A-565-02
2004 CAF 110
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
CC Havanos Corporation Ltd. (intimée)
Répertorié: CC Havanos Corp. (Re) (C.A.F.)
Cour d'appel fédérale, juges Létourneau, Décary et Nadon, J.C.A.--Montréal, 11 mars; Ottawa, 17 mars 2004.
Douanes et accise -- Loi sur l'accise -- Appel de la décision du juge de première instance ayant accueilli en partie une dénonciation pour demander la confiscation de marchandises saisies et confisquées en vertu de la Loi sur l'accise -- Le juge de première instance a également ordonné la restitution de certains biens légalement saisis -- Le juge de première instance avait-il le pouvoir discrétionnaire d'ordonner la restitution? -- Le juge de première instance a mal interprété et mal appliqué l'art. 116 de la Loi sur l'accise -- L'art. 116(2) de la Loi sur l'accise ne confère aucun pouvoir discrétionnaire lorsque les marchandises ont été légalement saisies et confisquées -- Appel accueilli.
Interprétation des lois -- L'art.. 116(2) de la Loi sur l'accise donne-t-il à la Cour le pouvoir de libérer/restituer à l'intimée une partie du matériel confisqué -- L'art. 116(2) n'est pas ambigu -- La Cour suprême du Canada a clairement défini les pouvoirs de la Cour en vertu de l'art. 116(2) de la Loi sur l'accise -- L'exigence d'agir «selon que le cas l'exige» signifie que lorsque les marchandises ont été légalement saisies et confisquées, la cour doit déclarer qu'elles demeurent confisquées.
Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre de la décision d'un juge de la Section de première instance qui a accueilli, en partie, une dénonciation pour demander la confiscation de marchandises saisies et confisquées en vertu des alinéas 88(1)a), b) et c) de la Loi sur l'accise. Les biens comprenaient du tabac et du matériel servant à sa fabrication. Le juge a conclu que la confiscation était valide, mais a ordonné que le matériel servant à la fabrication et à la conservation des cigares soit libéré et restitué à l'intimée. Il s'agissait de déterminer si le juge avait compétence en vertu du paragraphe 116(2) pour ainsi restituer une partie du matériel confisqué.
Arrêt: l'appel est accueilli.
Le juge a mal interprété et mal appliqué l'article 116 de la Loi ainsi que la relation qui existe entre cet article et l'article 88. Ayant conclu que tout le matériel avait été saisi et confisqué correctement en vertu de l'article 88, il n'avait pas le pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 116(2) de libérer une partie de ce matériel. Les tribunaux ont insisté sur la grande importance des dispositions relatives à la confiscation dans les lois fiscales en tant qu'outils propres à assurer le respect de la loi dans les affaires relatives aux recettes de la Couronne. La confiscation est une mesure raisonnable conçue pour déjouer d'autres entreprises criminelles, protéger le bien-être de la collectivité et garantir, dans l'intérêt public, les recettes de la Couronne. Dans l'arrêt The King v. Krakowec et al., la Cour suprême du Canada a interprété l'ancien article 124, dont l'article 116 reprend essentiellement le libellé. Elle a conclu que lorsque les marchandises ont été légitimement saisies et confisquées, la cour n'est investie d'aucun pouvoir discrétionnaire par cette disposition; elle doit statuer selon la loi. Tant l'ancien paragraphe 124(2) que le nouveau paragraphe 116(2) disposent que la cour doit agir «selon que le cas l'exige». Cela signifie que, lorsque les marchandises ont été légalement saisies et confisquées, la cour n'a pas d'autre choix que de les déclarer confisquées. Elle ne peut les libérer. Le paragraphe 116(2) n'est pas ambigu. La Cour suprême du Canada a clairement dit ce que sont les pouvoirs de la Cour en vertu de ce paragraphe. L'interprétation donnée au paragraphe 116(2) de la Loi ne laisse pas sans recours la personne dont les effets ont été saisis. Le pouvoir d'accorder réparation en pareil cas est conféré au gouverneur en conseil par le paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques.
lois et règlements
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 8, 11, 12.
