T-1652-02
2003 CF 1148
Genpharm Inc. (demanderesse)
c.
Ministre de la Santé, Procureur général du Canada et Société X (défendeurs)
Répertorié: Genpharm Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (C.F.)
Cour fédérale, juge Blais--Montréal, 16 et 17 septembre; Ottawa, 3 octobre 2003.
Brevets -- Pratique -- Liste des brevets inscrits au registre conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) -- Selon une interprétation stricte du Règlement sur les MB(ADC), le brevet inscrit sur la liste n'a pas à être directement en rapport avec la drogue, avec l'utilisation qui y est approuvée par Santé Canada dans l'avis de conformité comme l'a affirmé la C.A.F. dans Eli Lilly c. Canada (Ministre de la Santé) -- Cette dernière décision n'accorde pas de poids au double objet du Règlement indiqué dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation soit prévenir la contrefaçon tout en assurant que les médicaments génériques puissent être commercialisés aussitôt que possible -- Bien que le brevet soit admissible à l'inscription au registre, il n'offre pas de protection contre l'utilisation (autre que celle inscrite sur la liste) pour laquelle l'avis de conformité a été demandé par le fabricant de médicament générique.
En février 1999, la défenderesse Lundbeck Canada Inc. (Société X dans l'intitulé) a obtenu un avis de conformité (ADC) pour le «Celexa» (la marque enregistrée pour le citalopram, un antidépresseur du genre inhibiteur sélectif de recaptage de la sérotonine) employé pour le traitement symptomatique de la dépression. L'utilisation approuvée est un usage établi qui ne pouvait pas être protégé par brevet. Au début du mois de décembre 2001, le brevet a été inscrit (pour le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux) au registre des brevets pour les médicaments que tient le ministre. En décembre 2001, la demanderesse Genpharm, un fabricant de médicament générique, a soumis une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) dans le but d'obtenir un avis de conformité (ADC) pour sa version générique du médicament appelé bromhydrate de citalopram pour le traitement symptomatique de la dépression. Dans son avis d'allégation (AA) adressé à Lundbeck en décembre 2001, Genpharm allègue que le brevet a été erronément inscrit parce que l'utilisation pour laquelle elle a reçu un avis de conformité ne faisait pas partie des utilisations protégées par le brevet et inscrites au registre. Genpharm a par conséquent demandé à la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de supprimer le brevet du registre. Celle-ci a refusé de le faire en indiquant que le brevet contenait une revendication pour l'utilisation du citalopram pour le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux qui comprend le traitement de la dépression. La présente procédure est une demande de contrôle judiciaire de cette décision sollicitant un jugement déclaratoire portant que le brevet a été erronément inscrit sur la liste des brevets ainsi qu'une ordonnance exigeant que le ministre supprime l'inscription du brevet du registre. Les questions en litige consistaient à savoir s'il était possible d'inscrire au registre des brevets un brevet revendiquant une utilisation d'un médicament si cette utilisation n'a pas été approuvée dans l'avis de conformité, et quelle réparation appropriée le tribunal pourrait accorder s'il estimait que le brevet devait être supprimé de la liste.
Jugement: la demande doit être rejetée.
Il semble que, en interprétant le Règlement sur les MB (ADC) dans son ensemble, les renseignements inscrits au registre doivent correspondre aux renseignements fournis pour l'obtention de l'avis de conformité, ce qui comprendrait l'utilisation du médicament. La logique semble imposer une telle interprétation. Cependant, la Cour d'appel fédérale a conclu à la majorité, dans Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 C.F. 140, que, selon une interprétation stricte du Règlement sur les MB(ADC), il n'y avait pas nécessairement de rapport entre l'avis de conformité et la liste de brevets au-delà des exigences de l'article 4 du Règlement. La cour est liée par cette décision. Une interprétation stricte des paragraphes 3(3), 4(1), (2) et (7) du Règlement permet, en les examinant isolément, de conclure qu'il a été satisfait aux conditions qui y sont énoncées. Il convient de souligner que cette interprétation accepte que le seul objet du Règlement sur les MB(ADC) est de prévenir la contrefaçon de brevets et n'accorde pas de poids à la déclaration du Résumé de l'étude d'impact de la réglementation de 1998 portant qu'il a pour objet de faire respecter véritablement les droits conférés par les brevets, tout en assurant que les médicaments génériques puissent être commercialisés aussitôt que possible. Il est manifeste que le Règlement sur les MB(ADC) gagnerait à être formulé plus clairement pour nous venir en aide et prévenir de nombreux litiges qui continueront à survenir tant que l'ambiguïté subsistera.
Lundbeck allègue que la dépression visée par la nouvelle utilisation est une forme quelque peu différente de la dépression visée par l'avis de conformité qui pourrait donner lieu à une contrefaçon. La question de la contrefaçon peut être abordée de deux façons: soit le brevet est supprimé de la liste pour que le fabricant de médicament générique n'ait pas à alléguer l'absence de contrefaçon conformément à l'article 5 du Règlement sur les MB (ADC), soit la personne doit inclure une allégation d'absence de contrefaçon portant sur les revendications inscrites à la liste de brevets. La voie appropriée est l'allégation d'absence de contrefaçon. Premièrement, l'orientation établie par la Cour d'appel fédérale dans Eli Lilly rend la radiation de brevets problématique. Deuxièmement, comme l'a fait valoir la Couronne en défense en se fondant sur la décision Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 181 D.L.R. (4th) 404 (C.A.F.), le Règlement sur les MB(ADC) prévoit des mesures de réparation complètes pour ce problème.
La décision Apotex fournit des directives claires relativement à la réparation appropriée: «Puisque le ministre n'est pas tenu de refuser d'ajouter un brevet au registre ou de supprimer un brevet du registre aux termes du paragraphe 3(1), rien ne permet d'accorder le bref de mandamus, l'injonction ou le jugement déclaratoire sollicités par les appelantes.» En ce qui concerne le mandamus, cette réparation ne peut être ordonnée parce que le juge Gibson a estimé, dans sa décision de la Section de première instance de la Cour fédérale Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 82 C.P.R. (3d) 68 (C.F. 1re inst.), que d'autres recours pouvaient être exercés.
Bien que la DPT ait écrit à la demanderesse pour lui dire qu'elle réexaminerait sa décision de ne pas supprimer le brevet lorsqu'elle recevrait l'avis de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, le manquement à sa promesse ne constituait pas un déni d'équité procédurale. Le ministre «peut consulter le personnel du Bureau des brevets»; il n'en avait pas l'obligation. Le ministre n'avait pas à agir de façon hâtive, surtout que d'autres recours sont possibles. Même si le brevet ne pouvait être inscrit au registre des brevets, les «autres recours» auxquels le juge Gibson fait référence dans Apotex seraient suffisants pour régler l'affaire en l'instance.
Dans la décision Apotex rendue par la Cour d'appel, la Cour a affirmé qu'un recours était prévu pour les fabricants de médicaments génériques qui subissent un préjudice en raison de l'inscription au registre de brevets non admissibles: rejeter une demande si la Cour estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre; rendre une ordonnance relative aux dépens en tenant compte de ces facteurs énumérés au paragraphe 6(10); accorder des dommages-intérêts ou des profits pour les pertes subies lors de la présentation d'une demande en vertu du paragraphe 6(1).
La question de la réparation pour la non-admissibilité du brevet était sans objet puisqu'il semble que le brevet ait été admissible. Toutefois, bien que le brevet soit admissible à l'inscription au registre, il n'offre pas de protection contre l'utilisation pour laquelle l'avis de conformité a été demandé par Genpharm.
lois et règlements
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5). |
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 152(3). |
Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 2 (mod. par DORS/98-166, art. 1; 99-379, art. 1), 3 (mod. par DORS/98-166, art. 2), 4 (mod., idem, art. 3), 5 (mod., idem, art. 4; 99-379, art. 2), 6(1) (mod., DORS/98-166, art. 5), (5)a), (mod., idem), (10)b) (mod., idem), 8 (mod., idem, art. 7). |
jurisprudence |
décision suivie: |
Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 C.F. 140; (2003), 23 C.P.R. (4th) 289; 300 N.R. 76 (C.A.). |
décision écartée: |
Warner-Lambert Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 129; 206 F.T.R. 177 (C.F. 1re inst.). |
décisions appliquées: |
Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 181 D.L.R. (4th) 404; 3 C.P.R. (4th) 1; 252 N.R. 72 (C.A.F.); Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 82 C.P.R. (3d) 68 (C.F. 1re inst.). |
distinction faite d'avec: |
Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 14 Admin. L.R. (3d) 173; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22; Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33; (1998), 15 Admin. L.R. (3d) 157; 159 F.T.R. 215 (1re inst.). |
décisions citées: |
H. Lundbeck A/S c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1145; [2003] A.C.F. no 1481 (1re inst.) (QL); RJR-- MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; (1994), 111 D.L.R. (4th) 385; 54 C.P.R. (3d) 114; 164 N.R. 1; 60 Q.A.C. 241; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103; (1995), 127 D.L.R. (4th) 193; [1995] 2 C.T.C. 369; 95 DTC 5551; 186 N.R. 243; Bayer Inc. c. Canada (Procureur général) (1999), 87 C.P.R. (3d) 293; 243 N.R. 70 (C.A.F.); Deprenyl Research Ltd. c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 501; 180 N.R. 323 (C.A.F.). |
DEMANDE de contrôle judiciaire du refus du ministre de la Santé de supprimer un brevet canadien du registre des brevets même si l'utilisation inscrite sur la liste des brevets ne correspondait pas à l'utilisation pour laquelle le brevet avait été approuvé et pour laquelle il avait reçu un avis de conformité. Demande rejetée.
