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[2017] 2 R.C.F. 527

A-475-15

2016 CAF 269

Alexander College Corp. (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Alexander College Corp. c. Canada

Cour d’appel fédérale, juges Gauthier, Stratas et Gleason, J.C.A.—Vancouver, 21 septembre; Ottawa, 8 novembre 2016.

Douanes et Accise — Appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui a confirmé une cotisation établie à l’égard de la TPS/TVH impayée sur les frais de scolarité facturés par l’appelante en 2010 — La Cour de l’impôt a conclu que l’appelante devait percevoir et verser la TPS/TVH parce qu’elle n’était pas visée par l’exonération prévue à l’art. 7 de la partie III de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise (la Loi) — L’appelante est un collège privé à but lucratif — L’annexe V de la Loi dresse une longue liste d’exonérations à l’obligation de percevoir et de verser la TPS/TVH — La seule partie de l’exonération susmentionnée qui pouvait s’appliquer à l’appelante était le terme « université » défini à l’art. 123(1) de la Loi — La Cour de l’impôt a conclu que, pour relever de la définition d’« université », l’institution devait être reconnue à titre d’université par les autorités provinciales compétentes et décerner des diplômes sanctionnant des études de premier cycle au moins — Étant donné que l’appelante ne remplissait aucun de ces critères, la Cour de l’impôt a conclu, entre autres, que l’appelante ne satisfaisait pas à la définition traditionnelle d’une « université » — Il s’agissait de savoir si la Cour de l’impôt a commis une erreur dans son interprétation de la Loi — Les dispositions pertinentes en l’espèce étaient sans ambiguïté — L’exonération prévue à l’art. 7 s’applique aux « universités »; ce terme est défini de manière définitive à l’art. 123(1) de la Loi puisque le législateur a utilisé le mot « means » (« s’entend de ») dans la version anglaise de la Loi lorsqu’il a défini le terme « university » (« université ») — Compte tenu des divergences entre les versions anglaise et française dans la définition du terme « université », la Cour a eu recours à la règle du sens commun; le sens de la définition anglaise l’a emporté en l’espèce — Contrairement à la conclusion de la Cour de l’impôt, il s’agirait d’une interprétation large inadmissible de la teneur de la Loi ayant pour effet de limiter la définition d’une « université » aux seules institutions qui sont reconnues comme telles par une loi provinciale, ou à celles qui sont habilitées à décerner des diplômes de baccalauréat ou de cycle supérieur — En l’absence d’une définition du terme « diplôme » dans la Loi, il convient de tenir compte de la définition que lui donnent les lois provinciales — En Colombie-Britannique, les lois applicables prévoient les diplômes d’associé, qui peuvent être décernés par les universités et certains collèges — Ainsi, pour être visée par la définition d’« université » aux fins de la Loi, l’institution doit être habilitée à décerner des diplômes — Étant donné que l’appelante a été autorisée à décerner des diplômes par la province de la Colombie-Britannique, elle est visée par l’exonération prévue à l’art. 7 — En conclusion, la Cour de l’impôt a mal interprété la Loi — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui a confirmé une cotisation établie à l’égard de la TPS/TVH impayée sur les frais de scolarité facturés par l’appelante en 2010. La Cour de l’impôt a conclu que l’appelante devait percevoir et verser la TPS/TVH parce qu’elle n’était pas visée par l’exonération prévue à l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise.

L’annexe V de la Loi dresse une longue liste d’exonérations à l’obligation de percevoir et de verser la TPS/TVH et l’exonération visée en l’espèce est prévue à l’article 7, qui s’applique à certains types de services d’enseignement. Les parties ont convenu que la seule partie de l’exonération susmentionnée qui pourrait s’appliquer à l’appelante était le terme « université », puisque l’appelante est un collège privé à but lucratif. Le terme « université » est défini au paragraphe 123(1) de la partie IX de la Loi. L’appelante a fait valoir, entre autres, qu’elle est une « université » au sens de cette définition puisqu’elle est habilitée à décerner des diplômes d’associé sanctionnant des études de deux ans en vertu de la loi provinciale, soit en Colombie-Britannique. Cependant, la Cour de l’impôt a réfuté cette prétention et a conclu que, pour relever de la définition d’« université », une institution devait être reconnue à titre d’université par les autorités provinciales compétentes et décerner des diplômes sanctionnant des études de premier cycle au moins. Étant donné que l’appelante ne remplissait aucun de ces critères, la Cour de l’impôt a jugé qu’elle n’était pas visée par l’exonération en question. La Cour de l’impôt a tiré cette conclusion pour un certain nombre de raisons, plus particulièrement, parce qu’elle a jugé que la formulation employée pour définir le mot « université » au paragraphe 123(1) de la Loi laisse entendre qu’il existe une distinction entre une « institution » et les collèges ou instituts de recherche associés à une telle institution. Compte tenu de ce qui précède, elle a conclu que le terme « institution » ne devait viser qu’une « université ». Ainsi, l’appelante serait admissible à l’exonération seulement si elle était une université traditionnelle qui décernait des diplômes. La Cour de l’impôt a conclu que l’appelante ne satisfaisait pas à la définition traditionnelle d’une « université » puisqu’elle est assujettie à une surveillance constante d’un tiers afin de pouvoir continuer à décerner des diplômes d’associé, au contraire des universités traditionnelles qui se contrôlent elles-mêmes.

