IMM-8534-11
2012 CF 1471
Faisal Nawaz Khan (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Khan c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Zinn—Toronto, 29 octobre; Ottawa, 13 décembre 2012.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire d’une décision d’une agente d’immigration de ne pas délivrer de carte de résident permanent au motif que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence — Le demandeur a fait une demande pour renouveler sa carte — Le Centre de traitement des demandes a noté que l’exigence en matière de résidence avait été satisfaite et a informé le demandeur qu’il pouvait venir chercher sa carte — L’agente a plus tard réévalué les absences du demandeur au cours des cinq années précédant le jour où il est allé chercher sa carte et a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence — Il s’agissait de savoir si l’agente a agi de manière illégale en refusant de remettre la carte délivrée — L’agente n’était pas dessaisie de l’affaire — Cependant, le défendeur a confondu la délivrance d’une carte avec la preuve que l’obligation de résidence a été respectée — La question qui s’est posée était de savoir si le demandeur a rempli son obligation de joindre à sa demande tous les renseignements et tous les documents exigés — L’objection soulevée par l’agente avait plutôt trait à la question de savoir si le demandeur satisfaisait à l’obligation de résidence — Le demandeur satisfaisait à toutes les exigences de l’art. 59(1)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — L’agente ne pouvait que comparer les documents originaux avec les copies que le demandeur avait produites avec sa demande — L’agente aurait pu retenir la carte si elle avait conclu qu’il y avait des différences — La Loi n’exige pas d’évaluation de résidence au moment de la délivrance de la carte — Cette vérification ne peut pas faire obstacle à la délivrance de la carte — Il n’était pas loisible à l’agente de refuser de délivrer la carte dès que les conditions avaient été respectées — Demande accueillie.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’immigration de ne pas délivrer une carte de résident permanent au motif que le demandeur ne satisfaisait pas à l’exigence en matière de résidence.
Le demandeur a soumis la demande exigée par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) pour obtenir une nouvelle carte. La demande de renouvellement a été reçue par le Centre de traitement des demandes huit semaines après que le demandeur l’a signée. Le fonctionnaire qui a transmis la demande au bureau de CIC à Toronto a indiqué que le demandeur s’était conformé aux exigences en matière de résidence énoncées au sous-alinéa 28(2)a)(i) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à la date à laquelle la demande a été reçue par CIC. Le demandeur était à l’étranger lorsqu’il a été informé qu’il pouvait venir chercher sa nouvelle carte. Lorsque le demandeur est arrivé au bureau de CIC à Toronto, l’agente l’a informée, après avoir examiné ses absences au cours des cinq années qui ont précédé ce jour-là, qu’il ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence et qu’elle ne pouvait pas lui délivrer la carte.
La question en litige était de savoir si l’agente a agi de manière illégale en refusant de remettre au demandeur sa carte de résident permanent parce que le défendeur était dessaisi de l’affaire après avoir accordé la carte et si l’agente a par ailleurs agi de manière illégale étant donné que rien dans la Loi n’exige qu’il faille s’assurer du respect des exigences en matière de résidence avant de remettre la carte.
Jugement : la demande doit être accueillie.
L’agente n’était pas dessaisie de l’affaire. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il n’existait aucune limite quant à l’obligation de l’agente de remettre la carte au demandeur. Le défendeur a confondu la délivrance d’une carte de résident permanent avec la preuve que l’obligation de résidence prévue dans la Loi avait été respectée. La question qui s’est posée était de savoir si le demandeur avait rempli son obligation de joindre à sa demande tous les renseignements et tous les documents exigés. L’objection soulevée par l’agente n’avait pas trait aux documents du demandeur, mais avait plutôt trait à la question de savoir s’il satisfaisait à l’obligation de résidence quant à la période qu’elle avait fixée. Les éléments de preuve portaient à conclure que le demandeur satisfaisait à toutes les exigences de l’alinéa 59(1)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ce que l’agente pouvait faire dès que le demandeur eut par ailleurs satisfait à ces conditions, c’était de comparer les documents originaux qui lui avaient été remis par le demandeur avec les copies qu’il avait produites avec sa demande. Si l’agente avait conclu qu’ils étaient différents, alors elle aurait pu retenir la carte et demander à CIC de faire enquête. Il relève de la prérogative du défendeur de confirmer si un résident permanent satisfait à l’obligation de résidence; toutefois, la Loi n’exige pas que cela soit fait au moment où le demandeur vient chercher sa carte et cette vérification ne peut pas faire obstacle à la délivrance de la carte. Il était loisible à l’agente du bureau de CIC à Toronto de se demander si le demandeur satisfaisait à l’obligation de résidence à cette date ou à toute autre date antérieure. Ce qui ne lui était pas loisible de faire, c’était de refuser de lui délivrer la carte dès qu’il eut satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 59(1) du Règlement.
La Cour a ordonné au défendeur d’envoyer la carte de résident permanent à l’endroit où se trouve le demandeur à l’étranger en cas de besoin et de lui délivrer une fois que le défendeur est convaincu que les copies des documents soumis avec la demande correspondent aux originaux.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 28, 44(2), 46(1), 63(3),(4).
