44 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] Mon 6 tré 19 7al THE MINISTER OF NATIONAL APPELLANT Fév. 22-23 REVENUE (APPELANT) ; Ottawa AND Mai 5 INDUSTRIAL GLASS COMPANY RESPONDENT LIMITED (INTIMÉE). Impôt sur le revenu—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, articles 2(1)(3), 3, 4, sections 85B, 139(1)(e)—Actif immobilier non imposable suivant la loi—Objectif et intention de l'intimée: non la vente mais la location de terrains à longs termes, par baux emphytéo-tiques. Placements immobiliers et non pas des entreprises de commerce —Rétention, à titre de propriétaire incommutable de constructions érigées par locataires sur terrains loués, sans indemnité—Obtention de permis de mainmorte du Gouvernement de la Province de Québec— Appel rejeté. La compagnie intimée a été incorporée par charte fédérale le 23 novembre 1946 sous l'empire de la Loi des compagnies du Canada. Elle était autorisée à fabriquer et vendre du verre pour fenêtres et vitrines. Alexis Nihon, industriel et financier, qui possédait presque toutes les actions de cette compagnie, en disposa dès 1949 au prix de plus de $3,000,000. Le ministre du Revenu national, prétendant que l'intimée avait réalisé des profits résultant d'une entreprise ou d'une aventure de nature commerciale, au sens de l'article 139(1)(e) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, ajouta à ses revenus pour les années fiscales 1955, 1956 et 1958 une somme de $1,936,956.74. La Commission d'appel de l'impôt annula cette majoration. De cette décision, le ministre entend se pourvoir devant cette Cour. Il s'agit de classifier le remploi de ce capital investi, selon permis de mainmorte, de 1949 à 1957, dans l'achat de vastes étendues de terrains en la cité de Lachine et à Ville Saint-Laurent, en périphérie de Montréal. «Le domaine immobilier de - l'intimée atteignit approxi-mativement 50,270,515 pieds carrés». Les lots en litige portent les numéros 478 et 479 du cadastre de la paroisse Saint-Laurent. La ligne de conduite suivie par l'intimée depuis 1949 consiste à louer ses terrains à longs termes pour fins industrielles ou commerciales, d'ordinaire par bail emphytéotique, les locataires s'engageant, outre le loyer, à construire des bâtiments appropriés sur ces terrains. L'intimée a constamment refusé de vendre aucun de ces terrains, se conformant ainsi à son objectif déclaré. Il a été prouvé qu'Alexis Nihon, propriétaire d'Industrial Glass, mit à exécution ces projets de ne louer qu'à long terme, augmentant ainsi son patrimoine par l'éventuelle rétention, sans indemnité aux loca-taires, des constructions érigées durant l'emphytéose. Lors de l'acquisition par la compagnie des lots 478 et 479, en 1949 et 1950, il n'y avait que très peu d'immeubles commerciaux à Ville Saint-Laurent. Actuellement, cette localité est parsemée d'un nombre toujours croissant de bâtiments industriels.
