IMM‑4145‑06
2007 CF 709
Cristhian Andres Rodriguez Chevez (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Chevez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.)
Cour fédérale, juge Tremblay‑Lamer—Vancouver, 3 et 5 juillet 2007.
Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Renvoi de visiteurs — Contrôle judiciaire de la décision d’un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de prendre une mesure d’exclusion contre le demandeur — Le demandeur, qui a été arrêté et détenu, a demandé à parler à un avocat avant d’être interrogé par le représentant — On lui a indiqué que l’avocat de service n’était pas disponible, mais que l’entrevue aurait lieu malgré tout — Atteinte à l’art. 10b) de la Charte — Personne n’a aidé le demandeur à obtenir l’assistance d’un avocat avant que la mesure d’exclusion ne soit prise contre lui — Demande accueillie.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Arrestation, détention, emprisonnement — Le demandeur, qui a été arrêté et détenu, a demandé à parler à un avocat avant d’être interrogé par un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration — Le représentant a dit au demandeur que l’avocat de service n’était pas disponible et il a décidé de procéder à l’entrevue malgré tout — L’obligation d’accorder à la personne détenue la possibilité de choisir son avocat est inhérente au droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat tel que le garantit l’art. 10b) de la Charte — L’omission d’aider le demandeur à obtenir l’assistance d’un avocat portait atteinte à l’art. 10b).
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration dans laquelle une mesure d’exclusion a été prise contre le demandeur du fait qu’il n’avait pas quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.
Le demandeur a été arrêté et détenu dans un établissement de l’Agence des services frontaliers du Canada, où il a été interrogé par le représentant. Il a demandé à parler à un avocat, mais le représentant lui a indiqué que l’avocat de service n’était pas disponible. Le demandeur a seulement rencontré un avocat après que la mesure d’exclusion a été prise contre lui et il ne pouvait donc pas demander l’asile.
La question à trancher était celle de savoir s’il y a eu atteinte au droit du demandeur d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit tel que le garantit l’alinéa 10b) de la Charte.
Jugement : la demande doit être accueillie.
L’obligation de se voir accorder la possibilité de choisir son avocat est inhérente au droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat tel que le garantit l’alinéa 10b) de la Charte. Bien que le demandeur ait été informé de son droit à l’assistance d’un avocat, son arrestation a aussi déclenché l’obligation de l’aider à obtenir cette assistance, ce qui n’a pas été fait. Cette omission portait atteinte aux droits du demandeur garantis par l’alinéa 10b) de la Charte et constituait une erreur de droit. Plus particulièrement, le représentant n’a pas indiqué au demandeur qu’il pouvait attendre que l’avocat de service soit disponible avant d’aller de l’avant et il n’a pas non plus offert d’autres solutions au demandeur, notamment un service d’aide juridique.
lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 10.
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2, art. 103.1(14) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12).
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72(1).
jurisprudence citée
décision appliquée :
Dragosin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 81.
décision différenciée :
Rebmann c. Canada (Solliciteur général), [2005] 3 R.C.F. 285; 2005 CF 310.
décision examinée :
Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643.
décisions citées :
Dehghani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053; Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 3 C.F. 266; 2002 CFPI 149; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 910; R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613.
doctrine citée
Citoyenneté et Immigration Canada. Guide d’exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 7 : Investigations et arrestations, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/français/ ressources/guides/enf/enf07f.pdf>.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision d’un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de prendre une mesure d’exclusion contre le demandeur. Demande accueillie.
ont comparu :
Adrian D. Huzel pour le demandeur.
Sandra E. Weafer pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier :
Embarkation Law Group, Vancouver, pour le demandeur.
Le sous‑procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française du jugement et du jugement rendus par
[1]La juge Tremblay-Lamer : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision d’un représentant du ministre de Citoyenneté et Immigration Canada (le représentant), rendue le 10 juillet 2006, dans laquelle une mesure d’exclusion a été prise contre le demandeur (la mesure d’exclusion) du fait qu’il n’avait pas quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.
[2]Le demandeur, Cristhian Andres Rodriguez Chevez, est citoyen du Costa Rica.
[3]Le 25 janvier 2004, le demandeur est arrivé au Canada en tant que visiteur et était autorisé à y demeurer jusqu’au 26 avril 2004. Avant l’expiration de ce visa, sa période de séjour autorisée a été prolongée jusqu’au 28 mai 2004. Le demandeur n’a pas demandé que cette période de séjour au Canada soit prolongée après cette date.
[4]Le 8 juillet 2006, la GRC [Gendarmerie royale du Canada] a mis en détention le demandeur au motif qu’il avait causé du désordre. Lorsqu’elle s’est rendu compte que le demandeur n’avait pas de statut au Canada, la GRC a communiqué avec une agente d’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’agente de l’ASFC).