ont comparu: |
Timothy H. Gilbert pour la demanderesse. |
Marie Lafleur pour la défenderesse Lundbeck Canada Inc. (Société X). |
Marie A. Crowley pour les défendeurs ministre de la Santé et Procureur général du Canada. |
avocats inscrits au dossier: |
Gilbert's, Toronto, pour la demanderesse. |
Fasken, Martineau, DuMoulin, s.r.l., Toronto, pour la défenderesse Lundbeck Canada Inc. (Société X). |
Le sous-procureur général du Canada, pour les défendeurs ministre de la Santé et Procureur général du Canada. |
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1]Le juge Blais: La présente demande de contrôle judiciaire, présentée conformément à l'article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, vise le refus du ministre de la Santé (le ministre) de supprimer le brevet canadien no 2049368 (le brevet 368) du registre des brevets établi en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 dans sa version modifiée (le Règlement sur les MBADC)).
[2]La demanderesse Genpharm Inc. sollicite un jugement déclaratoire portant que le brevet 368 a été erronément inscrit sur la liste des brevets ainsi qu'une ordonnance exigeant que le ministre supprime l'inscription du brevet 368 du registre.
[3]À titre subsidiaire, Genpharm sollicite une ordonnance contraignant le ministre à se conformer à l'engagement de la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de réexaminer la décision de ne pas supprimer le brevet 368 et exigeant que cet examen soit effectué selon les principes appropriés.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
[4]L'avocat de la défenderesse Société X a allégué que la demande avait été présentée hors délai puisque la décision du ministre de ne pas supprimer le brevet a été rendue le 29 mai 2002 et que la demande de contrôle judiciaire n'a été présentée que le 27 septembre 2002, soit après l'expiration du délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale. Ce paragraphe est ainsi libellé:
18.1 [. . .]
(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.
[5]La décision a été rendue le 29 mai 2002; la demanderesse a demandé la révision de la décision le 12 juin 2002 et la Direction des produits thérapeutiques lui a envoyé, le 25 juin 2002, une lettre indiquant qu'elle était disposée à réviser sa décision dès qu'elle aurait reçu l'avis de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). À mon avis, cette lettre a créé, pour la demanderesse, une attente raisonnable selon laquelle il était possible que la décision soit révisée. Par conséquent, elle était justifiée de ne pas avoir présenté sa demande avant le 28 juin 2002, soit 30 jours après la première décision. Comme la DPT n'avait pas effectué de suivi sur cette question au début du mois de septembre, la demanderesse lui a envoyé une lettre le 10 septembre 2002 pour se renseigner. Cette lettre est demeurée sans réponse et la demanderesse a soumis la présente demande le 27 septembre 2002. En vertu du paragraphe 18.1(2), il m'est permis de proroger le délai imparti pour la présentation de sa demande et j'estime qu'elle a agi dans un délai raisonnable. La demande a donc été présentée à l'intérieur du délai prévu par la Loi sur la Cour fédérale.
[6]Le protonotaire Lafrenière a accordé une ordonnance conservatoire le 4 octobre 2002, qui a été modifiée le 25 novembre 2002, à la suite d'une requête de la demanderesse Genpharm. L'ordonnance prévoyait que tout document ou chose relatif à l'identité du médicament, à l'identité de la Société X qui distribue le médicament, à l'identité, au contenu et à l'état de la demande de révision concernant la présentation abrégée de drogue nouvelle du médicament de Genpharm ainsi qu'à l'identité du brevet était visé par cette ordonnance. Cela explique l'intitulé de la présente demande. En vertu du paragraphe 19 de l'ordonnance conservatoire et du paragraphe 152(3) des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106], la Cour a le pouvoir discrétionnaire de modifier cette ordonnance. Les motifs de la présente décision énoncent que la défenderesse Lundbeck Canada Inc., tout comme le médicament citalopram et le brevet 368, sont visés en l'instance.
FAITS
[7]Le 3 décembre 2001, Genpharm a soumis une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) dans le but d'obtenir un avis de conformité (ADC) pour sa version générique du médicament appelé bromhydrate de citalopram en comprimés de concentration de 10 mg, 20 mg et de 40 mg. Ce médicament est employé pour le traitement symptomatique de la dépression.
[8]Le citalopram est un antidépresseur du genre inhibiteur sélectif de recaptage de la sérotonine (ISRS). Pour le moment, le seul fabricant et vendeur de ce médicament est Lundbeck Canada Inc. qui en fait la mise en marché en comprimés de 10 mg, 20 mg et 40 mg sous la marque Celexa®. Un avis de conformité a été délivré à Lundbeck pour le Celexa en février 1999. Cet avis précise que Celexa ne peut être utilisé que pour le traitement symptomatique de la dépression.
[9]Lundbeck détient deux brevets concernant les comprimés de citalopram, un relatif à une nouvelle étape intermédiaire, le brevet no 1237147 (le brevet 147), et l'autre relatif à l'utilisation du citalopram, le brevet no 2049368 (le brevet 368). Au début du mois de décembre 2001, les deux brevets ont été inscrits au registre des brevets pour les médicaments que tient le ministre.
[10]Dans son avis d'allégation (AA) adressé à Lundbeck le 11 décembre 2001, Genpharm allègue que les deux brevets ont été erronément inscrits, le brevet 147 parce qu'il est lié à une étape intermédiaire et le brevet 368 parce que l'utilisation pour laquelle il a reçu un avis de conformité, à savoir le traitement symptomatique de la dépression, ne faisait pas partie des utilisations protégées par le brevet et inscrites au registre.
[11]Comme la liste de brevets présentée pour inscription au registre doit décrire un brevet canadien contenant une revendication pour le médicament lui-même ou une revendication pour l'utilisation de ce médicament, Genpharm a demandé à la DPT de supprimer le brevet 147 puisqu'il ne contenait de revendication ni au sujet du médicament lui-même ni relativement à son utilisation. Le 7 janvier 2002, la DPT a supprimé le brevet 147 du registre des brevets.
[12]L'objet du présent litige est la radiation du brevet 368 que sollicite Genpharm.
[13]Dans une lettre adressée aux avocats de Genpharm le 29 mai 2002, la DPT a refusé de supprimer le brevet 368 du registre. Voici un extrait de cette lettre, signée par Mme Anne Bowes, une agente des brevets de la DPT:
[traduction]
Le CELEXA contient un ingrédient médicamenteux appelé bromhydrate de citalopram et est recommandé pour le traitement de la dépression. Conformément à l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), le brevet doit comporter une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament pour être admissible à l'inscription au registre des brevets. La Direction des produits thérapeutiques (DPT) estime que seuls les brevets qui comprennent des indications d'emploi qui ont été approuvées par la DPT devraient être assujettis au Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité). Comme je l'ai mentionné précédemment, l'utilisation approuvée pour ce médicament est le traitement de la dépression.
Le brevet 368, intitulé «Traitement des troubles vasculaires cérébraux», comporte 21 revendications. Les revendications 1 à 7 portent sur l'utilisation d'un composé de la formule I, qui contient du citalopram, pour la fabrication d'un médicament pour le traitement des déficiences cognitives ou de l'amnésie liée à la démence et aux troubles vasculaires cérébraux. Les revendications 8 à 14 portent sur la composition pharmaceu-tique ou le médicament pour le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux. Les revendications 15 à 21 ont pour but d'établir une méthode de production de la préparation pharmaceutique qui sert au traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux.
