410 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1944 BETWEEN : June 21 DAME JULIETTE CARROLL, widow 1 1947 of the late EDWARD TAS'CHE- READ and DAME MARGUERITE July 4 CARROLL, married woman, having separation of property by marriage > SUPPLIANTS, contract with her husband LOUIS LARUE, and the said LOUIS LA- RUE, mis en cause, AND HIS MAJESTY THE KING, RESPONDENT. Crown—Judges Act R.S.C. 1927, c. 105, s. 27 Interpretation Act R.S.C. 1927, c. 1, ss. 13 and 14—British North America Act ss. 58 et seq.— Retired Judge having a pension when appointed Lieutenant Governor of a province is entitled to receive both pension and salary—"Becomes entitled to a salary in respect of any public office under His Majesty in respect of his Government of Canada"—"Such salary shall be reduced by the amount of such pension"—"Public Once"—Lieutenant Governor of a province is not a person receiving a salary in respect of a public office under His Majesty in respect of the Government of Canada. Held: That a lieutenant governor of a province is not a person receiving a salary in respect of a public office under His Majesty in respect of his Government of Canada, but one receiving a salary in respect of apublic office under His Majesty in respect of his government of one of his provinces. 2. That where a retired Justice of the Court of King's Bench entitled to a pension is appointed lieutenant governor of a province he is entitled to receive his pension as a retired Justice and his salary as lieutenant governor. ARGUMENT on question of law ordered to be set down and disposed of before the trial. The argument was heard before the Hon. Mr. Justice Angers at Ottawa. Aimé Geofjrion, K.C. and Fernand Choquette, K.C. for suppliants. F. P. Varcoe, K.C. and D. W. Mundell for respondent. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 411 ANGERS J. now (July 4, 1947) delivered the following 1947 judgment: c OLL Cette cause vient devant moi pour audition en droit ETVAL avant le procès suivant jugement rendu le 21 juin, 1944. THE KING La question de droit soumise à la Cour pour décision est Angers J. la suivante: Assuming that the Honourable H. G. Carroll became entitled on February 18, 1921, to a pension under the Judges Act at a rate of $6,000 per annum and was entitled to receive the same during and in respect of the period from April 2, 1929, to May 3, 1934, and that during the said period he occupied the office of Lieutenant Governor of Quebec to which office there was attached the salary of $10,000 per annum and assuming that he received payment out of the Consolidated Revenue Fund of Canada in respect of the said pension and of salary as Lieutenant Governor during the said period at the rate of $10,000 per annum, are the suppliants entitled to the relief sought by the petition of right? Par leur pétition de droit amendée les pétitionnaires en leur qualité d'héritières légales de feu Dame Amazélie Bou-langer, veuve de l'honorable juge H. G. Carroll, décédée intestat à Québec le 4 janvier 1943, réclament de Sa Majesté le Roi la somme de $30,000 comme pension ou partie de salaire due audit H. G. Carroll lors de son décés avec in-térêt sur $6,000 depuis 1930, sur $6,000 depuis 1931, sur $6,000 depuis 1932, sur $6,000 depuis 1933 et sur $6,000 depuis 1934 et dépens. Dans leur pétition les pétitionnaires allèguent en substance ce qui suit: elles sont les filles et les seules héritières légales de Dame Amazélie Boulanger, veuve de l'honorable juge H. G. Car-roll, décédée à Québec sans testament le 4 janvier 1943; ladite Amazélie Boulanger était légataire universelle dudit H. G. Carroll, ancien lieutenant-gouverneur de la province de Québec, en vertu d'un testament olographe en date du 5 septembre 1936; ledit H. G. Carroll est décédé le 20 août 1939; ladite Amazélie Boulanger avait accepté la succession de son mari et payé les droits de succession exigibles en vertu de la loi; les pétitionnaires ont accepté la succession de leur mère et payé les droits de succession exigibles en vertu de la loi; le 2 avril 1929 ledit H. G. Carroll a été nommé lieute-nant-gouverneur pour la province de Québec;
412 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 lors de sa nomination comme lieutenant-gouverneur, C o a , ledit H. G. Carroll avait droit de toucher et touchait une E vAL pension du gouvernement de Sa Majesté pour le Canada THE KING en sa qualité d'ancien juge de la Cour du Banc du Roi de Angers J. la province de Québec; ledit H. G. Carroll a occupé la fonction de lieutenant-gouverneur de la province de Québec du 2 avril 1929 au 3 mai 1934; durant cette période de cinq ans le gouvernement de Sa Majesté pour le Canada aurait dû verser audit H. G. Car-roll sa dite pension de $6,000 par année, soit un total de $30,000; le gouvernement de Sa Majesté pour le Canada, s'ap-puyant sur l'article 27 du chapitre 105 des Statuts Revisés du Canada de 1927, a, durant le terme d'office dudit H. G. Carroll comme lieutenant-gouverneur, retenu à celui-ci la dite somme de $30,000, soit à même la pension susdite soit à même son salaire, à raison de la dite pension; la disposition légale susmentionnée ne pouvait justifier la retenue par le gouvernement de la dite pension ou partie de salaire au total de $30,000 parce que le lieutenant-gou-verneur d'une province n'exerce pas "une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada", mais bien une charge publique sous Sa Majesté pour son gouver-nement de la province, en l'espèce, la province de Québec; au surplus, aucune restriction ne pouvait justifier la re-tenue de cette pension ou partie de salaire dans l'arrêté ministériel nommant ledit H. G. Carroll à la fonction de lieutenant-gouverneur; ledit H. G. Carroll avait soumis de son vivant une récla-mation au ministère de la Justice pour le paiement de ladite pension ou partie de salaire à laquelle il n'a jamais renoncé; les pétitionnaires en leur qualité d'héritières légales de leur mère, Dame Amazélie Boulanger, elle-même légataire universelle dudit H. G. Carroll, sont juistifiables de récla-mer ladite somme de $30,000 avec intérêt depuis 1930 sur $6,000, depuis 1931 sur $6,000, depuis 1932 sur $6,000, depuis 1933 sur $6,000, et depuis 1934 sur $6,000. Dans sa défense amendée l'intimé plaide ce qui suit: il admet que l'honorable H. G. Carroll est décédé le 20 août 1939;
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 413 il admet que ledit H. G. Carroll a été nommé lieutenant- 1947 gouverneur de la province de Québec le 2 avril 1929, selon CARR L un arrêté en conseil et que cette nomination a été faite par EI. lettres patentes en date du 2 avril 1929, prenant effet à THE Kixa cette date; Angers J. par lettres patentes sous le grand sceau du Canada en -- date du 29 janvier 1904, ledit H. G. Carroll a été nommé juge puîné de la Cour Supérieure de la province de Québec; ledit H. G. Carroll a continué à exercer cette fonction jusqu'à ce que, par lettres patentes sous le grand sceau du Canada en date du 24 décembre 1908, il ait été nommé juge puîné de la Cour du Banc du Roi de la province de Québec; le dit H. G. Carroll a résigné sa fonction de juge puîné de la Cour du Banc du Roi le 18 février 1921; par lettres patentes sous le grand sceau du Canada en date du 18 février 1921, Sa Majesté a accordé au dit H. G. Carroll une pension de $6,000 par année et proportionnelle- ment pour toute période de moins d'une année, commen- çant à la date susdite; il admet que le dit H. G. Carroll a occupé les fonctions de lieutenant-gouverneur de la province de Québec du 2 avril 1929 au 3 mai 1934; il déclare ne pas admettre ou nier les autres allégations de la pétition de droit; il dit que paiement de la dite pension et du salaire auto- risé par la loi à être payé au dit H. G. Carroll comme lieu- tenant-gouverneur lui a été fait durant toute la période pendant laquelle il a occupé cette position; alternativement, si le paiement de la dite pension a été retenu, des surpayes sur son salaire comme lieutenant- gouverneur de la province de Québec au montant de $6,000 par année ont été faites au dit H. G. Carroll durant toute la période de prétendu non-paiement de la dite pension, le montant total desdits paiements étant égal à la récla- mation des pétitionnaires pour pension et ledit H. G. Carroll était endetté envers Sa Majesté en rapport avec ces surpayes de salaire; Sa Majesté a droit d'opposer le montant des dites surpayes contre le montant de la récla- mation des pétitionnaires et celle-ci est compensée par un montant égal réclamé par Sa Majesté des pétitionnaires pour les raisons susdites.