1 Ex. CR. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19681 45 L'intimée a cédé à titre gratuit pas moins de 1,496,039 pieds carrés pour 1967 faciliter le tracé de rues, l'ouverture d'un parc, le complément d'une M INISTER OF avenue, puis, au prix nominal d'un dollar, 40,000 pieds carrés pour N ATIONAL l'érection d'une synagogue. La récapitulation des dons immobiliers REVENUE atteint le chiffre global de 1,550,000 pieds carrés. V. INDUSTRIAL Un règlement de zonage, à Ville Saint-Laurent, en date du 30 juin 1952, GLASS prohiba la vente de terrains à même les lots 478 et 479 pour fins Co. LTD. industrielles et commerciales. Ce règlement empêcha l'intimée de louer à baux emphytéotiques ses propriétés foncières. Une communication officielle et pressante (pièce R-15) du gérant de la Cité de Saint-Laurent démontre clairement que les seules ventes consenties, de 1949 à 1958, le furent en conséquence de pressions pres-que comminatoires de la part de l'autorité municipale, Jugé, la Cour est d'avis, selon la preuve établie, que l'intimée, de 1949 à 1958 inclusivement, refusa de vendre ses terrains conformément à son intention de ne louer que par baux emphytéotiques. 2. Des quelque 50,000,000 de pieds carrés appartenant à l'intimée avant la première vente, le 6 mai 1955, la compagnie en possédait encore 48,493,440 le 30 juin 1964; 3. Une proportion de 8% du domaine initial a été loué à divers preneurs; 4. Une tranche de 12.3% de ses terrains a été cédée à titre gratuit, expropriée ou vendue; 5. Parties des lots 478 et 479 équivalent à 4.5% environ de tout l'actif immobilier de la compagnie, sont en majeure partie incluses dans cette fraction de 12 3%; 6. Au 30 juin 1964, les 4/5, soit 79 5% des propriétés de l'intimée «n'étaient ni vendues, ni louées et ne produisaient aucun revenu». «Fidèle à son objectif, l'intimée se réservait l'avenir, en se réservant son avoir»; 7. Industrial Glass ou, plus exactement, son propriétaire, Alexis Nihon, soutient, avec raison, que son intention «a toujours été celle de quelqu'un qui a fait un placement et non celle d'un commerçant»; 8. Du 1" septembre 1949 au 26 octobre 1959, et même au-delà, déduction faite des terrains loués (8%) ou cédés à titre gratuit (12.3%), l'intimée conservait 84% de ses biens immobiliers, n'ayant vendu, sous l'empire d'une certaine contrainte morale, qu'une parcelle approximative de 4%. Ces ventes ne participent en aucune façon à des activités ou affaires d'une nature commerciale; 9. L'appel est rejeté. APPEL d'une décision de la Commission d'appel de l'impôt sur le revenu. A. Garon and P. F. Cumyn for appellant (appelant). R. H. E. Walker and P. F. Vineberg, Q.C., for respondent (intimée) .
46 1 R C de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 DUMOULIN J.:—Le 2 décembre 1965, la Commission MINISTER OF d'appel de l'impôt déboutait le ministère du Revenu na-NATIONAL tional du droit d'ajouter aux revenus déclarés par l'intimée v les montants ci-dessous: INDUSTRIAL ASS Pour l'année fiscale 1955 $ 105,028.99 Pour l'année fiscale 1956 1,339,913.52 Pour l'année fiscale 1958 492,014.23 au total $1,936,956.74 Le ministre interjette appel de cette décision. La question controversée réside tout entière dans la classification appropriée de cette somme considérable, que l'appelant dit être des profits (income) résultant d'une entreprise ou d'une aventure de nature commerciale, au sens de l'article 139(1)(e) de la Loi de l'impôt sur le revenu (S.R.C. 1952, c. 148), mais qui, selon l'intimée, résulterait uniquement de l'augmentation de valeur de certains lots, avantageusement situés, vendus dans des circonstances particulières, six et cinq ans après leur acquisition. Industrial Glass Limited, tire son existence légale d'une charte, octroyée le 28 novembre 1946, sous l'empire de la Loi des compagnies du Canada, qui l'autorisait à fabriquer et à vendre du verre pour fenêtres et vitrines. Un industriel et financier très important, Alexis Nihon, possédait presque toutes les actions de la