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A-38-03

2004 CAF 49

Mai Ha, Tha Mai Ha, Thien Mai Ha et la Corporation archiépiscopale de Winnipeg (appelantes)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (intimé)

Répertorié: Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Linden, Sexton et Malone J.C.A.--Winnipeg, 25 novembre 2003; Ottawa, 30 janvier 2004.

Citoyenneté et Immigration -- Statut au Canada -- Réfugiés au sens de la Convention -- Appel d'une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale de rejeter une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas rejetant une demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller (RSCCR) -- L'agent des visas a refusé d'autoriser l'avocat à assister aux entrevues, et ce, en conformité avec la note du ministre sur les opérations -- Les appelantes ont quitté le Cambodge en 1975 et vivent au Vietnam depuis lors -- L'agent des visas a conclu que les appelantes n'avaient plus de crainte d'être persécutées au Cambodge, qu'elles avaient une solution durable en dehors du Canada du fait qu'elles étaient intégrées au niveau local au Vietnam -- Elles ne rencontrent pas la définition de RSCCR -- La juge a décidé que la conclusion de solution durable n'était pas déraisonnable -- Elle est d'accord avec le M.C.I. pour affirmer que le fait de permettre aux avocats d'assister aux entrevues introduirait dans le processus un élément contradictoire, sans compter les retards et l'augmentation des coûts -- La politique générale n'entrave pas le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas -- Questions certifiées -- Appel accueilli -- L'avocat a déclaré qu'il désirait assister à l'entrevue à titre d'observateur afin d'être capable de présenter des prétentions écrites -- Norme de contrôle -- L'analyse pragmatique et fonctionnelle ne s'applique pas à l'équité procédurale -- Compte tenu des facteurs précisés dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), l'avocat aurait dû être autorisé à assister aux entrevues -- Examen de la nature du pouvoir discrétionnaire de l'agent -- Questions de nature juridique posées lors de l'entrevue, laquelle ne constituait pas uniquement un exercice de recherche des faits -- Importance de la présence de l'avocat -- L'entrevue en litige n'était pas une étape préliminaire du processus décisionnel -- Les appelantes peuvent toujours présenter une nouvelle demande de visa après avoir essuyé un refus initial, leur demande ultérieure fera probablement l'objet d'un examen plus minutieux -- L'entrevue doit respecter l'obligation d'équité -- Importance de la décision de l'agent pour les appelantes -- La déclaration de la Cour dans l'arrêt Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) que, aux entrevues des bureaux des visas, le requérant n'est pas en principe autorisé à se présenter avec un avocat n'est qu'un obiter -- Distinction faite avec la présente affaire -- Le statut d'observateur de l'avocat ne justifie pas les préoccupations d'efficacité du ministre -- La politique énoncée dans la note de service a constitué une entrave au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas -- La terminologie de la politique doit être examinée dans son ensemble afin de déterminer si celle-ci est obligatoire -- La politique n'est pas une ligne directrice, car elle n'offre aucune aide quant à l'exercice du pouvoir discrétionnaire -- Étant donné que cette affaire est renvoyée pour nouvel examen, la Cour croit qu'il y a lieu de ne faire aucun commentaire quant à la question de savoir si les appelantes ont une solution durable -- Elle ne doit pas non plus tenter d'établir, en l'absence de faits, quels sont les droits et obligations juridiques que les RSCCR doivent généralement avoir afin de posséder une solution durable -- L'obligation d'équité, dans les circonstances particulières de l'espèce, accordait le droit aux appelantes d'être accompagnées par leur avocat à leurs entrevues.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- Appel de la décision d'une juge de la Section de première instance de la Cour fédérale de rejeter une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas rejetant une demande de résidence permanente faite par des réfugiés au sens de la Convention cherchant à se réinstaller -- Y a-t-il manquement au devoir d'équité lorsqu'on refuse d'autoriser un avocat à assister à l'entrevue? -- La note de service sur les opérations du ministre mentionne que seuls les demandeurs peuvent être présents à l'entrevue -- La juge a décidé que le droit à la présence d'un avocat aux entrevues est inexistant -- La présence des avocats introduirait dans le processus un élément contradictoire, sans compter les retards et l'augmentation des coûts -- La politique générale n'entrave pas le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas -- Appel accueilli -- Le contenu de l'obligation d'équité est variable selon les faits en cause -- L'analyse pragmatique et fonctionnelle servant à déterminer la norme de contrôle ne s'applique pas à l'équité procédurale -- Le devoir de l'agent ne comporte pas un «pouvoir d'appréciation considérable» -- La décision comporte un contenu juridique important -- L'entrevue ne constitue pas uniquement un exercice de recherche des faits -- L'entrevue n'est pas une étape préliminaire du processus décisionnel -- Un contrôle judiciaire n'est pas l'équivalent d'un droit d'appel -- Une fois que les agents des visas ont décidé de tenir une entrevue, celle-ci doit respecter l'obligation d'équité -- Les appelantes n'avaient aucune attente légitime que leur avocat serait autorisé à assister aux entrevues -- Étant donné le rôle limité que les appelantes demandent que leur avocat soit autorisé à jouer lors de l'entrevue, la Cour ne croit pas qu'elle impose un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration et ne croit pas non plus que les préoccupations d'efficacité du ministre soient justifiées -- Le rôle approprié de l'avocat lors des entrevues dépend des circonstances particulières -- La politique que l'on trouve dans la note de service sur les opérations est invalide parce qu'elle entrave le pouvoir discrétionnaire des agents des visas -- La politique n'est pas une ligne directrice, car elle n'offre aucune aide aux agents des visas quant à la manière d'exercer leur pouvoir discrétionnaire -- La politique peut être obligatoire bien qu'elle soit censée n'être qu'une ligne directrice -- La politique que l'on trouve dans la note de service sur les opérations, qui précise que l'obligation d'équité n'exige pas que les avocats soient autorisés à assister aux entrevues, est invalide en droit.

Le présent appel porte sur une décision d'une juge de la Cour fédérale (la juge des requêtes) rejetant la demande des appelantes pour obtenir le contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas rejetant leur demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugiées au sens de la Convention cherchant à se réinstaller ou RSCCR. Cet appel comporte deux aspects, l'un touchant la forme et l'autre, le fond. Les appelantes soutiennent que, au vu des faits en l'espèce, l'obligation d'équité exigeait que leur avocat soit autorisé à assister aux entrevues avec l'agent des visas. De plus, les appelantes contestent la politique promulguée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) qui prévoit que les avocats ne doivent pas être autorisés à assister à ces entrevues. Le deuxième volet de l'appel porte sur la décision de fond de l'agent des visas, qui conclut que les appelantes ne répondent pas à la définition des RSCCR.

Les trois appelantes sont des soeurs âgées de 31 à 42 ans. Elles sont citoyennes du Cambodge. En 1975, elles furent contraintes, avec leurs parents ainsi que leurs frères et soeurs, de quitter le Cambodge pour échapper au régime des Khmers Rouges. Elles se sont réfugiées au Vietnam, où elles vivent depuis lors. En 1986 et 1994 leurs parents et leurs frères et soeurs ont immigré au Canada.

Dans leur demande de résidence permanente, les appelantes ont déclaré qu'elles vivaient dans un camp de réfugiés où il n'y avait qu'une seule autre famille. Elles ont déclaré que la sécurité dans le camp n'était pas bonne et qu'elles avaient peur d'y vivre. Elles n'étaient pas autorisées à travailler en dehors du camp. Elles ont déclaré qu'elles n'avaient pas droit de vote, de voyager ou de créer une entreprise. Leur demande a été rejetée mais une demande de contrôle judiciaire a été accueillie par consentement. Le ministre a admis qu'en arrivant à sa décision l'agent des visas n'avait pas tenu compte de l'exception relative aux «raisons impérieuses» (qui entre en jeu lorsqu'une personne peut établir qu'il existe des raisons impérieuses de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté même lorsqu'elle n'a plus à y craindre la persécution). Leurs dossiers ont été réassignés pour de nouvelles entrevues qui devaient porter sur la question de savoir si les appelantes avaient une crainte fondée de persécution au Cambodge.

L'avocat des appelantes à Winnipeg a envoyé une lettre par télécopieur au nouvel agent des visas pour l'informer qu'il lui avait été donné mandat d'assister aux nouvelles entrevues. En réponse, l'agent des visas a envoyé une lettre à l'avocat des appelantes pour l'informer qu'elles avaient été inscrites à l'échéancier des entrevues. Dans cette lettre, l'agent des visas n'indiquait pas que l'avocat ne serait pas autorisé à assister aux entrevues. Mais, dans une note manuscrite, l'avocat a reçu l'avertissement suivant: «Veuillez noter que nous n'autorisons pas les avocats ou représentants à assister aux entrevues». Cela était conforme avec la note du ministre sur les opérations voulant que «seuls les demandeurs sont présents aux entrevues». La note mentionnait de plus que cette pratique était étayée par la jurisprudence de la Cour fédérale et que la Loi ne prévoit pas le droit à un avocat dans ce contexte.

L'agent des visas a conclu que les appelantes n'avaient plus de crainte d'être persécutées au Cambodge puisque la situation y était devenue stable au cours des 25 dernières années. Selon lui, elles avaient une solution durable en dehors du Canada, du fait qu'elles étaient intégrées au niveau local au Vietnam. Les appelantes ne rencontraient pas la définition de RSCCR. En vertu du cadre législatif, une personne doit, pour être placée dans la catégorie de RSCCR: 1) être un réfugié au sens de la Convention; 2) doit se trouver hors du Canada; 3) doit chercher à être admise au Canada pour s'y réinstaller 4) ne doit avoir accès, hors du Canada, à aucune solution durable dans un laps de temps raisonnable.

En vertu du paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration, une personne ne perd pas le statut de réfugié si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté. L'expression «solution durable» est définie au paragraphe 2(1) au Règlement comme signifiant la réinstallation dans le pays de la citoyenneté ou de la résidence habituelle, dans un pays voisin ou dans le pays d'accueil du réfugié au sens de la Convention.

