[2017] 1 R.C.F. 39
IMM-4187-15
2016 CF 509
Gurbinder Singh (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Kane—Vancouver, 18 avril; Ottawa, 6 mai 2016.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’immigration qui a refusé la demande de visa de résident permanent du demandeur en tant que travailleur qualifié — Le demandeur a présenté un avis sur un emploi réservé reposant sur une offre d’emploi pour un poste d’évaluateur de bijoux dans une entreprise appartenant à son beau-père — L’agent n’était pas convaincu que l’offre d’emploi était authentique en raison, entre autres, des liens familiaux du demandeur avec l’employeur — Il s’agissait de déterminer si l’agent a manqué à l’équité procédurale, s’il a conclu à tort que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait l’expérience de travail requise et s’il a conclu à tort que l’offre d’emploi du demandeur n’était pas authentique — Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale — Il incombe au demandeur d’étayer sa demande par des éléments de preuve suffisants — La question de l’équité procédurale ne se pose que si les préoccupations de l’agent portent vraiment sur la crédibilité — En l’espèce, l’agent n’a pas estimé que la preuve du demandeur était suffisante — L’agent a avisé le demandeur de ces préoccupations, mais le demandeur n’a pas présenté d’éléments additionnels de preuve objectifs — La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait l’expérience de travail requise était raisonnable — La conclusion de l’agent selon laquelle l’offre d’emploi n’était pas authentique était également raisonnable — Les facteurs de l’art. 200(5) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ne sont pas les seuls facteurs qui peuvent être considérés pour déterminer l’authenticité d’une offre d’emploi — Ils ne doivent pas être interprétés de façon si étroite que les préoccupations légitimes de l’agent sur l’authenticité d’une offre d’emploi ne peuvent être prises en considération — La pertinence de l’offre par rapport aux besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur porte sur une question vaste qui comprend l’examen d’un éventail de facteurs pertinents — Il ne serait pas cohérent avec ces besoins d’offrir un emploi à une personne qui n’a pas fourni d’éléments de preuve objectifs de ses qualifications et de son expérience et dont la relation personnelle avec le propriétaire de l’entreprise semble constituer une priorité — Demande rejetée.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada à Londres, au Royaume-Uni, qui a refusé la demande de visa de résident permanent du demandeur en tant que travailleur qualifié.
Le demandeur, un citoyen du Royaume-Uni, a présenté un avis sur un emploi réservé reposant sur une offre d’emploi pour un poste d’évaluateur de bijoux dans une entreprise appartenant à son beau-père. Dans une lettre relative à l’équité procédurale, l’agent a mentionné que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve objectifs ou crédibles de son expérience et qu’il n’était pas convaincu que l’offre d’emploi était authentique en raison de la longue période de temps pendant laquelle le poste n’avait pas été pourvu et en raison des liens familiaux du demandeur avec l’employeur. L’agent a estimé que la réponse du demandeur n’a fourni aucune information nouvelle et n’a pas abordé les préoccupations soulevées.
Il s’agissait de déterminer si l’agent a manqué à l’équité procédurale, s’il a conclu à tort que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait l’expérience de travail requise et s’il a conclu à tort que l’offre d’emploi du demandeur n’était pas authentique.
Jugement : la demande doit être rejetée.
Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Il incombe au demandeur d’étayer sa demande par des éléments de preuve suffisants. Si la préoccupation porte sur la suffisance de la preuve, étant donné que les instructions aux demandeurs exigent clairement que la demande soit complète et accompagnée de documents justificatifs, la question de l’obligation d’équité procédurale ne se pose pas. Toutefois, si les soucis portent vraiment sur la crédibilité, une évaluation plus poussée de la portée de l’obligation d’équité procédurale sera nécessaire. En l’espèce, l’agent n’a pas estimé que la preuve du demandeur était suffisante. La lettre relative à l’équité procédurale de l’agent transmettait clairement ce message et notifiait le demandeur des préoccupations de l’agent. Le demandeur n’a pas profité de l’occasion qui lui avait été offerte de répondre en présentant des éléments additionnels de preuve objectifs. L’agent n’avait pas l’obligation de tenir une entrevue. Il n’avait pas l’obligation non plus de faire un suivi et d’obtenir d’autres renseignements concernant l’expérience et les qualifications du demandeur.