compagnie dont il disposa, dès 1949, au prix de plus de $3,000,000. Le pro-blème à solutionner découle du remploi de ce capital. Entre 1949 et 1957, la compagnie, ayant obtenu, non sans difficulté, un permis de mainmorte (mortmain permit) de l'autorité provinciale, investit cet actif pécuniaire dans l'acquisition de vastes étendues de terrains en ban-lieue de Montréal, à Lachine et à Ville Saint-Laurent. Le domaine immobilier de l'intimée atteignit approximative-ment le chiffre de 50,270,515 pieds carrés, tel que rapporté au paragraphe 10 de l'admission des faits, convenue entre les parties, pièce A-3 de ce dossier. Pour le besoin de cette cause, les achats et reventes de terres dans la paroisse de Saint-Laurent sont les seuls directement concernés. Il s'agit des lots 478 et 479 du cadastre de la paroisse susdite. Le 13 septembre 1949, la compagnie Industrial Glass acquérait des terrains d'une
1 Ex C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19681 47 contenance de 62.48 arpents prélevés à même le premier 1967 des deux lots et, le 15 août 1950, elle faisait l'achat d'une m —I NISTERoa superficie de 51.13 arpents, distraite du 479 (paragraphes AL RE "N 6 et 7 des admissions de faits). y. INDUSTRIAL Témoin à l'audition, Alexis Nihon dit qu'il ignorait, lors GLASS des transactions, l'annexion de ces terrains, le 10 mars Co T _ i m 1949, à la municipalité de Ville Saint-Laurent, détail assez Dumoulin J. insignifiant, puisque nul ne saurait reprocher à un capi-taliste avisé des investissements immobiliers en des en-droits susceptibles de progression. Je me demande, parfois, si une inconsciente «déformation de métier» n'inclinerait pas à considérer, avec un grain de suspicion, la recherche normale et même souhaitable de placements avantageux. Si cette impression avait quelque fondement, il serait opportun de revenir à une meilleure appréciation de la réalité et de la loi. Aucune réglementation restrictive, communément ap-pelée «zonage», ne gênait la libre disposition des lots 478 et 479 en 1949 et 1950 (admission conjointe, para. 6) ; ils demeuraient disponibles pour toutes affectations com-merciales ou industrielles; mais, le 30 juin 1952, Ville Saint-Laurent, par son règlement numéro 239, interdisait l'utilisation de la majeure partie de ces deux terres pour toutes fins autres que celles de constructions résidentielles (admission conjointe, para. 12 et la pièce R-21). Cette limitation décrétée par la mesure civique du 30 juin 1952 déjouait les projets à long terme dont monsieur Nihon nous fait part aux articles 6 et 7 de sa réponse à l'avis d'appel; ces procédures étant rédigées en anglais, je les reproduis textuellement: 6. The policy of the Respondent, to which it has consistently adhered since 1949, has been to lease its lands on a long term basis for industrial and commercial purposes, usually by emphyteutic lease, under which the lessees pay a land rent over the period and construct their own commercial or industrial buildings on the land. 7. All such acquisitions were made for the purposes of obtaining rental revenue through leasing of the properties. The Respondent has successfully implemented its policy and has thereby developed substantial rental revenues, and the Respondent has consistently refused to sell any of the property acquired by it, as bemg contrary to its said policy. Ces propriétés, comprenant plus de cinquante millions de pieds carrés, furent payées aux vendeurs pratiquement au comptant, sans l'emprunt d'un dollar à la banque et sans une seule hypothèque. Il est de notoriété publique
