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T-1140-01

2003 CF 1397

La bande des Blood (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (défenderesse)

Répertorié: Bande des Blood c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (C.F.)

Cour fédérale, juge Lemieux--Calgary, 8 avril; Ottawa, 28 novembre 2003.

Accès à l'information -- Une bande indienne sollicite le contrôle judiciaire de la décision du MAINC portant sur la divulgation de documents demandés qui portent sur sa revendication territoriale -- La bande a reçu un avis aux tiers de l'intention de donner communication, en vertu de l'art. 27 de la Loi sur l'accès à l'information -- La bande a présenté ses objections en vertu de l'art. 28(2) -- La position de la bande: les documents ont été préparés dans le cadre d'un litige, et leur divulgation pourrait entraver le déroulement de cette action ainsi que toute négociation en vue d'un règlement -- La bande a invoqué les exemptions prévues à l'art. 20(1)b), c) et d) -- Contrôle judiciaire transformé en demande en vertu de l'art. 44; demande accueillie -- Privilège lié aux négociations -- Privilège lié aux procédures judiciaires -- Examen et énoncé des principes applicables -- Dans un examen en vertu de l'art. 44, semblable à un procès de novo, la Cour doit tirer ses propres conclusions au vu de la preuve -- Pour se prévaloir des exemptions prévues pour les tiers, il faut démontrer un risque vraisemblable de préjudice probable -- Preuve nécessaire à cette démonstration -- Les négociations en vue d'un règlement sont au coeur de l'affaire -- Ce privilège est reconnu en droit comme digne de protection -- Couvert par l'art. 20(1)d), non par l'exemption pour le secret professionnel des avocats prévue à l'art. 20(3) -- Il faut apporter la preuve que la communication pourrait vraisemblablement entraver des négociations en vue d'un règlement -- Les documents dans leur entier relèvent de l'exemption prévue à l'art. 20(1)d) -- En ouvrant le processus à une intervention extérieure, la bande et le MAINC n'auraient plus le contrôle de la situation -- Le coordonnateur de l'accès avait tort de croire que la divulgation de «faits historiques» ne causerait pas de préjudice à la bande, puisqu'il s'agit là de la preuve même que la bande déclare nécessaire pour obtenir gain de cause.

Peuples autochtones -- Terres -- Une bande indienne sollicite le contrôle judiciaire de la décision du MAINC portant sur le prélèvement et la divulgation de documents qui portent sur sa revendication territoriale -- La bande a présenté ses objections: les documents ont été préparés dans le cadre d'un litige, et leur divulgation pourrait entraver le déroulement de cette action ainsi que toute négociation en vue d'un règlement -- Dans l'action principale, la bande déclare que la Couronne n'avait pas réservé une superficie suffisante pour la réserve, suite à un mauvais dénombrement de sa population -- La Cour a examiné les principes pertinents de la Loi sur l'accès à l'information -- La divulgation ferait que la bande et le MAINC n'auraient plus le contrôle de la situation -- Il est erroné de dire que la divulgation de «faits historiques» ne causerait pas de préjudice à la bande, puisqu'il s'agit là de la preuve même que la bande déclare nécessaire pour obtenir gain de cause.

Une bande indienne sollicite le contrôle judiciaire de la décision du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) portant sur le prélèvement et la divulgation d'extraits de documents demandés qui portent sur la revendication territoriale de la bande des Blood. Le coordonnateur de l'accès du MAINC a identifié trois documents pertinents à la demande et elle a envoyé à la bande un avis aux tiers de son intention de donner communication des documents, en vertu de l'article 27 de la Loi sur l'accès à l'information. La bande a présenté ses objections, en vertu du paragraphe 28(2) de la Loi. S'agissant des deux premiers documents, le rapport historique de 1994 et la revendication territoriale de 1996, la bande a indiqué qu'ils avaient été préparés dans le cadre d'un litige contre la Couronne, et que leur divulgation pourrait entraver le déroulement de cette action ainsi que toute négociation en vue d'un règlement. De plus, ils ont été transmis au MAINC dans le cadre de négociations sans préjudice en vue d'un règlement et leur divulgation pouvait entraver les efforts de règlement. La bande a donc invoqué les exemptions prévues aux alinéas 20(1)b), c) et d) de la Loi. Le dernier document est un rapport préparé par le MAINC, et la bande soutient que ce document est pertinent au litige entre les parties et que sa divulgation pouvait entraver la poursuite de l'action et des négociations.

Le coordonnateur de l'accès a néanmoins exprimé l'avis que le rapport historique du consultant, comprenant 91 pages, devait être divulgué en entier, à l'exception de ses conclusions, qui tiennent sur deux pages. Par contre, la revendication territoriale, qui contient 183 pages, était protégée de la divulgation, à l'exception de la page couverture et des pages 1 à 20, qui contiennent des données historiques. Finalement, selon le coordonnateur de l'accès, le rapport préparé par le MAINC contenait des informations factuelles qu'on pouvait divulguer, en prélevant plusieurs parties.

Dans l'action principale, la bande déclare que la Couronne n'avait pas réservé une superficie suffisante pour la réserve, suite à un mauvais dénombrement de sa population.

Jugement: la demande en vertu de l'article 44 est accueillie et les documents sont protégés totalement de la divulgation.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de la bande a évoqué le privilège lié aux négociations en vue d'un règlement (privilège sans préjudice) et le privilège lié à la procédure judiciaire (documents préparés dans le cadre d'une procédure judiciaire). On a soutenu que les documents fournis au gouvernement dans le cadre de négociations en vue d'un règlement ne sont pas des documents de l'administration fédérale et que c'est à bon droit que la procédure a été introduite par la bande en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, plutôt qu'en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information.

Au sujet des principes applicables, le juge Gonthier fait remarquer, dans l'arrêt Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66, que la déclaration voulant que l'article 2 de la Loi prévoit que les exceptions au droit d'accès doivent être «précises et limitées» n'établit pas pour autant de présomption en faveur de la communication. Dans le cadre d'un examen en vertu de l'article 44, la Cour doit procéder à une révision indépendante de la question, semblable à un procès de novo, et procéder au besoin à une révision détaillée de chacun des documents en litige. Ceci veut dire que le rôle de la Cour n'est pas simplement de déterminer si le tribunal a commis une erreur, mais plutôt de tirer ses propres conclusions au vu de la preuve soumise. La norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte. Pour se prévaloir des exemptions prévues pour les tiers, un demandeur doit démontrer un risque vraisemblable de préjudice probable et, dans Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale, le juge Teitelbaum a examiné le genre de preuve nécessaire pour établir ce risque.