Il s’agissait de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur dans son interprétation de la Loi.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

La Cour devait se demander si les dispositions pertinentes de la Loi étaient ambiguës, parce qu’elles étaient sujettes à plus d’une interprétation raisonnable. La Cour a répondu à cette question par la négative puisque les dispositions pertinentes étaient sans ambiguïté et devaient être interprétées de la manière proposée par l’appelante. Plus précisément, l’exonération prévue à l’article 7 s’applique aux « universités ». Ce terme est défini de manière définitive au paragraphe 123(1) de la Loi puisque le législateur a utilisé le mot « means » (« s’entend de ») dans la version anglaise de la Loi lorsqu’il a défini le terme « university » (« université ») aux fins de cette dernière et l’utilisation de ce mot dans une définition traduit l’intention du législateur de donner une définition exhaustive d’un terme. Par conséquent, aux fins de la Loi, l’essentiel est de déterminer si la définition législative donnée dans la Loi s’applique à une institution en particulier, dont la disposition pertinente donne la définition suivante du mot « université » : « [i]nstitution reconnue qui décerne des diplômes » ou organisation qui administre une « école affiliée […] d’une telle institution ».

Selon son libellé, la version anglaise de la première partie de la définition du terme « university » donnée dans la Loi exige qu’une institution soit simplement reconnue comme étant habilitée à décerner des diplômes pour être considérée comme une université. L’argument voulant que la version française soit lue de la même façon ou puisse être lue comme prévoyant que c’est l’institution et non sa capacité à décerner des diplômes qui doit être reconnue a été rejeté et l’interprétation que l’appelante préconisait a été adoptée. Compte tenu des divergences entre les versions anglaise et française en l’espèce, la Cour a eu recours à la règle du sens commun, selon laquelle le sens qui est commun aux versions française et anglaise sera présumé être celui correspondant à l’intention du législateur. En cas d’ambiguïté, le sens unique de la version anglaise de la définition, qui prévoit simplement qu’une institution est admissible si elle est reconnue comme étant autorisée à décerner des diplômes, est englobé dans la définition française. Si la première étape de la règle du sens commun est appliquée, le sens de la définition anglaise devait l’emporter. De plus, ce sens commun respectait en outre l’économie générale de la Loi et l’intention du législateur. Contrairement à la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt, il s’agirait d’une interprétation large inadmissible de la teneur de la Loi ayant pour effet de limiter la définition d’une « université » aux seules institutions qui sont reconnues comme telles par une loi provinciale, ou à celles qui sont habilitées à décerner des diplômes de baccalauréat ou de cycle supérieur.

En l’absence d’une définition du terme « diplôme » dans la Loi, il convient de tenir compte de la définition que lui donnent les lois provinciales, car la compétence en matière d’éducation appartient aux provinces et ce sont elles qui déterminent les diplômes qu’une institution est habilitée à décerner. En Colombie-Britannique, les lois applicables prévoient les diplômes d’associé, qui peuvent être décernés par les universités et certains collèges. Ainsi, pour être visée par la définition d’« université » aux fins de la Loi, l’institution doit être habilitée à décerner des diplômes tel que définis dans les lois provinciales applicables. Cependant, étant donné que la Loi contient une définition du terme « université », on ne peut pas faire de lien entre la définition de ce terme aux fins de l’application de la Loi et sa définition dans une loi provinciale. D’après cette analyse, l’appelante est autorisée à décerner des diplômes par une autorité compétente (la province de la Colombie-Britannique) et par conséquent, il s’ensuivait qu’elle est visée par l’exonération prévue à l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la Loi. Recourir à une analyse contextuelle et téléologique pour discerner le sens du terme « université » aux fins de ces dispositions de la Loi a donné le même résultat, pour plusieurs raisons, lesquelles ont été discutées.

En conclusion, la Cour de l’impôt a mal interprété la Loi et l’appelante était visée par l’exonération prévue à l’article 7.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

College and Institute Act, R.S.B.C. 1996, ch. 52.

Degree Authorization Act, S.B.C. 2002, ch. 24.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 118.5(1)a)(i),b),c)(i), 118.6(1)b),c).

Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, partie VI, partie VII, art. 68.26a), partie IX, art. 123(1) « administration scolaire », « collège public », « institution publique », « université », 149, ann. V, partie III, art. 1, « école de formation professionnelle », 6, 7, 8.

University Act, R.S.B.C. 1996, ch. 468.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; A.Y.S.A. Amateur Youth Soccer Association c. Canada (Agence du revenu), 2007 CSC 42, [2007] 3 R.C.S. 217; Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715; R. c. Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 R.C.S. 217.

DÉCISIONS DIFFÉRENCIÉES :

Klassen c. Canada, 2007 CAF 339; Zailo c. La Reine, 2014 CCI 60.