La juge des requêtes a conclu que l'agent des visas a commis une erreur en décidant que les appelantes n'avaient pas une crainte fondée de persécution, sans se demander s'il y avait lieu d'appliquer l'exception relative aux raisons impérieuses prévue au paragraphe 2(3) de la Loi, mais a toutefois conclu que cette erreur n'était pas fatale, puisque la conclusion de l'agent des visas que les appelantes disposaient d'une solution durable au Vietnam n'était pas déraisonnable. Quant à l'obligation d'équité, la juge des requêtes est arrivée à la conclusion que l'obligation d'équité n'accorde pas aux personnes qui demandent le statut de résident permanent au Canada à titre de RSCCR le droit d'être accompagnées par leur avocat aux entrevues. Elle a aussi repris les préoccupations du ministre voulant que le fait de permettre aux avocats d'assister aux entrevues introduirait dans le processus un élément contradictoire non souhaitable, sans compter les retards et l'augmentation des coûts en conséquence, mais a conclu qu'il suffisait que l'avocat soit autorisé à présenter des prétentions écrites. La juge des requêtes a conclu que la politique générale voulant que les avocats ne soient pas autorisés à assister aux entrevues n'entravait pas le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas car il ne s'agissait que d'une ligne directrice. Bien qu'il puisse sembler que la conduite de l'agent indiquait une soumission irréfléchie à une politique générale, l'affidavit de l'agent des visas démontrait qu'il avait tenu compte des circonstances particulières du cas. Toutefois, la juge des requêtes a certifié les deux questions de portée générale suivantes: 1) Y a-t-il manquement au devoir d'équité lorsqu'on refuse d'autoriser un avocat à assister à l'entrevue d'un requérant qui demande son admission au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller? 2) Quels droits ou obligations un réfugié au sens de la Convention doit-il posséder pour être considéré comme réinstallé de telle sorte qu'il dispose d'une solution durable?

Au cours des plaidoiries, l'avocat des appelantes a déclaré qu'il désirait assister à l'entrevue à titre d'observateur, sans intervenir mais pour voir quelles preuves avaient été présentées afin d'être capable de présenter des prétentions écrites valables. S'il n'assiste pas aux entrevues, l'avocat des appelantes n'aura aucune façon de savoir si l'agent des visas a commis des erreurs de droit ou s'il a posé les questions pertinentes? On a fait valoir que la politique exprimée dans la note de service sur les opérations est une prescription qui ne comporte aucune flexibilité et qui ne laisse aucun pouvoir discrétionnaire à l'agent des visas. Quant à la décision de fond, l'avocat a prétendu que pour avoir une solution durable une personne doit avoir tous les droits prévus dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, notamment les droits au travail. Selon les appelantes, même si elles vivaient et travaillaient à Hô-Chi-Minh-Ville au moment de leur entrevue avec l'agent des visas, elles le faisaient illégalement. Bien qu'elles aient eu la possibilité d'obtenir la citoyenneté vietnamienne, la question est de savoir si elles ont une possibilité raisonnable d'obtenir la citoyenneté vietnamienne dans un laps de temps raisonnable.

Selon le ministre, la présence des avocats n'est pas nécessaire étant donné que l'objectif des entrevues est d'obtenir des demandeurs des informations factuelles et non des arguments juridiques. La note de service sur les opérations, qui énonce une politique générale souple, n'entravait pas le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. La juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en concluant que les appelantes étaient réinstallées au Vietnam.

Arrêt: l'appel est accueilli.

La question certifiée par la juge des requêtes est problématique, puisqu'elle sollicite de la Cour une déclaration générale quant au droit des avocats d'assister aux entrevues. Étant donné que le contenu de l'obligation d'équité est variable selon les faits en cause, la Cour doit plutôt répondre à la question de savoir si l'obligation d'équité a été violée au vu des faits particuliers en l'espèce.

La juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en ne recourant pas à «l'analyse pragmatique et fonctionnelle» pour déterminer la norme de contrôle. Comme l'a expliqué la Cour suprême du Canada dans l'arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), il est nécessaire d'établir une distinction entre la norme de contrôle applicable aux résultats des délibérations du décideur et la manière d'arriver à la décision. Toutefois, la Cour ne partage pas son avis quant au contenu de l'obligation d'équité au vu des circonstances en l'espèce.

Compte tenu des facteurs précisés dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), on a conclu que l'avocat aurait dû être autorisé à assister aux entrevues en tant qu'observateur. Il n'existe pas un «pouvoir d'appréciation considérable» en l'espèce. L'agent des visas doit décider si un demandeur satisfait aux critères juridiques fixés par la Loi et le Règlement et bien qu'il possède un quelconque pouvoir discrétionnaire résiduel de refuser d'admettre un demandeur qui satisfait à toutes les exigences, on ne peut pas affirmer que ce pouvoir discrétionnaire est «considérable». De plus, le fait que la décision comporte un contenu juridique important, suffisamment important pour qu'il soit certifié pour examen par la Cour d'appel fédérale, est une autre raison pourquoi l'avocat aurait dû être autorisé à assister aux entrevues. En effet, l'agent des visas reconnaît dans son affidavit qu'il a posé aux appelantes des questions de nature juridique, p. ex., répondre à ses préoccupations portant qu'elles disposaient déjà d'une solution durable au Vietnam, ce qui suppose une définition juridique. On a renvoyé à la jurisprudence dans laquelle les tribunaux ont mentionné que, lorsque l'on examine si l'obligation d'équité comprend le droit à l'assistance d'un avocat, un des facteurs les plus importants était celui de savoir si les questions étaient de nature juridique ou complexe.

À défaut de pouvoir assister à l'entrevue, l'avocat peut ne pas être au fait des préoccupations juridiques précises de l'agent des visas et donc ne pas pouvoir en traiter de façon efficace dans ses prétentions écrites qu'il avait droit de préparer. Il ne saurait pas que la question de savoir si les appelantes disposaient ou non d'une solution durable au Vietnam est devenue une question importante à l'entrevue. Les demandeurs de statut de réfugié ne sont généralement pas capables de comprendre des concepts juridiques comme celui de «solution durable» et, lorsque ces questions sont soulevées lors de l'entrevue, ils peuvent ne pas être en mesure de faire un rapport précis à ce sujet à leur avocat. Bien que l'agent des visas ait appris que les appelantes ne vivaient plus dans le camp des réfugiés, mais en fait qu'elles vivaient et travaillaient dans la confection à Hô-Chi-Minh-Ville, il n'a pas posé la question de savoir si les appelantes avaient le droit de vivre et de travailler à Hô-Chi-Minh-Ville. Si l'avocat avait été présent à l'entrevue, il aurait pu traiter de cette question dans ses prétentions écrites.

Enfin, la déclaration de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dehghani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), portant que les principes de justice fondamentale n'exigent pas qu'un immigrant dispose des services d'un avocat lorsqu'il arrive dans un aéroport canadien peut être distinguée de la présente affaire en ce que l'entrevue en litige en l'espèce n'était pas une étape préliminaire du processus décisionnel mais l'une des dernières chances que les appelantes possèdent de présenter leurs cas.

L'arrêt Baker étaye la proposition selon laquelle on doit accorder des protections procédurales plus importantes lorsqu'il n'existe pas de droit d'appel d'une décision administrative. Un contrôle judiciaire n'est pas l'équivalent d'un droit d'appel. Même s'il est vrai que les appelantes peuvent toujours présenter une nouvelle demande de visa après avoir essuyé un refus initial, la Cour a fait remarquer que les demandes ultérieures présentées «feront probablement l'objet d'un examen plus minutieux que ce ne serait le cas en d'autres circonstances». Donc, le droit de renouveler la demande de visa canadien ne devrait pas venir restreindre le contenu de l'obligation d'équité qui est due dans les circonstances de l'espèce. Une fois que les agents des visas ont décidé de tenir une entrevue, celle-ci doit respecter l'obligation d'équité.

La décision de l'agent des visas a potentiellement une grande importance pour les appelantes. Même si les appelantes ne se trouvent pas confrontées à un danger immédiat, la stabilité de leur situation n'est pas complètement claire. Le ministre s'est appuyé sur les motifs du jugement de notre Cour dans l'arrêt Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), mais la Cour y a circonscrit sa décision au sujet du contenu de l'obligation d'équité en la limitant aux faits, c'est-à-dire que le demandeur était un acteur célèbre qui demandait la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs autonomes et ne se présentait pas à titre de réfugié au sens de la Convention. La déclaration de la Cour dans l'arrêt Chiau que, aux entrevues des bureaux des visas, «le requérant n'est pas en principe autorisé à se présenter avec un avocat» n'est qu'un obiter étant donné que l'affaire Chiau ne soulevait pas la question du droit à la présence d'un avocat à l'entrevue.

Bien que les appelantes n'aient pas eu une attente légitime que leur avocat serait autorisé à assister aux entrevues car on a répondu à l'avocat de la façon suivante: «nous n'autorisons pas les avocats [. . .] à assister aux entrevues», elles ont pu présumer qu'il serait futile d'essayer d'obtenir de l'agent des visas qu'il réexamine sa décision.

Quant au choix de procédure que l'organisme fait, étant donné le rôle limité que les appelantes demandent que leur avocat soit autorisé à jouer lors de l'entrevue, la Cour ne croit pas qu'elle impose un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration et ne croit pas non plus que les préoccupations d'efficacité du ministre soient justifiées. L'obligation d'équité n'exige pas qu'un avocat soit toujours présent. Elle exige uniquement que les agents des visas doivent examiner les circonstances particulières de chaque cas. La Cour n'a pas à trancher la question de savoir si dans d'autres circonstances il y aurait lieu d'autoriser un rôle plus ou moins important pour l'avocat. Par conséquent, l'affaire doit être renvoyée à un agent des visas différent pour qu'il tienne d'autres entrevues et qu'il réexamine leurs cas.

La juge des requêtes a commis une erreur en interprétant la politique énoncée dans la note de service comme étant une simple ligne directrice. La politique en cause a constitué une entrave au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas d'examiner les faits particuliers du cas lorsqu'il a décidé s'il devait ou non autoriser l'avocat à assister aux entrevues. La terminologie de la politique doit être examinée dans son ensemble afin de déterminer si celle-ci est obligatoire. Bien que la politique en l'espèce contienne des termes comme «en règle générale», l'objet même de l'ensemble de la politique est de créer une obligation. La politique semble indiquer que l'obligation d'équité n'exige jamais la présence des avocats aux entrevues, ce qui ne représente pas l'état du droit. La politique donne à entendre que les agents des visas n'ont pas l'obligation d'examiner les faits particuliers de chaque cas. Cette politique n'est absolument pas une ligne directrice, car elle n'offre aucune aide aux agents des visas quant à la manière d'exercer leur pouvoir discrétionnaire. La note manuscrite que l'agent des visas a envoyée à l'avocat des appelantes révèle qu'il estimait que la politique entravait son pouvoir discrétionnaire. Finalement, le ministre n'a présenté en preuve aucun cas où un avocat aurait été autorisé à assister à une telle entrevue, ce qui indique encore une fois que la politique est obligatoire.

Étant donné que cette affaire est renvoyée pour nouvel examen et que de nouveaux arguments juridiques et une nouvelle preuve pourraient être présentés, la Cour croit qu'il y a lieu de ne faire aucun commentaire quant à la question de savoir si les appelantes ont une solution durable au Vietnam. De plus, il ne serait pas sage que notre Cour essaie d'établir, en l'absence de faits, quels sont tous les droits et obligations juridiques que les RSCCR doivent généralement avoir à l'extérieur du Canada afin de posséder une solution durable. Les faits en l'espèce ne sont pas complètement clairs au dossier qui est soumis et la Cour ne répond pas à la deuxième question certifiée.

