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T‑1667‑06

2007 CF 1142

DBC Marine Safety Systems Ltd. (demanderesse)

c.

La commissaire aux brevets et le procureur général du Canada (défendeurs)

Répertorié : DBC Marine Safety Systems Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.F.)

Cour fédérale, juge Mosley—Ottawa, 24 septembre; 5 novembre 2007.

Brevets — Pratique — Contrôle judiciaire d’un avis d’abandon expédié par le Bureau du commissaire aux brevets pour défaut de répondre dans le délai prescrit à une demande formulée par l’examinateur — Afin d’éviter les abandons multiples en vertu de l’art. 73(1)a) de la Loi sur les brevets, une réponse écrite à chacune des demandes devait être reçue dans les six mois — L’art. 73(1)a) précise qu’une demande est considérée comme abandonnée si le demandeur omet de répondre « de bonne foi» à «toute demande » dans le délai prescrit — L’agent de brevets a répondu à la première demande, mais pas à la deuxième par inadvertance — L’omission de répondre aux deux demandes a eu pour effet le déclenchement de l’abandon présumé de la demande — La pratique habituelle du Bureau des brevets d’envoyer une lettre de courtoisie lorsqu’une demande de renseignements est en défaut n’a pas été suivie — 1) Le commissaire aux brevets ne possède aucune compétence inhérente de remédier aux erreurs que le demandeur commet par inadvertance ou par omission — Les effets du régime législatif ne peuvent pas être supprimés par l’organisme administratif ou par la Cour — La loi ne prévoit aucune exception de « bonne foi » aux exigences prévues à l’art. 73(1)a) de la Loi lorsqu’il y a eu omission de répondre à une demande dans le délai prescrit — La demande de brevet a été abandonnée par application de la loi et la Cour était incapable d’accorder réparation — 2) Le Bureau des brevets n’a pas manqué au principe de l’équité procédurale envers la demanderesse parce qu’il ne lui a pas expédié d’avis d’abandon en temps opportun — Le commissaire n’a pas l’obligation d’expédier un avis à un demandeur même lorsque le Bureau du commissaire a suivi la pratique générale selon laquelle il délivre un avis lorsqu’une première échéance n’est pas respectée — L’omission de la commissaire ne dégage pas la demanderesse de ses obligations prévues par la loi et ne permet pas à la demanderesse d’éviter les conséquences juridiques découlant de l’omission d’honorer ses obligations — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’un avis expédié par le Bureau du commissaire aux brevets par lequel celui‑ci a déclaré abandonnée une demande de brevet pour défaut de répondre dans le délai prescrit à une demande formulée par l’examinateur. La demanderesse a déposé la demande de brevet canadien no 2233846 en 1998. Le 10 août 2004, un examinateur de brevets a expédié une lettre à la demanderesse l’avisant d’une demande faite en conformité avec l’article 29 et d’une demande faite en conformité avec le paragraphe 30(2) des Règles sur les brevets. Afin d’éviter les abandons multiples en vertu de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets, une réponse écrite à chacune des demandes devait être reçue dans les six mois. Bien que cet alinéa ne fasse pas référence à des « abandons multiples », il précise qu’une demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet de répondre « de bonne foi » à « toute demande » dans le délai prescrit. L’utilisation de l’expression « abandons multiples » découle d’un changement de pratique adopté par le Bureau des brevets en 2003 suivant lequel les réponses qui ne mentionnaient absolument rien quant à l’une ou l’autre demande figurant dans un rapport d’examinateur ne seraient pas considérées comme des réponses données de bonne foi à la demande de l’examinateur et suivant lequel la demande de brevet serait considérée comme abandonnée. Trois jours avant le délai fixé pour répondre aux demandes, l’agent de brevets de la demanderesse a déposé une réponse à une demande, mais pas à l’autre. Bien qu’il s’agissait d’une omission, cet oubli a eu pour effet le déclenchement de l’abandon présumé prévu à l’alinéa 73(1)a) et le déclenchement du délai de 12 mois prévu dans les Règles quant au rétablissement de la demande de brevet; ce délai prenait fin le 10 février 2006. Le paiement des taxes périodiques quant à la demande de brevet a été effectué et accepté en juillet 2005. Contrairement à la pratique habituelle du Bureau des brevets d’envoyer une lettre de courtoisie lorsqu’une demande de renseignements est en défaut, tel que le prévoit le Recueil des pratiques du Bureau des brevets (le recueil), aucun avis d’abandon présumé n’a été communiqué à la demanderesse ou à son agent de brevets. Un avis d’abandon a été envoyé le 8 mai 2006. L’appel que la demanderesse a interjeté auprès de la commissaire a été rejeté au motif que la commissaire n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de rétablir, après la période de rétablissement prévue dans les Règles, une demande abandonnée. Les questions à trancher étaient celles de savoir : 1) si la Cour fédérale a compétence pour réviser un résultat non discrétionnaire entraîné par l’application de la loi et 2) s’il y a eu atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale.

Jugement : la demande doit être rejetée.