48 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 dans le milieu des affaires à Montréal qu'Alexis Nihon MINISTER OF dispose de capitaux considérables de sorte qu'il peut rester NATIONAL R E VENuE indiffér ent à l'appât de gains vite réalisés. Du reste, la INDUSTRIAL preuve en cette cause établit, nous le verrons tantôt, la GLASS mise à exécution de son dessein de locations à baux -~D emphytéotiques, pratique fort ingénieuse qui assure à son Dumoulin J. auteur un rendement des plus lucratif et l'éventuelle ré-tention, à titre de propriétaire incommutable, sans aucune indemnité, des constructions érigées par les locataires durant l'emphytéose. Quand la compagnie intimée se porta acquéreur de partie des lots 478 et 479, en 1949 et 1950, déclare le témoin Nihon, il n'y avait pas d'immeubles commerciaux et très peu d'industries à Ville Saint-Lau-rent; mais, présentement, cette localité est parsemée d'un nombre toujours croissant de bâtiments industriels. La pièce A-7, produite au cours de l'enquête, à son tableau «A», intitulé «Schedule of Land Purchases», retrace la réalisation de cette politique en sa phase initiale; les vingt-cinq achats de lots, échelonnés sur une période de temps allant du ler septembre 1949 au 26 octobre 1956. Je noterai que cette dernière liste ne concorde pas entière-ment avec la pièce A-3; la différence, peu significative d'ailleurs, consistant dans l'ajouté d'une acquisition de partie du 504, à Ville Saint-Laurent, le 21 octobre 1959, mais réduisant à 48,493,440 pieds carrés l'étendue super-ficiaire des terrains. Prenant comme base admissible d'appréciation ce patri-moine terrien de 48,000,000 de pieds carrés, environ, pendant les années 1955, 1956 et 1958, examinons les baux emphytéotiques alors consentis par Industrial Glass, les cessions accordées, les ventes transigées et les circonstances qui ont pu provoquer l'acquiescement de l'intimée à ces mutations de propriété. Demandons-nous, ensuite, si, eu égard à la preuve, l'interprétation d'ensemble de l'appelant serait fondée, qui allègue, aux paragraphes 11 et 12 de l'avis d'appel (Notice of Appeal) que: 11.T he Appellant submits that the Respondent acquired the areas of lands referred to in para. 3 and more particularly the area of land mentioned in para. 4 with a view to profit by turning them to account or trading in them. 12. The purchase by the Respondent of the lands mentioned in para. 4 and the subsequent sale of the said lands constituted a business within the meaning of para. (e) of s.s. (1) of section 139 of the Income
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 49 Tax Act and the profits therefrom are required by virtue of sec. 4 of 1967 the Income Tax Act, to be included in the Respondent's income for MINISTER of each of its 1955, 1956 and 1958 taxation years. NATIONAL VE NIIE Le débat est donc clairement exposé, l'appelant soute- RE v. nant que la constitution de cet actif immobilier et les INnua sTRIAL Gr ss quelques ventes signalées classent la compagnie dans la Co.Irrn. catégorie des entreprises de commerce, et, partant, imposa- Dumoulin J. bles; l'intimée répliquant que son objectif n'est pas de — vendre mais de louer à longues échéances, et insistant sur les pressions et menaces qui l'obligèrent à quelques ventes. LES ACHATS: Nous avons précisé ci-haut les dates auxquelles remonte l'acquisition par Industrial Glass de partie des lots 478 et 479, le 13 septembre 1949 pour le premier, le 15 août 1950 pour le second, d'une contenance, respectivement, de 62.48 arpents, au prix de $50,000, aussitôt acquitté, et de 51.13 arpents, au coût de $57,000, dont quittance entière sur signature de l'acte (voir les pièces A-3 et A-7). LES CESSIONS À TITRE GRATUIT: Le dépôt, au bureau d'enregistrement provincial, par l'autorité civique de -Ville Saint-Laurent, le 30 novembre 1953, d'un plan de subdivision urbaine, affectant les numé-ros 478 et 479, induisit la compagnie intimée, dans un esprit de coopération, à céder à la municipalité, pour un dollar, le 13 décembre 1953, pas moins de 1,496,039 pieds carrés en superficie, afin de faciliter le tracé de rues et l'ouverture d'un parc. Autre cession, en pur don, à la ville, le 28 juin 1956, de 14,770 pieds carrés pour le complément d'une rue (pièce A-2). Une troisième cession, 40,000 pieds carrés, au prix nominal d'un dollar, fut faite le 12 décembre 1954, à la Congrégation juive de Saint-Laurent, pour l'érection d'une synagogue (pièce A-2). La récapitulation de dons immobiliers atteint un chiffre global de 1,550,000 pieds carrés. LES VENTES: Suivant la pièce A-2, onze ventes de terrains auraient été consenties par l'intimée entre le 6 mai 1955 et le 17 décembre 1957, englobant une étendue totale de 2,025,747 pieds carrés. Il importe de retenir que ces transactions 90296-4
