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[2022] 3 R.C.F. F-15

 

Accès à l’information

Demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi), de la décision de l’Administration portuaire de Saint John (défenderesse ou Port Saint John) de communiquer des parties de la convention de bail de 2011 (le bail) et de la convention de renouvellement et de modification du bail de 2017 (la modification du bail) conclues entre la demanderesse et Port Saint John — Cette décision a été prise à la suite d’une demande de la Société Radio-Canada (la SRC) en vertu de l’article 6 de la Loi — Bien que la défenderesse ait déterminé que certains renseignements étaient exemptés de divulgation en vertu de la Loi, elle a conclu que le reste des deux documents devait être communiqué à la SRC — La demanderesse n’était pas d’accord et a demandé l’exemption de divulgation pour une grande partie des documents en vertu des alinéas 20(1)b),c) et/ou d) de la Loi — La défenderesse est une autorité portuaire constituée en vertu de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10, et gère 297 acres de terrain pour le compte du gouvernement du Canada; elle propose des baux à court et long termes pour ses installations — La demanderesse est une entreprise de recyclage de ferraille qui exerce ses activités dans plus de quatre-vingt-dix endroits au Canada et dans d’autres pays — Elle a conclu des conventions de bail et des ententes de service ou d’approvisionnement avec diverses municipalités, autorités de gestion des déchets et entités commerciales — La demanderesse a obtenu un droit à une convention de bail avec Port Saint John en février 2008 — La demanderesse et la défenderesse ont discuté de l’expansion des activités de la demanderesse à Port Saint John — Une entente a été conclue et le bail a été signé en mars 2011 — La demanderesse et la défenderesse ont ultérieurement signé la modification du bail en juillet 2017 — La défenderesse est une « institution fédérale » aux fins de la Loi — En juillet 2022, elle a reçu une demande de la part d’un producteur de la SRC qui souhaitait obtenir une copie de la convention de bail intervenue entre la défenderesse et la demanderesse — La défenderesse a déterminé que le bail et la modification du bail étaient les documents à fournir en réponse à la demande d’accès de la SRC; elle a conclu que certains renseignements devaient être caviardés en vertu de la Loi, mais que le reste des deux documents pouvaient être communiqués — Conformément au paragraphe 27(1) de la Loi, la défenderesse a avisé la demanderesse de la demande d’accès et de son intention de communiquer des parties du bail et de la modification du bail — La demanderesse a accepté le caviardage effectué par le Port Saint John, mais a proposé de nombreux autres caviardages, en vertu du paragraphe 20(1) — La défenderesse a ensuite informé la demanderesse de sa décision de fournir les documents à la partie qui en avait fait la demande sans caviarder les sections proposées par la demanderesse — La demanderesse a ensuite déposé un avis de demande en vertu de l’article 44 de la Loi en vue d’obtenir la révision de la décision de Port Saint John de communiquer des parties du bail et de la modification du bail — Elle a demandé qu’une ordonnance soit rendue en vertu de l’article 51 de la Loi, afin d’exiger de Port Saint John qu’elle ne communique pas certains renseignements contenus dans les deux documents parce qu’il s’agissait de renseignements de tiers qui étaient exemptés de divulgation en vertu des alinéas 20(1)b),c) et d) de la Loi — La demanderesse a affirmé que les caviardages qu’elle avait proposés étaient requis notamment pour protéger des renseignements financiers et commerciaux — La SRC a déposé un avis de comparution et a été constituée partie à la procédure — Une question préliminaire soulevée concernait la portée de la révision de novo de la Cour en vertu de l’article 44 de la Loi — Plus précisément, il s’agissait de savoir si l’examen de la Cour se limitait aux renseignements que Port Saint John avait l’intention de communiquer et dont la divulgation était contestée par la demanderesse, ou si l’examen de la Cour avait une portée plus large et comprenait un examen des renseignements que Port Saint John refusait de divulguer à la SRC — Il s’agissait principalement de déterminer si les renseignements contenus dans le bail et la modification du bail que la demanderesse cherchait à protéger étaient exemptés de divulgation en vertu des alinéas 20(1)b),c) et/ou d) — La portée de la révision de novo de la Cour en vertu de l’article 44 se limitait aux renseignements que la défenderesse, en tant qu’institution fédérale, avait décidé de communiquer et dont la divulgation était contestée par la demanderesse, en tant que tierce partie — Une demande présentée en vertu de l’article 44 est une révision de novo qui doit être entendue et jugée comme une nouvelle affaire, conformément à l’article 44.1 de la Loi — La Cour d’appel fédérale a récemment déclaré que la « révision » au titre de l’article 44 consiste à