La Cour ne répond pas non plus à la première question certifiée telle qu'énoncée par la juge des requêtes. La Cour croit qu'il est plus approprié de répondre à la question de savoir si l'obligation d'équité dans les circonstances particulières de l'espèce accordait le droit aux appelantes d'être accompagnées par leur avocat comme observateur à leurs entrevues. Cette question doit recevoir une réponse positive; on a enfreint le droit des appelantes à l'équité procédurale dans le cadre du règlement de leurs revendications en tant que réfugiées.

La politique que l'on trouve dans la note de service sur les opérations est invalide parce qu'elle entrave le pouvoir discrétionnaire des agents des visas ainsi que leur obligation d'examiner les faits particuliers de chaque cas pour décider s'il y a lieu ou non d'autoriser les avocats à assister aux entrevues.

lois et règlements

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6.

Loi sur l'arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux, L.R.O. 1990, ch. H.14.

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) «réfugié au sens de la Convention» (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1), (2) (mod., idem), (3) (mod., idem), 8(1).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) «réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller» (mod. par DORS/97-184, art. 1), «solution durable» (édicté, idem).

jurisprudence

décisions appliquées:

Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 14 Admin. L.R. (3d) 173; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; (1998), 11 Admin. L.R. (3d) 130; S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539; (2003), 226 D.L.R. (4th) 193; 50 Admin. L.R. (3d) 1; 304 N.R. 76; 173 O.A.C. 38; London (City) v. Ayerswood Development Corp. (2002), 167 O.A.C. 120 (C.A.); Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; (1989), 57 D.L.R. (4th) 663; [1989] 3 W.W.R. 289; 36 Admin. L.R. 72; 7 Imm. L.R. (2d) 253; 93 N.R. 81; Ainsley Financial Corporation et al. v. Ontario Security Commission et al. (1994), 21 O.R. (3d) 104; 121 D.L.R. (4th) 79; 28 Admin. L.R. (2d) 1; 6 C.C.L.S. 241; 77 O.A.C. 155 (C.A.).

distinction faite d'avec:

Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; (2003), 223 D.L.R. (4th) 599; [2003] 5 W.W.R. 1; 11 B.C.L.R. (4th) 1; 48 Admin. L.R. (3d) 1; 179 B.C.A.C. 170; 302 N.R. 34; Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053; (1993), 101 D.L.R. (4th) 654; 10 Admin. L.R. (2d) 1; 20 C.R. (4th) 34; 14 C.R.R. (2d) 1; 18 Imm. L.R. (2d) 245; 150 N.R. 241; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297; (2000), 195 D.L.R. (4th) 422; 265 N.R. 121 (C.A.); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 2 C.F. 413; (2001), 208 D.L.R. (4th) 265; 213 F.T.R. 56; 283 N.R. 173 (C.A.).

décision examinée:

Yhap c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 722; (1990), 9 Imm. L.R. (2d) 243; 34 F.T.R. 26 (1re inst.).

décisions citées:

Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235; (2002), 21 D.L.R. (4th) 577; [2002] 7 W.W.R. 1; 10 C.C.L.T. (3d) 157; 30 M.P.L.R. (3d) 1; 286 N.R. 1; 219 Sask. R. 1; Laroche et Beirsdorfer (Re) (1981), 131 D.L.R. (3d) 152; 39 N.R. 407 (C.A.F.); Howard c. Établissement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642; (1985), 19 D.L.R. (4th) 502; 11 Admin. L.R. 63; 19 C.C.C. (3d) 195; 45 C.R. (3d) 242; 17 C.R.R. 5; 57 N.R. 280 (C.A.).

doctrine

Jones, David P. and Anne S. de Villars. Principles of Administrative Law, 3rd ed. Scarborough, Ont.: Carswell, 1999.

APPEL de la décision d'une juge de la Section de première instance de la Cour fédérale ([2003] 2 C.F. 620; (2002), 225 F.T.R. 30; 25 Imm. L.R. (3d) 77) de rejeter une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas rejetant une demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller. Appel accueilli.

ont comparu:

David Matas pour les appelantes.

Sharlene Telles-Langdon pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

David Matas, Winnipeg, pour les appelantes.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Sexton, J.C.A.:

I. Introduction

[1]Le présent appel porte sur une décision d'une juge de la [section de première instance de la] Cour fédérale (la juge des requêtes) rejetant la demande des appelantes pour obtenir le contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas du Haut-commissariat du Canada à Singapour ([2003] 2 C.F. 620). L'agent des visas avait rejeté leur demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller (ci-après RSCCR).

[2]Cet appel comporte deux volets. Le premier porte sur la procédure utilisée par l'agent des visas pour décider que les appelantes n'étaient pas des RSCCR. Les appelantes soutiennent notamment qu'au vu des faits en l'espèce, l'obligation d'équité exigeait que leur avocat soit autorisé à assister aux entrevues avec l'agent des visas, à titre d'observateur. De plus, les appelantes contestent la politique promulguée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) qui prévoit que les avocats ne doivent pas être autorisés à assister aux entrevues tenues à un bureau des visas. Cette contestation est fondée sur le fait que cette politique entrave le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas d'examiner les faits particuliers en l'espèce. Le deuxième volet de l'appel porte sur la décision de fond de l'agent des visas, qui conclut que les appelantes ne répondent pas à la définition des RSCCR.

II. Les faits

[3]Les appelantes Mai Ha, Tha Mai Ha et Thien Mai Ha, sont trois soeurs âgées de 31 à 42 ans. Elles sont citoyennes du Cambodge. En 1975, elles furent contraintes, avec leurs parents ainsi que trois autres frères et soeurs, de quitter le Cambodge pour échapper au régime des Khmers Rouges. Elles se sont réfugiées au Vietnam, où elles vivent depuis lors. Par la suite, leurs parents et leurs trois frères et soeurs ont immigré au Canada, en 1986 et en 1994.

[4]Le 8 septembre 1998, les appelantes ont présenté une demande au Haut-commissariat du Canada à Singapour pour obtenir la résidence permanente au Canada à titre de RSCCR. Leur demande était parrainée par le Comité des réfugiés de Saint-Ignace, un organisme associé à la personne morale appelante, la Corporation archiépiscopale de Winnipeg.

[5]Dans leur demande de résidence permanente, les appelantes ont déclaré qu'elles vivaient dans un camp de réfugiés au Vietnam, où il n'y avait qu'une seule autre famille. Elles ont déclaré que la sécurité dans le camp n'était pas bonne et qu'elles avaient peur d'y vivre. Elles ont aussi déclaré qu'elles n'étaient pas autorisées à travailler en dehors du camp, et que le travail qu'elles y faisaient à l'occasion ne suffisait pas à subvenir à leurs besoins. Elles ont aussi déclaré qu'elles n'avaient pas droit de vote, de voyager ou de créer une entreprise.

Le premier examen des demandes des appelantes

[6]Après le dépôt de leurs demandes, les appelantes ont été reçues en entrevue le 19 mai 1999 par un agent des visas. Dans une lettre datée du 24 août 1999, l'agent des visas rejetait leurs demandes.

[7]Les appelantes ont alors sollicité le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas et, par consentement du ministre, la demande a été accueillie. Le ministre a admis qu'en arrivant à sa décision que les appelantes n'avaient plus à craindre la persécution au Cambodge, l'agent des visas n'avait pas tenu compte de l'exception relative aux «raisons impérieuses». En général, une personne perd le statut de réfugié lorsqu'elle n'a plus à craindre la persécution dans le pays qu'elle a quitté. Toutefois, on fait exception à cette règle générale lorsqu'une personne peut établir qu'il existe des raisons impérieuses de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté.

[8]Suite à l'admission portant sur cette erreur, les dossiers des appelantes ont été transmis à un autre agent des visas. Dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), où sont notés les éléments pertinents du dossier des demandeurs de visa, il est mentionné que les nouvelles entrevues devaient porter sur la question de savoir si les appelantes avaient une crainte fondée de persécution au Cambodge:

[traduction] POUR LE NOUVEL AGENT [. . .] LA NOUVELLE ENTREVUE DOIT PORTER SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI LES DEMANDERESSES N'ONT PAS (OU ONT) UNE CRAINTE FONDÉE DE PERSÉCUTION. CET ASPECT DOIT ÊTRE DOCUMENTÉ.

Le deuxième examen des demandes des appelantes

[9]Le 10 novembre 2000, l'avocat des appelantes à Winnipeg a envoyé une lettre par télécopieur au nouvel agent des visas pour l'informer que les appelantes, agissant par l'entremise de leur famille au Canada, lui avaient donné mandat de les accompagner lors de leurs nouvelles entrevues. En conséquence, l'avocat demandait que l'agent des visas l'informe du lieu et de l'heure des entrevues et il ajoutait qu'il comprenait que les entrevues devaient porter sur la question de savoir si les appelantes avaient ou n'avaient pas une crainte fondée de persécution.

[10]Le 20 novembre 2000, le bureau des visas a envoyé une lettre à l'avocat des appelantes pour l'informer qu'elles avaient été inscrites à l'échéancier des entrevues. Dans cette lettre, le bureau des visas n'indiquait pas que l'avocat ne serait pas autorisé à assister aux entrevues.

[11]Trois entrevues individuelles, une pour chacune des appelantes, ont été prévues le 28 février 2001.

[12]Le 7 février 2001, l'avocat des appelantes a envoyé une autre lettre par télécopieur à l'agent des visas, confirmant ce qu'il lui avait déjà déclaré, savoir qu'il se présenterait aux entrevues avec les appelantes.

[13]L'agent des visas a reçu cette lettre le 8 février 2001. Le même jour, il a répondu à l'avocat des appelantes par une courte note inscrite en bas et à droite de la lettre du 7 février 2001. Cette note manuscrite est brève: [traduction] «Veuillez noter que nous n'autorisons pas les avocats ou représentants à assister aux entrevues. Vous pourrez attendre dans la salle d'attente, mais vous ne serez pas autorisé à assister à l'entrevue.»

[14]L'agent des visas a inscrit dans le STIDI cette décision de ne pas autoriser l'avocat à assister à l'entrevue:

[traduction] préparé réponse manuscrite--les représentants/ avocats ne sont pas autorisés à assister à l'entrevue.

[15]Dans une note du ministre sur les opérations intitulée «Politique sur les intervenants (avocats et consultants)» qui énonce la politique portant sur la présence des avocats aux entrevues, on trouve ceci:

En règle générale, seuls les demandeurs sont présents aux entrevues. Les agents des visas doivent adopter cette pratique qui semble être étayée par la jurisprudence de la Cour fédérale. La doctrine d'équité n'exige pas la présence de l'avocat à l'entrevue, et la Loi ne prévoit pas le droit à un avocat dans ce contexte.