50 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19687 1967 eurent lieu plus de sept ans après l'achat des lots 478 et MINISTER OF 479 (13 septembre 1949 et 15 août 1950). Si, véritable- RETIONAL m REVENUE ent, comme l'appelant le soutient, la compagnie exerçait INDUSTRIAL le négoce des ventes d'immeubles, convenons qu'au rythme GLS Co. Lro . m oyen de moins de deux ventes l'an, durant sept ans, l'entreprise s'avérait plutôt stagnante. Au paragraphe 35 Dumoulin J. de l'admission conjointe des faits (Statements of Facts Agreed upon by the Appellant and Respondent), il est reconnu que: 35. From the time of the sale of its business in 1949 referred to in paragraph 4 hereof, until June 30, 1958, Industrial Glass did not effect any sales or transfers of land other than those hereinabove referred to .. . Par ailleurs, l'intimée déclare que l'interdiction portée au règlement de zonage (30 juin 1952, pièce R-21) de bâtir pour fins industrielles sur les lots 478 et 479 la privait de pouvoir louer à baux emphytéotiques ces mêmes propriétés. C'est ce qu'elle explique, ainsi qu'un autre facteur puissant, aux paragraphes 12 et 13 de sa réponse à l'avis d'appel; je cite: 12. After the zoning restriction was imposed, the Respondent attempted, without success over the next three years, to lease land in the restrictively zoned area. It became evident, however, that, although a commercial or industrial firm will take land on long-term lease for commercial or industrial purposes, the same factors do not apply in the case of residential use of property. There is no demand in Canada for the leasing of vacant land for the purpose of effecting residential construction thereon. Even to the present date (June 13, 1966) the Respondent has been unable to lease any of the land in Lots 478 and 479 which has been restrictively zoned for residential purposes. 13. By the year 1955, the restrictively zoned area was completely unleased and was producing no revenues since its acquisition, and by this time the City of St. Laurent was exerting considerable pressure on the Respondent to prevail upon the latter to dispose of the land in the said area in order to permit the development for residential purposes. La complication relatée au paragraphe 12 se conçoit aisément; l'occupant domiciliaire a un intérêt primordial à la propriété entière du sol de sa demeure; il en va diffé-remment de l'industrie pour de multiples raisons. Les pressions exercées par le Conseil de la Cité de Saint-Laurent (para. 13) sont révélées avec une vigueur presque comminatoire dans une lettre officielle du gérant de la Cité, monsieur Lucien Toupin, c.a., datée le 27 juin 1955 (pièce R-15), écrite au président de la compagnie Indus-
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 51 trial Glass Limited. C'est là une véritable «mise en de-1967 meure» de vendre qui vaut d'être textuellement repro- MINISTER OF duite. NATIONAL REVENUE le 27 juin 1955 v. M. Alexis Nihon, Président, INDUSTRIAL Ass Industrial Glass Company Limited, C o O. LTD. 6020 Côte-de-Liesse, — SAINT-LAURENT, P.Q. Dumoulin J. Cher Monsieur, Le Conseil de la Cité de Saint-Laurent, à sa réunion de comité tenue le 22 juin 1955, m'a prié de vous aviser qu'il regrettait infiniment que les terres, portant les numéros de cadastre 478 et 479 de la Paroisse de Saint-Laurent, ne soient pas encore construites, alors que les terrains situés sur les côtés est et ouest de ces deux fermes, le sont entièrement, depuis trois ans pour le côté est, et depuis plus d'un an pour le côté ouest. Par ce fait, qui est dû à ce que vous ne vendez pas lesdits terrains, malgré les nombreux acheteurs qui