[. . .] l'avis de l'Office canadien de la propriété intellectuelle (OPIC) a été sollicité pour déterminer si le brevet 368 comportait une revendication pour l'utilisation du citalpram [sic] comme traitement de la dépression. Les agents de l'OPIC ont conclu que le brevet 368 comportait bien des revendications pour l'utilisation du citalopram pour le traitement de la dépression. La revendication 8 en particulier, qui vise le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux et qui n'est pas aussi restrictive que la revendication 1, comprend le traitement de la dépression, Le brevet 368 comporte donc une revendication pour l'utilisation du médicament. Par conséquent, le brevet 368 demeurera inscrit au registre des brevets. [Non souligné dans l'original.]
[14]La revendication 8 du brevet 368 est ainsi conçue:
[traduction] 8. Une composition pharmaceutique ou un médicament pour le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux qui renferme une certaine quantité d'un 1-[3-diméthylamino)propyl]-1- phénylphthalane de la formule, où R1 et R2 sont chacun pris dans le groupe comprenant un halogène, le trifluorométhyle, un cyano et R-CO~, où R est un radical alkyle avec 1 à 4 atomes C inclusivement, ou un sel d'addition pharmaco-acceptable de cette substance, qui est efficace pour une telle indication, et un diluant ou un véhicule pharmaco-acceptable. [Non souligné dans l'original.]
[15]La DPT a fondé sa décision sur l'avis de M. Jim Freed de l'OPIC. Celui-ci affirme simplement que le traitement de la démence comprend celui de la dépression. Cet avis, envoyé par courriel, est reproduit en partie ci-dessous:
[traduction] Les revendications 1 à 7 ne portent pas sur l'utilisation du citalopram pour le traitement de la dépression puisqu'elles restreignent l'utilisation du médicament au traitement des déficiences cognitives ou de l'amnésie liée (. . .) à la démence et aux troubles vasculaires cérébraux. En d'autres termes, les revendications visent le traitement des déficiences cognitives ou de l'amnésie, ce qui n'est pas énoncé dans l'art antérieur.
Les revendications 8 à 14 ne comportent pas la même restriction que celle énoncée au paragraphe 1.
La revendication 8 porte que i) le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux comprend le traitement de la dépression et ii) le composé de la formule I contient du citalopram. Du reste, la revendication 14, qui est directement liée à la revendication 8, fait référence au composé de la formule I comme étant du citalopram.
. . . De nouveau, la revendication 15 porte que I) le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux comprend le traitement de la dépression et ii) le composé de la formule I comprend du citalopram. [. . .]
En conclusion, le brevet 368 contient des revendications pour l'utilisation du citalopram pour le traitement de la dépression et SC devrait en être informé.
[16]Le 12 juin 2002, Genpharm a envoyé une lettre à l'OPIC pour demander la révision de l'avis donné par Jim Freed et à la DPT pour demander que le ministre révise sa décision après le réexamen de l'OPIC.
[17]Dans une lettre en date du 25 juin 2002, la DPT s'est engagée à réviser sa décision concernant l'inscription du brevet lorsqu'elle recevrait l'avis de l'OPIC.
[18]Aucune autre correspondance n'a été échangée sur cette question. Genpharm a présenté une demande de contrôle judiciaire le 27 septembre 2002. Compte tenu de l'intérêt de Lundbeck relativement à l'inscription de son brevet, elle a, tout comme le ministre, été constituée défenderesse dans la demande.
QUESTIONS EN LITIGE
[19] 1) Peut-on inscrire au registre des brevets un brevet revendiquant une utilisation d'un médicament si cette utilisation n'a pas été approuvée dans l'avis de conformité? |
2) Dans les cas où le tribunal estime que le brevet doit être supprimé de la liste ou que la question doit être réexaminée par le ministre, quelle est la réparation appropriée? |
(i) le mandamus ou la déclaration? |
(ii) l'ordonnance enjoignant au ministre de réexaminer sa décision selon les principes appropriés? |
(iii) selon le Règlement sur les MB(ADC)? |
PREUVE
Preuve d'expert
[20]Genpharm a présenté des éléments de preuve sous forme d'affidavits de deux experts, MM. Lon S. Schneider et Joel Sadavoy. Tous deux sont, selon leur curriculum, des experts qualifiés en matière de psychiatrie et de gériatrie.
[21]Les deux experts conviennent que la dépression ne devrait pas être rangée parmi les troubles vasculaires cérébraux. M. Schneider commentait l'avis de M. Freed (D.D., vol. 1, onglet 2c, à la p. 78):
[traduction] [. . .] la «dépression comme séquelle d'une maladie vasculaire cérébrale» (. . .) La validité d'une telle affection spécifique n'est pas corroborée par les données scientifiques ni par les faits. On avance l'hypothèse (sans entrer dans les détails) qu'une dépression ou un symptôme dépressif spécifique serait un résultat direct, c.-à-d. une «séquelle», de tout un éventail de troubles vasculaires cérébraux ou de la maladie d'Alzheimer, et que cette dépression différerait des autres dépressions ou symptômes dépressifs, observés en association avec d'autres affections. Une telle revendication serait qualifiée de «pseudo-scientifique», parce qu'elle allègue une spécificité qui n'est pas valide. Deuxièmement, même si l'on supposait pour l'instant qu'un symptôme de dépression résultant de troubles vasculaires était valide, il ne s'agit pas de la dépression décrite comme l'indication du citalopram dans la monographie et l'information posologique.
[22]Pour sa part, M. Sadavoy a fait les commentaires suivants (D.D., vol. I, onglet 3c, à la p. 123):
[traduction] M. Freed regroupe l'anxiété, la dépression, la perte de mémoire, etc. dans une catégorie de symptômes psychiatriques, laissant entendre qu'ils sont d'égale importance dans le diagnostic du trouble. C'est une mauvaise interprétation de la façon dont les cliniciens posent le diagnostic de démence et de ses conséquences, notamment de la démence causée par un trouble vasculaire cérébral. (. . .) Pour ce qui est de la dépression, la grande majorité des patients atteints de démence ne souffrent pas de ce problème secondaire (. . .). Cela dit, il est tout à fait malavisé sur le plan clinique de laisser entendre que le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux englobe systématiquement le traitement de la dépression au moyen du même médicament. Tout médicament disponible pour le traitement de la démence vise avant tout à traiter le trouble cognitif. (. . .) Il n'existe aucun médicament dans la famille des antidépresseurs qui traite simultanément la composante cognitive et dépressive de la démence.
En ce qui concerne précisément le citalopram, ce médicament n'est pas recommandé pour le traitement primaire de la démence.
[23]Lundbeck a présenté le témoignage de M. Gauthier qui est également un témoin expert dans le dossier T-122-02 [H. Lundbeck A/S c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1145 [2003] A.C.F. no 1481 (1re inst.) (QL)].
[24]M. Gauthier allègue la présence de la dépression chez les personnes atteintes de démence et fait référence à une étude de 1992 pour démontrer que le citalopram constitue une piste de solution pour le traitement d'un grand éventail de symptômes autres que la simple dépression. Voici les conclusions auxquelles il est parvenu (affidavit de M. Gauthier, doc. 39, dossier de la Cour):
[traduction] Il y a un chevauchement important entre l'ensemble des patients souffrant de démence et ceux souffrant de dépression.
Nous possédons suffisamment d'information et la plausibilité biologique est suffisamment grande pour appuyer un emploi plus important du citalopram à titre de drogue antidémence, au-delà de son utilisation d'origine comme antidépresseur.
Le citalopram est déjà prescrit à de nombreuses personnes souffrant de démence.
S'il estime que le geste est dans l'intérêt supérieur de son patient, rien n'empêche le médecin de prescrire du citalopram pour le traitement de la démence, néanmoins, le citalopram n'a pas été approuvé pour cette utilisation par Santé Canada.
[25]Avec égards, ces conclusions ne nous éclairent pas sur l'utilisation du citalopram autrement qu'à titre d'antidépresseur, l'utilisation antérieure déjà établie.
[26]M. Gauthier nous renvoie à quatre études seulement qui ont examiné les effets du citalopram sur des personnes dépressives et non dépressives atteintes de la maladie d'Alzheimer et souligne l'une d'entre elles effectuée en 1992. Je remarque que les études jointes à l'onglet 3b de son affidavit portent uniquement sur le traitement de la dépression chez les personnes âgées. Nous retrouvons l'étude de 1992 à l'onglet 3c.
[27]L'expression «plausibilité biologique» me semble particulièrement vague; elle ne satisferait certainement pas aux critères d'innocuité et d'efficacité pour un usage humain. L'affirmation que de nombreuses personnes qui souffrent de démence se voient déjà prescrire le citalopram ne fait qu'énoncer une conséquence de la première allégation, à savoir qu'il y a un grand chevauchement entre l'ensemble des personnes souffrant de démence et celles souffrant de dépression. Sans plus de précision, cette allégation ne signifie rien. Y a-t-il un chevauchement entre la démence et la dépression?