L'avocat de la demanderesse a bien fait d'insister sur les négociations en vue d'un règlement, étant donné que cette question est au coeur de l'affaire et qu'il s'agit là d'un privilège reconnu en droit comme digne de protection. Dans Hutton c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), le juge Gibson a conclu que les négociations en vue d'un règlement sont couvertes par l'alinéa 20(1)d) de la Loi, mais non par l'exemption pour le secret professionnel des avocats prévue au paragraphe 20(3).

Contrairement à la situation qui prévaut dans un litige civil, il est souvent insuffisant dans le contexte de la Loi sur l'accès à l'information de simplement faire état du privilège portant sur les négociations en vue d'un règlement pour situer l'affaire dans le contexte de l'alinéa 20(1)d). Il faut apporter la preuve que la communication des documents en cause pourrait vraisemblablement entraver des négociations en vue d'un règlement. Si le demandeur démontre que les documents ont été créés ou échangés dans le cadre de négociations en vue d'un règlement, et qu'il démontre un risque vraisemblable de préjudice probable en cas de divulgation, il n'est pas nécessaire de sortir des limites des exemptions prévues pour les tiers par l'article 20. Il s'ensuit qu'en l'espèce il n'était pas nécessaire de décider si un tiers peut, dans le cadre d'un examen en vertu de l'article 44, se réclamer d'une exemption autre que ce qui est prévu à l'article 20, question sur laquelle il y a un débat en cette Cour. Toute question qui pourrait persister quant à savoir si on peut procéder à un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 nonobstant l'article 44, au vu de ce que prévoit l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, deviendrait théorique. En conséquence, l'espèce présente doit être tranchée en vertu de l'article 44.

Au vu de l'examen des trois documents, la conclusion tirée est que les documents dans leur entier relèvent de l'exemption prévue à l'alinéa 20(1)d) et qu'il ne serait pas approprié d'en prélever des parties.

À l'argument que comme les négociations en vue d'un règlement sont suspendues, on ne peut les entraver au sens de l'alinéa 20(1)d), on pourrait apporter deux réponses: 1) la décision du MAINC porte seulement qu'il ne considère pas la réclamation de la bande comme recevable pour une négociation dans le cadre du processus de revendications particulières, question qui est présentement examinée par la Commission sur les revendications particulières des Indiens; et 2) l'action de la bande fera l'objet des discussions en vue d'un règlement prévues à l'article 257 des Règles.

La divulgation ferait que la bande et le MAINC n'auraient plus le contrôle de la situation en ouvrant le processus à une intervention extérieure.

La Cour ne pouvait se ranger à l'avis du coordonnateur de l'accès que la divulgation de «faits historiques» ne causerait pas de préjudice à la bande. Ce que ce fonctionnaire a décrit comme étant des «faits historiques» constitue la preuve même que la bande déclare nécessaire pour obtenir gain de cause dans son action.

lois et règlements

Décret C.P. 1887-1151.

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2, 13 (mod. par L.C. 2000, ch. 7, art. 21), 19(1), 20, 23, 25, 27, 28(2), 44, 68 (mod. par L.C.1990, ch. 3, art. 32, ann. no 1, 69 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 3).

Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, ann. 1, art. 44 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 1, art. 45, ann. III, no 1].

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18 (mod. par L.C.1990, ch. 8, art. 4), 18.1 (édicté, idem, art. 5), 18.5 (édicté, idem).

Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 81.24 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52), 81.28 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 257.

jurisprudence

décisions appliquées:

Cie H.J. Heinz Co. du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [2003] 4 C.F. 3 (1re inst.); Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66; (2003), 224 D.L.R. (4th) 1; 47 Admin. L.R. (3d) 1; 24 C.P.R. (4th) 129; 301 N.R. 41; SNC Lavalin Inc. c. Canada (Ministre de la Coopération internationale) (2003), 25 C.P.R. (4th) 460; 234 F.T.R. 294 (C.F. 1re inst.); Air Atonabee c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 C.P.R. (3d) 180; 27 F.T.R. 194 (C.F. 1re inst.); Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale (1998), 147 F.T.R. 264 (C.F. 1re inst.); Hutton c. Canada (Ministre des Ressources naturelles) (1997), 137 F.T.R. 110 (C.F. 1re inst.); Nation et Bande indienne de Samson c. Canada (2000), 182 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.).

décisions citées:

Cie des chemins de fer nationaux du Canada et Canadien Pacifique Ltée c. Canada (1993), 62 F.T.R. 150 (C.F. 1re inst.); Dussault c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2003 CF 973; [2003] A.C.F. no 1253 (C.F.) (QL); Aliments Prince Foods Inc. c. Canada (Ministère de l'Agriculture et Agroalimentaire) (2001), 272 N.R. 184 (C.A.F.); Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47; (1988), 53 D.L.R. (4th) 246; 32 Admin. L.R. 178; 26 C.P.R. (3d) 407; 87 N.R. 81 (C.A.).

doctrine

Manes, Ronald D. and Michael P. Silver. Solicitor-Client Privilege in Canadian Law. Markham, Ont.: Butterworths, 1993.

DEMANDE de contrôle judiciaire, convertie par la Cour en demande en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information, de la décision d'un coordonnateur de l'accès à l'information de prélever et divulguer, à un demandeur non identifié, certains documents pertinents à une question de revendication territoriale autochtone. Demande accueillie.

ont comparu:

Kenneth R. McLeod pour la demanderesse.