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 56, 57, 58(3),(4), 59(1).
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions examinées :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Sidhu, 2011 CF 1056; Shaath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 731, [2010] 3 R.C.F. 117; Bageerathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 513.
décision citée :
Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.
DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision d’une agente d’immigration de ne pas délivrer de carte de résident permanent au motif que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence. Demande accueillie.
ONT COMPARU
Matthew Jeffery pour le demandeur.
Alexis Singer pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Matthew Jeffery, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
Le juge Zinn :
Introduction
[1] M. Khan est un résident permanent du Canada et il a obtenu une carte de résident permanent (carte RP) comme preuve de son statut. Les cartes RP ont une durée limitée et la présente demande découle de la tentative infructueuse de M. Khan de renouvellement de sa carte RP maintenant expirée. La carte RP ne crée pas et ne maintient pas le statut de résident permanent d’une personne — elle ne fait que prouver ce statut. Malgré que M. Khan n’ait plus de carte RP valide, il demeure résident permanent du Canada.
L’historique
[2] M. Khan était détenteur d’une carte RP valide pour une période quinquennale prenant fin le 10 mars 2010. Il a soumis la demande exigée par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) pour obtenir une nouvelle carte RP.
[3] La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), énonce les exigences en matière de résidence s’appliquant aux résidents permanents. Elle prévoit que « [l]’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale » : paragraphe 28(1) de la Loi. « [L]e résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas [...] il est effectivement présent au Canada » : sous-alinéa 28(2)a)(i) de la Loi. En vertu de cette exigence, un résident permanent peut passer jusqu’à 1 095 jours à l’étranger pendant une période quinquennale. Le sous‑alinéa 56(2)a)(vii) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), prévoit que « [l]a demande de carte de résident permanent doit être faite au Canada et comporter […] [les] périodes de séjour à l’étranger [du demandeur] au cours des cinq dernières années ». Par conséquent, le demandeur doit mentionner sur son formulaire de demande de carte RP toutes ses absences du Canada « au cours des cinq dernières années » et, si le nombre total de jours s’élève à 1 095 ou plus. Le demandeur doit remplir d’autres parties du formulaire portant sur les exceptions énoncées à l’article 28 de la Loi, dont aucune ne s’applique à la demande dont la Cour est saisie.
[4] En l’espèce, M. Khan a produit un affidavit dans lequel il affirme qu’il « a signé » sa demande de renouvellement de sa carte RP le 12 avril 2010; il ne précise pas quand il l’a déposée auprès de CIC. Les dossiers de CIC confirment que la demande de renouvellement a été signée le 12 avril 2010, mais indiquent qu’elle a été reçue par CIC le 8 juin 2010. On ne sait pas ce qui a causé le retard de 8 semaines (56 jours) entre la signature et la réception de la demande. M. Khan jure qu’à la date à laquelle il a signé son formulaire de demande, il avait été absent du Canada pendant 1 044 jours et avait été présent au Canada pendant 781 jours. Par conséquent, au cours de la période quinquennale se terminant le 12 avril 2010, M. Khan s’est conformé à l’obligation de résidence prévue par la Loi.
[5] Des copies des divers documents mentionnés dans le Règlement doivent également être jointes à la demande de carte RP. Il s’agit notamment du passeport du demandeur, les documents de voyage qu’il a obtenus, et diverses cartes d’identité produites par le gouvernement : alinéas 56(2)c) et 56(2)d) du Règlement.
[6] Comme toutes les demandes de cartes RP, la demande de M. Khan a été traitée par CIC à son Centre de traitement des demandes de Sydney (le CTD-S). Les notes provenant du Système de soutien des opérations des bureaux locaux (le SSOBL) qui figurent au dossier contiennent l’inscription suivante qui a été faite le 15 décembre 2010 au CTD-S :
[traduction] 15DÉC2010 — CARTE DE RÉSIDENT PERMANENT REÇUE À SYDNEY. IMM 194; PPT: PAK828. CLIENT ABSENT 1 044 JOURS EN DATE DU 08JUIN2010. [Non souligné dans l’original.]
[7] Il ressort clairement de cette inscription que le fonctionnaire de CIC à Sydney qui a traité la demande de M. Khan était convaincu, compte tenu des renseignements fournis dans la demande et à l’appui de celle-ci, que M. Khan avait été absent pendant 1 044 jours en date du 8 juin 2010, date à laquelle la demande a été reçue par CIC. L’inscription indique également que c’est à cette date que le CTD-S a reçu la nouvelle carte de résident permanent de M. Khan, qui est valide jusqu’au 24 décembre 2015 et qu’il a ensuite envoyé la carte de résident permanent au bureau central de CIC de la région du Grand Toronto situé au 25, avenue St. Clair Est, Toronto (Ontario) (bureau central de CIC-RGT). Dans une lettre datée du 12 janvier 2011, M. Khan a été avisé qu’il pouvait aller chercher sa nouvelle carte de résident permanent au bureau central de CIC-RGT le 10 février 2011. M. Khan se trouvait toutefois au Pakistan à cette date et il ne pouvait pas aller chercher sa carte. La lettre mentionnait également ce qui suit : [traduction] « [S]i vous êtes dans l’impossibilité de vous présenter à notre bureau à cette date, veuillez le faire dans les 180 jours qui suivent ». M. Khan s’est présenté au bureau central de CIC-RGT le 28 juin 2011, bien avant l’expiration du délai de 180 jours.