DÉCISIONS CITÉES :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Redeemer Foundation c. M.R.N., 2006 CAF 325, [2007] 3 R.C.F. 40, conf. par 2008 CSC 46, [2008] 2 R.C.S. 643; Bozzer c. Canada, 2011 CAF 186; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 34, [2012] 2 R.C.S. 231; Yellow Cab Ltd. c. Board of Industrial Relations et autres, [1980] 2 R.C.S. 761; Sheldon Inwentash and Lynn Factor Charitable Foundation c. Canada, 2012 CAF 136; R. c. Compagnie Immobilière BCN Ltée, [1979] 1 R.C.S. 865; Canada (Procureur général) c. Frye, 2005 CAF 264.

DOCTRINE CITÉE

Canada. Parlement. Débats de la Chambre des communes, 34e lég., 2e sess., vol. 8 (11mai 1990).

Sullivan, Ruth. Statutory Interpretation, 3e éd. Toronto : Irwin Law Inc., 2016.

APPEL interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2015 CCI 238), qui a confirmé une cotisation établie à l’égard de la TPS/TVH impayée sur les frais de scolarité facturés par l’appelante en 2010. Appel accueilli.

ONT COMPARU

Terry Barnett et S. Natasha Reid pour l’appelante.

Jasmine Sidhu et Whitney Dunn pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Thorsteinssons LLP, Vancouver, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La juge Gleason, J.C.A. : L’appelante, Alexander College Corp., demande l’annulation du jugement du 2 octobre 2015 prononcé par la Cour canadienne de l’impôt dans la décision Alexander College Corp. c. La Reine, 2015 CCI 238 (décision Alexander College), qui confirmait une cotisation établie à l’égard de la TPS/TVH impayée sur les frais de scolarité facturés par le collège en 2010. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’appelante, Alexander College, devait percevoir et verser la TPS/TVH parce qu’elle n’est pas visée par l’exonération prévue à l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la LTA). Pour les motifs exposés ci-dessous, j’estime que la Cour canadienne de l’impôt a mal interprété la LTA et que Alexander College est bel et bien visée par l’exonération prévue à l’article 7. En conséquence, j’accueillerais l’appel avec dépens.

I.          La décision Alexander College de la Cour canadienne de l’impôt

[2]        L’annexe V de la LTA dresse une longue liste d’exonérations à l’obligation de percevoir et de verser la TPS/TVH. L’exonération visée en l’espèce est prévue à l’article 7 de la partie III de l’annexe V et s’applique à certains types de services d’enseignement. L’exonération vise :

7 La fourniture, effectuée par une administration scolaire, un collège public ou une université, d’un service consistant à donner à des particuliers des cours ou des examens qui mènent à un diplôme.

[3]        Les parties ont convenu devant la Cour canadienne de l’impôt, et cela demeure incontesté devant la Cour, que la seule partie de l’exonération susmentionnée qui pourrait s’appliquer à Alexander College est le terme « université », puisque l’appelante est un collège privé à but lucratif. Le terme « université » est défini comme suit au paragraphe 123(1) de la partie IX de la LTA :

123 (1) […]

université Institution reconnue qui décerne des diplômes, y compris l’organisation qui administre une école affiliée à une telle institution ou l’institut de recherche d’une telle institution. (university)

[4]        L’appelante Alexander College fait valoir qu’elle est une « université » au sens de la définition qui précède puisqu’elle est habilitée à décerner des diplômes d’associé sanctionnant des études de deux ans en vertu de la loi provinciale, à savoir la loi de la Colombie-Britannique intitulée Degree Authorization Act (Loi sur les diplômes), S.B.C. 2002, ch. 24 (la Degree Authorization Act). L’appelante ajoute qu’en Colombie-Britannique, ce que nul ne conteste, certaines universités traditionnelles décernent les mêmes diplômes d’associé et accordent des crédits pour les cours suivis à Alexander College aux fins de l’obtention d’un diplôme de baccalauréat de quatre ans. Alexander College souligne de plus qu’il existe en Colombie-Britannique des universités qui sont financées par des fonds publics et d’autres par des fonds privés, ainsi que des collèges et des écoles de formation professionnelle qui sont financés par le public et le privé (conformément à la Degree Authorization Act et à l’University Act (Loi sur l’université), R.S.B.C. 1996, ch. 468, et à la College and Institute Act (Loi sur les collèges et les instituts) de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 52, ainsi que plusieurs autres lois applicables à des établissements particuliers, soit la Royal Roads University, la Thompson Rivers University, la Trinity Western University et la Sea to Sky University [maintenant appelée Quest University]).

[5]        Réfutant la prétention de Alexander College selon laquelle elle entrait dans la définition d’« université » au sens de la LTA, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que cette définition s’appliquait seulement aux institutions qui sont reconnues à titre d’université par les autorités provinciales compétentes et qui décernent des diplômes sanctionnant des études de premier cycle au moins. Étant donné que Alexander College ne remplit aucun de ces critères, la Cour canadienne de l’impôt a jugé que l’appelante n’était pas visée par l’exonération en question et qu’elle était par conséquent tenue de percevoir et de verser la TPS/TVH contestée. La Cour canadienne de l’impôt fonde sa conclusion sur plusieurs motifs.