D. Kim McCarthy pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier:

Walsh Wilkins Creighton LLP, Calgary, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Lemieux:

LE CONTEXTE

[1]Cette demande présentée en vertu de l'article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] par la bande des Blood (la bande), qui regroupe les membres de la tribu des Blood, conteste la décision rendue le 16 juin 2001 par le coordonnateur de l'accès à l'information (le coordonnateur de l'accès) du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC). Cette décision portait sur le prélèvement et la divulgation d'extraits de documents suite à une demande présentée au MAINC sous l'intitulé [traduction] «Revendication territoriale de la bande des Indiens Blood». Ce requérant n'est pas identifié. Le coordonnateur de l'accès a conclu que des extraits de ces documents étaient exemptés en vertu de certains paragraphes de l'article 20 de la Loi sur l'accès à l'information [L.R.C. (1985), ch. A-1] (la Loi).

[2]Le coordonnateur de l'accès a identifié trois documents pertinents à la demande:

1) un rapport historique préparé en 1994 par un consultant de la bande;

2) une revendication territoriale présentée au MAINC en 1996, préparée par des avocats au service de la bande; et

3) un rapport de confirmation préparé en 1998 par un fonctionnaire du MAINC, qui résume et évalue le point de vue des parties.

[3]Le coordonnateur de l'accès considère que la demanderesse est un tiers par rapport à ces trois documents. Par conséquent, elle a envoyé à la bande un avis aux tiers en vertu de l'article 27, l'informant de son intention de donner communication partielle des documents. La bande a présenté ses observations à l'encontre de toute divulgation des documents, en vertu du paragraphe 28(2) de la Loi.

[4]S'agissant des deux premiers documents, le rapport historique de 1994 et la revendication territoriale de 1996, l'avocat de la bande a informé le coordonnateur de l'accès que ces documents avaient été préparés dans le cadre d'un litige, savoir une action intentée par la bande en 1980 en Cour fédérale, contre la Couronne fédérale, et que leur divulgation pourrait entraver le déroulement de cette action ainsi que toute négociation future en vue d'un règlement.

[5]De plus, l'avocat de la bande a déclaré au coordonnateur de l'accès que le rapport historique et la revendication territoriale ont été transmis au MAINC dans le cadre de négociations sans préjudice en vue du règlement de son action, qui comprennent des négociations liées à la reconnaissance de la revendication de la bande des Blood en tant que revendication particulière. L'avocat a soutenu que leur divulgation pouvait vraisemblablement entraver les efforts de règlement, ainsi que les négociations en vue de la recevabilité de la revendication particulière, tenues entre la tribu des Blood et le gouvernement canadien.

[6]Pour ce motif, ainsi que d'autres, l'avocat de la bande a déclaré au coordonnateur de l'accès qu'il était d'avis que les exemptions prévues aux alinéas 20(1)b), c) et d) de la Loi étaient pertinentes.

[7]D'autres dispositions de la Loi ont été invoquées devant le coordonnateur de l'accès, mais il n'est pas nécessaire que j'en traite puisque lors de l'audience tenue devant moi, l'avocat de la bande demanderesse n'a pas fait état de ces autres dispositions pour contester la décision prise.

[8]S'agissant du troisième document dont on propose la divulgation, savoir le rapport préparé par le fonctionnaire du MAINC, la bande soutient que ce document a été préparé en vue du litige entre les parties, ou dans le cadre de celui-ci, et que sa divulgation pouvait entraver la poursuite de l'action de la bande contre le Canada, ainsi que toute négociation de règlement à venir. Les alinéas 20(1)c) et d) ont été invoqués dans ce cadre. Ce document comporte 65 pages, chacune portant la mention «sans préjudice».

[9]Dans une lettre datée du 16 juin 2001, le coordonnateur de l'accès a informé la bande des motifs justifiant l'exemption ainsi que les prélèvements pour divulgation.

[10]Premièrement, le rapport historique du consultant, comprenant 91 pages, devait être divulgué en entier, à l'exception de deux pages décrites comme contenant les conclusions du rapport. Le coordonnateur de l'accès a exprimé l'avis que les pages de ce rapport qu'il voulait divulguer contenaient des données historiques dont la divulgation ne causerait aucun préjudice à la bande. Selon le coordonnateur de l'accès, les deux pages non divulguées étaient protégées par les alinéas 20(1)b), c) et d) de la Loi.

[11]Le deuxième document, la revendication territoriale, contient 183 pages préparées par des avocats au service de la bande, ainsi que 20 annexes, y compris des déclarations assermentées d'anciens. Ce document était entièrement protégé de la divulgation, en vertu des alinéas 20(1)b), c) et d), à l'exception de la page couverture et des pages 1 à 20 du document principal. Le coordonnateur de l'accès a déclaré que ces pages, qui constituent l'introduction et le contexte factuel de l'analyse juridique, contenaient des données historiques dont la divulgation ne causerait aucun préjudice à la bande des Blood. Selon le coordonnateur de l'accès, les faits en cause étaient de nature générale, portant sur les efforts d'installation des Mormons dans la région et sur les statistiques de population de la tribu des Blood.

[12]Selon le coordonnateur de l'accès, le troisième document, préparé par le MAINC et transmis à la bande, contenait essentiellement des informations factuelles qu'on pouvait divulguer, en prélevant plusieurs parties et certaines pages spécifiques en vertu des mêmes alinéas du paragraphe 20(1) de la Loi.

[13]Sur réception de la lettre du 16 juin 2001, la bande a initié des procédures devant notre Cour. Au lieu de placer ces procédures sous l'article 44 [mod. par L.R.C. (1985) (1re suppl.), ch. 1, art. 45, ann. III, no 1] de la Loi, la bande a adopté la voie de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, démarche à laquelle la Couronne fédérale s'est objectée.

[14]Pour faciliter la lecture de ces motifs, je reproduis ici les alinéas 20(1)b), c) et d) de la Loi, qui portent sur les exemptions prévues pour les tiers, ainsi que l'article 25, qui autorise les prélèvements:

20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant:

[. . .]

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

[. . .]

25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux. [Non souligné dans l'original.]

[15]Le litige auquel j'ai fait référence plus tôt consiste en une action commencée le 10 janvier 1980 (dossier T-238-80). Les demandeurs sont le chef de la bande des Blood de la réserve 148, Jim Shot Both Sides, ainsi que les conseillers de la bande, agissant au nom de toute la tribu des Blood. La défenderesse est Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

[16]La déclaration fait état du Traité no 7, conclu le 27 septembre 1877, ou vers cette date, par lequel le Canada convenait d'établir une réserve pour plusieurs premières nations dont les territoires traditionnels étaient situés dans le sud de l'Alberta. La tribu des Blood a signé ce traité. La taille de la réserve devait prévoir un mille carré pour chaque famille de cinq personnes, cette superficie étant ajustée selon que les familles étaient plus ou moins grandes.