[16]Les entrevues des appelantes ont eu lieu comme prévu le 28 février 2001, en l'absence de leur avocat. Les entrevues se sont déroulées en vietnamien, avec l'aide d'un interprète. À cette occasion, l'agent des visas a été informé que les appelantes avaient loué une maison à Hô-Chi-Minh-Ville, où elles vivaient et travaillaient dans la confection. L'agent des visas savait qu'il existait un système d'enregistrement de la résidence au Vietnam, mais il ne s'est pas inquiété de savoir si la situation des appelantes respectait cette réglementation. L'agent des visas a aussi été informé que les appelantes n'avaient pas demandé la citoyenneté au Vietnam. Lors des entrevues, chacune des appelantes a déclaré que d'autres personnes avaient tenté sans succès d'obtenir la citoyenneté vietnamienne. Même si l'agent des visas considérait que les appelantes avaient le droit de demander la citoyenneté vietnamienne, il n'avait aucune idée du résultat possible de ces demandes.

[17]L'agent des visas a dactylographié ses notes au cours de l'entrevue, qu'il a par la suite transférées dans le STIDI. Les notes prises au cours de l'entrevue font ressortir que l'agent des visas a conclu que les appelantes n'avaient plus de crainte d'être persécutées au Cambodge, puisque la situation y était devenue stable au cours des 25 dernières années. Il a aussi écrit qu'elles avaient une solution durable en dehors du Cambodge, du fait qu'elles étaient intégrées au niveau local au Vietnam. Finalement, il a inscrit que les appelantes pouvaient demander la citoyenneté vietnamienne.

[18]Dans une lettre datée du 11 avril 2001, il a transmis ses conclusions aux appelantes et les a informées que leurs demandes de résidence permanente étaient rejetées. Il a ajouté que les appelantes ne rencontraient pas la définition de RSCCR, parce qu'elles n'avaient pas démontré une crainte fondée de persécution. Elles avaient aussi une autre solution durable, parce qu'elles étaient «réinstallées en perma-nence au Vietnam».

[19]Les appelantes ont sollicité le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de la décision de l'agent des visas. Toutefois, avant de discuter de la décision de la juge des requêtes, je crois qu'il y a lieu d'exposer le cadre législatif pertinent.

III. Le cadre législatif

[20]Les appelantes ont sollicité le statut de résident permanent au Canada en se fondant sur le fait qu'elles étaient des RSCCR. À l'époque pertinente, on trouvait la définition de RSCCR au paragraphe 2(1) [mod. par DORS-97-184, art. 1] du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement):

2. (1) [. . .]

«réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller» Personne [. . .] qui est un réfugié au sens de la Convention:

a) qui se trouve hors du Canada;

b) qui cherche à être admis au Canada pour s'y réinstaller;

c) à l'égard duquel aucune solution durable n'est réalisable dans un laps de temps raisonnable. [Non souligné dans l'original.]

[21]Cette définition démontre qu'une personne doit, pour être placée dans la catégorie de RSCCR, satisfaire à quatre critères. Premièrement, elle doit être un réfugié au sens de la Convention. Deuxièmement, elle doit se trouver hors du Canada. Troisièmement, elle doit chercher à être admise au Canada pour s'y réinstaller. Quatrièmement, elle ne doit avoir accès, hors du Canada, à aucune solution durable dans un laps de temps raisonnable.

[22]Seuls les premier et quatrième critères, savoir que la personne doit être un réfugié au sens de la Convention et qu'elle doit n'avoir accès hors du Canada à aucune solution durable, doivent être examinés aux fins de cet appel.

1. La personne doit être un réfugié au sens de la Convention

[23]Premièrement, voici les extraits pertinents de la définition de réfugié au sens de la Convention, que l'on trouve au paragraphe 2(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi):

2. (1) [. . .]

«réfugié au sens de la Convention» Toute personne:

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

[. . .]

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

[24]Le paragraphe 2(2) [mod., idem] de la Loi décrit comment une personne perd le statut de réfugié au sens de la Convention. Voici l'extrait pertinent du paragraphe 2(2):

2. [. . .]

(2) Une personne perd le statut de réfugié au sens de la Convention dans les cas où:

[. . .]

e) les raisons qui lui faisaient craindre d'être persécutée dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée ont cessé d'exister.

[25]Toutefois, le paragraphe 2(3) [mod., idem] introduit une exception à l'alinéa 2(2)e), en prévoyant que même si les raisons motivant la crainte de persécution ont disparu, une personne ne perd pas le statut de réfugié au sens de la Convention s'il existe des raisons impérieuses. Le paragraphe 2(3) est rédigé comme suit:

2. [. . .]

(3) Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa (2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.

2. La personne doit n'avoir, hors du Canada, aucune possibilité de solution durable

[26]L'autre exigence à satisfaire pour être placé dans la catégorie de RSCCR consiste à être un réfugié à l'égard duquel aucune solution durable hors du Canada n'est réalisable dans un laps de temps raisonnable. La notion de «solution durable» est définie au paragraphe 2(1) [édictée par DORS/97-184, art. 1] du Règlement, comme suit:

2. (1) [. . .]

«solution durable» À l'égard d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller, s'entend:

[. . .]

b) soit de sa réinstallation dans le pays de sa citoyenneté ou de sa résidence habituelle, dans un pays voisin ou dans le pays d'accueil;

IV. La décision en première instance

[27]La juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas de ne pas accorder la résidence permanente aux appelantes à titre de RSCCR. Premièrement, la juge des requêtes a conclu que l'agent des visas a commis une erreur en décidant que les appelantes n'avaient pas une crainte fondée de persécution et donc n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention, sans se demander s'il y avait lieu d'appliquer l'exception relative aux raisons impérieuses prévue au paragraphe 2(3) de la Loi. Le ministre l'a aussi admis. La juge des requêtes a toutefois conclu que cette erreur n'était pas fatale, puisque la conclusion de l'agent des visas que les appelantes disposaient d'une solution durable au Vietnam n'était ni déraisonnable, ni manifestement déraisonnable.

[28]Ensuite, après avoir appliqué les facteurs énoncés dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), pour définir le contenu de l'obligation d'équité, la juge des requêtes est arrivée à la conclusion que l'obligation d'équité n'accorde pas aux personnes qui demandent le statut de résident permanent au Canada à titre de RSCCR le droit d'être accompagnées par leur avocat aux entrevues. La juge a notamment déclaré que la décision de l'agent des visas est de nature administrative et non judiciaire et qu'elle suppose un pouvoir discrétionnaire étendu. De plus, la Loi ne confère aucun droit d'obtenir la résidence permanente. La juge des requêtes a aussi repris les préoccupations du ministre voulant que le fait de permettre aux avocats d'assister aux entrevues introduirait dans le processus un élément contradictoire non souhaitable, sans compter les retards et l'augmentation des coûts en conséquence. La juge des requêtes a conclu qu'il suffisait que l'avocat soit autorisé à présenter des prétentions écrites. La présence de l'avocat à l'entrevue n'était pas nécessaire, puisque les sujets que l'agent des visas aborde durant l'entrevue sont des sujets concernant le demandeur auxquels il peut répondre.

[29]Finalement, la juge des requêtes a conclu que la politique générale voulant que les avocats ne soient pas autorisés à assister aux entrevues n'entravait pas le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. La déclaration contenue dans la note de service sur les opérations n'était qu'une ligne directrice. Les décideurs peuvent établir des lignes directrices et autres textes non obligatoires. Toutefois, les agents des visas doivent toujours tenir compte des faits particuliers de chaque cas avant de décider si oui ou non ils autoriseront les avocats à assister aux entrevues. En l'espèce, la juge des requêtes a fait remarquer que même si le texte des notes STIDI et la réponse du 8 février à la demande de l'avocat d'assister aux entrevues indiquaient une soumission irréfléchie à une politique générale, l'affidavit de l'agent des visas démontrait qu'il avait tenu compte des circonstances particulières du cas.

[30]La juge des requêtes a certifié les deux questions de portée générale suivantes [au paragraphe 97]:

1. Y a-t-il manquement au devoir d'équité lorsqu'un agent des visas refuse d'autoriser un avocat à assister à l'entrevue d'un requérant qui demande son admission au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller?

2. Quels droits ou obligations un réfugié au sens de la Convention doit-il posséder en dehors du Canada pour être considéré comme réinstallé de telle sorte qu'il dispose d'une «solution durable»?

V. Les questions en litige

[31]Les arrêts Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 et Baker, précité, établissent clairement que lorsqu'une question de portée générale est certifiée, la Cour d'appel n'est pas contrainte par le libellé de la question et elle est habilitée à examiner l'ensemble du jugement porté en appel. En conséquence, les questions en litige dans cet appel sont les suivantes:

1. La juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que l'agent des visas n'avait pas enfreint son obligation d'équité envers les appelantes dans les circonstances particulières de ce cas lorsqu'il a décidé que leur avocat ne pouvait assister aux entrevues?

2. La juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que la note de service sur les opérations ne constituait pas une entrave au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas d'autoriser l'avocat à assister aux entrevues?

3. Quels droits ou obligations un réfugié au sens de la Convention doit-il posséder en dehors du Canada pour être considéré comme réinstallé de telle sorte qu'il dispose d'une solution durable?

VI. Le point de vue des appelantes

[32]Premièrement, les appelantes soutiennent qu'au vu des circonstances particulières de leurs cas, l'obligation d'équité exigeait qu'on autorise leur avocat à assister aux entrevues. Lorsqu'on lui a demandé au cours des plaidoiries quel rôle l'avocat aurait joué aux entrevues, l'avocat des appelantes a déclaré qu'elles demandaient tout simplement que leur avocat puisse assister à l'entrevue à titre d'observateur, sans intervenir. Selon l'avocat, il était crucial qu'il soit autorisé à assister à l'entrevue pour voir quelles preuves avaient été présentées, ou non présentées, ainsi que pour prendre note de toute question juridique soulevée à laquelle il devait réagir. Ce n'est qu'ainsi qu'il serait capable de présenter à l'agent des visas des prétentions écrites valables.

[33]Selon les appelantes, les faits particuliers de leurs cas démontrent tout particulièrement qu'il était nécessaire que leur avocat assiste aux entrevues. Il s'agit de leur deuxième demande de contrôle judiciaire. La première a été accueillie parce que l'agent des visas avait commis une erreur de droit en n'appliquant pas l'exception relative aux raisons impérieuses lorsqu'il a décidé si les appelantes avaient une crainte fondée de persécution. Il est important de noter que le ministre a admis que le nouvel agent des visas, dont la décision est contestée ici, a commis exactement la même erreur de droit. Comme il n'avait pas assisté aux entrevues, l'avocat des appelantes n'avait aucune façon de savoir si l'agent des visas avait commis des erreurs de droit ou s'il avait posé les questions pertinentes, sauf en se fondant sur les dires de ses clientes qui pouvaient ne pas comprendre le droit de l'immigration ou les questions juridiques importantes discutées à l'entrevue. En conséquence, l'avocat ne peut savoir quelle preuve doit être présentée par affidavit ou quelles prétentions écrites additionnelles peuvent être nécessaires avant que l'agent des visas ait déjà rendu sa décision, alors que le seul remède est une demande de contrôle judiciaire. Étant donné que les agents des visas ont une kyrielle de fonctions et qu'ils ne reçoivent que peu de formation par rapport à la question des réfugiés, la possibilité pour l'avocat de présenter des prétentions écrites valables au sujet des questions de fait et de droit est particulièrement importante.