[28]Enfin, pour ce qui est de la dernière conclusion, rien n'empêche un médecin de prescrire quoi que ce soit. Toutefois, la probabilité qu'un médecin traite la démence avec le citalopram, à l'encontre de toute preuve médicale dont nous disposons à ce jour, y compris la documentation présentée par M. Gauthier, est une question que M. Gauthier évite soigneusement.
Interprétation du Règlement sur les MB(ADC)
[29]Genpharm et Lundbeck sont en complet désaccord en ce qui concerne l'interprétation correcte du Règlement sur les MB(ADC) dans le but de déterminer si l'utilisation protégée par la liste de brevets doit être incluse dans l'avis de conformité. Certaines des lignes directrices de la DPT ajoutent à la confusion.
[30]M. Richard Pike, vice-président principal de la direction de la recherche et développement et des affaires réglementaires de Genpharm, énonce ce qui suit dans son affidavit (affidavit de Richard Pike, à la p. 4):
[traduction] Pour qu'un brevet soit admissible à l'inscription au registre des brevets, il doit comprendre une revendication concernant le médicament approuvé ou concernant l'utilisation d'un médicament relatif à la drogue particulière indiquée dans la demande d'avis de conformité. Les lignes directrices publiées par le ministre énoncent clairement que seuls les brevets portant sur le médicament approuvé ou sur l'utilisation approuvée du médicament sont admissibles à l'inscription.
[31]M. Pike fait particulièrement référence à ces documents publiés par la DPT:
1) «Ligne directrice à l'intention de l'industrie: Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)»; |
2) Résumé analytique de la question: Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). |
[32]Le premier document est un document d'orientation pour les gens de l'industrie qui expose les diverses exigences du Règlement sur les MB(ADC) en ce qui concerne l'inscription d'un brevet au registre des brevets. Il y est dit que le Règlement sur les MB(ADC) prévaut sur la ligne directrice.
[33]Sous le titre «Admissibilité des brevets», le point 3.2.3 énonce ce qui suit:
Un brevet sera jugé admissible [au registre des brevets] s'il est en rapport avec la drogue décrite en fonction de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administra-tion. En général, les facteurs déterminant l'admissibilité d'un brevet sont les suivants:
· le brevet doit comporter une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament. Aux fins de cette détermination, le «médicament» est conforme à la description qui a été faite dans la présentation de drogue connexe pour laquelle l'avis de conformité est délivré; |
[34]Dans le second document, on peut lire cet extrait:
4.2.1 Usages thérapeutiques/indications
[. . .]
L'indication [d'usage thérapeutique dans le formulaire employé pour faire la demande d'inscription] est utilisée comme critère d'admissibilité seulement dans les cas de brevets dont la demande se limite à une indication spécifique, excluant toutes les autres. Les brevets sont inscrits au registre contre des drogues pour lesquelles un avis de conformité a été délivré. Si une indication n'a pas fait l'objet d'un avis de conformité, les brevets se limitant à cette indication ne devraient pas être admissibles au registre.
En conformité avec le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (DORS 133/93), le Règlement vise à lier l'approbation de la commercialisation d'une drogue reposant sur l'approbation antérieure d'une drogue connexe à la protection par brevet obtenue par les brevets de produits et d'usages touchant au médicament déjà approuvé. Le Règlement devrait porter seulement sur les brevets pour des indications déjà approuvées par Santé Canada. [Non souligné dans l'original.]
[35]Mme Louise Gariépy, codirectrice des affaires scientifiques et réglementaires chez Lundbeck Canada Inc., a déclaré ce qui suit dans son affidavit (affidavit de Mme Louise Gariépy, à la page 2, doc. 30):
[traduction] En dépit du fait que l'avis de conformité délivré à Lundbeck approuve l'utilisation des comprimés de citalopram de 10 mg, 20 mg et de 40 mg pour le traitement symptomatique de la dépression, aucune disposition législative pertinente n'impose l'inscription de brevets à la liste de brevets si ceux-ci ne revendiquent ni un médicament ni une utilisation pour laquelle un avis de conformité a été délivré. En effet, le Règlement sur les MB (ADC) (le Règlement) exige uniquement que le brevet soit pertinent quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle l'avis de conformité a été délivré. La revendication du brevet 368 indique que l'utilisation du bromhydrate de citalopram a les mêmes forme posologique, concentration et voie d'administration que celles indiquées dans l'avis de conformité délivré.
ARGUMENTS DES PARTIES
Genpharm
[36]La demanderesse allègue que le brevet 368 est erronément inscrit sur la liste des brevets et devrait être supprimé du registre des brevets. Les utilisations du médicament contenues dans les revendications, soit le traitement de la démence, de l'ischémie, des troubles vasculaires cérébraux et de la maladie d'Alzheimer, ne sont pas des utilisations approuvées par le biais du processus de délivrance de l'avis de conformité. La seule utilisation reconnue par l'avis vise le traitement symptomatique de la dépression. Il s'agit d'une utilisation déjà établie et, par conséquent, elle ne bénéficie pas de la protection offerte par le registre des brevets.
[37]Le ministre a l'obligation de tenir le registre des brevets et devrait être tenu de supprimer le brevet 368. À titre subsidiaire, le tribunal devrait lui ordonner de réviser, selon les principes appropriés, sa décision de ne pas supprimer le brevet 368.
[38]La position de M. Freed, à savoir que le brevet 368 comprend le traitement de la dépression et rend ainsi l'inscription valide, est insoutenable: la revendication ne contient aucune référence au traitement de la dépression et, même si l'on interprétait les revendications du brevet de façon à inclure le traitement de la dépression, elles ne peuvent donner lieu à une contrefaçon de brevet puisque le citalopram est un antidépresseur bien connu selon les termes mêmes du brevet.
[39]La demanderesse soutient que l'interprétation correcte du Règlement sur les MB(ADC), telle qu'indiquée dans les documents d'orientation publiés par la DPT, démontre la nécessité d'un lien entre l'avis de conformité et la liste de brevets.
Lundbeck
[40]Pour sa part, la défenderesse allègue que les seules exigences de contenu à satisfaire pour l'inscription au registre sont énoncées aux articles 3 [mod. par DORS/98-166, art. 2] et 4 [mod., idem, art. 3] du règlement sur les MB(ADC); il n'est pas indiqué que l'utilisation doive être la même que celle approuvée dans l'avis de conformité. Voici les conditions d'inscription d'un brevet au registre:
- le brevet ne peut être consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité (paragraphe 3(3));
- une liste de brevets ne peut être soumise qu'à l'égard d'une drogue pour laquelle un avis de conformité a déjà été obtenu ou demandé (paragraphe 4(1));
- la liste de brevets peut uniquement contenir des renseignements sur un brevet qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament (alinéa 4(2)b));
- le brevet doit être pertinent quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue (alinéa 4(7)b)).
[41]La défenderesse soutient que les conditions sont remplies en l'espèce. En réponse aux arguments de Genpharm voulant que les documents d'orientation publiés par la DPT semblent exiger que l'utilisation visée par le brevet soit énoncée dans l'avis de conformité, Lundbeck affirme que le ministre usurpe le rôle du législateur en choisissant de refuser d'inscrire les brevets dont les indications d'emploi ne sont pas approuvées.
[42]Lundbeck soutient également que l'OPIC a confirmé que le brevet comprenait une revendication concernant la dépression, l'utilisation approuvée du citalopram. Genpharm n'a pas contesté la validité du brevet et celui-ci est présumé valide. Enfin, Lundbeck allègue que cette question est déjà sous examen dans le dossier T-122-02.
Ministre de la Santé
[43]Le ministre se fonde sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 181 D.L.R. (4th) 404 pour affirmer que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée parce qu'il ne s'agit pas du tribunal approprié pour obtenir réparation.
[44]Le ministre jouit d'une entière discrétion pour ajouter des listes de brevets au registre ou les supprimer. Le Règlement sur les MB(ADC) prévoit un régime complet de règles régissant l'admissibilité à l'inscription au registre.
[45]Bien que la Couronne soutienne en défense que la demande doit être rejetée, le ministre semble étayer l'idée que «lorsqu'un brevet se limite à une indication spécifique, il ne peut être ajouté au registre que si cette indication a déjà fait l'objet d'un avis de conformité».