[17]La déclaration porte qu'une réserve distincte a été constituée pour la tribu des Blood par la voie d'une modification au Traité no 7, datée du 2 juillet 1883. Cette modification est survenue après que la bande ait fait savoir au Canada qu'elle ne voulait pas vivre sur une réserve commune à Blackfoot Crossing avec les bandes Pieds-Noirs et Sarcis.

[18]Dans leur action, les demandeurs déclarent que la Couronne fédérale a mal calculé sa population en utilisant un chiffre incorrect de 2 737 membres, alors que la tribu considère qu'il y avait 3 600 membres ayant droit à la nouvelle réserve distincte (la nouvelle réserve). Suite à cette erreur de calcul, la superficie de la nouvelle réserve était inadéquate, savoir qu'il manquait 172,6 milles carrés. Les demandeurs déclarent que l'arrêté en conseil C.P. 1151 du 17 mai 1887, qui confirme que la nouvelle réserve a une superficie de 547,5 milles carrés, était fondé sur des renseignements erronés.

[19]La Couronne fédérale a présenté sa défense le 3 avril 1980, niant qu'elle n'avait pas réservé une superficie suffisante pour la réserve de la bande.

[20]La défenderesse a présenté ses documents en août 1980, la demanderesse présentant les siens le 22 novembre 1983.

[21]Le 7 août 1996, la demanderesse a sollicité des instructions de la Cour quant à la procédure réglant le déroulement de l'action. Elle demandait aussi que l'action se continue, étant donné que sa revendication était à l'étape de la détermination de la recevabilité dans le cadre du processus sur les revendications particulières du MAINC. Le 17 septembre 1996, le juge Dubé a délivré une ordonnance pour la continuation de l'action.

[22]Le 24 février 1999, le juge Gibson a autorisé la demanderesse à modifier sa déclaration. Une nouvelle allégation importante portait que le 25 septembre 1880, ou vers cette date, la tribu des Blood et la Couronne fédérale étaient arrivées à une entente portant sur l'emplacement et la superficie de la nouvelle réserve. La demanderesse soutient que la nouvelle réserve devait être située sur un territoire allant de la Kootenay (maintenant la rivière Waterton) et de la rivière St. Mary jusqu'à la montagne Chief et la frontière internationale au 49e parallèle. La demanderesse soutient que la nouvelle réserve accordée à la tribu des Blood a été constituée de façon légale, tel que convenu à ce moment-là. Elle respectait les frontières naturelles prévues.

[23]Subsidiairement, la demanderesse soutient que la nouvelle réserve a été légalement constituée à l'automne de 1882, lorsque le représentant de la Couronne fédérale a fixé l'arpentage de la nouvelle réserve à 650 milles carrés.

[24]La demanderesse déclare que la modification au Traité no 7, conclue entre la tribu des Blood et la Couronne fédérale le 2 juillet 1883, ou vers cette date, par laquelle la tribu des Blood aurait accepté un nouvel emplacement pour sa réserve à condition de renoncer à son intérêt dans la réserve de Blackfoot Crossing, établie par le Traité no 7, est illégale pour un certain nombre de raisons.

[25]L'action T-238-80 est devenue une instance à gestion spéciale à la demande de la demanderesse, après l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106]. L'avocat de la bande des Blood a réclamé le statut d'instance à gestion spéciale étant donné que leur revendication était à l'étude dans le cadre de la procédure de règlement des revendications particulières au MAINC, procédure qui est [traduction] «un mode de règlement extrajudiciaire, et il a été convenu par les parties que la présente action serait suspendue jusqu'au règlement de la revendication particulière».

[26]Dans un affidavit à l'appui de la demande d'instance à gestion spéciale, la secrétaire juridique de l'avocat de la demanderesse, Deborah Scott, déclare ceci:

a) La revendication représente un mélange unique de questions «particulières», dans le cadre de la politique sur les revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et de questions portant sur le droit à des terres concédées par traité;

b) En 1980, un groupe de travail a été constitué avec des représentants de la tribu des Blood et de la Couronne et, en août 1981, ce groupe de travail conjoint a présenté au gouvernement du Canada des recommandations qui n'ont pas eu de suite;

c) En 1990, la tribu des Blood a repris ses travaux sur la revendication particulière, qui a mené à sa présentation dans le cadre de la procédure des revendications particulières. Des entrevues ont été conduites en langue Pieds-Noirs avec des anciens, pour obtenir une preuve historique plus détaillée ainsi qu'une meilleure compréhension des événements ayant mené à la constitution de la réserve de la tribu des Blood suite au Traité no 7. Le texte de ces entrevues a été traduit et transcrit, pour ensuite être présenté sous forme d'affidavits assermentés par les anciens.

d) Depuis la présentation de la revendication particulière en 1996, les recherches continuent et il y a eu des rencontres avec le groupe chargé des revendications particulières et le ministère de la Justice;

e) La procédure de règlement des revendications particulières est un mode de règlement extrajudiciaire prévu par la politique du Ministère sur les dossiers en souffrance en matière de revendications autochtones. La revendication a été présentée pour examen par le groupe chargé des revendications particulières, étant entendu que l'action initiée par la tribu devant la Cour serait suspendue jusqu'à ce que ce groupe prenne une décision au sujet des revendications présentées.

[27]Le juge Gibson a été chargé de la gestion d'instance et il a continué à recevoir des rapports périodiques de parties.

[28]Le 16 février 2000, le juge Gibson a reçu un rapport de l'avocat de la demanderesse qui l'informait que la bande avait reçu, le 10 novembre 1999, une lettre exposant la position préliminaire de la Direction générale des revendications particulières du MAINC. Cette lettre rejetait tous les points de vue présentés par la tribu dans ses diverses revendications, l'avocat considérant que ce rejet était accompagné de très peu de justifications.