414 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 Une copie de la commission nommant l'honorable Henry CAô te, George 'Carroll lieutenant-gouverneur de la province de ET AL Québec en date du 2 avril 1929 a été produite comme V. THE KING pièce 1. Cette commission, après la disposition concernant Angers J. la nomination dudit Henry George Carroll comme lieute-nant-gouverneur, stipule ce qui suit: Et par les 'présentes, Nora vous autorisons et vous ordonnons it, vous le dit HENRY GEORGE CARROLL, de faire et exécuter toutes choses se trou-vant sous votre juridiction en bonne et due forme et la confiance que nous avons reposée en vous, suivant les divers pouvoirs, les dispositions et les directions qui vous ont été conférés en vertu de l'Acte du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, passé dans la tren-tième année du Règne de feu Sa Majesté, connu sous le nom de "L'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, 1867" et de tous les autres statute à ce sujet de même qu'en vertu de la présente Commission, suivant telles instructions qui vous sont données par les Présentes ou qui pourront l'être dans l'avenir, à l'égard de la Province de Québec, sous la signature de Notre Gouvouverneur Général suppléant de Notre Dominion du Canada ou par ordre de Notre Conseil Privé du Canada, et suivant telles lois qui sont ou qui peuvent devenir en existence dans la Province de Québec. Annexées à la commission sont les instructions au lieute-nant-gouverneur (texte anglais), intitulées "Instructions to the Lieutenant Governor or other Chief Executive Officer or Administrator for the time being, carrying on the Government of the Province of Quebec". Après avoir observé que l'Acte de l'Amérique Britan-nique du Nord, 1867, dispose qu'il y aura pour chaque province un officier appelé lieutenant-gouverneur, qui sera nommé par le Gouverneur Général en Conseil par instrument sous le grand sceau du Canada, et déclaré que, de l'avis du Conseil Privé du Roi pour le Canada, le Gouver-neur Général en Conseil a, par commission sous le grand sceau du Canada, nommé ( ) lieutenant- gouverneur de la province de Québec et lui a permis et ordonné de faire toutes choses relevant de sa juridiction et de sa charge en conformité des pouvoirs, dispositions et directions à lui conférés ou attribués en vertu du dit acte et de tous autres statuts à cet égard et de la dite commission, les dites instructions stipulent, entre autres, ce qui suit: IV. The Lieutenant Governor is to take care that ell Laws assented to by him in my name, or reserved for signification of my pleasure thereon, shall, when transmitted by him, be fairly abstracted in the margin, and be accompanied in such cases as may seem to him necessary, with such explanatory observations as may be required to exhibit the reasons and occasions for proposing such Laws.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 415 V. Whenever the Lieutenant Governor assents to a Bill, he shall, 1947 within ten days thereafter, send an authentic copy of the Act to the --- Secretary of State of Canada. (The Lieutenant Governor shall not assent CARROLL ET AL to any Bill for altering the limits of any of the Electoral Divisions or v. Districts mentioned in the second schedule to the said Act, unless an THE KING address has been presented to him by the Legislative Assembly, stating that the second and third readings of the Bill have been passed in the Angers J. Legislative Assembly with the concurrence of the majority of the members representing all the said Electoral Divisions or Districts. VI. The Lieutenant Governor, on receipt of a copy of an Order in Council disallowing an Act with my certificate of the date on which the Act was received by me, shall forthwith make proclamation in the said Province of such certificate, and of the disallowance of the said Act. Un bref résumé des faits me paraît opportun. L'honorable H. G. Carroll a été nommé juge puîné de la Cour Supérieure de la province de Québec par lettrés patentes sous le grand sceau du Canada en date du 29 jan-vier 1904. Il a exercé cette fonction jusqu'au 24 décembre 1908 alors que, par lettres patentes sous le grand sceau du Canada portant cette date, il a été nommé juge puîné de la Cour du Banc du Roi de la province de Québec. Il a résigné cette situation le 18 février 1921. Par lettres patentes sous le grand sceau du Canada en date du 18 fé-vrier 1921, Sa Majesté le Roi lui a accordé une pension de $6,000 par année. Par lettres patentes sous le grand sceau du Canada en date du 2 avril 1929, l'honorable H. G. Carroll a été nommé lieutenant-gouverneur de la province de Québec et il a occupé cette charge du 2 avril 1929 au 3 mai 1934. Le traitement du lieutenant-gouverneur de la province de Québec est de $10,000 par année: S.R.C. 1927, chap. 182, art. 3. L'intimé a soustrait de ce traitement de $10,000 la pension de $6,000 accordée au dit H. G. Carroll durant la période où il a exercé les fonctions de lieutenant-gouver-neur. Cette soustraction a été faite en vertu de l'article 27 de la Loi des Juges, S.R.C. 1927, chapitre 105, lequel est ainsi conçu: 27. Si une personne est admise it une pension après le premier jour de juillet mil neuf cent vingt, en vertu de la présente loi, et si elle vient à recevoir un traitement attaché h. une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada, le montant de cette pension sera sous-trait de ce traitement. La question à résoudre est de savoir si le lieutenant-gouverneur d'une province occupe une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada ou pour son gouvernement d'une province du Canada.
