170 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1937 ~ 1 -9 , 3 6 BETWEEN: 0ct.15 & 16. ROCH LABELLE SUPPLIANT; 1937 AND Jan. 14. HIS MAJESTY THE KING 'RESPONDENT. 1937 Crown—Exchequer Court Act—.Jurisdiction—Civil Code Articles 1053 and Aug. 1064—Negligence—Damages. L., a prisoner in the St. Vincent de Paul penitentiary, was required by the authorities to assist in planing certain planks on a planing machine in .the carpenter shop of the penitentiary. His sole duty was to feed the planks into the machine. On the occasion in question the machine blocked, owing to one of the planks being too wide to go through. Thereupon L. went forward to try and ascertain the cause of the blockage, and either due to his tripping into the machine or some other reason his fingers were caught in the knives and his hand mutilated to such an extent that it had to be amputated. He claims the damages suffered, alleging negligence of the employees of the Crown within the scope of their duties consisting, (1) in furnishing planks too wide for the machine; (2) in that .the foreman was not within call; and (3) in that the machine was old and not as well protected as the modern machines. The machine was an old one and possibly not as well protected as the more modern ones, but was in good operating condition. L. had been ordered and forbidden in any way to touch the machine in the event of anything unusual happening, but was to call the foreman. The Court found that the foreman was in the room at the time of the accident. Held: That the causa causans and immediate and determining cause of the accident was L's disobedience of orders in going forward to see what had happened instead of remaining at his post, and to his own imprudence in that regard, and was not due to any of the causes above mentioned. 2. That the provisions of articles 1053 and 1054 of the Civil Code of Quebec do not apply to the Crown in right of the Dominion. That the Crown is not responsible in damages for things it has under its care, unless it is shown that there was negligence of an employee or servant of the Crown acting within the scope of his duties or employment in regard thereto. PETITION OF RIGHT to recover damages for injuries due to an accident occurring in St. Vincent de Paul penitentiary.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 171 The action was heard before the Honourable Mr. Justice 1937 Angers, at Montreal, P.Q. Roca LABFLLP P. Dubois and J. E. Lacourciere for suppliant. y. THE KING. Gustave Adam, K.C., for respondent. Angers J. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. ANGERS J., now (August 26, 1937) delivered the following judgment: Le pétitionnaire réclame de Sa Majesté le Roi la somme de $10,000 pour dommages subis à la suite d'un accident dont il a été victime le 24 octobre 1922 au pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, où il était détenu. Dans sa pétition de droit Labelle allègue en substance ce qui suit: * * * * * * * La preuve révèle les faits suivants. Le 24 octobre 1922, le pétitionnaire, détenu au péniten-cier de Saint-Vincent-de-Paul, travaillait dans l'atelier de menuiserie. Cet atelier contenait une quantité de machines diverses. Labelle travaillait avec un autre détenu, un nommé Bouchard, à une raboteuse (planer). Tous deux étaient sous les ordres de Charles Roussel, également dé-tenu. Le 24 au matin, Roussel avait reçu instruction de Fran-çois-Xavier Godin, instructeur en charge de l'atelier, de passer dans la raboteuse cinq madriers de huit pouces de largeur par trois pouces environ d'épaisseur pour les réduire et en faire des madrièrs._de,huit pouces de largeur par deux pouces d'épaisseur. Les autorités du pénitencier étaient à construire une aile au pénitencier et ces madriers devaient être utilisés dans la construction. Au dire du pétitionnaire, Roussel lui avait donné ordre de ne pas opérer la raboteuse durant son absence (dép. Labelle, p. 21). Roussel avait dû s'absenter pour joindre les rangs des prisonniers qui devaient subir un examen médical. Sur les entrefaites, et avant le retour de Roussel de ce que l'on a appelé la " parade des malades," l'instruc-teur Godin serait arrivé, aurait manifesté son mécontente-ment de constater que les madriers n'avaient pas encore été passés à la machine et aurait donné instruction à Labelle de faire l'ouvrage immédiatement.