[46]Le seul argument soulevé porte sur le tribunal approprié. Selon le ministre, le Règlement sur les MB(ADC) prévoit une réparation entière. Si des procédures sont intentées en vertu du paragraphe 6(1) [mod. par DORS/98-166, art. 5], le fabricant de produits génériques peut, en vertu de l'alinéa 6(5)a) [mod., idem], demander au tribunal de rejeter la demande présentée si le brevet n'est pas admissible à l'inscription au registre. L'alinéa 6(10)b) [mod., idem] prévoit également une réparation sous forme de dépens dans le cas de l'inscription, sur la liste de brevets qui fait l'objet d'une attestation, de tout brevet qui n'aurait pas dû y être inclus aux termes de l'article 4. La norme de contrôle judiciaire de la décision du ministre n'est pas celle de la décision correcte. La norme de contrôle de la décision d'inscription doit être celle de la décision correcte. Cependant, la décision du ministre de refuser d'y ajouter, ou d'en supprimer, un brevet qui n'est pas admissible peut uniquement faire l'objet d'un contrôle fondé sur la retenue judiciaire.
[47]À titre de défenderesse, la Couronne allègue que le tribunal approprié a déjà été constitué pour Genpharm dans le dossier T-122-02. Par ailleurs, le fait que le tribunal renvoie l'affaire au ministre pour réexamen à la lumière de la déclaration de la DPT voulant qu'elle soit disposée à réviser sa décision équivaudrait à rendre une ordonnance de mandamus ou à prononcer une déclaration à laquelle Genpharm n'a pas droit en raison de la décision Apotex, précitée.
ANALYSE
1) Peut-on inscrire au registre des brevets un brevet revendiquant une utilisation d'un médicament si cette utilisation n'a pas été approuvée dans l'avis de conformité? |
Dispositions législatives pertinentes
Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133
Définitions
2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.
«avis de conformité» Avis délivré au titre de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues. |
«expiré» Se dit du brevet qui est expiré, qui est périmé ou qui a pris fin par l'effet d'une loi. |
«liste de brevets» Liste de brevets soumise aux termes de l'article 4. |
«médicament» Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes. |
«ministre» Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social. |
«première personne» La personne visée au paragraphe 4(1). |
«registre» Le registre tenu par le ministre conformément a l'article 3. |
«revendication pour le médicament en soi» S'entend notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes. |
«revendication pour l'utilisation du médicament» Revendication pour l'utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l'atténuation ou de la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes. |
«seconde personne» Selon le cas, la personne visée aux paragraphes 5(1) ou (1.1). |
«tribunal» La Cour fédérale du Canada ou tout autre cour supérieure compétente. |
Registre
3. (1) Le ministre tient un registre des renseignements fournis aux termes de l'article 4. À cette fin, il peut refuser d'y ajouter ou en supprimer tout renseignement qui n'est pas conforme aux exigences de cet article.
(2) Le registre est ouvert à l'inspection publique durant les heures de bureau.
(3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.
(4) Pour décider si tout renseignement fourni aux termes de l'article 4 doit être ajouté au registre ou en être supprimé, le ministre peut consulter le personnel du Bureau des brevets.
Liste de brevets
4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).
(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants:
a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue; |
b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre; |
c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste; |
d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets; |
e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même. |
(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.
(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).
(5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.
(6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4).
(7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que:
a) les renseignements fournis sont exacts; |
b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité. |
Interprétation du Règlement sur les MB(ADC)
[48]Il semble que l'interprétation correcte du Règlement sur les MB(ADC) consiste à le considérer dans son ensemble. En l'espèce, ni l'un ni l'autre des avocats ne s'est penché sur la signification du paragraphe 3(3). Pourtant, ce paragraphe est essentiel à la compréhension du lien entre le registre et l'avis de conformité.
[49]La version française du paragraphe 3(3) est ainsi libellé:
3. [. . .]
(3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.
[50]Il me semble difficile de concilier le libellé de ce paragraphe avec l'argument de Lundbeck voulant qu'il n'y ait pas nécessairement de lien entre les utilisations revendiquées et celles approuvées. Le terme «renseignement» de la version française est plus précis que le terme «information» de la version anglaise. Contrairement à ce que semble prétendre Lundbeck, il n'y est pas dit qu'une fois obtenu l'avis de conformité, tout renseignement concernant la drogue en cause (y compris les revendications non approuvées) peut être inscrit au registre. À mon avis, il est possible de soutenir que les renseignements inscrits au registre doivent correspondre aux renseignements fournis pour l'obtention de l'avis de conformité, ce qui comprendrait l'utilisation du médicament.
[51]L'interprétation de la DPT et celle du ministre semblent confirmer cette interprétation. L'OPIC semble également attacher de l'importance au lien entre la revendication et l'utilisation approuvée (au point d'estimer que la dépression était visée alors que les revendications du brevet) n'en font pas mention.
[52]Lundbeck fait valoir que la seule condition énoncée concerne la forme posologique, la concentration et la voie d'administration (l'alinéa 4(2)a) et le paragraphe 4(7)). Toutefois, cet argument ne tient pas compte de l'interprétation du Règlement sur les MB(ADC) dans son ensemble, l'une des règles fondamentales en matière d'interprétation législative.
[53]Le paragraphe 3(3) énonce qu'aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 ne peut être consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis. Le paragraphe 4(1) dispose qu'une fois l'avis de conformité obtenu, ou à tout le moins demandé, il est possible de soumettre une liste de brevets au ministre; cette liste doit être accompagnée de l'attestation visée au paragraphe 4(7). Aux termes de l'alinéa 4(2)b), la liste de brevets doit indiquer tout brevet canadien qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament que la personne souhaite voir inscrit au registre. Enfin, l'alinéa 4(7)b) dispose que la personne qui soumet une liste de brevets doit remettre une attestation portant que les brevets sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration. En d'autres termes, cette dernière exigence n'est pas la seule et l'admissibilité ne dépend pas uniquement de la forme posologique, la concentration et la voie d'administration. Le fait que la dernière exigence soit énoncée en deux occasions ne diminue en rien l'importance de l'avis de conformité qui, en vertu du paragraphe 3(3), est la condition préalable à l'inscription au registre.
[54]Dans le document «Ligne directrice à l'intention de l'industrie» qu'elle a publié, la DPT explique ainsi le lien entre l'avis de conformité et la liste de brevets:
3.2.1 Liste de brevets soumise en même temps que la demande:
Lorsqu'elle dépose une demande d'avis de conformité, la première personne peut présenter une liste des brevets délivrés qui, selon elle, contiennent une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament et qui devrait couvrir la drogue à l'égard de laquelle la demande d'avis de conformité a été déposée.
[55]La question de l'admissibilité des brevets au registre y est également expliquée plus amplement aux pages 5 et 6:
3.2.3 Admissibilité des brevets:
Le Règlement et la jurisprudence connexe décrivent les facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si des brevets doivent être ajoutés au registre ou en être supprimés.
Un brevet sera jugé admissible s'il est en rapport avec la drogue décrite en fonction de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administration. En général, les facteurs déterminant l'admissibilité d'un brevet sont les suivants:
le brevet doit comporter une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament. Aux fins de cette détermination, «le médicament» est conforme à la description qui a été faite dans la présentation de drogue connexe pour laquelle l'avis de conformité est délivré; [Non souligné dans l'original.]
Jurisprudence
[56]À ma connaissance, il s'agit de la première affaire où la question en litige porte sur une revendication concernant l'utilisation d'un médicament. Cependant, la question du lien entre l'avis de conformité et la liste de brevets, qui est au coeur de la présente instance, a été soulevée relativement à la revendication pour le médicament en soi dans deux décisions clés, Warner-Lambert Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 129 (C.F. 1re inst.); et Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 C.F. 140 (C.A.). Compte tenu de la similarité du libellé de l'alinéa 4(2)b)--une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament--j'estime que ces décisions s'appliquent en l'espèce et que je suis lié par la décision de la Cour d'appel fédérale.