[8] La lettre type du 12 janvier 2011 contenait les renseignements supplémentaires suivants :
[traduction] Selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tous les résidents permanents du Canada font l’objet d’une vérification de résidence au moment de la délivrance de leur nouvelle carte de résident permanent. Un agent d’immigration examinera vos documents et pourra demander des renseignements supplémentaires afin de déterminer votre admissibilité à recevoir une carte de résident permanent.
DOCUMENTS EXIGÉS :
• La présente lettre;
• Tous vos passeports et documents de voyage (en vigueur et expirés);
• La fiche d’établissement originale, confirmation de résidence permanente (IMM 1000 ou IMM 5292) ou autres documents de résidence au Canada/établissement;
• Une carte d’identité avec photo valide délivrée par la province ou par un organisme fédéral (p.ex., permis de conduire, carte santé);
• Les mineurs de moins de 14 ans doivent être accompagnés par un parent ou un tuteur légal muni d’un acte de naissance et/ou de documents de tutelle légale;
• La carte de résident permanent expirée. Aucune nouvelle carte ne sera délivrée sauf si vous avez remis votre carte expirée avec votre demande ou si vous la remettez et/ou si vous indiquez ce que vous en avez fait. [En caractère gras dans l’original.]
[9] Lorsque M. Khan s’est rendu au bureau central de CIC-RGT le 28 juin 2011 pour aller chercher sa nouvelle carte de résident permanent, l’agente de CIC a examiné son ancien passeport et son passeport actuel et lui a demandé pourquoi il avait pris tant de temps pour venir chercher sa nouvelle carte de résident permanent. Il lui a répondu qu’il s’était rendu au Pakistan pour la naissance de sa fille. M. Khan affirme que l’agente lui a ensuite demandé de lui donner par écrit toutes les dates pendant lesquelles il avait été absent au cours des cinq années précédant le 28 juin 2011. M. Khan a fait ce que l’agente lui a demandé. L’agente a ensuite dit qu’il semblait qu’il ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence et qu’elle ne pouvait pas lui délivrer la carte. Il a protesté en disant qu’il croyait que la période de cinq ans commençait à courir à compter de la date de la demande et non pas à compter de la date à laquelle il était allé chercher la carte. L’agente lui a dit que ce n’était pas sa décision et qu’un agent de rang supérieur communiquerait avec lui. L’inscription suivante a été faite le 29 juin 2011 (probablement par l’agente au bureau central de CIC-RGT) dans les notes du SSOBL : [traduction] « CLIENT ABSENT PENDANT 1 309 JOURS. NE SATISFAIT PAS AUX EXIGENCES EN MATIÈRE DE RÉSIDENCE. ENVOYÉ À ENQUÊTES ».
[10] M. Khan a ensuite consulté un avocat, lequel a écrit pour demander des explications et demander qu’une carte de résident permanent soit immédiatement délivrée à M. Khan. CIC a répondu ce qui suit :
[traduction] En ce qui concerne la demande de délivrance d’une carte de résident permanent faite par la personne susmentionnée, la demande a été envoyée à notre bureau le 29 JUIN 2011, car le client ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence.
Actuellement, la période de résidence minimum est d’un an et demi. Si le client doit se rendre à l’extérieur du pays au cours de cette période de temps, il peut le faire en utilisant un passeport valide. Le client devra alors demander un titre de voyage au bureau canadien des visas le plus proche afin de faciliter son retour au Canada.
Nous ne procédons pas à un traitement accéléré des demandes qui nous sont envoyées.
[11] La présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été introduite le 23 novembre 2011. Le défendeur a demandé à ce que l’autorisation ne soit pas accordée, car selon lui, aucune décision, au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, n’a été rendue. La Cour a accordé l’autorisation par ordonnance datée du 31 juillet 2012. Il semble que peu de temps après que l’autorisation fut accordée, CIC a examiné le dossier du demandeur parce qu’une agente a appelé l’avocat de M. Khan et l’a avisé qu’elle désirait continuer à traiter la demande de carte de résident permanent de M. Khan. Le 29 août 2012, l’agente a envoyé une lettre à l’avocat de M. Khan dans laquelle elle a déclaré ce qui suit :
[traduction] Afin que nous puissions continuer à traiter votre demande de carte de résident permanent, il nous faut déterminer si vous avez respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
[…]
Veuillez soumettre un nombre suffisant de documents attestant que vous avez été physiquement présent au Canada au cours de la période de temps en cause, à savoir du 9 juin 2005 au 8 juin 2010. [Souligné et en caractère gras dans l’original.]