[34]Deuxièmement, les appelantes soutiennent que la note de service sur les opérations qui indique que la politique est de ne pas autoriser les avocats à assister aux entrevues n'est pas une simple ligne directrice prévoyant une approche peu précise. En fait, la politique exprimée dans la note de service sur les opérations est une prescription qui ne comporte aucune flexibilité et qui ne laisse aucun pouvoir discrétionnaire à l'agent des visas d'examiner chaque cas au mérite. À l'appui de cette assertion, les appelantes font ressortir le contenu des notes STIDI et de la note manuscrite du 8 février que l'agent des visas a envoyé à leur avocat, qui démontrent que ce dernier considérait que la politique s'appliquait dans tous les cas.

[35]Troisièmement, s'agissant de la décision de fond de l'agent des visas qui porte que les appelantes disposaient d'une solution durable au Vietnam, les appelantes soutiennent que pour qu'elles aient une solution durable hors du Canada qui les rendrait inadmissibles au statut de RSCCR, il ne suffit pas qu'elles soient intégrées au Vietnam en fait mais elles doivent aussi avoir certains droits fondamentaux au Vietnam. Les appelantes soulignent notamment que pour avoir une solution durable une personne doit avoir tous les droits prévus dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés [28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] (la Convention), savoir les droits au travail, au logement et à l'école, ainsi qu'un statut juridique et la protection contre le refoulement. Selon les appelantes, même si en fait elles vivaient et travaillaient à Hô Chi Minh-ville au moment de leur entrevue avec l'agent des visas, elles le faisaient illégalement.

[36]De plus, les appelantes ont soutenu que l'agent des visas a commis une erreur en concluant qu'elles avaient la possibilité d'obtenir la citoyenneté vietnamienne dans un laps de temps raisonnable, se fondant pour ce faire sur le fait qu'elles avaient le droit d'en faire la demande. Selon les appelantes, la question n'est pas de savoir si elles ont le droit de faire la demande, mais bien si elles ont une possibilité raisonnable d'obtenir la citoyenneté vietnamienne dans un laps de temps raisonnable. En conséquence, la décision de l'agent des visas devrait être annulée.

VII. Le point de vue de l'intimé

[37]Premièrement, l'intimé soutient que la juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en concluant que l'obligation d'équité n'exige pas de l'agent des visas qu'il autorise les avocats à assister aux entrevues des demandeurs d'admission au Canada à titre de RSCCR. La décision d'un agent des visas d'accorder ou non à un demandeur le statut de résident permanent est de nature administrative, en ce sens qu'elle suppose l'exercice d'un pouvoir d'appréciation considérable. Si les demandeurs se voient refuser l'admission au Canada, ils ne sont pas privés d'un droit ou d'un bénéfice. Une telle décision n'a pas non plus comme résultat leur refoulement. La présence des avocats n'est pas nécessaire étant donné que l'objectif des entrevues est d'obtenir des demandeurs des informations factuelles et non des arguments juridiques. De plus, l'avocat des appelantes avait une occasion valable de participer en présentant ses prétentions écrites. Le fait d'autoriser les avocats à assister aux entrevues n'aurait comme résultat que d'augmenter les coûts ainsi que le temps consacré à chaque entrevue, ce qui fait qu'on pourrait faire un nombre moins grand d'entrevues.

[38]Deuxièmement, l'intimé soutient que la juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en concluant que la note de service sur les opérations n'entravait pas le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas d'autoriser un avocat à assister aux entrevues. La note de service sur les opérations énonce une politique générale souple et elle n'interdit pas aux agents des visas d'examiner les circonstances particulières de chaque cas. De plus, l'affidavit de l'agent des visas indique qu'il ne considérait pas que la politique énoncée dans la note de service sur les opérations entravait son pouvoir discrétionnaire.

[39]Troisièmement, l'intimé soutient que dès qu'un réfugié est intégré d'une certaine manière dans son premier pays d'asile, par exemple s'il a accès à un logement et à un emploi, et qu'il n'est pas soumis dans son pays d'asile à un risque, y compris le risque de refoulement, on doit considérer qu'il est réinstallé parce que possédant une solution durable hors du Canada. La juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en décidant que la conclusion de l'agent des visas que les appelantes étaient réinstallées au Vietnam parce qu'elles vivaient à Hô-Chi-Minh-Ville et y travaillaient dans la confection n'était pas déraisonnable. De toute façon, l'agent des visas a aussi conclu que les appelantes avaient une possibilité de solution durable du fait qu'elles pouvaient demander la citoyenneté vietnamienne. La juge des requêtes n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en arrivant à sa décision.

VIII. Analyse

Question 1: La juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que l'agent des visas n'avait pas enfreint son obligation d'équité envers les appelantes dans les circonstances particulières de ce cas lorsqu'il a décidé que leur avocat ne pouvait assister aux entrevues?

[40]Je voudrais d'abord faire remarquer que la question certifiée par la juge des requêtes est problématique, puisqu'elle sollicite de la Cour une déclaration générale quant à la question de savoir si l'obligation d'équité exige que les avocats soient autorisés à assister aux entrevues de tous les demandeurs d'admission au Canada à titre de RSCCR. La question certifiée est rédigée comme suit:

Y a-t-il manquement au devoir d'équité lorsqu'un agent des visas refuse d'autoriser un avocat à assister à l'entrevue d'un requérant qui demande son admission au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller?

Étant donné que le contenu de l'obligation d'équité est variable selon les faits en cause, la Cour doit plutôt répondre à la question de savoir si l'obligation d'équité a été violée au vu des faits particuliers en l'espèce. Selon le juge L'Heureux-Dubé, s'exprimant pour la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker, précité, au paragraphe 21: «Comme je l'écrivais dans l'arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la p. 682, "la notion d'équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas". Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l'obligation d'équité procédurale.»

[41]Le fait que le contenu de l'obligation d'équité doit être déterminé au vu des faits de chaque cas ressort aussi du texte suivant de Jones et de Villars, aux pages 297 et 298 de Principles of Administrative Law (3e éd., 1999):

[traduction]

En conclusion, les principes de justice naturelle et la Charte n'accordent pas un droit de représentation par avocat dans toutes les procédures devant tous les tribunaux administratifs ou les délégués en vertu d'une loi. Les principes de justice naturelle en common law, ainsi que ceux de justice fondamentale qui sont inscrits dans la Constitution, exigent d'un décideur qu'il examine la question de savoir si, au vu des circonstances de chaque cas, une partie devant lui a droit à l'assistance d'un avocat. Les décideurs qui n'accordent pas ce droit dans des circonstances où le tribunal juge par la suite que les questions étaient assez sérieuses et complexes pour exiger la présence d'un avocat, ou lorsqu'il existe des questions de droit suffisamment difficiles qu'une partie ne peut présenter son dossier adéquatement sans l'assistance d'un avocat, verront leurs décisions révisées à la fois pour des motifs de justice naturelle et sur la base d'une violation de la justice fondamentale. Chaque affaire dépend de ses propres faits, puisqu'il n'existe pas de droit absolu à l'assistance d'un avocat, non plus qu'un pouvoir discrétionnaire absolu de ne pas l'autoriser. [Non souligné dans l'original.]

La norme de contrôle

[42]Lorsque la juge des requêtes a conclu que l'obligation d'équité n'exigeait pas que l'avocat assiste aux entrevues, elle n'a pas parlé de la «norme de contrôle» ou de «l'analyse pragmatique et fonctionnelle». En fait, elle est arrivée à sa propre conclusion quant au contenu de l'obligation d'équité en appliquant les facteurs de l'arrêt Baker, précité. Selon moi, la juge des requêtes a eu raison de ne pas utiliser l'analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle en l'espèce. Étant donné que la question en litige implique qu'on détermine quel est le contenu de l'obligation d'équité que l'agent des visas a envers les appelantes, et non la décision ultime de l'agent des visas au vu des mérites de l'affaire, il n'est pas nécessaire d'utiliser l'analyse pragmatique et fonctionnelle et la juge des requêtes a eu raison d'arriver à sa propre décision quant au contenu de l'obligation d'équité.

[43]Dans l'arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 21, la Cour suprême du Canada déclare que: «[c]haque fois que la loi délègue un pouvoir à une instance administrative décisionnelle, le juge de révision doit commencer par déterminer la norme de contrôle applicable selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle». Toutefois, la Cour a précisé cette déclaration dans l'arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539 (S.C.F.P.), en établissant une distinction entre la norme de contrôle applicable aux résultats des délibérations du décideur plutôt qu'à la manière d'arriver à la décision. Dans l'arrêt S.C.F.P., précité, le ministre du Travail de l'Ontario avait nommé un arbitre du travail et cette nomination était contestée au motif qu'elle ne respectait pas le paragraphe 6(5) de la Loi sur l'arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux, L.R.O. 1990, ch. H.14, et qu'il y avait eu manquement à l'équité procédurale. Parlant au nom de la majorité de la Cour, le juge Binnie déclare ceci, aux paragraphes 100, 102 et 103:

La deuxième étape consiste à isoler les actes ou omissions du ministre qui touchent à l'équité procédurale, une catégorie générale qui comprend et, dans une certaine mesure, chevauche les principes traditionnels de la justice naturelle [. . .] Par exemple, les syndicats se demandent si le ministre a eu raison de refuser de les consulter avant de faire les désignations. Ces questions concernent le cadre procédural à l'intérieur duquel le ministre a fait les désignations fondées sur le par. 6(5), sans toutefois porter sur les désignations mêmes qui ont été faites en vertu de ce paragraphe. Il appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d'équité procédurale. Seul l'exercice en dernière analyse du pouvoir discrétionnaire de désignation conféré au ministre par le par. 6(5) est assujetti à l'analyse «pragmatique et fonctionnelle» qui vise à déterminer le degré de déférence dont le législateur a voulu que les tribunaux judiciaires fassent montre à l'égard du décideur légal, lequel degré constitue ce qu'on appelle la «norme de contrôle».

[. . .]

L'équité procédurale concerne la manière dont le ministre est parvenu à sa décision, tandis que la norme de contrôle s'applique au résultat de ses délibérations.