1) Le commissaire ne détient que les pouvoirs qui lui sont expressément accordés dans la Loi. Un organisme créé par la loi, comme celui auquel appartient le commissaire aux brevets, ne possède aucune compétence inhérente de remédier aux erreurs commises par inadvertance ou par omission du genre de celle qui a été commise en l’espèce. Dans le cas où le régime législatif a expressément été établi par le législateur, sans qu’aucun pouvoir discrétionnaire ne soit accordé à l’organisme chargé de l’application de la loi, les effets de ce régime ne peuvent pas être supprimés par l’organisme administratif ou par la Cour. Malgré l’exigence énoncée à l’alinéa 73(1)a) de la Loi et l’indication claire figurant sur la lettre reçue par l’agent de la demanderesse qu’une telle omission entraînerait un abandon, la demanderesse a omis de répondre aux deux demandes. Répondre de bonne foi à une demande dans le cadre d’une lettre comprenant deux demandes n’équivaut pas à répondre de bonne foi aux deux demandes. La loi ne prévoit aucune exception de « bonne foi » aux exigences prévues à l’alinéa 73(1)a) lorsqu’il y a eu omission de répondre à une demande. De même, les dispositions de la Loi quant à l’abandon et quant au rétablissement ne prévoient l’exercice d’aucun pouvoir discrétionnaire de la part du commissaire, mais elles imposent au demandeur des obligations qui doivent être satisfaites. En l’espèce, il n’y avait aucune décision de la part de la commissaire qui touchait aux droits de la demanderesse. Cette absence de pouvoir discrétionnaire comprend l’incapacité de fixer un nouveau point de départ quant au délai de rétablissement. Par conséquent, lorsqu’un demandeur de brevet ne répond pas à une demande de l’examinateur et que la demande de brevet n’est pas rétablie dans le délai d’un an accordé pour corriger la situation, la demande de brevet est abandonnée par application de la loi et la Cour est incapable d’accorder réparation. Il n’existe aucune décision discrétionnaire susceptible de révision par la Cour.

2) La prétention de la demanderesse selon laquelle le Bureau des brevets a manqué au principe de l’équité procédurale envers elle parce qu’il ne lui a pas expédié d’avis d’abandon en temps opportun équivalait à un argument fondé sur le principe des attentes légitimes. Cette doctrine s’applique aux situations où un demandeur a été amené à croire qu’il aura le droit de présenter des observations à un décideur administratif ou d’être consulté par un décideur administratif avant qu’une décision particulière ne soit prise. Cependant, elle ne s’applique pas dans le cas où un organisme administratif a, par le passé, prétendument porté à l’attention d’un demandeur des manquements à la procédure de dépôt, créant ainsi l’attente que le commissaire relèvera toutes les erreurs. Il a été établi que le commissaire n’a pas l’obligation d’informer un demandeur que sa demande n’a pas été correctement rétablie s’il est clair que le cadre législatif impose au demandeur l’obligation de rétablir une demande abandonnée, et ce, en soumettant, comme il est prescrit, certains documents et en versant les taxes applicables. Le même raisonnement s’appliquait en l’espèce même si le bureau du commissaire a suivi la pratique générale du commissaire selon laquelle il délivre un avis lorsqu’une première échéance n’est pas respectée, comme le prévoit les lignes directrices du Recueil.

Enfin, bien que les lignes directrices puissent être légalement et correctement formulées, elles ne peuvent pas restreindre le pouvoir discrétionnaire du commissaire. Toute omission de la commissaire de suivre les lignes directrices du Recueil ne dégage pas la demanderesse de ses obligations prévues par la loi et ne permet pas à la demanderesse d’éviter les conséquences juridiques découlant de l’omission d’honorer ces obligations.

lois et règlements cités

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4, art. 73 (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 52).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Règles sur les brevets, DORS/96‑423, art. 29, 30 (mod. par DORS/2007‑90, art. 7), 98 (mod., idem, art. 23).

jurisprudence citée

décision appliquée :

Eiba c. Canada (Procureur général), [2004] 3 R.C.F. 416; 2004 CF 250.

décisions examinées :

Pfizer Inc. c. Canada (Commissaire aux brevets), [1999] A.C.F. no 942 (1re inst.) (QL); inf. par [2000] A.C.F. no 1801 (C.A.) (QL); F. Hoffmann‑La Roche AG c. Canada (Commissaire aux brevets), [2004] 2 R.C.F. 405; 2003 CF 1381; conf. par 2005 CAF 399; Nunavut Tunngavik Inc.c. Canada (Procureur général), 2004 CF 85.

décisions citées :

S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539; 2003 CSC 29; Anheuser‑Busch, Inc. c. Carling O’Keefe Breweries of Canada Limited, [1983] 2 C.F. 71 (C.A.); Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2003] 4 C.F. 67; 2003 CAF 121; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2003] 3 R.C.S. vi; Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.

doctrine citée

Office de la propriété intellectuelle du Canada. Recueil des pratiques du Bureau des brevets, articles 19.07.03, 20.07. Le Bureau, 2003.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’un avis d’abondon expédié par le Bureau du commissaire aux brevets par lequel celui‑ci a déclaré abandonnée une demande de brevet pour défaut de répondre dans le délai prescrit à une demande formulée par l’examinateur en vertu de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets. Demande rejetée.

ont comparu :

Marcus T. Gallie et Karla Baker pour la demanderesse.

