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 [2014] 4 R.C.F. 265

IMM-1594-12

2013 CF 482

Jasmattie De Coito (demanderesse)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeurs)

Répertorié : De Coito c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Gleason—Toronto, 6 décembre 2012; Edmonton, 7 mai 2013.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Motifs d’ordre humanitaire — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle une agente d’immigration a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH) de la demanderesse en vertu de l’art. 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) — La demanderesse, une citoyenne de Guyana, est arrivée au Canada après avoir été agressée — Elle a fait valoir que l’agente n’a pas traité de façon raisonnable la question des difficultés puisque celle-ci a recopié les motifs d’un autre dossier et qu’elle s’est fondée sur des faits totalement étrangers à la situation de la demanderesse — La décision n’était pas raisonnable, car l’agente a repris textuellement les motifs d’une autre affaire et les a cités pour justifier son rejet de la demande — Ces erreurs factuelles sont au cœur même du raisonnement de l’agente — L’agente n’a pas examiné ni analysé convenablement la situation — De plus, la conclusion tirée par l’agente n’appartient pas aux issues possibles acceptables — Le résultat obtenu est difficilement conciliable avec l’objet des dispositions relatives aux motifs CH dans la LIPR et l’idée qu’il faut tenir compte de la tradition humanitaire du Canada — La cause en l’espèce est ce que le législateur devait avoir à l’esprit lorsqu’il a accordé le pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’observation des dispositions de la LIPR — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle une agente d’immigration a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH) de la demanderesse en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

La demanderesse, une citoyenne du Guyana, est arrivée au Canada après qu’elle-même et les membres de sa famille eurent été sauvagement agressés. La demanderesse a fait valoir, entre autres, que l’agente n’a pas traité de façon raisonnable la question des difficultés que la demanderesse connaîtrait vraisemblablement si elle était renvoyée au Guyana puisque l’agente a recopié les motifs d’un autre dossier et qu’elle s’est fondée sur des faits totalement étrangers à la situation en cause.

Il s’agissait de savoir si le traitement par l’agente de la question de la difficulté était déraisonnable.

Jugement : la demande doit être accueillie.

La décision n’était pas raisonnable, car l’agente a repris textuellement les motifs d’une autre affaire et les a cités pour justifier son rejet de l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle serait exposée à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées si elle retournait au Guyana. Ces erreurs factuelles sont au cœur même du raisonnement de l’agente. Le fait que la situation de la demanderesse n’a pas été examinée ni analysée convenablement a rendu la décision de l’agente déraisonnable.

Même si la conclusion ci-dessus permettait de trancher la demande, il convenait également de signaler que la conclusion tirée par l’agente n’appartenait pas aux issues possibles acceptables. L’objet du pouvoir discrétionnaire relatif aux demandes CH tel qu’il est analysé dans le guide de Citoyenneté et Immigration Canada intitulé Traitement des demandes au Canada (IP), Chapitre IP 5 : Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, est de « donne[r] la latitude nécessaire à l’approbation des cas non prévus dans la Loi » et de « contribu[er] […] au maintien de la tradition humanitaire du Canada ». Le résultat obtenu en l’espèce était difficilement conciliable avec l’objet des dispositions relatives aux motifs CH dans la Loi et l’idée qu’il faut tenir compte de la tradition humanitaire du Canada. La demanderesse n’a pas vraiment de racines au Guyana où elle a subi d’importants traumatismes. La cause de la demanderesse est ce que le législateur avait à l’esprit lorsqu’il a accordé au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’observation des dispositions de la LIPR.

La décision de l’agente a été annulée et l’affaire a été renvoyée au défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, pour qu’il procède à un nouvel examen.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 25, 74.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708.

décisions examinées :

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

décisions citées :

Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 R.C.F. 360; Canada (Procureur général) c. Abraham, 2012 CAF 266; Diabate c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 129; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.

DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Traitement des demandes au Canada (IP). Chapitre IP 5 : Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/ip/ip05-fra.pdf>.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle une agente d’immigration a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Robin L. Seligman pour la demanderesse.