sont prêts à les construire, non seulement vous nuisez au développement de la Cité de Saint-Laurent, mais encore vous êtes l'objet de nombreuses plaintes de la part des résidents de cette section de la Cité de Saint-Laurent, parce qu'il nous est impossible d'y installer les services d'améliorations locales qui amèneraient un meilleur drainage de ce district ainsi qu'une améliora-tion de l'approvisionnement d'eau, sans parler de l'installation des pavages qui élimineraient la poussière dont tout le monde se plaint. Le Conseil qui connaît bien vos sentiments sur le développement de la Cité de Saint-Laurent est tout à fait surpris de votre attitude à ce sujet, qui est un manque de civisme à l'endroit des citoyens qui demeurent dans cette partie de la Cité de Saint-Laurent. Bien à vous, Le Gérant, (Signature) Lucien Toupin Lucien Toupin, C A. Il est vrai que la première vente, transigée le 6 mai 1955, précède d'un mois et demi environ la `mercuriale' du Conseil municipal, mais la preuve démontre, à l'évidence, l'antériorité du mécontentement de ce corps public, double-ment alerté par le souci d'obtenir des revenus plus élevés et par les plaintes d'acheteurs éconduits (voir la pièce R-15). A ce témoignage littéral du gérant de la Cité de Saint-Laurent s'ajoute celui de monsieur René Laberge, gérant de la Cité de Lachine, entendu à la requête de la compagnie (alors appelante) devant la Commission d'appel de l'im-pôt. Les dépositions prises à cette première enquête for-ment partie du présent appel sous la cote R-22. Les citations ci-dessous sont extraites des pages 67 et 68. 90296--41
52 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 Me Robert Walker, c.r., l'un des procureurs de Indus-MINISTER OF trial Glass, interroge le gérant de la Cité de Lachine: NATIONAL REVENUE D. Monsieur Laberge, êtes-vous au courant du fait que Industrial V. Glass Company Limited est une compagnie qui est propriétaire INDUSTRIAL GLASS d'une grande étendue de terrains, partie desquels est dans les Co. LTD. hmites de la Cité de Lachine? R. Oui, monsieur. Dumoulin J. D. Avez-vous eu occasion de temps à autre, dans vos fonctions, de parler et de renseigner les parties intéressées à trouver des terrains pour des fins de commerce? R. Oui, monsieur, dans la partie nord de la Cité de Lachine, nous avons un grand territoire connu comme parc industriel et à plusieurs reprises nous avons eu des demandes pour des industries qui voulaient s'installer, et à plusieurs occasions nous avons suggéré le nom de monsieur Nihon qui était le propriétaire de plusieurs terrains dans ce quartier. D. Quand vous parlez de monsieur Nihon, est-ce que vous parlez de sa compagnie? R. Oui, Industrial Glass Company Limited. D. Voulez-vous nous dire ce qu'a été le résultat avec ceux qui ont été référés à Industrial Glass Company Limited ou de plusieurs personnes que vous avez référées là? R. La réponse prédominante était que monsieur Nihon, ou, par exemple, Industrial Glass Company Limited, ne vendait pas de terrains en aucune circonstance. D. Vous savez qu'il y a actuellement quelques baux en existence? R. Oui, monsieur. Une autre corroboration de la ligne de conduite arrêtée par Industrial Glass de ne point vendre mais de louer ses terrains à baux emphytéotiques ressort de la déposition de monsieur Bernard Hogan, courtier en immeubles, de la Cité de Saint-Laurent; je cite aussi ce témoignage, trans-crit aux pages 44 et 45 de la pièce R-22 (partie anglaise). Me Walker, c.r., questionne: Q. Would you describe what your business is, sir? A. I am a realtor and I sell real estate and I am also a developer. Q. Is it correct to say you are the developer of the large development at the corner of Atwater and St. Catherine? A. Yes. Q. And this is not your only project—you have had others before? A. Yes. Q. Are you aware of the activities of Industrial Glass Company Limited in Montreal? A. Yes. Q. Do you know anything about its reputation insofar as the sale of its lands is concerned? A. No land for sale.