La tentative de maintenir séparés ces différents genres de questions peut parfois engendrer une certaine confusion. Force est de constater que certains «facteurs» utilisés pour déterminer les exigences [souligné dans l'original] de l'équité procédurale servent également à déterminer la «norme de contrôle» [souligné dans l'original] applicable à la décision discrétionnaire elle-même. Ainsi, dans l'affaire Baker, précitée, qui portait sur le contrôle judiciaire du rejet par le ministre d'une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, la Cour a examiné «toutes les circonstances» à ces deux égards, mais il y avait chevauchement de certains facteurs, dont la nature de la décision rendue (équité procédurale, par. 23; norme de contrôle, par. 61), le régime législatif (équité procédurale, par. 24; norme de contrôle, par. 60), et l'expertise du décideur (équité procédurale, par. 27; norme de contrôle, par. 59). Il est évident que d'autres facteurs ne se recoupaient pas. [. . .] Il reste que, même s'il existe certains «facteurs» communs, l'objet de l'examen du tribunal judiciaire diffère d'un cas à l'autre. [Soulignement ajouté.]

[44]Le fait qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer l'analyse pragmatique et fonctionnelle aux questions d'équité procédurale ressort aussi de l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario London (City) v. Ayerswood Development Corp. (2002), 167 O.A.C. 120 (C.A.), au paragraphe 10:

[traduction] En examinant une allégation de déni de justice naturelle, un tribunal n'a pas à procéder à une évaluation de la norme de contrôle appropriée. Le tribunal doit plutôt examiner si les règles d'équité procédurale ou l'obligation d'équité ont été respectées. Le tribunal répond à cette question en évaluant les circonstances particulières qui ont donné naissance à l'allégation et en déterminant quelles procédures et garanties étaient nécessaires dans les circonstances pour respecter l'obligation d'agir avec équité.

[45]Bien que la juge des requêtes ait adopté la bonne approche pour circonscrire le contenu de l'obligation d'équité sans chercher à déterminer la norme de contrôle au moyen de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, je ne partage pas son avis quant au contenu de l'obligation d'équité au vu des circonstances en l'espèce. Étant donné que dans l'arrêt S.C.F.P., précité, la Cour suprême a décidé que les questions liées à l'équité procédurale sont des questions de droit, la norme de contrôle que notre Cour doit appliquer en examinant la décision de la juge des requêtes voulant que l'obligation d'équité n'établissait pas un droit à l'assistance d'un avocat est celle de la décision correcte. Voir l'arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235.

Le contenu de l'obligation d'équité dans les circonstances en l'espèce

[46]Selon moi, les facteurs précisés dans l'arrêt Baker, précité, pour déterminer le contenu de l'obligation d'équité démontrent que l'avocat des appelantes aurait dû être autorisé à assister aux entrevues en tant qu'observateur.

(i)     La nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir

[47]Le premier facteur précisé par la Cour dans l'arrêt Baker, précité, est la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir. La juge des requêtes a conclu que ce facteur ne justifiait pas un élargissement du contenu de l'obligation d'équité en l'espèce, au motif que la décision à rendre était administrative, en ce sens qu'elle suppose «l'exercice d'un pouvoir d'appréciation considérable». Avec égards, je ne suis pas d'avis qu'il existe un «pouvoir d'appréciation considérable» en l'espèce. En définitive, l'agent des visas doit décider si un demandeur satisfait aux critères juridiques fixés par la Loi et le Règlement. Même si l'agent des visas avait un quelconque pouvoir discrétionnaire résiduel de refuser d'admettre un demandeur qui satisfait à toutes les exigences de la Loi et du Règlement (et qui donc ne tombe dans aucune des catégories de personnes non admissibles), ce qui n'a pas été plaidé en l'instance, selon moi on ne pourrait dire que ce pouvoir discrétionnaire est considérable.

[48]De plus, je note qu'au vu des circonstances particulières en l'espèce, la nature de la décision de l'agent des visas a un contenu juridique important, ce qui indique que l'avocat aurait dû être autorisé à assister aux entrevues. Les appelantes ont eu gain de cause dans une demande de contrôle judiciaire antérieure, au motif que l'agent des visas avait commis une erreur de droit en concluant qu'elles n'avaient pas une crainte fondée de persécution sans considérer l'exception relative aux raisons impérieuses contenue au paragraphe 2(3) de la Loi. Le ministre a admis que l'agent des visas a commis la même erreur de droit en l'espèce. De plus, il y a une question juridique grave qui a été certifiée pour notre examen, savoir si la définition de solution durable s'applique à la situation des appelantes au Vietnam.

[49]Au cours de l'entrevue, l'agent des visas a posé aux appelantes des questions de nature juridique. L'agent des visas déclare ceci dans son affidavit:

[traduction] J'ai tenu compte notamment de l'article 20 de la Loi sur la nationalité au Vietnam (la Loi) qui déclare entre autres qu'un «citoyen étranger ou une personne apatride qui réside au Vietnam et fait une demande de nationalité vietnamienne peut l'obtenir» si elle satisfait à certaines conditions, qui sont énumérées dans l'article. J'ai examiné ces conditions, ainsi que les définitions qui se trouvent dans la Loi, et j'ai présenté le texte aux requérantes afin d'obtenir leurs commentaires. Au vu de mon examen de l'article pertinent, j'ai conclu que les requérantes pouvaient demander la citoyenneté vietnamienne et, après avoir lu l'article pertinent, les requérantes n'ont soulevé aucun doute quant au fait qu'elles soient éligibles en vertu de la Loi. [Non souligné dans l'original.]

Dans les circonstances de l'espèce, sachant que l'agent des visas a indiqué clairement qu'il avait posé des questions de nature juridique aux appelantes, il ressort avec une grande probabilité que l'avocat aurait dû être présent. En l'espèce, les entrevues devaient faire plus que déterminer des faits, car elles impliquaient aussi l'examen de questions de droit.

[50]De plus, parlant toujours de l'entrevue, l'agent des visas déclare ceci dans son affidavit:

[traduction] J'ai alors expliqué mes préoccupations à chacune des appelantes. Leurs craintes ne sont pas fondées et elles possèdent une autre solution durable puisqu'elles sont réinstallées au Vietnam. J'ai expliqué que je croyais qu'elles étaient réinstallées en permanence au Vietnam, où elles étaient au fond des citoyennes «de facto». J'ai demandé à chacune d'elles si elles avaient quelque chose à présenter face à mes préoccupations et je n'ai pas vraiment reçu de réponse.

Selon moi, le fait que l'agent des visas ait demandé aux appelantes lors de leurs entrevues si elles avaient quelque chose à répondre à ses préoccupations portant qu'elles disposaient déjà d'une solution durable au Vietnam, ce qui suppose une définition juridique, nous suggère aussi qu'en l'espèce la présence de l'avocat à l'entrevue aurait été fort utile. Même si les appelantes ne demandaient pour leur avocat que le statut d'observateur aux entrevues, sa présence lui aurait permis de savoir quelles étaient les préoccupations juridiques de l'agent des visas et il aurait pu rédiger ses prétentions écrites en conséquence.

[51]Par le passé, lorsque les tribunaux ont examiné si l'obligation d'équité comprend le droit à l'assistance d'un avocat dans des circonstances données, un des facteurs les plus importants était celui de savoir si les questions étaient de nature juridique ou complexe, faisant qu'on pouvait mettre en question la capacité d'une personne à avoir une participation efficace sans l'assistance d'un avocat. Voir, par exemple: Laroche et Beirsdorfer (Re) (1981), 131 D.L.R. (3d) 152 (C.A.F.); et Howard c. Établissement de Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642 (C.A.), à la page 662. Comme l'analyse qui précède l'indique, l'entrevue avait une composante juridique importante.

[52]En soutenant que l'obligation d'équité n'exige pas qu'on autorise les avocats à assister aux entrevues des bureaux de visa, l'intimé s'est appuyé essentiellement sur le fait que les avocats peuvent soumettre des prétentions écrites. Toutefois, à défaut de pouvoir observer l'entrevue, les avocats peuvent ne pas être au fait des préoccupations juridiques précises de l'agent des visas et donc ne pas pouvoir en traiter de façon efficace dans leurs prétentions écrites. Par exemple, l'avocat des appelantes a soutenu, au cours de sa plaidoirie, que les notes STIDI en l'espèce portaient que la deuxième entrevue des appelantes devait cibler la question de savoir si elles avaient une crainte fondée de persécution. Toutefois, en l'espèce la question de savoir si les appelantes disposaient ou non d'une solution durable au Vietnam est devenue une question importante à l'entrevue. Sans avoir observé l'entrevue au moment où la question de la solution durable a été abordée, l'avocat ne peut savoir qu'il doit traiter de cette question dans ses prétentions écrites. Les demandeurs de statut de réfugié ne sont pas généralement capables de comprendre des concepts juridiques comme celui de solution durable et, lorsque ces questions sont soulevées lors de l'entrevue, ils peuvent ne pas être mesure de faire un rapport précis à ce sujet à leur avocat.

[53]De plus, comme l'avocat n'a pu observer les entrevues en l'espèce, il ne pouvait savoir non plus si toute la preuve pertinente avait été obtenue. Par exemple, l'agent des visas a appris que les appelantes ne vivaient plus dans le camp des réfugiés, mais en fait qu'elles vivaient et travaillaient dans la confection à Hô-Chi- Minh-Ville. Toutefois, l'agent des visas n'a pas posé la question de savoir si les appelantes avaient le droit de vivre et de travailler à Hô-Chi-Minh-Ville. Dans de telles circonstances, si l'avocat avait su que cette question juridique était soulevée à l'entrevue, il aurait pu traiter dans ses prétentions écrites du statut juridique des appelantes au Vietnam.

[54]Finalement, les entrevues des appelantes avec l'agent des visas ne se situent pas à l'étape préliminaire du processus de décision. Par conséquent, la déclaration de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053 (Dehghani), portant que les principes de justice fondamentale n'exigent pas qu'un immigrant dispose des services d'un avocat lorsqu'il arrive dans un aéroport canadien et qu'il est soumis à un interrogatoire, peut être distinguée de la présente affaire. Dans l'arrêt Dehghani, précité, la Cour suprême a examiné la question de savoir si une personne devait être autorisée à obtenir l'assistance d'un avocat à l'étape du processus qui précède l'audience ou l'enquête. En prenant sa décision, la Cour s'est appuyée spécifiquement sur le fait que Dehghani obtiendrait une enquête complète où il aurait droit à l'assistance d'un avocat. En l'espèce, l'entrevue est l'une des dernières chances que les appelantes possèdent de présenter leurs cas à l'agent des visas. Contrairement à la situation dans l'arrêt Dehghani, précité, elles n'auront pas d'office une autre audience où elles auraient droit à l'assistance de leur avocat.

(ii)     La nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit le décideur en question

[55]Selon l'arrêt Baker, précité, au paragraphe 24, le fait qu'il n'existe pas de droit d'appel de la décision de l'agent des visas va dans le sens d'accorder des protections procédurales plus importantes aux appelantes en l'espèce. Bien que les personnes qui sollicitent le statut de résident permanent à titre de RSCCR peuvent présenter des demandes de contrôle judiciaire, il est important de noter que la portée de la compétence du juge chargé de ce contrôle peut être restreinte quant au fond de l'affaire et que, par conséquent, il ne s'agit pas de l'équivalent d'un droit d'appel.