[6]        Premièrement, la Cour canadienne de l’impôt soutient que la formulation employée pour définir le mot « université » au paragraphe 123(1) de la LTA laisse entendre qu’il existe une distinction entre une « institution » et les collèges ou instituts de recherche associés à une telle institution. Compte tenu de ce qui précède, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le terme « institution » ne devait viser qu’une « université ». En conséquence, Alexander College serait admissible à l’exonération seulement si elle était une université traditionnelle qui décernait des diplômes. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que Alexander College ne satisfaisait pas à la définition traditionnelle d’une « université » puisqu’elle est assujettie à une surveillance constante d’un tiers afin de pouvoir continuer à décerner des diplômes d’associé, au contraire des universités traditionnelles qui se contrôlent elles-mêmes (décision Alexander College, aux paragraphes 51, 53 et 62).

[7]        Deuxièmement, la Cour canadienne de l’impôt a examiné les conclusions formulées par la Cour dans l’arrêt Klassen c. Canada, 2007 CAF 339 (arrêt Klassen), ainsi que celles de la Cour canadienne de l’impôt dans la décision Zailo c. La Reine, 2014 CCI 60 (décision Zailo), selon lesquelles la caractéristique distinctive entre une université et un collège étranger est le niveau des diplômes décernés. Dans les deux cas, une université — au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la LIR) — était réputée être un établissement qui décerne au moins des diplômes de baccalauréat. La Cour canadienne de l’impôt a appliqué ce raisonnement à Alexander College et a conclu que seules les institutions qui décernent des diplômes de baccalauréat ou de cycle supérieur peuvent être considérées comme une « institution reconnue qui décerne des diplômes » au sens de la définition d’« université » prévue au paragraphe 123(1) de la LTA (décision Alexander College, aux paragraphes 65 à 68).

[8]        Troisièmement, la Cour canadienne de l’impôt a soutenu qu’il serait illogique d’inclure les collèges privés dans la définition d’« université », au vu du libellé et de la structure des dispositions de la LTA. Plus précisément, la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il serait redondant et absurde d’inclure l’expression « école affiliée à » dans la définition d’« université » au paragraphe 123(1) de la LTA si l’institution affiliée pouvait être un autre collège, car c’est un non-sens de dire qu’un collège est affilié à un autre collège. La Cour canadienne de l’impôt a en outre jugé que l’interprétation que préconisait Alexander College conduirait l’exonération prévue à l’article 7 à nuire à la présomption d’absence de tautologie. Selon la Cour canadienne de l’impôt, une telle interprétation signifierait que les collèges privés seraient inclus dans la définition d’« université », alors que les collèges publics en seraient exclus. La Cour canadienne de l’impôt a jugé qu’une telle interprétation rendrait superflu le choix du législateur d’inclure l’expression « collège public » dans la disposition (décision Alexander College, aux paragraphes 70 à 74).

[9]        Enfin, dans une note au bas de ses motifs, la Cour canadienne de l’impôt a indiqué que l’interprétation proposée par Alexander College irait à l’encontre de l’économie générale de la LTA puisque ses fournitures seraient exonérées, mais elle ne pourrait pas demander un crédit de taxe sur les intrants ni un remboursement pour les organismes de services publics. Selon la Cour canadienne de l’impôt, [traduction] « [c]e résultat semble contraire au régime établi par la LTA, qui est structuré de telle façon qu’une entité effectuant des fournitures taxables a droit à des crédits de taxe sur les intrants et qu’une entité effectuant des fournitures exonérées, comme une université, a droit à un remboursement » (décision Alexander College, note de bas de page 22).

II.         Analyse

[10]      Le présent appel soulève une seule question d’interprétation législative. Dans le cadre d’un appel en matière fiscale, les questions d’interprétation législative sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte : arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 8 et 9; arrêt Redeemer Foundation c. M.R.N., 2006 CAF 325, [2007] 3 R.C.F. 40, au paragraphe 24 (confirmé sans remarque sur ce point par l’arrêt 2008 CSC 46, [2008] 2 R.C.S. 643); arrêt Bozzer c. Canada, 2011 CAF 186, au paragraphe 3.

[11]      La méthode appropriée en matière d’interprétation législative est bien connue : les tribunaux doivent lire les termes d’une loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21; arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 26). Cette méthode oblige les tribunaux à examiner le texte, le contexte et l’objet de la disposition législative.