[12] Lorsqu’on a communiqué avec elle, l’agente a affirmé que la période qui l’intéressait, à savoir du 9 juin 2005 au 8 juin 2010, représentait la période quinquennale se terminant à la date à laquelle CIC a reçu la demande de carte de résident permanent et qu’elle [traduction] « ne s’intéressait pas » à la période quinquennale précédant immédiatement la date à laquelle le demandeur a tenté, sans succès, d’obtenir sa carte — à savoir la période prise en compte par l’agente au bureau central de CIC-RGT.
[13] Le défendeur a déposé, dans le cadre de la présente procédure, un affidavit souscrit le 10 septembre 2012 par un employé de CIC, M. Gillis, « analyste principal » en matière de règlements. Le demandeur s’est opposé à l’admission de ce nouvel élément de preuve. J’en ai tenu compte seulement dans la mesure où le souscripteur de l’affidavit témoigne quant au processus suivi par CIC quant à la délivrance de cartes de résident permanent. Dans la meure où il vise à interpréter la Loi et les règlements, cet élément de preuve est irrecevable.
[14] M. Gillis, dans son affidavit, affirme avec circonspection que le défendeur a peut-être utilisé une période quinquennale non pertinente :
[traduction] […] il semble que la demande de carte de résident permanent ait pu être envoyée à l’inventaire d’enquête au cours de l’examen du bureau régional qui a eu lieu le 29 juin 2011. Les notes soumises n’indiquent pas clairement quelle période de résidence a été utilisée pour déterminer pourquoi la demande a été envoyée aux enquêtes — un processus qui, dans ce bureau régional, peut prendre 15 mois ou plus. Elle a peut-être été renvoyée aux enquêtes parce que le personnel qui l’a examinée a utilisé la date à laquelle le demandeur s’est présenté au bureau régional comme date incluse dans la période quinquennale de résidence. Comme une période de résidence erronée a pu être utilisée, la demande a été retirée de l’inventaire des enquêtes et a été transmise pour examen à un agent. On a dit à l’agent quelle était la période de résidence qu’il fallait prendre en compte dans le cadre de l’examen de la demande de carte de résident permanent. [Non souligné dans l’original.]
[15] Lors de l’audience qui a eu lieu le 29 octobre 2012, l’avocat du défendeur a admis que l’agente au bureau central de CIC-RGT a commis une erreur en affirmant que la période quinquennale pertinente quant à la détermination de la résidence de M. Khan avait pris fin ce jour-là; elle prenait fin à la date à laquelle la demande avait été reçue par CIC.
Les questions en litige et la norme de contrôle
[16] M. Khan soulève les questions suivantes :
1. La représentante au bureau central de CIC-RGT a-t-elle agi de manière illégale en refusant de remettre à M. Khan sa carte de résident permanent délivrée en bonne et due forme parce que le défendeur était dessaisi de l’affaire après avoir accordé la carte?
2. La représentante au bureau central de CIC-RGT a-t-elle par ailleurs agi de manière illégale étant donné que rien dans la Loi n’exige qu’il faille s’assurer du respect des exigences en matière de résidence avant de remettre la carte?
[17] M. Khan prétend que les deux questions en litige sont contrôlables selon la norme de la décision correcte parce que la première a trait à une question de compétence et que la deuxième a trait à une question de droit. Le défendeur ne formule aucun argument quant à la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer.
[18] Je suis convaincu que les deux questions en litige soulèvent des questions de compétence. Les deux questions portent sur la question de savoir si l’agente a agi sans compétence en refusant de remettre à M. Khan la carte de résident permanent, où en retenant celle-ci. Elles sont, par conséquent, de véritables questions de compétence parce qu’elles concernent la question de savoir « si les pouvoirs dont le législateur […] a investi [l’agent] l’autorisent à trancher [la] question » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 59; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 42).
Analyse
1. Dessaisissement
[19] M. Khan prétend que sa carte de résident permanent a été délivrée par le CTD-S et que tout ce que l’agente au bureau central de CIC-RGT avait à faire c’était de lui remettre sa carte après avoir examiné ses documents. Je ne souscris pas à cette opinion.
[20] Cet argument porte sur la question de savoir quand une carte de résident permanent est délivrée et par qui. Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que la carte de résident permanent avait été traitée par le CTD-S, mais elle n’avait pas encore été délivrée à M. Khan. Pour qu’il y ait délivrance d’une carte de résident permanent, il faut que la carte soit transmise ou remise au demandeur. Ce n’est pas ce qui s’est produit au CTD-S; c’est au bureau central de CIC-RGT que cela devait se produire lorsque M. Khan s’est présenté pour prendre possession de sa nouvelle carte. Par conséquent, je rejette l’argument voulant que l’agente au bureau central de CIC-RGT était dessaisie. Cela ne veut pas dire qu’il n’existait aucune limite quant à l’obligation de l’agente de remettre la carte de résident permanent à M. Khan.