[57]Dans Warner-Lambert, le ministre a décidé de ne pas ajouter les listes de brevets concernant deux brevets et de supprimer les listes de brevets déjà inscrites au registre pour ces deux mêmes médicaments parce que la composition des matières brevetées de la drogue n'avait pas fait l'objet d'un avis de conformité; un avis de conformité avait plutôt été délivré pour un médicament contenant le même ingrédient médicamenteux que celui de la drogue dont le brevet a été inscrit. La drogue pour laquelle l'avis de conformité avait été délivré contenait un ingrédient médicamenteux appelé chlorhydrate de quinapril. Le premier brevet portait sur la formulation pharmaceutique contenant le médicament et un stabilisant à l'acide ascorbique; le second brevet portait sur la formulation pharmaceutique contenant le médicament et un acide ascorbique et/ou un ascorbate de sodium. Les deux drogues à l'égard desquelles l'avis de conformité a été délivré ne contenaient ni le stabilisant à l'acide ascorbique ni l'acide ascorbique et/ou l'ascorbate de sodium. Le juge Pinard a conclu que, parce que les drogues approuvées par l'avis de conformité n'avaient pas été présentées conformément aux brevets, il n'était pas justifié d'inscrire les brevets au registre et que le ministre a eu raison de refuser d'ajouter les nouvelles listes de brevets et de supprimer celles qui y étaient déjà inscrites [aux paragraphes 17 à 19]:
Selon moi, les paragraphes 4(1), (2) et (7) du Règlement sont clairs: pour qu'un brevet compris dans une liste de brevets soit admissible à l'inclusion dans le registre, il doit s'appliquer à un médicament pour lequel une demande d'avis de conformité a été déposée. Cette exigence contribue d'une manière évidente à s'assurer qu'une liste de brevets est «spécifique d'un produit», qui est un objectif clairement décrit dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation accompagnant les modifications apportées à l'article 4 du Règlement en 1998:
Les titulaires de brevets doivent certifier que les brevets répertoriés sur la liste correspondant à un médicament se rapportent au médicament en question, afin d'éviter que des brevets visant d'autres versions du médicament empêchent de commercialiser la version générique. |
Dans la présente affaire, le preuve montre que les brevets 023 et 024 renferment des revendications relatives à des formulations pharmaceutiques qui sont considérées, au sens du Règlement, comme des médicaments faisant état d'un ingrédient médicamenteux (voir Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58 (C.F. 1re inst.); confirmé (1995), 67 C.P.R. (3d) 25 (C.A.F.); requête en autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada rejetée [1996] C.S.C. no 65 (C.S.C.) (QL)).
Toutefois, la preuve montre également que les médicaments spécifiques visés par les brevets 023 et 024 n'ont jamais fait l'objet d'une demande d'avis de conformité en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., c. 870, et ses modifications. De plus, la preuve montre que les produits médicamenteux ACCUPRIL et ACCURETIC, pour lesquels des présentations de drogue ont été soumises et approuvées par le Ministre, ne contiennent ni stabilisant à l'acide ascorbique, ni acide ascorbique ou ascorbate de sodium, qui sont les stabilisants contenus dans les formulations visées par les brevets 023 et 024. Par conséquent, ces brevets ne correspondent pas aux produits médicamenteux pour lesquels le fabricant a soumis une demande d'avis de conformité. En conséquence, ils ne sont pas conformes aux exigences d'admissibilité décrites aux paragraphes 4(1), (2) et (7) du Règlement. Le Ministre était donc fondé de refuser d'ajouter les brevets 023 et 024 au registre. [Non souligné dans l'original.]
[58]Toutefois, dans la décision Eli Lilly, précitée, la juge Sharlow, s'exprimant au nom des juges majoritaires, a estimé qu'il n'y avait pas nécessairement de rapport entre l'avis de conformité et la liste de brevets au-delà des exigences de l'article 4. Plus précisément, selon elle, l'argument de la «pertinence» que le ministre avait invoqué et qui avait constitué le facteur déterminant de la décision Warner-Lambert, précitée, a été interprété de façon trop libérale par le juge Pinard. Selon la juge Sharlow, on ne peut établir de distinction entre les faits de l'affaire Eli Lilly et ceux de l'affaire Warner-Lambert. Elle a écrit ce qui suit au paragraphe 32:
De l'examen du Résumé de l'étude d'impact de la réglementation de 1998 dans son ensemble, il ressort que l'extrait cité dans la décision Warner-Lambert renvoie spécifiquement à l'alinéa 4(7)b) du Règlement sur les MB(ADC). J'en déduis que la «pertinence» dont fait mention cet extrait se rapporte à la nouvelle exigence d'une attestation de la pertinence quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration. Si c'est le cas, on obtiendra la liste de brevets «spécifique d'un produit» que l'on recherche en respectant la conformité à l'alinéa 4(7)b). Je ne suis pas persuadée que l'extrait cité ait la portée plus large plaidée par le ministre.
[59]Puis, au paragraphe 34, après avoir cité les paragraphes 4(1) et (7) du Règlement sur les MB(ADC):
Je n'arrive pas à interpréter ces formulations de la manière préconisée dans l'argumentation du ministre. Le paragraphe 4(1) détermine les personnes qui peuvent présenter une liste de brevets, non ce que peut contenir une liste de brevets. De même, les mots soulignés de l'alinéa 4(7)b) ne décrivent pas une relation entre la drogue désignée dans l'avis de conformité et les brevets qui peuvent être inclus dans la liste de brevets. Plutôt «la drogue visée par la demande d'avis de conformité» est simplement Tazidime.
[60]Les principes d'interprétation des revendications nous sont de peu d'utilité en l'espèce puisque la question soulevée par Genpharm consiste à déterminer s'il est possible d'inscrire un brevet dont les revendications d'utilisation n'ont pas été approuvées. Les faits suivants ne sont pas contestés: a) Lundbeck a obtenu un avis de conformité pour le Celexa concernant le traitement symptomatique de la dépression; b) l'utilisation approuvée est un usage établi qui ne peut pas être protégé par brevet; et c) aucun avis de conformité n'a été délivré à l'égard des utilisations brevetées du Celexa.
[61]Selon la preuve, le refus de supprimer la liste de brevets ainsi que le demandait Genpharm était fondé non pas sur l'absence de lien entre l'avis de conformité et la liste de brevets, mais plutôt sur le lien dont l'OPIC allègue l'existence: l'une des revendications pour l'utilisation du médicament comprend l'utilisation approuvée du Celexa concernant la dépression.
[62]L'avis de M. Freed que Lundbeck invoque une arme à double tranchant--soit l'utilisation est approuvée et ne peut être brevetée pour cette raison parce qu'il s'agit d'une utilisation déjà établie, soit elle est brevetable parce qu'il s'agit d'une nouvelle utilisation auquel cas, comme elle n'a pas été approuvée, aucun avis de conformité ne pourrait être délivré pour cette utilisation à un fabricant de médicament générique, et la contrefaçon est improbable. Lundbeck allègue que la dépression visée par la nouvelle utilisation est une forme quelque peu différente de la dépression visée par l'avis de conformité qui pourrait donner lieu à une contrefaçon. Cela devient alors une question de fait concernant l'ordonnance d'interdiction et cette question est traitée dans le dossier T-122-02.
[63]On peut imaginer qu'une nouvelle utilisation soit protégée par un avis de conformité, auquel cas il serait, à bon droit, interdit à Genpharm de contrefaire cette utilisation. Dans ces circonstances, il y aurait correspondance entre l'avis de conformité et la liste de brevets, alors qu'en l'espèce Genpharm allègue que le brevet 368 a été inscrit par erreur parce qu'il n'y a pas de telle correspondance. La question de la contrefaçon peut être abordée de deux façons: soit le brevet est supprimé de la liste pour que le fabricant de médicament générique n'ait pas à alléguer l'absence de contrefaçon conformément à l'article 5 [mod. par DORS/98-166, art. 4; 99-379, art. 2] du Règlement sur les MB(ADC), soit la personne doit inclure une allégation d'absence de contrefaçon portant sur les revendications inscrites à la liste de brevets. Pour les motifs exposés ci-après, je suis arrivé à la conclusion que la voie appropriée est l'allégation d'absence de contrefaçon. Premièrement, l'orientation établie par la Cour d'appel fédérale rend la radiation de brevets problématique. Deuxièmement, comme l'a fait valoir la Couronne en défense en se fondant sur la décision Apotex, précitée, le Règlement sur les MB(ADC) prévoit des mesures de réparation complètes pour ce problème.
[64]La demanderesse a fait valoir plusieurs arguments pour expliquer pourquoi une liste de brevets non conforme à l'avis de conformité ne pourrait être admissible au registre. J'estime ces arguments plutôt convaincants. De plus, compte tenu du document d'orientation, du résumé analytique de la question, de la position adoptée en défense par la Couronne dans la présente instance et de la position du ministre dans la décision Warner-Lambert, précitée, ainsi que dans la décision Eli Lilly, précitée, il appert que la position de la demanderesse soit fondée sur davantage que sa propre interprétation du Règlement sur les MB(ADC).
[65]Toutefois, la Cour d'appel fédérale a clairement indiqué dans la décision Eli Lilly que la question de la pertinence doit être définie strictement en ce qui concerne les exigences explicites du Règlement sur les MB(ADC) [aux paragraphes 19, 21 et 22]:
Le ministre, dans l'exercice du pouvoir prévu au paragraphe 3(1), doit examiner si la liste de brevets est conforme aux exigences des paragraphes 3(3), 4(1), 4(2) et 4(7) du Règlement sur les MB(ADC).