[29]Les rapports présentés au juge Gibson indiquent que, le 3 mars 2000, la Couronne fédérale a fourni des motifs écrits justifiant son rejet de l'admissibilité du dossier dans le cadre de la procédure des revendications particulières. La bande a déposé des prétentions additionnelles le 10 mars 2000. Il a été convenu à ce moment-là qu'il faudrait faire des recherches plus poussées, ce qui prendrait de quatre à six mois.

[30]Le juge Gibson a formellement suspendu l'instance jusqu'en janvier 2004, compte tenu des rapports portant sur la poursuite des travaux au sujet de la revendication particulière en tant que mode de règlement extrajudiciaire de cette action.

[31]Le 9 janvier 2003, la Cour a été informée que le MAINC considérait que la revendication particulière n'était pas recevable et donc qu'il ne pouvait y avoir de négociation en vue d'un règlement. L'avocat de la bande a déclaré qu'il demanderait des directives pour solliciter la tenue d'une enquête par la Commission des revendications des Indiens (la Commission).

[32]Je crois comprendre que la revendication de la bande est présentement examinée par la Commission.

[33]Dans un affidavit souscrit à l'appui de la présente procédure, Annabel Crop Eared Wolf, coordonnatrice des affaires gouvernementales de la tribu au sein de la bande des Blood, indique notamment ceci:

[traduction]

c)     plusieurs des documents ont été préparés en vue du litige en cours ou dans son contexte, et ils sont directement liés aux questions soulevées dans les revendications;

d)     plusieurs documents ont été préparés pour aider la bande des Blood à obtenir des conseils juridiques au sujet d'un litige actuel ou éventuel et la bande des Blood soutient que ces documents sont visés par le secret professionnel des avocats;

e)     la divulgation de ces documents, en tout ou en partie, peut entraver le cours de poursuites et/ou de négociations entre les parties et ils sont donc exemptés en vertu des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l'accès à l'information. Ces documents contiennent aussi des renseignements financiers et commerciaux qui sont confidentiels et exemptés en vertu de l'alinéa 20(1)b) de la même Loi. La divulgation de ces documents pourrait causer un préjudice grave à la bande des Blood, tant dans le cadre du litige en cause que dans les négociations en vue d'un règlement.

[34]La défenderesse a déposé l'affidavit de Lynne Desjardins, coordonnatrice de l'accès par intérim au MAINC. Elle déclare ceci: [traduction] «je suis d'accord avec les motifs invoqués pour que les documents qui sont l'objet de cette action reçoivent le statut des exemptions prévues par la Loi».

[35]Elle a aussi déclaré que les exemptions invoquées pour ces documents constituaient un équilibre raisonnable entre les droits du requérant en vertu des articles 2 et 25 de la Loi et les droits individuels de la demanderesse en vertu du paragraphe 20(1).

[36]Elle a confirmé, sans détailler son point de vue, que la divulgation des données historiques ne causerait aucun préjudice à la bande.

ANALYSE

(1)     Observations préliminaires

[37]Dans son mémoire écrit, l'avocat de la bande invoque les articles suivants de la Loi pour empêcher la divulgation des documents en cause:

(1) le paragraphe 19(1), du fait que les documents contiennent des renseignements personnels;

(2) les documents ont été transmis par une administration autochtone, au sens de l'article 13 [mod. par L.C. 2000, ch. 7, art. 21];

(3) les documents ont droit à l'exemption prévue pour les Archives nationales et pour le Conseil privé, en vertu des articles 68 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 32, ann. no 1] et 69 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 3] de la Loi.

[38]À l'audience, l'avocat de la bande a renoncé à s'appuyer sur ces dispositions ou il n'en a pas fait état.

[39]Au coeur de sa plaidoirie, on trouve l'évocation d'un certain nombre de privilèges. Il a insisté sur le privilège lié aux négociations en vue d'un règlement (privilège sans préjudice) et soutenu que les trois documents en cause avaient circulé entre la bande et le MAINC aux fins de la négociation des revendications en suspens. Il a aussi insisté sur le privilège lié à la procédure judiciaire, soutenant que les documents qu'on voulait divulguer ont tous été préparés dans le cadre d'une procédure judiciaire.

[40]Selon l'avocat de la bande, les documents qui sont fournis au gouvernement dans le cadre de négociations en vue d'un règlement font l'objet d'un privilège et ils ne sont pas soumis à la Loi--ce ne sont pas des documents de l'administration fédérale. C'est pourquoi il soutient que c'est à bon droit que la procédure a été introduite en vertu de l'article 18 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4] de la Loi sur la Cour fédérale.

[41]Subsidiairement, l'avocat de la bande soutient que si on peut appliquer la Loi, les exemptions appropriées sont prévues par les alinéas 20(1)b), c) et d). Il soutient qu'il y a un lien entre ces articles et l'article 23 de la Loi, qui traite spécifiquement du secret professionnel des avocats.

(2)     Quelques principes

[42]Dans Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [2003] 4 C.F. 3 (1re inst.), la juge Layden-Stevenson de notre Cour a résumé quelques principes de base tirés de la jurisprudence, principes auxquels je me rallie [au paragraphe 9]:

Je commencerai par examiner les principes de base. Le paragraphe 2(1) énonce l'objet de la Loi, qui est d'élargir l'accès par le public aux documents de l'administration fédérale. Les exceptions à ce droit d'accès doivent être précises et limitées (Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.) (Canada Packers); Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403 (Dagg)). Les tribunaux ne doivent pas restreindre l'accès par le public, sauf dans les cas où c'est le plus manifestement requis. Le fardeau de persuasion est lourd à cet égard, et incombe à la partie qui demande la communication (Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (1re inst.) (Maislin); Rubin c. Canada (Société canadienne d'hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.) (Rubin); Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427 (1re inst.)). La norme de preuve qui s'applique à l'examen des exemptions en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi est celle de la prépondérance des probabilités (Northern Cruiser Co. c. Canada (1995), 99 F.T.R. 320n (C.A.F.)).

[43]Je prends note des remarques du juge Gonthier dans l'arrêt Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66, qui porte sur les exceptions à l'accès. Il déclare ceci au nom de la Cour [au paragraphe 21]:

L'article 2 de la Loi sur l'accès à l'information prévoit que les exceptions au droit d'accès doivent être «précises et limitées», mais il n'établit pas pour autant de présomption en faveur de la communication. L'article 2 précise simplement que les exceptions au droit d'accès sont limitées et qu'il incombe à l'institution fédérale d'établir que les renseignements demandés sont protégés par l'une des exceptions prévues (voir aussi l'art. 48 de la Loi sur l'accès à l'information).