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 53 Q. Have you actually had personal experience of that? Did you 1967 attempt to buy any of it? '̀r MINISTER OF A. I attemp ted to buy the Atwater spot many times but it just NATIONAL couldn't be done, so we had to enter into an emphyteutic lease. REVENUE V. Sur la foi de ce qui précède, l'assertion réitérée de INGISis l'intimée, quant à la politique d'affaires qu'elle entend Co. LTD. appliquer et au but pratique qu'elle se propose d'atteindre: Dumoulin J. locations à long terme, semble bien difficile à révoquer en doute. LES BAUX EMPHYTÉOTIQUES: Une compagnie d'une espèce aussi exceptionnelle que celle-ci, propriétaire d'un actif immobilier de près de cin-quante millions de pieds carrés, achetés au comptant, sans emprunt bancaire et sans hypothèque, peut se permettre de confier à un avenir prometteur le soin de la dédom-mager au centuple, peut-être, des années d'attente. Je me hâte d'ajouter que cette remarque est conforme aux prévisions de l'intimée que la progression incessante de la région métropolitaine ne manquera pas d'amener, comme inévitable corollaire, l'acquiescement d'industriels en quête d'espace, aux conditions certes onéreuses des locations emphytéotiques. Une feuille insérée, sans cote particulière, mais portant le numéro 8, à la liasse de pièces marquées R-1 à R-21, mentionne dix baux à longs termes conclus pendant la période du 10 septembre 1954 au 29 juin 1960. De ceux-ci, huit sont emphytéotiques, soit pour des termes allant de dix à soixante ans; des deux autres, l'un a une durée de cinq ans, l'autre de huit. Cinq locataires ont construit à leurs propres frais les bâtiments qu'ils occupent; les autres constructions ap-partiennent à des organisations, telles Alexis Nihon & Cie., Ltée, et Golf Gardens Ltd., dont monsieur Nihon détient la grande majorité des actions. AUTRES REMARQUES: Le savant procureur du ministère a commenté deux para-graphes du procès-verbal d'une assemblée des directeurs de la compagnie Industrial Glass Limited, tenue le 29 août 1949 (voir le document numéroté 98 à la pièce R-1-R-21). Me Garon soumet que les extraits ci-après cités de ces minutes dénoteraient l'intention véritable de l'intimée
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54 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 d'acheter, pour revendre à brève échéance, dans un but MINISTER OF purement spéculatif, des terrains à Côte-de-Liesse et à N NAL R N Côte Vertu. Voici les textes: V. MINUTES of a meeting of the directors of INDUSTRIAL GLASS INDUSTRIAL ASS COMPANY LIMITED, held at Montreal, at the office of Messrs. Co. LT . Walker, Martineau, Chauvin, Walker & Allison, 414 St. James Street West, at 11:00 o'clock in the morning, on the 29th of August, 1949. Dumoulin J. PRESENT: Messrs. Alexis Nihon John A. McMaster Jean Martineau being all the directors of the company. Mr. Alexis Nihon takes the chair and Mr. Jean Martineau acts as Secretary. The President states that the company has a large surplus and a considerable amount o undivided profits which are not immediately required and he suggests that part of this surplus and undivided profits be estimated to bring additional revenues to the company. The President explains that it is possible for the company to buy certain immovable properties on Côte 'de Liesse Road and on Côte Vertue Road, which could be resold at a fair profit within a short time because of the rapid developments and growth of the town and of the parish of St-Laurent. Monsieur le bâtonnier Martineau, témoin à l'enquête, croit être le rédacteur de ce rapport d'assemblée. Il expli-que que la transformation soudaine d'une industrie de vitrerie commerciale en compagnie de placements immo-biliers à long terme, avant l'obtention des autorisations administratives, pourrait compliquer la négociation des achats de terrains projetés. «Nous avions des doutes», dit-il, «quant aux pouvoirs de la compagnie d'acquérir des immeubles pour une longue durée de possession. J'ai consulté à ce sujet l'un de mes associés, Me Frank Chauvin (maintenant décédé), et nous avons essayé de contourner la difficulté légale en rédigeant le procès-verbal du 29 août 1949, tout comme s'il s'agissait pour Industrial Glass d'un investissement à court terme». Il convient de rappeler qu'un premier permis «spécial» ou intérimaire de mainmorte ne fut accordé par l'autorité provinciale que le 5 juillet 1950, et le permis définitif pas avant le 21 août 1954 (voir les paragraphes 11 et 15 de l'admission conjointe des faits, «Statement of Facts Agreed upon by the Appellant and Respondent»). Il va sans dire que Me Garon a convenu volontiers de l'absolue véracité de ce témoignage.