Margherita Braccio pour les défendeurs.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Robin L. Seligman Professional Corporation, Toronto, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Gleason : La demanderesse, Mme De Coito, est une citoyenne du Guyana d’origine ethnique indienne âgée de 59 ans. Elle vit au Canada avec des membres de sa famille depuis plus d’une décennie. Elle a quitté le Guyana après qu’elle‑même, son époux, sa fille et sa nièce eurent été sauvagement agressés. Des truands ont pénétré par effraction dans leur domicile, agressé l’époux de la demanderesse et violé collectivement Mme De Coito, sa fille et sa nièce. L’époux de la demanderesse est décédé des suites de l’agression. Malheureusement, il s’agissait de la seconde attaque du genre : quelques années plus tôt, le premier époux de la demanderesse avait également été agressé et tué au Guyana.

[2]        Mme De Coito a fait une demande d’asile au Canada en invoquant les expériences qu’elle avait subies et le risque auquel les Indo‑Guyaniens sont exposés au Guyana; sa demande a été rejetée. Elle a également demandé et obtenu un examen des risques avant renvoi, mais l’examen a aussi fait l’objet d’une décision défavorable. Elle a présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (CH), en application de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi), laquelle a été rejetée le 13 janvier 2012 par une agente principale de Citoyenneté et Immigration Canada. La décision CH fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Mme De Coito prétend que l’agente a commis plusieurs erreurs susceptibles de contrôle durant le processus qui l’a menée à rendre une décision négative au sujet de sa demande, notamment les suivantes :

1.         L’agente n’a pas tenu suffisamment compte des intérêts supérieurs du beau‑petit‑fils de Mme De Coito, dont la demanderesse est très proche.

2.         L’agente a fait abstraction de certains éléments de preuve essentiels qui ont été fournis, dont un disque compact contenant des coupures de presse provenant du Guyana et décrivant l’agression commise contre Mme De Coito et sa famille, ainsi que des observations complémentaires de son avocat, apportant des précisions au sujet des difficultés qu’éprouverait, selon la demanderesse, son beau‑petit‑fils si elle était renvoyée.

3.         L’agente n’a pas traité de façon raisonnable la question des difficultés que la demanderesse connaîtrait vraisemblablement si elle était renvoyée au Guyana; l’examen des motifs de l’agente révèle que celle‑ci les a recopiés d’un autre dossier et qu’elle s’est fondée sur des faits totalement étrangers à la situation de Mme De Coito, de sorte que le résultat obtenu est déraisonnable.

[3]        Je dois seulement examiner le dernier point, car j’estime que la façon dont l’agente a traité la question de la difficulté en l’espèce n’est pas raisonnable et exige une intervention de la Cour.

[4]        En parvenant à cette conclusion, je reconnais que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à la décision de l’agente et que, s’agissant d’une décision discrétionnaire comme celle‑ci, la norme de la raisonnabilité commande de faire preuve d’une grande déférence à l’égard de la décision, de sorte que je ne puis substituer mon appréciation à celle de l’auteur de la décision (Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 R.C.F. 360, aux paragraphes 18 et 20). Pour citer les mots du juge Binnie, s’exprimant au nom de la majorité dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (Khosa), au paragraphe 62, « [i]l ne s’agit pas de savoir » si je souscris ou non à la décision de l’agente, car c’est à l’agente que le législateur a confié la tâche de rendre la décision. En d’autres termes, une décision discrétionnaire sous‑entend un large éventail d’issues possibles acceptables (voir Canada (Procureur général) c. Abraham, 2012 CAF 266, au paragraphe 42; Diabate c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 129, au paragraphe 24).

[5]        Cela dit, les décisions discrétionnaires ne sont pas à l’abri d’un contrôle si les résultats obtenus sont déraisonnables, et l’éventail d’issues possibles acceptables n’est pas infini. La jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada précisant la teneur de la norme de la décision raisonnable établit clairement qu’une cour de révision doit examiner à la fois le raisonnement et le résultat obtenu pour déterminer si la décision d’un tribunal administratif est raisonnable. Comme l’ont souligné les juges majoritaires dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, « [l]a cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité ». De façon similaire, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 14, la juge Abella, s’exprimant au nom de la Cour suprême, a écrit que « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». La juge Abella a récemment confirmé, dans l’arrêt Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395, que l’obligation imposée aux cours de révision d’évaluer les motifs et l’issue s’applique aux décisions discrétionnaires.