2. Limites quant à la délivrance d’une carte de résident permanent
[21] M. Khan prétend que, en vertu du paragraphe 59(1) du Règlement, l’agente était tenue par la loi de lui délivrer la carte de résident permanent. Il affirme que c’est tout ce que l’agente devait faire. Le défendeur prétend que, avant de délivrer la carte de résident permanent, l’agente devait s’assurer que M. Khan s’était conformé à l’obligation de résidence. Selon moi, aucune de ces affirmations n’est exacte. L’argument de M. Khan n’est pas accepté parce que l’agente devait être convaincue que les conditions énoncées au paragraphe 59(1) du Règlement avaient été satisfaites avant de délivrer la carte de résident permanent. L’argument du défendeur est erroné parce que celui-ci confond la délivrance d’une carte de résident permanent avec la preuve que l’obligation de résidence prévue dans la Loi a été respectée.
La raison pour laquelle l’argument du demandeur est erroné
[22] Le paragraphe 59(1) du Règlement prévoit ce qui suit :
59. (1) L’agent délivre, sur demande, une nouvelle carte de résident permanent si les conditions suivantes sont réunies : a) le demandeur n’a pas perdu son statut de résident permanent aux termes du paragraphe 46(1) de la Loi; b) sauf réhabilitation — à l’exception des cas de révocation ou de nullité — en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, le demandeur n’a pas été condamné sous le régime des articles 123 ou 126 de la Loi pour une infraction liée à l’utilisation frauduleuse d’une carte de résident permanent; c) le demandeur satisfait aux exigences prévues aux articles 56 et 57 et au paragraphe 58(4); d) le demandeur rend sa dernière carte de résident permanent, à moins qu’il ne l’ait perdue ou qu’elle n’ait été volée ou détruite, auquel cas il doit donner tous éléments de preuve pertinents conformément au paragraphe 16(1) de la Loi. |
Délivrance d’une nouvelle carte de résident permanent |
[23] Cette disposition prévoit que, avant d’avoir le droit de recevoir une carte de résident permanent, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées à l’alinéa 59(1)a) (à savoir qu’il n’a pas perdu son statut de résident permanent aux termes du paragraphe 46(1) de la Loi), ainsi qu’aux exigences de l’alinéa 59(1)c) (à savoir qu’il a fourni avec sa demande les documents et les renseignements mentionnés aux articles 56 et 57 et au paragraphe 58(4) du Règlement).
L’alinéa 59(1)a) du Règlement — Perte du statut de résident permanent
[24] L’exigence énoncée à l’alinéa 59(1)a) du Règlement est satisfaite si « le demandeur n’a pas perdu son statut de résident permanent aux termes du paragraphe 46(1) de la Loi ». Ce paragraphe prévoit ce qui suit :
46. (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants : a) l’obtention de la citoyenneté canadienne; b) la confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence; c) la prise d’effet de la mesure de renvoi; d) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile ou celle d’accorder la demande de protection. |
Résident permanent |
[25] M. Khan n’est pas devenu citoyen canadien et il n’a pas demandé l’asile. Par conséquent, les seules questions qui restent à trancher sont si M. Khan « a perdu son statut de résident permanent » à la suite de « la confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence » (non souligné dans l’original) ou de la prise d’une mesure de renvoi contre lui. Ces dispositions énoncent les deux façons par lesquelles un résident permanent peut perdre son statut : 1) par des mesures prises alors qu’il se trouve hors du Canada, et 2) par des mesures prises alors qu’il se trouve au Canada.
[26] La décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Sidhu, 2011 CF 1056, illustre la première situation. Dans cette affaire, un agent des visas, en Inde, a jugé qu’un résident permanent qui se trouvait hors du Canada n’avait pas respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi. Cette décision a été portée en appel à la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en conformité avec le paragraphe 63(4) de la Loi. La décision Shaath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 731, [2010] 3 R.C.F. 117, illustre la deuxième situation. Dans cette affaire, il a été jugé qu’un résident permanent qui se trouvait au Canada n’avait pas respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi. Une mesure de renvoi a été prise contre lui en application du paragraphe 44(2) de la Loi et cette décision a été portée en appel à la SAI en application du paragraphe 63(3) de la Loi.
[27] Rien n’indique que M. Khan a perdu son statut de résident permanent en raison d’une « confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence » [non souligné dans l’original]. En fait, rien n’indique qu’une décision, prise hors du Canada ou au Canada, a eu pour conséquence de lui faire perdre son statut. Le défendeur se demande toujours s’il a perdu son statut parce qu’il n’a pas résidé au Canada pendant la période de temps requise. Cette question sera examinée plus loin.
Alinéa 59(1)c) du Règlement — Documents et renseignements
[28] Pour satisfaire à l’exigence de l’alinéa 59(1)c), M. Khan devait satisfaire « aux exigences prévues aux articles 56 et 57 et au paragraphe 58(4) [du Règlement] ». L’article 56 du Règlement prescrit que les renseignements et les documents qui doivent être joints à une demande de carte de résident permanent. La liste est longue. La question qui se pose est de savoir si M. Khan a rempli son obligation de joindre à sa demande tous les renseignements et tous les documents exigés.