172 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1937 1937 Le pétionnaire travaillait à l'extrémité de la machine où Rocs l'on introduit la pièce de bois que l'on désire raboter ou LABFT.T.W v. planer. Son compagnon Bouchard était à l'autre extrémité, Tan knco. recevant les madriers au sortir de la machine. Angers J. Les deux premiers madriers ont passé dans la machine sans encombre. Le troisième a bloqué, dû au fait qu'il était trop large. Les madriers que l'on devait passer dans la machine étaient censés avoir une largeur de huit pouces et la rabo-teuse avait été réglée en conséquence. La troisième madrier, au dire des témoins, avait une largeur de plus de huit pouces, et ce serait la raison pour laquelle il aurait bloqué. Labelle travaillait à une distance de cinq ou six pieds des couteaux. Il dit que, lorsque le madrier a bloqué, il s'est approché des couteaux afin de constater quelle en était la cause. D'après lui la succion causée par la rotation rapide des couteaux aurait attiré sa main gauche vers l'un des couteaux. Je doute fort que la succion ait été assez forte pour entraîner une main vers les couteaux. Il me paraîtrait plus plausible que Labelle ait glissé ou trébuché, comme cela a été suggéré. Quoi qu'il en soit, Labelle a eu la main gauche coupée et amputée au poignet par l'un des couteaux. Il a été conduit à l'infirmerie où il est resté sous traitement jusqu'à sa sortie du pénitencier. Labelle a obtenu sa libération conditionnelle au début de janvier 1923. Le pétitionnaire attribue l'accident à trois causes: le fait que l'un des madriers remis au pétitionnaire pour le passer dans la raboteuse avait plus que huit pouces de largeur; la fait que ni Godin ni Roussel n'étaient dans l'atelier au moment de l'accident, alors que l'un d'eux aurait dû se trouver là pour conduire la raboteuse; le fait que la rabo-teuse était une vieille machine et n'avait point, comme les machines plus modernes, d'appareil ou dispositif de protection contre les couteaux. Il est probable que, si le troisième madrier eût été de la même larguer que les deux premiers, la machine n'aurait pas bloqué et que l'accident ne serait pas arrivé. La trop grande largeur de ce madrier n'est pas cependant, à mon avis, la cause immédiate et déterminante de l'accident. Quant à ce qui concerne l'absence conjointe de Godin et de Roussel de l'atelier, la preuve est contradictoire et il
Ex. C.R. ] EXCHEQUER COURT OF CANADA 173 faut opter entre deux versions. Je suis porté à croire" la 1937 version de Roussel quand il déclare qu'il était à une Roca vingtaine de pieds de Labelle lorsque celui-ci a été blessé. LABELLE V. Roussel m'a paru un témoin désintéressé et je ne puis THE KING. concevoir de motif qui aurait pu l'induire à déclarer qu'il Angers J. était dans l'atelier de menuiserie au moment de l'accident si en fait il n'y était pas. Au surplus il est, sur ce point, corroboré par le témoin Bouchard (dép. p. 49). L.a raboteuse était un vieux modèle, mais elle était en bon état; elle n'offrait point l'appareil de protection contre les couteaux dont sont munies les raboteuses plus modernes. Il se trouve encore néanmoins de ces raboteuses en usage. Dans l'opinion du témoin Bock, marchand de bois, entendu comme témoin de la part de l'intimé, il y a dans les rabo-teuses du type de celle sur laquelle le pétitionnaire s'est blessé un " couvercle " au-dessus des couteaux qui con-stitue une protection suffisante. Au dire du même témoin la machine se trouve dans une charpente en fonte; tous les couteaux sont à l'intérieur de cette charpente et, pour les j atteindre, il faut se pencher au-dessus de cette charpente. Labelle avait instruction de ne pas toucher à la machine; de son propre aveu, il lui était interdit de la mettre en mouvement lui-même. Il était du ressort de Godin, ou de Roussel en son absence, de la faire fonctionner. Les attributions du pétitionnaire se limitaient à placer les madriers sur la table située à l'extrémité de la raboteuse et de les pousser vers les couteaux. Quand la machine a bloqué, le pétitionnaire n'avait pas d'autre chose à faire que d'appeler Roussel et, s'il n'était pas là, d'attendre son retour ou encore l'arrivée de Godin. Godin et Roussel étaient familiers avec la raboteuse et ils étaient les seuls aptes à la manoeuvrer. En agissant comme il l'a fait, Labelle a outrepassé ses devoirs, il a assumé une charge qui n'étaient pas de son domaine, il a enfreint les instructions qu'il avait reçues. Le pétitionnaire a agi dans un bon but, mais il s'est exposé au danger et il a été blessé. Le recours en dommages contre Sa Majesté le Roi est basé sur l'article 19 de la Loi de la Cour de l'Echiquier; les dispositions de cet article qui sont pertinentes se lisent ainsi: La Cour de l'Echiquier a aussi juridiction exclusive en première instance pour entendre et juger les matières suivantes: a)