[6]        Rares sont les cas où un contrôle s’impose en raison du caractère déraisonnable d’une décision discrétionnaire rendue par un tribunal, car il n’appartient pas à la cour de révision de réexaminer les facteurs pris en considération par le tribunal, pour autant qu’il ait examiné les facteurs pertinents (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 37). Toutefois, la jurisprudence a depuis longtemps établi qu’une intervention est justifiée dans les cas où le tribunal n’a pas tenu compte des facteurs pertinents ou s’est fondé sur des facteurs non pertinents pour en arriver à sa décision (voir p. ex. Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2).

[7]        De plus, un contrôle peut être justifié si, après avoir fait état de l’une des principales considérations pertinentes, un tribunal fait ensuite abstraction de ce facteur au point où celui‑ci perd pratiquement toute substance. Le problème s’est posé dans l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, où la Cour suprême a écarté une décision CH en partie parce que l’agent qui l’avait rendue avait minimisé à un point tel l’intérêt des enfants en cause qu’il les avait pour ainsi dire ignorés. S’exprimant au nom de la majorité, la juge L’Heureux‑Dubé a écrit ce qui suit, au paragraphe 66 :

Le libellé du par. 114(2) et de l’art. 2.1 du règlement exige que le décideur exerce le pouvoir en se fondant sur « des raisons d’ordre humanitaire » (je souligne). Ces mots et leur sens doivent se situer au cœur de la réponse à la question de savoir si une décision d’ordre humanitaire particulière constituait un exercice raisonnable du pouvoir conféré par le Parlement. La loi et le règlement demandent au ministre de décider si l’admission d’une personne devrait être facilitée pour des raisons humanitaires. Ils démontrent que l’intention du Parlement est que ceux qui exercent le pouvoir discrétionnaire conféré par la loi agissent de façon humanitaire. Notre Cour a jugé que le ministre est tenu d’examiner les demandes d’ordre humanitaire qui sont présentées […] De même, quand il procède à cet examen, le ministre doit évaluer la demande d’une manière qui soit respectueuse des raisons d’ordre humanitaire. [Souligné dans l’original.]

[8]        En l’espèce, la décision de l’agente n’est pas raisonnable, car elle a repris textuellement les motifs d’une autre affaire et les a cités pour justifier son rejet de l’allégation de Mme De Coito selon laquelle elle serait exposée à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées si elle devait retourner au Guyana. L’agente a écrit ce qui suit :

[traduction] J’estime que si la demanderesse devait se réinstaller au Guyana, il serait raisonnable de présumer qu’elle bénéficierait du soutien et de l’aide de leur autre fils et des frères et sœurs du demandeur principal, et qu’elle pourrait mettre à profit ses connaissances d’entrepreneure en restauration ou son expérience professionnelle acquise au Canada pour les aider à obtenir un emploi. Je conclus donc que les éléments examinés en l’espèce n’entraîneraient pas son exposition à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’il devait retourner à Trinité.

[9]        Mme De Coito est une femme, elle n’est pas originaire de Trinité, elle n’a jamais travaillé dans un restaurant et elle n’a pas de fils au Guyana. Ainsi, rien de ce qui figure au paragraphe précédent ne se rapporte à sa situation. Les défendeurs soutiennent que ce ne sont que des erreurs d’écriture et que l’agente a exposé ailleurs les faits relatifs à la demande de Mme De Coito avec exactitude. Les défendeurs estiment donc que les erreurs commises par la Commission ne justifient pas l’intervention de la Cour.

[10]      Je ne suis pas d’accord. Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, ces erreurs factuelles sont au cœur même du raisonnement de l’agente en l’espèce. Le fait que la situation de la demanderesse n’a pas été examinée ni analysée convenablement rend la décision de l’agente déraisonnable.