La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait l’expérience de travail requise était raisonnable. L’agent a cerné plusieurs autres questions, notamment l’absence d’élément de preuve objectif démontrant que le demandeur avait suivi une formation ou possédait l’expérience requise.
Enfin, la conclusion de l’agent selon laquelle l’offre d’emploi n’était pas authentique était également raisonnable. Les facteurs du paragraphe 200(5) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ne sont pas les seuls facteurs qui peuvent être considérés pour déterminer l’authenticité d’une offre d’emploi. Ils ne doivent pas être interprétés de façon si étroite que les préoccupations légitimes de l’agent sur l’authenticité d’une offre d’emploi ne peuvent être prises en considération. La pertinence de l’offre par rapport aux besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur porte sur une question vaste qui comprend l’examen d’un éventail de facteurs pertinents, notamment : la nature de l’entreprise, la nature de l’emploi offert, la taille de l’entreprise, le volume de ventes, et le nombre d’employés. Il ne serait pas cohérent avec les besoins légitimes en main-d’œuvre d’un employeur dans un domaine spécialisé comme la joaillerie, d’offrir un emploi à une personne qui n’a pas fourni d’éléments de preuve objectifs de ses qualifications et de son expérience et dont la relation personnelle avec le propriétaire de l’entreprise semble constituer une priorité plus élevée que le fait de satisfaire aux objectifs de l’employeur et du propriétaire de l’entreprise et de répondre à leur besoin légitime d’embaucher un évaluateur de bijoux qualifié. La préoccupation du demandeur, selon laquelle le retard dans le traitement des demandes peut avoir un impact négatif sur les offres d’emploi, a été reconnue. En effet, si une offre d’emploi tient pour une période de temps indéfinie, il convient de se poser des questions sur l’authenticité de l’offre, comme ce fut le cas dans cette affaire. Toutefois, la durée de l’offre d’emploi ne constituait pas la seule préoccupation dans ce cas, et les besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur doivent toujours être pris en considération. Aucun retard injustifié n’était attribuable au défendeur dans le traitement de la demande.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 200(5), 203(1)a).
JURISPRUDENCE CITÉE
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501; Chawla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 434; Tahereh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 90; Hamza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264; Sydoruk c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 945.
DÉCISIONS CITÉES :
Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Obeta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1542; Madadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 716; Kaur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 442; Kamchibekov c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1411; Ansari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 849; Ghazeleh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1521; Garcia Porfirio c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 794.
Demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada à Londres, au Royaume-Uni, qui a refusé la demande de visa de résident permanent du demandeur en tant que travailleur qualifié. Demande rejetée.
ONT COMPARU
Gurpreet Badh pour le demandeur.
Christa Hook pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Smeets Law Corporation, Vancouver, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] La juge Kane : Le demandeur, Gurbinder Singh, sollicite le contrôle judiciaire en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision d’un agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada à Londres, au Royaume-Uni (l’agent), qui a refusé sa demande de visa de résident permanent en tant que travailleur qualifié.
[2] Le demandeur soutient que l’agent a manqué à l’équité procédurale et que les conclusions de l’agent, selon lesquelles il n’a pas démontré qu’il avait l’expérience requise pour exercer les fonctions énoncées dans l’avis sur un emploi réservé (AER) et selon lesquelles sa demande d’emploi comme évaluateur de bijoux n’était pas authentique, n’étaient pas raisonnables.
[3] La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.
I. Contexte
[4] Le demandeur est un citoyen du Royaume-Uni et y réside actuellement. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada en octobre 2010 en soumettant la demande et un avis sur un emploi réservé.