[29] M. Gillis affirme dans son affidavit que les cartes de résident permanent ne sont envoyées par le CTD-S qu’au bureau régional de CIC du demandeur afin que celui-ci puisse aller la chercher après que la demande a été vérifiée pour s’assurer qu’elle est complète. Comme la carte de résident permanent de M. Khan a été envoyée par le CTD-S au bureau central de CIC-RGT, cela signifie que la demande de M. Khan a été vérifiée et jugée complète par le défendeur, ne serait‑ce que de façon préliminaire. Le défendeur ne donne pas à penser que M. Khan avait omis de joindre des documents ou des renseignements à sa demande. L’agente au bureau central de CIC-RGT a refusé de remettre à M. Khan sa nouvelle carte de résident permanent uniquement parce qu’elle a estimé qu’il ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence et non pas parce que sa demande était incomplète.
[30] L’article 57 du Règlement mentionne que toute personne qui fait une demande de résident permanent doit la faire pour elle-même et la signer. Je le rappelle, rien n’indique que M. Khan n’a pas signé sa demande.
[31] Les paragraphes 58(3) et 58(4) du Règlement exigent qu’un demandeur se présente afin de se voir remettre sa carte de résident permanent et produise les pièces originales dont les copies accompagnaient sa demande, à des fins de vérification. Ces dispositions prévoient ce qui suit :
58. […] |
|
(3) Le résident permanent qui fait une demande aux termes de l’article 56 doit, afin de se voir remettre la carte de résident permanent, se présenter aux date, heure et lieu mentionnés dans un avis envoyé par courrier par le ministère. Si le résident permanent ne se présente pas dans les cent quatre-vingts jours suivant la première mise à la poste d’un avis, la carte est détruite et il doit, s’il veut qu’une autre carte lui soit délivrée, faire une nouvelle demande. |
Exigence de se présenter |
(4) Lorsqu’il se présente conformément au paragraphe (3), le résident permanent produit les pièces originales dont les copies accompagnaient sa demande aux termes des alinéas 56(2)c) et d). |
Vérification des pièces |
[32] M. Khan affirme qu’il a apporté les documents exigés lorsqu’il s’est présenté afin de se voir remettre sa carte de résident permanent le 28 juin 2011. Je le rappelle, le défendeur ne donne pas à penser que M. Khan ne les a pas amenés. L’objection soulevée par l’agente au bureau central de CIC-RGT n’a jamais eu trait aux documents que Mr. Khan avaient apportés. Elle avait plutôt trait à la question de savoir s’il satisfaisait à l’obligation de résidence quant à la période qu’elle avait fixée.
[33] En résumé, l’ensemble des éléments de preuve versés au dossier porte à conclure que M. Khan a satisfait à toutes les exigences de l’alinéa 59(1)c) du Règlement. Ce n’est qu’après avoir satisfait à ces exigences qu’il avait le droit de se voir remettre la carte de résident permanent; toutefois, dès qu’il eut satisfait aux exigences, l’agente devait lui remettre la carte de résident permanent.
[34] Le paragraphe 59(1) du Règlement prescrit que l’agent « délivre » sur demande, une carte de résident permanent, si les conditions mentionnées aux alinéas a) à d) sont satisfaites. M. Khan a satisfait à ces conditions et, donc, l’agente au bureau central de CIC-RGT devait lui délivrer la carte de résident permanent qui avait déjà été traitée et envoyée au bureau central de CIC-RGT par le CTD-S afin qu’elle soit délivrée.
[35] Ce que l’agente pouvait faire, et aurait dû faire si elle ne l’a pas fait, c’était de comparer les documents originaux qui lui avaient été remis par M. Khan avec les copies qu’il avait produites avec sa demande. Si elle avait conclu qu’ils étaient différents, alors elle aurait pu retenir la carte de résident permanent et demander à CIC de faire enquête. Selon moi, c’est tout ce que l’agente pouvait faire dès que M. Khan eut par ailleurs satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 59(1) du Règlement.
La raison pour laquelle l’argument du défendeur est erroné
[36] Le défendeur prétend qu’il incombe au demandeur de prouver qu’il satisfait aux exigences en matière de résidence à la date à laquelle CIC reçoit la carte de résident permanent et non pas simplement lorsqu’il prétend l’avoir signée. Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que la date pertinente est la date à laquelle la demande est déposée auprès de CIC, autrement un demandeur pourrait unilatéralement choisir une date antérieure pour signer sa demande, une date à laquelle il satisfait à l’obligation de résidence.
[37] Dans la majorité des cas, il ne s’écoule que quelques jours entre la date de la signature et la date de réception et il est peu probable que ce délai ait une incidence sur la question de savoir si l’obligation de résidence a été satisfaite. En l’espèce, toutefois, il y avait une coupure inexpliquée de 8 semaines (56 jours). Cette coupure aurait pu avoir une incidence, car dans sa demande, M. Khan mentionnait qu’il avait été présent au Canada, à la date de la signature, pendant 781 jours. S’il a quitté le Canada immédiatement après avoir signé la demande, alors il n’a été présent au Canada que pendant 725 jours. Il lui manquait ainsi 5 jours pour atteindre le minimum requis.