[11]      Même si cette dernière conclusion permet de trancher la présente demande, il convient également de signaler que la conclusion tirée par l’agente ne semble pas appartenir aux issues possibles acceptables. L’objet du pouvoir discrétionnaire relatif aux demandes CH est analysé à la section 2 du chapitre 5 du guide Traitement des demandes au Canada (IP), Chapitre IP 5 : Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, publié par le défendeur :

Le pouvoir discrétionnaire relatif aux demandes CH donne la latitude nécessaire à l’approbation des cas non prévus dans la Loi lorsqu’il est justifié de le faire, contribuant ainsi au maintien de la tradition humanitaire du Canada. L’exercice du pouvoir discrétionnaire n’est donc pas contraire à la Loi ou au Règlement et représente plutôt une disposition complémentaire concourant aux objectifs de la Loi.

[12]      La juge L’Heureux‑Dubé a aussi reconnu cet objet dans l’arrêt Baker, ayant exposé ce qui suit, au paragraphe 15 :

Les demandes de résidence permanente doivent normalement être présentées à l’extérieur du Canada, conformément au par. 9(1) de la Loi. L’une des exceptions à cette règle est l’admission fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. En droit, conformément à la Loi et au règlement, c’est le ministre qui prend les décisions d’ordre humanitaire, alors qu’en pratique, ces décisions sont prises en son nom par des agents d’immigration […] En outre, même si, en droit, une décision d’ordre humanitaire est une décision qui prévoit une dispense d’application du règlement ou de la Loi, en pratique, il s’agit d’une décision, dans des affaires comme celle dont nous sommes saisis, qui détermine si une personne qui est au Canada, mais qui n’a pas de statut, peut y demeurer ou sera tenue de quitter l’endroit où elle s’est établie. Il s’agit d’une décision importante qui a des conséquences capitales sur l’avenir des personnes visées. Elle peut également avoir des répercussions importantes sur la vie des enfants canadiens de la personne qui a fait la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire puisqu’ils peuvent être séparés d’un de leurs parents ou déracinés de leur pays de citoyenneté, où ils se sont installés et ont des attaches. [Souligné dans l’original.]

[13]      Le résultat obtenu en l’espèce est difficilement conciliable avec l’objet des dispositions relatives aux motifs CH dans la Loi et l’idée qu’il faut tenir compte de la tradition humanitaire du Canada. Si la demanderesse n’a pas droit à ce traitement exceptionnel, on imagine mal qui d’autre pourrait s’en prévaloir. Comme l’avocate de la demanderesse l’a souligné, si les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération dans le cas de Mme De Coito, celle‑ci ne pourra probablement pas revenir au Canada, sauf de façon temporaire, et elle devra vivre au Guyana, où elle n’a pas vraiment de racines et où elle a subi d’importants traumatismes. Il est difficile d’imaginer une personne mieux placée pour obtenir la prise en compte de motifs d’ordre humanitaire qu’une grand‑mère de 59 ans dont les deux maris ont été brutalement assassinés, qui a été victime d’un viol collectif et témoin du viol collectif de sa fille et de sa nièce, et qui serait forcée de regagner le pays où ces événements se sont produits, pays où elle ne vit plus depuis plus de 10 ans et où il lui reste peu de relations. Voilà exactement le genre de cas que le législateur devait avoir à l’esprit lorsqu’il a accordé au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’observation des dispositions de la LIPR.

[14]      Pour les raisons susmentionnées, la décision de l’agente sera annulée et l’affaire sera renvoyée aux défendeurs pour qu’ils procèdent à un nouvel examen conformément à la présente décision. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification en application de l’article 74 de la LIPR et aucune ne se pose en l’espèce.

JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1. La présente demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente est accueillie, et la décision rendue par l’agente le 13 janvier 2012 est annulée.

2. La demande CH de la demanderesse est renvoyée au défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, pour qu’un autre agent rende une nouvelle décision.

3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

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