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[2022] 4 R.C.F. F-5

 

Pratique

Recours collectifs

Prorogation de délai

Sujets connexes : Couronne; GRC

Requête du défendeur en vertu de la règle 8 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 prorogeant le délai de signification et de dépôt de la défense jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur la requête en autorisation du recours collectif envisagé en l’espèce — Les représentants demandeurs sont tous trois membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et allèguent que leur droit à la vie privée a été violé par la GRC — Ils réclament ainsi des dommages-intérêts et d’autres réparations à la Couronne fédérale (le Canada) — Le recours collectif envisagé n’en est qu’à ses premières étapes — Dans le cadre de la planification de cette conférence de gestion d’instance, les avocats des parties se sont consultés en vue de fournir à la Cour une mise à jour de l’état de la présente affaire — Les avocats du défendeur ont fait part de l’intention de ce dernier de demander que le délai pour déposer la défense soit prorogé à une date postérieure à l’audience relative à l’autorisation — La question soulevée en l’espèce était de savoir si la Cour devrait accorder au défendeur une prorogation du délai pour déposer une défense jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue quant à la requête en autorisation du recours collectif envisagé — À l’appui de sa requête, le défendeur a expliqué avoir ciblé des requêtes ayant été débattues devant la Cour fédérale, et dans lesquelles la partie défenderesse avait demandé une prorogation du délai pour déposer une défense dans le cadre d’un recours collectif envisagé, notamment Nation Crie Poundmaker c. Canada, 2017 CF 447, [2018] 1 R.C.F. F-6 (Poundmaker) — En revanche, les demandeurs renvoient la Cour à une jurisprudence relativement récente de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique (C.S.C.B.), notamment Shaver v. Mallinckrodt Canada ULC, 2021 BCSC 404 (CanLII) (Shaver), selon laquelle la pratique consistant à permettre le dépôt tardif de dossiers de réponse lors de recours collectifs devant la C.S.C.B. n’est plus en vogue en Colombie-Britannique, en l’absence d’une bonne raison d’accorder une telle permission — Rien n’est prévu dans les Règles quant à la possibilité de déposer la défense après le prononcé de la décision sur la requête en autorisation d’un recours collectif envisagé — Toutefois, la règle 8 prévoit que la Cour peut proroger tout délai prévu par les Règles, et la règle 3 dispose que les Règles doivent être interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible — En fin de compte, la question de savoir si, dans une situation donnée, il y a lieu de proroger le délai prescrit pour le dépôt de la défense jusqu’au prononcé de la décision sur la requête en vue de faire autoriser l’instance comme recours collectif relève de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge — La jurisprudence de la Cour fédérale et de la C.S.C.B. évoquée par les parties démontre qu’il existe des similitudes importantes entre les deux juridictions — Parmi les facteurs à prendre en compte selon la décision Poundmaker, il y a la question de savoir si la défense servira à la Cour à ce stade de la procédure — En d’autres termes, la défense estelle essentielle pour trancher les questions qui doivent être examinées dans le cadre de la requête en autorisation ou estelle susceptible d’être utile à la Cour? — La similarité dans la jurisprudence des deux juridictions est également manifeste si l’on considère le fait que les facteurs de la décision Poundmaker ont été décrits dans la décision Shaver comme étant applicables à une évaluation globale quant à la question de savoir s’il existe une « bonne raison » de ne pas exiger que les réponses soient déposées avant la remise des documents relatifs à l’autorisation, et à savoir si cette « bonne raison » l’emporte sur les avantages de disposer d’un ensemble complet d’actes de procédure pour orienter la décision quant à l’autorisation, la détermination des questions liées à l’autorisation et l’analyse de ces questions — En appliquant les facteurs décrits dans la décision Poundmaker, il serait utile d’obtenir la défense avant l’audience relative à l’autorisation et, en l’absence d’une défense, l’incertitude quant aux questions en litige pourrait être préjudiciable aux demandeurs — Cependant, en raison de la portée des allégations invoquées, le défendeur a soulevé des préoccupations légitimes concernant la complexité de l’affaire et la question de savoir si la défense pourrait devoir être reformulée en fonction de l’issue de la requête en autorisation, notamment en ce qui a trait aux temps et aux efforts devant être consacrés à la préparation de la défense — L’absence de défense n’élimine pas la nécessité pour un demandeur d’envisager, dans ses documents relatifs à l’autorisation, les questions susceptibles d’être soulevées par la défense, surtout si ces questions ont été soulevées dans d’autres documents relatifs à l’autorisation — Néanmoins, il se peut que de passer à l’étape de l’autorisation avant que ces questions ne soient éclaircies dans une défense aboutisse à un gaspillage de ressources et d’efforts.  — Cependant, le risque encouru par les demandeurs de gaspiller leurs efforts est surpassé par ce même risque qu’encourt le défendeur, qui devra mener des recherches au sein de l’ensemble de l’organisation de la GRC pour une période couvrant près de 40 ans, de manière à pouvoir déposer une défense adéquate contre des allégations qui seront avancées dans le cadre d’un recours collectif qui n’a pas encore été autorisé — Le pouvoir discrétionnaire de la Cour a été exercé en l’espèce afin d’accueillir la requête du défendeur et de proroger le délai de signification et de dépôt de la défense jusqu’à 30 jours après le prononcé de la décision finale sur la requête en autorisation du recours collectif envisagé — Exiger du défendeur qu’il signifie et dépose une défense avant qu’il ne soit statué sur la requête en autorisation du présent recours collectif envisagé ne permettrait pas d’obtenir une résolution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible  — Toutefois, cette prorogation pourra être réexaminée si, au cours de l’affaire, il devient manifeste qu’une conclusion différente est justifiée — Requête accueillie.

Dugas c. Canada (Procureur général) (T-529-23, 2023 CF 1331, juge Southcott, motifs de l’ordonnance en date du 5 octobre 2023, 14 p.)

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