[5] L’avis sur un emploi réservé, daté du 17 novembre 2009, reposait sur une offre d’emploi de Manny’s Jewellery and Fabrics (Manny’s) à Surrey, en Colombie-Britannique, offrant au demandeur un poste d’évaluateur de bijoux. Manny’s est la propriété du beau-père du demandeur. Le demandeur a également fourni des copies de lettres d’offres d’emploi de Manny’s, datée du 2 août 2009 et du 12 juin 2012.
[6] Pour établir son expérience, le demandeur a fourni : une copie d’un contrat de travail de deux ans de Apna Jewellery House (Apna), également située à Surrey, en Colombie-Britannique, datée du 30 avril 2009, qui énonce les tâches du demandeur en tant qu’évaluateur de pierres précieuses et de bijoux de style indien; des copies de plusieurs chèques de paye d’Apna sur une période de quatre ans; et une lettre personnelle décrivant son expérience et ses qualifications.
[7] L’agent a envoyé au demandeur une lettre relative à l’équité procédurale le 26 mai 2015, faisant état de préoccupations concernant l’expérience du demandeur comme un évaluateur de bijoux et au sujet de l’offre d’emploi comme un moyen de faciliter la demande de résidence permanente. L’agent a cru que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve objectifs ou crédibles de son expérience. L’agent n’était pas non plus convaincu que l’offre d’emploi était authentique en raison de la longue période de temps pendant laquelle le poste n’avait pas été pourvu et en raison des liens familiaux du demandeur avec l’employeur. L’agent a invité le demandeur à présenter une réponse.
[8] Le demandeur a répondu par une brève lettre réaffirmant ses qualifications d’évaluateur de bijoux et que l’offre d’emploi était authentique. Il a également fourni une lettre de Manny’s, datée du 15 juin 2015, confirmant que le poste lui était toujours offert.
II. La décision faisant l’objet du contrôle
[9] L’agent a refusé la demande de visa de résident permanent. Les notes du SMGC [Système mondial de gestion des cas], en particulier l’entrée datée du 12 août 2015, fournissent les motifs de la décision.
[10] L’agent a estimé que la réponse du demandeur à la lettre relative à l’équité procédurale n’a fourni aucune information nouvelle et n’a pas abordé les préoccupations soulevées. L’offre d’emploi de juin 2015 était identique aux offres précédentes. Aucun élément de preuve objectif ne démontrait ce que représentaient les chèques d’Apna, si les impôts avaient été payés sur les montants des paiements, ou même si les chèques avaient été encaissés.
[11] L’agent n’était pas convaincu que le demandeur avait les connaissances nécessaires pour exercer les fonctions énoncées dans l’avis sur un emploi réservé et que l’offre d’emploi était authentique. L’agent a souligné que le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve objectif de son expérience d’emploi comme évaluateur de bijoux et que les seuls éléments de preuve relatifs à l’expérience étaient un contrat de travail avec Apna, qui [traduction] « peut être créé en quelques minutes sur un ordinateur » et qui n’était pas signé par le demandeur, des copies des chèques d’Apna, et une lettre de six lignes d’Apna indiquant que le demandeur travaille comme un évaluateur de bijoux.
[12] L’agent a ajouté que les fonctions énoncées dans l’avis sur un emploi réservé étaient [traduction] « d’une complexité qui ne semble pas correspondre à sa formation et à son expérience ».
[13] L’agent n’a donc attribué aucun point dans la catégorie « avis sur un emploi réservé » et aucun point dans la « catégorie de l’expérience ». Par conséquent, le demandeur ne cumule pas les 57 points requis pour obtenir une décision favorable.