Frederick B. Woyiwada pour les défendeurs.

avocats inscrits au dossier :

Ridout & Maybee LLP, Ottawa, pour la demanderesse.

Le sous‑procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]Le juge Mosley : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’un avis expédié par le bureau du commissaire aux brevets par lequel celui‑ci a déclaré abandonnée une demande de brevet pour défaut de répondre dans le délai prescrit à une demande formulée par l’examinateur. L’avis a été expédié après l’expiration du délai de rétablissement. L’agent de la demanderesse a commis une erreur en ne tenant pas compte de la demande du Bureau des brevets. Le Bureau des brevets a commis une erreur en omettant de suivre sa pratique habituelle qui consiste à expédier un avis de « courtoisie ». Néanmoins, pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande a été abandonnée par application de la loi et que la Cour est incapable d’accorder réparation.

L’HISTORIQUE

[2]Par souci de commodité, les dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4 (la Loi) et des Règles sur les brevets, DORS/96‑423 (les Règles) sont reproduites à l’annexe A.

[3]La demanderesse a déposé la demande de brevet canadien no 2233846 le 2 avril 1998 en revendiquant la priorité en raison d’une demande déposée aux États‑Unis. L’affaire a été classée parmi les autres demandes et a ultérieurement été confiée à un examinateur de brevets qui, le 10 août 2004, a expédié une lettre (appelée acte de l’office) à la demanderesse dans laquelle il lui demandait de fournir des renseignements supplémentaires. Dans cet acte de l’office, il était fait mention d’un certain nombre de présumées irrégularités figurant dans la demande de brevet et il y avait notamment le passage suivant :

[traduction]

Vous êtes par les présentes avisés des demandes suivantes :

- Une demande faite par l’examinateur en conformité avec le paragraphe 30(2) des Règles sur les brevets;

- Une demande faite par l’examinateur en conformité avec l’article 29 des Règles sur les brevets

Afin d’éviter les abandons multiples en vertu de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets, une réponse écrite à chacune des demandes doit être reçue dans les 6 mois suivant la date susmentionnée. [Souligné dans l’original.]

[4]Dans sa demande faite en vertu du paragraphe 30(2) [des Règles], l’examinateur demandait à la demanderesse de modifier sa demande de brevet afin de la rendre conforme à la Loi et aux Règles, ou, de lui faire parvenir les arguments justifiant que la demande de brevet était conforme.

[5]En vertu de l’article 29 [des Règles], l’examina-teur des brevets a le pouvoir discrétionnaire de demander au demandeur de brevet de fournir des détails quant à toute demande de brevet déposée à l’étranger à l’égard de la même invention. Dans la demande en l’espèce, l’examinateur demandait [traduction] « l’identification de toute réalisation antérieurement citée en rapport avec les demandes de brevet décrivant la même invention déposées aux États‑Unis et au Royaume‑Uni au nom de la demanderesse, ou déposées au nom d’une autre personne se réclamant d’un inventeur désigné dans la présente demande » ou, si la demanderesse ne détenait pas ces renseignements, l’examinateur lui demandait de lui en donner la raison.

[6]La demanderesse n’avait rien à voir avec la demande de brevet déposée au Royaume‑Uni et dont il était fait mention dans la demande de l’examinateur. Ce document avait été mentionné en rapport avec une invention semblable dans une autre demande de brevet canadien en cours. Une déclaration portant que la demanderesse ne détenait pas les renseignements aurait suffi pour régler cet aspect de la demande. Les renseignements demandés concernant la demande de brevet déposée aux États‑Unis figuraient déjà dans les documents de la demande de brevet dont l’examinateur était saisi ou pouvaient facilement être consultés par l’examinateur grâce à l’accès en ligne au Bureau des brevets des États‑Unis.

[7]Le délai de six mois accordé pour répondre aux demandes de l’examinateur est mentionné à l’alinéa 73(1)a) [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 52] de la Loi. Cet alinéa ne fait pas mention d’« abandons multiples » mais mentionne qu’une demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet de répondre de « bonne foi » à « toute demande » dans le délai prescrit.

[8]L’utilisation de l’expression « abandons multiples » découle d’un changement de pratique adopté par le Bureau des brevets en 2003 et ce changement de pratique a été communiqué à la profession au moyen d’un avis de pratique daté du 2 septembre 2003 et d’un avis mis à jour daté du 2 avril 2004. Par ces avis, le Bureau a avisé que les réponses qui ne mentionnaient absolument rien quant à l’une ou l’autre demande figurant dans un rapport d’examinateur ne seraient pas considérées comme des réponses données de bonne foi à la demande de l’examinateur et que la demande de brevet serait considérée comme abandonnée.