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 2 «bien infractionnel» (édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 1; 2001, ch. 32, art. 1), 490.1 à 490.9 (édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 15; 2001, ch. 32, art. 30 à 36). |
Loi sur l'accise, L.R.C. (1985), ch. E-14, art. 88(1), 116, 117(1). |
Loi sur l'accise, S.R.C. 1927, ch. 60, art. 124. |
Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, ch. E-12, art. 163(3). |
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 23(1) «pénalité», 23(2) (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 7). |
jurisprudence
décisions suivies:
The King v. Krakowec et al., [1932] R.C.S. 134; [1932] 1 D.L.R. 316; (1931), 57 C.C.C. 96; Porter c. Canada, [1989] 3 C.F. 403; (1989), 48 C.C.C. (3d) 252; 40 C.R.R. 263; 26 F.T.R. 69; 2 T.C.T. 4141; [1989] 1 T.S.T. 2115 (1re inst.).
décision examinée:
Industrial Acceptance v. The Queen, [1953] 2 R.C.S. 273; [1953] 4 D.L.R. 369; (1953), 107 C.C.C. 1.
décisions citées:
Zarowney, Joe v. The Queen, [1956] R.C.É. 16; [1956] C.T.C. 1; (1955), 56 DTC 1025; The King v. Central Railway Signal Co., [1933] R.C.S. 555; [1933] 4 D.L.R. 737; Becta Transport Ltée. c. Canada (1995), 93 F.T.R. 132 (C.F. 1re inst.); Daigneault c. Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) (1990), 44 F.T.R. 226; 4 T.C.T. 6003 (C.F.1re inst.); Duchesne c. Canada (1996), 120 F.T.R. 28 (C.F. 1re inst.); Loi sur l'accise et un véhicule automobile de marque Chrysler, modèle 1970 (In re), [1972] C.F. 1053 (1re inst.); Gosselin, Marcel v. The Queen, [1954] R.C.É. 658; Industrial Acceptance Corpn. Ltd. v. The Queen, [1952] R.C.É. 530; James, Earl Anglin v. The Queen, [1952] R.C.É. 396; Lacourse c. Canada (1993), 65 F.T.R. 115 (C.F. 1re inst.); Lawson c. R., [1980] 1 C.F. 767 (1re inst.); Mayberry, Herbert Frederick v. The King, [1950] R.C.É. 402; (1950), 98 C.C.C. 295; Pourvoirie Hart 2551-5651 Québec Inc. c. Canada (1992), 58 F.T.R. 114 (C.F. 1re inst.); Stacey (Re) (1994), 87 F.T.R. 303 (C.F. 1re inst.); Thul (Re) (1995), 92 F.T.R. 295 (C.F. 1re inst.).
APPEL d'une décision de la Section de première instance ([2003] 2 C.F. 241; (2002), 220 D.L.R. (4th) 726; 223 F.T.R. 82) concluant qu'une confiscation effectuée en vertu de l'article 88 de la Loi sur l'accise était valide, mais ordonnant la libération d'une part du matériel confisqué. Appel accueilli.
ont comparu:
Jacques Mimar pour l'appelante.
Bruce Taub pour l'intimée.
avocats inscrits au dossier:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Bruce Taub, Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre de la décision d'un juge de la Section de première instance (juge) qui a accueilli, en partie, une dénonciation pour demander la confiscation de marchandises saisies et confisquées en vertu de la Loi sur l'accise, L.R.C. (1985), ch. E-14 (Loi) [[2003] 2 C.F. 241]. Les marchandises sur les lieux étaient des cigares, du tabac fabriqué, du tabac brut et autres matières en magasin, des machines, des mécanismes et des ustensiles. Elles ont été saisies en vertu des alinéas 88(1)a), b) et c) de la Loi, qui rendent leur saisie et confiscation obligatoires:
88. (1) Les articles suivants:
a) les grains, le malt, le tabac brut et les autres matières en magasin;
b) les machines, mécanismes, ustensiles, serpentins, alambics, cuves-matière, tonneaux à fermentation, presses ou hachoirs à tabac;
c) les outils ou matériaux propres à la fabrication d'alambics, de serpentins, de rectificateurs ou d'appareils similaires;
d) l'eau-de-vie, le malt, la bière, le tabac, les cigares et autres articles fabriqués,
qui se trouvent dans un lieu ou établissement où il se poursuit des opérations sujettes à l'accise, et pour lequel une licence est exigée en vertu de la présente loi mais n'a pas été émise, doivent être saisis par un préposé qui en a connaissance et être confisqués au profit de Sa Majesté, et ils peuvent être soit détruits dans l'endroit et au moment où ils sont trouvés, soit transportés en lieu sûr, à la discrétion du préposé qui opère la saisie. [Non souligné dans l'original.]