[12]      Bien que la méthode qui précède s’applique à l’interprétation des lois fiscales, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est souvent approprié d’insister sur l’interprétation textuelle lorsqu’il faut interpréter une disposition fiscale étant donné le « degré de précision et [les] caractéristiques particulières de nombreuses dispositions fiscales » : arrêt A.Y.S.A. Amateur Youth Soccer Association c. Canada (Agence du revenu), 2007 CSC 42, [2007] 3 R.C.S. 217, au paragraphe 16; arrêt Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715 (arrêt Placer Dome), au paragraphe 23; et arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 (arrêt Hypothèques Trustco), au paragraphe 11. La Cour suprême précise que, si le libellé de la disposition fiscale peut « recevoir plus d’une interprétation raisonnable », une analyse contextuelle et téléologique s’impose pour lever toute ambiguïté (arrêt Placer Dome, au paragraphe 23; arrêt Hypothèques Trustco, au paragraphe 10). Toutefois, « [l]orsque le sens d’une […] disposition [fiscale] ou son application aux faits ne présente aucune ambiguïté, il suffit de l’appliquer » (arrêt Placer Dome, au paragraphe 23).

[13]      Selon le cadre analytique exposé précédemment, il faut se demander si les dispositions pertinentes sont ambiguës, parce qu’elles sont sujettes à plus d’une interprétation raisonnable. À mon avis, je dois répondre à cette question par la négative dans le présent appel puisque les dispositions pertinentes sont sans ambiguïté et doivent être interprétées de la manière proposée par Alexander College.

[14]      Plus précisément, l’exonération prévue à l’article 7 s’applique aux « universités ». Ce terme est défini de manière définitive au paragraphe 123(1) de la LTA puisque le législateur a utilisé le mot « means » (« s’entend de ») dans la version anglaise de la Loi lorsqu’il a défini le terme « university » (« université ») aux fins de cette dernière. Or, comme le souligne à juste titre Alexander College, il existe un principe bien établi en matière d’interprétation législative selon lequel l’utilisation du mot « means » dans une définition traduit l’intention du législateur de donner une définition exhaustive d’un terme, qui peut supplanter son sens ordinaire : Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 3éd., Toronto : Irwin Law Inc., 2016 (Sullivan), aux pages 79 et 80; arrêt Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 34, [2012] 2 R.C.S. 231, au paragraphe 42; arrêt Yellow Cab Ltd. c. Board of Industrial Relations et autres, [1980] 2 R.C.S. 761, à la page 768; arrêt Sheldon Inwentash and Lynn Factor Charitable Foundation c. Canada, 2012 CAF 136, au paragraphe 28.

[15]      Par conséquent, aux fins de la LTA, ce qui compte n’est pas de savoir comment une personne ordinaire comprendrait le terme « université » ni comment il serait défini dans la législation provinciale. L’essentiel est de déterminer si la définition législative donnée dans la LTA s’applique à une institution en particulier. La disposition pertinente donne la définition suivante du mot « université » : « [i]nstitution reconnue qui décerne des diplômes » ou organisation qui administre une « école affiliée […] d’une telle institution ».

[16]      Selon son libellé, la version anglaise de la première partie de la définition du terme « university » donnée dans la LTA exige qu’une institution soit simplement reconnue comme étant habilitée à décerner des diplômes pour être considérée comme une université.

[17]      L’intimée soutient que la version française peut être lue de la même façon ou pourrait être lue comme prévoyant que c’est l’institution et non sa capacité à décerner des diplômes qui doit être reconnue, étant donné que la version française de la définition dispose qu’une université s’entend d’une « institution reconnue qui décerne des diplômes, y compris l’organisation qui administre une école affiliée à une telle institution ». Je ne suis pas d’accord, car la version française de la disposition ne dit pas clairement à quel titre une institution serait reconnue autre qu’en sa capacité à décerner des diplômes. Si le législateur avait voulu dire que l’institution devait être reconnue à titre d’université, il aurait fallu ajouter une expression du genre « comme telle » après « reconnue » dans la version française.

[18]      Même si j’admettais que la définition française peut aussi s’interpréter de la manière proposée, la signification que Alexander College préconise doit cependant être adoptée. Lorsqu’ils sont appelés à interpréter des dispositions législatives dont les versions anglaise et française semblent diverger, les tribunaux recourent souvent à la règle du sens commun. Suivant cette règle, [traduction] « le sens qui est commun aux versions française et anglaise sera présumé être celui correspondant à l’intention du législateur » (Sullivan, à la page 98). Dans l’arrêt R. c. Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 R.C.S. 217 (arrêt Daoust), la Cour suprême du Canada a expliqué que la règle en question s’applique en deux étapes. La première étape consiste à établir s’il existe un sens commun aux deux versions. La Cour a déclaré que, s’il y a ambiguïté dans une version et pas dans l’autre, comme c’est le cas en l’espèce d’après l’intimée, le sens commun favorisera la version qui n’est pas « ambiguë, la version qui est claire » (arrêt Daoust, au paragraphe 28). Une fois que le sens commun a été trouvé, la deuxième étape consiste à vérifier si celui-ci est « conforme à l’intention législative suivant les règles ordinaires d’interprétation » (arrêt Daoust, au paragraphe 30). Ainsi, une cour de révision doit tenir compte de l’économie générale de la loi afin de déterminer si le sens commun traduit réellement l’intention du législateur, telle qu’elle est énoncée ailleurs dans la loi : arrêt R. c. Compagnie Immobilière BCN Ltée, [1979] 1 R.C.S. 865, aux pages 872 à 874; arrêt Canada (Procureur général) c. Frye, 2005 CAF 264, au paragraphe 28.