[5]Pendant qu’il était toujours détenu par la GRC, le demandeur a été interrogé par l’agente de l’ASFC. Il lui a dit qu’il avait été déclaré coupable de viol au Costa Rica et qu’il avait été incarcéré pendant un certain temps avant d’être enfin innocenté. L’agente de l’ASFC a mis le demandeur en état d’arrestation en prévision d’une instance en immigration, car elle croyait que sinon il n’y comparaîtrait probablement pas. Le 8 juillet 2006, le demandeur a été transféré à l’établissement de détention de l’ASFC. L’agente de l’ASFC a préparé un document exposant « les grandes lignes en vertu du paragraphe 44(2) et de l’article 55 » et une déclaration résumant sa discussion avec le demandeur, tous deux en date du 8 juillet 2006.
[6]Le 10 juillet 2006, après avoir examiné les documents de l’agente de l’ASFC, le représentant a interrogé le demandeur à l’établissement de détention de l’ASFC. Le demandeur a demandé à parler à un avocat, mais le représentant lui a indiqué que l’avocat de service n’était pas disponible et lui a demandé s’il désirait communiquer avec un autre avocat. Le demandeur, qui ne connaissait pas d’avocat et qui n’avait pas les moyens de s’en payer un, n’a pas communiqué avec un avocat.
[7]Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la mesure d’exclusion du représentant a été prise le 10 juillet 2006 contre le demandeur.
[8]Le jour suivant, soit le 11 juillet 2006, le représentant a rencontré de nouveau le demandeur et exigé qu’il signe l’ordonnance d’exclusion écrite. Le demandeur a refusé de signer la mesure d’exclusion du fait qu’il n’avait pas eu d’abord l’occasion de parler à un avocat et qu’il n’avait pas été informé qu’un avocat de service était disponible.
[9]Le demandeur n’a rencontré aucun avocat, sauf peu avant son audience relative à la détention tenue le 11 juillet 2006, date à laquelle il a rencontré l’avocat de service. À ce moment, l’avocat a avisé le demandeur qu’il ne pouvait pas demander l’asile, puisque la mesure d’exclusion avait déjà été prise contre lui. Plus tard le même jour, le demandeur a été mis en liberté.
[10]Le demandeur conteste la validité de la mesure d’exclusion prise contre lui en raison des faits en l’espèce, et il allègue qu’il y a eu atteinte à son droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte).
[11]Bien qu’il n’existe pas en tant que tel un droit à l’assistance d’un avocat lors d’une entrevue menée par un agent d’immigration (Dehghani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053), lorsque la liberté d’une personne est entravée de façon importante, par exemple pour une période de plusieurs jours, cette dernière a le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informée de ce droit (Dragosin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 81; Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 3 C.F. 266 (1re inst.); Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 910).
[12]Les parties ne contestent pas le fait que le demandeur a été détenu. Il est donc clair que la liberté de ce dernier a été entravée au moment où il a été interrogé par le représentant, le 10 juillet 2006, ce qui a entraîné le déclenchement des droits que lui garantit l’article 10 de la Charte (R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613, à la page 641).
[13]Le demandeur allègue qu’il a demandé, le 10 juillet 2006, à parler à un avocat avant que la mesure d’exclusion soit prise, mais que le représentant l’a avisé que l’avocat de service n’était pas disponible ce jour‑là. Il n’a ni reçu de renseignements au sujet d’autres options possibles, telles que l’aide juridique, par laquelle il aurait peut‑être pu obtenir l’assistance d’un avocat, ni été avisé qu’il pouvait attendre à ce que l’avocat de service soit disponible avant d’aller de l’avant.
[14]Le demandeur se fonde principalement sur la décision Dragosin, précité, dans laquelle il a été établi que le droit du demandeur à l’assistance d’un avocat naît dès sa détention et que les agents d’immigration ont l’obligation de l’informer de ce droit et de l’aider à obtenir cette assistance. Dans cette affaire, la mesure d’exclusion a été annulée du fait que le demandeur avait demandé à parler à un avocat avant que la mesure soit prise contre lui, mais que les agents avaient omis de l’aider à obtenir l’assistance d’un avocat. Le demandeur soutient que les faits de la présente affaire ne peuvent pas être distingués de ceux de la décision Dragosin : il a demandé à maintes reprises à parler à un avocat, mais a seulement été en mesure de le faire après que la mesure d’exclusion eut été prise contre lui.