déterminer si les renseignements demandés devraient être transmis — La référence aux « renseignements demandés » signifie les renseignements demandés qui sont en cause dans la demande présentée en vertu de l’article 44 — En l’espèce, il s’agissait des renseignements que l’institution fédérale a décidé de communiquer à la partie qui en a fait la demande et dont la communication a été contestée par la tierce partie — Une conclusion selon laquelle la portée de la révision de novo de la Cour en vertu de l’article 44 s’étend à l’examen des renseignements auxquels l’institution fédérale refuse l’accès reviendrait à contourner le processus législatif applicable — Il serait onéreux pour une cour de révision de procéder à un examen global de tous les renseignements visés par une demande d’accès; cette approche serait totalement incompatible avec l’article 45 de la Loi, qui prévoit qu’une demande doit être « entendu[e] et jugé[e] en procédure sommaire » — La partie qui souhaite contester la divulgation de renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit démontrer que ces renseignements sont : (i) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques; (ii) confidentiels; (iii) fournis à une institution fédérale par un tiers; (iv) traités de manière confidentielle par un tiers de façon constante — Ces quatre exigences doivent être satisfaites avant que les renseignements soient exemptés de divulgation — Les renseignements contenus dans le bail et la modification du bail n’étaient pas exemptés de divulgation en vertu de l’alinéa 20(1)b), parce qu’ils n’ont pas été « fournis » par la demanderesse à la défenderesse — Les renseignements sont plutôt des modalités et des conditions qui ont été négociées entre les parties, à l’égard de la tierce partie — Les modalités du bail qui ont été négociées ne constituent pas des « renseignements fournis » — Étant donné que les exigences prévues à l’alinéa 20(1)b) sont conjonctives, une conclusion selon laquelle la demanderesse n’a pas « fourni » les renseignements en question à la défenderesse suffisait pour écarter l’exemption invoquée par la demanderesse — Les exemptions prévues aux alinéas 20(1)c) et d) sont fondées sur le préjudice — Il incombe à la partie qui invoque l’une ou l’autre de ces exemptions de démontrer que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce la divulgation de l’information cause un préjudice — Pour s’acquitter de ce fardeau, la partie doit démontrer un lien clair et direct entre la divulgation et le préjudice allégué — En l’espèce, la demanderesse s’est fondée sur une preuve par affidavit trop générale — La preuve de la demanderesse était loin d’établir une attente raisonnable de préjudice potentiel, comme l’exigent les alinéas 20(1)c) et d) — Compte tenu de la vaste portée et de la nature des renseignements qu’elle cherchait à protéger, la demanderesse était tenue de fournir des éléments de preuve établissant la mesure dans laquelle les exemptions demandées s’appliquaient aux renseignements précis en cause; toutefois, elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau — Les types de préjudices énoncés à l’alinéa 20(1)c) sont disjonctifs — La demanderesse devait démontrer que la communication des renseignements entraînerait des pertes financières importantes ou porterait grandement atteinte à sa position concurrentielle — La demanderesse n’a soumis aucune preuve pour corroborer son allégation portant que la SRC utiliserait les renseignements pour poursuivre sa campagne médiatique négative — Les préoccupations de la demanderesse quant à la possibilité d’une couverture médiatique négative future ne suffisaient pas pour justifier le caviardage des renseignements du bail et de la modification du bail qu’elle souhaitait protéger — La demanderesse a également omis de démontrer en quoi la communication de renseignements précis dans les deux conventions porterait atteinte à la position concurrentielle de la demanderesse — Par conséquent, la demanderesse n’a pas démontré que les renseignements devaient être exemptés de divulgation en vertu de l’alinéa 20(1)c) — Quant à l’alinéa 20(1)d), cette disposition prévoit une exemption obligatoire pour les renseignements « dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers » — La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, puisqu’elle n’a pas démontré d’attente raisonnable que les négociations contractuelles réelles soient entravées par la divulgation — Au mieux, elle a soulevé une preuve de pression concurrentielle accrue, mais cela ne suffisait pas pour établir le préjudice nécessaire — La demanderesse n’a pas démontré que la communication de ces renseignements nuirait aux négociations contractuelles ou autres, ou y porterait atteinte; par conséquent, l’exemption prévue à l’alinéa 20(1)d) ne pouvait pas être invoquée — Demande rejetée. 

American Iron & Metal Company Inc. c. Administration Portuaire de Saint John (T-1747-22, 2023 CF 1267, juge Turley, motifs du jugement en date du 21 septembre 2023, 25 p.)

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