[19]      En cas d’ambiguïté, le sens unique de la version anglaise de la définition, qui prévoit simplement qu’une institution est admissible si elle est reconnue comme étant autorisée à décerner des diplômes, est englobé dans la définition française. Donc, si la première étape de la règle du sens commun est appliquée conformément à l’arrêt Daoust, le sens de la définition anglaise doit l’emporter. J’estime que ce sens commun respecte en outre l’économie générale de la LTA et l’intention du législateur, que j’examinerai en détail ci-après.

[20]      Contrairement à la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt, j’estime qu’il s’agirait d’une interprétation large inadmissible de la teneur de la LTA de limiter la définition d’une « université » aux seules institutions qui sont reconnues comme telles par une loi provinciale, ou à celles qui sont habilitées à décerner des diplômes de baccalauréat ou de cycle supérieur.

[21]      L’intimée n’a en effet pas invoqué cet argument devant la Cour et, à mon avis, elle a bien fait d’y renoncer puisqu’il découle de l’arrêt Klassen et de la décision Zailo, qui ne s’appliquent pas du tout à la LTA. Comme il a été mentionné, les deux affaires se rapportaient à la LIR. Les dispositions de la LIR qui étaient en cause dans l’arrêt Klassen et dans la décision Zailo sont fondamentalement différentes de celles de la LTA.

[22]      L’arrêt Klassen et la décision Zailo portaient sur la déduction de frais de scolarité du revenu et sur le crédit d’impôt pour études prévus aux alinéas 118.5(1)b) et 118.6(1)b) de la LIR, applicables aux demandes relatives à une « université située à l’étranger ». Or, contrairement à la LTA, le terme « université » n’est pas défini dans la LIR. Qui plus est, la LIR donne un sens plus large à la déduction et au crédit comparables qui sont prévus pour les institutions canadiennes aux sous-alinéas 118.5(1)a)(i) et 118.5(1)c)(i), ainsi qu’à l’alinéa 118.6(1)c), lesquels s’appliquent aux frais de scolarité d’une université, mais aussi à ceux d’un « établissement d’enseignement — […] collège ou autre — offrant des cours de niveau postsecondaire ». Se fondant sur cette distinction, la Cour et la Cour canadienne de l’impôt ont conclu qu’une université étrangère est une institution qui décerne des diplômes de premier cycle ou de cycle supérieur. Étant donné le contexte législatif complètement différent, cette conclusion ne saurait s’appliquer sous le régime de la LTA.

[23]      Il n’y a aucune raison d’interpréter le terme « diplôme » utilisé au paragraphe 123(1) de la LTA comme se limitant aux diplômes de premier cycle ou de cycle supérieur. En l’absence d’une définition du terme « diplôme » dans la LTA, il convient de tenir compte de la définition que lui donnent les lois provinciales, car la compétence en matière d’éducation appartient aux provinces et ce sont elles qui déterminent les diplômes qu’une institution est habilitée à décerner. Comme il a été mentionné, en Colombie-Britannique, les lois applicables prévoient les diplômes d’associé, qui peuvent être décernés par les universités et certains collèges. Ainsi, pour être visée par la définition d’« université » aux fins de la LTA, l’institution doit être habilitée à décerner des diplômes tel que définis dans les lois provinciales applicables.

[24]      Cependant, étant donné que la LTA contient une définition du terme « université », il n’est pas loisible de faire un lien entre la définition de ce terme aux fins de l’application de la LTA et sa définition dans une loi provinciale. Si, aux fins de l’application de la LTA, le législateur avait voulu définir le terme « université » pour ne désigner que les institutions qui ont ce statut aux termes d’une loi provinciale, il lui aurait été facile de lui donner une telle définition ou de ne pas le définir. Le législateur a choisi de ne pas suivre cette voie et a plutôt décidé de lier la définition d’« université » à la capacité reconnue d’une institution de décerner des diplômes.

[25]      Ainsi, pour être visée par la définition d’« université » au sens du paragraphe 123(1) de la partie IX de la LTA, il suffit que l’institution soit habilitée à décerner des diplômes par une autorité compétente comme la province de la Colombie-Britannique. C’est le cas de Alexander College. Il s’ensuit donc que Alexander College est visée par l’exonération prévue à l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la LTA.

[26]      Recourir à une analyse contextuelle et téléologique pour discerner le sens du terme « université » aux fins de ces dispositions de la LTA donne le même résultat, pour plusieurs raisons.

[27]      En premier lieu, comme en conviennent les deux parties, le dernier motif exposé par la Cour canadienne de l’impôt dans la note de bas de page 22 de ses motifs est sans fondement puisque les universités privées — il y en a plusieurs en Colombie-Britannique — se trouvent dans la même situation que Alexander College si elle était considérée comme une « université » au sens du paragraphe 123(1) de la LTA. Plus précisément, ces universités privées sont exonérées au titre des fournitures énumérées, mais elles ne peuvent pas demander de crédit de taxe sur les intrants ni un remboursement à titre d’organismes de services publics. La même conclusion appliquée aux collèges privés tels que Alexander College ne pourrait donc être jugée incompatible avec l’économie générale de la LTA.