III. Questions en litige
[14] Le demandeur affirme que :
• l’agent a manqué à l’équité procédurale en ne lui donnant pas une possibilité significative de dissiper les préoccupations de l’agent, notamment du fait que l’agent n’a pas rencontré le demandeur en entrevue et ne l’a pas informé des préoccupations concernant particulièrement son expérience de travail;
• l’agent a conclu à tort qu’il n’avait pas démontré qu’il avait l’expérience de travail requise;
• l’agent a conclu à tort que son offre d’emploi de Manny’s n’était pas authentique et ne visait qu’à faciliter sa demande de résidence permanente.
IV. La norme de contrôle
[15] Les questions de procédure doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43.
[16] La décision de l’agent quant à l’admissibilité du demandeur au statut de résident permanent oblige l’agent à évaluer la demande et à exercer son pouvoir discrétionnaire et doit, par conséquent, être contrôlée en fonction de la norme de la raisonnabilité (Obeta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1542 (Obeta), au paragraphe 14).
[17] Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, la Cour considère si la décision s’inscrit dans les « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). Il convient de faire preuve de déférence à l’égard du décideur, en l’espèce l’agent, et la Cour ne réévaluera pas la preuve.
V. L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale?
[18] Le demandeur fait valoir que le caractère général de la lettre relative à l’équité procédurale ne lui signalait pas les préoccupations de l’agent et ne lui donnait pas une possibilité significative de dissiper ces préoccupations. Le demandeur soutient que les préoccupations de l’agent relatives à l’authenticité de ses documents approchaient l’allégation de fausse déclaration. Il fait valoir que l’obligation d’équité est appelée lorsqu’un agent doute de la crédibilité du demandeur et que, dans les présentes circonstances, l’agent a mis en doute sa crédibilité (Madadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 716, au paragraphe 6).
[19] Le demandeur ajoute que l’agent devait l’informer de ses préoccupations relatives à l’authenticité des documents fournis et qu’il avait l’obligation d’obtenir d’autres renseignements (Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501 (Hassani), au paragraphe 24; Chawla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 434 (Chawla), aux paragraphes 12 à 21).
[20] Le demandeur fait également valoir que, en raison de la nature des préoccupations, une entrevue aurait dû avoir lieu, ce qui lui aurait permis de démontrer sa connaissance des bijoux de style indien et de dissiper les préoccupations de l’agent sur son expérience et sur l’offre d’emploi.
[21] Le défendeur soutient que la lettre relative à l’équité procédurale a clairement indiqué ses préoccupations concernant l’insuffisance de la preuve relative à l’expérience et à la capacité du demandeur à exercer les fonctions de l’avis sur un emploi réservé, ainsi que sa préoccupation selon laquelle l’avis sur un emploi réservé n’était pas authentique. La lettre donnait au demandeur la possibilité de répondre et de fournir davantage d’éléments de preuve.
[22] Le défendeur souligne que la teneur de l’obligation en matière d’équité procédurale envers les demandeurs de visa se situe à l’extrémité inférieure du registre (Tahereh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 90 (Tahereh), au paragraphe 12).
[23] Le fardeau de démontrer son admissibilité au visa de résident permanent incombe au demandeur. Le demandeur n’a aucun droit à l’entrevue pour cause d’insuffisance des pièces à l’appui (Kaur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 442 (Kaur), au paragraphe 10).
Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale
[24] Le demandeur semble exagérer la portée de l’exigence d’équité procédurale établie dans la jurisprudence et de son application à sa situation.
[25] Dans la décision Tahereh, la Cour a fait remarquer que l’obligation d’équité procédurale à laquelle sont astreints les agents examinant les demandes de résidence permanente est à l’extrémité inférieure du registre et a expliqué cette conclusion comme suit (au paragraphe 12) :
[…] En l’espèce, il s’agit de la décision d’une agente des visas à propos d’une demande de résidence permanente; le devoir d’agir équitablement a été jugé comme étant relativement peu rigoureux dans ce contexte, en l’absence d’un droit à la résidence permanente reconnu par la loi, du fait qu’il revient à la demanderesse d’établir son admissibilité et du fait des conséquences moins graves sur celle-ci que n’a en général la décision, en comparaison de la suppression d’un avantage et de la nécessité pour l’État de maîtriser les coûts de l’administration (Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 2 C.F. 413 (C.A.)). [Non souligné dans l’original.]