[9]Il ressort de la correspondance échangée en 2004 entre la commissaire aux brevets et le président de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada que ce changement de pratique a été provoqué par des inquiétudes suscitées par le fait que, trop souvent, les demandeurs de brevet ne répondaient pas adéquatement aux demandes présentées en vertu de l’article 29.

[10]Le 7 février 2005, trois jours avant le délai fixé pour répondre aux demandes figurant dans le rapport de l’examinateur d’août 2004, l’agent de brevets de la demanderesse a déposé une réponse à la demande qui avait été faite en conformité avec le paragraphe 30(2) des Règles. Il a omis de répondre à la deuxième demande de renseignements présentée en vertu de l’article 29 et n’a pas expliqué pourquoi les renseigne-ments exigés n’avaient pas été fournis. L’agent a affirmé dans son affidavit qu’il s’agissait tout simplement d’un oubli. Toutefois, cet oubli a eu pour effet le déclenche-ment de l’abandon présumé prévu à l’alinéa 73(1)a) de la Loi et le déclenchement du délai de 12 mois prévu dans les Règles quant au rétablissement de la demande de brevet. Ce délai a pris fin le 10 février 2006.

[11]Le paiement des taxes périodiques quant à la demande de brevet a été effectué et accepté en juillet 2005. La demanderesse n’a pas été prévenue, après que le paiement fut fait, que la demande était à ce moment‑là considérée comme abandonnée.

[12]Le 10 avril 2006, n’étant pas au courant de l’abandon présumé de la demande de brevet et de l’expiration du délai de rétablissement deux mois auparavant, l’agent de la demanderesse a écrit à la commissaire pour lui demander quand la demande de brevet serait examinée. En réponse, le Bureau des brevets a retourné une copie de la lettre de l’agent frappée d’une étampe indiquant que la demande faisait l’objet d’un acte et qu’un avis d’abandon avait été expédié dans le courrier le 10 février 2005. Cette étampe était datée du 9 mai 2006. Rien ne prouve que cet avis a vraiment été expédié par la poste.

[13]Les défendeurs ne contestent pas qu’aucun avis portant que la demande de brevet était considérée comme abandonnée n’a été envoyé à la demanderesse ou à son agent. La preuve révèle que lorsqu’un demandeur a répondu à une partie de l’acte de l’office mais a omis de répondre à une autre partie, la pratique normale du Bureau veut que l’examinateur prévienne le demandeur en temps opportun pour lui donner l’occasion de palier à l’omission sans aucune perte de droits de sa part. Lorsqu’un avis d’abandon est expédié, un délai suffisant est accordé pour que les mesures nécessaires soient prises afin de rétablir la demande.

[14]Cette affirmation est étayée par des extraits du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, version décembre 2003, qui mention-nent notamment, à l’article 19.07.03, que le demandeur sera avisé par une lettre de courtoisie, ou, si la date d’échéance est passée, par un avis d’abandon lorsque la réponse à la demande de renseignements présentée en vertu de l’article 29 a été jugée incomplète.

[15]En l’espèce, l’avis d’abandon, lequel comprenait un paragraphe décrivant les mesures à prendre afin de rétablir la demande, a été envoyé le 8 mai 2006, trop tard pour que la demanderesse puisse agir. Après avoir reçu l’avis, la demanderesse a interjeté appel auprès de la commissaire aux brevets, elle a soumis les documents manquants et acquitté les taxes exigées. La réponse donnée au nom de la commissaire, datée du 15 août 2006, concluait que la commissaire n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de rétablir, après la période de rétablissement mentionnée dans les Règles, une demande abandonnée. La lettre mentionnait que lorsqu’une réponse à une demande de l’examinateur est considérée incomplète, le demandeur, lorsqu’il reste du temps avant la date d’échéance prévue pour répondre, sera avisé par une lettre de courtoisie l’invitant à fournir l’information ou les raisons pour lesquelles une réponse incomplète a été reçue. Si la date limite pour répondre est passée, un avis d’abandon est envoyé et des mesures de rétablissement peuvent alors être prises. En l’espèce, la lettre reconnaissait qu’aucun avis d’abandon n’avait été envoyé avant l’expiration du délai prévu pour le rétablissement. Citant l’article 20.07 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, la lettre mentionnait que la pratique qui consiste à expédier un avis était tout simplement une forme de courtoisie et que le Bureau des brevets déclinait toute responsabilité quant à l’absence d’avis dans un cas particulier.

[16]Par la présente demande de contrôle judiciaire, qui a été déposée le 14 septembre 2006, la demanderesse demande l’annulation de la décision rendue par la commissaire dans sa lettre du 15 août 2006, le rétablissement de la demande de brevet et le renvoi de la demande de brevet à l’examinateur pour décision sur le fond.

[17]Même s’il est évident en l’espèce que le Bureau des brevets ne s’est pas conformé à sa pratique habituelle qui consiste à aviser les demandeurs de brevet lorsqu’une demande de renseignements est en défaut, je conclus que, vu la preuve produite, la commissaire n’a pris aucune décision et n’a pris aucune mesure pour décider que la demande avait été abandonnée ou pour refuser le rétablissement de la demande dans le délai prescrit.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[18]Dans ses observations écrites, la demanderesse a soulevé de nombreux arguments concernant les présumés erreurs de droit commises par la commissaire dans son interprétation de la Loi et des Règles. Ces arguments reposent sur la présomption que la commissaire a rendu une décision susceptible de révision qui a entraîné l’abandon de la demande et le refus d’accorder la possibilité d’en demander le rétablissement. Je traiterai brièvement de ces questions d’interprétation en traitant les questions importantes.