416 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 Me Geoffrion a invoqué et brièvement commenté les CARROLL articles suivants de l'Acte de l'Amérique Britannique du ET AL Nord et de la Loi d'interprétation. Il me semble à propos V. THE KING de résumer sommairement ses observations. Angers J. L'article 58 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, 1867, prévoit qu'il y aura, pour chaque province, un officier appelé lieutenant-gouverneur, nommé par le Gouverneur-Général en Conseil par instrument sous le grand sceau du Canada. L'article 59 stipule que "le lieutenant-gouverneur restera en charge durant le bon plaisir du Gouverneur-Général". L'article ajoute cependant que tout lieutenant-gouverneur nommé après le commencement de la première session du parlement ne pourra être révoqué dans le cours des cinq ans suivant sa nomination à moins qu'il n'y ait cause. L'article 60 dit que les salaires des lieutenants-gouver-neurs seront fixés et payés par le parlement du Canada. L'article 61 ordonne qu'un lieutenant-gouverneur, avant d'exercer ses fonctions, prêtera devant le Gouverneur-Général ou quelque personne par lui autorisée les serments d'allégeance et d'office prêtés par le Gouverneur-Général. L'article 62 arrête que les dispositions de l'acte relatives au lieutenant-gouverneur s'appliquent au lieutenant-gou-verneur de chaque province ou à tout autre chef exécutif ou administrateur temporairement administrant le gouverne-ment de la province quel que soit son titre. L'article 63 pourvoit à la nomination par le lieutenant-gouverneur de personnes devant former le conseil exécutif de l'Ontario et du Québec. L'article 65 décrète ce qui suit: Tous les pouvoirs, attributions et fonctions qui—par aucun acte du parlement de la Grande-Bretagne, ou du parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, ou de la législature du Haut-Canada, du Bas-Canada ou du Canada, avant ou lors de l'union—étaient conférés aux gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs respectifs de ces provinces ou pou-vaient être par eux exercés, de l'avis, ou de l'avis et du consentement des conseils exécutifs respectifs de ces provinces, ou avec la coopération de ces conseils ou d'aucun nombre de membres de ces conseils, ou par ces gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs individuellement, -seront—en tant qu'ils pourront être exercés après l'union, relativement au gouvernement d'Ontario et Québec respectivement—conférés au lieutenant-gouverneur d'Ontario et Québec, respectivement, et pourront être par lui exercés, de l'avis ou de l'avis et du consentement ou avec la coopération des conseils exécutifs respectifs ou d'aucun de leurs membres, ou par le lieutenant-
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 417 gouverneur individuellement, selon le cas; mais ils pourront, néanmoins 1947 (sauf ceux existant en vertu d'actes du parlement de la Grande-Bretagne `-~ ou du parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande), CAE.R E O T A L L L être révoqués ou modifiés par les législatures respectives d'Ontario et v. Québec. THE KING Il ressort de cet article, quelque prolixe, que tous les An g ers J. pouvoirs, attributions et fonctions qui, avant ou lors de la confédération, pouvaient être exercés par les gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs du Canada, du Haut-Canada ou du Bas-Canada de l'avis ou de l'avis et du consentement des conseils exécutifs respectifs de ces provinces ou avec la coopération de ces conseils ou d'aucun nombre de membres d'iceux ou par ces gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs individuellement, seront conférés au lieutenant-gouverneur d'Ontario ou de Québec respectivement et pourront être par lui exercés, de l'avis ou de l'avis et du consentement ou avec la coopération des conseils exécutifs respectifs ou d'aucun de leurs membres, ou par le lieutenant-gouverneur individuellement, selon le cas. L'article ajoute que ces pouvoirs, attributions et fonctions, sauf ceux existant en vertu d'actes du parlement de la Grande-Bretagne ou du parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Ir-lande, pourront être révoqués ou modifiés par les législa-tures respectives d'Ontario et de Québec. Révocation et modification ne sont pas du ressort du parlement du Canada. Comme le signalait le procureur des pétitionnaires, l'article 65 ne mentionne que les provinces d'Ontario et de Québec, parce que l'article 64 gouverne le cas des deux autres provinces faisant originairement partie de la confé-dération, savoir le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse. L'article 69 concerne la province d'Ontario et n'est point pertinent. L'article 71 décrète qu'il y aura pour la province de Québec une législature composée du lieutenant-gouverneur et de deux chambres: le conseil législatif et l'assemblée législative. L'article 72, qui a trait à la constitution du conseil légis-latif, dit, entre autres, qu'il se composera de vingt-quatre membres, qui seront nominés par le lieutenant-gouverneur au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau de Québec.
418 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1947 1947 L'article 75, auquel le procureur des pétitionnaires n'a C o LL pas fait allusion, stipule qu'advenant une vacance dans le ET 'L conseil législatif, par démission, décès ou autre cause, le V. THE KING lieutenant-gouverneur, au nom de la Reine, nommera, par Angers J. instrument sous le grand sceau de Québec, une personne ayant les qualifications voulues pour la remplir. L'article 77 pourvoit à la nomination par le lieutenant-gouverneur, par instrument sous le grand sceau de la province, d'un membre du conseil législatif comme orateur de ce corps et de sa révocation et de son remplacement. L'article 82 décrète que le lieutenant-gouverneur devra, de temps à autre, au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau de la province, convoquer l'assemblée légis-lative. La durée de l'assemblée législative du Québec est fixée par l'article 85 à quatre ans à compter du jour du rapport des brefs d'élection, à moins qu'elle ne soit dissoute plus tôt par le lieutenant-gouverneur. L'article 90 déclare que les dispositions de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord concernant le parlement du Canada, relatives aux bills d'appropriation et d'impôts, à la recommandation de votes de deniers, à la sanction des bills, au désaveu des actes et à la signification du bon plaisir quant aux bills réservés, s'appliqueront aux législatures des provinces, "en substituant toutefois le lieutenant-gouver-neur de la province au gouverneur-général, le gouverneur-général 'à la Reine et au secrétaire d'Etat, un an à deux ans, et la province au Canada". Il est à peine nécessaire de signaler que les articles 55, 56 et 57 doivent être interprétés conjointement avec l'article 90. Le lieutenant-gouverneur a dans le domaine provincial les mêmes pouvoirs que le gouverneur-général dans le do-maine fédéral. Il peut sanctionner un bill voté par la ou les chambres, selon le cas, de la législature, refuser sa sanction ou réserver le bill pour le bon plaisir du gouverneur-général. Il a été suggéré de la part de l'intimé que le devoir imposé au lieutenant-gouverneur de transmettre une copie authentique de l'acte (sic) au gouverneur-général pour la
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 419 signification de son bon plaisir ou pour le désaveu de l'acte 1947 ~.r fait du lieutenant-gouverneur un officier du gouvernement CARROLL du Dominion. Cette prétention me paraît mal fondée. Le ET AL V. pouvoir de sanctionner une loi, de refuser la sanction ou de Tria KING réserver la loi à la signification du bon plaisir du gouver-Angers J. neur-général dépend du lieutenant-gouverneur uniquement. Il n'a pas d'instruction à recevoir du gouverneur-général relativement à l'exercice de ce pouvoir. Il est oiseux de signaler que, lorsqu'une loi d'une légis-lature provinciale a été sanctionnée, elle n'a d'effet que dans les limites de la province. La sanction d'une loi, le refus de la sanction ou la réserve de la loi au bon plaisir du gouverneur-général sont des actes concernant le gouverne-ment de la province, qui n'ont rien à faire avec le gouver-nement du Canada. L'article 92, énumérant les sujets soumis au contrôle de la législation provinciale, ordonne que dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois concer-nant, entre autres, l'amendement de temps à autre de la constitution de la province, sauf les dispositions relatives à la charge du lieutenant-gouverneur. Après avoir stipulé que la législature de chaque province pourra exclusivement faire des lois relatives à l'éducation et mentionné les conditions auxquelles ces lois seront su-jettes, l'article 93, auquel le procureur des pétitionnaires a fait brièvement allusion, contient, entre autres, les dispositions suivantes: (3) Dans toute province où un système d'écoles séparées ou dissi-dentes existera par la loi, lors de l'union, ou sera subséquemment établi par la législature de la province,—il pourra être interjeté appel au gou-verneur-général en conseil de tout acte ou décision d'aucune autorité pro-vinciale affectant aucun des droits ou privilèges de la minorité protestant ou catholique romaine des sujets de Sa Majesté relativement à l'éduca-tion; (4) Dans le cas où il ne serait pas décrété telle loi provinciale que, de temps à autre, le gouverneur-général en conseil jugera nécessaire pour donner suite et exécution aux dispositions du présent article,—ou dans le cas où quelque décision du gouverneur-général en conseil, sur appel inter-jeté en vertu du présent article, ne serait pas mise à exécution par l'auto-rité provinciale compétente,—alors et en tout tel cas, et en tant seule-ment que les circonstances de chaque cas l'exigeront, le parlement du Canada 'pourra décréter des lois propres à y remédier pour donner suite et exécution aux dispositions du présent article, ainsi qu'à toute décision rendue par le gouverneur-général en conseil sous l'autorité de ce même article.