174 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1937 1937 b) . . . . . . . . c) Toute réclamation contre la Couronne provenant de la mort de Rocs L A men quelqu'un ou de blessures à la personne ou de dommages à la propriété, F v. résultant de la négligence de tout employé ou serviteur de la Couronne THE KING. pendant qu'il agissait dans l'exercice de sea fonctions ou de son emploi dans tout chantier public; Angers J. Pour qu'il y ait réclamation contre la Couronne prove- nant de blessures à la personne, trois éléments sont essen-tiels: il faut que les blessures résultent de la négligence d'un employé ou serviteur de la Couronne, agissant dans l'exercice de ses fonctions dans un chantier public: Joubert v. The King (1) ; Legault v. The King (2) ; Johnson v. The King (3) ; Manseau v. The King (4) ; Capon v. The King (5). Voir aussi Fort Frances Pulp & Paper Co. v. Spanish River Pulp & Paper Mills Ltd. (6). Contrairement à la prétention émise par les procureurs du pétitionnaire, le cas qui nous occupe n'est pas régi par les articles 1053 et 1054 du Code civil de la Province de Québec; il est assujetti aux dispositions du paragraphe (c) de l'article 19 de la Loi de la Cour de l'Echiquier. Je noterai en particulier que la Couronne n'est point responsa-ble du dommage causé par le fait d'une chose sous sa garde, à moins que la victime rattache le fait de cette chose à la négligence d'un employé ou serviteur de la Couronne agis-sant dans l'exercice de ses fonctions. Je suis porté à croire que le pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, propriété de la Couronne et administré par elle, est, au sens du paragraphe (c) de l'article 19, un chantier public. La preuve cependant ne révèle, à mon avis, aucun acte de négligence de la part d'un employé ou serviteur de la Couronne dans l'exercice de ses fonctions. L'accident est imputable, je crois, à l'imprudence du péti-tionnaire lui-même. Conformément aux instructions qu'il avait reçus, il aurait dû s'abstenir de tenter de manoeuvrer la machine. Quand celle-ci a bloqué, son devoir était d'ap-peler Roussel ou, si celui-ci n'était pas dans l'atelier comme il le prétend, d'attendre son retour ou celui de Godin. Il ne devait pas assumer une tâche pour laquelle il n'avait point la compétence voulue. (1) (1931) Ex. C.R. 113. (4) (1923) Ex. C.R. 21. (2) (1931) Ex. C.R. 167. (5) (1933) Ex. C.R. 54. (3) (1931) Ex. CR. 163. (6) (1931) 2 D.L.R. 97.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 175 Pour ces raisons la réclamation du pétitionnaire me paraît 1937 mal fondée. Le pétition de droit est en conséquence rejetée. L'intimé a plaidé la prescription annale de l'article 2262 Lnsr c.c. Il est à propos de noter en passant qu'en vertu de THE KING. l'article 32 de la Loi de la Cour de l'Echiquier les lois rela- Angers J. tives à la prescription en vigueur dans la Province de Québes sont applicables en l'espèce, la cause d'action y ayant pris naissance. La prescription est interrompue par la remise au Secrétaire d'Etat de la pétition de droit: Vinet v. The King (1); Saindon v. The King (2); Girard v. The King (3) ; Thériault v. The King (4) ; Courteau v. The King (5); Dionne v. The King (6); Mayor v. The King (7). Une lettre du Sous-Secrétaire d'Etat adjoint en date du 11 octobre 1923, déposée au dossier, accuse réception de la pétition de droit. L'accident est arrivé le 24 octobre 1922. La pétition a donc été remise au Secrétaire d'Etat dans l'année de la date de l'accident. Le plaidoyer de pres- cription n'est point fondé. Je ne crois pas que les décisions invoquées par le pro- IL cureur de l'intimé au soutien de son plaidoyer de prescrip- tion: Savard v. Cité de Montréal (8), Depuis v. Canadian Pacific Railway Co. (9), et O'Connor et al v. Scanlan (10) s'appliquent en l'espèce. L'intimé aura droit à ses dépens contre le pétitionnaire, s'il juge à propos de les réclamer. Judgment accordingly. (1) (1905) 9 Ex. C.R. 352 à 356 (6) (1914) 18 Ex. C.R. 88. (2) (1914) 15 Ex. C.R. 305 à 307 (7) (1919) 19 Ex. C.R. 304 à 307, (3) (1916) 16 Ex. C.R. 95 à 98. (8) (1908-09) 10 R.P.Q. 333. (4) (1917) 16 Ex. C.R. 253. (9) (1897) R.J.Q. 12 C.S. 193. (5) (1915) 17 Ex. C.R. 352. (10) (1893) R.J.Q. 3 C.S. 112.
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