a) du Règlement, ni la loi dans laquelle est crée un droit de dégrèvement, crédit ou réduction ni la méthode par laquelle est déduit le dégrèvement, crédit ou réduction à une contribuable ne devraient être déterminantes quant à la source de revenu qui doit être déduite dans le calcul. Plutôt, en vue d’atteindre le but de la Loi sur les arrangements fiscaux et du Règlement, il faut établir la source de revenu à laquelle s’applique le dégrèvement, le crédit ou la réduction, dans sa substance. »
9. « La Loi sur les arrangements fiscaux et le Règlement sont très précis à l’égard de leurs mécanismes, tant pour la péréquation que pour la stabilisation, pour arriver à un calcul précis de sources de revenu particulières à des fins de comparaison d’année en année. La nécessité d’une telle précision est particulièrement évidente pour les revenus de ressources qui, à des fins de stabilisation, ont le principe du seuil unique de 50 p. 100 précédemment exposé. Pour déterminer le montant d’argent qui devrait être dirigé du gouvernement fédéral à une province quant à la stabilisation, un dégrèvement, un crédit ou une réduction qui a eu l’effet ultime pour la province de réduire le revenu net d’une source donnée doit être compensé par rapport à cette source de revenu particulière. Le fait d’agir autrement aurait pour effet de fausser le calcul d’une manière artificielle. Cela ne peut pas avoir été le but du Règlement qui est conçu de façon à èliminer les artificialités.
Par conséquent, les mots qui s’appliquent à ce revenu à l’alinéa 5(5)a) doivent être interprétés comme se raportant à la source de revenu à laquelle se rattache le dégrèvement, le crédit ou la réduction, c’est-à-dire la source de revenu qui a le lien le plus important sur le plan écononique. Les liens aux revenus de ressources à l’égard de l’ARTC sont concluants. »
10. « L’application de l’ARTC faite par la province d’Alberta en vue de déterminer de façon précise le revenu des ressources non renouvelables suivant le Trust Fund Act, évidemment, n’établit pas de façon concluante qu’une demande similaire devrait être faite afin de déterminer de façon précise le revenu d’une source de revenu suivant la Loi sur les arrangements fiscaux. Toutefois, il semblerait que des raisons administratives semblables sous-tendent les ajustements de montants de sources de revenu dans les deux lois et il semble conforme et raisonnable que les ajustements soient du même montant. Bien que la forme d’une loi provinciale ne puisse décider de l’interprétation d’une loi fédérale, le contexte législatif de la Trust Fund Act appuie de façon convaincante l’interprétation que la province tente d’obtenir à l’égard de la détermination de la Loi sur les arrangements fiscaux. » [Je souligne.]
3. Le différend entre le Québec et le Canada
[20]Tel que mentionné précédemment, la portée du différend soumis à la Cour en l’instance est limitée à certaines déterminations du ministre dans le cadre de son analyse de l’admissibilité du Québec à un paiement de stabilisation pour l’exercice financier 1991‑1992. Plus particulièrement, le Québec soutient que le ministre a contrevenu aux dispositions de la Loi et du Règlement en refusant de reconnaître les soustractions aux revenus réels de 1991‑1992 qu’il avait apporté aux six sources de revenu sujet à stabilisation jugeant, pour chaque source, que le revenu réel avait changé à cause de ses efforts. Selon le Québec, le refus du ministre le prive d’un paiement de stabilisation d’un montant total de 126 749 000 $ pour l’année de référence.
[21]Le premier élément du différend vise l’adoption en décembre 1990, par l’Assemblée Nationale du Québec, de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente en détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal [L.Q. 1990, ch. 60], afin d’autoriser notamment l’application de la TVQ sur la nouvelle TPS qui entrait en vigueur le 1er janvier 1991. Le ministre devait essentiellement déterminer si cet acte de la province constituait un changement dans la structure de la TVQ au sens de la Loi et du Règlement pour l’exercice financier 1991‑1992. Le Québec soumet que cet acte constituait effectivement un tel changement à sa structure fiscale et que le ministre n’aurait pas dû ajuster sa demande quant à cette source du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice financier 1991‑1992, en y augmentant le montant représentant l’impact financier, calculé par le Québec, de cet acte, soit 168 284 000 $. La position du Canada est que la Loi du Québec n’a pas apporté de changement à la structure fiscale de la TVQ puisqu’avant 1991, la TVQ taxait l’ancienne Taxe de vente fédérale (TVF).
[22]Dans le cadre des deuxième et cinquième éléments du différend, le ministre devait essentiellement déterminer si la SAQ et Loto‑Québec avaient augmenté leur marge de bénéfice sur les biens vendus au public pour l’exercice financier 1991‑1992, au sens de la Loi et du Règlement. Le Québec soutient que la SAQ et Loto‑Québec ont effectivement procédé à une telle augmentation de leur marge de bénéfice, ce qui a résulté en une augmentation respective de leurs revenus réels de 105 390 000 $ et de 11 973 000 $ pour l’exercice financier 1991‑1992 comparés à ceux de 1990‑1991. Le Québec soutient donc qu’il était justifié de soustraire ces montants du total des revenus réels provenant de cette source sujet à stabilisation de la province pour l’année de la demande, ce que le ministre à refuser de reconnaître. La position du Canada est que le Québec n’a jamais démontré que la marge bénéficiaire des deux sociétés avait effectivement augmentée.
[23]Quant au troisième élément en litige, le ministre devait déterminer si l’annulation le 1er janvier 1991 du Protocole d’accord de réciprocité fiscale de 1987 intervenu entre le Canada et le Québec, valable pour cinq ans, constitue un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de Loi et du Règlement. En vertu de ce protocole, le Canada versait au Québec la TVQ tirée des achats du Canada au Québec et, en contrepartie, le Québec versait au Canada sur les achats du Gouvernement du Québec les revenus tirés de la TVF, abolie le 1er janvier 1991 à la suite de l’entrée en vigueur de la TPS. Le Québec soutient que l’annulation de ce protocole ne constitue pas un tel changement. Ainsi le Québec soutient que le ministre n’aurait pas dû ajouter un montant de 36 456 000 $ à son revenu sujet à stabilisation pour l’exercice financier 1991‑1992. Selon le Québec, ce montant devrait, au contraire, être soustrait des revenus du Québec provenant de la TVQ pour l’année de référence, comme il l’avait suggéré dans sa demande puisqu’il constitue une baisse des revenus provenant de la taxe sur les ventes au détail qui ne résulte d’aucun changement entrepris par le Québec. Le Canada prétend que l’annulation de l’accord a été demandée par le Québec.
[24]Finalement, pour l’étude des quatrième et sixième éléments en litige, le ministre devait déterminer respectivement si les revenus d’intérêt perçus par le Québec sur les impôts côtisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des sociétés, ainsi que les dividendes reçus de la SOQUIA constituent des sources de revenu incluses dans le revenu sujet à stabilisation de la province. Le Québec soutient que tel est le cas, et que le ministre devait compenser la baisse de son revenu sujet à stabilisation entre les deux années en cause, en octroyant à la province des montants de 20 429 000 $ et 3 000 000 $ équivalents respectivement à la baisse des revenus provenant des intérêts perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et des sociétés ainsi qu’à la baisse des revenus tirés de la SOQUIA entre les exercices financiers 1990‑1991 et 1991‑1992. La position du Canada est que ces deux sources de revenu visées par la demande du Québec ne sont pas des sources de revenu sujet à stabilisation et donc aucun ajustement n’est approprié.
[25]Le total de tous ces ajustements refusés par le ministre équivaut à 345 532 000 $. Le Québec soutient que le ministre, lors de sa décision du 29 novembre 1994, a erronément, ajouté dans sa demande ce montant à ses revenus sujets à stabilisation, arrivant ainsi à une somme positive de 218 783 000 $ pour 1991‑1992 en comparaison avec ceux de 1990‑1991. Selon le ministre, les revenus sujets à stabilisation du Québec pour 1991‑1992 en comparaison avec ceux de 1990‑1991 ne justifient aucun paiement au Québec. Le Québec soumet qu’un montant de 345 532 000 $ devrait être soustrait au calcul du ministre, ce qui justifierait un paiement de stabilisation au Québec d’un montant de 126 749 000 $.
4. Le processus décisionnel
[26]Après une rencontre préparatoire tenue en juin 1993 entre les fonctionnaires du ministère des Finances du Québec, responsables de l’élaboration de la demande de stabilisation pour l’année fiscale 1991‑1992, et les fonctionnaires du ministère des Finances du Canada responsables de l’évaluation d’une telle demande, notamment le feu M. John Hodgson, le gouvernement du Québec a présenté au ministre une demande de paiement de stabilisation datée du 28 septembre 1993 au montant de 282 476 000 $ pour cet exercice financier (pièce P‑1).
[27]L’équipe au ministère des Finances du Canada responsable de l’évaluation de cette demande était dirigée par feu M. John Hodgson, chef de la Section péréquation, financements des programmes établis et autres transferts au sein de la Division des relations fédérales‑provinciales au ministère. Il était appuyé par Mme Sylvie Daigneault et M. Donald Bélanger (l’équipe fédérale). L’équipe fédérale a procédé à une analyse préliminaire de la demande du Québec, qui d’ailleurs n’est pas la seule province à avoir fait une demande de ce genre, considérant que toutes les provinces, sauf la Colombie‑Britannique et l’Alberta, ont présenté de telles demandes pour l’exercice financier 1991‑1992.
[28]La structure hiérarchique au ministère des Finances du Canada en 1993 était la suivante :
1. La section de feu M. Hodgson faisait l’analyse au premier niveau et était en relation constante avec les autorités supérieures;
2. Le supérieur hiérarchique immédiat de feu M. Hodgson était Guillaume Bissonnette, directeur de la Division des relations fédérales‑provinciales. Celui‑ci et son directeur adjoint, Frank Gregg, ont participé à l’élaboration de la recommandation au ministre pour sa décision;
3. La sous‑ministre adjointe, Mme Susan Peterson était informée hebdomadairement de l’évolution de l’analyse des demandes de paiements de stabilisation des provinces et a participé à l’élaboration des recommandations au sous‑ministre en titre, David A. Dodge. Elle a rédigé des notes d’information faisant des comptes‑rendus ou a formulé des recommandations au ministre quant aux demandes de stabilisation des provinces, incluant le Québec. Ces notes portent les dates du 30 septembre 1993, du 14 juin 1994 et du 31 octobre 1994;
4. M. David Dodge était lui aussi tenu informé par Mme Peterson de l’évolution de l’analyse et a participé à l’élaboration de la décision du ministre. De fait, le 9 novembre 1994, il a adressé à son ministre, l’honorable Paul Martin, un mémorandum qui résumait les éléments du désaccord entre les provinces, dont le Québec, faisait état de divers scénarios et compromis eu égard aux items identifiés et commentait les stratégies envisageables;
[29]Dans le cadre du processus décisionnel relatif aux demandes des provinces pour des paiements de stabilisation, dont celle du Québec, il a été établi que Mme Daigneault préparait des notes hebdomadaires faisant état des montants réclamés et, à compter du mois d’août ou septembre 1994, des problématiques rencontrées et des positions respectives. Ces notes circulaient parmi les supérieurs de M. Hodgson jusqu’à M. Dodge.
[30]Il est aussi établi qu’au début du mois de novembre 1994, une réunion a eu lieu entre M. Dodge, M. Hodgson et Mme Daigneault. Lors ce cette rencontre, M. Dodge a pris connaissance d’une note de service de 30 à 40 pages faisant état des problématiques soulevées dans le cadre des demandes de stabilisation des provinces et des arguments invoqués de part et d’autre.
[31]Après plusieurs communications entre les deux équipes et une certaine vérification ou cueillette d’information de la part de l’équipe fédérale, une première rencontre entre les deux équipes s’est tenue à Québec le 7 mars 1994.
[32]À cette réunion, le Canada a déposé un document daté du 7 mars 1994 et intitulé « Ajustements possibles à la réclamation de Québec 1991‑92 aux fins du programme de stabilisation » (pièce D‑44). Plusieurs ajustements y sont identifiés, incluant ceux relatifs aux six sources de revenu sujet à stabilisation déjà mentionnées, qui forment le cœur du litige entre les parties dans la présente instance. La discussion à la réunion du 7 mars 1994 visait à approfondir le pourquoi des ajustements suggérés par l’équipe du Canada.
[33]Après cette réunion, l’analyse s’est poursuivit de part et d’autre et les échanges entre les parties sont demeurés ouverts et cordiaux.
[34]Le 12 septembre 1994, une deuxième rencontre entre les deux équipes a eu lieu à Ottawa. À cette réunion, le Québec a déposé une demande révisée (pièce P‑2) datée du 9 septembre 1994. La révision du Québec a surtout pour cause la mise à jour des statistiques sur les revenus réels du Québec durant l’année de référence, le facteur d’inflation et une compensation ajustée à la hausse pour les transferts fédéraux au Québec durant l’exercice financier 1991‑1992. Le Québec n’a apporté aucun changement à sa demande concernant les six sources de revenu sujet à stabilisation en litige en l’instance. À la réunion du 12 septembre 1994, les deux parties ont tenté de cerner les raisons étayant leur position.
[35]Le 29 novembre 1994, le ministre écrivait à l’honorable Jean Campeau, ministre des Finances du gouvernement du Québec, pour l’aviser qu’il avait conclut, qu’après les ajustements requis par la Loi, le Québec n’était pas admissible au Programme de stabilisation fiscale à l’égard de 1991‑1992 (pièce P‑3), lui indiquant « vos fonctionnaires recevront sous peu un document final présentant le détail de l’analyse qui supporte cette conclusion ».
[36]Le 5 décembre 1994, le ministre des Finances du Québec écrivait au ministre afin de lui signifier le désaccord du Québec avec l’analyse qui l’avait conduit à sa réponse négative (pièce P‑4), soulignant que « le principal objet de litige porte sur l’interprétation à donner à la mesure prise par le Québec en 1991 qui prévoyait l’application de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur le prix des biens et services incluant la taxe sur les produits et les [sic] services (TPS). » Le Québec demandait formellement au ministre que cette question, ainsi que les autres éléments de désaccord dans ce dossier, soient soumis à l’arbitrage. Cette procédure avait été utilisée pour résoudre un différend survenu entre les gouvernements du Canada et de l’Alberta au sujet de l’accès de cette province au Programme de stabilisation pour l’exercice financier 1986‑1987 (l’arbitrage Canada‑Alberta).
[37]Le 21 décembre 1994, le ministre refusait la proposition d’arbitrage du Québec. En revanche, le ministre indiquait à M. Campeau :
[. . .] qu’il existe une autre façon d’en appeler de ma décision, si tel est votre intention. Comme vous le savez, l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit une procédure juridique pour régler des différends. Si vous souhaitez contester le bien‑fondé juridique de ma décision, vous avez l’assurance que le gouvernement canadien coopérera avec votre gouvernement pour accélérer et simplifier la démarche ». [Je souligne.]
Le ministre ajoutait quant à la question de la TVQ sur la TPS :
[J]e voudrais signaler que ma décision au sujet du traitement des prix « TPS comprise » n’a pas été prise à la légère. Tout comme mes autres décisions sur les autres aspects de la demande du Québec ainsi que sur les demandes d’autres provinces, je pense qu’elle est conforme à l’objet et à l’intention de la loi dont l’application me revient.
[38]La preuve établit que le 5 janvier 1995, feu M. Hodgson a transmis à M. Jean St‑Gelais, alors directeur général de la direction des politiques fiscales et des prévisions de revenus autonomes au ministère des Finances du Québec, un document (pièce P‑6) présentant le détail de l’analyse fédérale sur la réclamation du Québec. Ce document de 94 pages représente, selon le Canada, les motifs du ministre pourquoi il n’a pas accepté, quant aux six éléments en litige dans le présent recours, les ajustements faits par le Québec.
5. Le processus juridique
[39]En l’espèce, le processus juridique s’est déroulé selon les règles de la Cour fédérale applicables aux actions [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106]. L’instance s’est déroulée comme suit :
1. Le 17 octobre 1995 : signification et dépôt de la déclaration du Québec ainsi que de sa déclaration amendée, signifiée et déposée le 24 février 1997;
2. Le 11 avril 1997 : signification et dépôt de la défense du Canada ainsi que la signification et le dépôt de sa défense précisée le 2 octobre 1997;
3. Le 3 mars 1998 : signification et dépôt de l’affidavit de documents du Québec ainsi que l’affidavit supplémentaire de documents souscrit par Luc Monty le 2 octobre 1998;
4. Le 5 août 1998 : signification et dépôt de l’affidavit de documents du Canada souscrit par John Hodgson;
5. Le 22 décembre 1998 : interrogatoire au préalable de Luc Monty (pièce D‑49);
6. Les 8 et 9 juillet 1999 ainsi que le 17 septembre 1999 : interrogatoire après défense de John Hodgson (pièce P‑24, P‑25 et P‑26);
7. Le 1er février 1999 : interrogatoire après défense de Luc Monty (pièce D‑50), d’André Legault et d’André Gingras;
8. Le 21 décembre 2000 : ordonnance de l’honorable juge Hugessen rejetant la requête du Québec visant à forcer le Canada à fournir un nouvel affidavit de documents et à divulguer les documents énumérés à l’annexe 2 de l’affidavit de documents souscrit par feu M. John Hodgson;
9. L’ordonnance du 5 septembre 2001 de l’honorable juge Hugessen détaillant, sur consentement, les questions soumises à la Cour lors de l’instruction qui devait commencer le 1er octobre 2002. Le juge Hugessen a donné acte à la réserve formulée par la défenderesse dans sa lettre du 31 août 2001 adressée au juge présidant advenant un jugement défavorable à la Couronne fédérale. Cette réserve soulevait la possibilité de trancher des questions additionnelles, à savoir si la demande du Québec était complète et suffisante à l’égard de la question de la marge bénéficiaire sur les produits de la SAQ et de Loto‑Québec. Le Canada estimait « qu’il pourrait être nécessaire [. . .] saisisse à nouveau le tribunal de ces questions additionnelles. »
10. Sur demande du Québec, ajournement du procès prévu pour le 1er octobre 2002 au motif que le témoin principal du Québec, Luc Monty se trouvait dans l’impossibilité de témoigner pour cause reliée au dépôt du budget du Québec.
[40]La requête pour divulgation par le Québec, refusé par le juge Hugessen le 21 décembre 2000, mérite d’être approfondie.