[26] Dans la décision Hamza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264, aux paragraphes 21 à 24, le juge Bédard a examiné le rejet de la demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés, a passé en revue de façon exhaustive la jurisprudence applicable et a fourni un résumé des principes pertinents : il incombe au demandeur d’établir qu’il satisfait aux exigences du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) en fournissant des éléments de preuve suffisants pour étayer sa demande; l’obligation d’équité procédurale à laquelle sont astreints les agents des visas se situe à l’extrémité inférieure du registre; un agent des visas n’est ni tenu d’aviser un demandeur des lacunes relevées dans sa demande, ni dans les documents fournis à l’appui de la demande; l’agent n’est pas tenu de donner la possibilité au demandeur de dissiper ses préoccupations lorsque les documents sont incomplets, peu clairs ou insuffisants pour convaincre l’agent que le demandeur satisfait aux exigences (voir aussi Kamchibekov c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1411, au paragraphe 26; Kaur, aux paragraphes 6 à 14). Le juge Bédard ajoute aux paragraphes 25 à 28 que, comme conclu dans la décision Hassani au paragraphe 24, un agent peut avoir une telle obligation quand il a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande plutôt que sur la suffisance de la preuve.
[27] Dans la décision Hassani, le juge Mosley a réuni la jurisprudence existante et a conclu au paragraphe 24 :
Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci-dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans les décisions John [John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 257] et Cornea [Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 972], deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.
[28] Alors que les agents sont souvent tenus de donner une occasion au demandeur de dissiper les préoccupations relatives à la crédibilité, à l’exactitude ou à l’authenticité de l’information, l’utilisation de l’expression « peut » signale que la Cour dans la décision Hassani n’établissait pas une obligation absolue (Ansari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 849, aux paragraphes 17 à 19; Obeta, au paragraphe 25). Les faits de chaque affaire doivent être examinés.
[29] En l’espèce, il est nécessaire d’examiner si les préoccupations de l’agent portaient principalement sur le caractère suffisant de la preuve ou sur la crédibilité et la véracité des documents. Le simple fait d’utiliser l’expression « crédible » ne signifie pas nécessairement que les préoccupations portent sur la crédibilité, l’authenticité ou la véracité des documents présentés. Il incombe au demandeur d’étayer sa demande par des éléments de preuve suffisants. Si la préoccupation porte sur la suffisance de la preuve, étant donné que les instructions aux demandeurs exigent clairement que la demande soit complète et accompagnée de documents justificatifs, la question de l’obligation d’équité procédurale ne se pose pas. Toutefois, si les soucis portent vraiment sur la crédibilité, une évaluation plus poussée de la portée de l’obligation d’équité procédurale, qui, comme souligné, se situe à l’extrémité inférieure du registre, sera nécessaire.
[30] Je suis en désaccord avec les prétentions du demandeur voulant qu’il ait présenté des éléments probants démontrant son expérience et que son offre d’emploi était authentique et que, par conséquent, les préoccupations de l’agent ne peuvent être qualifiées que comme des préoccupations relatives à la crédibilité de ses documents.
[31] L’agent n’a pas estimé que la preuve était suffisante. La lettre relative à l’équité procédurale transmettait clairement ce message et notifiait le demandeur des préoccupations de l’agent.
[32] La lettre relative à l’équité procédurale spécifiait : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que vous avez quelque expérience que ce soit comme évaluateur de bijoux. Vous n’avez présenté aucun élément de preuve objectif ou crédible démontrant que vous seriez en mesure de remplir les fonctions de l’emploi offert comme énoncé dans l’avis sur un emploi réservé » (c’est nous qui soulignons).
[33] L’agent a également souligné qu’il était préoccupé par l’authenticité de l’offre d’emploi en raison de la période de temps pendant laquelle le poste n’a pas été pourvu, et en raison des liens familiaux du demandeur avec l’employeur.