[15]Le défendeur soutient que le demandeur a été informé de ses droits par l’agente de l’ASFC pendant sa détention, et qu’il aurait pu communiquer avec un avocat puisqu’il avait accès à un téléphone durant sa détention. Le demandeur s’est aussi fait demander s’il connaissait un avocat en particulier avec qui il désirait communiquer aux fins de l’entrevue. Le défendeur se fonde sur la décision Rebmann c. Canada (Solliciteur général), [2005] 3 R.C.F. 285 (C.F.), et fait valoir que les faits de cette dernière sont semblables à ceux en l’espèce. Ainsi, comme dans la décision Rebmann, il n’y a pas eu atteinte au droit du demandeur à l’assistance d’un avocat garanti par la Charte.
[16]En premier lieu, les faits de l’affaire qui nous occupe peuvent facilement être distingués de ceux de la décision Rebmann, précité. Dans cette affaire, M. Rebmann avait en fait rencontré l’avocat de service avant que la mesure d’exclusion ait été prise contre lui. En l’espèce, ce n’était pas le cas de M. Chevez.
[17]Le demandeur met l’accent sur le fait que le Guide d’exécution de la loi (ENF) de Citoyenneté et Immigration Canada (Chapitre ENF 7 : Investigations et arrestations, aux articles 16.2 et 16.3) exige que les agents d’immigration informent les personnes détenues de leur droit à l’assistance d’un avocat. Le demandeur soutient que s’il avait été bien informé de son droit à l’assistance d’un avocat, et que s’il avait demandé l’avis d’un avocat, il aurait été informé de son droit de déposer une demande d’asile officielle avant que la mesure d’exclusion soit prise contre lui. Il se fonde aussi sur l’arrêt Cardinal et autre c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643 pour ce qui est de l’argument selon lequel il ne devrait pas y avoir d’hypothèses sur ce qu’aurait pu être le résultat d’une telle demande ou sur son bien‑fondé si le manquement à l’équité procédurale n’avait pas eu lieu. Un tel manquement constitue en soi une erreur de droit suffisante.
[18]Les articles du Guide d’exécution de la loi (ENF) de CIC citées par le demandeur exigent seulement que la personne détenue soit informée de ses droits garantis par la Charte. Selon la preuve non contestée fournie par l’agente de l’ASFC dans son affidavit, celle‑ci a en fait informé le demandeur de ses droits dès sa mise en état d’arrestation. À cet égard, je ne trouve aucun motif pour conclure qu’il y a eu atteinte aux droits du demandeur garantis par la Charte.
[19]Cependant, le demandeur allègue surtout qu’il n’a pas été en mesure de se prévaloir de son droit à l’assistance d’un avocat dans un délai raisonnable. Plus précisément, il allègue qu’il s’est vu refuser l’assistance d’un avocat jusqu’à ce que la mesure d’exclusion soit prise contre lui.
[20]Dans la décision Dragosin, précité, le juge Andrew MacKay a conclu ce qui suit au paragraphe 16 :
À mon avis, en l’espèce, le droit du demandeur à l’assistance d’un avocat est né au moment où une mesure a été prise afin qu’il soit retenu au centre correctionnel régional. Les agents d’immigration qui ont pris des dispositions afin qu’il soit retenu avaient l’obligation suivant le paragraphe 103.1(14) de l’informer qu’il avait droit à l’assistance d’un avocat et de l’aider à obtenir cette assistance. L’omission à cet égard constitue une erreur de droit et, sans trancher définitivement l’affaire, il appert que l’omission d’avoir aidé le demandeur à obtenir l’assistance d’un avocat dans les circonstances ne respectait pas le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat en cas de détention qui est un droit garanti à chacun au Canada, y compris au demandeur, suivant l’article 10 de la Charte.
[21]Je reconnais que le paragraphe 103.1(14) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12] de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2 (l’ancienne Loi) prévoyait expressément que toute personne détenue devait se voir accorder la possibilité de choisir son avocat, alors que la Loi en question ne fait aucune mention expresse de ce genre. Néanmoins, une telle obligation est inhérente au droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat tel que le garantit l’alinéa 10b) de la Charte. À ce titre, je crois que le raisonnement du juge MacKay dans la décision Dragosin, précité, s’applique également aux faits en l’espèce.
[22]Je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, la preuve étaye la position du demandeur selon laquelle il y a eu atteinte à ses droits garantis par l’alinéa 10b) de la Charte. Bien que le demandeur ait été informé de son droit à l’assistance d’un avocat, aucun des agents d’immigration ne l’a aidé à obtenir cette assistance avant que la mesure d’exclusion ne soit prise contre lui.