[. . .]
Le paragraphe 3(3) vise à éviter que le ministre ne donne suite à une liste de brevets soumise à l'égard d'un produit pharmaceutique particulier avant qu'un avis de conformité n'ait été délivré à l'égard du produit. [. . .]
Le paragraphe 4(1) indique au ministre qui a le droit de déposer une liste de brevets. Ce droit est accordé à la personne qui dépose ou a déposé une présentation de drogue nouvelle en vue d'obtenir un avis de conformité à l'égard d'une «drogue contenant un médicament» ou à la personne qui a obtenu un tel avis.
[66]Les conditions énoncées aux paragraphes 3(3), 4(1), 4(2) et 4(7) du Règlement sur les MB(ADC) ont été examinées dans la décision et on a conclu qu'il y avait été satisfait. Le défendeur allègue que ces mêmes conditions s'appliquent en l'espèce et, après une interprétation stricte des dispositions, en les examinant isolément, je suis porté à partager son avis.
[67]Un avis de conformité a été délivré pour la drogue appelée Celexa (paragraphe 3(3)).
[68]La défenderesse est une personne qui a obtenu un avis de conformité pour une drogue (le Celexa) contenant un médicament (le citalopram) et peut, par conséquent, soumettre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe 4(7) (paragraphe 4(1)).
[69]La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue; le brevet comporte une revendication pour l'utilisation du médicament (paragraphe 4(2)).
[70]La personne qui soumet une liste de brevets doit avoir remis une attestation portant que les renseignements fournis sont exacts, les brevets sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité (paragraphe 4(7)).
[71]Dans Eli Lilly, précité, les juges majoritaires sont arrivés à la conclusion suivante en ce qui concerne l'inscription du brevet au registre [au paragraphe 29]:
Sur le fondement de l'interprétation qui précède selon le sens ordinaire et grammatical du Règlement sur les MB(ADC), le brevet 969 devrait pouvoir être inclus dans les listes de brevets pour Tazidime. C'est l'interprétation qu'il y a lieu d'adopter à moins qu'on puisse raisonnablement prêter au texte du Règlement sur les MB(ADC) une signification différente qui s'accorderait mieux avec l'objet du Règlement.
[72]Les juges majoritaires indiquent dans leurs motifs que cette interprétation stricte est conforme à l'intention du Règlement sur les MB(ADC), soit la protection des brevets.
[73]Dans l'énoncé de ses motifs fortement dissidents, le juge Isaac a affirmé (au paragraphe 51): «contrairement à ce qu'a affirmé ma collègue, qu'il n'a pas été satisfait aux exigences du paragraphe 3(3)».
[74]Le juge Isaac affirme ne pas être d'accord avec le juge Sharlow (au paragraphe 52) «que du fait que l'appelante a obtenu un avis de conformité à l'égard de Tazidime, laquelle contient de la ceftazidime, il lui est permis de soumettre une liste de brevets à l'égard de la drogue Tazidime». À son avis, le «médicament en soi» ne peut être de la ceftazidime qui, employée seule, ne correspond pas à la définition de «médicament» (la ceftazidime est toxique en soi). La revendication pour le médicament en soi, protégée par la liste de brevets, doit porter sur la formule brevetée qui constitue un médicament en soi conformément à la définition. Le problème est qu'aucun avis de conformité n'a été délivré pour la version brevetée et que, par conséquent, la drogue visée par l'avis de conformité n'est pas la même que la drogue visée par la liste de brevets, donc la condition énoncée au paragraphe 3(3) n'est pas remplie.
[75]De plus, le juge Isaac n'est pas d'accord avec la juge Sharlow lorsque celle-ci affirme que le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation [au paragraphe 33] «se limite à expliquer en termes très généraux l'objectif du règlement auquel il se rapporte» et cite trois décisions où le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation a servi de fondement pour l'interprétation du Règlement sur les MB(ADC) (RJR--MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 353; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, à la page 139; Bayer Inc. c. Canada (Procureur général) (1999), 87 C.P.R. (3d) 293 (C.A.F.), à la page 296). Dans ses motifs, la juge Sharlow a rejeté le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation et a interprété le Règlement sur les MB(ADC) uniquement à titre de moyen de protéger les droits des détenteurs de brevets. Le juge Isaac a dit (au paragraphe 73):
En acceptant, aux paragraphes 34 et 35 de ses motifs, que le seul objet du Règlement sur les MB(ADC) est de prévenir la contrefaçon de brevets, ma collègue n'accorde pas de poids à la déclaration suivante, contenue dans le Résumé de l'étude d'impact de la Réglementation de 1998 [. . .] qui accompagnait le Règlement sur les MB(ADC) modifié, démontrant son double objet:
Le lien entre le statut du brevet protégeant un médicament et l'approbation d'une version générique de ce médicament est maintenu afin de faire respecter véritablement les droits conférés par les brevets, tout en assurant que les médicaments génériques puissent être commercialisés aussitôt que possible, soit dès qu'il est déterminé qu'ils ne sont couverts par aucun brevet, soit, s'ils sont couverts par un brevet, immédiatement après l'expiration de celui-ci. [. . .]
Les modifications envisagées renforceront l'équilibre entre l'assurance d'un mécanisme qui permet de faire véritablement respecter les droits conférés par les brevets et la garantie que les médicaments génériques soient commercialisés aussitôt que possible.
[76]La Cour d'appel fédérale n'a pas encore rendu de décision dans un dossier portant sur la même question que celle de la présente instance, soit de déterminer si «une revendication pour l'utilisation du médicament», selon les termes de l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les MB(ADC), doit porter sur les utilisations approuvées par Santé Canada dans l'avis de conformité. La logique semble imposer une telle interprétation; alors que la décision Eli Lilly, précitée, semble indiquer l'approche contraire.
[77]Pour l'instant, j'estime être lié par la décision Eli Lilly, j'estime devoir conclure que les conditions nécessaires pour l'inscription au registre sont remplies et devoir permettre à Lundbeck d'inscrire le brevet 368 pour le médicament Celexa. Il est manifeste que le Règlement sur les MB(ADC) gagnerait à être formulé plus clairement pour nous venir en aide et prévenir de nombreux litiges qui continueront à survenir tant que l'ambiguïté subsistera.
2) La réparation appropriée
[78]Même si, en l'espèce, il a été tranché que le brevet pouvait être inscrit au registre, la question de savoir quelle aurait été la réparation appropriée s'il en avait été autrement doit être réglée. Particulièrement, la Cour peut-elle ordonner au ministre d'ajouter une liste de brevets au registre ou de supprimer une liste de brevets? Est-il possible d'ordonner des mesures de redressement déclaratoires dans le cadre d'une telle instance? Subsidiairement, la Cour peut-elle enjoindre au ministre de prendre une décision, en se basant sur les principes appropriés, conformément à l'engagement de la DPT de réexaminer la décision de ne pas supprimer la liste de brevets du registre? La décision suivante de la Cour d'appel fédérale fournit des directives claires: Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 181 O.L.R. (4th) 404.
i) La Cour peut-elle ordonner au ministre d'ajouter une liste de brevets au registre ou d'en supprimer une? |
[79]Dans Apotex, les appelantes ont soutenu que, puisque les revendications relatives aux procédés ne pouvaient être inscrites au registre, le ministre avait le devoir de refuser d'ajouter ou de supprimer de tels brevets comme il a été décidé dans l'affaire Deprenyl Research Ltd. c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 501 (C.A.F.). La Cour a répondu ainsi à cet argument aux paragraphes 11 et 12:
Le paragraphe 3(1) impose au ministre l'obligation de tenir le registre. Toutefois, compte tenu des mots «peut refuser d'y ajouter ou en supprimer» figurant au paragraphe 3(1), le pouvoir que possède le ministre de refuser d'ajouter ou de supprimer un brevet est de nature discrétionnaire. Il est clair que le gouverneur en conseil n'a pas imposé au ministre l'obligation, en vertu du paragraphe 3(1), de refuser d'ajouter ou de supprimer un brevet. Le ministre affirme que c'était à cause de l'obligation prima facie qui lui était imposée aux termes du paragraphe 3(1) en vertu duquel il devait tenir un registre des renseignements fournis aux termes du paragraphe 4(1), à savoir une liste de brevets soumise aux termes du paragraphe 4(1). Il pouvait dans certains cas être difficile de déterminer si un brevet était admissible à l'inscription au registre; le gouverneur en conseil croyait que le ministre devait faire preuve d'une certaine souplesse en déterminant dans quelles circonstances il devait refuser d'ajouter ou supprimer pareils brevets et s'il devait refuser de le faire. Sans statuer à ce stade sur le bien-fondé de l'argument du ministre, il est clair que le pouvoir que possède le ministre de refuser d'ajouter au registre ou supprimer du registre des brevets aux termes du paragraphe 3(1) est de nature discrétionnaire.