[34] Bien que l’agent n’énonce pas explicitement ses préoccupations quant à savoir comment, ou quand, le demandeur a acquis une formation d’évaluateur de bijoux chez Apna, une autre entreprise de Surrey, en Colombie-Britannique, ou ce que représentent les chèques d’Apna, la lettre relative à l’équité procédurale soulève les préoccupations essentielles de l’agent : absence de tout élément de preuve objectif démontrant que le demandeur peut assumer le poste d’évaluateur de bijoux, que l’offre d’emploi est authentique, démontrant l’expérience du demandeur et expliquant la durée de l’offre.
[35] Le demandeur n’a cité aucune jurisprudence établissant que l’agent était tenu de l’interroger pour déterminer s’il avait l’expérience requise ou pour évaluer sa crédibilité. Dans la décision Chawla, la Cour a conclu (au paragraphe 21) :
[…] L’avocat des demandeurs a prétendu que l’agente aurait dû, après sa conversation téléphonique avec M. Naresh, s’entretenir avec le demandeur principal sur les doutes qu’elle avait concernant la crédibilité de celui-ci. Il n’existe aucun droit à un entretien dans un tel cas, et les précédents invoqués par les demandeurs au soutien de leur position à ce chapitre se limitent simplement à dire qu’une telle obligation peut naître lorsque la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité des renseignements produits par le demandeur est à l’origine des doutes d’un agent des visas : voir Ismailzada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 67, au paragraphe 20, citant Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 [souligné par le juge de Montigny]. L’obligation d’équité est de caractère variable, et il est reconnu qu’une participation utile peut prendre diverses formes dans diverses situations. Dans la mesure où un demandeur se voit offrir l’occasion de réagir et de présenter ses arguments, la justice naturelle sera respectée : Baker c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 33. [Non souligné dans l’original.]
[36] Le demandeur a été avisé clairement des préoccupations susmentionnées et a eu une réelle possibilité de répondre en présentant des éléments additionnels de preuve objectifs. Le demandeur n’a pas profité de cette occasion. L’agent n’avait pas l’obligation de tenir une entrevue. L’agent n’avait pas l’obligation, contrairement à ce que fait valoir le demandeur, de faire un suivi et d’obtenir d’autres renseignements auprès d’Apna ou de Manny’s concernant son expérience et ses qualifications. Le demandeur a simplement présenté une courte lettre réaffirmant qu’il possédait l’expérience et que l’offre était réelle, ce que l’agent a raisonnablement estimé ne pas dissiper ses préoccupations.
VI. La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait l’expérience de travail requise est-elle raisonnable?
[37] Le demandeur fait valoir que l’agent a fondé sa décision sur des considérations non pertinentes et étrangères à l’affaire, notamment la simplicité du contrat avec Apna, sa relation avec le propriétaire de Manny’s et la vacance du poste après une longue période de temps.
[38] Le demandeur soutient que l’agent n’a pas tenu compte de sa formation d’évaluateur de bijoux, qu’il a décrite dans sa propre lettre, et a plutôt fondé sa décision sur des spéculations concernant le contrat, les chèques d’Apna et sur l’opinion de l’agent sur l’expérience requise.
[39] Le défendeur soutient que le demandeur ne s’est pas déchargé du fardeau de fournir des éléments de preuve suffisants pour démontrer son expérience et sa capacité d’exécuter les tâches prévues dans l’avis sur un emploi réservé. Le demandeur n’a pas présenté d’éléments de preuve, tels que des certificats de formation ou d’autres documents, qui auraient pu confirmer objectivement son expérience et ses compétences d’évaluateur de bijoux. Il a simplement déclaré qu’il avait l’expérience et une offre d’emploi.