[44]Aux principes que l'on trouve dans Heinz, précité, le juge Gibson en a ajouté un autre dans SNC Lavalin Inc. c. Canada (Ministre de la Coopération internationale) (2003), 25 C.P.R. (4th) 460 (C.F. 1re inst.) [au paragraphe 13]:

[. . .] le contrôle par la Cour d'une demande relative à une décision de communiquer des documents à un requérant constitue un contrôle de novo [il cite à ce sujet la décision du juge MacKay: Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 F.T.R. 194, à la p. 206].

[45]Dans Air Atonabee c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 C.P.R. (3d) 180 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay a conclu que la Cour, dans le cadre d'un examen en vertu de l'article 44 de la Loi [auparavant S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, ann. I], devait procéder à une révision nouvelle et indépendante de toute la question, semblable à un procès de novo. Il déclare ceci, aux pages 196 et 197 de ses motifs:

Compte tenu de la jurisprudence qui a été élaborée relativement à la Loi, il ne peut plus faire de doute que lorsque la Cour est saisie d'un recours en révision, son rôle consiste à examiner l'affaire de nouveau et à procéder au besoin à une révision détaillée de chacun des documents en litige.

[46]En précédant à une révision de novo, le rôle de la Cour n'est pas de déterminer si le tribunal, la défenderesse en l'espèce par l'entremise du coordonnateur de l'accès, a commis une erreur, mais plutôt de tirer ses propres conclusions au vu de la preuve soumise (voir Cie des chemins de fer nationaux du Canada et Canadien Pacifique Ltée c. Canada (1993), 62 F.T.R. 150 (C.F. 1re inst.), relativement à un procès de novo en vertu des articles 81.24 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52] et 81.28 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52] de la Loi sur la taxe d'accise [L.R.C. (1985), ch. E-15]). S'il y a lieu d'aborder la question de la norme de contrôle dans de telles circonstances, il faut la fixer à celle de la décision correcte. (Voir Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la GRC), précité, au paragraphe 19 et Dussault c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2003 C.F. 973; [2003] A.C.F. no 1253 (C.F.) (QL), au paragraphe 14.)

[47]Je veux faire remarquer que la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel fédérale ont confirmé l'interprétation du juge MacKay voulant qu'un examen en vertu de l'article 44 est de novo. (Voir Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la GRC), précité, notamment la discussion que fait le juge Gonthier dans son analyse de la norme de contrôle applicable à la décision du commissaire de ne pas divulguer les renseignements demandés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Il a insisté sur le vaste pouvoir de contrôle de la Cour (paragraphe 15). Voir aussi l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Aliments Prince Foods Inc. c. Canada (Ministère de l'Agriculture et Agroalimentaire) (2001), 272 N.R. 184 (C.A.F.), au paragraphe 7.)

[48]Le législateur a prévu les exemptions des tiers aux alinéas 20(1)c) et d) dans les termes suivants: «risquerait vraisemblablement de» causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité ou d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins. La jurisprudence sur laquelle la défenderesse s'appuie indique qu'un demandeur doit démontrer un risque vraisemblable de préjudice probable (voir Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.)).

[49]Dans Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale (1998), 147 F.T.R. 264 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a examiné les genres de preuves nécessaires pour établir un risque vraisemblable de préjudice probable, aux paragraphes 25 à 29:

Dans l'affaire SNC-Lavalin Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics) (1994), 79 F.T.R. 113, à la page 127 (C.F. 1re inst.), la Cour a statué que la requérante ne peut pas simplement affirmer par affidavit que la divulgation causerait le préjudice mentionné à l'alinéa 20(1)c) de la Loi. La Cour a déclaré que ces affirmations sont les conclusions mêmes que la Cour doit tirer, de sorte que d'autres éléments de preuve sont nécessaires pour prouver un préjudice probable.

La preuve du préjudice qui serait causé à la SRC est, au mieux, très mince. Dans son affidavit en date du 9 octobre 1997, Mme Marshall déclare, aux paragraphes 6, 7, 8 et 9:

[traduction]

6. L'Entente reflète la façon dont la SRC passe des contrats en vue de manifestations comme la Fête du Canada.

7. L'Entente contient de nombreux éléments de nature concurrentielle et confidentielle. Non seulement l'Entente précise le montant demandé par la SRC pour participer à des manifestations comme les spectacles et en assurer la diffusion, mais elle décrit aussi le mode de prestation de ses services et le type de mesures incitatives fournies comme un programme de commandite.

8. Selon moi, la communication de l'Entente nuirait à la compétitivité de la SRC puisqu'elle entraînerait la divulgation de tous les éléments mentionnés au paragraphe 7 de mon affidavit et permettrait à des concurrents de la SRC d'incorporer ces éléments dans une proposition concurrente soumise à la CCN. La communication des clauses suivantes du contrat, en particulier, pourrait vraisemblablement être préjudiciable à la SRC: les clauses 2.03d), 3.01a), 4 et particulièrement 4.05, et l'annexe B.

9. Selon moi, la communication de l'Entente pourrait aussi entraver les négociations menées par la SRC en vue de contrats ou à d'autres fins. La communication des renseignements sur les commandites pourrait vraisemblablement entraver d'autres négociations relatives à des commandites. La divulgation du prix prévu au contrat chaque année et du mode de prestation des services offerts par la SRC risquerait aussi d'entraver les négociations en vue de contrats concernant des projets similaires. La communication des clauses suivantes du contrat, en particulier, risquerait vraisemblablement d'entraver les négociations menées par la SRC en vue de contrats ou à d'autres fins: la clause 2.03d), la clause 3.01a), la clause 4 et particulièrement la clause 4.05, et l'annexe B.

J'ai lu attentivement ces paragraphes et je suis incapable de parvenir à une autre conclusion que celle-ci: Mme Marshall confirme certains faits sans fournir aucune preuve du fait que la communication des renseignements demandés risquerait vraisemblablement d'être préjudiciable à la requérante.