[56]L'intimé soutient que le fait que les appelantes peuvent toujours présenter une nouvelle demande après avoir essuyé un refus initial vient diminuer le contenu de l'obligation d'équité. Dans l'arrêt Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (Chiau), notre Cour a examiné cet argument [au paragraphe 39]:

Au reste, le refus de délivrer un visa n'est pas définitif, en ce sens que l'intéressé peut toujours présenter une nouvelle demande. Toutefois, il faut également reconnaître que lorsqu'un visa est refusé à un demandeur en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi, les demandes ultérieures présentées par lui feront probablement l'objet d'un examen plus minutieux que ce ne serait le cas en d'autres circonstances. [Non souligné dans l'original.]

Non seulement une demande ultérieure fera-t-elle l'objet d'un examen plus minutieux, mais rien ne garantit que l'agent des visas saisi de la demande recevra les appelantes en entrevue. Par conséquent, le simple fait que les appelantes peuvent en théorie renouveler leur demande de visa canadien ad infinitum ne devrait pas venir restreindre le contenu de l'obligation d'équité qui leur est dû dans les circonstances de l'espèce, où l'agent des visas a décidé que leurs cas méritaient la tenue d'entrevues. De la même façon, le simple fait que les agents des visas ne sont pas tenus de recevoir tous les demandeurs en entrevue dans tous les cas ne vient pas restreindre les protections procédurales dues aux demandeurs qu'ils décident de recevoir en entrevue. Une fois que les agents des visas ont décidé de tenir une entrevue, celle-ci doit respecter l'obligation d'équité.

[57]Le paragraphe 8(1) de la Loi est rédigé comme suit:

8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

Étant donné que le paragraphe 8(1) indique clairement que le fardeau incombe aux appelantes, la juge des requêtes a conclu que l'agent des visas n'avait aucune obligation de s'enquérir de la question de savoir si les appelantes avaient une autorisation légale de vivre et de travailler ailleurs que dans le camp de réfugiés au Vietnam. Dans ces circonstances, il était important que l'avocat puisse assister aux entrevues comme observateur afin de pouvoir traiter dans ses prétentions écrites adressées à l'agent des visas de toute preuve pertinente qui n'était pas ressortie à ce moment-là. Bien que notre Cour ait conclu, dans l'arrêt Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 2 C.F. 413 (C.A.) (Khan), que le fait que le demandeur de visa a le fardeau d'établir son admissibilité tendait à limiter le contenu de l'obligation d'équité, cet arrêt peut être distingué en ce qu'il ne traitait pas d'une personne demandant à être admise au Canada à titre de réfugié, non plus que de la question de savoir si le contenu de l'obligation d'équité comprenait le droit à la présence d'un avocat à l'entrevue.

(iii)     L'importance de la décision pour les personnes visées

[58]Étant donné le fait que les appelantes demandaient le statut de résident permanent à titre de RSCCR, une décision de l'agent des visas d'accueillir leur demande avait potentiellement une grande importance. Même si les appelantes vivaient au Vietnam depuis plusieurs années et qu'elles ne s'y trouvaient pas confrontées à un danger immédiat, la stabilité de leur situation au Vietnam n'est pas complètement claire au vu de la preuve disponible. En fait, les appelantes ont soutenu qu'elles étaient en situation illégale en vivant et travaillant à Hô-Chi-Minh-Ville. Elles soutiennent que selon la législation elles n'ont droit que de vivre et de travailler au camp de réfugiés, un endroit qu'elles ne considèrent pas être sécuritaire. Lors de l'entrevue, l'agent des visas ne s'est pas enquis de la question de savoir si les appelantes étaient dans la légalité en vivant et travaillant au Vietnam. Les appelantes ne sont pas des avocates et on ne pouvait s'attendre à ce qu'elles traitent de ces questions au cours de l'entrevue.

[59]En examinant l'importance de la décision pour les appelantes, la juge des requêtes a fait la déclaration suivante [au paragraphe 76]: «Subjectivement, la décision est d'une grande importance pour le requérant, mais objectivement une décision négative ne prive pas le requérant d'un droit ou d'un avantage. Ce facteur n'autorise donc pas un élargissement du contenu de l'obligation d'équité.» Avec égards, la juge des requêtes n'a pas bien évalué le fait que les appelantes demandaient à être admises au Canada à titre de réfugiées au sens de la Convention.

[60]L'intimé s'est aussi appuyé sur la déclaration suivante de notre Cour dans l'arrêt Chiau, précité, aux paragraphes 38 et 41:

D'abord, il est nécessaire de considérer la gravité des conséquences d'une décision administrative défavorable pour la personne concernée. La décision de l'agent des visas dans la présente affaire ne privait pas l'appelant d'un droit quelconque, puisque les non-ressortissants n'ont pas un droit d'entrée au Canada qui leur serait conféré par la common law ou par la loi (Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, à la p. 733), encore que le régime législatif en vertu duquel est administré le contrôle de l'immigration ne laisse pas les décisions d'admission au seul bon vouloir du ministre ou de ses fonctionnaires. M. Chiau n'avait pas non plus avec le Canada des liens propres à transformer en pénible épreuve pour lui le refus d'un visa.

[. . .]

Comme je l'ai indiqué, il n'a pas été contesté que l'obligation d'équité s'applique aux décisions portant sur les demandes de visa, mais la nature des intérêts individuels en jeu dans la présente affaire donne à penser que le contenu procédural de l'obligation à l'accomplissement de laquelle l'appelant avait droit avant que l'agent des visas ne rende sa décision se trouvait à l'extrémité inférieure du registre. [Non souligné dans l'original.]

L'arrêt Chiau, précité, ne traitait pas de la question de savoir si l'obligation d'équité comprenait le droit à l'assistance d'un avocat. De plus, la Cour a circonscrit sa décision au sujet du contenu de l'obligation d'équité en la limitant aux faits particuliers de l'affaire, qui sont substantiellement différents de ceux en l'espèce. M. Chiau était un acteur asiatique célèbre et il ne se présentait pas à titre de réfugié au sens de la Convention. Il demandait la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs autonomes. De plus, la déclaration de la Cour au paragraphe 43 du jugement qui porte qu'en tant que question de fait «le requérant n'est pas en principe autorisé à se présenter avec un avocat» aux entrevues des bureaux des visas ne peut être transformée en conclusion voulant qu'en tant que question de droit l'obligation d'équité n'exige pas normalement la présence des avocats aux entrevues, surtout si quelqu'un présente sa demande à titre de réfugié au sens de la Convention. De toute façon, cette déclaration est obiter étant donné que l'affaire Chiau ne soulevait pas la question du droit à la présence d'un avocat à l'entrevue.

[61]Dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême du Canada reconnaît expressément qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer d'un droit à entrer ou à demeurer au Canada afin d'obtenir une protection procédurale accrue. La Cour a simplement déclaré que [au paragraphe 25]: «Plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses.» Le fait que les appelantes demandent la résidence permanente au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention indique que la décision est potentiellement d'une grande importance dans leur vie.

(iv)     Les attentes légitimes des appelantes

[62]Bien qu'il soit vrai que l'agent des visas a attendu jusqu'en février pour informer l'avocat qu'il ne pouvait assister à l'entrevue, nonobstant le fait que ce dernier lui avait signalé son intention d'assister dès novembre, je ne crois pas que cela suffise pour dire que les appelantes avaient une attente légitime que leur avocat serait autorisé à assister aux entrevues.

[63]De toute façon, je crois qu'il est pertinent de noter que l'agent des visas a répondu de la façon suivante à l'avocat: [traduction] «Veuillez noter que nous n'autorisons pas les avocats ou représentants à assister aux entrevues.» Cette lettre donne l'impression que les avocats ne sont jamais autorisés à assister aux entrevues, ce qui est inexact en droit. L'intimé a admis qu'en droit, les agents des visas doivent examiner les faits particuliers de chaque cas avant de décider si l'avocat sera ou non autorisé à assister à l'entrevue. Étant donné cette déclaration générale voulant que les avocats ne sont pas autorisés à assister aux entrevues, les appelantes ont pu présumer qu'il serait futile d'essayer d'obtenir de l'agent des visas qu'il réexamine sa décision en faisant état des faits particuliers de leurs cas.

(v)     Les choix de procédure que l'organisme fait

[64]Selon l'arrêt Baker, précité, il faut accorder une certaine importance au fait qu'un organisme a choisi une procédure donnée. En l'espèce, l'intimé soutient qu'il a publié une politique générale voulant que les avocats ne puissent assister aux entrevues étant donné que leur présence créerait des problèmes d'efficacité, notamment une augmentation des coûts et du temps consacré à chaque entrevue, ce qui fait qu'on pourrait faire un nombre moins grand d'entrevues. Selon l'arrêt Khan, précité, lorsqu'elle détermine le contenu de l'obligation d'équité, la Cour doit se garder d'imposer un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration.

[65]En examinant ce facteur, je note qu'en l'espèce tout ce que les appelantes demandent c'est que leur avocat soit autorisé à assister aux entrevues en tant qu'observateur. Elles ne demandent pas qu'il soit autorisé à plaider ou à présenter des objections aux questions posées au cours de l'entrevue. Étant donné le rôle limité que l'avocat jouera au cours de l'entrevue, je ne crois pas que notre Cour impose un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration. Je ne crois pas non plus que les préoccupations d'efficacité de l'intimé soient justifiées. Je note aussi comme considération pertinente le fait que l'intimé autorise les avocats à assister à ce type d'entrevues lorsqu'elles ont lieu au Canada. L'intimé n'a pas soutenu que le système était devenu inefficace au Canada par suite de la présence des avocats. Finalement, la Cour ne déclare pas que l'obligation d'équité exige toujours la présence d'un avocat. Les agents des visas doivent examiner les circonstances particulières de chaque cas.

(vi)     Conclusion quant au contenu de l'obligation d'équité en l'espèce

[66]Selon moi, si je prends tous ces facteurs dans leur ensemble, l'obligation d'équité en l'espèce comprend le droit à la présence d'un avocat comme observateur au cours des entrevues des appelantes. Le fait d'être observateur à l'entrevue donne l'occasion à l'avocat de prendre connaissance des questions de droit qui sont soulevées, qu'il peut par la suite aborder dans ses prétentions écrites. De plus, si une preuve pertinente ne ressort pas au cours de l'entrevue, l'avocat peut subséquemment déposer un affidavit auprès de l'agent des visas. Il est important de noter que l'intimé n'a pas contesté le fait que l'avocat peut présenter des prétentions écrites. Au contraire, l'intimé s'appuie sur ce fait pour déclarer qu'il n'était pas nécessaire que l'avocat soit présent à l'entrevue. Au vu des circonstances de l'espèce, l'avocat doit pouvoir être observateur aux entrevues afin d'avoir la capacité réelle de présenter des prétentions écrites au nom des appelantes.