[41]Dans son affidavit de documents, M. Hodgson avait énuméré à l’annexe II certains documents pour lesquels le Canada réclamait la non‑divulgation sur la base de l’immunité d’intérêt publique. La demande du Canada était appuyée par le certificat du greffier du conseil privé, émis en vertu de l’article 39 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, art. 5(F)] de la Loi sur la preuve au Canada [L.R.C. (1985), ch. C-5] et subséquemment justifié sous l’article 37 de cette même loi.
[42]Parmi les documents que le Canada voulait protéger, on retrouve :
1. Trois notes de service de Mme Peterson, alors sous‑ministre adjointe à la direction des relations fédérale‑provinciales et de la politique sociale, au sous‑ministre des finances du Canada en date du 30 septembre 1993, du 14 juin 1994 et du 31 octobre 1994;
2. Trois notes de service du sous‑ministre des Finances du Canada au ministre des Finances du Canada en date du 9 novembre 1994, du 12 décembre 1994 et du 21 décembre 1994; et
3. Une note de service de Mme Daigneault en date du 14 septembre 1994.
[43]Il est reconnu par Barbara Anderson, dans son attestation du 1er septembre 2000, en vertu de la Loi sur la preuve au Canada, que les documents pour lesquels le Canada demandait le maintien de la confidentialité et la non‑transmission au Québec étaient des notes d’information internes sur les diverses demandes de stabilisation des provinces ainsi que sur l’analyse de ces demandes, les points litigieux soulevés et les recommandations au sous‑ministre et au ministre.
[44]Plus spécifiquement, la note de service de Mme Daigneault du 14 septembre 1994 était un compte‑rendu de la réunion du 12 septembre 1994 entre le Canada et le Québec, ainsi qu’un résumé des points en litige.
[45]Les motifs du juge Hugessen prennent la forme de considérants. Je reproduis ceux qui sont pertinents à la décision de refuser la requête du Québec pour divulgation des documents ci‑haut mentionnés :
1. Considérant que le litige engagé entre les parties, tel que défini dans les pièces de procédures écrites, ne porte que sur le bien-fondé de la décision du ministre fédéral des finances de considérer la province de Québec comme n’étant pas admissible au programme de stabilisation pour l’exercice 1991‑1992; les données de base sont acquises et les chiffres devant servir pour les fins de calcul ne sont pas contestés; le litige ne porte en somme que sur la façon que le ministre a interprété et appliqué la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et le Règlement de 1987 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces; il n’y a aucune allégation que le ministre ait enfreint les règles de justice naturelle ou que le processus décisionnel ait été affecté par quelque vice de forme que ce soit; selon la défenderesse, le ministre aurait erré en droit dans interprétation de six aspects particuliers de la demande du Québec;
2. Considérant par conséquent, que les documents internes créés au sein du gouvernement fédéral touchant au processus de consultation et à l’élaboration de la réponse à la demande présentée par le Québec ne sont nullement pertinents au litige; la décision ministérielle et sa motivation seront jugées exclusivement selon leur teneur; les avis, les notes de service, les suggestions et les ébauches proposés par les subalternes du ministre, de même que les comptes rendus des consultations interministérielles ou intergouvernementales ne sauront aider la Cour dans l’accomplissement de sa tâche qui consistera exclusivement en l’appréciation de la valeur de la décision en cause à la lumière de la loi et du règlement;
3. Considérant par surcroît, que le privilège de non‑divulgation invoqué par la défenderesse à l’égard des documents énumérés à l’annexe II paraît, à prime abord, justifié et qu’il n’y a aucune raison de croire que les effets bénéfiques de la divulgation des documents en question peuvent l’emporter sur l’intérêt public en leur non‑divulgation; en effet, les communications internes entre les hauts fonctionnaires d’un ministère et leur ministre devant mener à l’élaboration d’une décision à être prise par celui‑ci ne devront pas être divulguées sauf dans les circonstances particulières; en l’espèce, le demandeur n’a pas prouvé l’existence de telles circonstances.
6. La preuve
[46]La preuve du Québec a été présentée par les témoins suivants :
· Luc Monty, sous‑ministre adjoint au ministère des Finances du Québec depuis mai 2000. En 1993, il était le fonctionnaire à la Direction des politiques financières fédérales‑provinciales du ministère responsable de la préparation de la demande de stabilisation du Québec (pièce P‑1) et de la demande amendée (pièce P‑2). Avec son supérieur immédiat, Jean St‑Gelais, il était présent aux réunions du 7 mars 1994 et à celle du 12 septembre de cette même année. Il a témoigné sur tous les aspects de la demande de paiement de stabilisation du Québec ainsi que sur le dialogue entre l’équipe du Québec et celle du Canada;
· Gérald Plouffe, alors Vice‑président principal, Administration et Finances, de la SAQ. Il a expliqué, en preuve et en contre‑preuve, la structure et le fonctionnement de la marge de bénéfice de la SAQ. Il a également témoigné sur la méthode utilisée pour augmenter la marge de bénéfice en 1991‑1992 et sur l’impact de l’abolition de la TVF le 1er janvier 1991 sur les prix de base pour divers produits vendus par son employeur;
· Gérald Houle, comptable, Vice‑président corporatif, Finances et Administration à Loto‑Québec. Il a témoigné sur la marge de bénéfice de Loto‑Québec. Plus précisément, il a expliqué en quoi consiste sa structure, quelles sont ses composantes et les facteurs principaux qui déterminent la variation dans la marge de bénéfice. Il a expliqué l’importance du taux de retour sur les divers jeux vendus par son organisme.
· Paul Levine, témoin expert sur la formule utilisée dans la demande du Québec afin de calculer la marge de bénéfice/mark‑up pour la SAQ et Loto‑Québec. Cette formule est :
Revenu des ventes – Coût des ventes
÷
Coût des ventes
Il a conclu que la marge de bénéfice/mark‑up peut s’exprimer, pour une année, soit en pourcentage, soit en dollars (pièce P‑78).
· Jean‑Charles Doucet, à l’époque pertinente économiste au ministère des Finances, directeur de la Direction de l’analyse et de la prévision du service de la dette au ministère. Il était membre de l’équipe du Québec impliqué dans la préparation de sa demande de paiement de stabilisation, en ce qui a trait à l’impôt sur le revenu, la taxe sur le capital des corporations et l’impôt sur les ventes au détail. Il a témoigné sur les échanges entre les équipes du Canada et du Québec lors des réunions du 15 juin 1993, du 7 mars 1994 et du 12 septembre 1994.
· Claude Vaillancourt, à l’emploi de Statistique Canada, en charge de l’analyse provinciale, plus particulièrement, les administrations publiques. Il a témoigné sur la classification de la SOQUIA.
· Jocelyn Harvey, ancien directeur des Finances et de l’Administration chez SOQUIA. Il explique comment la SOQUIA a été constituée, son mandat, ses états financiers, et ses investissements dans le secteur agro‑alimentaire au Québec.
· Arthur Ridgeway Directeur, Direction de la balance des paiements Statistique Canada. Il explique le système de classification des entreprises par Statistique Canada dans le contexte de la SOQUIA.
[47]Pour le Canada, la preuve a été faite au moyen des témoignages suivants :
· Sylvie Daigneault, aujourd’hui économiste principale au bureau du Conseil privé, qui avait été mandatée par son directeur, feu M. Hodgson, pour analyser la demande du Québec et, en collaboration avec lui et M. Donald Bélanger, pour préparer la réponse préliminaire du Canada. Elle était présente aux réunions Canada‑Québec du 7 mars 1994 et du 12 septembre 1994. Elle a témoigné sur tous les aspects de la demande du Québec pour paiement de stabilisation et les préoccupations du Canada.
· Gilles Bussière, témoin expert, comptable agréé et expert en évaluation d’entreprise. Il a commenté le rapport et le témoignage de M. Paul Levine. Le mandat qu’il a reçu consiste à indiquer s’il existe une définition généralement reconnue dans le domaine de la comptabilité des expressions marge de bénéfice, marge bénéficiaire, mark‑up, taux de marge de bénéfice et mark‑up rate. Dans son rapport déposé à la Cour (pièce D‑110), il conclut que les augmentations de la marge de bénéfice font référence à des valeurs absolues (ou à des montants) et non à des taux (ou à des pourcentages) comme l’a conclu M. Levine dans son affidavit.
· Graham Lyttle, directeur adjoint de la Division des institutions publiques à Statistiques Canada. Le but de son témoignage est d’expliquer la classification qu’a reçue la SOQUIA en 1978 et les changements apportés à sa classification en 1996.
[48]En contre‑preuve du Québec, Luc Monty, Gérald Plouffe et Paul Levine ont témoigné à nouveau ainsi que :
· Jean St‑Gelais, aujourd’hui président directeur‑général de l’Autorité des marchés financiers du Québec, qui à l’époque pertinente (1990), était directeur de la Direction des politiques financières fédérales‑ provinciales et supervisait les travaux de l’équipe du Québec, dirigée par Luc Monty, quant à la demande du Québec pour paiement de stabilisation. Il a témoigné sur les échanges qu’il a eus avec feu M. John Hodgson, soit au téléphone ou durant les réunions du 7 mars 1994 et du 12 septembre 1994.
· Raymond Boisvert, sous‑ministre adjoint au ministère du Revenu du Québec, était directeur des politiques de taxation et des prévisions fiscales au ministère des Finances du Québec de 1986 à 1990. Il a témoigné sur divers aspects du développement de la réforme fédérale visant la taxe de valeur ajoutée (TVA), plus tard mutée en la TPS. Il témoigne sur la connaissance des responsables fédéraux de l’impact sur les revenus des provinces incluant les revenus des monopoles provinciaux en matière de ventes de boissons alcooliques suite à l’abolition de la TVF.
· Gilbert L’Écuyer, juriste, à l’emploi du ministère des Affaires intergouvernementales du Québec. Il a témoigné sur la connaissance présumée du Canada de la nature et du fonctionnement de la marge de bénéfice de la SAQ dans le contexte de la décision rendue par le GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, 30 octobre 1947, [1948] R.T. Can. no 31] le 22 mars 1988, à la suite de la plainte de la Communauté européenne quant aux pratiques des sociétés des alcools provinciales au Canada.
7. L’économie de la Loi et du Règlement
[49]Tel que mentionné précédemment, les paiements de stabilisation aux provinces sont prévus à la partie II de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces [L.R.C. (1985), c. F-8, art. 1 (mod. par L.C. 1995, ch. 17, art. 45)].
[50]La Loi comporte à l’heure actuelle plusieurs parties, dont les suivantes;
· Paiements de péréquation—partie I;
· Paiements de stabilisation aux provinces—partie II;
· Accords d’applications—partie III incluant Accords d’harmonisations de la taxe de vente [partie III.1];
· Paiements de garanties des recettes provinciales au titre de l’impôt sur le revenu des particuliers—partie IV;
· Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux—partie V;
· Paiements de remplacement pour les programmes permanents—partie VI;
· Taxes et droits provinciaux—partie VII;
· Dispositions générales—partie VIII.
[51]L’article 6 de la Loi, qui se retrouve à la Partie II de la Loi, est au cœur du fonctionnement du Programme puisque son premier alinéa établit la méthode de calcul des paiements de stabilisation. En effet, cet alinéa dispose que :
[l]e paiement de stabilisation qui peut être fait à une province pour un exercice est l’excédent, déterminé par le ministre :
a) du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice précédent
sur [. . .]
b) le revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice, corrigé de la manière prescrite de façon à compenser toute variation, déterminé par le ministre, du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice résultant de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement du revenu de la province qui correspond aux alinéas a) à cc) et ee) de la définition de « source de revenu » au paragraphe 4(2) (Je souligne).
[52]La disposition névralgique du règlement d’application se retrouve à l’article 12. Cette disposition prescrit la méthode de la correction des revenus de l’année de référence au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi.
[53]Suivant cette disposition, le ministre doit :
12. (1) [. . .]
a) d’une part, ajouter au montant par ailleurs déterminé du revenu soumis à stabilisation de la province, le montant de la diminution des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment
[. . .]
b) d’autre part, soustraire du montant, par ailleurs établi du revenu soumis à stabilisation de la province pour l’année financière, le montant de l’augmentation des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux, soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment les changements suivants [Je souligne.]
[54]Je précise que les articles 4, 5 et 6 de la Loi, de même que les dispositions pertinentes de son règlement d’application sont reproduits en annexe aux présents motifs.
8. Les questions à trancher
[55]Selon l’ordonnance du juge Hugessen en date du 5 septembre 2001, les points en litige sont :
1. Quel est le critère de contrôle applicable à l’examen judiciaire de la décision du ministre de refuser la demande de paiement de stabilisation du Québec présentée en vertu de la Loi et du Règlement pour l’exercice financier 1991‑1992?
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations relatives à chacun des six éléments en litige en l’espèce, à savoir :
a) Que l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal afin de permettre notamment l’application de la Taxe de Vente du Québec (la «TVQ ») sur la Taxe sur les Produits et Services (la « TPS »), ne constitue pas un changement apporté à la structure fiscale du Québec au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(i) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992;
b) Que l’augmentation du taux de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (la « SAQ ») pour l’exercice financier 1991‑1992 ne constitue pas une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992;
c) Que la baisse des revenus provenant de la Taxe sur les ventes au détail [la TVQ] pour l’exercice 1991‑1992 qui résulte de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1991, du Protocole d’accord de réciprocité fiscale intervenu entre le Canada et le Québec le 21 décembre 1990, résulte d’un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)a) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. Est‑ce que la défenderesse a raison de prétendre que, subsidiairement, les revenus de la province découlant d’un accord de réciprocité fiscale ne sont pas des revenus sujets à stabilisation?
d) Que les revenus d’intérêt perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des corporations ne constituent pas une source de revenus au sens des alinéas a) et b) de l’article 4(2) de la Loi et qu’ils sont visés par la définition de « revenus divers » prévue par l’article 4(2)ff) de la Loi et par l’article 5(1)(ee)(vii) du Règlement dont le ministre des Finances du Canada pour l’exercice 1991‑1992 ne doit pas tenir compte dans son calcul du revenu sujet à stabilisation de la province;
e) Que l’augmentation du taux de la marge bénéficiaire de la Société des loteries et courses du Québec («Loto‑Québec») pour l’exercice 1991‑1992 ne constitue pas une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992;
f) Que les revenus tirés de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (la «SOQUIA») ne constituent pas des revenus d’une entreprise commerciale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 5(1)b)(ii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. [Je souligne.]
9. Le principe d’interprétation applicable
[56]La solution aux questions soulevées dans le présent litige dépend grandement de l’interprétation de certains mots‑clés qui apparaissent dans la Loi, notamment la phrase « résultant de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement du revenu de la province qui correspond aux alinéas a) à cc) et ee) de la définition de “source de revenu” au paragraphe 4(2) » que l’on retrouve à l’article 6 de la Loi et à l’article 12 du Règlement, ainsi que de l’expression « revenus et impôts provinciaux divers », qui se retrouve dans la définition de « source de revenu », prévue au paragraphe 4(2)ff) de la Loi et au paragraphe 5(1)ee) du Règlement.
[57]Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a précisé quelle était la méthode d’interprétation applicable en matière d’interprétation des lois [aux paragraphes 21 à 23] :
Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci‑après Construction of Statutes); Pierre‑André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :
[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.
[. . .]
Je m’appuie également sur l’art. 10 de la Loi d’interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables ».
Bien que la Cour d’appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n’a pas accordé suffisamment d’attention à l’économie de la LNE, à son objet ni à l’intention du législateur; le contexte des mots en cause n’a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l’analyse de ces questions. [Je souligne.]
[58]Dans l’affaire Rizzo & Rizzo Shoes, précitée, le problème était de savoir si certains employés de la compagnie, congédiés à la suite de la faillite de celle‑ci, avaient droit à une indemnité de licenciement et de cessation d’emploi en application de la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario [L.R.O. 1980, ch. 137] (la LNE). La Cour d’appel de l’Ontario avait répondu non à cette question, statuant que, lorsqu’un créancier présente une pétition en faillite contre un employeur, les employés ne sont pas licenciés par l’employeur mais par l’effet de la Loi.
[59]Il convient de préciser que dans la LNE le législateur avait utilisé à l’article 40 [mod. par L.O. 1987, ch. 30, art. 4] les mots suivants : « Aucun employeur ne doit licencier un employé ». Le paragraphe 40a (1a) [édicté par L.O. 1981, ch. 22, art. 2; 1987, ch. 30, art. 5] contient également les mots : « si [. . .] l’employeur licencie cinquante employés ou plus », ce qui a incité le juge Iacobucci [au paragraphe 18] à préciser « que le libellé clair de ces dispositions donne à penser que les indemnités de licenciement et de cessation d’emploi doivent être versées seulement lorsque l’employeur licencie l’employé ».
[60]Le juge Iacobucci a toutefois refusé d’adopter une interprétation aussi limitée et il a manifesté son désaccord avec une telle méthode d’interprétation, au paragraphe 20 :
Une question d’interprétation législative est au centre du présent litige. Selon les conclusions de la Cour d’appel, le sens ordinaire des mots utilisés dans les dispositions en cause paraît limiter l’obligation de verser une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d’emploi aux employeurs qui ont effectivement licencié leurs employés. À première vue, la faillite ne semble pas cadrer très bien avec cette interprétation. Toutefois, en toute déférence, je crois que cette analyse est incomplète. [Je souligne.]
[61]La Cour suprême du Canada a donc accueilli l’appel du juge Iacobucci concluant que, bien que la Cour d’appel de l’Ontario ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question, elle n’avait pas accordé suffisamment d’attention à l’économie de la LNE, à son objet ou à l’intention du législateur. Autrement dit, selon le juge Iacobucci, le contexte n’avait pas été pris adéquatement en compte.
10. Analyse
10.1. La question préliminaire
[62]La première question en litige, soit celle de la norme de contrôle, soulève une question préliminaire quant à la nature de la compétence conférée à la Cour fédérale par l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale. S’agit‑il d’un procès de novo, d’un appel ou d’un contrôle judiciaire?
[63]Il convient de préciser que la réponse à cette question préliminaire déterminera le sort de l’objection qui a été soulevée par le Canada quant à l’inadmissibilité de toute nouvelle preuve présentée par le Québec. Cette objection se fonde sur une règle bien connue dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire, à savoir que sous réserve de circonstances bien particulières aucune nouvelle preuve ne peut être présentée. Dans la mesure où cette règle s’applique aux demandes de contrôle judiciaire, l’objection soulevée par le Canada ne sera d’aucune pertinence si je détermine que le présent recours doit être instruit comme un procès de novo.