[19]Dans leur plaidoirie, les avocats de la demanderesse ont prétendu que la question cruciale en l’espèce était le manquement à l’équité procédurale.

[20]Les défendeurs soulignent qu’ils n’ont aucun intérêt en ce qui a trait à la question du rétablissement de la présente demande de brevet. Selon eux, la question cruciale consiste à savoir si la Cour a compétence pour réviser un résultat non discrétionnaire entrainé par l’application de la loi.

L’ANALYSE

La norme de contrôle

[21]La question de savoir quelle norme de contrôle il convient d’appliquer quant à la question de la compétence ne se pose pas. La Cour doit décider elle‑même si elle a compétence pour examiner les mesures prises par la commissaire. C’est la norme de la décision correcte qui s’applique aux questions d’équité procédurale : S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100.

La compétence

[22]Les défendeurs soutiennent le point de vue avancé antérieurement par les ministres dans la décision Pfizer Inc. c. Canada (Commissaire aux brevets), [1999] A.C.F. no 942 (1re inst.) (QL), infirmée pour d’autres  motifs  [2000]  A.C.F.  no  1801 (C.A.) (QL); F. Hoffmann‑La Roche AG c. Canada (Commissaire aux brevets), [2004] 2 R.C.F. 405 (C.F.), confirmée par 2005 CAF 399 et Eiba c. Canada (Procureur général), [2004] 3 R.C.F. 416 (C.F.). La compétence de la Cour fédérale quant à une demande de contrôle judiciaire des actes des offices fédéraux est limitée à ce qui est mentionné au paragraphe 18.1(3) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)]. Cette disposition permet à la Cour d’accorder une réparation quant à toute « décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte » de l’office fédéral. Les défendeurs prétendent que, comme l’abandon présumé de la demande de brevet était dû à l’application de l’article 73 de la Loi, il n’y a, d’après les faits de l’espèce, aucune décision ou aucun acte susceptible de révision. La correspondance de la commissaire avisant la demanderesse de ce fait n’est qu’un pur acte administratif non susceptible de révision.

[23]La demanderesse reconnaît que, en l’espèce, la commissaire n’a pas officiellement refusé l’enregis-trement de la demande de brevet. Toutefois, selon la demanderesse, la Cour a compétence pour examiner les actes des offices fédéraux si l’exercice d’une action administrative découle d’un pouvoir conféré par la loi susceptible de modifier les droits et intérêts d’autrui : Nunavut Tunngavik Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 85, aux paragraphes 8 et 9. Selon la demanderesse, la lettre de la commissaire du 15 août 2006 par laquelle celle‑ci a refusé de rétablir la demande devrait être considérée comme appartenant à cette catégorie.

[24]Dans Nunavut Tunngavik, au paragraphe 8, le juge James O’Reilly a conclu que le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire « va au‑delà des décisions au sens strict ». Il comprend l’examen d’« une grande diversité d’actions administratives qui ne sont pas pour autant des “décisions ou ordonnances”, par exemple les règlements, rapports ou recommandations relevant de pouvoirs légaux, les énoncés de politique, lignes directrices et guides, ou l’une quelconque des formes multiples que peut prendre l’action administrative dans la prestation d’un programme public par un organisme public ». Toutefois, l’office en question dans cette affaire, le Bureau du Conseil privé, n’avait pas le pouvoir d’agir comme les demandeurs demandaient qu’il agisse. Le juge O’Reilly a conclu que le refus de poser l’acte demandé n’était pas susceptible de contrôle car elle ne découlait d’aucun pouvoir conféré par la loi.

[25]Dans Pfizer, susmentionnée, la demanderesse avait reçu un avis erroné de rétablissement concernant une demande de brevet considérée comme abandonnée pour non paiement des taxes. Cette erreur fut par la suite corrigée dans la correspondance qui a suivi. Le juge Cullen a conclu que, comme la correspondance avait été émise par un office fédéral en vertu d’un pouvoir conféré par la loi et qu’elle touchait manifestement les droits et les intérêts de la demanderesse, elle constituait une « procédure ou un acte » susceptible de révision. Sa décision selon laquelle la demande avait été valablement rétablie par la correspondance initiale a été renversée en appel. La Cour d’appel n’a pas contesté la question de savoir si les actes du commissaire étaient susceptibles de révision mais a conclu que, comme les exigences prévues à l’article 73 quant au rétablissement n’avaient pas été satisfaites, l’avis erroné était invalide.

[26]Par analogie avec Pfizer, les erreurs commises par la commissaire en l’espèce, notamment l’acceptation des taxes périodiques pour 2005 et le défaut d’expédier un avis d’abandon, ne peuvent pas être invoquées pour rétablir une demande considérée par la loi comme abandonnée.