[2]Le juge a conclu que la confiscation était valide, mais a ordonné que le matériel qui sert à la fabrication et à la conservation des cigares, tels des moules, boîtes, presses ou hachoirs à tabac, tables de travail et un humidificateur, soit libéré et restitué à l'intimée. Cependant, le tabac lui-même, fabriqué ou brut, a été déclaré confisqué.
[3]En l'espèce, la Cour doit déterminer si le juge avait compétence en vertu du paragraphe 116(2) de la Loi pour ainsi restituer à l'intimée une partie du matériel confisqué. Soulignons que la revendication des effets saisis en vertu de l'article 116 est assujettie à des conditions spécifiques, dont un délai de prescription. L'article prévoit:
116. (1) Aussitôt qu'une dénonciation a été déposée auprès d'un tribunal pour demander la confiscation de marchandises ou d'objets saisis en vertu de la présente loi, avis doit en être affiché dans le bureau du registraire, du greffier ou du protonotaire du tribunal, et dans le bureau du receveur ou du préposé en chef de la division d'accise dans laquelle les marchandises ou les objets ont été saisis.
(2) Si le propriétaire des marchandises ou objets ou la personne qui prétend y avoir droit les revendique et donne une garantie, et observe toutes les autres formalités de la présente loi à cet égard, le tribunal, à sa prochaine séance après que l'avis a été affiché pendant un mois, peut entendre et juger toute revendication qui a été régulièrement faite et présentée dans l'intervalle, et libérer ou déclarer confisqués ces marchandises ou objets, selon que le cas l'exige; autrement, après l'expiration du mois, ils sont censés confisqués et peuvent être vendus sans déclaration formelle de confiscation.
(3) Nulle revendication de la part d'une personne qui a donné avis de son intention de revendiquer n'est admise avant que l'avis ait été affiché, à moins qu'elle ne soit faite dans la semaine qui suit la date de l'affichage de l'avis; nulle revendication n'est admise à moins qu'avis n'en ait été donné par écrit au receveur ou au fonctionnaire supérieur dans le délai d'un mois à compter de la date de la saisie. [Non souligné dans l'original.]
[4]Dans un délai d'un mois à compter de la date de la saisie et de la confiscation, l'intimée a avisé l'appelante, en vertu du paragraphe 117(1) de la Loi, de son intention de revendiquer les marchandises. L'appelante a répondu par un avis de dénonciation, suivant le paragraphe 116(1), pour obtenir une ordonnance de confiscation des marchandises saisies et confisquées. L'intimée a ensuite demandé réparation en vertu du paragraphe 116(2).
[5]L'avocat de l'intimée n'a pas déposé d'observations écrites à la Cour. À l'audience, il a fait valoir que le juge avait compétence pour établir une distinction comme il l'a fait entre les objets saisis, à savoir le tabac lui-même, et le matériel utilisé pour produire ledit tabac. Il a également appuyé la conclusion du juge selon laquelle l'article 116 était ambigu et devait donc être interprété en faveur de l'intimée. Il a convenu que le paragraphe 116(2) attribuait au juge le pouvoir d'ordonner la libération d'une partie du matériel saisi et confisqué.
[6]En toute déférence, je crois que le juge a mal interprété et mal appliqué l'article 116 de la Loi ainsi que la relation qui existe entre cet article et l'article 88.