[64]Le Québec est d’avis que le présent recours n’est pas un contrôle judiciaire et donc que cette Cour n’est absolument pas restreinte par les critères applicables aux demandes de contrôle judiciaire. Selon le Québec, la compétence de cette Cour, sous l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale et sous l’article 1 de la législation québécoise complémentaire (S.Q. 1906, ch. 6 [Loi concernant la Cour suprême du Canada et la Cour de l’échiquier du Canada]) diffère par sa nature de la compétence ordinaire de décider les litiges entre le gouvernement fédéral et des personnes ordinaires ou entre ces dernières, compétence prévue aux articles 17 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 3] et 18 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4] de la Loi sur la Cour fédérale. Autrement dit, le Québec soutient que cette Cour doit entendre le présent litige de novo.
[65]Dans l’éventualité où cette Cour devrait conclure que la nature du recours est celle d’un contrôle judiciaire, le Québec soumet subsidiairement que la norme de contrôle applicable dans les circonstances serait celle de la décision correcte, puisque les questions soulevées sont des pures questions de droit qui font appel à des concepts d’interprétation des lois et à un raisonnement juridique général, qui relèvent de l’expertise des cours de justice.
[66]Le Canada soutient quant à lui que, même si l’affaire était instruite comme une action, le recours demeure essentiellement une demande de contrôle judiciaire. L’article 19 est, selon le Canada, simplement attributif de compétence et les parties doivent se conformer aux autres attributions législatives et règlementaires, ainsi qu’aux règles de procédure et aux principes d’équité normalement applicables au recours entrepris. En outre, le Canada soumet que le recours est véritablement de la nature d’une demande de révision judiciaire d’autant plus que l’ordonnance du juge Hugessen reprend les termes classiques d’un contrôle judiciaire. Le recours ne peut donc être considéré comme un procès de novo, puisqu’il y a une décision du ministre en cause et que l’équité procédurale exige que l’article 19 ne soit pas utilisé afin de constituer un nouveau dossier et permettant la Cour d’admettre une nouvelle preuve, qui aurait pu être produite antérieurement.
[67]Dans cette optique, le Canada soumet que la norme de contrôle applicable dans les circonstances est celle de la décision raisonnable simpliciter. En effet, selon le Canada, les questions soulevées sont des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. Le Canada soumet subsidiairement que, même si la Cour devait conclure que les questions soulevées en l’espèce sont de pures questions de droit, celles‑ci ont trait à un domaine si spécialisé que la Cour doit faire preuve d’une grande retenue en appliquant minimalement la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter.
[68]Ceci étant dit, je suis d’avis qu’il n’est pas possible de trancher cette question sans procéder de prime abord à une étude de l’évolution historique de l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale.
[69]On retrouve les premières traces de l’article 19, tel qu’on le connait aujourd’hui [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 28], à l’article 54 de l’Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, sanctionné le 8 avril 1875. Selon cette disposition, intitulée « Juridiction spéciale » et portant la note marginale « Pouvoir à exercer du consentement des législatures locales », la Cour de l’Échiquier s’est vue conférer une compétence sur :
54. [. . .] (1.) Les contestations entre la puissance du Canada et cette province; et (2.) Les contestations entre cette province et quelque autre province ou quelques autres provinces qui auront passé un acte semblable.
[70]Pour que la compétence de la Cour de l’Échiquier prenne naissance, les provinces se devaient d’adopter une loi leur reconnaissant cette compétence, ce qu’a fait l’assemblée législative du Québec en 1906. Cette loi, sanctionnée le 7 mars 1906, se retrouve au chapitre 6 des Statuts de la province de Québec et son libellé est le suivant :
1. La Cour suprême du Canada et la Cour de l’échiquier du Canada, ou la Cour suprême seule, ont, d’après les dispositions du chapitre 135 des Statuts révisés du Canada, juridiction dans les cas suivants :
1. Dans les cas de contestations entre la puissance du Canada et la province de Québec;
2. Dans les cas de contestations entre toute autre province de la puissance, qui peut avoir passé une loi semblable à la présente loi, et la province de Québec.
2. Dans le cas où la Cour de l’échiquier du Canada est appelée à tenir ses séances dans une cité, une ville ou dans un endroit où il existe un palais de justice, le juge présidant chacune de ces séances a, à tous égards, la même autorité qu’un juge de la Cour supérieure, en ce qui regarde l’usage du palais de justice et des autres bâtiments ou salles réservées, en tel endroit, à l’administration de la justice.
3. La présente loi entrera en vigueur le jour de sa sanction.
[71]Le texte anglais de l’article 19 dans ces formes antérieures a toujours utilisé « controversies » alors que le texte français a utilisé le terme « contestations » en 1875 lequel a été subséquemment remplacé par le terme « différends ».
[72]Une légère modification au texte français est apparue à l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10]. Suivant ce nouveau libellé, dans les cas « de litige [. . .] entre le Canada et cette province », la Cour fédérale a compétence « pour juger ces litiges et la Division de première instance connait de ces questions en première instance » (je souligne). À cette époque, le texte anglais était ainsi rédigé « the Court has jurisdiction to determine such controversies and the Trial Division shall deal with any such matter in the first instance ».
[73]Je complète ce survol de l’évolution historique de l’article 19 en signalant qu’en 1886, suite à une refonte de l’Acte de la Cour Suprême et de l’Échiquier, son article 54 devient son article 72 [Acte des cours Suprême et de l’Échiquier, S.R.C. 1886, ch. 135]. Après que ces deux Cours furent scindés, en 1906, l’article 32 de la Loi de la cour de l’Échiquier [S.R.C. 1906, ch. 140] remplace l’article 77 (Statut du Canada, chapitre 140).
[74]Dans leurs prétentions écrites, les procureurs du Québec ont analysé toutes les décisions qui ont été rendues sous l’article 19 depuis 1875. Pour les fins du présent jugement, il me suffit d’analyser seulement les arrêts qui nous renseignent sur la nature de la compétence attribuée par cet article.
[75] La question de la nature de l’article 32 de la Loi de la cour de l’Échiquier, maintenant l’article 19 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 28] de la Loi sur les Cours fédérales [la Loi sur la Cour fédérale en l’espèce], a été traitée pour la première fois par le juge Idington de la Cour suprême du Canada dans Attorney-General of Ontario v. Attorney-General of Canada (1907), 39 R.C.S. 14 (ci-après Fonds de fiducie de l’Ontario]. Dans cette affaire, la province de l’Ontario poursuivait le Canada pour obtenir des sommes d’argent qu’elle alléguait lui être dues en l’espèce, 1/2 % de l’intérêt sur le capital de certains fonds détenus en fiducie, propriété de la province. L’Ontario recherchait également une déclaration que le fédéral n’avait pas le droit, sans son assentiment, de modifier ou de réduire les taux d’intérêt sur ces fonds détenus en fiducie.
[76]La réflexion du juge Idington sur la nature de l’article 32 de la Loi de la cour de l’Échiquier est la suivante [aux pages 44 et 45] :
[traduction]
Il faut noter que l’affaire présente de nombreuses nouveautés. Lorsque les droits sur lesquels les parties s’appuient ont été créés, il n’y avait pas de cour pour décider qui pouvait avoir raison et qui pouvait avoir tort. Lorsqu’on considère la situation comme une affaire de la couronne contre la Couronne la situation est effectivement anormale.
Lorsqu’on essaie de saisir les principes qui doivent nous guider, nous trouvons appropriés à cette fin les principes de droit qui régissent les individus dans leurs diverses relations à plusieurs égards. Ils ne couvrent pas cependant toute la situation.
Lorsqu’on réfléchit pendant un moment, nous concluons que le fait de n’appliquer que ces principes à l’adaption des droits des provinces autonomes, ou d’une province autonome et du Dominion du Canada, entraîne que nous sommes en présence de problèmes qui requièrent la considération d’autres aspects pour lesquels il n’y a pas de précédents. Si les principes constitutionnels ordinaires avec lesquels nous avons l’habitude de traiter ne couvrent pas toute la situation, et si on cherche des précédents parmi les États qui sont régis par un système fédéral et les principes fondamentaux de notre droit anglais, et qui ont élaboré ces principes et ceux d’un gouvernement constitutionnel en rapport avec les droits des États fédérés entre eux, c’est la récente affaire Webb c. Outrin qui nous informe de ce que la Couronne peut représenter dans notre système fédéral.
J’ai, en suivant l’argumentation qui nous est présentée, traité la question en partie comme si, en droit, il pouvait y avoir un contrat et comme si, dans les faits, il y avait un contrat, bien qu’il s’agisse évidemment d’un engagement de la Couronne envers la Couronne. J’ai fait une analyse comme s’il pouvait y avoir, et comme s’il y avait, exercer notre compétence pour une supervision partielle de l’exécution d’une telle fiducie. [Je souligne.]
[77] Après avoir reproduit l’article 32 de la Loi de la cour de l’Échiquier, le juge Idington a écrit [aux pages 45 et 46] :
[traduction]
Cet article ne comporte pas de telles difficultés, selon ce qui est suggéré précédemment, mais d’une manière plus frappante nous impose, et impose à l’instance inférieure, l’obligation de régler la contestation, qu’elle résulte d’un contrat ou d’une fiducie. [Je souligne.]
[78] En 1909, la Cour suprême du Canada a de nouveau tranché un différend opposant le Canada et l’Ontario. Cette décision est répertoriée Ontario, Province of v. Dominion of Canada, [1909] 42 R.C.S. 1. Dans cette affaire le gouvernement fédéral réclamait, au moyen d’une action, le remboursement de sommes qu’il avait déboursées pour éteindre le titre des terres autochtones à la suite d’un traité entre le Canada et certaines bandes Ojibway, des terres qui ultimement ont été déterminées être la propriété de la province de l’Ontario.
[79]Dans le cadre de cette dernière affaire, le juge Idington a écrit ce qui suit au sujet de la nature de la juridiction accordée à la Cour de l’Échiquier par l’article 32 de la Loi de la cour de l’Échiquier [à la page 101]:
[traduction]
Nous devrions je pense, examiner d’abord la nature de la compétence accordée par l’article 32 de la « Loi de la cour de l’Échiquier » en conférant à cette cour le pouvoir de « juger ces différends » qui naissent entre le Dominion du Canada et une province qui a donné son adhésion à cette loi.
Le langage est suffisamment exhaustif pour couvrir de réclamations fondées sur certains principes d’honneur, de générosité ou de prétendue justice naturelle, mais, dans les observations, on ne s’est pas aventuré à dire qu’il avait été conféré à la cour le droit d’agir sur le fondement de l’un ou l’autre de ces principes. Il semblait reconnu qu’il fallait trouver un fondement à la réclamations soit sur une relation contractuelle (il faut garder à l’esprit que la contestation est entre la Couronne et la Couronne étant donné que les deux parties agissent au nom de la Couronne) ou quasi contractuelle entre les parties aux présentes, soit sur un certain motif en equity. [Je souligne.]
[80] Dans cet arrêt, le juge Duff, avant qu’il ne soit nommé juge en chef du Canada, a écrit aux pages 118 et 119 :
[traduction]
La « Loi de la cour de l’Échiquier » confère à cette cour la juridiction de juger ces différends. Cette loi ne prévoit rien quant à la règle à appliquer pour arriver à une décision; on se doit toutefois pas supposer que cette cour (lorsqu’elle agit à cet égard) instruit des affaires selon les seules opinions que le juge de la cour peut avoir à l’égard de ce qui (selon la situation qui lui est présentée) serait juste, équitable et correct quant à ce que devrait faire l’une ou l’autre des parties au différent. Je pense que cette loi, en prévoyant que la cour peut trancher les différends, vise les différends se rapportant à des droits; le fait de supposer préalablement une règle ou un principe selon lequel de tels droits peuvent être établis pourrait, semblerait-il, faire en sorte qu’aucune autre règle ou principe de droit ne serait approprié. Je pense que nous ne devrions pas présumer que la Cour de l’Échiquier a été autorisée à faire une règle de droit pour que soit tranché un tel différend ou à appliquer à un tel différend une règle ou un principe l’emportant dans un lieu alors que selon les principes reconnus, il devrait être tranché selon la loi d’un autre lieu. Le point de vue quant aux fonctions de la Cour suivant la Loi ne limite pas ces fonctions au point de restreindre l’application utile de la loi. Peu importe le droit du Dominion dans un cas comme le cas en l’espèce, il est difficile de voir de quelle façon la province pourrait (sans la Loi et sans son consentement donné dans le cas en particulier) devoir se présenter devant quelque cour pour répondre à la réclamation du Dominion. La Loi mentionnée et la loi corrélative de la province accordent de façon définitive un sanction légale à l’égard de telles instances et constituent un tribunal (alors qu’il n’en existait pas) par lequel, à la demande de l’une ou l’autre des parties, leurs droits et leurs obligations réciproques concernant tout différent peuvent être établis et péremptoirement déclarés. [Je souligne.]
[81] Ces propos tenus par les juges Duff et Idington ont reçu l’approbation du Conseil privé, lors de l’appel de cette décision, un appel répertorié Canada (Dominion of) v. Ontario (Province of), [1910] A.C. 637 (P.C.) [à la page 645], et dont les motifs ont été rendus par lord Loreburn :
[traduction]
Leurs Seigneuries sont d’avis que les appelants, pour avoir gain de cause, doivent présenter leur réclamation en s’appuyant sur des principes de droit reconnus. La Cour de l’Échiquier, à laquelle, en vertu de lois tant du Dominion que la province, a été conférée une juridiction quant aux différends entre eux, n’a pas en conséquence obtenu le pouvoir de trancher les différends en vertu seulement de son propre point de vue sur ce qui dans les circonstances pouvait être vu comme juste. Il se peut que, pour des questions soulevées entre un dominion comprenant diverses provinces qui n’ont pas toutes des lois identiques d’une part, et une province qui a son propre droit d’aute part, surviennent des difficultés quant au principe de droit qui doit s’appliquer. De tels conflits peuvent toujours survenir entre des États ou des provinces au sein d’une union. Mais le conflit est entre un ensemble de principes de droit et un autre. Dans la présent affaire, il n’apparaît pas à leurs Seigneuries que la réclamation du Dominion du Canada puisse être appuyée sur quelque principe de droit dont on peut invoquer l’application. [Je souligne.]
[82] Finalement, la Cour d’appel fédérale s’est également penchée sur la question de la nature du recours prévu à l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10] dans R. (Canada) c. R. (Î.-P.-É.), [1978] 1 C.F. 533 (C.A.). Dans cette affaire, l’Île‑du‑Prince‑Édouard avait intenté en Cour fédérale, sous l’article 19, une action en dommages, contre le Canada. Dans le cadre de ces procédures, l’Île‑du‑Prince‑Édouard alléguait essentiellement avoir été lésé par l’interruption, à la suite d’une grève, du service de traversiers entre Borden et Cape Tormentine, et par le défaut du fédéral de fournir un service efficace et continu entre l’île et le continent, comme il avait l’obligation constitutionnelle de le faire. Le banc de la Cour d’appel fédérale, dans cette affaire, était composé du juge en chef Jackett et des juges Pratte et Le Dain, avant que ce dernier ne soit nommé à la Cour suprême du Canada.
[83] En première instance [[1976] 2 C.F. 712], le juge Cattanach avait décidé que le gouvernement du Canada avait manqué à son devoir constitutionnel, mais que ce manquement ne donnait pas ouverture à une réparation en dommages‑intérêts. Le gouvernement du Canada a fait appel de la conclusion selon laquelle il avait manqué à son obligation constitutionnelle et le gouvernement de l’Île‑du‑Prince‑Édouard a déposé un appel incident à l’encontre de la conclusion selon laquelle ce manquement ne donnait pas lieu à une réparation sous la forme de dommages et intérêts. L’appel du Canada a été rejeté et l’appel incident de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, accueilli, le juge Pratte étant dissident sur l’appel incident.
[84]Selon le juge en chef de la Cour fédérale [à la page 546], le juge de première instance « a mal compris la véritable nature de l’affaire lorsqu’il l’a consi-dérée a) comme une réclamation contre Sa Majesté b) comme une réclamation émanant de Sa Majesté; c) comme une “action”, au sens que ce terme revêt ordinairement dans le système judiciaire, dont la fonction normale consiste à régler les différends entre des personnes ordinaires. »
[85]Le juge en chef a, par la suite, examiné la question du point de vue de la nature et du caractère de la procédure engagée devant la Division de première instance. Aux pages 557 et 558 de ses motifs, il écrit :
Je doute que le Canada ou une province soit une personne qui entre comme telle dans la compétence des cours supérieures de common law. Quoi qu’il en soit, j’estime que la Division de première instance n’a aucune compétence dans un différend entre deux entités politiques de cette nature, si ce n’est celle que lui confère l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale [. . .] et la loi provinciale qui la reconnaît. À mon sens, les dispositions législatives (l’article 19 et la « loi » provinciale) créent une compétence qui diffère par sa nature de la compétence ordinaire conférée aux cours municipales pour trancher les différends entre les personnes ordinaires ou entre le souverain et une personne ordinaire. Elle tranche les différends entre des entités politiques et non pas entre des personnes juridiques reconnues devant les tribunaux municipaux ordinaires. De même, selon moi, ces dispositions créent une compétence qui diffère par sa nature de celle des cours internationales. Elle tranche les différends conformément à certains « principes juridiques reconnus » (en l’espèce, une disposition de la constitution légale du Canada qui est, vis‑à‑vis du droit international, le droit municipal canadien). [Je souligne.]
[86]À la page 559 de ses motifs, le juge en chef s’est exprimé ainsi :
L’adoption du premier texte législatif qui a précédé l’article 19, après que la loi provinciale qui reconnaît la compétence eut été passée, a eu pour effet, selon moi, de convertir un droit légal (statutaire) d’une « province » sans redressement légal en un droit légal assorti d’un redressement légal, bien que ce redressement se limite à une déclaration judiciaire. [Je souligne.]
[87]Le juge en chef a conclu à la page 559 qu’en « vertu de l’article 19, les parties sont des entités politiques [. . .] [qui] représentent la population actuelle (ou le public) des régions géographiques concernées ». Selon lui, le recours intenté par l’Île‑du‑Prince‑Édouard constituait « une réclamation de la population actuelle de l’Île‑du‑Prince‑Édouard contre la population actuelle de tout le Canada ».
[88]Le juge Le Dain a appuyé les conclusions du juge en chef. Il a par ailleurs souligné le fait que pour faciliter le déroulement de l’action, les parties ont produit un exposé conjoint des faits touchant l’établissement et le maintien du service de traversiers.