[67]Finalement, je note aussi que l'avocat des appelantes était disposé à assister aux entrevues selon l'échéancier prévu. Je ne crois pas que l'obligation d'équité exige que l'agent des visas change son échéancier pour accommoder l'avocat, à condition que les appelantes aient un avis suffisant de la date et de l'heure de l'entrevue. De plus, en l'espèce les appelantes ont leur propre avocat.

[68]Pour conclure cette question, disons que l'obligation d'équité dépend des circonstances particulières de chaque affaire. Les facteurs qui sont significatifs dans une affaire peuvent ne pas l'être dans une autre. Au vu des faits en l'espèce, l'obligation d'équité exigeait qu'on autorise l'avocat à assister aux entrevues des appelantes en tant qu'observateur et qu'il puisse prendre des notes. Ceci ne veut toutefois pas dire que les avocats doivent toujours être autorisés à assister aux entrevues. Tout ce que les appelantes demandaient en l'espèce était que leur avocat soit autorisé à assister aux entrevues à titre d'observateur. En conséquence, je ne tranche pas la question de savoir si dans d'autres circonstances il y aurait lieu d'autoriser un rôle plus ou moins important pour l'avocat.

[69]Étant donné qu'on n'a pas respecté l'équité procédurale due aux appelantes au cours de l'entrevue, l'affaire doit être renvoyée à un agent des visas différent pour qu'il tienne d'autres entrevues et qu'il réexamine leurs cas.

Question 2: La juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que la note de service sur les opérations ne constituait pas une entrave au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas d'autoriser l'avocat à assister aux entrevues?

[70]Comme le droit à l'assistance d'un avocat dans les circonstances de l'espèce n'est prévu expressément nulle part dans la Loi, la question de savoir si un avocat sera autorisé à assister à une entrevue donnée est laissée au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. Toutefois, l'analyse à laquelle je viens de procéder ainsi que l'arrêt de la Cour suprême du Canada Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, font ressortir que ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé d'une façon qui respecte l'obligation d'équité. Les agents des visas doivent examiner les faits particuliers de chaque cas pour déterminer le contenu de l'obligation d'équité.

[71]Bien que les décideurs administratifs puissent valablement adopter des lignes directrices pour les aider dans l'exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires, ils n'ont pas la liberté d'adopter des politiques obligatoires ne laissant aucune place à cet exercice. Dans chaque cas, l'agent des visas doit examiner les faits particuliers.

[72]Selon moi, la juge des requêtes a commis une erreur en interprétant la politique énoncée dans la note de service sur les opérations. Je suis d'avis que la politique en cause n'est pas une simple ligne directrice et qu'elle a constitué une entrave au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas d'examiner les faits particuliers du cas lorsqu'il a décidé s'il devait ou non autoriser l'avocat à assister aux entrevues.

[73]Dans l'arrêt Ainsley Financial Corporation et al. v. Ontario Securities Commission et al. (1994), 21 O.R. (3d) 104 (C.A.) (Ainsley) la Cour a cherché à élucider comment on pouvait déterminer si une politique était obligatoire ou non [à la page 110]:

[traduction] Il n'y a pas toujours de ligne claire qui sépare une ligne directrice d'une prescription obligatoire ayant l'effet d'une disposition législative. Au centre de l'univers réglementaire, ces deux réalités se confondent. La terminologie du texte en cause ne permet pas non plus de trancher la question. L'utilisation des termes «ligne directrice» n'a rien de magique, et on ne peut non plus tirer une conclusion définitive de l'utilisation du terme «réglementer». Bien qu'important, l'examen de la terminologie d'un texte n'est qu'une partie du processus visant à en déterminer la portée. En analysant la terminologie d'un texte, il faut toujours la replacer dans son contexte et non en isoler certains termes ou passages. [Non souligné dans l'original.]

Dans l'arrêt Ainsley, précité, la Cour a en définitive conclu qu'une politique de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario était obligatoire étant donné sa nature, même si son libellé précisait que la Commission serait simplement «guidée» par la politique.

[74]Bien que la politique en l'espèce contienne aussi des termes comme «en règle générale» et «doivent», qui pris hors contexte peuvent donner à croire que la politique n'est qu'une ligne directrice, l'objet même de l'ensemble de la politique est de créer une obligation. La politique prévoit ceci:

En règle générale, seuls les demandeurs sont présents aux entrevues. Les agents des visas doivent adopter cette pratique qui semble être étayée par la jurisprudence de la Cour fédérale. La doctrine d'équité n'exige pas la présence de l'avocat à l'entrevue, et la Loi ne prévoit pas le droit à un avocat dans ce contexte.

Il est important de noter que la politique semble indiquer que l'obligation d'équité n'exige jamais la présence des avocats aux entrevues, ce qui ne représente pas l'état du droit au vu de l'analyse à laquelle je viens de procéder. La politique n'indique nullement que les agents des visas ont l'obligation d'examiner les circonstances particulières de chaque cas lorsqu'ils doivent décider si oui ou non l'obligation d'équité exige que les avocats soient autorisés à assister aux entrevues. Dans son ensemble, la politique donne clairement à entendre que les agents des visas n'ont pas l'obligation d'examiner les faits particuliers de chaque cas.

[75]De plus, la politique ne donne aucune ligne directrice et n'énonce aucun critère qui pourraient aider les agents des visas à déterminer s'ils utiliseront ou non leur pouvoir discrétionnaire d'autoriser les avocats à assister aux entrevues. Elle déclare simplement que les avocats ne sont pas autorisés à assister. Cette politique n'est absolument pas une ligne directrice, car elle n'offre aucune aide aux agents des visas quant à la manière d'exercer leur pouvoir discrétionnaire. Elle dit simplement que les avocats ne sont autorisés à assister dans aucun cas. Dans son ensemble, la politique laisse l'impression qu'elle est de nature obligatoire.

[76]La preuve objective consignée au dossier indique aussi que l'agent des visas considérait que la politique entravait son pouvoir discrétionnaire d'examiner les circonstances particulières en l'espèce. La note manuscrite que l'agent des visas a envoyée en réponse à l'avocat des appelantes le 8 février 2002 est rédigée ainsi: [traduction] «Veuillez noter que nous n'autorisons pas les avocats ou représentants à assister aux entrevues. Vous pourrez attendre dans la salle d'attente, mais vous ne serez pas autorisé à assister à l'entrevue.» Il est important de noter que cette note manuscrite n'indique pas seulement qu'en l'espèce l'avocat n'était pas autorisé à assister aux entrevues des appelantes; elle va plus loin et porte qu'aucun avocat n'est autorisé à assister aux entrevues. Rien dans cette note manuscrite n'indique que l'agent des visas aurait examiné les faits particuliers des cas des appelantes. Les notes de l'agent des visas inscrites dans le STIDI permettent aussi de comprendre comment il appréhendait la politique en cause. Ces notes portent simplement que «les représentants/avocats ne sont pas autorisés à assister à l'entrevue».

[77]Finalement, l'intimé n'a présenté en preuve aucun cas où un avocat aurait été autorisé à assister à une telle entrevue, ce qui indique aussi que la politique est obligatoire et qu'elle n'est pas une simple ligne directrice. En conséquence, la juge des requêtes a commis une erreur de droit en analysant la question de savoir si la politique en cause était obligatoire et si elle constituait une entrave au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas en l'espèce.

[78]Comme je l'ai déjà mentionné, il est important de noter que les décideurs peuvent adopter des lignes directrices qui leur sont utiles dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, en autant que ces lignes directrices ne sont pas obligatoires et que les agents des visas tiennent compte des faits particuliers de chaque cas en déterminant le contenu de l'obligation d'équité. On trouve un exemple d'une ligne directrice correctement rédigée dans Yhap c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 722 (1re inst.), à la page 739:

Il importe . . . que les agents comprennent bien que les présentes lignes directrices ne sont pas des règles strictes. Elles n'envisagent pas toutes les possibilités, tel n'est pas leur objet d'ailleurs. Les agents doivent étudier avec soin les cas sous tous leurs aspects, faire preuve de discernement et présenter la recommandation qui convient.

Question 3: Quels droits ou obligations un réfugié au sens de la Convention doit-il posséder en dehors du Canada pour être considéré comme réinstallé de telle sorte qu'il dispose d'une solution durable?

[79]Étant donné que cette affaire est renvoyée pour nouvel examen par un agent des visas différent et que de nouveaux arguments juridiques et une nouvelle preuve dont notre Cour n'a pas été saisie pourraient être présentés, je crois qu'il y a lieu de ne faire aucun commentaire quant à la question de savoir si les appelantes ont ou non une solution durable au Vietnam. De plus, il ne serait pas sage et il serait même inapproprié que notre Cour essaie d'établir, en l'absence de faits, quels sont tous les droits et obligations juridiques que les RSCCR doivent généralement avoir à l'extérieur du Canada, dans tous les cas, afin de posséder une solution durable. La question de savoir si un requérant possède ou non une solution durable dépend en large mesure des faits de chaque cas. Étant donné que les faits en l'espèce ne sont pas complètement clairs au dossier qui nous est soumis, et parce que l'agent des visas doit maintenant procéder à un nouvel examen, je ne répondrai pas à la deuxième question certifiée.

IX. Conclusion

[80]Je ne répondrai pas à la première question certifiée telle qu'énoncée par la juge des requêtes:

Y a-t-il manquement au devoir d'équité lorsqu'un agent des visas refuse d'autoriser un avocat à assister à l'entrevue d'un requérant qui demande son admission au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller?

Je crois qu'il est plus approprié de répondre à la question de savoir si l'obligation d'équité due aux appelantes dans les circonstances particulières de l'espèce leur accordait le droit d'être accompagnées par leur avocat comme observateur à leurs entrevues. Cette question doit recevoir une réponse positive. En conséquence, on a enfreint le droit des appelantes à l'équité procédurale dans le cadre du règlement de leurs revendications en tant que réfugiées. Les appelantes avaient le droit à la présence de leur avocat comme observateur aux entrevues, afin que ce dernier puisse présenter des prétentions écrites valables en leur nom.

[81]Étant donné la réponse que je donne à la première question certifiée, il n'est pas nécessaire que je réponde à la deuxième:

Quels droits ou obligations un réfugié au sens de la Convention doit-il posséder en dehors du Canada pour être considéré comme réinstallé de telle sorte qu'il dispose d'une «solution durable»?

[82]Finalement, je conclus que la politique que l'on trouve dans la note de service sur les opérations, qui précise que les avocats ne sont pas autorisés à assister aux entrevues, est invalide parce qu'elle entrave le pouvoir discrétionnaire des agents des visas ainsi que leur obligation d'examiner les faits particuliers de chaque cas pour décider s'il y a lieu ou non d'autoriser les avocats à assister aux entrevues.

[83]L'appel est accueilli, avec dépens en première instance et en appel. Les dossiers des appelantes sont renvoyés à un autre agent des visas, pour qu'il procède à de nouvelles entrevues et réexamine leurs demandes.

Le juge Linden, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Malone, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

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