De plus, il n'est pas suffisant de simplement supposer que la requérante peut subir un préjudice probable si les renseignements demandés sont rendus publics.

Dans l'affaire Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures), [1990] 3 C.F. 665, aux pages 682 et 683 (C.F. 1re inst.), la Cour a statué que l'alinéa 20(1)d) de la Loi exige la preuve que la communication des renseignements demandés risquerait vraisemblablement d'entraver les négociations menées par la requérante en vue de contrats, mises à part ses activités commerciales journalières. Les éléments de preuve soumis sur les conséquences possibles de la divulgation sur d'autres contrats en général et sur des problèmes hypothétiques ont été jugés insuffisants pour entraîner l'application de l'exception. Des motifs similaires ont été fournis dans l'affaire Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 79 F.T.R. 42 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la Cour a déclaré que l'alinéa 20(1)d) doit faire référence à une entrave à des négociations plutôt qu'au simple accroissement de la concurrence qui pourrait découler de la divulgation. Enfin, dans l'arrêt Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) (1990), 107 N.R. 89 (C.A.F.), la Cour a déclaré à la page 91 qu'une simple supposition ou possibilité est insuffisante pour faire intervenir l'exception visée à l'alinéa 20(1)d). Vu l'absence d'éléments de preuve sur les conséquences de la divulgation sur des négociations effectives menées en vue de contrats, je conclus sans difficulté que la requérante ne s'est pas conformée à l'alinéa 20(1)d) de la Loi. [Non souligné dans l'original.]

(3)     Application en l'espèce

[50]Lors de sa plaidoirie, l'avocat de la demanderesse a placé toute l'affaire dans le cadre des exemptions prévues au paragraphe 20(1), que le coordonnateur de l'accès avait considéré s'appliquer en grande partie. Il a abandonné ses arguments liés aux exemptions que l'on trouve en dehors de l'article 20, sauf le lien avec l'article 23 de la Loi lorsqu'il prétend qu'un règlement est visé par le secret professionnel des avocats. Pour les motifs que j'exprimerai plus tard, je ne crois pas à l'existence de ce lien et je considère que les négociations en vue d'un règlement se situent directement dans le cadre de l'alinéa 20(1)d) de la Loi.

[51]Je veux mentionner ici que le coordonnateur de l'accès n'a pas donné de motifs spécifiques pour justifier le fait qu'elle considérait que des extraits des trois documents étaient couverts par une exemption spécifique (soit les alinéas 20(1)b), c) ou d)), non plus que pourquoi la divulgation des données historiques ne causerait pas de préjudice à la bande.

[52]Durant sa plaidoirie, l'avocat de la demanderesse a insisté sur le fait que les documents faisaient partie de négociations en vue d'un règlement.

[53]Sa façon de procéder était fort appropriée, étant donné que selon moi la question de négociations en vue d'un règlement est au coeur de l'affaire dont je suis saisi et qu'il s'agit là d'un privilège reconnu en droit qui est digne de protection.

[54]Le privilège attaché aux règlements porte sur les documents qui sont créés ou transmis au cours de négociations visant le règlement d'une action pour éviter des procédures judiciaires. Dans Hutton c. Canada (Ministre des Ressources naturelles) (1997), 137 F.T.R. 110 (C.F. 1re inst.), le juge Gibson a conclu que le libellé de l'alinéa 20(1)d) de la Loi comprenait les négociations en vue d'un règlement. Il déclare ceci au paragraphe 24 de ses motifs:

Je suis toutefois convaincu que les alinéas 20(1)c) et d) s'appliquent aux documents demandés. Le critère à appliquer en vertu de ces deux alinéas consiste à se demander si la divulgation des documents «risquerait vraisemblablement» Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47, aux p. 57-60 (C.A.)) de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers, en l'occurrence Terra, de nuire à sa compétitivité ou d'entraver des négociations menées par elle en vue de contrats ou à d'autres fins. La preuve suffit à démontrer l'ampleur des montants en jeu dans les procédures judiciaires qui sont en cours devant les tribunaux des États-Unis et qui risqueraient vraisemblablement de faire l'objet de négociations en vue d'un règlement. [Non souligné dans l'original.]

[55]Je partage l'avis du juge Gibson. Les négociations en vue d'un règlement tombent sous l'alinéa 20(1)d) de la Loi et non sous l'exemption pour le secret professionnel des avocats prévue au paragraphe 20(3) de la Loi. À l'appui de cette position, je renvoie aux auteurs de l'ouvrage Solicitor-Client Privilege in Canadian Law, Markham (Ont.): Butterworths, 1993. Voici ce que Manes et Silver déclarent, aux pages 115 et 116, au sujet du privilège portant sur les négociations en vue d'un règlement:

[traduction] Le privilège portant sur les négociations en vue d'un règlement n'est pas vraiment le privilège du secret professionnel des avocats, en ce qu'il n'est pas lié aux communications entre un avocat et son client, mais plutôt aux communications avec la partie adverse dans un litige. En conséquence, nous appelons cette catégorie de non-divulgation «le privilège portant sur les négociations en vue d'un règlement». La jurisprudence qui appuie l'exemption de tels renseignements de la divulgation renvoie constamment à la politique qui sous-tend cette protection et elle a été bien résumée par Sopinka et Lederman dans leur ouvrage sur la preuve. [Notes de bas de page omises.]

[56]Contrairement à la situation qui prévaut dans un litige civil, il est souvent insuffisant dans le contexte de la Loi sur l'accès à l'information de simplement faire état du privilège portant sur les négociations en vue d'un règlement pour situer l'affaire dans le contexte de l'alinéa 20(1)d) de la Loi. Un demandeur doit apporter la preuve que la divulgation des documents en cause pourrait vraisemblablement entraver des négociations en vue d'un règlement.

[57]Le résultat de l'analyse jusqu'ici indique donc que si le demandeur démontre que les documents ont été créés ou échangés dans le cadre de négociations en vue d'un règlement, et qu'il démontre un risque vraisemblable de préjudice probable en cas de divulgation, il n'est pas nécessaire de sortir des limites des exemptions prévues pour les tiers dans le cadre de l'article 20. Cette conclusion m'amène à deux résultats.