1 Ex. C R EXCHEQUER COURT OF CANADA A mon sens, et sans faire acception, pour l'instant, des précisions apportées par M. le bâtonnier le résultat pratique des opérations de la compagnie qui, de 1949 à 1958 inclusivement, refuse de vendre sinon sous le coup de menaces, dispose irréfutablement de cette ob- G jection. Supposé même que l'intimée ait eu l'intention — manifestée au procès-verbal du 29 août 1949, pareille tention s'effacerait devant le fait matériel et constant d'une politique complètement différente. La loi fiscale ne retient pas une intention purement conjecturale que réfute la réa-lité. De cet incident, la Cour ne saurait retenir que la plausibilité des explications précitées. Dans la dernière déposition entendue, celle de monsieur Jean-Louis Homet, cotiseur à l'impôt fédéral, je puise les renseignements suivants, reproduits substantiellement à la pièce A-7: des quelque cinquante millions de pieds carrés de sol appartenant à Industrial vente, le 6 mai 1955, la compagnie en possédait encore 48,493,440 pieds le 30 juin 1964. Une proportion de 8% du domaine initial est louée à divers 'preneurs, la compagnie Alexis Nihon Limitée y comprise; une tranche de 12.3% de ces terrains a été cédée à titre gratuit, expropriée (ce qui est une vente forcée), ou vendue. Les lots 478 et 479, qui équivalent à 4.5% environ de tout l'actif immobilier de la compagnie, sont en majeure partie inclus dans la fraction de 12.3% ci-haut mentionnée. Enfin, au 30 juin 1964, les quatre-cinquièmes, 79.5% exactement, des terres de l'intimée «n'étaient ni vendues, ni louées et ne produi-saient aucun revenu». Fidèle à son objectif, Industrial Glass se réservait l'avenir, en se réservant son avoir. Cette opinion, le savant membre de la Commission d'appel de l'impôt, Me Maurice Boisvert, c.r., la résume avec une remarquable clarté, à la page 17 de sa décision très élaborée, datée le 2 décembre 1965, à laquelle je souscris en tout point. Me Boisvert écrit: Je suis arrivé à la conclusion que l'appelante s'est déchargée du fardeau qui lui incombait de prouver l'erreur du Ministre en taxant des profits qui n'étaient rien d'autre qu'une augmentation d'un capital placé dans des propriétés immobilières. Son intention initiale n'a pas changé. Sa conduite, s'accordant en tout point avec son intention, a toujours été celle de quelqu'un qui a fait un placement et non celle d'un commerçant. [1968] 55 1967 Martineau, c.r., MINISTER OF NA TIONAL REVEN UE INDUSTRrAL ( L i0 A . L s T s D . Dumoulin J. inGlass, avant la première
56 1 R C de 1'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 CONCLUSION: MINISTER OF NATIONAL L'appelant a beaucoup épilogué sur «l'intention se-REVENUE conde» qui ressortirait des quelques ventes consenties par V. INDUSTRIAL l'intimée et cite à l'appui de cette prétention, entre autres GLAss co. décisions, celle de Regal Heights Limited v. Minister of LTD. National Revenues. Une différence radicale distingue cette Dumoulin J. cause de l'actuelle: dans le premier cas, la vente totale de l'actif, «lock, stock and barrel» selon l'expression anglaise, suivit l'échec de l'intention première de gagner la com-pagnie Simpson-Sears à construire un centre d'affaires sur les propriétés de Regal Heights Ltd. Or, en l'instance pré-sente, la preuve établit que, pendant la période pertinente, et même au-delà, Industrial Glass conservait 84% de ses biens immobiliers, n'ayant vendu, sous l'empire d'une cer-taine contrainte morale, qu'une parcelle approximative de 4%. Pour ces motifs, l'appel du ministre du Revenu national est rejeté. Le dossier de la cause sera référé au ministère concerné, si besoin est, pour effectuer la détaxe afférente à ce jugement. L'intimée aura droit de recouvrer les frais et dépens encourus. 1 [1960] R C. de 1'É. 194.
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