[38] Il est certainement loisible au CTD-S, lorsqu’il traite une demande, de vérifier, en cas d’incertitude, si l’obligation de résidence est satisfaite à la date du dépôt. Il peut demander d’autres renseignements au demandeur. En effet, M. Gillis affirme que le CTD-S [traduction] « vérifie si le demandeur a satisfait aux exigences en matière de résidence ainsi qu’aux exigences prévues dans la LIPR et le RIPR dans le but de pouvoir reconnaître les demandeurs qui sont davantage à risque de ne pas satisfaire aux exigences ». En l’espèce, les notes du SSOBL contiennent une inscription qui confirme que le CTD-S a effectué la vérification requise en matière de résidence; l’inscription est ainsi libellée : [traduction] « CLIENT ABSENT 1 044 JOURS EN DATE DU 08 JUIN 2010 ». On ne peut que conclure, compte tenu de cette inscription, que l’agent au CTD-S estimait, bien qu’il ait pu se tromper, que M. Khan satisfaisait à l’obligation de résidence.
[39] Je souligne que, selon les renseignements que M. Khan a donnés à l’agente au bureau central de CIC-RGT, dans les cinq années précédant la date susmentionnée, il s’est absenté du Canada du 17 août 2007 au 28 février 2010, et du 2 juin 2010 (ou peut-être du 12 juin 2010) au 6 juin 2011. S’il est exact, ce renseignement confirme que M. Khan était au Canada durant la quasi-totalité de la période comprise entre la signature de la demande et sa réception par CIC.
[40] Le défendeur, toutefois, prétend que l’agente au bureau central de CIC-RGT devait retenir la carte de résident permanent sauf si elle estimait que M. Khan satisfaisait à l’obligation de résidence. Cette affirmation est erronée parce que l’observation de l’obligation de résidence ne figure pas au paragraphe 59(1) du Règlement comme étant une des conditions de délivrance de la carte de résident permanent. De plus, la déclaration suivante figure dans la lettre type envoyée à ceux qui se présentent afin de recevoir leur nouvelle carte de résident permanent : « Selon la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, tous les résidents permanents du Canada font l’objet d’une évaluation de résidence au moment de la délivrance de leur nouvelle carte de résident permanent. » Or, cette exigence ne figure pas dans la Loi. Il relève très certainement de la prérogative du défendeur de confirmer, au moment où le résident permanent se présente afin de recevoir sa carte de résident permanent, où à tout autre moment, si celui-ci satisfait à l’obligation de résidence; toutefois, la Loi n’exige pas que cela soit fait au moment où le résident permanent se présente afin de recevoir sa carte de résident permanent et cette vérification ne peut pas faire obstacle à la délivrance de la carte de résident permanent.
[41] La Loi exige que chaque résident permanent satisfasse à l’obligation de résidence pour chaque période quinquennale continue. Par conséquent, bien que cela ne fut pas obligatoire, il était loisible au bureau central de CIC-RGT de se demander si M. Khan satisfaisait à l’obligation de résidence à la date susmentionnée ou à toute autre date antérieure. Ce qui ne lui était pas loisible de faire, c’était de refuser de lui délivrer la carte de résident permanent dès qu’il eut satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 59(1) du Règlement.
Le recours
[42] M. Khan demande, si sa demande est accueillie, qu’il soit ordonné au défendeur de lui délivrer sans délai une nouvelle carte de résident permanent sans lui demander de fournir d’autres renseignements ou de se présenter afin de se voir remettre la carte. Il réclame également ses dépens.
[43] Un courriel émanant de M. Khan, dans lequel celui-ci explique sa situation actuelle, a été joint à un affidavit souscrit par un expert-conseil travaillant dans les bureaux de l’avocat de M. Khan. Celui-ci se trouve actuellement au Pakistan avec sa famille. L’avocat a affirmé à l’audience qu’on ignorait si M. Khan pouvait actuellement retourner au Canada sans carte de résident permanent. Il renvoie à la décision Bageerathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 513, où la Cour a ordonné au ministre d’accorder le statut de résident permanent au Canada au mari de la demanderesse en raison de [au paragraphe 38] « l’absence de compréhension et de collaboration manifestée par le premier secrétaire, [ainsi que] de [...] son obstination ».
[44] En l’espèce, on a refusé de reconnaître que M. Khan avait le droit de recevoir sa nouvelle carte de résident permanent en dépit des questions visant à savoir s’il avait satisfait à l’obligation de résidence. Ces questions pouvaient et auraient dû être réglées plus tard et, si on estimait que M. Khan n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence, on devait prendre des mesures lui permettant de se pourvoir à la SAI contre toute décision défavorable.