420 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 J'avouerai que cet article ne me paraît avoir aucune CAo L portée sur la question qui nous occupe. Il en est de même, ET AL à mon avis, quant à ce qui concerne l'article 95, également V. THE KING cité par le procureur des pétitionnaires, qui accorde au Angers J. parlement du Canada et aux législatures provinciales le pouvoir concurrent de légiférer en matière d'agriculture et d'immigration. Le procureur des pétitionnaires discutant la portée de l'article 118, qui fixe les subventions annuelles payables aux provinces par le gouvernement du Canada, a signalé son analogie avec l'article 60 qui impose au parlement du Canada la charge de payer les salaires des lieutenants-gouverneurs, concluant que le paiement de ces salaires n'a rien à voir avec la question de savoir si ces traitements sont attachés à une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada, selon les termes de l'article 27, ou sous Sa Majesté pour son gouvernement de la province. Cette conclusion me paraît juste. Le procureur des pétitionnaires a mentionné les para-graphes (13) et (14) de l'article 37 de la Loi d'interpréta-tion (S.R.C. 1927, chap. 1), disant qu'il le faisait avec quelque hésitation vu qu'à son avis les fonctions, devoirs et pouvoirs du lieutenant-gouverneur se trouvent entièrement exposés dans l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord et qu'aucune législation du parlement du Canada ne peut les modifier. Les paragraphes (13) et (14) se lisent ainsi: (13) "lieutenant-gouverneur" signifie le lieutenant-gouverneur alors en fonctions, ou tout autre chef exécutif ou administrateur alors chargé d'exercer le gouvernement de la province indiquée par la loi, quel que soit le titre sous lequel il est désigné; (14) "lieutenant-gouverneur en son conseil" signifie le lieutenant-gouverneur ou la personne exerçant alors le gouvernement de la province indiquée par la loi, agissant sur l'avis, ou sur l'avis et du consentement du conseil exécutif de ladite province, ou de concert avec ce dernier; Ces dispositions indiquent clairement que le lieutenant-gouverneur est chargé d'exercer le gouvernement de la province. Me Fernand Choquette, C.R., procureur des pétition-naires, a plaidé en français immédiatement aprés Me Aimé Geoffrion, abondant dans le sens des arguments que celui-ci avait fait valoir avant lui en anglais.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 421 Le procureur de l'intimé a appuyé sa prétention que le 1917 traitement du lieutenant-gouverneur en est un "attaché à CAax une charge publique sous Sa Majesté pour son gouverne- " y' ment du Canada" sur les articles 58, 59, 60, 61 et 62 et en T sE KING particulier les articles 55, 56 et 57, interprétés en union avec Angers J. l'article 90. Il a appuyé sur le fait qu'en vertu des articles 55, 56 et 57, modifiés conformément aux dispositions de l'article 90, le lieutenant-gouverneur remplit ses fonctions pour le gouverneur-général et en ses lieu et place. J'aurai à dire un mot de cette interprétation dans un instant. Le procureur de l'intimé a fait mention des instructions au lieutenant-gouverneur ou autre chef exécutif ou admi-nistrateur pour le temps d'alors administrant la province et déclaré qu'elles engagent le lieutenant-gouverneur sous tous les rapports. Il a invoqué les clauses IV, V, VI et VII. Les trois premières sont citées plus haut; la dernière, pour moi sans portée sur le sujet, est ainsi conçue: VII. The Lieutenant Governor shall not quit the Province without having first obtained leave from me for so doing, under my Sign Manual, or through the Secretary of State of Canada. Le procureur de l'intimé soutient qu'il ressort de ces dispositions que la situation est comme si l'Acte de l'Amé-rique Britannique du Nord avait requis le Gouverneur-Général d'exercer les fonctions du Souverain dans le Dominion et dans la province, mais que, vu les nécessités prove-nant des circonstances, les fonctions du Gouverneur-Général doivent être exercées dans la province par une personne nommée par lui à cette fin. L'avocat a particulièrement souligné l'article 55 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, lequel, mOdifié conformément aux dispositions de l'article 90, se lit ainsi: 55. Lorsqu'un bill voté par les chambres du parlement sera présenté au lieutenant-gouverneur pour la sanction du Gouverneur-Général, le lieu-tenant-gouverneur devra déclarer à sa discrétion, mais sujet aux dispositions du présent acte et aux instructions du Gouverneur-Général, ou qu'il le sanctionne au nom du Gouverneur-Général, ou qu'il refuse cette sanction, ou qu'il réserve le bill pour la signification du bon plaisir du Gou-verneur-Général. Me Varcoe a appuyé sur le fait que l'article 55 démon-trerait clairement que, lorsque le lieutenant-gouverneur accomplit les fonctions à lui dévolues en vertu de l'Acte de 93761-2a
422 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 l'Amérique Britannique du Nord, il le fait sujet aux ins- CARROLL tructions du Gouverneur-Général. Cette assertion me pa- ET v . ` L rait aller au-delà de la portée de l'article. THE KING Le procureur de l'intimé a fait valoir que la Loi des Angers J . juges ne soulève aucune question constitutionnelle et qu'elle n'a trait qu'aux traitements, pensions, frais de voyage et retraite des juges. Il allègue que l'article 27 est un article purement financier, se rapportant uniquement au cas d'un juge admis à une pension, qui "vient à recevoir un traite-ment attaché à une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada", traitement en réalité payable à même les fonds du Dominion. Le procureur de l'intimé a émis l'opinion que ce que le législateur avait en vue en mentionnant dans l'article 27 "un traitement attaché à une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada" c'était les personnes recevant un traitement du gouvernement du , Canada en rapport avec une charge publique. C'est là toute la question en litige. Me Varcoe a insisté sur le point que l'article 27 n'a rapport qu'aux personnes rece-vant des traitements du gouvernement du Canada en rapport avec une charge publique, à l'exclusion de celles ayant un contrat ou exerçant une autre occupation. Ceci me paraît évident en soi. Les procureurs des parties ont cité quelques décisions; il est opportun d'en faire mention brièvement. Je traiterai d'abord de celles invoquées par le procureur des pétition-naires. La décision considérée comme la plus pertinente par Me Geoffrion est celle rendue par le Conseil Privé dans la cause The Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. The Receiver General of New Brunswick (1). Le sommaire du jugement se lit ainsi: The British North America Act, 1867, has not severed the connection between the Crown and the provinces; the relation between them is the same as that which subsists between the Crown and the Dominion in respect of the powers executive and legislative, public property and revenues, as are vested in them respectively. In particular, all property and revenues reserved to the provinces by sects. 109 and 126 are vested in Her Majesty as sovereign head of each province. Held, affirming a judgment of the Supreme Court of Canada, that the provincial government of New Brunswick, being a simple contrant creditor of the Maritime Bank of the Dominion of Canada in respect (1) (1892) A.C. 437.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 423 of public moneys of the province deposited in the name of the Receiver-1947 General of the province, is entitled to payment in full over the other depositors and simple contract creditors of the bank, its claim being for a CARROLL ET AL Crown debt to which the prerogative attaches. V. Me Geoffrion a attiré l'attention du tribunal sur les THE KING observations suivantes de Lord Watson, qui a rendu le Angers J. jugement du Conseil Privé (p. 441) : Their Lordships do not think it necessary to examine, in minute detail, the provisions of the Act of 1867, which nowhere profess to curtail in any respect the rights and privileges of the Crown, or to disturb the relations then subsisting between the Sovereign and the provinces. The object of the Act was neither to weld the provinces into one, nor to subordinate provincial governments to a central authority, but to create a federal government in which they should all be represented, entrusted with the exclusive administration of affairs in which they had a common interest, each province retaining its independence and autonomy. That object was accomplished by distributing, between the Dominion and the provinces, all powers executive and legislative, and all public property and revenues which had previously belonged to the provinces; so that the Dominion Government should be vested with such 'of these powers, property, and revenues as were necessary for the due performance of its constitutional functions, and that the remainder should be retained by the provinces for the purposes 'of provincial government. But, in so far as regards