[27]La décision Pfizer a été suivie dans les décisions F. Hoffmann‑La Roche et Eiba, susmentionnées. Ces décisions traitent également du défaut de payer les taxes. Dans chaque cas, la Cour a décidé que, comme question préliminaire, elle avait compétence en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales pour contrôler les actions administratives du commissaire aux brevets. Toutefois, cela ne signifie pas que la Cour a le pouvoir d’accorder réparation en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, lorsque l’abandon, ou comme ce fut le cas dans F. Hoffmann‑La Roche, l’expiration d’un brevet redélivré, ne découle pas d’une décision discrétionnaire du commissaire mais plutôt d’une application de la loi.

[28]Le commissaire ne détient que les pouvoirs qui lui sont expressément accordés dans la Loi. Un organisme créé par la loi, comme celui auquel appartient le commissaire aux brevets, ne possède aucune compétence inhérente de remédier aux erreurs commises par inadvertance ou par omission du genre de celle qui a été commise en l’espèce. C’est ce qu’a affirmé de façon non équivoque la Cour d’appel dans Anheuser‑Busch, Inc. c. Carling O’Keefe Breweries of Canada Limited, [1983] 2 C.F. 71 (C.A.), dans le contexte analogue des actions administratives accom-plies par le registraire des marques de commerce.

[29]Dans le cas où un régime législatif a expressément été établi par le législateur, sans qu’aucun pouvoir discrétionnaire ne soit accordé à l’organisme chargé de l’application de la loi, les effets de ce régime ne peuvent pas être supprimés par l’organisme administratif ou par la Cour. Même lorsque des mesures ont été prises par le commissaire afin d’atténuer de dures conséquences, celles‑ci n’ont aucun effet lorsqu’elles ne sont pas expressément autorisées par la Loi : Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2003] 4 C.F. 67 (C.A.), autorisation d’interjeter appel devant la C.S.C. rejetée le 11 décembre 2003, [2003] 3 R.C.S. vi.

[30]La demanderesse a prétendu que l’alinéa 73(1)a) de la Loi exige que le commissaire aux brevets décide si la réponse d’un demandeur de brevet à une demande de l’examinateur a été formulée de bonne foi. Elle a de plus prétendu que la décision est susceptible de révision et que les tentatives évidentes de sa part de répondre à la lettre de demande de l’examinateur satisfont les exigences de cette disposition. Les défendeurs ont rétorqué qu’il n’est pas question d’évaluer la bonne foi lorsque aucune réponse n’a été formulée. Ils ont prétendu que chaque demande doit recevoir une réponse distincte et que DBC Marine n’a pas répondu à la deuxième demande figurant dans l’acte de l’office du 10 août 2004.

[31]Comme je l’ai déjà souligné, j’estime que l’argument soulevé par la demanderesse en l’espèce n’est pas convaincant. La demanderesse n’a pas répondu aux deux demandes de l’examinateur, et ce, malgré l’indication claire figurant sur la lettre reçue par son agent qu’une telle omission entraînerait un abandon. Répondre de bonne foi à une demande dans le cadre d’un acte de l’office comprenant deux demandes n’équivaut pas à répondre de bonne foi aux deux demandes. La loi ne prévoit aucune exception de « bonne foi » aux exigences prévues à l’alinéa 73(1)a) lorsqu’il y a eu omission de répondre à une demande.

[32]La demanderesse a de plus prétendu que la question de savoir si une réponse a été formulée de bonne foi est en soi une question subjective à laquelle le demandeur de brevet ne peut pas répondre. On a donc prétendu qu’il est nécessaire que l’examinateur rende une décision finale en vertu de l’article 30 [mod. par DORS/2007-90, art. 7, des Règles] lorsque le deman-deur de brevet n’a pas répondu adéquatement à une demande importante et que le délai de 12 mois au cours de laquelle la demande de brevet peut être rétablie a commencé à courir.

[33]Les dispositions de la Loi quant à l’abandon et quant au rétablissement ne prévoient l’exercice d’aucun pouvoir discrétionnaire de la part du commissaire mais imposent au demandeur des obligations qui doivent être satisfaites. En l’espèce, il n’y a aucune décision de la part de la commissaire qui touche aux droits de la demanderesse : F. Hoffmann‑La Roche AG [C.A.F.]. Cette absence de pouvoir discrétionnaire comprend l’incapacité de fixer un nouveau point de départ quant au délai de rétablissement.

[34]Par conséquent, lorsqu’un demandeur de brevet ne répond pas à une demande de l’examinateur et que la demande de brevet n’est pas rétablie dans le délai d’un an accordé pour corriger la situation, la demande de brevet est abandonnée par application de la loi. Il n’existe aucune décision discrétionnaire susceptible de révision par la Cour.