La conclusion de l’agent était raisonnable
[40] Les agents des visas ont une grande expérience de l’évaluation des demandes et il convient de faire preuve de déférence à l’égard de leurs décisions. Les notes du SMGC indiquent que l’agent a examiné l’offre d’emploi, la lettre et les chèques d’emploi, et a relevé plusieurs autres problèmes que le papier utilisé pour le contrat et la question de savoir si le chèque avait été encaissé. L’agent a souligné l’absence de tout élément de preuve objectif démontrant qu’Apna avait donné une formation au demandeur.
[41] Il était légitime de la part de l’agent de douter des raisons pour lesquelles le demandeur serait embauché par Apna, un autre magasin de bijoux, également situé à Surrey, en Colombie-Britannique et à proximité de Manny’s, étant donné que la profession de travailleur de soutien technique du demandeur au Royaume-Uni constituait une occupation totalement différente. Il était également raisonnable de la part de l’agent de douter que le demandeur puisse satisfaire aux exigences de l’emploi offert par Manny’s sans aucun élément de preuve objectif de son expérience ou de sa formation. Le fait que le demandeur ait reçu des chèques d’Apna, mais sans aucune précision expliquant à quels services correspondaient les paiements par chèque, qui n’ont peut-être pas été encaissés, a conduit à raison l’agent à conclure que le contrat du demandeur avec Apna ne constituait pas un élément de preuve suffisant pour établir son expérience.
VII. Était-il déraisonnable que l’agent conclue que l’offre d’emploi du demandeur n’était pas authentique?
[42] Le demandeur soutient que l’agent a convenu que Manny’s est une entreprise de bijoux, que l’avis sur un emploi réservé était valide et que le demandeur a d’emblée divulgué son lien familial, mais que l’agent a tiré une conclusion défavorable.
[43] Le demandeur fait valoir que l’authenticité de l’offre d’emploi doit être évaluée uniquement par rapport aux facteurs énoncés au paragraphe 200(5) du Règlement. Ces critères sont obligatoires (Sydoruk c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 945 (Sydoruk), aux paragraphes 17 à 19) et portent uniquement sur l’intégrité de l’employeur éventuel. Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en mettant l’accent sur la crédibilité du témoignage sur son expérience professionnelle et sur sa relation avec son futur employeur, aucun de ces deux facteurs n’étant pertinent.
[44] Le défendeur souligne que l’agent n’était pas lié par l’avis sur un emploi réservé dans son évaluation de l’authenticité de l’offre d’emploi. L’agent doit évaluer l’avis sur un emploi réservé dans le cadre de l’ensemble de la demande (Ghazeleh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1521, aux paragraphes 18 à 20; Gracia Porfirio c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 794, au paragraphe 33; Sydoruk, au paragraphe 12) et conformément au Règlement.
[45] Le défendeur reconnaît que, pour évaluer l’authenticité de l’offre d’emploi, les facteurs énoncés au paragraphe 200(5) se rapportent à l’employeur éventuel, mais soutient que l’agent a toujours le pouvoir discrétionnaire d’examiner si le demandeur est en mesure d’exécuter les tâches de l’emploi offert. En particulier, l’alinéa 200(5)b) oblige l’agent à se demander si l’offre est compatible avec les besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur.
La conclusion selon laquelle l’offre n’était pas authentique est raisonnable
[46] Tel que mentionné par le défendeur, l’agent n’est pas lié par l’avis sur un emploi réservé. Dans la décision Sydoruk, il a été établi ce qui suit (au paragraphe 12) :
En vertu de l’alinéa 82(2)c) du Règlement, les demandeurs qui se trouvent à l’extérieur du Canada reçoivent dix points pour un emploi réservé, dans la mesure où l’agent des visas approuve l’offre d’emploi en tenant compte d’un avis formulé par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDCC). L’agent des visas n’est pas tenu de suivre l’avis de RHDCC. Il revient à l’agent de décider si l’offre d’emploi remplit les conditions du paragraphe 203(1) du Règlement, y compris si elle est authentique. [Non souligné dans l’original.]