those matters which, by sect. 92, are specially reserved for provincial legislation, the legislation of each province continues to be free from the control of the Dominion, and as supreme as it was before the passing of the Act. In Hodge v. The Queen, 9 A.C. 117, Lord Fitz-gerald, delivering the opinion of this Board, said: "When the British North America Act enacted that there should be a legislature for Ontario, and that its legislative assembly should have exclusive authority to make laws for the province and for provincial purposes in relation to the matters enumerated in sect. 92, it conferred powers not in any sense to be exercised by delegation from or as agents of the Imperial Parliament, but authority as plenary and as ample within the limits prescribed by sect. 92 as the Imperial Parliament in the plenitude of its power possessed and could bestow. Within these limits of subject and area, the local legislature is supreme, and has the same authority as the Imperial Parliament, or the Parliament of the Dominion." The Act places the constitutions of all provinces within the Dominion on the same level. Plus loin Lord Watson ajoute (p. 442) : It is clear, therefore, that the provincial legislature of New Brunswick does not occupy the subordinate position which was ascribed to it in the argument of the appellants. It derives no authority from the Government of Canada, and its status is in no way analogous to that of a municipal institution, which is an authority constituted for purposes of local administration. It possesses powers, not of administration merely, but of legislation, in the strictest sense of that word; and, within the limits assigned by sect. 92 of the Act of 1867, these powers are exclusive and supreme. Plus loin (p. 443) : In asking their Lordships to draw that inference from the terms of the statute, the appellants mainly, if not wholly, relied upon the fact that, whereas the Governor-General of Canada is directly appcinted by 93761-2ia
424 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 the Queen, the Lieutenant-Governor of a province is appointed, not by `—r Her Majesty, but by the Governor-General, who has also the power of CARROLL dismissal. If the Act had not committed to the Governor-General the Es AL V. power of appointing and removing Lieutenant-Governors, there would THE KING have been no room for the argument, which, if pushed to its logical — conclusion, would prove that the Governor-General, and not the Queen, Angers J. whose Viceroy he is, became the sovereign authority of the province whenever the Act of 1867 came into operation. But the argument ignores the fact that, by sect. 58, the appointment of a provincial governor is made by the "Governor-General in Council by Instrument under the Great Seal of Canada," or, in other words, by the Executive Government of the Dominion, which is, by sect. 9, expressly declared "to continue and be vested in the Queen." There is no constitutional anomaly in an executive officer of the Crown receiving his appointment at the hands of a governing body who have no powers and no functions except as representatives of the Crown. The act of the Governor-General and his Council in making the appointment is, within the meaning of the statute, the act of the Crown; and a Lieutenant-Governor, when appointed, is as much the representative of Her Majesty for all purposes of provincial government as the Governor-General himself is for all purposes of Dominion government. Le procureur des pétitionnaires déclare que le principe consacré par cette décision a été reconnu maintes fois, particulièrement dans une cause de Bonanza Creek Gold Mining Company, Limited v. The King and Attorney-General for the Province of Quebec et al., interveners (1) . Me Geoffrion fait observer que dans cette cause il s'agis-sait d'une autre prérogative de la Couronne, que le Conseil Privé a déclaré appartenir au lieutenant-gouverneur pour 'la raison que celui-ci était directement le représentant du Roi et non son représentant par l'intermédiaire du Gou-verneur -Général, n®nobstant sa nomination par ce dernier. Il s'agissait en l'espèce du pouvoir de créer une corporation de droit commun et il a été décidé qu'il était dans les attributs du lieutenant -gouverneur d'émettre des lettres patentes à la corporation l'autorisant à exercer les affaires de mine et que celle-ci a l'état civil et la capacité voulus pour accepter et exploiter des baux et droits miniers dans le territoire du Yukon, conférés par l'autorité du Dominion et du territoire du Yukon. Je crois avantageux de citer un extrait du sommaire du jugement (p. 566) : Sect. 92 of the British North America Act, 1867, confines the actual powers and rights which a provincial Government can bestow upon a company, either by legislation or through the Executive, to powers and rights exercisable within the province, but does not preclude a province either from keeping alive the then existing power of the Executive to (1) (1916) 1 A.C. 566.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 425 incorporate by charter so as to confer a general capacity analogous to 1947 that of a natural person, or to legislate so as to create, by or by virtue of a statute, a corporation with this general capacity. CARROLL ET AL Held, therefore, that a company incorporated by letters patent issued V. by the Lieutenant-Governor of Ontario under the Ontario Companies Act THE KING (R.S. Ont., 1897, c. 191), s. 9, with the object of carrying on the business of mining, has a status and 'capacity which enable it to accept and Angers J. exercise mining leases and rights in the Yukon Territory conferred by the authorities of the Dominion and the Yukon Territory, A la page 580 du rapport l'on trouve les observations suivantes du Vicomte Haldane: There can be doubt that prior to 1867 the Governor-General was for many purposes entrusted with the exercise of the prerogative power of the Sovereign to incorporate companies throughout Canada, and such prerogative power to that extent became after confederation, and so far as provincial db,ects required its exercise, vested in the Lieutenant-Governors, to whom provincial Great Seals were assigned as evidences of their authority. Whatever obscurity may at one time have prevailed as to the position of a Lieutenant-Governor appointed on behalf of the Crown by the Governor-General has been dispelled by the decision of tins Board in Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. Receiver-General of New Brunswick (1892) A. C. 437, 443. It was there laid down that "the act of the Governor-General and his Council in making the appointment is, within the meaning of the statute, the act of the Crown; and a Lieutenant-Governor, when appointed, is as much the representative of Her Majesty for all purposes of provincial government as the Governor-General himself is for all purposes of Dominion government." The form of the commission by which the Governor-General appoints a Lieutenant-Governor to be Lieutenant-Governor of Ontario bears this out. For it runs in the name of the Sovereign, and is "to do and execute all things that shall belong to your said command and the trust we have reposed in you, according to the several provisions and directions granted or appointed you by virtue of the Act of the United Kingdom of Great Britain and Ireland passed in the thirtieth year of the reign of Her late Majesty Queen Victoria, called and known as "The British North America Act, 1867," and of all other statutes in that behalf and of this our present commission, according to such instructions as are herewith given to you or which may from time to time be given to you in respect of the said province of Ontario under the sign manual of our Governor-General of our said Dominion of Canada, or by order of our Privy Council of Canada, and according to such laws as are or shall be in force in the said province of Ontario." Une formule substantiellement semblable, mutatis mu-tandis, est comprise dans la Commission pièce 1. A l'appui de sa prétention que l'article 27 s'applique au traitement attaché à une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada, quelle qu'elle soit et qu'elle soit exercée dans le domaine fédéral ou dans le do-maine provincial mais rémunérée par le gouvernement fédéral le procureur de l'intimé a invoqué les décisions dans