[35]Dans ses observations écrites, la demanderesse a soulevé un argument d’interprétation selon lequel l’utilisation, à l’alinéa 73(1)a), des mots « toute demande » comme équivalent du mot « requisition » ne se retrouve pas à l’article 29 [des Règles] où c’est le verbe « exiger » qui est utilisé. Appliquant le principe d’interprétation établi par la loi que les versions française et anglaise d’une loi ont pareille autorité, alors le mot « requisition » qui figure à l’alinéa 73(1)a) n’a pas la même signification que le mot « requisition » qui figure à l’article 29. La demanderesse prétend ensuite que le mot « requisition » doit être interprété comme étant le document sur lequel les demandes sont mentionnées; c’est‑à‑dire, le formulaire lui‑même plutôt que les demandes individuelles. Cet argument n’a pas été soulevé au cours des plaidoiries, et le défendeur n’a adopté aucune position fondée sur celui‑ci.

[36]Il me semble que cette forme d’application de la règle bilingue d’interprétation des lois ne reconnaît pas que les langues n’ont pas toujours des structures parallèles. En l’espèce, il n’existe aucune forme nominale du verbe « exiger » qui traduirait le concept de « requisition ». Toutefois, lorsque la version française de l’alinéa 73(1)a) est lue dans son intégralité, il est évident que l’interprétation de la signification du mot « demande » comme équivalant essentiellement à celle du mot « requisition » se trouve renforcée. Je ne peux donc pas accepter les observations de la demanderesse sur ce point. L’exigence formulée à l’alinéa 73(1)a) est de répondre à chacune des demandes du commissaire, c’est‑à‑dire à chacune des demandes individuelles de renseignement.

L’équité procédurale

[37]L’alinéa 73(1)a) de la Loi prévoit qu’une demande doit être considérée comme abandonnée si la demanderesse ne répond pas « de bonne foi à toute demande » [non souligné dans l’original] dans le délai prescrit. La demanderesse prétend que la politique antérieure du Bureau des brevets était de considérer la réponse à un acte de l’office ou à un rapport de l’examinateur comme étant le signe d’une réponse de bonne foi aux demandes en question même lorsqu’elles n’ont pas toutes reçu une réponse. La demanderesse prétend de plus que la modification de cette coutume établie est non seulement injuste pour elle, mais également pour tous les demandeurs de brevet qui risquent que leurs demandes, c’est‑à‑dire des milliers depuis 1996, soient considérées comme abandonnées.

[38]La preuve révèle que, nonobstant l’adoption en 2003 du concept d’« abandons multiples » et d’avis à la profession afin de souligner qu’une réponse est exigée pour chacune des demandes, le Bureau des brevets a continué la pratique officielle ou officieuse d’envoi d’avis de « courtoisie » mentionnant qu’on a oublié de répondre à une ou plusieurs demandes, notamment celles formulées en vertu de l’article 29. Lorsque le délai était écoulé, un avis d’abandon était expédié en temps opportun. Cette pratique servait à protéger les droits des demandeurs qui, autrement, auraient été perdus par simple mégarde. Si cette pratique avait été appliquée en l’espèce, il ne fait aucun doute que les mesures nécessaires pour obtenir le rétablissement de la demande auraient été prises. Il n’est pas contesté que, en l’espèce, le Bureau des brevets n’a expédié aucun avis d’abandon. Mais ce faisant, a‑t‑il manqué au principe de l’équité procédurale envers la demanderesse?

[39]Bien que cela ne fut pas qualifier de la sorte par la demanderesse, la prétention que le Bureau des brevets a manqué au principe de l’équité procédurale envers elle équivaut à un argument fondé sur le principe des attentes légitimes. Essentiellement, la position de la demande-resse est qu’elle a été amenée à son détriment à se fier à la pratique en vigueur au Bureau avant 2003, pratique qui consistait à accepter les réponses partielles aux demandes multiples, et à la pratique continue du Bureau d’expédier des avis de défaut afin de permettre le rétablissement en temps opportun des demandes considérées comme abandonnées.

[40]Comme je l’ai déjà conclu dans la décision Eiba, précitée, dans laquelle le contexte était analogue, c’est‑à‑dire qu’une demande de rétablissement avec la taxe exigée avait été reçue par le Bureau des brevets mais qu’une autre demande n’avait pas été reçue, la doctrine des attentes légitimes s’applique aux situations où un demandeur a été amené à croire qu’il aura le droit de présenter des observations à un décideur administratif ou d’être consulté par un décideur administratif, avant qu’une décision particulière ne soit prise : Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170. Je n’étais pas convaincu alors, et je ne le suis toujours pas, que cela s’applique dans le cas où un organisme administratif a, par le passé, prétendument porté à l’attention d’un demandeur des manquements à la procédure de dépôt, créant ainsi l’attente que le commissaire relève toutes les erreurs, même involontaires, commises par le demandeur dans le cadre du processus de rétablissement.

[41]J’ai conclu dans Eiba que le commissaire n’a pas l’obligation d’informer un demandeur que sa demande n’a pas été correctement rétablie s’il est clair que le cadre législatif impose au demandeur l’obligation de rétablir une demande abandonnée, et ce, en soumettant, comme il est prescrit, certains documents et en versant les taxes applicables. Selon moi, le même raisonnement s’applique en l’espèce même lorsque le bureau du commissaire a suivi la pratique générale du commissaire selon laquelle il délivre un avis lorsqu’une première échéance n’est pas respectée.