[28]      En deuxième lieu, contrairement à la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt, il n’y a pas lieu de considérer la deuxième partie de la définition d’« université », qui inclut les écoles affiliées et les instituts de recherche, comme limitant le terme « institution » exclusivement aux universités reconnues comme telles sous le régime d’une loi provinciale. En soi, l’affiliation de deux collèges n’a rien d’anormal, et la Cour canadienne de l’impôt ne disposait d’aucun élément de preuve indiquant la véritable existence d’une telle affiliation. Par conséquent, la compréhension du terme « université » comme englobant un collège qui décerne des diplômes n’a rien d’absurde s’il est possible que ledit collège soit affilié à un autre collège.

[29]      De plus, le terme « institution » est utilisé de façon générale ailleurs dans la LTA et entre en conflit avec le sens étroit du terme dans la définition d’« université » adoptée par la Cour canadienne de l’impôt.

[30]      Par exemple, le terme « institution » est souvent employé relativement à une « institution financière » dans la partie IX de la LTA, que l’article 149 définit comme englobant pratiquement toutes les personnes qui exercent des activités liées aux services financiers. De même, le terme « institution publique » est défini comme suit au paragraphe 123(1) de la partie IX de la LTA :

123 (1) […]

institution publique Organisme de bienfaisance enregistré, au sens du paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est une administration scolaire, un collège public, une université, une administration hospitalière ou une administration locale qui a le statut de municipalité aux termes de l’alinéa b) de la définition de municipalité. (public institution)

La définition comprend bien plus qu’un seul type d’institution. Il en va de même de l’alinéa 68.26a) de la LTA, qui prévoit un remboursement partiel de la taxe payée en vertu de la partie VI par « une école, une université ou une autre semblable institution d’enseignement ». Une fois de plus, dans ce contexte, le terme « institution » est employé dans son sens large pour désigner un type quelconque d’organisme.

[31]      En raison de l’emploi du terme « institution » dans son sens large ailleurs dans la LTA, il n’y a pas lieu de le circonscrire dans la définition d’« université » prévue au paragraphe 123(1).

[32]      En troisième lieu, contrairement à la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt, interpréter la définition d’« université » comme incluant un collège privé qui décerne des diplômes ne rend pas superflue la mention de collège privé à l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la LTA et, par conséquent, l’interprétation de Alexander College n’est pas contraire à la présomption d’absence de tautologie. Comme il existe un recoupement important entre les divers fournisseurs de services d’enseignement visés par les exonérations prévues dans la partie III de l’annexe V de la LTA, la possibilité qu’un fournisseur corresponde à plus d’une définition donnée dans l’annexe n’a donc rien de tautologique.

[33]      En effet, ce recoupement est manifeste dans la définition même d’université. Comme il a été mentionné, la définition comprend les écoles affiliées (ou « affiliated colleges » dans la version anglaise). Ces écoles (« colleges » dans la version anglaise) peuvent bien être financées par des fonds publics, auquel cas elles sont mentionnées deux fois dans les dispositions, c’est-à-dire une fois à titre de « collège public » visé par l’exonération prévue à l’article 7, et une autre fois à titre d’école affiliée (« affiliated college » en anglais) entrant dans la définition d’« université » au sens du paragraphe 123(1) de la LTA.

[34]      Un autre exemple d’un recoupement analogue découle des définitions des termes « collège public » et « école de formation professionnelle » [à l’article 1 de la partie III de l’annexe V de la LTA]. Ils sont définis comme suit :

Partie IX

Taxe sur les produits et services

[…]

Section I

Définitions

123 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

[…]

collège public Institution qui administre un collège d’enseignement postsecondaire ou un institut technique d’enseignement postsecondaire qui, à la fois :

a) reçoit d’un gouvernement ou d’une municipalité des fonds destinés à l’aider à offrir des services d’enseignement au public de façon continue;

b) a pour principal objet d’offrir des programmes de formation professionnelle, technique ou générale. (public college)

[…]

Annexe V

Fournitures exonérées

[…]

Partie III

Services d’enseignement

1 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

école de formation professionnelle Institution établie et administrée principalement pour offrir des cours par correspondance ou des cours de formation qui permettent à l’étudiant d’acquérir ou d’améliorer une compétence professionnelle.

[35]      Tant les « collège[s] public[s] » que les « école[s] de formation professionnelle » sont mentionnés séparément dans les exonérations de la partie III de l’annexe V de la LTA. Notamment, l’article 8 est libellé ainsi :

8 La fourniture, sauf une fourniture détaxée, effectuée par un gouvernement, une administration scolaire, une école de formation professionnelle, un collège public ou une université, d’un service consistant à donner à des particuliers des cours ou des examens qui mènent à des certificats, diplômes, permis ou documents semblables, ou à des classes ou des grades conférés par un permis, attestant la compétence de particuliers dans l’exercice d’un métier, sauf si le fournisseur a fait un choix en application du présent article en la forme déterminée par le ministre et contenant les renseignements requis par celui-ci.