Puisque le ministre n'est pas tenu de refuser d'ajouter un brevet au registre ou de supprimer un brevet du registre aux termes du paragraphe 3(1), rien ne permet d'accorder le bref de mandamus, l'injonction ou le jugement déclaratoire sollicités par les appelantes.
[80]Dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1998), 82 C.P.R. (3d) 68 (C.F. 1re inst.), le juge Gibson a examiné les conditions en vertu desquelles le mandamus peut être ordonné. La cinquième condition se rapporte au fait qu'on ne peut recourir à aucune autre réparation. Voici un extrait des motifs de sa décision qui s'applique tout autant en l'espèce (au paragraphe 34):
Je cite la cinquième condition précitée, à savoir que le demandeur n'a aucun autre recours. En l'espèce, les demanderesses sont préoccupées par un éventuel retard dans le lancement sur le marché de versions génériques de médicaments en raison d'instances en interdiction par ailleurs inutiles introduites relativement à des brevets qui sont effectivement inscrits au registre, mais qui n'avaient pas le droit d'y être. À mon sens, il s'agit là d'une préoccupation légitime qui peut être débattue en justice, mais qui pourrait plus régulièrement être soulevée dans le cadre d'une instance en interdiction. D'ailleurs, des dispositions viennent récemment d'être ajoutées au Règlement au sujet du rejet sommaire et de la condamnation aux dépens dans le cas des brevets irrégulièrement inscrits au registre. Les demanderesses disposent donc d'autres recours que je juge «suffisants».
ii) La Cour peut-elle enjoindre au ministre de prendre une décision en se basant sur les principes appropriés? |
[81]La demanderesse en l'espèce cite deux décisions, Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; et Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33 (1re inst.), pour étayer son argument que le ministre a l'obligation d'agir et ne peut déléguer cette responsabilité. Dans la présente instance, la DPT a écrit à la demanderesse pour lui dire qu'elle réexaminerait sa décision de ne pas supprimer le brevet 368 lorsqu'elle recevrait l'avis de l'OPIC. La demanderesse allègue que le manquement à sa promesse constitue un déni d'équité procédurale.
[82]Dans la décision Apotex [C.A.F.], il a été question de savoir (au paragraphe 13) «si le ministre exerçait illégalement son pouvoir discrétionnaire ou refusait illégalement d'exercer son pouvoir discrétionnaire en refusant d'ajouter un brevet au registre ou en supprimant un brevet du registre. Il serait possible de soutenir qu'un bref de mandamus, une injonction ou même un jugement déclaratoire pourraient être accordés en pareil cas».
[83]À mon avis, bien qu'il y ait en l'espèce le facteur additionnel de «l'engagement», j'estime que cet engagement de la DPT ne transforme pas l'obligation légale du ministre qu'est le pouvoir discrétionnaire en une obligation d'agir. Tel qu'énoncé dans la décision Baker, précitée, bien que la décision discrétionnaire doive respecter les limites de la compétence conférée par la loi, les tribunaux doivent exercer une grande retenue à l'égard des décideurs lorsqu'ils contrôlent ce pouvoir discrétionnaire. Le ministre «peut consulter le personnel du Bureau des brevets»; il n'en a pas l'obligation. Le fait que la DPT ait indiqué qu'elle réexaminerait sa décision lorsqu'elle recevrait l'avis de l'OPIC n'oblige pas le ministre à agir de façon hâtive, surtout dans ce genre de procédures où, contrairement aux circonstances des décisions citées par la demanderesse, Baker et Conille, d'autres recours sont possibles.
[84]J'estime que, même si le brevet 368 ne pouvait être inscrit au registre des brevets, les «autres recours» auxquels le juge Gibson fait référence dans Apotex, [C.F. 1re inst.], seraient suffisants pour régler l'affaire en l'instance.
(iii) Recours prévus aux termes du Règlement sur les MB(ADC) |
[85]Dans la décision Apotex, précitée, rendue par la Cour d'appel, la Cour a affirmé qu'un recours était prévu pour les fabricants de médicaments génériques qui subissent un préjudice en raison de l'inscription au registre de brevets non admissibles. Spécifiquement, l'alinéa 6(5)a) permet au tribunal, depuis l'entrée en vigueur des modifications en 1998, de rejeter une demande s'il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre. D'ailleurs, le paragraphe 6(10) énonce un des facteurs dont le tribunal peut tenir compte lorsqu'il rend une ordonnance relative aux dépens à l'alinéa 6(10)b): «l'inscription, sur la liste de brevets qui fait l'objet d'une attestation, de tout brevet qui n'aurait pas dû y être inclus aux termes de l'article 4». Commentant la première de ces deux dispositions, la Cour a énoncé aux paragraphes 23 et 24:
De toute évidence, en édictant l'alinéa 6(5)a) du Règlement, le gouverneur en conseil savait qu'il était possible que des brevets non admissibles soient inscrits au registre et ne puissent pas facilement en être supprimés en vertu du paragraphe 3(1) et qu'il a tenu compte de cette possibilité. L'alinéa 6(5)a) permet aux fabricants de médicaments génériques, dans le cas où une demande est présentée par le propriétaire d'un brevet à l'égard d'un avis d'allégation qui lui est signifié par un fabricant de médicaments génériques, de demander à la Cour de rejeter la demande parce qu'elle est fondée sur un brevet non admissible à l'inscription au registre.
[. . .] le recours prévu à l'alinéa 6(5)a) vise directement le problème auquel fait face le fabricant de médicaments génériques, qui doit comparer son produit au médicament du propriétaire du brevet dont le brevet n'est pas admissible. Un tribunal peut statuer sur l'admissibilité du brevet ou des brevets en cause après avoir entendu le propriétaire du brevet ou des brevets et le fabricant de médicaments génériques qui fait concurrence à celui-ci.
[86]Concernant la deuxième disposition, la Cour a indiqué au paragraphe 25:
Il est ici aussi évident que, selon le règlement, les brevets non admissibles peuvent être inscrits au registre et qu'une réparation sous la forme de dépens peut être accordée si des procédures inutiles fondées sur un brevet non admissible ont été engagées.
[87]Enfin, l'article 8 [mod. par DORS/98-166, art. 1] prévoit la possibilité pour le tribunal d'accorder des dommages-intérêts ou des profits pour les pertes subies lors de la présentation d'une demande en vertu du paragraphe 6(1). Ceci complète l'exposé du régime qui, selon la Cour d'appel, suffit pour offrir réparation pour les pertes subies dans les cas où un brevet non admissible est inscrit au registre ou dans les cas où la demande visant à empêcher la délivrance d'un avis de conformité est non fondée [Apotex, C.A.F., aux paragraphes 27 et 28]:
L'alinéa 8(1)a) prévoit expressément que le propriétaire d'un brevet dont la demande est rejetée est responsable de la perte qu'un fabricant de médicaments génériques a subie parce qu'on a tardé à lui délivrer un avis de conformité à cause de la demande. En vertu du paragraphe 8(4), la Cour a compétence pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l'égard de la perte. L'article 8 du Règlement montre clairement que le gouverneur en conseil a reconnu que les fabricants de médicaments génériques pourraient faire l'objet de demandes injustifiées, y compris des demandes fondées sur des brevets non admissibles inscrits au registre, et qu'en pareil cas, il a prévu une réparation sous la forme du recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l'égard de la perte.
En somme, le Règlement renferme des dispositions exhaustives qui se rapportent expressément aux brevets non admissibles inscrits au registre ainsi qu'aux frais, pertes et dommages subis par les fabricants de médicaments génériques par suite de l'inscription de pareils brevets au registre. Compte tenu du texte du Règlement et du fait qu'il y est reconnu que des brevets non admissibles peuvent être inscrits au registre, le ministre ne refuse pas illégalement d'exercer son pouvoir discrétionnaire en ne supprimant pas pareils brevets du registre en vertu du paragraphe 3(1).
[88]En l'espèce, la question de la réparation pour la non-admissibilité du brevet est discutable puisqu'il semble que le brevet soit admissible. Toutefois, pour les motifs mentionnés dans le dossier T-122-02, bien que le brevet soit admissible à l'inscription au registre, il n'offre pas de protection contre l'utilisation pour laquelle l'avis de conformité a été demandé par Genpharm.
[89]La demande doit être rejetée.