[2022] 3 R.C.F. F-19
Concurrence
Sujet connexe : Pratique
Requêtes déposées par les défendeurs demandant divers types de réparations, y compris une ordonnance radiant la déclaration du demandeur pour absence de cause d’action valable et une ordonnance de rejet de l’action du demandeur — L’action sous-jacente recherchait des dommages-intérêts cumulés non spécifiés au nom de toutes les personnes qui ont vendu des biens immobiliers résidentiels inscrits sur le site Multiple Listing Service (MLS) détenu et exploité par la défenderesse Toronto Regional Real Estate Board (TRREB), depuis le 11 mars 2010 — Le demandeur a allégué que certains des défendeurs (défendeurs des maisons de courtage) avaient contrevenu au paragraphe 45(1) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 en complotant ou en concluant un accord ou un arrangement pour fixer, maintenir, augmenter ou contrôler le prix de la fourniture de services de courtage qu’ils fournissent aux acheteurs de biens immobiliers résidentiels dans la région du Grand Toronto (RGT) — Il a en outre allégué que les autres défendeurs (défendeurs des associations[1] et défendeurs du franchiseur[2]) se sont faits complices et conseillers dans cette violation alléguée de l’article 45, en contravention des paragraphes 21(2) et 22(1) du Code criminel, L.R.C. (1985) ch. C-46 — La TRREB et l’Association canadienne de l’immobilier (ACI) sont des associations professionnelles sans but lucratif dont les membres comprennent les défendeurs des maisons de courtage[3], des courtiers et des vendeurs — Le demandeur a allégué que les défendeurs du franchiseur et les défendeurs des associations ont conseillé, aidé, encouragé, soutenu et obligé leurs membres à participer à l’arrangement et à le maintenir, en contravention de l’article 45 de la Loi sur la concurrence — Le demandeur a allégué que, pour devenir membre de la TRREB ou de l’ACI, les maisons de courtage doivent accepter de se conformer aux règles de la TRREB ou à celles de l’ACI — Il s’agissait de déterminer si la déclaration révélait une cause d’action valable au sens du paragraphe 45(1) de la Loi sur la concurrence; si la déclaration soulevait une conduite pouvant constituer une aide, un encouragement ou un conseil au soutien d’un complot criminel au sens des paragraphes 21(1) et 22(1) du Code criminel; si l’article 36 de la Loi sur la concurrence s’applique à un défendeur qui est partie à un arrangement contesté en vertu des articles 21(1) et 22(1) du Code criminel; si les demandes du demandeur sont prescrites — Le critère permettant d’examiner si les arguments révèlent une cause d’action valable consiste à déterminer « s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que chacune des demandes formulées [...] ne révèle aucune cause d’action raisonnable » — Il est fait valoir dans la déclaration qu’une règle de l’ACI et quatre règles de la TRREB, prises ensemble, constituent un arrangement qui tombe sous le coup du paragraphe 45(1) de la Loi sur la concurrence — Il est soutenu dans la déclaration qu’en adhérant à la TRREB et en maintenant son adhésion, et en acceptant expressément de se conformer aux règles de la TRREB et aux règles de l’ACI, chaque défendeur des maisons de courtage a accepté de conclure l’arrangement — L’allégation du demandeur concernant l’accord tripartite global entre l’ACI, la TRREB et l’Ontario Real Estate Association pouvait également être considérée comme pertinente en ce qui concerne cette question — Les faits étaient suffisants pour satisfaire aux exigences permettant d’invoquer les éléments « accord ou arrangement » et « entre concurrents » du paragraphe 45(1) de la Loi sur la concurrence — La déclaration ne contenait pas de faits pertinents suffisants permettant d’établir l’actus reus du complot — Par conséquent, les demandes relatives au complot, à l’accord ou à l’arrangement allégués pour « fixer », « maintenir » ou « augmenter » le prix des services de courtage dans la RGT pendant la période pertinente ont été radiées — Il n’était pas évident ni manifeste que la règle relative à la commission du courtier de l’acheteur ne constitue pas l’actus reus prévu à l’alinéa 45(1)a) de la Loi sur la concurrence — Les défendeurs ont déclaré que lorsque l’article 45 de la Loi sur la concurrence a été modifié en 2010, le Parlement a supprimé le texte législatif qui prévoyait expressément qu’une intention subjective d’adopter un comportement interdit par l’ancien libellé de l’article 45 n’était pas nécessaire — Il n’était pas évident ni manifeste que la mens rea subjective était requise