[89]Quant à la nature du recours sous l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, le juge Le Dain s’est exprimé comme suit aux pages 582 et 583 :
La constitution du Canada, dont fait partie l’arrêté en conseil admettant l’Île‑du‑Prince‑Édouard dans l’Union, donne au Canada et aux provinces des droits et des obligations en leur qualité de personnes juridiques distinctes. Toutefois, la nature de ces entités et celle de leurs obligations et leurs droits respectifs doivent être précisés. L’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale et la disposition habilitante voulue adoptée par la province confèrent à la Cour compétence pour juger des litiges entre le gouvernement du Canada et celui d’une province, litiges qui peuvent porter, entre autres, sur ces droits et ces obligations. À l’instar du juge en chef, je suis d’avis, en toute déférence, que ni la doctrine de l’indivisibilité ni celle de l’immunité de la Couronne, que ce soit du point de vue de la procédure ou du droit positif, ne doivent empêcher de statuer sur la responsabilité intergouvernementale aux termes de cette disposition qui prévoit clairement que le Canada et les provinces doivent être traités comme des personnes juridiques distinctes et égales lorsqu’il s’agit de juger un litige qui a pris naissance entre elles. Le terme « litige » a un sens assez général pour embrasser tout genre de droit, d’obligation ou de responsabilité qui peut exister entre les gouvernements ou leur personnification juridique stricte. Le terme est certainement assez général pour comprendre un litige portant sur la question de savoir si un gouvernement est passible de dommages‑intérêts envers un autre. Il n’est pas clair que le pouvoir judiciaire conféré par l’article 19 comprenne le pouvoir d’accorder une réparation supplémentaire de même qu’un jugement déclaratoire mais je présume, compte tenu de la nature des parties au litige, que c’était un jugement déclaratoire qui était envisagé. Les procédures en l’espèce ont revêtu la forme d’une action en dommages‑intérêts intentée par Sa Majesté la Reine, du chef de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, contre Sa Majesté la Reine, du chef du Canada, mais puisque les procédures ont été clairement intentées aux fins d’invoquer la compétence de la Cour en vertu de l’article 19, l’intitulé de la cause et la nature du redressement sollicité sont, à mon humble avis, des questions de forme qui ne devraient pas annuler le fond de la réclamation. Je ne vois aucune raison pour ne pas considérer l’action comme étant de façon générale, une demande de redressement visant à obtenir de la Cour une décision ou un jugement déclaratoire selon lequel la province a droit à des dommages‑intérêts en raison de la prétendue inexécution par le Canada de son devoir. [Je souligne.]
10.2. Conclusions sur la question préliminaire
[90]À mon avis, l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale exige qu’elle [la Cour] résolve le différend entre le Québec et le Canada en appliquant des principes juridiques aux faits établis par la preuve reçue lors du procès. Je suis également d’avis que cette disposition n’a pas pour but d’attribuer à une cour une compétence en matière de contrôle judiciaire des décisions des offices fédéraux, une compétence qu’elle détient déjà en vertu de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
[91]Il s’en suit que cette Cour doit revoir les six déterminations du ministre sur la base de la preuve admise au procès sans contrainte associée aux normes de contrôle applicables aux recours en contrôle judiciaire et sans être liée par la règle de l’irrecevabilité de la preuve qui n’était pas devant le décideur, une règle applicable aux demandes de contrôle judiciaire.
[92]Cette conclusion se base sur les déterminations suivantes :
1. En vertu de l’article 19, si une province y consent, la Cour fédérale a compétence sur les litiges opposant le Canada et cette province. Par ailleurs, aux termes de l’article 19, dans l’exercice de cette compétence, cette Cour doit juger ces litiges « determine the controversies » et c’est en première instance qu’elle connait ces questions. Par conséquent, selon l’article 19, le mandat de cette Cour est clair : il consiste à résoudre le litige en tranchant sur le fond du différend en première instance sur la base de la preuve devant elle.
2. Dans l’affaire des Fonds de fiducie de l’Ontario, précité, le juge Idington a écrit [aux pages 45 et 46] que l’article 19 [traduction] « d’une manière des plus imposantes, confère aux tribunaux inférieurs et à la Cour l’obligation de trancher le litige ». Dans l’affaire de l’Î.‑P.-É., précité, le juge en chef a reconnu qu’un différend soumis à la Cour en vertu de l’article 19 n’est pas une réclamation contre sa Majesté ou une action au sens ordinaire de ce terme dont la fonction normale consiste à régler les différends entre les personnes ordinaires. Selon le juge en chef, l’article 19 et la loi provinciale créent une compétence qui diffère par sa nature de la compétence ordinaire conférée aux cours municipales pour trancher les différends entre les personnes ou entre le souverain et une personne ordinaire. En vertu de l’article 19, la Cour fédérale tranche les différends entre des entités politiques et non pas entre des personnes juridiques reconnus devant les tribunaux municipaux ordinaires. Il a aussi ajouté que l’article 19 est à l’effet de convertir un droit légal d’une province assorti d’aucun redressement légal en un droit légal assorti d’un redressement légal. Dans cette affaire, le juge Le Dain a conçu la procédure devant lui comme une forme d’action en dommages‑intérêts, c’est-à-dire, comme une demande de redressement.
3. Le contexte historique suggère fortement que l’article 19 envisage une procédure dont le cadre juridique et procédural est plus vaste que celui associé au contrôle judiciaire. En effet, lorsque la Cour de l’Échiquier a été créé en 1875, elle n’a reçu aucune compétence en matière de contrôle judiciaire, un domaine, à l’époque, de compétence exclusive aux cours supérieures des provinces. Ce n’est qu’en 1970 que la Cour fédérale du Canada a été attribuée une compétence en matière de contrôle judiciaire des décisions des offices fédéraux. Nonobstant, l’introduction d’une compétence exclusive en matière de contrôle judiciaire des offices fédéraux, la Cour a maintenu sa compétence sous l’article 19 relativement aux litiges opposant le Canada et une province, ce qui démontre que cette compétence, tout à fait unique, n’est en aucune façon subordonnée à l’article 18 ou à l’article 28 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8] de la Loi sur la Cour fédérale.
4. Le Québec recherche une déclaration de droit. Avant la réforme de la Cour fédérale en 1990, une déclaration de droit découlait de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale par moyen d’action instruite par procès.
[93]À l’issu de cette analyse, je suis d’avis que le Canada ne peut valablement soutenir que l’article 19 est simplement attributif de compétence et que les parties demeurent assujetties aux règles de procédure applicable aux demandes de contrôle judiciaire. L’article 19 n’est pas simplement attributif de compétence comme le démontre le nombre de recours qui ont été entrepris sous la forme d’un procès de novo depuis l’existence de ce recours. Ce recours aurait pu être intenté en vertu de l’article 18 sous la forme d’une demande de contrôle judiciaire mais les parties en ont décidé autrement. Soutenir aujourd’hui que le recours, malgré le fait qu’il ait été intenté en vertu de l’article 19, doit être considéré une demande de contrôle judiciaire, intentée en vertu de l’article 18, priverait l’article 19 de son but. J’accepte donc toute la nouvelle preuve produite par l’une ou l’autre des parties pourvu que cette nouvelle preuve existait avant la décision du ministre.
10.3. L’accord des parties sur les principes d’application du Programme
[94]Les parties s’entendent sur les principes de base gérant le Programme. Cette compréhension mutuelle se dégage de l’échange en contre‑interrogatoire entre Mme Daigneault et le procureur du Québec qui a eu lieu le 5 janvier 2005 (voir les notes sténographiques, pages 223 à 242) :
1. Le Programme de stabilisation a pour but d’indemniser les provinces qui subissent une baisse de revenus d’une année à l’autre, à cause de raisons hors de leur contrôle (page 224);
2. Une province aura droit à une compensation si le fédéral pose un geste qui fait chuter les revenus sujets à stabilisation d’une province (page 225);
3. A droit à une compensation une province dont les revenus totaux sujets à stabilisation sont moindres pour l’année de la demande que pour l’année précédente d’un montant équivalent à l’écart entre les deux années (page 226);
4. Ce sont les revenus sujets à stabilisation de la province, corrigés pour les changements fiscaux faits par cette province durant l’année de la demande et non les revenus réels de celle‑ci que l’on compare avec ceux de l’année précédente afin de ramener ces revenus à une structure fiscale constante de la province pour les deux années. S’il y a un changement fiscal fait par le gouvernement fédéral, aucune correction n’est faite pour ce changement (page 229);
5. Afin de corriger les revenus sujets à stabilisation d’une province pour les ramener à la structure fiscale constante de l’année précédente, il faut recalculer ce qu’auraient été les revenus de la province si aucun changement fiscal n’était intervenu. En autres mots, ce ne sont pas les revenus réels de l’année de la demande provenant d’une source qui sont comparés mais ceux qui auraient été réalisés si la structure fiscale avait demeuré la même que celle de l’année précédente (pages 231 et 233);
6. Une province peut avoir droit à un paiement de stabilisation même si ses revenus réels corrigés, pour l’année de la demande, ont augmenté durant l’année puisqu’une province peut avoir augmenté ses impôts ou la hausse de ses revenus est seulement due au fait que si elle n’auvait pas augmenté ses impôts, elle aurait subi une chute de ses revenus (page 234);
7. Les corrections mandatées par l’article 12 du Règlement se font au niveau de chacune des sources de revenus pour ensuite ajuster les plus et les moins pour déterminer si une province est admissible a un paiement de stabilisation;
8. Les corrections prévues à l’article 12 du Règlement visent à faire abstraction de l’impact des changements effectués par une province à sa structure fiscale. En autres mots, elles visent à assurer qu’une province ne bénéficie pas d’un avantage en jouant avec sa structure fiscale pour réduire ses revenus tout en réclamant un paiement de stabilisation du fédéral (page 237);
9. Le fédéral paye pour une chute des revenus de la province sujets à stabilisation à cause de l’activité économique ou à cause d’un facteur hors du contrôle de la province (page 238);
10. Les corrections prévues à l’article 12 du Règlement visent à assurer qu’une province qui a été efficace en augmentant ses revenus par un geste quelconque, par rapport à ce qu’il aurait été sans que le geste soit posé, ne soit pénalisée pour avoir été efficace à condition que ce geste soit un geste fiscal (page 238).
10.4. Élément a)—la TVQ sur la TPS
[95]La déclaration recherchée sur cet élément par le Québec est :
DÉCLARE QUE la modification législative effectuée par le Québec par l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal, L.Q., 1990, c. 60, aux fins de permettre l’application de la TVQ sur la TPS, constitue un changement apporté par le Québec à sa structure fiscale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(i) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992.
[96]La question en litige formulée par le juge Hugessen est :
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations [. . .]
a) Que l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal, afin de permettre notamment l’application de la Taxe de vente du Québec (la « TVQ ») sur la Taxe sur les Produits et Services (la « TPS »), ne constitue pas un changement apporté à la structure fiscale du Québec au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(i) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. [Je souligne.]
[97]L’alinéa 6(1)b) de la Loi se lit :
6. (1) Sous réserve des paragraphes (8) à (10), le paiement de stabilisation qui peut être fait à une province pour un exercice est l’excédent, déterminé par le ministre :
a) du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice précédent sur
b) le revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice, corrigé de la manière prescrite de façon à compenser toute variation, déterminée par le ministre, du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice résultant de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement du revenu de la province qui correspond aux alinéas a) à cc) et ee) de la définition de « source de revenu » au paragraphe 4(2) à l’exception des revenus reçus du gouvernement du Canada conformément à la Loi sur le transfert de l’impôt sur le revenu des entreprises d’utilité publique par rapport aux taux ou à la structure applicable à l’exercice précédent. [Je souligne.]
[98]Le sous-alinéa 12(1)b)(i) du Règlement se lit :
12. (1) Pour corriger le revenu soumis à stabilisation d’une province pour une année financière conformément à l’alinéa 6(1)b) de la Loi, le ministre doit :
a) d’une part, ajouter au montant par ailleurs déterminé du revenu soumis à stabilisation de la province pour l’année financière, le montant de la diminution des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment les changements suivants :
[…]
b) d’autre part, soustraire du montant, par ailleurs établi du revenu soumis à stabilisation de la province pour l’année financière, le montant de l’augmentation des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure, soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment les changements suivants :
(i) l’introduction d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance au cours de l’année financière ou au cours de l’année financière précédente. [Je souligne.].
[99]Il n’est aucunement contesté par les parties que le revenu sujet à stabilisation d’une province inclut les revenus qu’elle tire de sa taxe de vente, source de revenu mentionnée à l’alinéa 4(2)d) de la Loi.
[100]Le partage des compétences constitutionnelles en matière de taxation est un point d’importance dans l’appréciation de ce premier élément. Le Parlement du Canada peut imposer des taxes directes ou indirectes alors que la législature d’une province doit se limiter aux taxes directes. La jurisprudence reconnaît qu’une taxe de vente imposée sur la vente d’un bien au détail est une taxe directe parce qu’elle vise directement le consommateur qui en assumera le fardeau. La TPS a aussi été reconnue comme taxe directe.
[101]D’autre part, la TVF, imposée aux manufacturiers, était une taxe indirecte parce que celui qui la payait en ajoutait le coût à son prix de vente au distributeur ou détaillant. Seul le Parlement du Canada pouvait l’imposer. En l’espèce, le Québec reconnait que sous l’ancien régime de la TVF, la TVQ taxait la TVF parce que celle‑ci était cachée dans le prix de vente au détail payé par le consommateur.
[102]Sous le nouveau régime de la TPS, celle‑ci est imposée sur le prix d’achat au détail, donc n’est plus cachée dans le prix comme auparavant. Le Québec réagit afin de s’assurer que la TVQ s’applique sur le prix d’achat plus la TPS.
[103]Le 14 décembre 1990 l’Assemblée nationale du Québec modifia la définition de « prix de vente» à l’article 2, paragraphe 7e [mod. par L.Q. 1990, ch. 60, art. 1] de sa Loi concernant l’impôt sur la vente en détail [L.R.Q., c. I-1] (LIVD) pour spécifiquement faire mention de la TPS afin que celle‑ci soit comprise dans l’assiette de la TVQ. Avant cette modification, la définition du « prix de vente » ne faisait aucune mention de la TVF, une taxe indirecte imposée aux manufacturiers, mention qui n’était pas nécessaire puisque la TVF était incluse dans le prix de vente.
[104]Selon le Québec, cette modification à la LIVD constitue un changement apporté par la province à la structure de l’un de ses impôts (en l’occurrence la TVQ) donnant lieu à une correction aux termes du sous-alinéa 12(1)b)(i) du Règlement.
[105]Cependant, le ministre refuse la correction à la baisse effectuée par le Québec aux revenus réels sujets à stabilisation de l’exercice 1991‑1992 provenant de cette source et a rajouté le montant de 168 284 000 $, montant que le Québec avait estimé être l’impact financier de sa modification législative.
[106]À l’égard de cet élément de la demande du Québec, la Cour doit donc déterminer si la modification législative apportée à la LIVD pour inclure la TPS dans l’assiette de la TVQ constitue un « changement [au] taux ou [à] la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement » du Québec au sens des alinéas 6(1)b) de la Loi et 12(1)b) du Règlement, dont le ministre doit tenir compte dans son calcul du revenu sujet à stabilisation du Québec pour l’exercice 1991‑1992 provenant de cette source.
[107]Sans la modification à la LIVD, le Québec soutient que la TVQ se serait appliquée à compter du 1er janvier 1991 sur une assiette réduite, soit sur le prix de vente des biens excluant d’une part la TVF, taxe indirecte abolie par le Parlement fédéral à compter du 1er janvier 1991, et d’autre part, n’incluant pas la TPS dans le prix d’achat d’un bien vendu au Québec puisqu’elle aussi, comme taxe directe, était imposée sur le prix de vente.
[108]Selon le Québec, l’objectif du Programme est d’indemniser une province qui aurait subit une baisse de son revenu sujet à stabilisation d’une année à l’autre pour des raisons hors de son contrôle. Le Québec soutient que le changement à la LIVD a eu pour effet d’éviter une baisse de son revenu sujet à stabilisation. Donc le Québec soutient que le ministre devait, lors de son analyse, tenir compte de cet effort de la province; le Québec ne devrait pas être pénalisé pour avoir posé un geste ayant eu pour effet d’éviter une baisse de son revenu sujet à stabilisation. Ainsi, afin de déterminer le montant du paiement de stabilisation, le ministre devait soustraire des montants réels provenant de cette source 168 284 000 $ correspondant à la somme que le Québec avait calculé avoir évité de perdre par ce changement à sa structure fiscale.
[109]Le Québec soumet que la notion de changement fait par la province à sa structure fiscale au sens des paragraphes 6(1) de la Loi et 12(1) du Règlement doit recevoir une interprétation large et libérale. Tout type de changements apportés par la province à ses impôts ou à l’un de ses mécanismes de prélèvement devrait requérir une correction puisqu’il est difficile de concevoir que le législateur ait voulu exclure l’impact financier de certains types de gestes volontaires de la province seulement. De plus, l’utilisation du mot « notamment » au début des alinéas 12(1)a) et b) du Règlement appuie cette interprétation.
[110]Ainsi, l’amendement à la définition de « prix de vente » dans la LIVD afin de changer l’assiette sur laquelle la TVQ était prélevée, concerne assurément une modification de l’un des mécanismes de prélèvement du Québec et constitue un élargissement de l’assiette d’un impôt visé par le Règlement.
[111]Selon le Québec, la décision du ministre sur cet élément est mal fondée. Sans l’élargissement de l’assiette de la TVQ, le Canada a témoigné que le ministre aurait refusé d’accorder compensation pour la baisse de revenus puisque l’inaction du Québec aurait été considérée comme un changement à sa structure fiscale qui aurait requis une correction à la hausse de ses revenus de taxe de vente de 1991‑1992 et partant, une réduction équivalente de sa demande. Et c’est exactement ce qui s’est produit dans le cas d’autres provinces qui n’ont pas inclus la TPS dans l’assiette de leur taxe provinciale de vente.
[112]Selon le Québec, le Canada cherche à trouver des excuses pour éviter d’avoir à indemniser les provinces pour les baisses de revenus pouvant découler de ses propres décisions dans le cadre de la réforme de sa taxe de vente.