[7]Le recours intenté en vertu des articles 88 et 116 est de la nature d'une procédure in rem, c'est-à-dire [traduction] «un recours contre les objets»: The King v. Krakowec et al., [1932] R.C.S. 134, à la page 142. Un tel recours vise la confiscation des objets saisis, et non le propriétaire ou le possesseur. L'article 88 précise les objets qui doivent être saisis et confisqués en cas de violation de cet article.
[8]Ayant conclu que tout le matériel avait été saisi et confisqué correctement en vertu de l'article 88 de la Loi, le juge n'avait pas, selon une jurisprudence ancienne et constante, le pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 116(2) de libérer une partie de ce matériel: voir The King v. Krakowec et al., précité; Zarowney, Joe v. The Queen, [1956] R.C.É. 16; The King v. Central Railway Signal Co., [1933] R.C.S. 555; Becta Transport Ltée c. Canada (1995), 93 F.T.R. 132 (C.F. 1re inst.); Daigneault c. Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) (1990), 44 F.T.R. 226 (C.F. 1re inst.); Duchesne c. Canada (1996), 120 F.T.R. 28 (C.F. 1re inst.); Loi sur l'accise et un véhicule automobile de marque Chrysler, modèle 1970 (In re), [1972] C.F. 1053 (1re inst.); Gosselin, Marcel v. The Queen, [1954] R.C.É. 658; Industrial Acceptance Corpn. Ltd. v. The Queen, [1952] R.C.É. 530; James, Earl Anglin v. The Queen, [1952] R.C.É. 396; Lacourse c. Canada (1993), 65 F.T.R. 115 (C.F. 1re inst.); Lawson c. R., [1980] 1 C.F. 767 (1re inst.); Mayberry, Herbert Frederick v. The King, [1950] R.C.É. 402; Porter c. Canada, [1989] 3 C.F. 403 (1re inst.); Pourvoirie Hart 2551-5651 Québec Inc. c. Canada (1992), 58 F.T.R. 114 (1re inst.); Stacey (Re) (1994), 87 F.T.R. 303 (1re inst.); Thul (Re) (1995), 92 F.T.R. 295 (C.F. 1re inst.).
[9]Ce n'est pas que la jurisprudence témoigne d'un manque de sympathie à l'égard des personnes dont les effets ont été confisqués: voir par exemple Porter c. Canada et Daigneault c. Ministre du Revenu national (Douanes et Accise), précités. De fait, les tribunaux ont fait allusion, de temps à autre, à la sévérité des dispositions relatives à la confiscation dans les lois fiscales ou à leur caractère rigoureux et draconien: voir Porter c. Canada, précité, aux pages 407 et 420; James, Earl Anglin v. The Queen, précité, à la page 404; Gosselin, Marcel v. The Queen, précité.
[10]Toutefois, ils ont également insisté sur la grande importance de ces dispositions en tant qu'outils propres à assurer le respect de la loi dans les affaires relatives aux recettes de la Couronne. Dans Porter c. Canada, précité, le demandeur contestait la constitutionnalité du paragraphe 163(3) de la Loi [Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, ch. E-12] au motif que ce paragraphe contrevenait aux articles 8, 11 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (Charte). Le juge Joyal a rejeté les observations du demandeur et a exprimé l'avis que, de toute manière, la légitimité de la confiscation pourrait aisément être justifiée en tant que mesure raisonnable conçue pour déjouer d'autres entreprises criminelles, protéger le bien-être de la collectivité et garantir, dans l'intérêt public, les recettes de la Couronne. À la page 423, il a écrit:
[. . .] on peut avec raison accorder au législateur une certaine latitude en ce qui concerne l'établissement du remède propre à assurer le respect de la loi dans les affaires relatives aux recettes (y compris les douanes, l'accise et l'impôt sur le revenu) dans lesquelles la déclaration volontaire est la règle et l'inspection et les mesures de contrainte de l'État sont l'exception.