[58]Premièrement, je n'ai pas à décider si un tiers peut, dans le cadre d'un examen en vertu de l'article 44, se réclamer d'une exemption autre que ce qui est prévu à l'article 20. Il y a un débat à ce sujet au sein de notre Cour (contraster Heinz, précité, et SNC Lavalin, précité). Deuxièmement, elle rend théorique toute question qui pourrait persister quant à savoir si on peut procéder à un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 nonobstant l'article 44, au vu de ce que prévoit l'article 18.5 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale.

[59]J'arrive à la conclusion que l'instance qui m'est soumise doit être initiée en vertu de l'article 44, ce qui veut dire qu'on ne peut se prévaloir de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

[60]Tout en s'objectant à la façon par laquelle la Cour a été saisie de la question en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, la défenderesse demande que l'on traite la présente demande de contrôle judiciaire comme s'il s'agissait d'une demande de révision en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information. J'ordonne qu'il soit procédé de cette façon.

(4)     Conclusions

[61]Au vu de mon examen des trois documents, dont certaines parties avaient été prélevées pour divulgation, j'arrive à la conclusion que les documents dans leur entier relèvent de l'exemption prévue à l'alinéa 20(1)d) et qu'il serait inapproprié d'en prélever des parties.

[62]Il est clair que le rapport historique des consultants et que les prétentions des avocats sont des documents transmis au MAINC dans le but d'obtenir un règlement de l'action introduite en Cour fédérale en 1980, en cherchant à obtenir la recevabilité de la revendication en tant que revendication particulière dans le cadre de la politique de revendications autochtones du gouvernement fédéral. Si cette demande était acceptée, la revendication pouvait être négociée jusqu'à règlement et, à défaut, l'action en Cour fédérale serait toujours pertinente.

[63]Le rapport de consultants experts contient une évaluation des faits au sujet de plusieurs questions nécessaires pour obtenir l'accord du MAINC qu'il y a une obligation juridique non satisfaite qui incombe au gouvernement fédéral. Les prétentions des avocats regroupent tous les faits et les accompagnent d'arguments juridiques dont l'objectif est de persuader le MAINC que la revendication devrait être réglée par l'entremise de la procédure de revendications particulières.

[64]Le troisième document a aussi été préparé dans le contexte des efforts consentis par la bande pour obtenir la reconnaissance du fait que leur revendication devait être réglée en tant que revendication particulière. On y trouve le point de vue d'un expert dont les services ont été retenus par le MAINC afin d'analyser les faits et les arguments présentés par la bande pour obtenir la reconnaissance en cause, un résumé des recherches additionnelles conduites en sus de la recherche présentée par la bande, ainsi qu'une évaluation des forces et des faiblesses des faits historiques présentés par les deux parties.

[65]Les documents de cette nature jouissent d'un privilège empêchant qu'on puisse les obtenir dans le cadre d'un interrogatoire préalable. Il suffit que je mentionne la décision du juge MacKay dans Nation et Bande indienne de Samson c. Canada (2000), 182 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 9:

Il s'agit d'abord de savoir si les documents en cause jouissent du privilège visant les documents divulgués sans préjudice. La Couronne est d'avis que plusieurs de ces documents n'ont pas droit au privilège, puisqu'ils ne font aucune concession quant à la position de Samson. On soutient que la politique qui sous-tend l'existence du privilège est très restrictive, et qu'elle a simplement pour objectif d'éviter qu'on dévoile au procès les concessions qui ont été faites dans la recherche d'un règlement. Je ne suis pas convaincu que le privilège, ainsi que la politique qui le sous-tend, soient de nature aussi étroite. En fait, lorsque les documents sont préparés dans le but d'obtenir un règlement ou de concilier les points de vue dans une question en litige entre les parties, ces documents sont considérés avoir droit au privilège visant les documents divulgués sans préjudice (voir Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2nd ed. (1999), aux pp. 807 à 809). Si un document est préparé dans le but d'obtenir un règlement ou de concilier les questions en litige, il est de peu d'importance qu'il soit effectivement identifié par la mention «sans préjudice» et il sera considéré comme tel, soit parce qu'il est ainsi décrit ou par déduction nécessaire.

[66]On pourrait maintenant prétendre que comme les négociations en vue d'un règlement sont suspendues, on ne peut les entraver au sens de l'alinéa 20(1)d).

[67]Cette proposition reçoit une réponse en deux parties. La décision du MAINC porte qu'il ne considère pas la réclamation de la bande comme recevable pour une négociation dans le cadre du processus de revendications particulières. Cette question est présentement examinée par la Commission sur les revendications particulières des Indiens.

[68]Deuxièmement, l'action de la bande en Cour fédérale est toujours pendante et, si elle procède après les interrogatoires préalables, des discussions en vue d'un règlement seront tenues comme le prévoit la règle 257 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[69]Selon moi, la preuve dont je suis saisi me permet d'arriver à la conclusion que la divulgation des trois documents pourrait vraisemblablement entraver des négociations en vue d'un règlement dans le cadre de l'action de la bande.

[70]La divulgation de ces documents dans un tel contexte ferait que la bande et le MAINC n'auraient plus le contrôle de la situation (l'action et les efforts de règlement) en ouvrant le processus à une intervention extérieure. Or, ce processus a jusqu'ici été géré avec précaution par la bande et le MAINC. Selon moi, une telle conséquence ne pourrait qu'entraver les négociations en vue du règlement de l'action.

[71]Je veux ajouter un dernier commentaire. Le coordonnateur de l'accès était d'avis que la divulgation de faits historiques ne causerait pas de préjudice à la bande. Je ne partage pas cet avis.

[72]Bien que certains des événements mentionnés dans la documentation soient clairement dans le domaine public, comme l'existence même du Traité no 7, ce que le coordonnateur de l'accès a décrit comme étant des faits historiques constitue en réalité la preuve même que la bande déclare nécessaire pour obtenir gain de cause dans son action en Cour fédérale et donc, pour les raisons présentées, leur divulgation ne pourrait que causer un préjudice à la bande par rapport aux tiers.

[73]Pour ces motifs, la demande d'examen en vertu de l'article 44 est accueillie, avec dépens. Les documents en cause sont protégés totalement de la divulgation en vertu de l'alinéa 20(1)d).

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