[113]Le Canada soutient que la modification législative invoquée par le Québec ne constitue pas un changement dans les taux ou la structure de ses mécanismes de prélèvement. Il y a eu un geste législatif mais non un geste fiscal. Que ce soit avant ou après la modification législative invoquée par le Québec, le mécanisme de prélèvement de la TVQ demeure le même. La TVQ a toujours été appliquée sur la taxe fédérale : la TVQ sur la TVF jusqu’au 1er janvier 1991 et la TVQ sur la TPS après cette date. La modification législative ne constitue ni un changement à la structure applicable, ni une nouvelle taxe, ni un nouveau mécanisme de prélèvement.
[114]Dans le cadre de la réforme fiscale fédérale, le Canada reconnait que le Québec a apporté certains changements fiscaux dont le ministre a tenu compte dans la demande du Québec pour un paiement de stabilisation :
· Le Québec a diminué d’un pourcent (de 9 % à 8 %) le taux de la TVQ. Le ministre a réagit en ajoutant aux revenus réels de cette source de revenu l’impact financier de cette baisse;
· Le Québec a élargit l’assiette fiscale de la TVQ pour y inclure les meubles, les chaussures et les vêtements. Le Canada a diminué les revenus réels de 1991/1992 provenant de cette source pour s’assurer que l’exercice financier 1991‑1992 se comparait sur une structure constante avec 1990‑1991.
[115]Qui plus est, selon le Canada, la simulation que le Québec à utilisé pour mesurer l’impact financier de la TVQ sur la TPS a eu pour effet de projeter ce qu’auraient été les revenus découlant de la TVQ si, dans le cadre du régime fiscal de 1991‑1992, la taxe provinciale ne s’était jamais appliquée sur la taxe fédérale. Or le ministre a jugé que dans les faits ce régime fiscal n’a jamais existé; en 1990‑1991, la taxe provinciale s’appliquait sur toutes les taxes fédérales (TVF, taxe d’accise et les douanes) et il en est resté de même en 1991‑1992. Le régime fiscal n’a pas changé.
[116]Le Canada a donc ajusté la simulation du Québec en ajoutant un montant équivalant à la TVQ aux montants représentant les ventes au détail pour l’exercice financier 1991‑92, et ce afin que ces montants représentent réellement le prix de vente des biens sur lequel s’est toujours appliquée la TVQ, c.-à-d. un prix de vente incluant la TVF avant 1991‑1992 et incluant la TPS après 1991‑1992.
[117]En conclusion, selon le Canada, le fait qu’un amendement législatif ait dû être apporté afin de maintenir la même structure de prélèvement des revenus ne transforme pas cet amendement législatif en un changement fait par le Québec à la structure de ses mécanismes de prélèvement. De plus, ce qu’il faut prendre en considération dans le cadre du Programme sont les changements fiscaux faits par la province et non les changements fiscaux faits par le fédéral (c.-à-d. l’élimination de la TVF et l’introduction de la TPS) et auxquels doivent s’adapter les provinces, par exemple par un geste législatif.
[118]L’alinéa 12(1)b) du Règlement précise que le montant à soustraire du revenu sujet à stabilisation pour l’exercice financier en cours correspond au montant de l’augmentation des revenus qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province.
[119]Deux éléments sont essentiels relativement à ce premier point en litige. Premièrement, ce doit être un changement fait par la province. Et deuxièmement, le changement doit être dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province.
[120]Le sens ordinaire du mot « changement » est « modification » (Le Nouveau Petit Robert); le « Fait de rendre plus ou moins différent, [. . .] de modifier » (Trésor de la langue française).
[121]« Structure » signifie « Agencement, entre eux, des éléments constitutifs d’un ensemble » (Trésor de la langue française); « organisation complexe et importante , envisagée dans ses éléments essentiels » (Le Nouveau Petit Robert).
[122]« Change » en anglais signifie « alteration, variation » et on entend par « structure » « The organization of elements or parts » (Black’s Law Dictionary, 8e éd.).
[123]Dans le règlement d’application, le législateur décrit d’une façon non limitative ce qu’il considère être des changements dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement, notamment, d’une part :
· abolition d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance;
· diminution du taux de ces modes de prélèvement;
· diminutions de la marge de bénéfice;
· des changements apportés aux tranches de l’assiette sur laquelle s’appliquent ses modes de prélèvements;
· aux changements à la classification des contribuables;
· les augmentations des déductions, crédits ou allocations que le contribuable peut réclamer;
· l’extension des exemptions;
et notamment, d’autre part :
· l’introduction d’un impôt ou autre mode de prélèvement;
· les augmentations du taux d’un impôt, etc.;
· les diminutions des dégrèvements relatifs à un mode de prélèvement;
· les augmentations de la marge de bénéfice.
[124]En l’occurrence, face à l’abolition de la TVF, et l’introduction de la TPS, une nouvelle taxe directe, par le Canada, le Québec a modifié la LIVD pour spécifiquement inclure dans sa définition de prix de vente ou prix d’achat la TPS. Cette modification autorisait le Québec de taxer la TPS via la TVQ.
[125]Le Canada reconnaît que le Québec a effectué un changement que le Canada caractérise comme changement législatif et non fiscal parce qu’avant la TPS, le Québec, via la TVQ, taxait la TVF, taxe fédérale - rien n’a effectivement changé, le Québec a toujours taxé une taxe de vente fédérale et ceci en dernier lieu.
[126]Le problème en est un d’interprétation d’un texte législatif. Cette analyse, d’après Rizzo & Rizzo Shoes [au paragraphe 21], précité, est de « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ».
[127]Dans un premier temps, je n’ai aucune difficulté à conclure que suivant son sens ordinaire et grammatical, évalué dans le contexte des exemples que le législateur a lui‑même étayés dans son Règlement, la modification de la LIVD pour permettre l’application de la TVQ sur la TPS représente un changement (la modification de la LIVD) dans la structure (élément important) d’un de ses modes de prélèvements (la taxe de vente au détail). Je donne raison au Québec sur ce point.
[128]Avant la TPS, le Québec, via la TVQ, ne taxait pas directement la taxe de vente fédérale (la TVF); il taxait le prix d’achat payé par le consommateur au détail, qui lui [le prix d’achat], comprenait la TVF imposée à la production. La modification a permis au Québec de taxer directement la TPS. En pratique, dans le cas de la SAQ, la TPS pouvait taxer la marge de bénéfice de celle‑ci, ce qui n’était pas le cas avec la TVF, qui était incluse dans le prix de base de ses produits vendus au public.
[129]Selon le Canada, la jurisprudence de Rizzo & Rizzo Shoes, précitée, enseigne que la Loi et le Règlement doivent être interprétés dans un contexte global prenant en considération l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur.
[130]Tel que mentionné dans l’arbitrage Canada‑Alberta, l’objet de la Loi est de faciliter le transfert de revenus perçus par le fédéral aux provinces pour financer les services publics que chaque province fournie à l’intérieur de ses compétences législatives. En particulier, le but de la partie II de la Loi est de stabiliser les revenus des provinces afin de palier à un déclin de revenus d’une année comparés à ceux de l’année précédente.
[131]Tel que nous l’enseigne aussi l’arbitrage Canada‑Alberta, le ministre doit ajouter les revenus provinciaux de l’année de la demande pour contrebalancer les changements fiscaux provinciaux afin de mesurer exactement le revenu sujet à stabilisation durant les deux années nonobstant les changements voulus dans la politique fiscale d’une province. En d’autres mots, l’objet des corrections du ministre est de permettre que les revenus provinciaux durant les deux années visées soient comparables sur une base fiscale équivalente, faute de quoi la comparaison serait faussée. L’exercice de comparaison est une question de substance et non de forme.
[132]Le Canada a raison de prétendre qu’en 1990, la TVQ taxait une taxe de vente fédérale (la TVF) et qu’avec la modification législative la TVQ, en 1991, continuait de taxer une taxe de vente fédérale (la TPS). Mme Daigneault avait raison de prétendre que la méthodologie utilisée par le Québec (l’exercice de la VDTAX) ne permettait pas une comparaison appropriée entre 1991‑1992 et l’année précédente. L’impact financier de ce changement n’est pas celui prétendu par le Québec.
[133]J’estime que ces deux facteurs ne peuvent servir à nier le fait que le Québec, en modifiant la LIVD, avait effectué un changement dans la structure fiscale de la TVQ.
[134]Le Québec a droit à la déclaration recherchée. Le ministre devra par moyen d’un mécanisme approprié mesurer l’impact financier de la taxation par la TVQ de la TPS en 1991 afin de la placer sur une base comparative aux revenus tirés de la taxation de la TVQ sur la TVF en 1990.
10.5. Élément b)—la marge de bénéfice de la SAQ
[135]La déclaration recherchée par le Québec est :
DÉCLARE QUE l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (SAQ) pour l’exercice 1991‑1992, constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992.
[136]La question formulée par le juge Hugessen est :
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans sa détermination :
[. . .]
b) Que l’augmentation du taux de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (la « SAQ ») pour l’exercice financier 1991‑1992 ne constitue pas une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. [Je souligne.]
[137]Le sous-alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement se lit :
12. (1) Pour corriger le revenu soumis à stabilisation d’une province pour une année financière conformément à l’alinéa 6(1)b) de la Loi, le ministre doit :
[. . .]
b) d’autre part, soustraire du montant, par ailleurs établi du revenu soumis à stabilisation de la province pour l’année financière, le montant de l’augmentation des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment les changements suivants :
[. . .]
(viii) les augmentations, en moyenne pour une année, de la marge de bénéfice sur les biens ou les services vendus au public par la province ou ses organismes. [Je souligne.]
[138]Le Canada reconnait que le revenu sujet à stabilisation d’une province inclut les revenus tirés de la vente des spiritueux, du vin et de la bière (les « boissons alcooliques ») (paragraphes 6(2) et 4(2) de la Loi; alinéas 5(1)j), k) et l) du Règlement) et qu’en vertu du sous-alinéa 12(1(b)(viii), si la marge de bénéfice avait augmenté sur les produits vendus par la SAQ durant l’année fiscale 1991/1992, le Québec aurait droit à une correction à la baisse des revenus réels provenant de ces sources.
[139]Le Québec a apporté une correction aux revenus réels de 1991‑1992 provenant de ces sources afin d’en soustraire la somme de 105 390 000 $, que la province a déterminé être l’impact financier résultant d’un changement apporté à l’un de ses mécanismes de prélèvement, en l’occurrence l’augmentation de la marge de bénéfice sur les produits vendus par la SAQ au public. Devant l’annonce de l’abolition de la TVF et de l’entrée en vigueur de la TPS, la SAQ soutient avoir révisé à la hausse sa structure de majoration afin de maintenir ses bénéfices et le niveau de dividende à son actionnaire, le ministre des Finances du Québec.
[140]Cependant, le ministre dans sa décision a conclu que la preuve apportée par le Québec ne démontrait aucune augmentation de la marge de bénéfice de la SAQ et que cette preuve établissait seulement qu’il y avait eu variation dans le taux de la marge de bénéfice sur les produits vendus par la SAQ au public.
[141]La méthodologie utilisée par le Québec pour démontrer une augmentation de la marge de bénéfice (mark-up) sur les produits vendus par la SAQ (spiritueux, vins et bières) a été dans un premier temps de comparer globalement sur l’ensemble des produits vendus par cet organisme, la marge de bénéfice en 1991-1992 à celle de 1990-1991 calculée par la formule : valeur des ventes moins le coût des ventes (bénéfice brut) divisé par le coût des ventes.
[142]Selon cette méthodologie, le Québec soutient que la marge de bénéfice sur les produits vendus en 1991/1992 aurait augmenté en comparaison avec celle de 1990-1991.
[143]Mme Daigneault a témoigné que la méthodologie utilisée par le Québec suscitait plusieurs difficultés pour le Canada et que le Canada les auraient exprimées au Québec durant la réunion du 7 mars 1994 et répétées à celle du 12 septembre 1994, étoffées d’une demande d’exemples semblables à ceux que le Canada aurait obtenus du Manitoba.
[144]Une des préoccupations principales du Canada a été soulevée clairement par M. Hodgson lors de son interrogatoire après défense à l’effet que la formule choisie par le Québec ne démontrait aucune augmentation de la marge de bénéfice sur chaque produit vendu au public par la SAQ mais simplement une variation du taux ou le pourcentage de cette marge ce qui était insuffisant. Pour M. Hodgson, le Québec devait démontrer que la marge de bénéfice avait augmenté en dollars, démonstration qui ne pouvait être faite que si le Québec établissait que les prix des produits vendus par la SAQ avaient augmentés.
[145]Le Québec a réagit aux réserves faites par le Canada en présentant à la réunion du 12 septembre 1994 un nouveau tableau, utilisant cependant la même formule, calculant cette fois la marge de bénéficie non sur l’ensemble des produits vendus par la SAQ durant l’année de référence et l’année précédente mais en relation avec les trois principales catégories de produits vendus : les spiritueux, les vins et les bières. Selon le Québec, ce tableau démontrait une augmentation en pourcentage de la marge de bénéfice pour l’année de référence sur l’année précédente.
[146]Durant son témoignage, Mme Daigneault a exprimé plusieurs autres inquiétudes sur la méthodologie utilisée par le Québec pour démontrer l’augmentation de la marge de bénéfice de la SAQ :
1. La formule utilisée par le Québec exprimait seulement un résultat ex post facto qui masquerait plusieurs facteurs aptes à faire bouger la marge de bénéfice sans que la SAQ ait posé un geste concret pour l’augmenter, citant comme exemple la diminution du prix de base d’une bouteille de vin suite à l’abolition de la TVF;
2. La structure de la marge était volumétrique ou ad valorem par nature avec conséquence que le taux de la marge variait si le volume ou le prix d’un produit spécifique changeait, et ceci, sans geste posé par la SAQ pour augmenter la marge de bénéfice.
[147]En somme, la position du Canada est que le Québec n’a amené aucune preuve suffisante pour démontrer au ministre que sa marge de bénéfice sur les produits vendus par la SAQ au public avait augmentée. Le Québec devait démontrer que la province avait, avant l’année de la demande, légiférer une augmentation de sa marge de bénéfice.
[148]En contre‑interrogatoire (notes sténographiques du 6 janvier 2005 aux pages 170 à 173) Mme Daigneault a reconnu que la problématique n’était pas de savoir si la marge de bénéfice de la SAQ devait s’exprimer en dollars ou en pourcentage (un taux) mais d’apprécier que le produit de la formule utilisée par le Québec était un taux ex post facto qui n’était pas valable aux yeux du Canada pour démontrer une augmentation légiférée par la SAQ afin d’augmenter sa marge de bénéfice.
[149]Aux yeux du Québec et de la Cour, cette aveu de Mme Daigneault représentait un changement de cap de la part du Canada, ayant un impact important sur la question en litige, tel que formulée par le juge Hugessen, suite aux représentations qui lui ont été faites par les parties. Ceci est évident à la lumière du mémoire du Canada, présenté au juge Hugessen, que la question de savoir si la marge de bénéfice de la SAQ devait s’exprimer en dollars était fondamentale. C’est sur cette compréhension des choses que les experts Levine et Bussière ont aussi rédigé leurs rapports et ont témoigné. La Cour accepte le témoignage de Mme Daigneault, la représentante du Canada, sur ce point et ne voit aucune utilité d’approfondir le débat entre les deux experts.
[150]La pièce P‑12 est un extrait du procès-verbal du conseil d’administration de la SAQ en date du 8 novembre 1990 sur la structure des taux de majoration qui seraient en place le 1er janvier 1991 dans le cadre de l’introduction de la TPS. Les membres du conseil d’administration ont décidé que la structure de majoration des produits vendus par la SAQ soit modifiée à compter du 1er janvier 1991 selon le principe développé au scénario 2 du document intitulé « Structure de majoration dans le cadre de la TPS ».
[151]La pièce P‑12 a été admise sous réserve en attente de la décision de la Cour à savoir si une nouvelle preuve qui n’était pas devant le décideur était admissible dans le cadre de la procédure intentée par le Québec contre le Canada sous l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale. Pour les motifs déjà exprimés ci‑haut sur la question préliminaire, je conclu à l’admissibilité de la pièce P‑12.
[152]La pièce P‑12 démontre qu’avant le 1er janvier 1991, le conseil d’administration de la SAQ avait, par résolution, statué une nouvelle structure de majoration visant à maintenir les prix de vente au détail ainsi que la capacité de générer le dividende anticipé en raison de l’avènement de la TPS qui a fait chuter le prix de base sur chaque produit vendu par la SAQ.
[153]La marge de bénéfice de la SAQ est le résultat de sa structure de majoration qui s’applique, produit par produit, sur le prix de base de chaque produit dont les composantes sont : le prix payé au fournisseur, les frais de transport, les douanes, les accises, les taxes de vente fédérales (TVF de 19 % avant 1991 et la TPS de 8 % de cette année) et autres frais.
[154]Pour maintenir les prix au détail advenant l’élimination de la TVF de 19 %, composante importante du prix de base, la SAQ a modifié par résolution de son conseil d’administration les deux portions qui sont la source de ses bénéfices : augmentation de sa majoration fixe par bouteille et changements des tranches et des taux de sa majoration ad valorem.
[155]Mme Daigneault a témoigné le 6 janvier 2005 (notes sténographiques, page 270) que la pièce P‑12, qui n’avait pas été remise au Canada lors de l’étude de sa demande, démontrait un geste conscient de la part du Québec d’augmenter la marge de bénéfice sur les produits vendus par elle au public.
[156]J’estime que le Québec a droit à la déclaration recherchée.
[157]J’ai deux remarques supplémentaires à faire. Premièrement, je ne me prononce pas sur le quantum de l’impact financier de la correction que le ministre doit effectuer afin de donner suite à l’augmentation de la marge de bénéfice de la SAQ durant l’année fiscale 1991-1992. La détermination de l’impact financier est la responsabilité du ministre qui doit prendre en considération tous les facteurs pertinents afin d’évaluer justement ce qu’auraient été les revenus réels de cette source de revenus si l’augmentation de la marge de bénéfice en 1991-1992 ne s’était pas produite. Dans ce contexte, je n’ai pas à évalué les prétentions du Canada qui prétend pour certains produits l’augmentation de la marge est volumétrique en nature et que dans d’autres cas l’augmentation en pourcentage est faible.
[158]Deuxièmement, la preuve démontre que le Canada a demandé au Québec certains renseignements que le Québec n’a pas fournis.