[11]Dans Industrial Acceptance v. The Queen, [1953] R.C.S. 273, à la page 277, le juge Rand de la Cour suprême du Canada a exprimé la même opinion dans ses motifs:
[traduction] La confiscation de biens utilisés en violation aux lois fiscales est depuis des siècles une des caractéristiques de leur application et il n'est pas nécessaire de chercher bien loin les raisons qui ont poussé à son adoption. La contrebande, la fabrication illégale de liqueurs, la vente de narcotiques et autres activités similaires, en raison des profits importants qu'elles génèrent et de la demande provenant de certains groupes de la société, prennent la forme d'une action organisée contre les forces de l'ordre; et avec les techniques et les mécanismes que le temps a mis à la disposition de ces ennemis de l'ordre social, la nécessité de frapper non seulement les personnes mais aussi tout ce qui leur permet d'atteindre leurs buts a été universellement reconnue.
À la page 278, il ajoute, après un résumé de l'historique législatif des dispositions relatives à la confiscation, que [traduction] «d'après le jugement constant du législateur, il apparaît d'emblée que la confiscation est depuis le début considérée comme l'une des conditions nécessaires pour assurer l'observation générale des lois fiscales».
[12]Aucune contestation constitutionnelle de la validité des articles 88 et 116 de la Loi n'a été soulevée dans la présente instance, bien que, comme le juge Joyal, j'incline très fortement à croire que si l'on concluait à la violation de la Charte, ces dispositions seraient justifiées en vertu de l'article premier de la Charte. Je souligne en passant que le législateur, dans sa lutte incessante pour assurer le respect de la loi, a jugé bon d'introduire récemment dans le Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46] la notion de biens infractionnels et de prévoir la confiscation de ces biens notamment par la présentation d'une demande de confiscation réelle: voir l'article 2 qui définit un «bien infractionnel» [édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 1; 2001, ch. 32, art. 1] comme un bien qui sert ou donne lieu à la perpétration d'un acte criminel ou qui est utilisé dans la perpétration d'une telle infraction ou encore qui est destiné à servir à une telle fin, ainsi que les articles 490.1 à 490.9 [édictés par L.C. 1997, ch. 23, art. 15; 2001, ch. 32, art. 30 à 36] qui prévoient la confiscation.
[13]Le libellé de l'article 116 de la Loi reprend essentiellement le libellé de l'ancien article 124 [S.R.C. 1927, ch. 60], lequel a été examiné par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt The King v. Krakowec et al., précité:
Loi sur l'accise, S.R.C. 1927, ch. 60, art. 124
124. Aussitôt qu'une dénonciation a été déposée en cour pour demander la confiscation de marchandises ou d'objets saisis en vertu de la présente loi, avis doit en être affiché dans le bureau du registraire, du greffier ou du protonotaire de la cour et dans le bureau du percepteur ou du préposé en chef de la division d'accise dans laquelle les marchandises ou les objets ont été saisis ainsi qu'il est dit plus haut.
2. Si le propriétaire ou la personne qui prétend avoir droit aux marchandises ou aux objets les revendique et donne caution, et observe toutes les autres formalités de la présente loi à cet égard, la cour, à sa prochaine séance après que l'avis a été ainsi affiché pendant un mois, peut entendre et juger toute revendication qui a été régulièrement faite et présentée dans l'intervalle, et libérer ou déclarer confisqués ces marchandises ou objets, selon que le cas l'exige; autrement, après l'expiration du mois, ils sont censés confisqués et peuvent être vendus sans déclaration formelle de confiscation.
3. Nulle revendication de la part d'une personne qui a donné avis de son intention de revendiquer, avant que l'avis ait été affiché, n'est admise à moins qu'elle ne soit faite dans la semaine qui suit la date de l'affichage de l'avis; et nulle revendication n'est admise à moins qu'avis n'en ait été donné par écrit au percepteur ou au fonctionnaire supérieur dans le délai d'un mois à compter de la date de la saisie. [Non souligné dans l'original.]