[42]Enfin, la demanderesse prétend que, en traitant la présente demande de brevet, la commissaire a manqué à son devoir d’agir équitablement car elle a omis de suivre ses propres lignes directrices et a omis de donner un préavis raisonnable à la demanderesse afin de lui permettre de régler le problème. Elle prétend que la ligne directrice spécifique de l’article 19.07.03 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, qui prévoit que le demandeur sera avisé lorsque les renseignements demandés en vertu de l’article 29 [des Règles] ne sont pas fournis, doit avoir préséance sur les dispositions plus générales de l’article 20.07, qui soulignent qu’un avis d’abandon n’est pas toujours expédié et qu’il constitue une forme de courtoisie. La commissaire a accepté la tâche d’expédier un avis. Elle est donc également tenue d’expédier cet avis en temps opportun afin de permettre au demandeur de corriger la situation.

[43]Il est bien établi que, malgré que les lignes directrices puissent être légalement et correctement formulées par un ministre, et par voie de conséquence par le commissaire, ces lignes directrices ne peuvent pas restreindre le pouvoir discrétionnaire du commissaire : Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2. Comme j’ai déjà décidé que la commissaire n’avait aucun pouvoir discrétionnaire quant à l’application automatique de la Loi, toute omission de sa part de suivre les lignes directrices du Recueil ne dégage pas la demanderesse de ses obligations prévues par la loi et ne permet pas à la demanderesse d’éviter les conséquences juridiques découlant de l’omission d’honorer ces obligations.

[44]Dans les circonstances, les défendeurs ne demandent pas que les dépens leur soient accordés dans la présente affaire et aucuns dépens ne seront accordés.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Les parties assumeront leurs propres dépens.

ANNEXE A

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4

73. (1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par la commissaire;

b) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 27(6);

c) de payer, dans le délai réglementaire, les taxes visées à l’article 27.1;

d) de présenter la requête visée au paragraphe 35(1) ou de payer la taxe réglementaire dans le délai réglementaire;

e) de  se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 35(2);

f) de payer les taxes réglementaires mentionnées dans l’avis d’acceptation de la demande de brevet dans les six mois suivant celui‑ci.

(2) Elle est aussi considérée comme abandonnée dans les circonstances réglementaires.

(3) Elle peut être rétablie si le demandeur :

a) présente au commissaire, dans le délai réglementaire, une requête à cet effet;

b) prend les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon;

c) paie les taxes réglementaires avant l’expiration de la période réglementaire.

(4) La demande abandonnée au titre de l’alinéa (1)f) et rétablie par la suite est sujette à modification et à nouvel examen.

(5) La demande rétablie conserve sa date de dépôt.

Règles sur les brevets, DORS/96‑423 [art. 98 (mod. par DORS/2007-90, art. 23)]

29. (1) Lorsque l’examinateur chargé de l’examen d’une demande conformément à l’article 35 de la Loi ou de la Loi dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 a des motifs raisonnables de croire qu’une demande de brevet visant la même invention a été déposée dans tout pays ou pour tout pays, au nom du demandeur ou d’une autre personne se réclamant d’un inventeur désigné dans la demande examinée, il peut exiger que le demandeur lui fournisse les renseignements suivants et des copies des documents connexes :

a) toute antériorité citée à l’égard de ces demandes;

b) les numéros des demandes, les dates de dépôt et les numéros des brevets s’ils ont été octroyés;

c) les détails relatifs aux conflits, oppositions, réexamens ou procédures analogues;

d) si le document n’est ni en français ni en anglais, une traduction en français ou en anglais de tout ou partie du document.

(2) Lorsque l’examinateur chargé de l’examen d’une demande conformément à l’article 35 de la Loi ou de la Loi dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 a des motifs raisonnables de croire qu’une invention mentionnée dans la demande faisait l’objet, avant la date du dépôt de la demande, d’une publication ou était brevetée, il peut exiger que le demandeur précise la première publication ou le brevet se rapportant à cette invention.

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas aux renseignements et documents qui ne sont pas à la disposition du demandeur ou qui ne sont pas connus de lui, dans la mesure où il donne les motifs pour lesquels ils ne le sont pas.

[. . .]

98. (1) Pour que la demande considérée comme abandonnée en application de l’article 73 de la Loi soit rétablie, le demandeur, à l’égard de chaque omission visée au paragraphe 73(1) de la Loi ou à l’article 97, présente au commissaire une requête à cet effet, prend les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon et paie la taxe prévue à l’article 7 de l’annexe II, dans les douze mois suivant la date de prise d’effet de l’abandon.

(2) Pour prendre les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon pour non‑paiement de la taxe visée aux paragraphes 3(3), (4) ou (7), le demandeur, avant l’expiration du délai prévu au paragraphe (1) :

a) soit paie la taxe générale applicable;

b) soit dépose, à l’égard de sa demande, la déclaration du statut de petite entité conformément à l’article 3.01 et paie la taxe applicable aux petites entités.

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