[159]MM. St. Jelais et Monty ont expliqué pourquoi l’information demandée n’a pas été remise au Canada. Leurs témoignages me convainquent. Le Québec ne pouvait pas fournir ces explications parce qu’il n’y avait aucune augmentation de la marge en dollars et le prix des produits n’avait pas changé. À mon avis, ça se comprend facilement; M. Hodgson insistait que la marge devait s’exprimer en dollars. Sur ce point le dialogue n’existait pas. Dans ce contexte je ne formule aucun reproche au Québec.
10.6. Élément e)—La marge de bénéfice de Loto‑Québec
[160]La déclaration recherchée par le Québec est :
DÉCLARE QUE l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des loteries et courses du Québec pour l’exercice 1991‑1992, constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
[161]La question posée par le juge Hugessen est :
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations [. . .]
[. . .]
e) Que l’augmentation du taux de la marge bénéficiaire de la Société des loteries et courses du Québec (« Loto‑Québec ») pour l’exercice 1991‑1992 ne constitue pas une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992.
[162]Les revenus de loteries tirés par une province sont inclus dans le revenu sujet à stabilisation de la province en vertu des alinéas 4(2)ee) et 6(1)(b) de la Loi. Ainsi, le Québec a inclus ces revenus dans sa demande, y apportant toutefois une correction pour l’année 1991-1992. Le Québec a soustrait la somme de 11 972 637 $, déterminée être l’impact d’un changement fait par la province à un de ses mécanismes de prélèvement, en l’occurrence l’augmentation de la marge de bénéfice sur les loteries vendues au public par Loto‑Québec. Le ministre n’a pas tenu compte de cette correction puisque selon lui, seulement le taux de la marge de bénéfice de Loto‑Québec avait augmenté, ce qui ne correspond pas à une augmentation au sens du sous-alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement. Selon le ministre, la preuve présentée par le Québec était insuffisante pour vérifier une augmentation de la marge de bénéfice ou même évaluer l’impact financier d’une telle augmentation le cas échéant.
[163]Le Québec soutient qu’à l’instar de l’élément en litige concernant la SAQ, la principale question qui doit être tranchée par la Cour concerne l’interprétation de l’expression « marge de bénéfice » apparaissant au sous-alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement.
[164]En effet, le Québec soutient que sa marge bénéficiaire, exprimée en pourcentage du coût des ventes, a augmentée en 1991-1992 par rapport à l’année précédente. Loto‑Québec calcule sa marge de bénéfice de la même façon que la SAQ en divisant le bénéfice brut par le coût des ventes de la même année. Loto‑Québec peut volontairement augmenter son bénéfice brut, notamment en mettant en marché des loteries ayant un taux de retour inférieur (le taux de retour est fixé sous forme de pourcentage du prix de vente des billets, qui correspond aux prix remis aux gagnants); en modifiant à la baisse les escomptes aux détaillants, bien que ce ne soit pas fait fréquemment; ou en diminuant la qualité de l’impression des billets de loterie ou la grosseur des billets. La diminution du taux de retour a pour effet d’améliorer le bénéfice brut et donc influe indirectement sur la marge bénéficiaire telle que calculée par Loto‑Québec. Pour le Québec, le sens de l’expression « marge de bénéfice » au sous-alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement, est suffisamment large pour inclure l’augmentation du taux de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par une entreprise publique.
[165]Le Québec soumet qu’il a sciemment posé des gestes afin d’augmenter sa marge bénéficiaire, telle que calculée ci-haut, entre les deux années en cause. En effet, en 1991‑1992 Loto‑Québec a mis en place un programme de réduction des dépenses dans le cadre duquel elle a mis en marché des loteries ayant une structure et un taux de retour inférieurs afin d’améliorer la performance de l’entreprise. Ainsi, les ventes de Loto‑Québec ont augmenté de 3,3 % entre les deux exercices en cause alors que la dépense de lots a pour sa part chuté de 2,8 %. Le taux de la marge bénéficiaire de Loto‑Québec a conséquemment augmenté de 81 % en 1990‑1991 à 82,8 % en 1991‑1992. Le montant de 11 972 637 $ est le résultat du calcul qui consiste à appliquer le taux de la marge bénéficiaire de 1990‑1991 aux revenus de l’année financière 1991‑1992 de manière à comparer les revenus sujets à stabilisation à structure fiscale constante. N’eut été de l’augmentation par Loto‑Québec de son taux de marge bénéficiaire en 1991‑1992, cette dernière considère donc qu’elle aurait subi une baisse de revenus de 11 972 637 $.
[166]Au procès, le Québec a présenté une nouvelle preuve, sous‑réserve, la pièce P‑20, qui rassemble un nombre de documents dont :
· Un tableau intitulé « Vente et lots cumulatifs par type de loteries de Loto‑Québec, 1990‑1991 et 1991‑1992;
· Extraits de procès‑verbaux du conseil d’administration de Loto‑Québec, en 1991 et début 1992, concernant les modifications à ses loteries, y compris les extraits du mémoire des délibérations et la politique opérationnelle applicable à chaque loterie (structure des lots, valeur des lots, nombre de lots et chances de gagner).
[167]À l’instar de la position prise eu égard à l’élément en litige relatif à la SAQ, le Canada soutient que le Québec a simplement démontré que le taux de la marge de bénéfice tel que calculé a posteriori a augmenté. Ceci ne permet pas de savoir s’il y a eu un changement fait par la province à la marge de bénéfice qu’elle applique sur les biens au sens du sous-alinéa 12(1)b)(viii) du Règlement en diminuant le taux de retour sur les lots par exemple, ni d’évaluer l’impact financier résultant d’un tel changement, le cas échéant.
[168]En effet, le taux de marge de bénéfice calculé ex post facto peut être affecté par plusieurs éléments autres qu’un changement fait par la province à la marge de bénéfice appliquée sur les biens. Par exemple, les habitudes des consommateurs et les ventes changent d’année en année, ainsi que la popularité d’un jeu en particulier et l’effet aléatoire de ce que seront les remises en prix dans les faits. Ces facteurs influent sur le taux de bénéfice que récoltera Loto‑Québec en fin d’année, sans que cela soit dû à un geste concret et volontaire posé en ce sens par la province.
[169]Donc selon le Canada, même la nouvelle preuve (la pièce P‑20) est insuffisante pour déterminer s’il y a effectivement eu une augmentation de la marge de bénéfice; pour ce faire, il aurait fallu que le Québec présente une preuve démontrant le taux de retour relativement à chaque catégorie de jeux de loterie pour 1991‑1992 mais aussi pour 1990‑1991. Avec l’information effectivement transmise, soit le taux de retour par loterie pour l’année 1991‑1992 seulement, aucune comparaison n’a été possible.
[170]La problématique pour Loto‑Québec est semblable à celle de la SAQ puisque, pour démontrer l’augmentation de la marge de bénéfice de cet organisme, le Québec avait utilisé la formule de valeur des ventes moins le coût des ventes (bénéfice brut) divisé par le coût des ventes. Pour le Canada, les failles de cette formule sont les mêmes que celles identifiées pour la SAQ et que, par conséquent, Loto‑Québec n’a pas démontré que sa marge de bénéfice a augmentée durant l’année de la demande; le Québec avait seulement démontré une variation dans un taux ex post facto. Le Canada a aussi allégué que le dossier du Québec manquait d’informations.
[171]Il s’en suit que les déterminations faites par cette Cour pour la SAQ s’appliquent pour Loto‑Québec, notamment :
· La question de savoir si une augmentation de la marge de bénéfice doit être exprimée en dollars et non en pourcentage est devenue caduque durant le témoignage de Mme Daigneault;
· La nouvelle preuve est admissible; le recours du Québec sous l’article 19 de la Loi sur la cour fédérale n’est pas un contrôle judiciaire de la décision du ministre mais un litige entre les parties que cette Cour doit trancher sur le fond eu égard à la preuve présentée par chacune des parties;
· La pièce P‑20 démontre pour chaque loterie identifiée une volonté a priori du conseil d’administration de Loto‑Québec d’augmenter la marge de bénéfice sur chaque produit avant que ce produit ne soit vendu au public.
[172]Le Canada soulève un autre point. Il dit que la demande du Québec est défectueuse pour manque de renseignements. J’écarte cette prétention. La preuve démontre que le Canada n’a pas demandé aux représentants du Québec de lui fournir des données supplémentaires.
[173]Pour ces motifs, le Québec a droit à la déclaration recherchée.
10.7. Élément c)—Le Protocole d’accord de réciprocité fiscale
[174]La déclaration recherchée par le Québec est :
DÉCLARE QUE la baisse des revenus provenant de la taxe sur les ventes au détail pour l’exercice 1991‑1992 qui résulte de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1991, du Protocole d’accord de réciprocité fiscale intervenu entre le Canada et le Québec le 21 décembre 1990, ne constitue pas un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)a) du Règlement de 1987, [et] doit être prise en compte par le ministre des Finances du Canada dans le calcul du revenu soumis à stabilisation pour cet exercice;
[175]La question posée par le juge Hugessen est :
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations [. . .]
[. . .]
c) Que la baisse des revenus provenant de la Taxe sur les ventes au détail [la TVQ] pour l’exercice 1991‑1992 qui résulte de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1991, du Protocole d’accord de réciprocité fiscale intervenu entre le Canada et le Québec le 21 décembre 1990, résulte d’un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)a) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. Est‑ce que la défenderesse a raison de prétendre que, subsidiairement, les revenus de la province découlant d’un accord de réciprocité fiscale ne sont pas des revenus sujets à stabilisation?
[176]Dans sa demande de paiement de stabilisation pour l’année fiscale 1991‑1992, le Québec a voulu tenir compte de la baisse de ses revenus provenant de la TVQ d’un montant de 36 456 000 $, résultat de la résiliation de l’accord de réciprocité fiscal Canada‑Québec de 1987 (l’accord de 1987) qui fut remplacé par le protocole d’accord de réciprocité fiscale en date du 21 décembre 1990 (l’accord de 1990) en vigueur le 1er janvier 1991, date de l’introduction de la TPS.
[177]Le ministre a refusé de reconnaître l’ajustement apporté par le Québec au motif que la révocation de l’accord de 1987, cause de la baisse des revenus provenant de la TVQ, était le résultat d’un changement fait par le Québec au sens de la Loi et du Règlement.
[178]Selon l’accord de 1987, dont la durée était de 5 ans, le Canada s’engageait à remettre au gouvernement du Québec la TVQ sur les achats effectués par ses ministères et sociétés d’État désignées comme si la TVQ « s’appliquait au Canada ». En contrepartie, le Québec s’engageait à remettre au Canada la TVF provenant de ses achats et celles de ses sociétés d’État désignées.
[179]La nécessité des accords de réciprocité fiscale entre le Canada et les provinces découle de l’immunité fiscale que les deux ordres de gouvernements jouissent sous l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]] de ne pas être assujettis aux impôts de l’autre ordre de gouvernement.
[180]La date d’expiration de l’accord de 1987 était le 31 mars 1992 sous réserve des dispositions suivantes :
1. Révocation à la fin d’une année financière de l’accord de 1987 par l’une ou l’autre des parties sur préavis écrit de six mois;
2. Révocation automatique à la date de la mise en application par le Canada d’une taxe « sur les transactions commerciales ou toutes autres taxes semblables promulgu[ée] aux fins de remplacer la taxe exigible au terme de la Loi fédérale […] à compter de la date de la mise en application de cette taxe sur les transactions commerciales, ou de toutes autres taxes semblables ». Dans l’accord de 1987, « Loi fédérale » signifie la Loi sur la taxe d’accise [L.R.C. (1985), ch. E‑15] sous laquelle la TVF était et la TPS serait imposées.
3. Les parties s’engageaient à commencer, au moins six mois avant le 31 mars 1992 ou avant la date de la mise en application d’une taxe sur les transactions commerciales ou toutes autres taxes semblables pour remplacer la TVF, des discussions entre elles en vue de conclure un autre accord ayant un objet semblable à celui du présent accord.
[181]Tel que mentionné, l’accord de 1990 a remplacé celui de 1987. Le Canada et le Québec ont convenu mutuellement d’exclure de leur champ d’application, sur leurs achats de biens, l’obligation du Canada de remettre la TVQ au Québec et l’obligation du Québec de remettre la TPS au Canada.
[182]Le Québec soutient que l’abolition de l’accord de 1987 et son remplacement par l’accord de 1990 ne constitue pas un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’alinéa 6(1)(b) de la Loi et de l’alinéa 12(1)(a) du Règlement.
[183]À la base de cette prétention de la part du Québec est la notion de l’immunité fiscale. Le Québec ne pouvait unilatéralement assujettir le Canada au paiement de la TVQ sur les achats du Canada ou de ses organismes effectués au Québec. Le Canada devait consentir à la payer. Dans ce contexte particulier, le Québec soumet qu’un accord de réciprocité fiscale n’est pas un mécanisme de prélèvement et la volonté du Canada de ne plus payer la TVQ n’était pas un changement fait par la province.
[184]Le Canada érige trois défenses à l’encontre des prétentions du Québec comme suit :
1. C’est le Québec qui a demandé que soit ajoutée dans l’accord de 1987 la clause de résiliation automatique si le Canada introduisait une taxe semblable à la TPS imposée au niveau de la vente au détail remplaçant ainsi la TVF que les manufacturiers devaient débourser. Selon le Canada, si ce n’était de cette clause voulue par le Québec, l’accord de 1987 aurait prit fin le 31 mars 1992. Le fait qu’il fut terminé prématurément en application de la clause de résiliation automatique est dû au geste du Québec.
2. Les revenus de l’accord de 1987 ne constituent pas des revenus sujets à stabilisation.
3. La décision du ministre est compatible avec le principe de la réciprocité fiscale consacré dans les accords de réciprocité fiscale, un principe qui exige que la Cour reconnaisse le fait que les taxes payables par le Québec au Canada ont diminuées puisque le Québec ne verse plus la TPS au Canada.
[185]Pour les motifs suivants, j’écarte les prétentions du Canada. Il s’en suit que le Québec a droit à la déclaration recherchée pour cet élément.
[186]Premièrement, un accord de réciprocité fiscale, à mon avis, n’est pas un mécanisme de prélèvement au sens de l’article 12 du Règlement parce qu’il ne peut pas être mis en application unilatéralement ou indépendam-ment de la volonté du Canada. Tous les exemples de mécanismes de prélèvement énumérés à l’article 12 du Règlement témoignent que cette caractéristique de souveraineté est essentielle à un mécanisme de prélèvement. Le Québec était incapable de prélever la TVQ du Canada. Qui plus est, il importe peu que le Québec ait demandé que soit insérée dans l’accord de 1987 la clause de résiliation automatique. Nonobstant cette clause, les deux parties avaient l’obligation de voir si une solution de rechange était possible, ce qui c’est avérée en l’occurrence avec l’accord de 1990.
[187]Deuxièmement, les revenus provenant des accords fiscaux sont classés par Statistique Canada comme étant des revenus provenant d’un « paiement de transfert reçu d’autres administrations à des fins générales ». Le Canada reconnait que la définition de cette définition au sous-alinéa 5(1)ee)(xvi) du Règlement exclue un paiement de transfert de la définition de « revenus et impôts provinciaux divers » et que, par conséquence, ces revenus ne sont pas exclus du revenu sujet à stabilisation à l’alinéa (6)(1)b) de la Loi. Cependant, le Canada plaide que les revenus provenant des accords de réciprocité ne sont pas couvert par le paragraphe 4(2) de la Loi. J’estime, comme le Québec, que la source des revenus provenant de l’accord de 1987 est celle de la taxe de vente visée par l’alinéa (d) [de la définition de « source de revenu » au paragraphe 4(2)] de la Loi.
[188]Troisièmement, le principe de réciprocité fiscale en tant que principe d’interprétation n’a aucune application en matière de paiement de stabilisation des revenus des provinces et ce pour deux motifs. Le Canada reconnaît qu’il n’y a pas lieu de corriger les revenus réels d’une province pour les changements fiscaux faits par le Canada. Deuxièmement, le Programme vise à compenser les baisses de revenus d’une province sans égard à ce qu’une province pourrait payer au Canada en réciprocité.
10.8. Élément d)—Les revenus d’intérêt sur les impôts sur le revenu des particuliers et des corporations
[189]La déclaration recherchée par le Québec est :
DÉCLARE QUE la baisse des revenus d’intérêt perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des corporations, qui sont une source de revenu au sens des alinéas a) et b) de l’article 4(2) de la Loi sur les arrangements fiscaux et ne sont par visés par la définition de « revenus divers » prévue par l’article 4(2)ff) de la Loi sur les arrangements fiscaux et par l’article 5(1)ee)[vii] du Règlement de 1987, doit être prise en compte par le ministre des Finances du Canada dans le calcul du revenu sujet à stabilisation pour l’exercice 1991‑1992;
[190]La question en litige posée par le juge Hugessen est :
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations [. . .]
[. . .]
d) Que les revenus d’intérêt perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des corporations ne constituent pas une source de revenus au sens des alinéas a) et b) de l’article 4(2) de la Loi et qu’ils sont visés par la définition de « revenus divers » prévue par l’article 4(2)ff) de la Loi et par l’article 5(1)ee)(vii) du Règlement dont le ministre des Finances du Canada pour l’exercice 1991‑1992 ne doit pas tenir compte dans son calcul du revenu sujet à stabilisation de la province. [Je souligne.]
[191]Avant tout, l’alinéa 6(2)a) de la Loi est pertinent pour définir le « “revenu sujet à stabilisation” d’une province » :
6. (1) [. . .]
(2) Dans le cas d’un paiement de stabilisation qui peut être fait à une province pour un exercice commençant après le 31 mars 1987, au présent article, « revenu sujet à stabilisation » d’une province pour un exercice s’entend, dans le cas de l’exercice commençant le 1er avril 1986 et d’un exercice commençant le 1er avril 1987 ou après cette date, du total des montants suivants :
a) les revenus totaux, déterminés par le ministre, que la province retire pour l’exercice des source de revenu mentionnées dans la définition de « source de revenu » mentionnées au paragraphe 4(2), à l’exception des sources de revenu visées aux alinéas dd) et ff) de cette définition. [Je souligne.]
[192]Les alinéas 4(2)a), b) et ff) de la Loi se lisent comme suit :
4. (1) [. . .]