Loi sur l'accise, L.R.C. (1985), ch. E-14, art. 116
116. (1) Aussitôt qu'une dénonciation a été déposée auprès d'un tribunal pour demander la confiscation de marchandises ou d'objets saisis en vertu de la présente loi, avis doit en être affiché dans le bureau du registraire, du greffier ou du protonotaire du tribunal, et dans le bureau du receveur ou du préposé en chef de la division d'accise dans laquelle les marchandises ou les objets ont été saisis.
(2) Si le propriétaire des marchandises ou objets ou la personne qui prétend y avoir droit les revendique et donne une garantie, et observe toutes les autres formalités de la présente loi à cet égard, le tribunal, à sa prochaine séance après que l'avis a été affiché pendant un mois, peut entendre et juger toute revendication qui a été régulièrement faite et présentée dans l'intervalle, et libérer ou déclarer confisqués ces marchandises ou objets, selon que le cas l'exige; autrement, après l'expiration du mois, ils sont censés confisqués et peuvent être vendus sans déclaration formelle de confiscation.
(3) Nulle revendication de la part d'une personne qui a donné avis de son intention de revendiquer n'est admise avant que l'avis ait été affiché, à moins qu'elle ne soit faite dans la semaine qui suit la date de l'affichage de l'avis; nulle revendication n'est admise à moins qu'avis n'en ait été donné par écrit au receveur ou au fonctionnaire supérieur dans le délai d'un mois à compter de la date de la saisie. [Non souligné dans l'original.]
[14]Interprétant l'ancien article 124, la Cour suprême du Canada a conclu que lorsque les marchandises ont été légitimement saisies et confisquées, comme elles l'ont été en l'espèce en vertu de l'article 88, [traduction] «la cour n'est investie d'aucun pouvoir discrétionnaire par cette disposition; elle doit statuer selon la loi»: voir page 143. Tant l'ancien paragraphe 124(2) que le nouveau paragraphe 116(2) disposent que la cour doit agir «selon que le cas l'exige». Cela signifie que, lorsque les marchandises ont été légalement saisies et confisquées, la cour n'a pas d'autre choix que de déclarer qu'elles demeurent confisquées. Elle ne peut les libérer. Elle aurait le pouvoir de les libérer si la saisie et la confiscation étaient jugées illégales.
[15]Je ne peux être d'accord avec l'intimée que le paragraphe 116(2) est ambigu, surtout après que la Cour suprême du Canada a clairement dit ce que sont les pouvoirs de la Cour en vertu de ce paragraphe. Si à une époque on a pu dire que ce paragraphe était ambigu, ce n'est plus le cas. Comme le juge Rinfret l'a dit dans Krakowec, précité, à la page 142, [traduction] «même les lois pénales ne doivent pas être interprétées de manière à restreindre le sens des mots utilisés pour en exclure les cas qui seraient visés par ces mots dans leur acception ordinaire [. . .] et il n'appartient certainement pas au juge d'interpréter à sa façon une loi pour la rendre conforme à sa propre conception de la justice»: voir également l'énoncé similaire du juge Cameron dans Industrial Acceptance Corpn. Ltd. v. The Queen, précité, à la page 544.
[16]L'interprétation donnée au paragraphe 116(2) de la Loi ne laisse pas sans recours la personne dont ses effets ont été saisis. Le pouvoir d'accorder réparation en pareil cas est conféré au gouverneur en conseil par le paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 7]: voir The King v. Krakowec et al., précité, à la page 143; Lawson c. R., précité, à la page 772. Le gouverneur en conseil peut faire remise de toute confiscation, en tout ou en partie, lorsqu'il considère que la confiscation est abusive ou injustifiée, ou qu'il est dans l'intérêt public d'en faire remise: voir la définition de «pénalité» au paragraphe 23(1).
[17]Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel sans frais et j'annulerais la décision de la Section de première instance. Rendant le jugement qui aurait dû être rendu, je rejetterais avec dépens l'action en revendication de l'intimée et je déclarerais confisqué tout le matériel saisi et confisqué en vertu de l'article 88 de la Loi.
Le juge Décary, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.
Le juge Nadon, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.