NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
Brevets
Contrefaçon
Appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2022 CF 62) rejetant la requête en procès sommaire de l’appelante — L’action sous-jacente a été intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement) — Dans cette action, les intimées avaient demandé un jugement déclaratoire indiquant que l’appelante contreferait leur brevet canadien no 2655335 (le brevet ′335) si elle produisait, utilisait ou vendait une version générique de leur médicament breveté appelé INVEGA SUSTENNA — INVEGA SUSTENNA contient du palmitate de palipéridone en suspension pour le traitement de la schizophrénie et de troubles connexes — Chez les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale, la première et la deuxième dose d’attaque sont respectivement de 150 mg et de 100 mg d’équivalent (mg éq.), et les doses d’entretien sont de 75 mg éq.chacune — Chez les patients atteints d’insuffisance rénale, la première et la deuxième dose d’attaque sont respectivement de 100 mg et de 75 mg éq, et les doses d’entretien sont de 50 mg éq. chacune — L’appelante a présenté une requête en procès sommaire au motif que son produit ne contreferait pas le brevet ′335 puisqu’il ne serait pas offert en doses de 75 mg éq., ce qui représente un élément essentiel de toutes les revendications de ce brevet — Le critère juridique en ce qui concerne l’incitation à la contrefaçon a été énoncé correctement par la Cour fédérale : 1) il y a eu contrefaçon directe de la part d’un tiers; 2) l’incitateur a influencé le tiers de sorte que, sans cette influence, l’acte de contrefaçon n’aurait pas eu lieu; et 3) le défendeur savait que son influence entraînerait l’acte de contrefaçon — La Cour fédérale a conclu que chaque volet du critère avait été satisfait Selon l’appelante, toute activité s’inscrivant dans la portée des revendications du brevet ′335 serait autorisée pour les médecins prescripteurs, et ne constituerait donc pas une violation L’appelante a fait valoir qu’en l’absence de limites imposées par les intimées au moment de la vente, une dose de 75 mg éq. vendue par les intimées comprendrait une licence implicite pour utiliser une dose de 75 mg éq. de la manière choisie par un acheteur ou un médecin prescripteur, y compris les schémas posologiques revendiqués avec d’autres doses obtenues d’une source non autorisée comme l’appelante — La Cour fédérale a examiné certains cas de jurisprudence sur la question des licences implicites et a conclu que celle-ci ne s’appliquait pas à la dose de 75 mg éq. — Elle a estimé que la licence implicite se rapporte à l’article breveté lui-même, et que la dose de 75 mg éq. n’est pas à elle seule un article breveté, elle n’en est qu’un composant — Dans cet appel, l’appelante n’a contesté que cette portion de l’analyse de la Cour fédérale sur le premier volet du critère concernant l’incitation à la contrefaçon — Il s’agissait de déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur en ne reconnaissant pas l’étendue de la licence implicite en l’espèce — La Cour fédérale n’a commis aucune erreur en concluant que l’utilisation de la dose de 75 mg éq. des intimées combinée avec des doses de l’appelante dans d’autres quantités constituerait une contrefaçon directe du brevet ′335 — Il appert clairement de l’arrêt Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129 que la vente d’un article breveté sans restriction comprend le droit de l’acheteur d’en disposer à son gré — Le contexte de la transaction était pertinent — Rien ne permettait de conclure que les intimées ou leurs clients (un médecin prescripteur ou un patient) auraient compris que l’achat d’une dose unique de palmitate de palipéridone auprès des intimées inclurait une licence implicite permettant d’utiliser l’ensemble du schéma posologique du produit en combinaison avec d’autres doses obtenues auprès de sources non autorisées afin de réaliser l’invention du brevet ′335 — Il était difficile d’admettre l’existence d’une telle licence implicite dans des circonstances où ni le concédant de licence présumé ni le titulaire de licence présumé n’auraient compris l’existence d’une telle licence — La décision Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2013 CF 1043 ne soutient pas le principe selon lequel la vente d’un simple composant d’une invention brevetée inclut une licence implicite d’utilisation de l’invention brevetée sans restriction, comme l’exhortait l’appelante — Le présent appel ne peut être différencié de l’affaire MacLennan c. Produits Gilbert Inc., 2008 CAF 35 — Rien dans MacLennan n’envisage une large licence implicite pour l’utilisation d’un article breveté — En réalité, la conclusion d’une incitation à la contrefaçon dans cette affaire indique que les acheteurs de produits du breveté n’ont pas obtenu un droit illimité de les utiliser dans la combinaison brevetée — Dans les décisions MacLennan et Angelcare Canada Inc. c. Munchkin, Inc., 2022 CF 507, l’invention brevetée constituait une invention combinée et, par conséquent, la vente d’un simple composant était insuffisante pour accorder le droit implicite d’utiliser l’ensemble de la combinaison — Pour accorder une licence implicite, la vente de l’ensemble de la combinaison devait avoir eu lieu — Enfin, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en ne limitant pas ses conclusions d’incitation à la contrefaçon aux revendications 17 à 32 du brevet ′335, qui concernent l’utilisation d’un dosage conforme aux schémas posologiques revendiqués — Appel rejeté.
Pharmascience Inc. c. Janssen Inc. (A-69-22, 2024 CAF 10, juge Locke, J.C.A., motifs publics du jugement en date du 12 janvier 2024, 13 p.)