NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
Injonctions
Sujets connexes: Pratique; Compétence de la Cour fédérale; Droit constitutionnel
Requête cherchant à obtenir une injonction interlocutoire concernant le compte X (anciennement le compte Twitter) de l’honorable David Lametti (M. Lametti), ministre de la Justice et procureur général du Canada de janvier 2019 à juillet 2023, d’ici à ce qu’une décision soit rendue relativement à la demande de contrôle judiciaire sous-jacente déposée par les demandeurs — Les demandeurs ont précisé lors de l’audition de la présente requête qu’ils ne souhaitaient maintenant obtenir qu’une ordonnance de conservation des données et des autres enregistrements relatifs au compte X — M. Lametti utilisait le compte X pour communiquer avec le public — En janvier 2024, les demandeurs ont découvert que le compte X avait été désactivé — Les demandeurs ont affirmé qu’en désactivant son compte X, M. Lametti les a empêchés [traduction] « de consulter, de commenter ou de partager toutes les publications affichées précédemment sur ce compte X, ou d’utiliser la fonction Notes de la communauté pour ces publications » — Ils ont soutenu que cela a empêché le public d’avoir accès à des informations émanant du gouvernement, a privé le public [traduction] « de voix décisives dans le discours général concernant des publications qui ne peuvent plus être consultées, partagées ou commentées », et ainsi a porté atteinte à leurs droits garantis par l’alinéa 2b) et l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés — Le procureur général du Canada, défendeur, a affirmé entre autres que les demandeurs n’ont pas démontré qu’en désactivant son compte X, M. Lametti avait agi soit en tant qu’office fédéral aux fins de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, soit en tant qu’autorité exécutive du gouvernement — Il s’agissait de savoir en l’espèce si la Cour avait compétence pour connaître la demande sous-jacente des demandeurs? — Il était troublant de croire qu’un ministre fédéral de la Couronne pourrait être en mesure de se soustraire à la compétence de la Cour fédérale et aux réparations que celle-ci peut accorder, notamment en ce qui concerne la préservation des documents en vertu de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, en démissionnant et en posant ensuite des actions susceptibles qui ne seraient pas soumises à l’application des lois fédérales — Toutefois, les questions de compétence soulevées par les parties n’ont pas été suffisamment étayées pour justifier que la Cour statue sur cette requête — Par ailleurs, il n’était pas nécessaire de déterminer si la Cour avait compétence pour connaître la demande sous-jacente — Il était plus approprié que les questions de compétence soient traitées avec la demande sous-jacente, après que les parties aient eu l’occasion de présenter des arguments plus étayés et d’établir un dossier des faits plus complet — L’injonction interlocutoire demandée par les demandeurs devrait-elle être accordée en l’espèce? — L’arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 a défini le critère classique en trois étapes applicable aux demandes d’injonction interlocutoire — La deuxième condition du critère, c’est-à-dire que le demandeur subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée, n’a pas été remplie — Les demandeurs n’ont pas fourni pareille preuve — Les demandeurs n’ont pas réussi à établir, en présentant une preuve claire et non hypothétique, que la suppression ou la destruction des données ou d’autres informations associées au compte X aura lieu — La preuve incontestée est que M. Lametti a réactivé le compte X le 29 janvier 2024 ou avant, et que le compte X est resté actif depuis sa réactivation — Considérant la réactivation du compte X et l’engagement proposé par M. Lametti de ne pas désactiver le compte X [traduction] « jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur le fond de la demande [sous-jacente] », les demandeurs n’ont pas démontré par une preuve claire et non spéculative, ni même par toute autre preuve, en quoi eux-mêmes ou toute autre personne subiraient un préjudice irréparable si l’injonction demandée n’était pas accordée — La réactivation a éliminé le risque aux données — Accorder aux demandeurs l’injonction par un surcroît de prudence, à titre de mesure préventive, n’est pas une raison valable pour ordonner une injonction — Il n’était pas nécessaire de transposer l’engagement de M. Lametti dans une ordonnance de la Cour — Requête rejetée.
Rebel News Network Ltd c. Lametti (T-165-24, 2024 CF 270, juge en chef Crampton, motifs de l’ordonnance en date du 20 février 2024, 22 p.)