[45] M. Khan, toutefois, a le droit d’être mis dans la position dans laquelle il aurait dû être le 28 juin 2011. Il a le droit de recevoir la carte de résident permanent qui aurait dû lui être délivrée à cette date, à condition qu’il produise les documents originaux pertinents. S’il est au Pakistan, alors il ne devrait pas être obligé de se rendre au Canada afin de se présenter à nouveau au bureau de CIC au Canada afin de se voir remettre la carte de résident permanent. De plus, on ne sait trop si M. Khan peut obtenir un visa pour entrer au Canada sans détenir une carte de résident permanent valide prouvant qu’il a le statut de résident permanent au Canada. Le dossier n’indique pas clairement si l’agente au bureau central de CIC-RGT, à un moment ou l’autre, a comparé les documents originaux avec ceux qui ont été soumis avec la demande ou a pris possession de l’ancienne carte de résident permanent. Il s’agit d’exigences prévues par la loi. Bien qu’une demande de carte de résident permanent doive être faite au Canada, la Loi n’exige pas qu’elle soit délivrée à un demandeur au Canada. La Cour ordonnera que M. Khan avise le défendeur quant à l’endroit où il se trouve présentement et, s’il est au Pakistan, exigera que la carte de résident permanent soit envoyée à Islamabad où, après avoir démontré à un agent que les copies des documents soumis avec la demande correspondent aux originaux, et après avoir remis sa carte de résident permanent expirée, s’il ne l’a pas déjà fait, M. Khan se verra remettre la carte de résident permanent. Sauf si M. Khan a déjà remis ces documents à CIC et ne les a donc plus en sa possession, il doit les produire afin que l’on puisse les comparer avec les copies qu’il a envoyées avec la demande avant de se voir remettre la carte de résident permanent.
[46] Comme je l’ai déjà dit, la délivrance de la carte de résident permanent et l’obligation de résidence sont deux questions différentes. Le défendeur a le droit de vérifier si M. Khan a satisfait à l’obligation de résidence s’il entretient toujours des doutes à cet égard. La Cour ne statuera donc pas que M. Khan n’a pas à répondre aux demandes de renseignements faites par le demandeur à cet égard.
Les dépens
[47] Il est exceptionnel que des dépens soient adjugés dans le cadre de demandes d’immigration. Toutefois, je conclus qu’il s’agit en l’espèce de l’un de ces rares cas. N’eût été l’erreur commise par l’agente au bureau central de CIC-RGT, le demandeur aurait reçu sa carte de résident permanent et la question de savoir s’il a satisfait à l’obligation de résidence prévue dans la Loi aurait fait l’objet d’une vérification séparée. Le demandeur a engagé des frais inutiles afin de soumettre cette question et il a donc droit à ses dépens, lesquels sont fixés à 5 000 $, comprenant les honoraires, les débours et les taxes.
La question certifiée
[48] Le défendeur a proposé la question suivante à des fins de certification :
Qui a compétence pour rendre une décision finale quant au bien‑fondé d’une demande de carte de résident permanent — est-ce CTD-S, qui peut autoriser la production de la carte de résident permanent, ou le bureau régional de CIC, qui a pour mandat de délivrer la carte de résident permanent en conformité avec l’article 59 du Règlement?
[49] Mis à part les hypothèses que le défendeur a formulées dans la question, il ne s’agit pas d’une question qui peut être certifiée, car elle ne serait pas déterminante quant à l’issue d’un appel de cette décision.
JUGEMENT
LA COUR STATUE ce qui suit :
1. La présente demande est accueillie et la décision par laquelle l’agente, le 28 juin 2011, a refusé de délivrer à M. Khan la carte de résident permanent qui avait été préparée et qui lui avait été envoyée par le CTD-S est annulée;
2. Dans les 30 jours suivants, la date de la présente décision, le demandeur doit aviser le défendeur, par écrit, quant à savoir s’il se trouve au Pakistan ou au Canada et il doit faire mention de son adresse actuelle;
3. Dans les 30 jours suivants la réception de ce renseignement sur la résidence, le défendeur doit transmettre la carte de résident permanent qui a été préparée pour le demandeur le 15 décembre 2010 au Haut-commissariat du Canada à Islamabad (Pakistan), si le demandeur mentionne que c’est là qu’il réside présentement, ou au bureau de CIC qui est situé le plus près de la résidence du demandeur si le demandeur affirme qu’il réside présentement au Canada;
4. Le défendeur doit aviser le demandeur au plus tard dans les 90 jours suivant la date de la présente décision, de l’endroit où, conformément au présent jugement, il peut aller chercher sa carte de résident permanent et le demandeur doit aller la chercher en personne;
5. Si le demandeur n’a pas déjà remis au défendeur les originaux de l’ensemble ou d’une partie des documents copiés joints à sa demande de carte de résident permanent, alors, avant de recevoir la carte de résident permanent, il doit produire ceux-ci pour qu’ils soient comparés aux copies fournies avec sa demande et, s’ils sont conformes aux documents originaux, on lui remettra la carte de résident permanent;
6. Si le demandeur ne l’a pas déjà fait, il doit rendre sa carte de résident permanent expirée, comme l’exige l’alinéa 59(1)d) du Règlement;
7. Si les documents originaux ne correspondent pas aux copies que le demandeur a soumises avec sa demande de renouvellement de sa carte de résident permanent, alors le défendeur n’est pas tenu de délivrer, sans vérification, la carte au demandeur;
8. Le demandeur a droit à des dépens de 5 000 $, incluant les frais, débours et taxes;
9. Aucune question n’est certifiée.