[2022] 4 R.C.F. F-2
Citoyenneté et Immigration
Statut au Canada
Résidents permanents
Enfants adoptifs
Demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par une agente d’immigration rejetant la demande de résidence permanente de l’enfant adoptif (l’enfant) du demandeur — Le demandeur est citoyen de la République démocratique du Congo (la RDC) — Avant que le statut juridique de l’adoption ne soit complété, le demandeur a dû quitter la RDC après avoir été arrêté par des agents du gouvernement congolais — Après le départ du demandeur, les procédures d’adoption ont suivi leur cours et le jugement d’adoption a été rendu en 2012 — En 2016, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente et a inclus son épouse et ses enfants — En 2018, la demande de statut de résident permanent de la catégorie des personnes protégées a été jugée recevable — L’agente a avisé le demandeur de certaines préoccupations concernant l’établissement d’un lien véritable entre le demandeur et l’enfant — Elle a rejeté la demande de résidence permanente de l’enfant, concluant, entre autres, qu’il n’y avait pas de preuve que l’enfant a vécu avec le demandeur deux mois après sa naissance, et que rien dans les documents soumis ne démontrait un lien d’interdépendance émotionnelle et financier ni des preuves de vie commune avec l’enfant — Ces conclusions ont amené l’agente à la conclusion globale que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que l’adoption ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou privilège sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), ni qu’il a réellement créé un véritable lien affectif parent-enfant avec l’enfant — Il s’agissait de déterminer si la décision de l’agente était raisonnable — La décision de l’agente était déraisonnable — Selon le paragraphe 4(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR), l’étranger n’est pas considéré l’enfant adoptif d’une personne si l’adoption : 1) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR; ou 2) n’a pas créé un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adopté et l’adoptant — Bien qu’une décideuse soit présumée avoir pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis et qu’elle n’a pas à mentionner chacun des éléments de preuve contraire à sa conclusion, une décideuse doit à tout le moins traiter des éléments de preuve pertinents qui contredisent directement ses conclusions — L’agente n’a mentionné ni n’a évalué aucun des aspects du dossier qui fournissent des preuves de dépendance émotionnelle et financière — La preuve soumise faisait état de l’appui financier du demandeur auprès de sa famille, par l’entremise de sa sœur, et expliquait pourquoi le demandeur ne pouvait fournir de preuve de sa relation avec l’enfant — La seule preuve au dossier est que l’enfant a toujours habité avec sa mère adoptive, son frère et sa sœur — L’agente n’a posé aucune question sur les meilleurs intérêts de l’enfant, alors que la décision l’affectait particulièrement — La décision de l’agente était aussi déraisonnable puisqu’elle n’a pas considéré si l’enfant se qualifiait en tant que « membre de la famille » en vertu de l’alinéa 1(3)b) du RIPR puisqu’il est un « enfant à charge » de l’épouse du demandeur, celui-ci ayant été adopté par celle-ci au sens de l’article 2 du RIPR — Les parties se sont entendues que le mariage entre le demandeur et son épouse est authentique, et que l’adoption de l’enfant par le demandeur et son épouse est aussi légale et authentique — L’agente n’a fourni aucune analyse sur la relation entre l’enfant et l’épouse du demandeur — Il appartient à l’agente, et non à la Cour, de définir la portée de l’alinéa 1(3)b) et à savoir si l’enfant se qualifierait à titre de « membre de la famille » en vertu de l’alinéa 1(3)b) et de l’article 2 — En d’autres mots, il se peut que l’enfant soit admissible en vertu de l’alinéa 1(3)b) et de l’article 2, en raison de son lien adoptif avec l’épouse du demandeur et même s’il n’aurait aucun lien, légal ou affectif, avec le demandeur lui-même — Bien qu’une autre interprétation raisonnable puisse être possible de l’alinéa 1(3)b) et de l’article 2, l’Agente devait déterminer si l’enfant pouvait se qualifier à cet égard, ce qu’elle n’a pas fait — L’agente aurait dû analyser cet élément et fournir une justification si elle n’était pas satisfaite que la relation entre la mère adoptive et l’enfant n’était pas suffisante — Suite à cette détermination, l’agente aurait pu en venir à une autre conclusion sur l’application du paragraphe 4(2) du RIPR — Demande accueillie.
Nyembo c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-2238-22, 2023 CF 1336, juge Régimbald, motifs du jugement en date du 6 octobre 2023, 18 p.)