[36]      Une institution qui reçoit des fonds publics et qui est administrée principalement pour offrir des programmes de formation professionnelle de niveau postsecondaire pourrait être considérée autant comme un collège public que comme une école de formation professionnelle.

[37]      Par conséquent, les recoupements entre les fournisseurs de services d’enseignement n’ont rien d’absurde, et aucune redondance inacceptable ne découle d’une interprétation du terme « université » employé au paragraphe 123(1) de la LTA comme incluant un collège tout simplement parce que l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la LTA mentionne séparément les « collège[s] public[s] ».

[38]      En quatrième lieu, les exonérations visant les administrations scolaires, les collèges publics, les universités et les écoles de formation professionnelle dénotent une intention d’exonérer toutes les formes d’enseignement de l’obligation de percevoir et de verser la TPS/TVH si le gouvernement joue un rôle quelconque en ce qui concerne la qualité des programmes offerts. Les définitions d’« administration scolaire » et d’« université » au paragraphe 123(1) de la partie IX de la LTA incorporent l’obligation de fournir des services d’enseignement conformes aux normes provinciales. Voici la définition d’une administration scolaire :

123 (1) […]

administration scolaire Institution qui administre une école primaire ou secondaire dont le programme d’études est conforme aux normes en matière d’enseignement établies par le gouvernement de la province où l’école est administrée. (school authority)

De même, la définition d’université exige que l’institution soit reconnue comme étant habilitée à décerner des diplômes.

[39]      Dans le cas des collèges publics, la supervision de la qualité des programmes par le gouvernement est assurée par la voie d’une exigence liée à l’octroi d’une aide publique. En dernier lieu, pour qu’une école de formation professionnelle puisse se prévaloir d’une exonération prévue aux articles 6 et 8 de la partie III de l’annexe V, elle doit offrir des cours menant à une accréditation reconnue. Outre l’article 8, reproduit ci-dessus, l’article 6 prévoit l’exonération des fournitures suivantes :

6 La fourniture, effectuée par une association professionnelle, un gouvernement, une école de formation professionnelle, une université, un collège public ou un organisme de réglementation, des services ou certificats suivants, sauf si le fournisseur fait un choix en application du présent article, en la forme déterminée par le ministre et contenant les renseignements requis par celui-ci :

a) un service consistant à donner à des particuliers des cours qui mènent à une accréditation ou à un titre professionnel reconnus par l’organisme ou qui permettent de conserver ou d’améliorer une telle accréditation ou un tel titre;

b) un certificat, ou un service consistant à donner un examen, concernant un cours, une accréditation ou un titre mentionné à l’alinéa a).

[40]      Cette intention ressort des arguments invoqués par le ministre des Finances lorsque les dispositions ont été débattues devant le Parlement. L’annexe V de la LTA a été adoptée en 1990, de concert avec d’autres modifications. Relativement à la série de modifications touchant l’imposition des services d’enseignement, le ministre des Finances a déclaré ce qui suit (Débats de la Chambre des communes, 34e lég., 2e sess., vol. 8 (11 mai 1990), à la page 1258 (l’hon. Michael Wilson, ministre des Finances)) :

[…] Madame la Présidente, il n’y a pas de taxe sur l’éducation. La TPS ne s’applique pas aux services d’enseignement. C’est clairement indiqué dans le projet de loi.

[41]      C’est conforme à l’objectif voulant que les collèges privés comme Alexander College soient exonérés de l’obligation de percevoir et de verser la TPS/TVH.

[42]      Finalement, comme Alexander College l’a fait valoir de manière convaincante, l’interprétation proposée par la Cour canadienne de l’impôt aboutit à un résultat absurde. Les étudiants qui suivent les mêmes cours dans une université de la Colombie-Britannique et à Alexander College, ou qui étudient pour obtenir un diplôme d’associé des deux institutions seraient assujettis à des traitements fiscaux différents. À en croire l’interprétation de la Cour canadienne de l’impôt, les étudiants du premier groupe ne seraient pas tenus de payer la TPS/TVH sur leurs frais de scolarité, alors que ceux du deuxième groupe le seraient. Aucun principe établi ne justifie une telle différence et, pour les motifs précités, une analyse textuelle, contextuelle ou téléologique des dispositions en cause ne conduit pas à une telle issue. Au contraire, lorsqu’elles sont interprétées correctement, les dispositions en cause emportent la conclusion que Alexander College est visée par l’exonération prévue à l’article 7 de la partie III de l’annexe V de la LTA.

III.        Décision proposée

[43]      Il s’ensuit donc que j’accueillerais l’appel avec dépens, j’annulerais la décision de la Cour canadienne de l’impôt et, rendant la décision que la Cour canadienne de l’impôt aurait dû rendre, j’accueillerais l’appel dans le dossier 2012-3854(GST)G avec dépens et j’annulerais la cotisation établie le 4 juillet 2011 pour la période de déclaration comprise entre le 1er juillet et le 30 septembre 2010.

La juge Gauthier, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Stratas, J.C.A. : Je suis d’accord.

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