426 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 les causes suivantes: United States v. Hartwell (1) ; In the °CARRora, matter of a reference concerning the power of the Governor-ET v. ` L General in Council to disallow Actspassed b ythe l l e e g i i s - KING latures of the provinces and the power of reservation of Angers J. the lieutenant-governors (2) ; Attorney-General of Canada v. Attorney-General of Ontario (3). La décision dans United States v. Hartwell n'a pas de portée directe sur la présente cause; elle a été citée pour faire voir la définition de "public office", qui équivaut à la "charge publique" ("public office" dans le texte anglais) mentionnée dans l'article 27. La partie du sommaire du jugement qui nous intéresse se lit ainsi: 1. An office is a public station or employment, conferred by the appointment of government; and embraces the ideas of tenure, duration, emolument, and duties. A la page 393 du rapport l'on trouve les considérations suivantes du juge Swayne, qui a rendu le jugement de la Cour Suprême des Etats-Unis: An office is a public station, or employment, conferred by the appointment of government. The term embraces the ideas of tenure, duration, emolument, and duties. . The employment of the defendant was in the public service of the United States. He was appointed pursuant to law, and his compensation was fixed by law. Vacating the office of his superior would not have affected the tenure of his place. His duties were continuing and permanent, not occasional or temporary. They were to be such as his superior in office should prescribe. A government office is different from a government contract. The latter from its nature is necessarily limited in its duration and specific in its objects. The terms agreed upon define the rights and obligations of both parties, and neither may depart from them without the assent of the other. J'avouerai que cette définition, qu'il était peut-être néces-saire d'insérer dans le jugement, me paraît plutôt élémen-taire. Assimilant l'expression "public office" définie dans le jugement de la Cour Suprême des Etats-Unis à la même expression comprise dans l'article 27, le procureur de l'in-timé conclut, à juste titre, que les mots "charge publique"' impliquent un emploi dont la jouissance, la durée, les émo-luments et les devoirs sont caractéristiques. Passant à la charge de lieutenant-gouverneur, Me Varcoe allègue que la (1) (1867) 6 Wallace's Report, 385. (3) (1890) 20 O.R. 222. (2) (1938) S.C.R. 71.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 427 période de jouissance, la durée et les émoluments sont fixés 1947 par le gouvernement du Canada, et que les devoirs sont, en Cnô , vertu de l'article 55 de l'Acte de l'Amérique Britannique du E v AL Nord, sous le contrôle absolu du Gouverneur -Général en THE KING Conseil. Il conclut de là qu'à tous ces égards la charge de Angers J. lieutenant-gouverneur est de celle dont tous les traits caractéristiques tombent sous le contrôle du Gouverneur -Général en Conseil et qu'elle est en conséquence une "charge publique" sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada". Encore une fois je noterai que c'est le cas en litige, qu'il y aura lieu de décider et sur lequel naturel-lement je devrai revenir. Dans la cause suivante, In the matter of a reference concerning the power of the Governor-General in Council to disallow acts passed by the legislatures of the provinces and the power of reservation of the lieutenant-governors, il s'agissait d'une référence à la Cour Suprême du Canada par ordre du Gouverneur -Général en Conseil au sujet de quatre questions de droit ainsi formulées (loc. cit. p. 72) : 1. Is the power of disallowance of provincial legislation, vested in the Governor General in Council by section 90 of the British North America Act, 1867, still a subsisting power? 2. If the answer to question 1 be in the affirmative, is the exercise of the said power of disallowance by the Governor General in Council subject to any limitations or restrictions and if so, what are the nature and effect of such limitations or" restrictions? 3. Is the power of reservation for the signification of the pleasure of the Governor General of Bills passed by the legislative assembly or legislative authority of province vested in the Lieutenant-Governor by section 90 of the British North America Act, 1867, still a subsisting power? 4. If the answer to question 3 be in the affirmative, is the exercise of the said power of reservation by the Lieutenant-Governor subject to any limitations or restrictions, and if so, what are the nature and effect of such limitations or restrictions? Les réponses unanimes de la 'Cour Suprême ont été les suivantes (ibid): 1. The first question referred is answered in the affirmative; 2. The second question referred is answered in the negative, save that the power of disallowance shall be exercised within the prescribed period of one year after the receipt of an authentic copy of the Act by the Governor General; 3. The third question referred is answered in the affirmative; 4. The fourth question referred is answered in the negative, save that the discretion of the Lieutenant-Governor shall be exercised subject to any relevant provision in his Instructions from the Governor General.
428 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 Le procureur de l'intimé reconnaît que cette cause est C ô L tout à fait différente de celle qui nous occupe, vu qu'elle ET AL a pour objet de faire déterminer si le droit de désaveu de THE KING lois provinciales par le gouverneur-général était tombé en Angers J. désuétude. Il avoue que cette question n'offre aucun intérêt en l'espèce et que tout ce qu'il désire tirer de cette décision sont les observations faites par le juge en chef Duff tant pour lui-même que pour son collègue, le juge Davis, que l'on trouve à la page 77 du rapport: There is nothing, however, in all this in the least degree incompatible with a Lieutenant-Governor reserving a bill for the signification of the pleasure of the Governor General Who is the representative of the Crown or in the disallowance of an Act of the Legislature by the Governor General acting on the advice of his Council Who, as representing the Sovereign, constitutes the executive government for Canada. Je crois bon de citer, en sus de cet extrait, quelques observations du savant juge qui le précèdent (p. 76) : In the course of the judgment delivered by Lord Haldane on behalf of the Judicial Committee, the judgment and the reasons in The Liquidators of the Maritime Bank case ((1892) A C. 437) were recognized by the Board as laying down the governing principles in respect of the relation of the Crown to the provinces. In substance, these judgments declare that, in the appointment of a provincial Governor, the Governor General in Council under section 58 is acting as the Executive Government of the Dominion which, by section 9 of the statute, is declared to be vested in the Queen; in other words, the act of the Governor General and his Council in making the appointment is, within the meaning of the statute, the act of the Crown. Lord Watson proceeds: a Lieutenant-Governor, when appointed, is as mudh the representative of Her Majesty for all purposes of provincial government as the Governor General himself is for all purposes of Dominion government (Liquidators of the Maritime Bank v. The Receiver-General of New Brunswick ( (1892 A.C. 437, at 443)). The act of a Lieutenant-Governor in assenting to a bill or in reserving a bill is the act of the Crown by the Crown's representative just as the act of the Governor General in assenting to a bill or reserving a bill is the act of the Crown. A la suite du passage cité par Me Varcoe nous lisons ceci (p. 77) : It seems proper in this connection to call attention to the functions of the Dominion Government respecting the appointment and the removal of a Lieutenant-Governor. By section 58 of the B.N.A. Act, the Lieuten-ant-Governor is appointed by the Governor General in Council by instrument under the Great Seal of Canada. His commission runs in the name of the Sovereign, just as the commissions of other great officers of state (appointed by the same authority under such instruments) run in the name of the Sovereign. But his Instructions emanate from the
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 429 Governor General and it is the Governor General in Council who 1947 determines their character; and in assenting to bills, withholding assent, and reserving bills for the signification of the Governor General's pleasure, CARROLL ET AL he exercises his discretion subject to the Instructions of the Governor V. General. He holds office during the pleasure of the Governor General THE KING (sec. 59). His salary is fixed and provided by the Parliament of Canada. Angers J. Il ressort clairement de ces considérations que le lieutenant -gouverneur est tout autant le représentant de Sa Majesté pour les fins du gouvernement d'une province que l'est le Gouverneur-Général pour celles relevant du gou-vernement du Dominion. Il me semble opportun de reproduire quelques remarques de feu le juge Crocket, qui me semblent avoir quelque pertinence (p. 85) : There may be a question as to whether the intention of s. 90 was to substitute "the Governor General's name" for "the Queen's name", concerning the assent to bills in the Legislatures of the Provinces. I am inclined to agree with the conclusion expressed by Dr. Todd in his "Parhamentary Government in the British Colonies" (1894) for the reasons stated at p. 440 by that experienced and eminent authority on that subject, as well as for the reason that it has been