[47] L’alinéa 203(1)a) du Règlement prévoit ce qui suit :
Appréciation de l’emploi offert
203 (1) Sur présentation d’une demande de permis de travail conformément à la section 2 par tout étranger, autre que celui visé à l’un des sous-alinéas 200(1)c)(i) à (ii.1), l’agent décide, en se fondant sur l’évaluation du ministère de l’Emploi et du Développement social, sur tout renseignement fourni, à la demande de l’agent, par l’employeur qui présente l’offre d’emploi et sur tout autre renseignement pertinent, si, à la fois :
a) l’offre d’emploi est authentique conformément au paragraphe 200(5);
[48] Le paragraphe 200(5) du Règlement prévoit ce qui suit :
200 […]
Authenticité de l’offre d’emploi
(5) L’évaluation de l’authenticité de l’offre d’emploi est fondée sur les facteurs suivants :
a) l’offre est présentée par un employeur véritablement actif dans l’entreprise à l’égard de laquelle elle est faite, sauf si elle vise un emploi d’aide familial;
b) l’offre correspond aux besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur;
c) l’employeur peut raisonnablement respecter les conditions de l’offre;
d) l’employeur – ou la personne qui recrute des travailleurs étrangers en son nom – s’est conformé aux lois et aux règlements fédéraux et provinciaux régissant le travail ou le recrutement de main-d’œuvre dans la province où il est prévu que l’étranger travaillera.
[49] Je n’accepte pas l’argument du demandeur voulant que les facteurs du paragraphe 200(5) soient les seuls facteurs qui peuvent être considérés pour déterminer l’authenticité d’une offre d’emploi ou qu’ils doivent être interprétés de façon si étroite que les préoccupations légitimes de l’agent sur l’authenticité d’une offre d’emploi ne peuvent être prises en considération. En outre, l’alinéa 200(5)a), traitant de la pertinence de l’offre par rapport aux besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur, porte sur une question vaste qui comprend l’examen d’un éventail de facteurs pertinents, notamment : la nature de l’entreprise, la nature de l’emploi offert, la taille de l’entreprise, le volume de ventes, et le nombre d’employés. À mon avis, il ne serait pas cohérent avec les besoins légitimes en main-d’œuvre d’un employeur dans un domaine spécialisé comme la joaillerie, d’offrir un emploi à une personne qui n’a pas fourni d’éléments de preuve objectifs de ses qualifications et de son expérience et dont la relation personnelle avec le propriétaire de l’entreprise semble constituer une priorité plus élevée que le fait de satisfaire aux objectifs de l’employeur et du propriétaire de l’entreprise et de répondre à leur besoin légitime d’embaucher un évaluateur de bijoux qualifié.
[50] Je reconnais la préoccupation du demandeur, selon laquelle le retard dans le traitement des demandes peut avoir un impact négatif sur les offres d’emploi. Si une offre d’emploi tient pour une période de temps indéfinie, il convient de se poser des questions sur l’authenticité de l’offre, comme ce fut le cas dans cette affaire. Si une demande est traitée rapidement, ces préoccupations ne peuvent pas être soulevées. Dans certains cas, les entreprises familiales ou les entreprises ayant un roulement du personnel élevé peuvent être plus disposées à attendre qu’un demandeur entre au Canada. Toutefois, la durée de l’offre d’emploi ne constituait pas la seule préoccupation dans ce cas, et les besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur doivent toujours être pris en considération. Les notes du SMGC démontrent aussi qu’il y avait une autre correspondance entre 2012 et 2014 concernant l’état civil du demandeur, le statut antérieur de résidente permanente de son épouse au Canada et la naissance de leurs enfants, ce qui a eu une incidence sur le temps de traitement de la demande. Aucun retard injustifié ne peut être attribué au défendeur dans le traitement de la demande.
[51] La conclusion de l’agent selon laquelle l’offre d’emploi n’était pas authentique fait partie des issues raisonnables et se défend au regard des faits dont disposait l’agent et du droit applicable.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question n’est certifiée.