NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
Impôt sur le revenu
Pénalités et intérêts
Demandes réunies de contrôle judiciaire à l’encontre de trois décisions de révision de la ministre du Revenu national au nom de l’Agence du revenu du Canada (ARC) concernant des demandes présentées par les demanderesses en vue d’obtenir un allègement des intérêts et pénalités accumulés au cours de leurs années d’imposition 2014–2020 — Les demanderesses fournissent des services pétroliers et des services connexes dans les domaines du camionnage et du transport — Mike Schnell, le directeur des demanderesses, a décidé de partir en semi-retraite — Il a embauché le directeur général (DG) en 2012 pour diriger les deux demanderesses — Le DG a par la suite embauché le directeur financier (DF) — Avant 2016, les demanderesses respectaient largement leurs obligations en matière de retenue à la source et de remises, en vertu de l’article 153 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 — Les demanderesses ont commencé à déposer des demandes d’allègement en 2016 — Ces demandes concernaient des pénalités pour remises tardives et pour non-remises et les intérêts connexes — C’est en 2018 que le directeur des demanderesses a appris que ces dernières n’avaient pas effectué les remises requises — En avril 2018, afin d’atténuer la dette des demanderesses, le directeur a conclu une entente de paiement avec l’ARC — En 2020, les demanderesses ont déposé des demandes réunies d’allègement au titre des pénalités et intérêts encourus au cours de leurs années d’imposition 2014–2020 — Le fondement des demandes d’allègement a été décrit comme « des circonstances extraordinaires ayant mené à […] des difficultés financières ». — Les décisions de l’ARC étaient accompagnées des fiches de renseignements sur l’allègement fiscal — Les fiches de renseignements traitaient également des facteurs et considérations énoncées dans la partie II de la Circulaire d’information IC07-1R1, Dispositions d’allègement pour les contribuables, 18 août 2017 (les lignes directrices) — L’ARC a refusé les demandes des demanderesses visant à obtenir un allègement supplémentaire des intérêts et des pénalités — L’ARC a conclu que le fait d’avoir respecté, par le passé, ses obligations fiscales n’est qu’un des facteurs dont la ministre tient compte pour déterminer s’il y a lieu d’accorder un allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi — L’ARC a affirmé que « [l]orsque la non-conformité dure des années, nous ne pouvons pas conclure à l’existence de circonstances extraordinaires » — La fiche de renseignements connexes indiquait que la demande d’allègement des demanderesses était fondée sur d’« autres circonstances » et recommandait de ne pas accorder d’allègement parce que le directeur avait la « responsabilité ultime de veiller à ce que les remises soient correctement effectuées comme l’exige l’ARC » — La fiche de renseignements mentionnait que l’ARC n’était pas responsable d’informer le propriétaire du fait que son entreprise n’avait pas fait les remises exigées — Il s’agissait de déterminer si : l’ARC avait entravé son pouvoir discrétionnaire dans la prise de décisions; avait commis une erreur en appliquant de manière erronée des principes pertinents ou en ignorant des éléments de preuve pertinents au moment de rendre ses décisions; les décisions étaient raisonnables — Les lignes directrices présentent des indications concernant les facteurs que la ministre peut utiliser pour décider d’accorder ou de refuser un allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) — Les demanderesses ont notamment fait valoir que les décisions ne reflétaient pas la portée du pouvoir discrétionnaire conféré à la ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) et surtout, que la portée de ce pouvoir discrétionnaire va bien au-delà des lignes directrices — Les décisions montrent que la ministre est allée au-delà des lignes directrices, les fiches de renseignements mentionnant explicitement la manière dont la ministre avait examiné les « autres circonstances » au moment d’évaluer les demandes d’allègement des demanderesses — Le simple renvoi aux lignes directrices ne suffit pas pour conclure que la ministre a entravé son pouvoir discrétionnaire — Contrairement aux observations des demanderesses, l’expression « autres circonstances » utilisée dans les décisions ne correspond pas à une circonstance mentionnée dans les lignes directrices actuelles — En faisant référence à l’examen d’« autres circonstances », la ministre a démontré que son examen allait au-delà de ce que prévoient les lignes directrices actuelles — La ministre dispose d’un large pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3.1) — La Loi n’indique pas les facteurs que la ministre peut inclure dans son évaluation — Il est erroné d’affirmer que ces considérations limitent le pouvoir discrétionnaire de la ministre; au contraire, leur examen doit être compris comme l’exercice par la ministre de son pouvoir discrétionnaire et de son examen d’« autres circonstances » qui ne sont pas mentionnées dans les lignes directrices — Il était raisonnable pour la ministre d’examiner les mesures rapides prises par le directeur pour créer et suivre un programme de paiement après avoir pris connaissance de la situation des demanderesses — Cependant, il y avait au moins trois aspects des décisions qui étaient déraisonnables — Pour justifier son refus des demandes d’allègement des demanderesses, la ministre a invoqué le fait que le directeur n’avait pas surveillé les demanderesses pour assurer le respect de leurs obligations en matière de remise — Toutefois, la ministre n’a pas tenu compte des faits au dossier démontrant que les personnes responsables de la mauvaise gestion des finances des demanderesses avaient pris des mesures pour laisser le directeur dans l’ignorance — Étant donné l’incidence des décisions sur les demanderesses et les propriétaires, le décideur avait l’obligation d’examiner et de corriger les lacunes susmentionnées — La ministre était tenue d’examiner l’ensemble des faits pour déterminer comment exercer son pouvoir discrétionnaire, et son défaut de le faire constitue une erreur susceptible de révision qui a rendu les décisions déraisonnables — La conclusion de la ministre portant que des circonstances extraordinaires ne pouvaient pas exister sur des périodes prolongées comme en l’espèce n’était pas fondée — Les circonstances extraordinaires ne sont pas visées par des limites temporelles — Si les lignes directrices ne sont pas contraignantes et ne peuvent être utilisées pour entraver le pouvoir discrétionnaire de la ministre, elles jouent néanmoins un rôle utile et important pour guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans le cadre des dispositions d’allègement — Il était déraisonnable pour la ministre de ne pas tenir compte de l’impact à long terme de la mauvaise gestion des finances des demanderesses sur les années d’imposition ultérieures — Les décisions de la ministre ont été annulées — Les demandes d’allègement des demanderesses ont été renvoyées à un autre décideur — Demande accueillie.
Maverick Oilfield Services Ltd. c. Canada (Procureur général) (T-1836-21, T-472-23, T-540-23, 2023 CF 1728, juge Zinn, motifs du jugement en date du 20 décembre 2023, 27 p.)