(2) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
« source de revenu » L’une des sources suivantes dont proviennent ou peuvent provenir les revenus des provinces :
a) impôts sur le revenu des particuliers;
b) impôts sur le revenu des personnes morales, revenus retirés d’entreprises publiques non visées aux autres alinéas de la présente définition et revenus reçus du gouvernement du Canada conformément à la Loi sur le transfert de l’impôt sur le revenu des entreprises d’utilité publique;
[. . .]
ff) revenus et impôts provinciaux divers, y compris les revenus divers provenant de ressources naturelles, de concessions et de franchises, de la vente de biens provinciaux et de la fourniture de services provinciaux et les revenus locaux provenant de la vente de biens et de la fourniture de services et des taxes locales diverses; […]
[193]Le sous-alinéa 5(1)ee)(vii) du Règlement précise l’alinéa 4(2)ff) de la Loi et se lit comme suit :
5. (1) Pour l’application de la Loi, les expressions suivantes, mentionnées aux alinéas a) à cc) de la définition de « source de revenu », au paragraphe 4(2) de la Loi, sont définies de la façon suivante :
[. . .]
ee) « revenus et impôts provinciaux divers, y compris les revenus divers provenant de ressources naturelles, de concessions et de franchises, de la vente de biens provinciaux et de la fourniture de services provinciaux et les revenus locaux provenant de la vente de biens et de la fourniture de services et des taxes locales diverses » revenus, autres que ceux visés à l’alinéa cc), qu’une province tire des ventes de biens et de services réalisés par les administrations locales et des impôts levés par celles‑ci, y compris les intérêts, les amendes et les pénalités imposés à l’égard de ces impôts, ainsi que les revenus que la province tire d’une source non mentionnée ailleurs dans le présent paragraphe, notamment :
[. . .]
(vii) les revenus provenant des intérêts, des amendes et des pénalités imposés par la province à l’égard des impôts et autre charge, ainsi que les revenus provenant des intérêts, amendes et pénalités autres que ceux imposés par la province à l’égard des sources visées aux sous‑alinéas (x) à (xvi). [Je souligne.]
[194]De plus, l’alinéa 13(1)c) du Règlement est également pertinent pour l’étude du présent élément en litige :
13. (1) Pour l’application de la présente partie, le revenu total que tire une province, pour une année financière, des sources de revenu visées à la définition de « source de revenu», au paragraphe 4(2) de la Loi, est :
[. . .]
c) [. . .] le montant déterminé par le ministre selon les renseignements mis à sa disposition par la province dans sa demande de paiement de stabilisation, rajusté par lui au besoin, et de ceux contenus dans le certificat que lui a présenté le statisticien en chef du Canada conformément au paragraphe 9(2). [Je souligne.]
[195]Finalement, le paragraphe 9(2) du Règlement se lit comme suit :
9. [. . .]
(2) Le statisticien en chef du Canada doit, pour chaque année financière comprise dans la période des accords fiscaux, rédiger et présenter au ministre dans les 23 mois suivant la fin de l’année financière un certificat fondé sur les renseignements les plus récents établis par Statistique Canada pour cette année financière, qui indique :
a) le revenu pour chaque source de revenu visée à la définition de « source de revenu », au paragraphe 4(2) de la Loi, pour chaque province au cours de l’année financière; […].
[196]Contrairement aux autres éléments en litige, celui‑ci vise le désaccord du Québec quant à la qualification du revenu sujet à stabilisation déterminé par le ministre.
[197]Dans son calcul des revenus sujets à stabilisation pour 1991‑1992, le Québec, en vertu des dispositions de l’alinéa 4(2)(a) et des paragraphes 6(4)et (5) de la Loi a inclus les revenus d’intérêts cotisés sur les impôts cotisés des particuliers et des corporations dû à un manque à gagner 20 429 000 $ en 1991‑1992 sur l’année précédente.
[198]Plus particulièrement, les paragraphes 6(4)et (5) prévoient que pour les sources d’impôts sur les particuliers et les corporations réputées pour l’application du paragraphe 4(2) correspondent au montant total déterminé de la manière prescrite des impôts provinciaux sur les revenus des particuliers cotisés ou cotisés à nouveau au plus tard 24 mois après la fin de l’exercice, pour l’année d’imposition se terminant au cour de cette exercice moins certains ajustements qui ne sont pas pertinents en l’espèce.
[199]Le ministre a refusé de tenir compte de cette baisse de revenu d’intérêts considérant que ces revenus d’intérêts ne sont pas inclus dans les revenus d’impôts cotisés ou cotisés à nouveau mais constituent des revenus divers qui se trouvent exclus du calcul du revenu sujet à stabilisation tel qu’exigé par l’alinéa 6(1)(b) de la Loi qui font exception de l’alinéa 4(2)(ff) de cette même Loi et du paragraphe 5(2) du Règlement notamment les revenus et impôts provinciaux divers et spécifiquement au sous-alinéa 5(1)ee)vii [du Règlement], les revenus provenant des intérêts des amendes et des pénalités imposés par une province à l’égard des impôts et autre charge.
[200]Pour le Québec, le contexte est important parce qu’il perçoit lui‑même les impôts sur le revenu des particuliers et des corporations et doit supporter seul les risques de mauvaises créances, contrairement aux autres provinces qui sont régis par un accord de perception avec le Canada en vertu duquel le fédéral verse aux provinces l’impôt cotisé et ce, même si les contribuables n’ont pas payé leurs impôts à la date d’exigibilité, le fédéral assumant les risques de mauvaises créances mais en contrepartie s’il perçoit les impôts, il en conserve les intérêts et les pénalités payés.
[201]Quatre arguments principaux ont été présentés par le Québec afin de soutenir sa position. Premièrement, le Québec soumet qu’aux termes de la Loi sur les impôts [L.R.Q., ch. I-3] du Québec, les intérêts font partie intégrante des impôts sur le revenu des particuliers (Article 1039). Ainsi le Québec soutient qu’ils sont visés par les alinéas 4(2)a) et b) de la Loi et constituent une partie du revenu sujet à stabilisation.
[202]Cet argument se base sur la classification provinciale des notions d’impôts et d’intérêts sur les impôts. J’estime que cette classification provinciale n’est aucunement pertinente aux fins de l’application du Programme. Ce qui importe est la manière dont la législation fédérale classifie ces revenus, comme étant inclus ou non dans le revenu sujet à stabilisation.
[203]Ainsi, le deuxième argument du Québec est à l’effet que même dans la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, les définitions de revenus provenant des impôts sur les particuliers et les corporations, qui se retrouvent aux paragraphes 6(4) et 6(5) de la Loi, sont assez larges pour inclure l’intérêt afférent à ces mêmes impôts. Étant relié, j’aborderai cet argument dans le contexte du troisième argument présenté par le Québec.
[204]Troisièmement, le Québec soutient que la définition de « revenus divers » qui se trouve au sous-alinéa 5(1)ee)(vii) du Règlement vise uniquement les intérêts sur les impôts provinciaux divers, tels les impôts sur les dons, et non les intérêts sur les impôts sur le revenu des particuliers et des corporations. Il est évident à la lecture de la phrase « y compris les intérêts, les amendes et les pénalités imposés à l’égard de ces impôts » au paragraphe introductif de l’alinéa 5(1)ee), que celle‑ci ne vise que les intérêts afférents aux impôts levés par les administrations locales.
[205]Néanmoins, l’alinéa 5(1)ee) vise les revenus qu’une province tire d’une source non‑mentionnée au paragraphe, notamment les revenus provenant des intérêts, amendes et pénalités à l’égard des impôts et autre charge. Le texte anglais est rédigé plus clairement, énonçant que « miscellaneous provincial taxes and revenues . . . means . . . and revenues . . . from any source other than a source described elsewhere in this subsection and for greater certainty includes . . . revenues derived from the imposition by the province of interest charges, fines and penalties in respect of taxes and any other charges ».
[206]À mon avis, il n’y a aucune ambiguïté dans le texte réglementaire. L’intention du législateur est d’inclure dans l’assiette de revenus provinciaux divers les revenus d’intérêts provenant de toutes taxes. Les notions d’impôts cotisés et intérêts cotisés sont distinctes, menant à la conclusion que pour les fins du programme les impôts cotisés ne couvrent pas les intérêts sur ces impôts.
[207]Ceci dit, la Cour arrive à la même conclusion que le statisticien en chef du Canada sur ce point.
[208]Finalement, le Québec soumet que l’interprétation de la Loi et du Règlement adoptée par le ministre est inéquitable eu égard à la situation particulière du Québec relativement à la perception des impôts. Cet argument doit être écarté : le fait que le Québec ne fasse pas partie des accords de perception fiscale est une considération extrinsèque qui découle d’une décision qui relève de la prérogative du Québec. La situation particulière du Québec ne saurait être invoquée pour modifier la Loi et le Règlement.
[209]Le Québec n’a pas droit à la déclaration recherchée. Dans les circonstances, il n’est pas utile d’analyser les arguments subsidiaires.
10.9. Élément f)—Les revenus d’entreprises publiques : SOQUIA
[210]La déclaration recherchée par le Québec est :
DÉCLARE QUE les revenus de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (SOQUIA) sont des revenus d’une entreprise commerciale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 5(1)b)(ii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances doit tenir compte dans son calcul du revenu soumis à stabilisation pour l’exercice 1991‑1992;
[211]La question formulée par le juge Hugessen est :
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations [. . .]
[. . .]
f) Que les revenus tirés de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (la « SOQUIA ») ne constituent pas des revenus d’une entreprise commerciale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 5(1)b)(ii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992.
[212]Le sous-alinéa 5(1)b)(ii) du Règlement se lit :
5. (1) Pour l’application de la Loi, les expressions suivantes, mentionnées aux alinéas a) à cc) de la définition de « source de revenu », au paragraphe 4(2) de la Loi, sont définies de la façon suivante :
[. . .]
b) «impôts sur le revenu des corporations, revenus retirés d’entreprises publiques, [government business enterprise, en anglais] non visées dans d’autres alinéas de la présente définition et revenus reçus du gouvernement du Canada conformément à la Loi sur le transfert de l’impôt sur le revenu des entreprises d’utilité publique» :
[. . .]
(ii) les bénéfices remis à un gouvernement provincial par ses propres entreprises commerciales, à l’exception :
(A) des régies, commissions ou administrations des alcools,
[. . .]
(C) des entreprises, offices, commissions ou administrations chargés de gérer une loterie provinciale ». [Je sougligne.]
[213]Le sous-alinéa 5(1)ee)(vi) est également pertinent pour l’analyse de cet élément en litige.
5. (1) Pour l’application de la Loi, les expressions suivantes, mentionnées aux alinéas a) à cc) de la définition de « source de revenu », au paragraphe 4(2) de la Loi, sont définies de la façon suivante :
[…]
ee) « revenus et impôts provinciaux divers, y compris les revenus divers provenant de ressources naturelles, de concessions et de franchises, de la vente de biens provinciaux et de la fourniture de services provinciaux et les revenus locaux provenant de la vente de biens et de la fourniture de services et des taxes locales diverses » revenus, autres que ceux visés à l’alinéa cc), qu’une province tire des ventes de biens et de services réalisées par les administrations locales et des impôts levés par celles‑ci, y compris les intérêts, les amendes et les pénalités imposés à l’égard de ces impôts, ainsi que les revenus que la province tire d’une source non mentionnée ailleurs dans le présent paragraphe, notamment :
[…]
(vi) les revenus tirés des ventes de biens et de services réalisées par la province et les revenus classés par Statistique Canada comme revenus provenant de la vente de biens et de services par une institution, à l’exclusion des impôts inclus dans ces revenus, [classified by Statistics Canada as institutional sales of goods and services, en anglais]. [Je souligne.]
[214]En vertu du sous-alinéa 5(1)b)(ii) du Règlement en application de_l’article 4 de la Loi, les bénéfices remis à un gouvernement provincial par ses propres entreprises commerciales sont une source de revenu sujet à stabilisation.
[215]Le Québec a donc inclus dans sa demande de paiement de stabilisation la somme de 3 000 000 $ pour la baisse du dividende reçu de la SOQUIA en 1991‑1992 comparativement à celle de 1990‑1991.
[216]Le ministre n’a pas tenu compte de cette baisse provenant de cette source parce qu’il a déterminé que les bénéfices de la SOQUIA étaient classées par Statistique Canada comme « revenus provinciaux divers » mentionnés à l’alinéa 4(2)ff) de la définition « source derevenu » au paragraphe 4(2) de la Loi et des sous-alinéas 5(1)ee)(vi) et (ix) du Règlement et donc spécifiquement exclu du revenu sujet à stabilisation sur lequel se base un paiement de stabilisation selon le paragraphe 6(1) et l’alinéa 6(2)a) de la Loi.
[217]La question soulevée par cet élément est de savoir si le ministre était justifié d’avoir considéré les dividendes de la SOQUIA comme des revenus provinciaux divers exclus du revenu sujet à stabilisation au motif qu’ils étaient classés par Statistique Canada comme des revenus provenant d’un fond spécial à caractère non‑commercial administré par le gouverne-ment du Québec lui‑même.
[218]Afin d’apprécier la position des parties, je constate que la preuve établi les faits suivants :
1. Le système de classification géré par Statistique Canada entre les entreprises publiques et l’univers des administrations publiques trouve son fondement dans le Manuel de gestion financière établi selon les paramètres du Système de gestion financière.
2. La SOQUIA a été constituée en société par une loi spéciale de l’Assemblée nationale du Québec en 1975; sa mission première était de contribuer au développement de l’industrie bio‑alimentaire par l’injection de capital de risques ou d’autres formes d’investissements dans des entreprises commerciales privées.
3. C’est en 1978 que le Comité de classification de Statistique Canada, sur la base de l’information qu’il avait, a classé la SOQUIA comme fond spécial et non comme société commerciale, décision que le Québec n’a pas contestée.
4. Lorsque le Canada étudiait la demande du Québec pour un paiement de stabilisation, la SOQUIA était encore classée par Statistique Canada comme fond spécial et non comme entreprise commerciale.
5. Le Canada avait été avisé par le Québec durant l’étude de la demande du Québec que le Bureau de la Statistique du Québec avait entrepris une demande avec Statistique Canada pour changer la classification de la SOQUIA à une entreprise commerciale. Cependant, ce ne fut qu’en 1996 que Statistique Canada a décidé de classer la SOQUIA comme entreprise commerciale.
[219]L’argumentation du Québec se base principalement sur deux points essentiels. Le Québec tente premièrement de démontrer que la SOQUIA est une entreprise publique commerciale; et deuxièmement que le ministre n’était pas justifié de se baser uniquement sur la classification de la SOQUIA par Statistique Canada, sans se pencher sur la nature véritable des activités de la SOQUIA, compte tenu de l’information fournie par le Québec quant à ces activités.
[220]J’estime que les deux prétentions du Québec doivent être rejetées. Le but de l’article 5 du Règlement est de définir ou d’étoffer la notion de « revenus et d’impôts provinciaux divers ». Le législateur, au sous-alinéa 5(1)ee)(vi) du Règlement s’est clairement exprimé à l’effet que « les revenus classés par Statistique Canada comme revenus provenant de la vente de services par une institution » doivent être considérés comme des revenus provinciaux divers. Tel était le cas de la SOQUIA en 1994 lors de l’étude de la demande du Québec.
[221]Le Québec soutient que les revenus de la SOQUIA ne tombent pas sous la définition de revenus provinciaux divers puisque la définition de revenus divers à l’alinée 5(1)ee) du Règlement spécifie que les revenus divers sont des revenus que la province tire d’une source non mentionnée ailleurs au paragraphe 5, ce qui n’est pas le cas, puisque les revenus d’une entreprise commerciale sont mentionnés au sous-alinéa 5(1)b)(ii).
[222]Je ne peux accepter cette prétention puisqu’elle va à l’encontre de l’économie de l’article 5 du Règlement. Selon cet article, si la SOQUIA était classée comme un fond spécial, donc une institution provinciale, elle ne pourrait être considérée comme une entreprise commerciale par définition parce que l’alinéa 5(1)ee) déclare que des revenus classés par Statistique Canada au sous-alinéa (vi) proviennent d’une source non‑mentionnée à l’alinéa 5(1)ee).
[223]Une telle interprétation est en harmonie avec l’objectif de l’article 5. Comme les témoignages au procès le démontrent, les questions de classifications sont complexes. Le législateur a voulu que la question de revenus provinciaux divers provenant d’une administration provinciale soit décidée par Statistique Canada, décision sur laquelle les représentants du ministre pouvaient se fier.
[224]En conséquence, le Québec n’a pas droit à la déclaration recherchée
JUGEMENT
[1] Le Québec a droit aux déclarations suivantes :
1. QUE la modification législative effectuée par le Québec par l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal, L.Q., 1990, c. 60, aux fins de permettre l’application de la TVQ sur la TPS, constitue un changement apporté par le Québec à sa structure fiscale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(i) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
2. QUE l’augmentation de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (SAQ) pour l’exercice 1991‑1992, constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
3. QUE la baisse des revenus provenant de la taxe sur les ventes au détail pour l’exercice 1991‑1992 qui résulte de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1991, du Protocole d’accord de réciprocité fiscale intervenu entre le Canada et le Québec le 21 décembre 1990, ne constitue pas un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)a) du Règlement de 1987, [et] doit être prise en compte par le ministre des Finances du Canada dans le calcul du revenu soumis à stabilisation pour cet exercice;
4. QUE l’augmentation de la marge bénéficiaire Loto‑Québec pour l’exercice 1991‑1992, constitue une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi sur les arrangements fiscaux et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement de 1987, dont le ministre des Finances du Canada doit tenir compte dans son calcul de la demande de paiement de stabilisation du gouvernement du Québec pour l’exercice 1991‑1992;
5. QUE le ministre des Finances du Canada doit considérer la demande d’un paiement de stabilisation du gouvernement du Québec en tenant compte des conclusions de cette Cour sur les questions soumises;
6. LE TOUT AVEC DÉPENS. [Je souligne.]
[2] Les réponses aux questions en litige sont les suivantes :
1. Quel est le critère de contrôle applicable à l’examen judiciaire de la décision du ministre de refuser la demande de paiement de stabilisation du Québec présentée en vertu de la Loi et du Règlement pour l’exercice financier 1991‑1992?
Réponse : cette question est sans objet puisque le présent recours n’est pas un contrôle judicaire.
2. Est‑ce que le ministre a commis une erreur révisable dans ses déterminations relatives à chacun des six éléments en litige en l’espèce, à savoir :
a) Que l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur la vente au détail et d’autres dispositions législatives d’ordre fiscal, afin de permettre notamment l’application de la Taxe de Vente du Québec (la « TVQ ») sur la Taxe sur les Produits et Services (la « TPS »), ne constitue pas un changement apporté à la structure fiscale du Québec au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(i) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992; [Je souligne.]