[23]La Legal Services Society de la Colombie‑ Britannique finance des avocats du secteur privé en matière d’immigration pour qu’ils agissent en tant qu’avocats de service à la Section de l’immigration, et une de leurs responsabilités est de donner des conseils à toute personne détenue à l’établissement de détention en question de l’ASFC. De façon générale, un avocat de service est disponible pour consultation à l’établisse-ment de détention avant que des mesures d’exclusion soient prises.
[24]En l’espèce, la preuve révèle que le représentant a sommairement informé le demandeur que, malgré sa demande en vue de parler à un avocat, l’on avait décidé quand même de poursuivre en raison de la non‑disponibilité de l’avocat de service.
[25]Lorsqu’il a été contre‑interrogé au sujet de son affidavit, le représentant a avoué que l’avocat de service était présent à l’établissement de détention, mais qu’il était occupé par des audiences. Cependant, il a aussi reconnu que l’avocat de service était généralement disponible plusieurs fois par jour pour rencontrer les personnes détenues, même lorsqu’il était occupé par d’autres audiences. De même, le représentant a avoué que si une personne insistait pour rencontrer l’avocat de service avant d’aller plus loin, il leur accordait généralement un délai raisonnable pour ce faire. Il a aussi admis que lorsqu’une personne détenue communiquait avec un avocat de « l’externe », il était prêt à attendre plusieurs heures pour permettre à l’avocat d’arriver avant de procéder à l’entrevue.
[26]Cependant, dans l’affaire qui nous occupe, le représentant a omis d’attendre l’avocat de service. Il n’a pas non plus offert d’autres solutions au demandeur, même s’il a admis que le numéro de téléphone d’un service d’aide juridique aurait été fourni au demandeur s’il en avait fait la demande. De surcroît, le représentant n’a pas indiqué au demandeur qu’il pouvait attendre que l’avocat de service soit disponible s’il insistait à ce qu’il soit présent. Aucune explication n’a été donnée quant à la question de savoir pourquoi l’aide en vue d’obtenir l’assistance d’un avocat devrait dépendre d’une insistance répétée, alors que la personne a déjà clairement exprimé son désir de parler à un avocat.
[27]Il n’existe aucune preuve établissant que le représentant était tenu de prendre la mesure d’exclusion dans les plus brefs délais avant que le demandeur n’ait raisonnablement pu obtenir l’assistance d’un avocat, un service offert sur place, et qui, selon la preuve, pouvait être offert dans un délai raisonnable. En effet, le dossier indique clairement que le demandeur a été en mesure de rencontrer l’avocat de service et qu’il a été représenté par un avocat lors de son audience relative à la détention tenue le 11 juillet 2006, confirmant la disponibilité de telles consultations juridiques.
[28]En l’espèce, je souscris aux conclusions du juge MacKay au paragraphe 16 de la décision Dragosin selon lesquelles le droit du demandeur à l’assistance d’un avocat est né au moment où une mesure a été prise afin qu’il soit détenu, ce qui s’est en fait produit le 8 juillet 2006, date à laquelle il a été mis en état d’arrestation par l’agente de l’ASFC. Cette arrestation a déclenché l’obligation d’informer le demandeur de son droit à l’assistance d’un avocat et de l’aider à obtenir cette assistance (Dragosin, précité, au paragraphe 16). L’accès possible à un téléphone dans l’établissement de détention, et le fait d’avoir demandé simplement au demandeur s’il connaissait un avocat particulier avec qui il désirait communiquer, n’étaient pas suffisants pour s’acquitter de l’obligation d’aider le demandeur à obtenir l’assistance d’un avocat. En l’espèce, cette omission portait atteinte aux droits du demandeur garantis par l’alinéa 10b) de la Charte et constituait une erreur de droit (Dragosin, précité, aux paragraphes 16 et 20).
[29]Je souscris à l’opinion du juge MacKay, dans la décision Dragosin, précité, selon laquelle l’omission des agents d’immigration d’aider le demandeur à obtenir l’assistance d’un avocat après sa détention doit entraîner l’annulation de la mesure d’exclusion. La présente affaire doit donc être renvoyée à un autre agent d’immigration pour qu’il statue à nouveau sur elle.
[30]Compte tenu du fait que l’affaire sera examinée à nouveau et suivant le raisonnement de mon collègue le juge MacKay dans la décision Dragosin, précité, il serait à mon avis inopportun et inutile que la Cour réponde aux questions de savoir à quel moment la mesure d’exclusion a été prise exactement et si les déclarations du demandeur constituaient une demande d’asile.
[31]Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la mesure d’exclusion est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre représentant pour qu’il statue à nouveau sur elle.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la mesure d’exclusion soit annulée. L’affaire est renvoyée à un autre représentant pour qu’il statue à nouveau sur elle.