definitely decided by the Judicial Committee of the Privy Council that the Lieutenant-Governor is as much the representative of the Sovereign for all purposes of the Provincial Government as is the Governor General for all purposes of the Dominion Government (see Maritime Bank v. Receiver-General of New Brunswick ((1892) A.C. 437), and Bonanza v. The King ((1916) 1 A.C. 566); and In re The Initiative and Referendum Act ((1919) A.C. 935), that the correct constitutional practice is for the Lieutenant-Governor to assent to or to withhold his assent in the Sovereign's name. This, however, is a mere matter of form. Whether a Bill is assented to by the Lieutenant-Governor of a Province in the King's name or in the Governor General's name, it must be taken to have been assented to in behalf of the Sovereign and to have become an Act which is subject to the exercise of the power of disallowance by the appropriate authority. Le procureur de l'intimé tire de cette décision la conclusion qu'il n'y a rien d'incompatible dans le fait que le Roi soit représenté dans le domaine provincial par un officier du Dominion quand on considère que cet officier est, d'après la constitution, nommé et payé par le gouver-nement fédéral et que son terme d'office est fixé confor-mément aux instructions du Gouverneur -Général en Con-seil. Peut-être n'y a-t-il rien d'incompatible dans le fait suscité, mais la question est précisément de savoir si la nomination et la rémunération du lieutenant-gouverneur par le gouvernement fédéral et la fixation de la durée de
430 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 ‘ 1 , 9 . 4 . 7 , son terme d'office par celui-ci, en vertu de l'Acte de l'Am& CARROLL rique Britannique du Nord, en fait un officier du gouver- ET AL v nement fédéral. THE KING Le procureur de l'intimé s'appuie ensuite sur le juge- Angers J. ment de la High Court of Justice, Chancery Division, de la province d'Ontario dans une cause de The Attorney-General of Canada v. The Attorney-General of Ontario (supra), dans laquelle se présentait la question de savoir si un gouvernement provincial a le pouvoir d'accorder un pardon à une personne condamnée pour une offense commise à l'encontre d'un statut provincial. Me Varcoe s'en rap-porte particulièrement à un passage de l'argument de Me Edward Blake, l'avocat du procureur-général de l'Ontario, auquel aurait souscrit le juge Boyd, qui a rendu le juge-ment de la Cour. Je crois juste de citer le passage de l'argument invoqué ainsi que les remarques du juge y afférentes. L'on trouve à la page 229 du rapport les remarques suivantes de Me Blake ayant trait à l'article 2 de la loi intitulée "Act respecting the executive administration of the laws of this province" (51 Vict. ch. 5, Ont.) : This section, however, gives no power to remit a sentence under a Dominion Act. What its latter part refers to are ante-confederation Acts creating offences not dealt with by subsequent Ontario Acts, or it may be to common law offences. This is not an Act as to the office of Lieutenant-Governor, within the meaning of B.N.A. Act, sec. 92, sub-sec. 1, which has reference to the position of the Lieutenant-Governor as a link between the Province and the Dominion, such power as he holds as a federal officer. But if we are to enter into the considerations suggested, and to minimize guarding provisions, we must investigate the scheme of the Provincial constitution under the B.N.A. Act. The Provinces are not mere major municipalities. In the B.N.A. Act we find, after the Executive power, and the Legislative power of the Dominion have been dealt with, the heading "Provincial Constitutions," which imports governmental power. Then comes the heading "Executive power", exactly the same as in the case of the Dominion. The very name "Lieuten-ant-Governor," implies that he is in the place of the Governor General, who represents the Queen. He uses a great seal, the sign of Sovereign power, by which the Sovereign speaks: B.N.A. Act, sec. 82. The Regal power is a unit. The Province has an Attorney-General, who is the officer representing the Queen in the Courts according to theory of the English Constitution. Voyons maintenant les observations du juge (p. 247) : What has just been said, answers also the argument based upon section 92, sub-sec. 1 of the Imperial Act, which forbids interference with the office of Lieutenant-Governor. That veto is manifestly intended to keep intact the headship of the Provincial Government, forming, as it
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 431 does, the link of federal power; no essential change is possible in the 1947 constitutional position or functions of this chief officer, but that does `-~ not inhibit a statutory increase of duties germane to the office. CARROLL ET AL Le procureur de l'intimé a résumé sa plaidoirie en allé- Tsa Krxa guant: 10 que l'article 27 ne concerne pas les officiers en Angers J. rapport avec leur position au point de vue constitutionnel, — mais vise tous les officiers dont les salaires sont payés par le Parlement du Canada; 2o que le lieutenant-gouverneur est le représentant du gouverneur-général tout comme celui-ci est le représentant du Souverain, et que comme tel il est sous le contrôle absolu du gouverneur-général en con- seil à propos de pratiquement toutes ses fonctions et qu'il est conséquemment un officier fédéral; 3o que, s'il est à quelque titre un officier provincial, il exerce alors ce qui pourrait être appelé une fonction double, fédérale et pro- vinciale, que c'est en rapport avec sa fonction fédérale que le Parlement du Canada pourvoit à son salaire et que c'est à cet égard que l'article 27 reçoit son application. J'avoue- rai que ce troisième motif, captieux et foncièrement sophis- tique, invoqué par l'intimé ne me paraît pas avoir beaucoup de poids. Les premier et deuxième motifs, sur lesquels s'appuie la thèse du procureur de l'intimé, soulèvent toute la question à résoudre. Me Varcoe a voulu constater une analogie entre le cas du lieutenant-gouverneur, officier fédéral à double fonction, et celui du Commissaire 'de l'impôt sur le revenu, nommé par le gouvernement du Canada pour percevoir, comme l'indique son titre, l'impôt sur le revenu fédéral et investi dans quelques provinces du pouvoir de percevoir l'impôt provincial sur le revenu. Je dois dire que je ne vois aucune analogie entre les deux cas. Le lieutenant-gouverneur, nommé et rémunéré par le gouvernement fédéral, n'exerce qu'une seule fonction et ce dans les limites de la province pour laquelle il a été nommé. Le 'Commissaire de l'impôt sur le revenu, également nommé et rémunéré par le gouver-nement fédéral, exerce sa fonction comme tel à travers tout le Canada; dans certaines provinces s'ajoute à sa fonction originale de percepteur de l'impôt fédéral sur le revenu celle de percepteur de I'impôt provincial. Le pro-cureur de l'intimé a fait observer que cet officier fédéral
432 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 détient de ce fait une double fonction et il en conclut: "no CARROLL one would ever suggest that, because he had already ET AI, V. accepted the functions of a Dominion Government official, THE KING he thereby ceased to be a Federal Officer". Si l'on entend Amers J. par les mots "officier fédéral" quelqu'un nommé et rému-néré par le gouvernement du Canada, la proposition me paraît indiscutable; si par contre, l'on entend désigner par ce qualificatif une personne qui, bien que nommée et rému-nérée par le gouvernement fédéral, remplit sa fonction exclusivement dans le territoire de la province pour laquelle il a été nommé, la proposition remet sur le tapis la question dans son intégralité mais malheureusement n'en dispose point. Le procureur de l'intimé a signalé que la cause de The Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. The Receiver General of New Brunswick portait sur la propriété et les revenus de la province et non sur la fonction du lieutenant-gouverneur, si ce n'est incidemment. Il a fait observer qu'il y a une distinction à faire entre le lieutenant-gouverneur et le lieutenant-gouverneur en conseil. Au dire de l'avocat le premier est un officier qui remplit des fonc-tions statutaires, tandis que le second est le gouvernement exécutif de la province et que, dans les causes invoquées par les pétitionnaires, particulièrement celle de The Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. The Receiver General of New Brunswick, c'est lè gouvernement exécutif de la province qui a été déclaré être un corps autonome et indépendant du gouvernement fédéral. Il a ajouté que cette déclaration ne s'étend pas au lieutenant-gouverneur indépendamment de son conseil et que c'est indépendam-ment de son conseil que le lieutenant-gouverneur reçoit son salaire. En terminant le procureur de l'intimé a réitéré sa décla-ration qu'en décrétant l'article 27 le parlement n'était pas intéressé dans la question de savoir si l'officier nommé et payé par lui avait quelque fonction à exécuter comme officier provincial. D'après lui tout ce qui concernait le parlement était de s'occuper des salaires d'officiers du Dominion pour qui il pourvoyait le salaire. Le procureur des pétitionnaires, en réplique, a insisté sur le fait que la seule question qui se présente se réduit à