immédiatement avant l’insertion de la disposition susmentionnée dans la Loi sur la concurrence en 1986, alors que cette disposition figurait initialement au paragraphe 32(1.3) — Lorsque le Parlement a décidé d’établir une exigence subjective de mens rea pour une autre des dispositions de la Loi sur la concurrence en 1999, il a inclus un libellé explicite à cet effet dans cette législation — Cela suggère que, si le Parlement avait voulu que la deuxième exigence de mens rea de l’article 45 devienne une norme subjective, il l’aurait fait explicitement — Il n’était pas évident ni manifeste que l’alinéa 45(1)a) devait être interprété comme comportant une double exigence d’intention subjective, de sorte que l’allégation portant que le demandeur n’a pas dûment invoqué une telle intention était fatale à sa cause — Les arguments du demandeur concernant la mens rea soulevaient une affaire très défendable et ils « méritaient d’être examinés » — Il peut être raisonnablement déduit du libellé de la règle relative à la commission du courtier de l’acheteur qu’un entrepreneur raisonnable qui connaît bien le secteur de l’immobilier résidentiel dans la RGT conclurait probablement que cette règle avait pour but ou pour objet au moins certaines formes de « contrôle » du prix des services de courtiers collaborateurs — La déclaration révélait une cause d’action valable en ce qui concerne l’arrangement allégué entre les défendeurs des maisons de courtage pour « contrôler » le prix de la fourniture de services de courtiers collaborateurs dans la RGT pendant la période pertinente — La déclaration plaidait vraisemblablement que la conduite des défendeurs des associations et des défendeurs des maisons de courtage était susceptibles de constituer une aide, un encouragement ou un conseil au soutien d’un complot criminel au sens des paragraphes 21(1) et 22(1) du Code criminel — L’interprétation des mots « a eu » dans le paragraphe 36(1) de la Loi sur la concurrence envisage le type de comportement allégué chez les défendeurs des associations et les défendeurs des maisons de courtage — Il n’était pas évident ni manifeste que le sens grammatical et ordinaire des mots « a eu un comportement » se limite aux personnes qui ont effectivement commis un type de geste décrit dans la partie VI de la Loi sur la concurrence, en l’occurrence la conduite décrite à l’alinéa 45(1)a) — On peut raisonnablement soutenir qu’une personne dont il est établi qu’elle a participé à une infraction décrite à l’alinéa 45(1)a) est, au sens du paragraphe 21(1) ou du paragraphe 22(1) du Code criminel, une personne qui « a eu » ce comportement, au sens du paragraphe 36(1) de la Loi sur la concurrence — Il n’était pas évident ni manifeste que la demande du demandeur était prescrite deux ans avant le dépôt de la déclaration initiale le 1er avril 2019 — Le régime établi par le paragraphe 36(4) de la Loi sur la concurrence appuie également la thèse selon laquelle la règle de la possibilité de découvrir est censée s’appliquer au délai de prescription — Compte tenu de l’application du principe de la découverte, le délai de prescription prévu au paragraphe 36(4) ne commence pas à courir avant que « la date à laquelle [le demandeur] a découvert les faits importants sur lesquels repose sa demande ou encore à la date à laquelle il les aurait découverts s’il avait fait preuve de diligence raisonnable » — Il n’était pas évident ni manifeste que le représentant du demandeur avait eu connaissance de la règle relative à la commission du courtier de l’acheteur avant le dépôt de la déclaration initiale — Requêtes des défendeurs des maisons de courtage et des défendeurs des associations rejetées en partie; requête des défendeurs du franchiseur accueillie en partie.
Sunderland c. Toronto Regional Real Estate Board (T-595-21, 2023 CF 1293, juge en chef Crampton, motifs du jugement en date du 25 septembre 2023, 70 p. + 19 p.)
[1] La TREB et l’Association canadienne de l’immobilier (ACI) (collectivement les défendeurs de l’association).
[2] RE/MAX Ontario-Atlantic Canada, Inc. exploitée sous le nom RE/MAX Integra, Century 21 Canada, société en commandite, Residential Income Fund L.P., Sutton Group Realty Services Ltd. et HomeLife Realty Services Inc. (collectivement les défendeurs du franchiseur).
[3] Services immobiliers Royal LePage Ltée, Right at Home Realty Inc., Forest Hill Real Estate Inc., Max Wright Real Estate Corporation, Harvey Kalles Real Estate Ltd., Chestnut Park Real Estate Limited et iPro Realty Ltd. (collectivement les défendeurs des maisons de courtage).