Réponse : oui.
b) Que l’augmentation du taux de la marge bénéficiaire de la Société des alcools du Québec (la « SAQ ») pour l’exercice financier 1991‑1992 ne constitue pas une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992; [Je souligne.]
Réponse : cette Cour ne voit pas l’utilité de répondre à cette question puisque la représentante du ministre a reconnu que la marge de bénéfice de la SAQ pouvait être exprimée en pourcentage ou en dollars suite à une décision de cet organisme prise avant que le bien soit vendu.
c) Que la baisse des revenus provenant de la Taxe sur les ventes au détail [la TVQ] pour l’exercice 1991‑1992 qui résulte de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1991, du Protocole d’accord de réciprocité fiscale intervenu entre le Canada et le Québec le 21 décembre 1990, résulte d’un changement fait par le Québec dans la structure d’un mécanisme de prélèvement de la province au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)a) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. Est‑ce que la défenderesse a raison de prétendre que, subsidiairement, les revenus de la province découlant d’un accord de réciprocité fiscale ne sont pas des revenus sujets à stabilisation? [Je souligne.]
Réponse : oui.
d) Que les revenus d’intérêt perçus par le Québec sur les impôts cotisés sur le revenu des particuliers et sur le revenu des corporations ne constituent pas une source de revenus au sens des alinéas a) et b) de l’article 4(2) de la Loi et qu’ils sont visés par la définition de « revenus divers » prévue par l’article 4(2)ff) de la Loi et par l’article 5(1)ee)(vii) du Règlement dont le ministre des Finances du Canada pour l’exercice 1991‑1992 ne doit pas tenir compte dans son calcul du revenu sujet à stabilisation de la province; [Je souligne.]
Réponse : non.
e) Que l’augmentation du taux de la marge bénéficiaire de la Société des loteries et courses du Québec (« Loto‑Québec ») pour l’exercice 1991‑1992 ne constitue pas une augmentation de la marge de bénéfice sur les biens vendus au public par cet organisme au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 12(1)b)(viii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992; [Je souligne.]
Réponse : cette Cour ne voit pas l’utilité de répondre à cette question puisque la représentante du ministre a reconnu que la marge de bénéfice de Loto‑Québec pouvait être exprimée en pourcentage ou en dollars suite à une décision de cet organisme prise avant que le bien soit vendu.
a) Que les revenus tirés de la Société québécoise d’initiatives agro‑alimentaires (la « SOQUIA ») ne constituent pas des revenus d’une entreprise commerciale au sens de l’article 6(1)b) de la Loi et de l’article 5(1)b)(ii) du Règlement pour l’exercice 1991‑1992. [Je souligne.]
Réponse : non.
ANNEXE A
A. La Loi
La partie II est intitulée « Paiement de stabilisation aux provinces ». La version des articles 4, 5 et 6 applicable au 31 mars 1992 se lit :
5. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le ministre peut verser à une province, pour chaque exercice commençant après le 31 mars 1987, un paiement de stabilisation ne dépassant pas le montant calculé en conformité avec l’article 6.
6. (1) Sous réserve des paragraphes (8) à (10), le paiement de stabilisation qui peut être fait à une province pour un exercice est l’excédent, déterminé par le ministre :
a) du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice précédent sur
b) le revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice, corrigé de la manière prescrite de façon à compenser toute variation, déterminée par le ministre, du revenu sujet à stabilisation de la province pour l’exercice résultant de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement du revenu de la province qui correspond aux alinéas a) à cc) et ee) de la définition de « source de revenu » au paragraphe 4(2) [. . .] par rapport aux taux ou à la structure applicables à l’exercice précédent.
(1.1) Dans le cas des provinces qui ont conclu un accord de perception fiscale soit sur le revenu des particuliers soit sur celui des personnes morales, une modification de la Loi de l’impôt sur le revenu qui touche, selon le cas, le montant défini comme étant l’« impôt qu’il est par ailleurs tenu de payer en vertu de la présente partie », au sens du paragraphe 120(4)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou le revenu imposable, au sens de cette loi, des personnes morales est assimilée à un changement dans les taux ou la structure des impôts provinciaux pour l’application de l’alinéa (1)b).
(2) Dans le cas d’un paiement de stabilisation qui peut être fait à une province pour un exercice commençant après le 31 mars 1987, au présent article, « revenu sujet à stabilisation » d’une province pour un exercice s’entend, dans le cas de l’exercice commençant le 1er avril 1986 et d’un exercice commençant le 1er avril 1987 ou après cette date, du total des montants suivants :
a) les revenus totaux, déterminés par le ministre, que la province retire pour l’exercice des sources de revenu mentionnées dans la définition de « source de revenu » au paragraphe 4(2), à l’exception des sources de revenu visées aux alinéas dd) et ff) de cette définition;
b) le paiement de péréquation à la province pour l’exercice en vertu de la partie I.
[. . .]
(7) Tout paiement de stabilisation ne peut être fait à une province pour un exercice que si le ministre reçoit de celle‑ci, dans les dix‑huit mois qui suivent la fin de l’exercice, une demande à cet effet contenant les renseignements qui peuvent être prescrits. [Je souligne.]
« Source de revenu » est définie à l’article 4 de la Loi comme suit :
4. (2) [. . .]
« source de revenu » L’une des sources suivantes dont proviennent ou peuvent provenir les revenus des provinces :
a) impôts sur le revenu des particuliers;
b) impôts sur le revenu des personnes morales, revenus retirés d’entreprises publiques non visées aux autres alinéas de la présente définition [. . .];
c) impôts sur le capital des personnes morales;
d) taxes générales et diverses sur les ventes et impôts sur les spectacles et droits d’entrée;
e) taxes sur le tabac;
f) taxes sur les carburants retirées de la vente de l’essence;
g) taxes sur les carburants retirées de la vente du carburant diesel;
h) revenus provenant des permis et de l’immatriculation des véhicules à moteur non commerciaux;
i) revenus provenant des permis et de l’immatriculation des véhicules à moteur commerciaux;
j) revenus retirés de la vente des spiritueux;
k) revenus retirés de la vente du vin;
l) revenus retirés de la vente de la bière;
m) primes d’assurance hospitalisation et d’assurance maladie;
n) [abrogé]
o) taxes afférentes aux pistes de course;
p) revenus provenant des exploitations forestières;
q) revenus tirés du nouveau pétrole obtenu selon des méthodes classiques;
r) revenus tirés de l’ancien pétrole obtenu selon des méthodes classiques;
s) revenus tirés de pétrole lourd;
t) revenus tirés du pétrole obtenu par des opérations minières;
u) revenus provenant du gaz naturel vendu à l’intérieur du pays;
v) revenus provenant du gaz naturel exporté;
w) cessions des concessions de la Couronne et des droits de réserve sur les terrains recelant du pétrole ou du gaz naturel;
x) revenus provenant du pétrole et du gaz autres que ceux visés aux alinéas q) à w);
y) revenus provenant des minerais métalliques et non métalliques, à l’exception des revenus provenant de la potasse;
z) revenus provenant de la potasse;
aa) location d’énergie hydro‑électrique;
bb) impôts sur les primes d’assurance;
cc) impôts sur la feuille de paie;
dd) impôts immobiliers provinciaux et locaux;
ee) revenus retirés de loteries;
ff) revenus et impôts provinciaux divers, y compris les revenus divers provenant de ressources naturelles, de concessions et de franchises, de la vente de biens provinciaux et de la fourniture de services provinciaux et les revenus locaux provenant de la vente de biens et de la fourniture de services et des taxes locales diverses; [. . .] [Je souligne.]
B. Le Règlement
Les articles 5, 12, 13 et 17 du Règlement se lisent :
Source de revenu
5. (1) Pour l’application de la Loi, les expressions suivantes, mentionnées aux alinéas a) à cc) de la définition de « source de revenu », au paragraphe 4(2) de la Loi, sont définies de la façon suivante :
a) « impôts sur le revenu des particuliers” impôts levés par une province sur le revenu des particuliers qui :
[. . .]
b) « impôts sur le revenu des corporations, revenus retirés d’entreprises publiques non visées dans d’autres alinéas de la présente définition et revenus reçus du gouvernement du Canada conformément à la Loi sur le transfert de l’impôt sur le revenu des entreprises d’utilité publique » :
(i) les impôts levés par une province sur le revenu gagné par les corporations dans la province au cours d’une année d’imposition, à l’exclusion des impôts ou revenus visés aux alinéas o), x) et y),
(ii) les bénéfices remis à un gouvernement provincial par ses propres entreprises commerciales, à l’exception :
(A) des régies, commissions ou administrations des alcools,
(B) des entreprises qui se livrent entièrement ou principalement à la commercialisation du pétrole ou du gaz naturel,
(C) des entreprises, offices, commissions ou administrations chargés de gérer une loterie provinciale,
(iii) les revenus qu’une province reçoit du gouvernement du Canada conformément à la Loi sur le transfert de l’impôt sur le revenu des entreprises d’utilité publique;
[. . .]
d) « taxes générales et diverses sur les ventes et impôts sur les spectacles et droits d’entrée » taxes et impôts levés par une province, y compris, dans le cas des impôts sur les spectacles et droits d’entrée, ceux levés par les administrations locales, auxquels sont assujettis les acheteurs ultimes ou les utilisateurs de certains biens et services qui ne sont pas visés ailleurs dans le présent paragraphe; sont notamment visés par la présente définition les taxes de vente sur les repas, les services hôteliers, les télécommunications et les services de câblodistribution;
[. . .]
j) « revenus retirés de la vente des boissons alcooliques fortes » revenus qu’une province tire :
(i) des bénéfices remis par la régie, commission ou administration des alcools de la province et provenant de la vente de boissons alcooliques fortes,
(ii) d’une taxe de vente spécifique levée par la province sur les boissons alcooliques fortes vendues par la régie, commission ou administration des alcools de la province,
(iii) des droits versés pour les licences et permis accordant le privilège de distiller, d’acheter ou de distribuer des boissons alcooliques fortes;
k) « revenus retirés de la vente du vin » revenus qu’une province tire :
(i) des bénéfices remis par la régie, commission ou administration des alcools de la province et provenant de la vente du vin,
(ii) d’une taxe de vente spécifique levée par la province sur le vin vendu par la régie, commission ou administration des alcools de la province, (iii) des droits versés pour les licences et permis accordant le privilège de fabriquer, d’acheter ou de distribuer du vin;
(iii) des droits versés pour les licences et permis accordant le privilège de fabriquer, d’acheter ou de distribuer du vin;
l) « revenus retirés de la vente de la bière » revenus qu’une province tire :
(i) des bénéfices remis par la régie, commission ou administration des alcools de la province et provenant de la vente de bière,
(ii) d’une taxe de vente spécifique levée par la province sur la bière vendue par la régie, commission ou administration des alcools de la province,
(iii) des droits versés pour les licences et permis accordant le privilège de brasser, d’acheter ou de distribuer de la bière;
[. . .]
aa) « impôts sur les permis d’assurance » [. . .]
bb) « impôts sur la feuille de paye » [. . .]
cc) « impôts immobiliers provinciaux et locaux » [. . .]
dd) «revenus tirés de loteries » revenus qu’une province tire :
(i) des bénéfices remis au gouvernement provincial par ses propres entreprises commerciales, offices, commissions ou administrations chargés de gérer une loterie provinciale, ou par des entreprises commerciales, offices, commissions ou administrations, appartenant conjointement à la province et à une ou plusieurs autres provinces, qui sont chargés de gérer une loterie provinciale,
(ii) des bénéfices remis au gouvernement provincial par une entreprise commerciale, un office, une commission ou une administration d’une autre province qui gère une loterie provinciale,
(iii) des bénéfices remis au gouvernement provincial qui proviennent d’une loterie gérée par le gouvernement du Canada;
ee) « revenus et impôts provinciaux divers, y compris les revenus divers provenant de ressources naturelles, de concessions et de franchises, de la vente de biens provinciaux et de la fourniture de services provinciaux et les revenus locaux provenant de la vente de biens et de la fourniture de services et des taxes locales diverses » revenus, autres que ceux visés à l’alinéa I), qu’une province tire des ventes de biens et de services réalisées par les administrations locales et des impôts levés par celles‑ci, y compris les intérêts, les amendes et les pénalités imposés à l’égard de ces impôts, ainsi que les revenus que la province tire d’une source non mentionnée ailleurs dans le présent paragraphe, notamment :
(i) les droits successoraux et l’impôt sur les dons,
(ii) les taxes de vente sur les gaz de pétrole liquéfiés,
(iii) les revenus provenant des ressources naturelles, à l’exclusion des revenus visés aux alinéas o) à z) et de la partie des revenus visés à l’alinéa ff) qui provient des ressources naturelles, mais y compris les revenus provenant des permis de pêche et de chasse,
(iv) les revenus provenant des concessions, des franchises et autres privilèges, à l’exclusion des revenus visés ailleurs dans le présent paragraphe,
(v) les revenus provenant des licences et des permis, à l’exclusion des revenus visés aux alinéas h) à l) et au sous‑alinéa (iii)
(vi) les revenus tirés des ventes de biens et de services réalisées par la province et les revenus classés par Statistique Canada comme revenus provenant de la vente de biens et de services par une institution, à l’exclusion des impôts inclus dans ces revenus,
(vii) les revenus provenant des intérêts, des amendes et des pénalités imposés par la province à l’égard des impôts et autre charge, ainsi que les revenus provenant des intérêts, amendes et pénalités autres que ceux imposés par la province à l’égard des sources visées aux sous‑alinéas (x) à (xvi),
(viii) les primes d’assurance‑récolte,
(ix) les autres revenus divers que la province tire de ses propres sources, sont exclus de la présente définition :
(x) les contributions versées à l’égard des indemnités pour accident du travail,
(xi) les contributions versées à l’égard des congés payés,
(xii) les contributions versées à l’égard d’un régime universel de pensions,
(xiii) les revenus tirés de la vente de biens et de services entre gouvernements, y compris la vente au gouvernement du Canada de services de formation de la main‑d’œuvre,
(xiv) les produits de placements, y compris les intérêts et les dividendes, à l’exclusion des recettes versées par les entreprises appartenant à la province,
(xv) les contributions versées à l’égard d’un régime de pensions de la fonction publique ou d’un régime de pensions d’enseignants non constitués en fiducie,
(xvi) les paiements de transfert reçus des autres administrations à des fins générales ou particulières;
[. . .]
12. (1) Pour corriger le revenu soumis à stabilisation d’une province pour une année financière conformément à l’alinéa 6(1)b) de la Loi, le ministre doit :
a) d’une part, ajouter au montant par ailleurs déterminé du revenu soumis à stabilisation de la province pour l’année financière, le montant de la diminution des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment les changements suivants :
(i) l’abolition d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance au cours de l’année financière ou au cours de l’année financière précédente,
(ii) les diminutions, en moyenne pour une année, du taux d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance,
(iii) les changements, en moyenne pour une année, apportés aux tranches de l’assiette à laquelle s’applique le taux d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance,
(iv) les changements apportés à la classification des contribuables, lorsqu’un impôt, une taxe, un droit, une prime ou une redevance varie selon une caractéristique du contribuable, par exemple, la nature de l’activité qu’il exerce, le genre d’entreprise, la nature de la propriété de l’entreprise ou l’âge du contribuable,
(v) les augmentations, en moyenne pour une année, des déductions, des crédits ou des allocations que le contribuable peut réclamer dans le calcul de son impôt ou de l’assiette à laquelle son taux d’impôt s’applique,
(vi) l’adjonction, l’extension ou l’augmentation des exemptions, en moyenne pour une année, d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance,
(vii) les augmentations, en moyenne pour une année, des dégrèvements relatifs à un impôt, à une taxe, à un droit, à une prime ou à une redevance,
(viii) les diminutions, en moyenne pour une année, de la marge de bénéfice sur les biens ou les services vendus au public par la province ou ses organismes,
(ix) les diminutions de la proportion des bénéfices remis à une administration provinciale par ses propres entreprises,
(x) les diminutions des frais de location ou d’usage des biens du gouvernement, y compris la location d’énergie hydro‑électrique;
b) d’autre part, soustraire du montant, par ailleurs établi du revenu soumis à stabilisation de la province pour l’année financière, le montant de l’augmentation des revenus au cours de l’année financière qui résulte de changements faits par la province dans les taux ou la structure soit des impôts provinciaux soit des autres mécanismes de prélèvement de la province, notamment les changements suivants :
(i) l’introduction d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance au cours de l’année financière ou au cours de l’année financière précédente,
(ii) les augmentations, en moyenne pour une année, du taux d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une prime ou d’une redevance,
[…]
(vii) les diminutions, en moyenne pour une année, des dégrèvements relatifs à un impôt, à une taxe, à un droit, à une prime ou à une redevance,
(viii) les augmentations, en moyenne pour une année, de la marge de bénéfice sur les biens ou les services vendus au public par la province ou ses organismes,
(ix) les augmentations de la proportion des bénéfices remis à une administration provinciale par ses propres entreprises,
[. . .]
13. (1) Pour l’application de la présente partie, le revenu total que tire une province, pour une année financière, des sources de revenu visées à la définition de « source de revenu », au paragraphe 4(2) de la Loi, est :
[…]
c) dans le cas de toute source de revenu visée aux autres alinéas de cette définition et dans le cas de toute partie des sources de revenu visées aux alinéas a) et b) de cette définition à laquelle les alinéas a) et b) du présent paragraphe ne s’appliquent pas, le montant déterminé par le ministre selon les renseignements mis à sa disposition par la province dans sa demande de paiement de stabilisation, rajusté par lui au besoin, et de ceux contenus dans le certificat que lui a présenté le statisticien en chef du Canada conformément au paragraphe 9(2).
[. . .]
17. (1) Le ministre doit faire le calcul définitif du paiement de stabilisation qui peut être versé à une province en vertu de la Loi au cours d’une année financière dans les 32 mois qui suivent la fin de l’année pour laquelle une demande est présentée, et doit, le cas échéant, remettre à la province un état décrivant la façon dont le montant du paiement de stabilisation a été calculé.
(2) Lorsque le ministre détermine, d’après le calcul définitif, que le paiement de stabilisation qui peut être versé à la province dépasse le total des paiements provisoires effectués, le cas échéant, conformément au paragraphe 15(2), le ministre peut verser à la province tout montant de cet excédent jusqu’à concurrence du montant du paiement de stabilisation total calculé en vertu du paragraphe 6(7) de la Loi. [Je souligne.]