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 433 déterminer si un lieutenant-gouverneur est un officier quant 1947 à tout le Canada ou bien seulement quant à la province. C~ ô r, C'est bien là, ce me semble, le noeud de la question ou, E AL ;, autrement dit, le fond du débat. THE KING Répondant à la suggestion du procureur de l'intimé que Angers J. la décision du Conseil Privé dans la cause de The Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. The Attorney General of New Brunswick portait sur les attributs du gouverneur-général en conseil et non du gouverneur-général seul, Me , Geoffrion s'est référé aux observations de Lord Watson et en a cité un passage que l'on trouve à la page 443 du rapport reproduit en partie ci-dessus. Je crois inutile de transcrire ici le court extrait des notes de Lord Watson compris dans la citation qui précède. La préten-tion du procureur des pétitionnaires sur ce point me paraît bien fondée. Me Geoffrion a représenté que dans la cause de Bonanza Creek Gold Mining Co. y. The King comme dans celle de The Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. The Attorney-General of New Brunswick, il a été décidé que la nomination d'un lieutenant-gouverneur est une prérogative de la Couronne. Se reportant à la décision rendue dans la cause de Attorney -General of Canada v. Attorney -General of On-tario le procureur des pétitionnaires a allégué qu'elle don-nait lieu à trois remarques qui peuvent se résumer ainsi: lo il s'agit d'un obiter dictum; 2o la seule question qui se posait dans cette cause était le pouvoir de la législature provinciale d'élargir les devoirs du lieutenant-gouverneur; 3o la législature peut amender la constitution de la province, mais elle ne peut affecter la fonction du lieutenant-gouverneur et, en particulier, lui conférer le pouvoir d'ac-corder un pardon. C'est bien là, partiellement, la portée du jugement dans cette cause. Il n'offre guère d'intérêt dans le cas présent. Le procureur des pétitionnaires a fait ressortir que la seule relation qu'il y a entre le lieutenant-gouverneur et le gouvernement fédéral se limite à la présentation au gou-verneur-général, pour sanction ou désaveu, des lois votées
434 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 par la législature. Il a insisté sur le devoir du gouverneur- CARROLL général de déclarer si ces lois seront mises en vigueur dans ET v. ` L la province. THE KING Le procureur des pétitionnaires a plaidé que par la Loi Angers J. des Traitements (S.R.C. 1927, chap. 182) le traitement du lieutenant-gouverneur de la Province de Québec a été fixé à $10,000, que l'intimé a sur ce montant payé $4,000 et qu'il lui incombe d'établir l'autorisation, en vertu de l'article 27 de la Loi des juges, de ne payer que $4,000 au lieu de $10,000. Revenant aux - instructions au lieutenant-gouverneur (pièce 1), Me Geoffrion fait remarquer qu'il ne s'y trouve rien au sujet de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord si ce n'est les paragraphes IV et VII, qui ne présentent en l'espèce aucun intérêt quelconque. Les clauses IV, V et VI des instructions ont été repro-duites ci-dessus. La clause VII, dont le procureur des péti-tionnaires a fâit mention, décrète que le lieutenant-gouver-neur ne devra pas quitter la province sans avoir au préa-lable obtenu du gouverneur-général, sous sa signature ou par l'entremise du Secrétaire d'Etat du Canada, la permission de le faire. Après une lecture attentive desdites clauses, j'en suis arrivé à la conclusion qu'elles n'ont aucune portée sur la question en litige et ne peuvent aider à interpréter les mots "une charge publique sous Sa Majesté pour son gouverne-ment du Canada" de l'article 27 de la Loi des Juges. Le lieutenant-gouverneur d'une province est le représen-tant direct du Roi dans les limites de la province pour laquelle il a été nommé. Il n'a aucun rôle à jouer dans le gouvernement du Canada. Ses relations avec celui-ci se bornent à sa nomination, sa rémunération et sa révocation, pour ce qui le concerne personnellement, et à la présenta-tion au gouverneur-général, pour sanction ou désaveu, des lois votées par la législature, pour ce qui concerne l'exécu-tion de sa charge. Si l'on s'en tient au sens littéral des mots—et je crois qu'il y a lieu de le faire; voir à ce sujet Maxwell, Interpretation of Statutes, Sème édition, page 3; Craies, Treatise
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 435 on Statute Law, 4ème édition, pages 68, 80 et 83 in fine; 1947 Beat's Cardinal Rules of Legal Interpretation, 3ème édition, CAô page 343; Sedgwick, Interpretation and Construction of ET AL v. Statutory and Constitutional Law, 2ème édition, page 219-, THE KING je ne crois pas que l'on puisse soutenir que la fonction d'un Angers J. lieutenant-gouverneur équivaille à "une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada". A mon avis, il s'agit d'une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement de la Province de Québec. Le lieutenant-gouverneur d'une province n'a aucun pouvoir ni aucune juridiction hors des limites de celle-ci. Si le légis-lateur eût voulu comprendre dans l'article 27 un lieutenant-gouverneur, il aurait été facile et simple d'ajouter après les mots "pour son gouvernement du Canada" ceux-ci: "ou de l'une de ses provinces". Peut-être était-ce l'intention du législateur; il n'a pas jugé à propos de l'exprimer. Il faut s'en tenir à la lettre du texte. Je ne crois pas qu'il soit prudent et sage de s'aventurer dans le champ des présomp-tions ou des hypothèses. La solution à laquelle je suis arrivé me semble conforme aux décisions du Conseil Privé dans les causes de The Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. The Receiver-General of New Brunswick et Bonanza Creek Gold Mining Company Ltd. v. The King and Attorney -General for the Province of Quebec et al., intervenants, susmentionnées. Les observations de Lord Watson dans la première cause me paraissent assez pertinentes. Il est inutile de les répéter ici quand elles ont déjà été reproduites ci-dessus (pp. 15 et 16). Le lieutenant-gouverneur d'une province est nommé par le gouverneur-général en conseil par instrument sous le grand sceau du Canada, suivant les dispositions de l'article 58 de la Loi de l'Amérique Britannique du Nord, autrement dit par le gouvernement et le pouvoir exécutif du Canada, lesquels sont par l'article 9 de la même loi expressément attribués à Sa Majesté. L'on doit conclure de là que l'acte du gouverneur-général et de son conseil en nommant un lieutenant-gouverneur est l'acte, par intermédiaire, de la Couronne elle-même. Le lieutenant-gouverneur est tout autant le représentant de
436 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1947 1947 Sa Majesté pour les fins du gouvernement provincial que Co.n l'est le gouverneur-général pour les fins du gouvernement ET AL V. du Dominion. THE KING Dans ces conditions je suis d'opinion que le lieutenant- Angers J. gouverneur ne peut être considéré comme une personne recevant "un traitement attaché à une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada". Il en résulte que la pension accordée à l'honorable H. G. Carroll comme ancien juge de la Cour du Banc du Roi de la province de Québec ne peut être soustraite du traitement attaché à la charge de lieutenant-gouverneur, par lui occupée du 2 avril 1929 au 3 mai 1934. La réponse à la question soumise est donc affirmative, avec cependant cette restriction que les pétitionnaires n'ont pas droit à l'intérêt sur la somme de $30,000 qu'ils réclament. En effet, aucun intérêt n'est recouvrable de la Couronne à moins d'être stipulé dans une convention ou reconnu par un texte de loi: In re Gosman (1) ; Algoma Central Railway Co. v. The King (2) ; ee jugement a été infirmé par la Cour Suprême du Canada (3) sur la question de l'interprétation de la Loi des douanes et la décision de la Cour Suprême a été con-firmée par le Conseil Privé (4) ; The London, Chatham and Dover Railway Co. v. The South Eastern Railway Co. (5) ; The Toronto Railway Co. v. The Queen (6) ; Ross et al. v. The King (7); Johnson v. The King (8). Les pétitionnaires auront droit à leurs dépens sur cette audition en droit et sur la motion qui lui a donné lieu. A défaut d'appel ou du paiement par l'intimé aux péti-tionnaires de la dite somme de $30,000, avec les dépens à être taxés suivant la procédure ordinaire, dans un délai de trente jours, les parties pourront faire motion en vue de faire fixer l'endroit et la date du procès. Judgment accordingly. (1) ,(1881) LR.17 Ch. D.771; i(6) (1896) A.C. 551; (2) (1901) 7 Ex.C.R.239; (7) (1902) 7 Ex. C.R.287; (3) (1902) 32 S.C.R.277; (1902) 32 S.C.R. 532; (4) (1903) A.C. 478; .(8) (1904) A.C. 817. (5) (1893) L.R. App. Cas. 429;
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